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N° 996

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 25 juin 2008

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

en conclusion des travaux de la Mission d’évaluation et de contrôle (MEC) (1)

sur l’allocation des moyens des universités

ET PRÉSENTÉ PAR

par MM. Alain CLAEYS et Laurent HÉNART

Députés

___

MM. Georges TRON et David HABIB

Présidents.

____

La mission d’évaluation et de contrôle est composée de : MM. Georges Tron, David Habib, Présidents ; M. Didier Migaud, Président de la commission des Finances, de l’économie générale et du Plan, M. Gilles Carrez, Rapporteur général ; MM. Pierre Bourguignon, Jean-Pierre Brard, Alain Claeys, Charles de Courson, Richard Dell’Agnola, Yves Deniaud, Jean-Louis Dumont, Jean-Michel Fourgous, Laurent Hénart, Jean Launay, François de Rugy, Philippe Vigier.

INTRODUCTION 5

LISTE DES PROPOSITIONS DE LA MEC 7

I.– L’ACCOMPLISSEMENT DES MISSIONS DU SERVICE PUBLIC DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR EXIGE UNE RÉFORME DE L’ACTION PUBLIQUE ET DE L’ALLOCATION DES MOYENS AUX ÉTABLISSEMENTS 9

A.– POUR GARANTIR LE SERVICE PUBLIC DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR, L’ÉTAT DOIT Y CONSACRER DES MOYENS SUFFISANTS ET ADOPTER UN VISION PLUS STRATÉGIQUE 9

1.– L’État doit être le garant des missions du service public de l’enseignement supérieur 9

2.– L’augmentation des moyens alloués aux universités est impérative 10

3.– L’État doit changer de rôle face à des universités plus autonomes 12

B.– LE SYSTÈME D’ALLOCATION DES MOYENS NE RÉPOND PLUS AUX ENJEUX ACTUELS 13

1.– Un diagnostic unanime sur l’obsolescence de San Remo 13

a) Un système qui répondait à l’enjeu de la massification de l’enseignement supérieur… 13

b) … mais a rapidement fait l’objet de critiques consensuelles 14

2.– Les contrats pâtissent de l’absence de transparence et d’évaluation 17

3.– L’autonomie accrue des universités implique une réforme de l’allocation des moyens aux universités 17

a) San Remo est inadapté au système LMD 17

b) La loi LRU a introduit le budget global d’établissement 18

c) Mettre en place un système qui assure le financement des missions de service public et incite les universités à la performance 18

II.– LA RÉFORME DU SYSTÈME DE RÉPARTITION DES MOYENS DOIT PERMETTRE UN FINANCEMENT ÉQUITABLE, TRANSPARENT ET INCITATIF 19

A.– POUR UN FINANCEMENT ÉQUITABLE ET TRANSPARENT 19

1.– Rétablir l’équité et la transparence entre universités 19

2.– Le financement à l’activité doit être majoritaire, et plus important pour la formation que pour la recherche 20

B.– POUR DES CRITÈRES LISIBLES DE RÉPARTITION DES DOTATIONS À L’ACTIVITÉ ET À LA PERFORMANCE 22

1.– Les critères d’activité doivent reposer sur une logique de coûts complets 22

a) La formation doit être financée en fonction du nombre d’étudiants 22

b) La recherche doit être financée en fonction du nombre de chercheurs publiants 24

2.– La part du financement calculée en fonction de critères de performance 25

a) La mesure de la performance de la formation 25

b) L’évaluation de la recherche 26

c) Prendre en compte le projet de l’université 27

III.– L’AUTONOMIE ACCRUE DES UNIVERSITÉS IMPLIQUE UNE ÉVOLUTION DE L’ORGANISATION ET DES MODES D’INTERVENTION DE LA TUTELLE ET UN RENFORCEMENT DE L’ÉVALUATION 29

A.– L’ÉVOLUTION NÉCESSAIRE DES MÉTHODES DE TRAVAIL ET DE L’ORGANISATION DU MINISTÈRE 29

B.– L’INDISPENSABLE RENFORCEMENT DE LA CULTURE DE L’ÉVALUATION 30

EXAMEN EN COMMISSION 31

I.– LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 39

II.– COMPTE RENDU DES AUDITIONS 41

INTRODUCTION

La mission d’évaluation et de contrôle (MEC) s’est déjà penchée à deux reprises sur l’enseignement supérieur : avec pour Rapporteurs M. Alain Claeys en 2000, puis MM. Michel Bouvard et Alain Claeys en 2006, il s’agissait alors de réfléchir à la gouvernance et la gestion des universités. Certaines des propositions dégagées ont été mises en œuvre dans la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités.

