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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

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R A P P O R T D’ I N F O R M A T I O N


Présenté à la suite de la mission effectuée en Italie
du 14 au 17 juin 2011

par une délégation du



GROUPE D’AMITIÉ FRANCE- ITALIE (1)





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(1) Cette délégation était composée de MRudy Salles, Président, Mmes Muriel Marland-Militello, Henriette Martinez, Marie-Line Reynaud, et de MM. Didier Mathus, Jean-Marie Rolland et Michel Lefait.

SOMMAIRE

INTRODUCTION 7

I. Une visite opportune dans un contexte évolutif 8

A. Une situation politico institutionnelle évolutive 8

1. Le rejet populaire de l'énergie nucléaire 8

2. L'échec de la majorité aux élections municipales 10

3. Les difficultés budgétaires et financières 13

B. Un contexte bilatéral favorable 14

1. Un partenaire de premier plan 14

2. Des tensions apaisées 17

II. Lampedusa, porte de l’europe 20

A. Du paradis à l’enfer 22

B. l’Italie face à la pression migratoire 24

C. la nécessité d’une plus grande solidarité européenne 29

INTRODUCTION

Une délégation du groupe d'amitié France-Italie de l'Assemblée nationale s'est rendue à Rome et à Lampedusa du 14 au 17 juin 2011, à l'invitation de la Chambre des députés italienne et du Président du groupe d'amitié Italie-France, M. Gianni Farina, député, représentant les Italiens de l’étranger (section Europe).

Conduite par M. Rudy Salles, député (NC) des Alpes-Maritimes, président du groupe d'amitié, la délégation était en outre composée de Mme Muriel Marland-Militello, députée (UMP) des Alpes-Maritimes, M. Didier Mathus, député (SRC) de la Saône-et-Loire, vice-présidents du groupe d'amitié, Mme Henriette Martinez, députée (UMP) des Hautes-Alpes, M. Jean-Marie Rolland, député (UMP) de l’Yonne, secrétaires du groupe d'amitié, Mme Marie-Line Reynaud, députée (SRC) de la Charente et M. Michel Lefait, député (SRC) du Pas-de-Calais, membres du groupe d'amitié. Cette mission faisait suite à la réception du groupe d’amitié italien organisée en juin 2010. La dernière visite remontait à 2004.

Quelques semaines après les élections municipales et au lendemain des référendums organisés en Italie les 12 et 13 juin, la visite de la délégation française s’inscrivait dans un contexte politique et institutionnel favorable. De fait, le programme d’entretiens élaboré par la Chambre des députés italienne a permis de bien appréhender les évolutions politiques en cours en Italie et d’aborder nombre de sujets qui font l’actualité de la relation bilatérale. Il répondait, en outre, à la demande de la délégation de se rendre dans l’île de Lampedusa afin de prendre la mesure de la situation migratoire à laquelle est confrontée la République italienne depuis plusieurs mois.

Cette visite a incontestablement mis en relief la convergence de vues entre l'Assemblée nationale et la Chambre des députés italienne. Et si l’expression de « diplomatie parlementaire » est parfois jugée inadéquate, force est de constater que les échanges interparlementaires permettent d’approfondir utilement la compréhension mutuelle des peuples.

Les membres de la délégation ont été extrêmement sensibles à la qualité de l'accueil qu'ils ont reçu, tant à Rome qu’à Lampedusa. Ils tiennent à exprimer à M. Gianfranco Fini, Président de la Chambre des députés italienne, et à M. Gianni Farina, leurs plus vifs remerciements.

La délégation remercie également Son Excellence M. Jean-Marc de la Sablière, Ambassadeur de France en Italie, ainsi que ses collaborateurs pour leur affabilité, leur disponibilité et leur efficacité.

I. Une visite opportune dans un contexte évolutif

A. Une situation politico institutionnelle évolutive

Par l’effet du hasard – mais le hasard fait bien les choses –, la délégation est arrivée à Rome au lendemain des référendums des 12 et 13 juin 2011, dans un contexte évolutif sur le plan politique et institutionnel, à la suite des élections municipales intervenues quelques semaines auparavant.

1. Le rejet populaire de l'énergie nucléaire

Les 12 et 13 juin derniers, le peuple italien s’est prononcé, à l’occasion d’un référendum, à une large majorité en faveur du renoncement à l’énergie nucléaire. Pour la première fois, en seize ans, après six tentatives infructueuses, une consultation référendaire d’initiative populaire a réuni, avec un taux de participation de 57 %, le quorum de 50 % des suffrages plus une voix requis par la Constitution pour la rendre valide.

Il s’agissait de référendums abrogatifs, issus d’une initiative du parti d’opposition Italie des Valeurs et portant sur quatre lois relatives, pour deux d’entre elles, à la privatisation du service public de l’eau et, pour les deux autres, à l’empêchement légitime consistant en une immunité judiciaire accordée au Président du Conseil pendant dix-huit mois et à l’énergie nucléaire.

L'Italie avait abandonné l'énergie nucléaire en 1987 après un référendum organisé à la suite de la catastrophe de Tchernobyl. Le retour à l'atome était néanmoins un objectif du Président du Conseil, M. Silvio Berlusconi, en raison de la forte dépendance énergétique de l’Italie puisque celle-ci importe 80 % de ses besoins. La loi du 9 juillet 2009 ouvrait ainsi la voie à la réintroduction de l’énergie nucléaire.

Compte tenu de l’impact médiatique très important en Italie, pays exposé au risque sismique, de l’accident de Fukushima du 11 mars dernier et en raison également des risques politiques que faisait peser sur le gouvernement la coïncidence des questions référendaires sur le nucléaire et les autres sujets, le gouvernement italien a tout d’abord décidé un moratoire d’un an sur le nucléaire via un décret-loi « omnibus » du 31 mars 2011 (abrogation des dispositions relatives à la localisation et à la construction des centrales nucléaires).

Au mois de mai 2011, le gouvernement a franchi une étape supplémentaire en prenant l’initiative de faire abroger, au moyen d’un amendement à une autre loi « omnibus », les dispositions législatives relatives au nucléaires soumises à référendum ; et ce, dans le but de vider ce référendum de sa substance et de le faire annuler de peur qu'il n'empêche un retour définitif à la production d'énergie nucléaire. En outre, une telle annulation aurait sans doute eu pour conséquence de limiter la mobilisation de l'électorat pour les autres questions également soumises à référendum. Atteindre le quorum aurait alors été plus difficile, ce qui aurait pu entraîner l'invalidité de ces consultations.