L’une des propositions du dernier rapport n’a pas encore été mise en œuvre, et demeure plus que jamais d’actualité : « Remettre à plat le système de calcul de la dotation globale de fonctionnement (DGF), en prenant en compte les contraintes et les coûts réels supportés ».

En effet, le système actuel de répartition des moyens de l’État aux universités et à certains établissements relevant du ministère de l’Enseignement supérieur, San Remo, est à bout de souffle. La mise en place de San Remo se justifiait à l’époque par la massification de l’enseignement supérieur, à laquelle il a apporté une solution financière. Toutefois, critiqué de toutes parts depuis plusieurs années pour son opacité et pour les inégalités financières entre universités qu’il a laissé perdurer, il doit aujourd’hui être réformé en profondeur. En outre, bien que le développement des contrats ait permis de faire évoluer les relations entre les universités et la tutelle, l’étanchéité est restée quasi-totale entre l’évaluation et la décision.

La réforme du système de répartition des moyens est d’autant plus urgente que la loi du 10 août 2007 prévoit que la totalité des dotations aux établissements (masse salariale, fonctionnement et investissement) seront inscrites dans le contrat et que l’université disposera d’un budget global qu’elle gérera de façon autonome.

Il va de soi qu’une telle réforme ne pourra se faire qu’en commençant par résorber les inégalités de dotation par étudiant entre universités, en renflouant les universités les moins bien dotées. L’augmentation des crédits doit permettre ce rééquilibrage sans toucher au budget des universités les mieux dotées, qui ne sont pas riches pour autant.

Vos Rapporteurs proposent de mettre en place un système de répartition des moyens qui assure le financement des missions de service public de l’enseignement supérieur tout en incitant les universités à la performance. Les auditions que la mission a menées ont permis de dégager une quinzaine de propositions concrètes pour la mise en place d’un financement qui comporte deux parts : une dotation largement majoritaire calculée en fonction de l’activité de l’établissement, et une part minoritaire déterminée en fonction de la performance de l’université ou l’école.

Il est essentiel que le nouveau dispositif soit totalement transparent, et fondé sur l’évaluation confiée à l’Agence de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (AERES).

Dans un premier temps, le présent rapport s’attachera à expliquer en quoi la réalisation des missions du service public de l’enseignement supérieur exige une réforme de l’action publique et de l’allocation des moyens de l’État aux universités (I). Ensuite, vos Rapporteurs proposeront une réforme du système de répartition des moyens, jetant les bases d’un financement équitable, transparent et incitatif (II).

Enfin, l’autonomie accrue des universités et la mise en place d’une dotation fondée sur la performance des établissements impliquent une évolution des modes d’intervention et de l’organisation de la tutelle, et un renforcement de l’évaluation (III).

LISTE DES PROPOSITIONS DE LA MEC

Proposition n° 1 : Mettre en place un système de répartition des moyens qui assure le financement des missions de service public et reconnaisse la performance des universités, dans le cadre du contrat pluriannuel d’établissement.

Proposition n° 2 : Rétablir l’équité, en alignant les dotations à l’activité de tous les établissements au niveau des dotations par étudiant actuellement les plus élevées.

Proposition n° 3 : Garantir une totale transparence dans le montant des dotations et dans la façon dont elles sont calculées.

Proposition n° 4 : La part financée en fonction du niveau d’activité des établissements doit être nettement majoritaire, afin de permettre l’accomplissement de leurs missions de service public.

Proposition n° 5 : Pour la dotation destinée à la formation, la part mesurée en fonction de critères de performance pourrait atteindre 10 % ; elle devrait toutefois être inférieure pour le niveau licence, et supérieure pour le master.

La mesure de la performance pourrait compter pour 25 % dans la dotation destinée à la recherche.

Proposition n° 6 : Les dotations à l’activité doivent être calculées en fonction d’une seule variable d’activité, dans une logique de couverture des coûts complets.

Cela nécessite que les enquêtes sur les coûts complets soit réalisées et régulièrement actualisées.

Proposition n° 7 : La dotation à l’activité de la formation doit être calculée en fonction du nombre d’étudiants, mesuré par les inscriptions pédagogiques, en attendant la mise en place d’une mesure fiable de la présence aux examens.

Cette dotation doit prendre en compte les coûts spécifiques des formations en sciences et en ingénierie.

Proposition n° 8 : La dotation à l’activité de recherche doit être calculée en fonction du nombre de chercheurs publiants.

Proposition n° 9 : Les indicateurs de performance doivent mesurer des évolutions, non des niveaux.

Proposition n° 10 : L’évaluation de la performance de la formation doit prendre en compte la réussite aux diplômes, l’insertion professionnelle, la situation sociale des étudiants et les caractéristiques socio-économiques de la région d’implantation de l’établissement.

Proposition n° 11 : La détermination des critères d’évaluation en matière de recherche doit être laissée à l’appréciation de l’AERES, qui prend en compte le nombre de doctorants et la valorisation des travaux.

Proposition n° 12 : Une part de la dotation à la performance doit être déterminée en fonction du projet de l’établissement ; elle doit être justifiée et attribuée de façon totalement transparente.

Proposition n° 13 : Mettre en place le nouveau système dès 2009, ou, s’il s’avère impossible de le faire pour tous les établissements, le mettre en place au moins pour toutes les universités qui signent un nouveau contrat ou qui optent pour les nouvelles compétences prévues par la loi LRU.

Proposition n° 14 : Les missions de gestion directe doivent être abandonnées par le ministère, son action devant être réorientée vers le pilotage stratégique et l’accompagnement des universités.

Proposition n° 15 : Clarifier les relations entre l’AERES et la DGES, ainsi que l’articulation entre évaluation et décision. L’évaluation doit être entièrement confiée à l’AERES, la DGES devant en tirer les conséquences budgétaires, de façon totalement transparente.

I.– L’ACCOMPLISSEMENT DES MISSIONS DU SERVICE PUBLIC DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR EXIGE UNE RÉFORME DE L’ACTION PUBLIQUE ET DE L’ALLOCATION DES MOYENS AUX ÉTABLISSEMENTS

Si la loi n° 2007–1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités (loi dite LRU) a renforcé l’autonomie des universités, elle n’en a pas moins rappelé que l’enseignement supérieur est un service public, en ajoutant à ses missions l’orientation et l’insertion professionnelle. L’État a donc la responsabilité de définir la politique de l’enseignement supérieur, et de garantir les moyens de l’accomplissement de leurs missions par les établissements. Or, l’État n’a pas suffisamment joué ce rôle de pilote, ne parvenant ni à fixer des orientations stratégiques aux universités, ni à leur allouer des moyens suffisants, ni à répartir ceux-ci de façon équitable et efficace.

L’introduction par la loi LRU du budget global pour les universités rend obsolète le système actuel de répartition des moyens. Il faut saisir cette occasion de revoir le mode d’allocation des ressources pour mettre en place un dispositif qui soit juste, transparent, et qui donne les moyens suffisants aux universités pour remplir leurs missions, tout en les incitant à mieux le faire.

A.– POUR GARANTIR LE SERVICE PUBLIC DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR, L’ÉTAT DOIT Y CONSACRER DES MOYENS SUFFISANTS ET ADOPTER UN VISION PLUS STRATÉGIQUE

1.– L’État doit être le garant des missions du service public de l’enseignement supérieur

Tel qu’il a été modifié par l’article premier de la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités, l’article L. 123-3 du code de l’éducation assigne six missions au service public de l’enseignement supérieur :

1° la formation initiale et continue ;

2° la recherche scientifique et technologique, la diffusion et la valorisation de ses résultats ;

3° l’orientation et l’insertion professionnelle ;

4° la diffusion de la culture et l’information scientifique et technique ;

5° la participation à la construction de l’Espace européen de l’enseignement supérieur et de la recherche ;

6° la coopération internationale.