Or, le 1er juin 2011, l’Office central pour le référendum de la Cour de Cassation a décidé de maintenir le référendum relatif à l’énergie nucléaire.

La forte mobilisation des électeurs italiens et la clarté du résultat de la consultation empêchent bien évidemment la reprise de la production de cette énergie, dans un contexte marqué par ailleurs par la décision de « sortie du nucléaire » prise par la Chancelière allemande et la coalition parlementaire qu’elle dirige. Il s’agit également d’un échec important pour le Président du Conseil, déjà fragilisé par les résultats des élections municipales du mois de mai 2011.

2. L'échec de la majorité aux élections municipales

En effet, les élections municipales qui se sont déroulées les 15-16 et 29-30 mai 2011 ont été marquées par le basculement à gauche de la ville de Milan, capitale économique de l’Italie, ville natale de Silvio Berlusconi et fief de son parti politique, le Peuple de la Liberté. A l’issue de ces élections, l’opposition de gauche a conquis Milan, Cagliari, Trieste, Mantoue, Pavie et conservé trois capitales régionales : Naples, Turin, Bologne.

La perte de Milan a constitué un revers majeur pour le Président du Conseil italien, qui avait fait de cette élection locale un test de popularité nationale. Cet échec souligne l’impact négatif des scandales et des affaires judiciaires en cours non seulement sur sa popularité personnelle mais encore sur celle de la droite italienne.

Les analystes considèrent que le chef du gouvernement en est affaibli personnellement et politiquement, l’opinion percevant de manière négative l’action du gouvernement, plus orientée vers les réformes ad hominem, en matière de justice notamment, que vers les préoccupations concrètes des électeurs en période de crise économique. En outre, la tempête médiatique provoquée par « l’affaire Ruby » a exacerbé des conflits institutionnels existants ou latents entre le Président du Conseil et la magistrature, la presse, le patronat et l’Église.

En réalité, la majorité politique est affaiblie depuis l’été 2010 et la rupture avec M. Gianfranco Fini, Président de la Chambre des députés. Celui-ci a quitté le Peuple de la Liberté (PdL), parti du Président du Conseil, pour créer son propre parti et un groupe parlementaire autonome : Futur et Liberté pour l’Italie (FLI). Dans ce contexte, la majorité à la Chambre des députés est fragilisée : en effet, en décembre 2010, la Chambre a rejeté avec seulement trois voix de majorité une motion de censure déposée par M. Fini et ses alliés centristes de l’Union du Centre (UdC). Au Sénat, en revanche, la majorité demeure plus confortable.

La coalition majoritaire est désormais constituée de deux partis : le PdL et la Ligue du Nord, parti régionaliste présidé par M. Umberto Bossi qui est devenu de fait le personnage clé de la majorité.

Or, la défaite enregistrée aux élections municipales atteint, au-delà du Président du Conseil, l’ensemble de la coalition majoritaire. Pour la première fois lors de ce type d’élections, on a observé un reflux de la Ligue du Nord dans les régions septentrionales où elle est implantée historiquement. Elle n’est pas parvenue à s’imposer comme la première force politique au Nord de l’Italie. Ce contexte électoral délicat a engendré un certain nombre de tensions au sein à la fois de la Ligue du Nord et de la majorité. La question de savoir si la législature ira jusqu’à son terme naturel, en avril 2013, est désormais posée. Celle de la succession du Président du Conseil également.

Ces tensions résultent notamment de la difficulté de mener à bien les réformes annoncées, en particulier en matière de fédéralisme fiscal et d'allègement de la fiscalité des entreprises
– exigence et condition du maintien de l’alliance de la Ligue du Nord avec le PdL, compte tenu de la situation économique et budgétaire de l’Italie, fragilisée par la crise.

Composition du Parlement italien 1

CHAMBRE DES DEPUTES (630 sièges)

Président : M. Gianfranco Fini (FLI)

- Majorité gouvernementale (coalition de M. Silvio Berlusconi)

306 sièges (45,5 %)

Peuple de la liberté (PdL) : 228 sièges (36 %)

Ligue du Nord : 59 sièges (9,5 %)

- Futur et Liberté pour l’Italie (partisans de M. Fini) :

29 sièges (4,5 %)

- Union du Centre (UDC) de M. Pierferdinando Casini :

36 sièges (6 %)

- Opposition de centre gauche :

228 sièges (36 %)

Parti Démocrate (PD) : 206 sièges (32 %)

Italie des valeurs (partisans de M. Antonio Di Pietro) : 22 sièges (4 %)

- Diverses formations centristes ou non inscrites : 50 sièges (8 %)

SENAT (315 sièges + 7 sénateurs à vie)

Président : M. Renato Schifani (PdL)

- Majorité gouvernementale :

164 sièges (52 %)

Peuple de la Liberté : 137 sièges (43,5 %)

Ligue du Nord : 25 sièges (8,1 %)

- Futur et Liberté pour l’Italie :

10 sièges (4 %)

- Opposition de centre gauche :

132 sièges (38 %)

Parti démocrate : 118 sièges (33,7 %)

Italie des valeurs : 14 sièges (4,3 %)

- Union du Centre (UDC) : 3 sièges (5,5 %)

- Mouvement pour l’autonomie : 2 sièges (0,5 %)

- Diverses formations mineures : 6 sièges

3. Les difficultés budgétaires et financières

Troisième économie européenne après l’Allemagne et la France, l’Italie enregistre cependant une croissance faible depuis une décennie, avec, de plus, une perspective de quasi-stagnation pour l’année 2011.