Or, force est de constater que ces missions ne sont aujourd’hui pas remplies de façon satisfaisante :

- le taux d’échec à l’université est excessif : le suivi d’une cohorte de bacheliers de 2002 montre que seulement 39 % de ceux qui s’étaient inscrits en licence ont obtenu leur diplôme trois ans plus tard ; 70 % en tout ont finalement obtenu une licence. Encore ce taux masque-t-il des disparités, puisque seulement 14 % des bacheliers technologiques ont obtenu une licence en trois ans ;

- la recherche française n’est pas suffisamment visible au plan international ; en 2004, la part de la France dans la production mondiale de publications scientifiques est de 4,7 % et sa part de citations à deux ans est de 4,4 %. Son indice d’impact (2), qui s’élève donc à 0,94, est inférieur à la moyenne mondiale, qui est égale à 1 par construction ; en matière de brevets, la France est même en recul : en 2004, la part mondiale de demandes de brevet de la France dans le système européen de brevets est de 5,6 %, alors que cette part était de 7,8 % en 1993 ;

- le taux de chômage des jeunes diplômés de certaines formations est très élevé.

Ces résultats montrent la marge de progrès du service public de l’enseignement supérieur en France aujourd’hui. En matière d’orientation, l’État n’a pas joué son rôle de pilote. La tutelle a laissé les universités assumer l’accès de tous les bacheliers à l’enseignement supérieur, sans leur assurer des moyens suffisants.

La loi LRU vise à mettre les établissements en mesure de définir leur propre stratégie et leur politique pédagogique, en renforçant la légitimité et les pouvoirs de leurs présidents. Il va de soi que la progression de l’enseignement supérieur en France n’est envisageable qu’à la condition d’augmenter les moyens budgétaires qui lui sont consacrés.

2.– L’augmentation des moyens alloués aux universités est impérative

Actuellement, en dehors de la masse salariale qui représente 80 % des crédits du programme 150 consacrés à la formation, au pilotage et à la documentation, les dotations de l’État aux universités sont principalement réparties en deux grandes enveloppes : la dotation globale de fonctionnement (DGF) et la dotation contractuelle.

La DGF constitue l’enveloppe la plus importante. Elle est répartie entre les universités selon le modèle San Remo (système analytique de répartition des moyens).

La dotation contractuelle représente 20 % des moyens alloués aux universités, hors dépenses de personnel, et 3 % des moyens alloués masse salariale comprise. Cette dotation est le résultat de la négociation contractuelle menée tous les 4 ans par la direction générale de l’enseignement supérieur (DGES). Elle s’analyse davantage comme un financement de projet que comme une dotation à la performance, étant donné que la signature des contrats ne dépend pas de l’évaluation des établissements.

À ces deux enveloppes s’ajoutent divers canaux de financement, comme les contrats de projet État-régions (CPER), la dotation de base des services de documentation, le plan Campus en cours de mise en place, etc.

Rappelons, à l’instar de la Cour des comptes, que le niveau de financement consacré par notre pays à l’enseignement supérieur est très insuffisant comparé aux universités étrangères. En 2006, un étudiant effectuant une année dans une université publique coûte en moyenne à la collectivité nationale 7 840 euros, une année en IUT revenant à 8 980 euros, et une année dans une classe préparatoire aux grandes écoles (CPGE) 13 940 euros (3).

Il est difficile de trouver des données comparables récentes : les chiffres présentés ci-dessous sont ceux de 2004. En termes de dépense annuelle par étudiant (dépense publique et privée), la France se situe au 14ème  rang des 27 pays de l’OCDE ayant fourni cet indicateur, avec une dépense de 10 668 dollars en parité de pouvoirs d’achat, en dessous la moyenne de l’OCDE (11 100 dollars PPA). Les États-Unis (22 476 dollars PPA) et la Suisse (21 966 dollars PPA) sont nettement au-dessus, ainsi que les pays d’Europe du Nord (15 000 à 16 000 dollars PPA). La dépense de la France est supérieure à celle de l’Italie, de l’Espagne et de l’Irlande mais inférieure à celle du Royaume-Uni, de la Belgique, de l’Allemagne, des Pays-Bas et de l’Autriche.