Après un premier plan de rigueur d’un montant de 25 milliards d’euros, adopté pour trois ans en mai 2010 dans le but de réduire le déficit budgétaire (4,6 % du PIB en 2010) et de diminuer la part de la dette dans le PIB (1 800 milliards d'euros, soit 118,5 % du PIB en 2010), le gouvernement a soumis au mois de juillet 2011 au Parlement une loi de finances rectificative contenant un nouveau plan d'austérité pour la période 2012-2014 d’un montant de 48 milliards d’euros2 afin d’atteindre un quasi équilibre budgétaire en 2014, de réduire mécaniquement le service de la dette et de rassurer les marchés qui craignent une contagion de la crise grecque à la péninsule italienne. L'agence de notation « Standard & Poor's » a assorti en mai 2011 la note A+ de l’Italie d’une perspective négative du fait de la faiblesse de sa croissance, ce qui pourrait laisser augurer d'une dégradation de sa notation dans les prochains mois. S'agissant d'un pays fondateur de l'Union européenne, membre de la zone euro, cette éventualité risquerait de déclencher une crise européenne grave.

Dans un contexte de repli de la bourse de Milan et de grande nervosité des marchés financiers, le Président du Conseil a réclamé l'unité nationale le 12 juillet 2011, en vue de l'adoption, sous forme de loi de finances rectificative, du plan de rigueur par le Parlement. Sous la pression de la Banque centrale européenne, une nouvelle loi de finances rectificative portant 45 milliards d’euros d’économies supplémentaires a été présentée par le gouvernement au Parlement au début du mois de septembre 2011 en vue de parvenir à l’équilibre budgétaire dès 2013.

B. Un contexte bilatéral favorable

Les échanges franco-italiens sont denses, à la mesure de la coopération avec un membre fondateur de l'Union européenne, grand partenaire frontalier de la France et qui lui est étroitement lié par les relations économiques, la culture et l'histoire. Les relations bilatérales ont surmonté, au début de l'année 2011, trois sujets de désaccord relatifs respectivement à la politique migratoire, à l'attitude face à la Libye et aux questions économiques et industrielles.

1. Un partenaire de premier plan

Les relations culturelles franco-italiennes sont traditionnellement riches. L'Italie demeure le partenaire culturel le plus prestigieux de la France avec une présence forte et ancienne, attestée en particulier par la villa Médicis et l'Ecole française de Rome. Les réseaux d'enseignement français comprennent cinq établissements dont trois lycées et deux collèges. S'y ajoutent une cinquantaine d'Alliances françaises.

Le français demeure la seconde langue étrangère étudiée en Italie en dépit de la réforme de l'enseignement des langues vivantes adoptée en 2008, qui rend optionnel l'apprentissage d'une seconde langue vivante au collège. L'entrée en application de cette réforme en septembre 2010 n'a néanmoins pas encore produit son plein effet sur la place du français qui risque malheureusement de se trouver atténuée. L'accord relatif à la double délivrance du baccalauréat et de l'Esame di Stato, signé en 2009, a commencé à entrer en application à la rentrée 2010 ; ce qui permet de faciliter l'accès mutuel à l'enseignement supérieur en valorisant une formation bilingue et culturelle dispensée au cours de l'enseignement secondaire.

Dans le domaine de l'armement, l'Italie est notre premier partenaire. La France et l'Italie sont engagées conjointement dans de nombreux programmes d'équipements de défense, en particulier dans les secteurs naval et spatial. Cette coopération s'appuie notamment sur la constitution de sociétés communes. Lors du sommet bilatéral qui s'est tenu à Nice en 2007, a été signé un accord portant création d'un Conseil franco-italien de défense et de sécurité (CFIDS). En 2010, le CFIDS a décidé de créer une brigade alpine conjointe franco-italienne et de renforcer la concertation sur l'Europe de la défense, notamment pour la gestion des crises humanitaires.

Sur le plan économique, les deux pays sont, l'un pour l'autre, le deuxième partenaire commercial (avec 66 milliards d'euros d'échanges en 2010, légèrement bénéficiaires pour l'Italie). L'Italie est à la fois le deuxième client de la France, absorbant 31,4 milliards d'euros d'exportations françaises en 2010, et son quatrième fournisseur (34,6 milliards d'euros).

La part de marché de la France en Italie demeure élevée, avec 8,5 %. La France est en particulier le premier fournisseur étranger de produits agro-alimentaires, l'Italie représentant le premier débouché pour les ventes de produits agro-alimentaires français. L’Italie est également un des débouchés privilégiés pour les exportations françaises d'automobiles et de produits métallurgiques tandis que la France en importe une part significative (24 %) de ses biens d'équipement.

Relations économiques franco-italiennes

Commerce bilatéral

2008

2009

2010

Classement du pays (2010)

2e client et 4e fournisseur de la France

Exportations françaises

Importations françaises

Solde

Echanges globaux

Part de marché de la France

35 896

39 203

-3 307

75 099

8,5 %

28 261

31 049

-2 788

59 310

8,8 %

31 400

34 600

-3 200

66 000

8,5 %

Structure sectorielle des échanges (2008)

Exportations françaises Importations françaises

Agroalimentaire (17 %) Biens d’équipement (24 %)

Automobile (12 %) Produits métallurgiques (13 %)

Métallurgie (10 %) Textile, habillement (11 %)

Investissements directs

2007

2008

2009

   

Flux d’IDE sortant de France

Rang du pays dans les flux d’IDE

Stocks d’IDE détenus par la France

17 242

3e

41 062

2 095

11e

42 834

954

20e

45 573

Implantations françaises en Italie

Nombre d’entreprises : 1 156

Nombre d’emplois :

276 220

Implantations italiennes en France

Nombre d’entreprises : 630

Nombre d’emplois : 100 000

Sources : douanes françaises, Banque de France en millions d’euros

S'agissant des investissements directs à l'étranger (IDE) réalisés en Italie, ils proviennent pour une large part de France (environ 20 % du stock), la France étant le deuxième investisseur étranger après les Pays-Bas. Le stock d'IDE français en Italie s'élevait fin 2009 à 45,5 milliards d'euros.

Les investissements directs français en Italie concernent l'ensemble des secteurs économiques, les groupes français étant présents aussi bien dans la grande distribution, l'énergie que les banques et les assurances. Le secteur de l'énergie concentre environ 10 % des investissements français. Dans l'industrie, la France est présente dans les biens d'équipement et les produits intermédiaires. Dans le secteur des transports, Air France-KLM a pris en 2009 le contrôle de 25 % de Alitalia et la SNCF contrôle également 25 % du groupe ferroviaire privé NTV concurrent de Trenitalia.

D'une manière générale, ce sont les secteurs à fort contenu technologique qui représentent aujourd'hui les opportunités d'affaires les plus intéressantes. Dans ces secteurs en effet, l'Italie, forte de son savoir-faire mondialement reconnu, recherche des partenaires internationaux (aérospatiale, industrie des composants automobiles, chimie, mécanique, télécommunications et informatique, industrie pharmaceutique et biotechnologique). Dans le domaine nucléaire, le référendum italien aura pour conséquence de réorienter les programmes de coopération des entreprises françaises vers la formation et la sûreté.

2. Des tensions apaisées

La France poursuit ses investissements avec un dynamisme qui peut parfois susciter des incompréhensions en Italie, notamment quand il s'agit de secteurs emblématiques, tels que le luxe ou la mode (prise de contrôle de marques fortement identitaires comme Bulgari, Fendi par le groupe LVMH ou de Gucci par le groupe PPR, lequel a également annoncé son intérêt pour la maison de joaillerie Pomellato) ou encore le secteur de l'énergie (vives réactions suscitées en Italie par les projets de renforcement de la participation d'EDF dans la société Edison3).

Mais en mars 2011, c'est avec le renforcement de la participation du groupe laitier français Lactalis dans le groupe Parmalat, fleuron de l'industrie agroalimentaire italienne, que la tension a culminé, en raison de l'hostilité déclarée du conseil d'administration de Parmalat et de M. Giulio Tremonti, ministre de l'Économie et des finances italien qui entendait sauvegarder « l'italianité » des entreprises. C'est ainsi que le 23 mars 2011 a été adopté un décret autorisant les entreprises italiennes à repousser la date de leurs assemblées générales afin de permettre à Parmalat de gagner du temps pour réunir des capitaux et contrer le cas échéant l'offensive du groupe Lactalis.

« Arrogance française contre susceptibilité italienne ». Les médias français et italiens ont abondamment relayé voire amplifié le désaccord franco-italien, l'annonce par l'entreprise française du lancement de son offre publique d'achat intervenant, en outre, le jour même du sommet annuel franco-italien, le 26 avril…

L'autorité italienne des marchés financiers a cependant donné, le 13 mai, son feu vert à l'OPA. Depuis le 8 juillet 2011, date de la clôture de cette offre publique d'achat, Lactalis contrôle 83 % du groupe Parmalat.

Lors du sommet franco-italien, le Président du Conseil italien, plus nuancé que son ministre de l'Économie, a réaffirmé la liberté de concurrence des acteurs privés au sein de l'Union européenne et son souhait de voir se créer de grands groupes européens.

Le sommet a également apporté une certaine détente dans le dossier EDF-Edison, en mettant en place une concertation renforcée, via la constitution d'un groupe de travail informel animé par les secrétaires généraux de l'Élysée et de la présidence du Conseil italienne. L'objectif est de parvenir à une gouvernance équilibrée et efficace de cette société au service d'un projet industriel commun.

Sur le fond, selon l'ambassade de France, les relations sont équilibrées : « il n'y a pas, d'un côté le méchant loup français et, de l'autre, le petit Chaperon rouge italien » ; et du point de vue des échanges commerciaux, en effet, c'est l'Italie qui affiche un léger excédent.

Dans le domaine des relations internationales, le sommet du 26 avril a utilement permis aux deux pays d'atteindre une convergence de vues sur le dossier libyen, après une période difficile en raison de l'approche initialement très conservatrice de l'Italie, inquiète des répercussions économiques, migratoires et sécuritaires de la crise libyenne. Compte tenu des relations privilégiées entretenues avec son ancienne colonie et des « liens d'amitié » entre le colonel Khadafi et le Président Berlusconi, celui-ci aurait préféré la recherche d'une solution strictement diplomatique. Après avoir été quelque peu froissé de ne pas être associé aux négociations préalables à l'intervention en Libye, le gouvernement italien a néanmoins annoncé sa décision d'y participer à la veille du sommet. L'Italie a été le troisième pays à reconnaître le Conseil national de transition (CNT) comme seul interlocuteur légitime, après la France et le Qatar. La forte capacité d'influence de l'Italie sera précieuse pour contribuer à la construction d'une Libye nouvelle et pacifiée.

Enfin, le troisième désaccord à l'ordre du jour du sommet bilatéral portait sur le débarquement massif de Tunisiens sur l'île de Lampedusa. Ces arrivées, consécutives à la « révolution de jasmin », ont débuté en décembre 2010 et se sont amplifiées après la chute du régime de Ben Ali, le 14 janvier 2011. La destination finale de ces Tunisiens était pour une grande majorité d'entre eux la France, l'Italie ne constituant dans leur esprit qu'une étape. Cette question sera abordée dans la deuxième partie du présent rapport.

Depuis la fin avril 2011, une fois les difficultés surmontées, les relations franco-italiennes sont redevenues bonnes : ainsi que les a caractérisées l’ambassadeur de France, « examinées sur le long terme, elles connaissent beaucoup de hauts et seulement quelques bas »4.

Il convient de souligner en effet que, sur le plan européen et international, les politiques étrangères françaises et italiennes sont largement convergentes. S'agissant de l'Europe, en effet, l'Italie souhaite jouer un rôle moteur et partage avec la France la volonté de bâtir, sur la base du traité de Lisbonne, une Europe plus efficace au service des citoyens, grâce à des institutions plus réactives et plus démocratiques. Comme la France, elle est favorable au renforcement des coopérations structurées permanentes, en matière de défense et de coordination économique notamment.

Enfin il ressort des entretiens avec les parlementaires italiens une volonté partagée d'imprimer une marque méditerranéenne plus affirmée au sein de l'Europe, en matière de coopération en premier lieu. Cela relève de la nécessité pour tous ceux qui ont vu Lampedusa.

II. Lampedusa, porte de l’europe

Géographiquement, l’île de Lampedusa, d’une superficie de 20,4 km², est située plus près des côtes de l’Afrique que de celles de l’Europe puisqu’elle se trouve à 113 kilomètres de la Tunisie et à 200 kilomètres de la Sicile. Elle se situe sur le plateau continental africain face au golfe de Gabès.