L’analyse des seuls financements publics confirme ces constats. La part des dépenses publiques consacrées à l’enseignement tertiaire est ainsi nettement plus faible en France (2 %) que dans les autres pays comparables (2,8 % pour l’OCDE), à l’exception du Japon (1,6 %).

Cette analyse peut être approfondie en tenant compte du fait que le coût des études supérieures ne dépend pas seulement du coût unitaire par étudiant, mais également de la durée moyenne des études universitaires propre à la structure des diplômes de chaque pays. Il est donc utile de calculer le montant des dépenses par étudiant sur la durée moyenne des études supérieures pour tenir compte du fait que celle-ci est relativement longue en France (4,7 années) par rapport au Japon ou au Royaume-Uni (3,8 années) ou encore par rapport à la moyenne des pays de l’OCDE (4,2 années) (4). Cette prise en compte de la durée des études aboutit à un coût global de l’ensemble de la scolarité dans l’enseignement supérieur français proche de la moyenne de l’OCDE : la situation de la France rejoint notamment celles du Japon et du Royaume-Uni.

Le sous-financement de l’enseignement supérieur affecte les universités, mais également la vie étudiante, domaine dans lequel la France a pris beaucoup de retard par rapport aux autres pays européens, ce qui nuit à l’attractivité de ses universités.

Un rattrapage du financement de l’enseignement supérieur est absolument nécessaire, et constitue un préalable à toute réforme de l’allocation et la répartition des moyens de l’État entre universités. Il conviendra donc que les moyens supplémentaires accordés à l’enseignement supérieur et à la recherche, conformément à l’engagement présidentiel quinquennal, permettent une augmentation pérenne des budgets des établissements.

3.– L’État doit changer de rôle face à des universités plus autonomes

Les auditions conduites par la MEC en 2006 montraient déjà que la tutelle était perçue à la fois comme trop tatillonne et trop molle, ne sachant pas fixer de grandes orientations. Dans le cadre d’une autonomie élargie des universités, l’administration doit évoluer.

Actuellement, le ministère ne suit pas de manière efficace la politique contractuelle. Bien que les délais se soient réduits, les contrats quadriennaux sont toujours signés avec beaucoup de retard, c’est-à-dire après le début de la période visée par le contrat, car la direction de l’enseignement supérieur n’arrive pas à suivre le rythme. Par ailleurs, les contrats successifs d’un même établissement ne sont parfois pas cohérents entre eux : un projet est lancé pour quatre ans, et le contrat suivant n’apporte pas les moyens nécessaires à la poursuite du projet. Ainsi, la tutelle abandonne son rôle stratégique au profit de mesures ponctuelles et mal suivies dans le temps.

L’État doit adopter une posture de stratège. Il doit définir la politique nationale de l’enseignement supérieur, en la déclinant en objectifs assignés aux universités, libres de la manière de les réaliser selon un projet qu’elles définiront de façon autonome.

Cela suppose un renforcement de l’évaluation. Tel est l’objet de la création de l’Agence de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (AERES) par la loi du 18 avril 2006 de programme pour la recherche.

Mais l’évaluation ne sert à rien, si elle n’est pas analysée. Aujourd’hui, l’État ne tire pas les conséquences des évaluations réalisées. Les contrats sont déconnectés des évaluations réalisées (par le Conseil national de l’évaluation jusqu’en 2006, et par l’AERES à partir de 2007).

L’État va devoir changer de rôle face aux universités, car leur autonomie signifie moins de gestion directe par la tutelle et davantage d’évaluation a posteriori.

B.– LE SYSTÈME D’ALLOCATION DES MOYENS NE RÉPOND PLUS AUX ENJEUX ACTUELS

Le système de répartition San Remo, ainsi que les contrats quadriennaux tels qu’ils sont structurés actuellement, ne permettent pas de traduire une politique d’enseignement supérieur cohérente. En outre, ils ne sont pas adaptés à l’autonomie accrue des universités.