Cette île paradisiaque, peuplée de 5 000 habitants l’hiver et de 30 000 en été, tire traditionnellement ses ressources de la pêche et du tourisme. Mais ce sont des personnes bien différentes de ses habitants ou visiteurs habituels que l’île accueille, sporadiquement depuis quelques années, et massivement depuis la fin 2010.

Situation géographique de l’île de Lampedusa

Source : Radio France internationale

A. Du paradis à l’enfer

La « révolution de jasmin », qui a débuté en Tunisie en décembre 2010, a entraîné un exode maritime massif au premier trimestre 2011, notamment parmi la population jeune et masculine en quête d’opportunités économiques, en direction des côtes siciliennes, et en tout premier lieu, de l’île de Lampedusa.

A compter du 5 avril 2011, à la suite d’un accord conclu entre le gouvernement italien et le gouvernement de transition tunisien, pour permettre notamment le rapatriement par avion5 des ressortissants tunisiens, les arrivées en provenance de Tunisie se sont réduites de manière significative. Elles ont été cependant relayées par des débarquements massifs, pouvant atteindre un millier de personnes par jour, mais irréguliers en provenance de Libye : l’irrégularité de ces débarquements s’explique non seulement par les conditions météorologiques mais encore par la volonté du pouvoir libyen d’alors de remplir au maximum les bateaux au mépris des dangers encourus par leurs passagers. En effet, outre les personnes cherchant à fuir volontairement le territoire de la Libye, débarquent en Sicile de pauvres hères chassés et embarqués de force par le régime du colonel Kadhafi.

Il s’agit, pour l’essentiel, d’une main-d’œuvre immigrée en provenance notamment de pays d’Afrique sub-saharienne, du Pakistan et du Bangladesh, arrivée en Libye soit à la demande des autorités libyennes pour contribuer à l’exploitation des ressources naturelles qui font la richesse de ce pays, soit volontairement dans l’attente de pouvoir rejoindre un pays européen.

La Libye, qui compte 2,5 millions d’immigrés pour 6 millions de ressortissants libyens, est ainsi devenue un carrefour pour l’immigration clandestine et Lampedusa, un point de passage obligé vers l’Europe.

À compter de mars 2009 toutefois, à la suite d’un accord de coopération dans le domaine de la lutte contre l’immigration clandestine, signé entre le gouvernement libyen et le gouvernement italien, les autorités libyennes d’alors avaient bloqué les tentatives de départ grâce notamment à la mise à disposition par l’Italie de vedettes pour surveiller les côtes.

Or, dans le contexte de crise politique et militaire que connaît la Libye, ces immigrés en grand nombre se sont transformés en une population indésirable, utilisée par le régime du colonel Kadhafi comme moyen de rétorsion contre les pays européens participant à l’intervention de l’ONU. Les migrants font ainsi état de remarques des autorités militaires et policières chargées de remplir les bateaux sur la volonté de Kadhafi d’envahir et d’islamiser « l’Europe blanche ».

C’est ainsi que les flux en provenance de Libye représentent désormais la première route de l’immigration vers la péninsule italienne. Au total, à la date du 6 juin 2011, le nombre de migrants clandestins débarqués par la mer en Italie depuis le 1er janvier s’élève à 43 000 dont 2 049 femmes et 2 001 mineurs. La majorité est venue de Tunisie (24 362 personnes) suivie par la Libye (16 603 personnes). Les autres provenances sont très minoritaires6.

En dépit des moyens exceptionnels de secours mis en œuvre par l’Italie, un certain nombre de personnes n’arrivent pas à destination : selon la communauté catholique Sant’Egidio, au moins 1 820 immigrants se sont malheureusement noyés depuis le début janvier en Méditerranée. Ils voyageaient sur des navires surchargés et en mauvais état, pour des tarifs souvent exorbitants exigés par des passeurs sans scrupule qui les abandonnaient parfois au large des côtes7. A Lampedusa, sont ainsi arrivées, selon les informations communiquées à la délégation, quelques dizaines de personnes, dans des conditions de naufrage ou encore des femmes sur le point d’accoucher…. Généralement, les immigrants arrivent après un voyage de plusieurs jours, dans des conditions de santé souvent préoccupantes, habillés de quelques vêtements empilés les uns par-dessus les autres.

Il est probable qu’à la faveur de la belle saison, la poursuite des raids aériens entraîne un nouvel afflux de personnes en provenance de Libye, à l’instar du débarquement, le 9 juillet dernier, de quatre embarcations transportant 1 041 personnes, dont 33 enfants et plusieurs femmes enceintes.

B. l’Italie face à la pression migratoire

Confronté à un tel afflux de population en situation de grande détresse, en pleine période hivernale, le gouvernement italien a décrété l’état d’urgence humanitaire sur le territoire national, le 12 février 2011, et nommé, au sein du département de la protection civile8, un préfet, commissaire délégué pour l’accueil et la gestion des migrants.

Ce préfet est chargé d’assurer la coordination de l’action des différents corps et services de l’État, collectivités territoriales et organisations humanitaires. Il a mis en œuvre, à compter du 7 avril 2011, un plan de gestion de l’accueil des migrants. En cette année du 150e anniversaire de l’unité italienne, l’accent a été mis sur la solidarité avec la Sicile et la participation des 22 régions italiennes, à l’exception de celle des Abruzzes durablement affectée par le tremblement de terre d’avril 2009.

L’objectif de ce plan, prévu pour une capacité d’accueil maximale de 50 000 personnes9, est triple : garantir un premier accueil à tous les immigrants à leur arrivée sur l’île de Lampedusa, les répartir ensuite de manière équitable sur le territoire italien, en fonction de l’importance démographique respective de chaque région, pourvoir à l’assistance des personnes ayant le statut de réfugiés ou titulaires d’un titre de séjour temporaire délivré par l’Italie pour des raisons humanitaires.

Lors de son déplacement à Lampedusa, la délégation a souhaité rencontrer les représentants des différents services et organisations qui participent, sur place, à l’accueil des immigrants et qui prodiguent les premiers secours, et notamment les organisations humanitaires présentes (la Croix-Rouge, l’Ordre de Malte, Médecins sans Frontières, Save the Children, …) ainsi que le Haut comité des Nations Unies pour les réfugiés (HCR). Elle a également souhaité rencontrer les représentants des services qui apportent leur concours, en tout premier lieu, aux opérations de surveillance des côtes et de contrôle de l’accès au territoire italien (garde-côtes, brigade aéronavale, garde des finances), de repérage et d’escorte des bateaux, de sauvetage des personnes (gendarmerie, détachement de plusieurs corps de l’armée de terre et naturellement protection civile). Elle a observé l’action de ces différents services et organisations.

Une assistance tant médicale que psychologique est apportée aux immigrants en situation de grande précarité. Un premier examen médical est ainsi effectué sur le port lors de leur débarquement. Dans le cas d’une difficulté sanitaire, les immigrants sont transportés vers le pôle ambulatoire de l’île dont les moyens (urgentistes, spécialistes) ont été développés. En cas de problème grave, les patients sont transférés par hélicoptère à l’hôpital de Palerme. Un code équivalent au numéro de sécurité sociale permettant l’accès aux soins et médicaments est attribué à chacun.

Les immigrants sont tout d’abord accueillis dans l’un des deux centres de secours et de premier accueil gérés par le ministère de l’Intérieur, d’une capacité totale d’environ 1 000 places (respectivement 200 et 800). Après qu’ils ont été nourris, réhydratés, soignés, vient la phase de leur identification (prise d’empreintes, de photos) et de la détermination de leur provenance, qui ne présente généralement pas de difficulté. Les informations sont recueillies au cours d’entretiens avec des médiateurs culturels, psychologues, etc.

La délégation a effectué la visite de l’un de ces centres, qui accueillait, à la date du 16 juin 2011, environ 180 personnes, majoritairement originaires d’Afrique subsaharienne.

Elle a constaté que les conditions de séjour sont bonnes ; les représentants des Nations Unies sur place ayant confirmé que ce centre d’accueil répondait aux normes en vigueur.

Le séjour à Lampedusa n’a toutefois pas vocation à durer, notamment pour des raisons de capacité d’hébergement et d’ordre public. A cet égard, les autorités italiennes, quelque peu surprises et déstabilisées par l’ampleur des flux migratoires, ont reconnu que l’île a traversé une situation très difficile au début du printemps. L’un des carabiniers, en poste permanent à Lampedusa, expliquait qu’à un moment donné, les tensions entre la population locale et les migrants avaient été fortes et la situation proche de déraper : chacun garde en mémoire en effet les images télévisées de ces personnes – dont le nombre a pu alors atteindre 6 000, bien au-delà des capacités d’hébergement –, installées dans des campements de fortune en haut d’une colline, rebaptisée « colline de la honte ». D’où l’envoi en renfort, depuis la mi-mars, dans le cadre du plan d’urgence, de personnels militaires et civils qualifiés pour sécuriser et apaiser la situation sur l’île.

Hormis ce bref moment de tension, avant que le gouvernement ne prenne la mesure de l'ampleur du phénomène, la population locale a fait preuve d’une grande solidarité, allant jusqu’à mettre en place un dispositif d’accueil animé par les habitants de l’île et offrant des produits de première nécessité, denrées, vêtements, etc.

A l’issue de leur séjour à Lampedusa, les immigrants sont transférés par les soins de la protection civile, par bateaux et voie terrestre, vers différents centres de séjour répartis dans l’ensemble des régions de la péninsule italienne, selon un critère démographique et un ratio d’une personne pour mille habitants : à titre d’exemple, la région de la Lombardie est censée accueillir ainsi 18 % des immigrants contre 0,23 % pour le Val d’Aoste. Compte tenu de l’importance démographique respective de chaque région, la solidarité nationale Nord–Sud trouve ainsi à s’appliquer dans un contexte politique qui n’est pas nécessairement des plus favorables dans certaines régions septentrionales de l’Italie. Il semblerait que les réactions oscillent entre la générosité, la compassion et un sentiment de peur… Indépendamment du contexte politique, on peut comprendre, qu’un pays qui fut pendant près d’un siècle un pays d’émigration ait besoin de temps pour accepter qu’il est désormais, lui aussi devenu, sous l’effet conjugué de l’essor économique des Trente Glorieuses et de la baisse démographique qui s’en est suivie, une terre d’immigration.

Les autorités italiennes établissent en réalité une distinction de traitement selon la provenance et la nationalité : les ressortissants tunisiens sont désormais rapatriés vers leur pays aux termes des accords conclus en avril dernier. En revanche, au premier trimestre, la décision italienne de leur accorder des visas de séjour de six mois devait leur permettre de circuler librement dans l'espace Schengen... et de gagner ainsi aisément leur pays de destination, la France pour la majorité d'entre eux. Un certain nombre d'entre eux se sont ainsi dispersés après avoir été transférés vers un centre d'accueil de la péninsule... D’où les difficultés rencontrées à la frontière franco-italienne de Vintimille durant quelques semaines, la France exigeant de la part des candidats à l'immigration des conditions de ressources et des documents en règle.

S’agissant des immigrants en provenance de Libye, il y a deux cas de figure : dès lors qu’ils sont considérés comme des victimes du régime de Kadhafi, ils sont hébergés dans les centres d’accueil pour les demandeurs d’asile (CARA) et bénéficient, à ce titre, de toutes les aides et protections prévues par les règlements internationaux. Le HCR les informe de leurs droits en la matière, en liaison avec l’Organisation internationale pour les migrations (OMI). De fait, à compter du début avril, une arrivée massive de personnes demandant à bénéficier du statut de demandeur d’asile a été enregistrée.

En revanche, les ressortissants de certains pays africains ou asiatiques tels que le Pakistan, le Bangladesh, dans lesquels les libertés fondamentales ne sont pas menacées, n’ont pas vocation à obtenir le statut de réfugié ni à demeurer sur le territoire. Aussi l’Italie étudie-t-elle actuellement, en liaison avec l’OMI, les voies d’un rapatriement volontaire pour organiser un retour dans l’ordre et la dignité pour les personnes qui n’ont pas besoin d’une protection internationale.

Le cas des mineurs, au nombre d’environ 1 500 depuis le 1er janvier, appelle, en outre, un traitement spécifique en application de la législation italienne. Relevant du régime de protection judiciaire de l’enfance, ils sont confiés à l’autorité judiciaire puis placés dans des centres appropriés, ce qui peut se révéler délicat dans le cas d’arrivées de communautés très structurées.

Enfin, la protection civile italienne prend également en charge les bateaux – ou ce qu’il en reste – ayant servi à la traversée afin de ne pas neutraliser le petit port ni l’activité portuaire et de pêche des insulaires. Environ 45 embarcations amarrées dans le port ont coulé depuis le début de l’année, plus de 200 barques ayant été sorties de l’eau et transférées vers un cimetière à bateaux créé pour la circonstance.

De retour de sa visite sur l’île de Lampedusa, organisée par la préfecture d’Agrigente, la délégation tient à rendre un hommage appuyé à l’engagement et aux sacrifices de tous les « opérationnels », civils et militaires, volontaires, bénévoles rencontrés ainsi qu’à la municipalité et aux habitants de Lampedusa : le grand professionnalisme, les synergies mises en oeuvre et le réel dévouement dont ils font preuve depuis six mois constituent un témoignage d’humanité qui fait honneur à l’Italie. Tous méritent grandement la reconnaissance de l’Europe. Le plan d’urgence mis en œuvre et coordonné par la protection civile italienne est admirable et aucun pays n’aurait fait mieux que l’Italie dans une situation aussi difficile et ingrate.

Bateau libyen dans le port de Lampedusa - 16 juin 2011

C. la nécessité d’une plus grande solidarité européenne

Après une brève période de relative incompréhension mutuelle, durant laquelle les autorités italiennes se sont plaintes du manque de solidarité des États membres de l’Union européenne, tandis que la France, pays de destination naturelle pour une large part du continent africain, s’inquiétait en particulier de la possibilité de pénétrer trop facilement sur son territoire depuis la frontière italienne, les critiques ont baissé d’intensité entre nos deux pays. De fait, la France aurait-elle fait mieux que l’Italie ? Il faut se garder de tout jugement à l’emporte-pièce sur un sujet qui se prête, dans les deux pays, à une exploitation politique et médiatique.

L’inquiétude de la France était alors légitime10, de même que le demeure l’appel à la solidarité européenne de l’Italie car la poursuite des flux en provenance de Libye inspire peu d’optimisme aux différents interlocuteurs de la délégation, dont beaucoup semblent résignés à devoir continuer, pendant de longs mois encore, à gérer des situations d’urgence plus ou moins aiguë.

Lors du sommet annuel franco-italien, qui s’est déroulé à Rome le 26 avril 2011, les chefs d’État et de Gouvernement ont pu échanger leurs points de vue et surmonter les discordances qui avaient surgi sur la question de l’immigration. Nos deux pays ont ainsi adressé, dans la perspective du Conseil européen du mois de juin, une lettre conjointe aux présidents respectivement du Conseil européen et de la Commission européenne, dans laquelle sont notamment demandés :

§ des moyens accrus pour l’agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l’Union européenne (Frontex), qui a pour mission d’aider les États membres dans le contrôle et la surveillance des frontières extérieures, la lutte contre l’immigration clandestine et la prise en charge des réfugiés,

§ l’amélioration des dispositifs de suivi et d’évaluation de Schengen,

§ un renforcement de la gouvernance et de la sécurité de l’espace Schengen, notamment par des clauses de sauvegarde en cas de circonstances exceptionnelles.

En outre, la France et l’Italie ont convenu d’accroître leur coopération avec le gouvernement tunisien, notamment pour la surveillance des côtes et ont affirmé, d’une manière générale, leur volonté de coopérer avec les pays de la rive Sud de la Méditerranée en contrepartie de leur engagement dans la lutte contre l'immigration illégale.

Le Conseil européen des 23 et 24 juin 2011 a apporté des éléments de réponse qui satisfont aux demandes franco-italiennes tout en confirmant le principe de la libre circulation des personnes.

Dans l’hypothèse de circonstances très exceptionnelles, il a été ainsi envisagé d’introduire une clause de sauvegarde afin de rétablir les contrôles aux frontières intérieures pour une durée très limitée. La Commission présentera une proposition relative à un tel mécanisme en septembre prochain. Un accord est également intervenu sur la révision du règlement Frontex en vue d’en améliorer l’efficacité. Sur ce point la Commission formulera de même des propositions concrètes d’ici la fin de l’année.

Il convient d’indiquer à cet égard qu’elle a récemment présenté des propositions législatives visant à harmoniser les traitements et les procédures d’accueil des candidats réfugiés, en vue de l’adoption en 2012, du régime d’asile européen commun.

Enfin, le Conseil européen a réaffirmé la nécessité de la solidarité de l’Union européenne et du soutien financier et opérationnel à l’égard des États membres les plus touchés par les flux migratoires. Cela fait écho à la demande italienne de partage des charges avec ses partenaires européens. Et ce, d’autant plus que l’on peut craindre le maintien d’un afflux important sur les côtes italiennes durant l’été en provenance de la Libye.

En pratique, les conséquences pour l’économie locale de l’île de Lampedusa sont extrêmement graves. Le tourisme, ressource principale, est très affecté par ces flux migratoires : à la date du 15 juin, le taux de réservation dans les structures d’hébergement pour la saison estivale était de moins de la moitié par rapport aux années antérieures ; le nombre de liaisons aériennes en haute saison a été ramené de 19 à 5 vols quotidiens vers la péninsule.

Hormis la visite à Lampedusa, le thème de l’immigration a fait l’objet de plusieurs échanges avec les interlocuteurs de la délégation à la Chambre des députés. Il s’en dégage une vision commune autour de quelques principes clés visant à mieux impliquer l’Union européenne dans ce dossier.

Au-delà des points ayant fait l’objet d’avancées concrètes lors du sommet européen du mois de juin, les parlementaires français et italiens s’accordent sur l’impérieuse nécessité de dynamiser la coopération entre l’Union européenne et les pays de la rive sud de la Méditerranée.

Outre les questions médiatiques de migrations et de sécurité, qui devront faire l’objet de partenariats entre l’UE et les pays concernés, se pose en effet celle de la coopération. Facile est la tentation des peuples de réduire à des mesures de politique migratoire le traitement de sujets plus complexes relevant de la coopération et l’aide au développement. Il incombe aux démocraties parlementaires de la rive nord de répondre aux appels en faveur de davantage de démocratie qui fleurissent depuis six mois de l’autre côté de la Méditerranée et de ne pas perdre de vue leurs engagements relatifs à l’aide publique au développement.11 A court terme, il s’agit d’apporter une réponse commune à une situation de crise ; à long terme, l’aide aux pays d’émigration est le seul moyen d’endiguer l’exode.

Les deux groupes d’amitié franco-italiens sont donc désireux d’agir en faveur d’une relance de l’Union pour la Méditerranée, plus que jamais utile pour favoriser des relations de coopération dans un espace démocratique et pacifié et demandent un renforcement substantiel de l’aide de l’Union européenne aux pays de la rive sud. Un effort communautaire, aujourd’hui en direction de la Tunisie, demain vers la Libye, est indispensable, au même titre que la lutte contre l’immigration irrégulière.

En conclusion, l’excellent accueil réservé à la délégation du groupe d’amitié, la qualité du programme préparé par la Chambre des députés et la richesse des échanges entre députés attestent que la période de tensions bilatérales traversée au début de l’année 2011 est désormais dépassée. Il ressort également de cette visite qu’au-delà des relations intergouvernementales, fondamentales, la diplomatie parlementaire, qui exprime le sentiment des peuples, ne doit pas être négligée, surtout lorsque les relations sont fondées sur une profonde affinité culturelle, linguistique et historique et sur un partenariat économique étroit.

Programme de la mission

Mardi 14 juin 2011

   

16 h 00

Visite guidée du musée d’architecture et d’art contemporain MAXXI

   

20 h 00

Arrivée de M. Rudy Salles, Président du groupe d’amitié, à l’aéroport de Rome Fiumicino

   

20 h 30

Ambassade de France - Palais Farnese

Briefing de la délégation par S. Exc. M. Jean-Marc de la Sablière, ambassadeur de France auprès de la République italienne, suivi d’une réception en son honneur

   

Mercredi 15 juin 2011

   

9 h 00

Entretien avec M. Mario Pescante, Président de la commission des politiques de l’Union européenne (PdL)

   

10 h 00

Entretien avec M. Gianfranco Fini, Président de la Chambre des députés (FLI)

11 h 30

Visite de la salle des séances en compagnie du Président Fini suivie de la visite du Palais Montecitorio

   

15 h 00

Réunion avec la section bilatérale d’amitié Italie-France présidée par M. Gianni Farina (PD)

   

16 h 00

Entretien avec M. Stefano Stefani, Président de la commission des Affaires étrangères et communautaires (Lega Nord)

   

17 h 00

Entretien avec Mme Valentina Aprea, Présidente de la commission de la culture, des sciences et de l’éducation (PdL)

17 h 45

Entretien avec M. Angelo Alessandri, Président de la commission de l’environnement, des territoires et des travaux publics (Lega Nord)

19 h 00

Entretien avec M. Franco Gabrieli, Préfet, chef du département de la protection civile de la présidence du Conseil sur la situation et les moyens mis en œuvre sur l’île de Lampedusa et dans la péninsule italienne

21 h 00

Dîner offert par M. Gianni Farina, Président de la section bilatérale d’amitié Italie-France

   
   

Jeudi 16 juin 2011

   

8 h 30

Départ de l’aéroport de Rome-Fiumicino à destination de Lampedusa en compagnie de M. Gianni Farina

   

10 h 00

Accueil par le directeur de cabinet du préfet d’Agrigente Présentation des moyens humains et matériels

11 h 00

Visite d’un centre de premier accueil des migrants

12 h 00

Présentation de l’action de l’ensemble des corps civils et militaires et des organisations humanitaires

13 h 00

Déjeuner dans la base aéronavale

   

16 h 00

Départ de Lampedusa à destination de Rome

   
   

Vendredi 17 juin 2011

 
 

Départ de la délégation

   
© Assemblée nationale

1 Issu des élections des 13 et 14 avril 2008 (Chambre des députés) et du 29 avril 2008 (Sénat) ; actualisé à la date du 5 juin 2011.

2 Ce plan prévoit notamment la réduction des dépenses de santé, le gel des salaires et des embauches des fonctionnaires et une réduction des pensions.

3 EDF détient aujourd'hui directement et indirectement, à travers un pacte d'actionnaires, 49% du capital et 50 % des droits de vote d'Edison.

4  Pour mémoire, la France avait naturellement témoigné sa solidarité lors du terrible tremblement de terre survenu à l'Aquila le 6 avril 2009, en participant à l'aide humanitaire et en décidant de prendre en charge la moitié des travaux de reconstruction de la coupole de l'Eglise Santa Maria del Suffragio pour un montant de 6,5 millions d'euros. Un accord entre la France et l’Italie « relatif à la restauration du patrimoine architectural de la ville de L’Aquila » a été approuvé définitivement par le Parlement français le 7 juillet 2011 à l’issue d’un vote de l’Assemblée nationale.

5 Le responsable de la protection civile a souligné le coût des opérations de rapatriement, qui mobilisent chaque fois un avion et soixante policiers pour une trentaine de migrants, et la relative difficulté à les conduire, compte tenu de la résistance des personnes à regagner leur pays d’origine ….

6 Moins de 800 en provenance de Grèce, moins de 700 d’Egypte, près de 250 de Turquie.

7 Le montant du « passage » entre la Libye et Lampedusa serait de l’ordre de 1 000 euros.

8 Service de l'État rattaché à la présidence du Conseil des ministres en charge notamment des risques industriels et des catastrophes naturelles.

9 Le budget alloué par l’Italie jusqu’au 31 décembre 2011 à la gestion de la situation d’urgence humanitaire est de 800 millions d’euros. Le montant des concours européens n’a pas été communiqué à la délégation.

10 L’effort de la France en matière d’accueil des réfugiés est de longue date bien supérieur à celui accompli par l’Italie.

11 Atteindre 0,7 % du RNB en 2015. Avec un taux de 0,46 % de son RNB consacré en 2009 à l'APD, la France se situe au-dessus de la moyenne des pays de l’Union européenne membres de l’OCDE, qui est 0,44 %.