1.– Un diagnostic unanime sur l’obsolescence de San Remo

a) Un système qui répondait à l’enjeu de la massification de l’enseignement supérieur…

Le système analytique de répartition des moyens, San Remo, a été utilisé pour la première fois, dans une version initiale, lors de la répartition des crédits de fonctionnement de 1994 et fonctionne dans ses principes essentiels actuels depuis 1997. Il succédait au système GARACES (5), abandonné pour sa lourdeur et son caractère inflationniste.

San Remo devait permettre une mesure comparative des besoins des établissements fondée sur une analyse de leur activité. À leurs critères d’activités étaient appliqués des taux nationaux afin de déterminer une dotation théorique. La comparaison de ce besoin théorique avec le potentiel réel de l’établissement, mesuré par des références objectives de fonctionnement, devait permettre d’ajuster l’attribution des emplois et de la dotation globale réelle. L’objectif du système était de parvenir, à terme, à la disparition des écarts entre la dotation théorique et la dotation réelle.

San Remo se fonde sur trois critères : les effectifs étudiants, l’encadrement en emplois administratifs et techniques, les surfaces consacrées à l’enseignement. Ces critères servent à calculer quatre types de financement, dont la somme, une fois retranché le montant total des droits d’inscription perçus par l’établissement, constitue la DGF :

– la « compensation enseignants » : la charge théorique calculée par diplôme et catégorie de discipline est comparée au potentiel enseignant dont dispose l’établissement ;

– la compensation en personnels IATOS (ingénieurs, administratifs, techniciens et ouvriers de service) ;

– le fonctionnement pédagogique, en fonction des heures d’enseignement ;

- la dotation de fonctionnement logistique, fonction de la surface hors œuvre net (SHON) déclarée par les établissements.

La mise en place de San Remo se justifiait à l’époque par la massification de l’enseignement supérieur. L’intérêt du modèle était de tenter de situer les établissements les uns par rapport aux autres, et d’introduire une certaine objectivité dans la répartition des financements, donc de lutter contre une politique de guichet. San Remo a apporté une réponse à l’augmentation rapide des effectifs, et les universités ont su faire face à ce phénomène. Toutefois, il est désormais très critiqué et n’est plus adapté aux enjeux actuels.

b) … mais a rapidement fait l’objet de critiques consensuelles

Les principales critiques, relativement consensuelles, à l’égard de San Remo, portent sur son incapacité à résorber les inégalités de dotations entre établissements, son opacité et son caractère déresponsabilisant.

• Un système qui a perpétué les inégalités, en raison d’une grande inertie

Le système San Remo n’est pas parvenu à résorber les inégalités de dotations entre établissements. Pis, il a contribué à les maintenir, voire les aggraver.

San Remo a conduit à décorréler l’évolution réelle des effectifs et l’allocation des emplois. En effet, il se fonde sur le nombre d’étudiants, mesuré par rapport aux données de l’année précédente, d’où un effet de retard qui pénalise les universités dont les effectifs augmentent, notamment les universités nouvelles. De surcroît, ce chiffre est le nombre d’inscriptions administratives, qui peut être très différent du nombre d’inscriptions pédagogiques lequel correspond au besoin réel d’enseignement. En effet, les inscriptions administratives incluent des étudiants qui ne suivront pas les cours, soit parce qu’ils sont inscrits ailleurs (par exemple en classe préparatoire aux grandes écoles), soit parce qu’ils cherchent seulement à être affiliés au régime de sécurité sociale des étudiants.

Ce critère recèle le risque que les universités essaient d’augmenter les effectifs administratifs pour gonfler les besoins d’enseignement : la Cour des comptes a ainsi observé un cas où la différence entre inscriptions administratives et pédagogiques atteignait 20 %, en raison notamment de doubles inscriptions d’élèves de classes préparatoires. Dans un autre cas, la différence était proche de 10 %.

La formation continue donne un autre exemple de mauvaise utilisation de San Remo. Les étudiants concernés ne sont pas pris en compte dans le calcul de la dotation théorique de fonctionnement mais sont intégrés (à hauteur de 0,5 étudiant en formation initiale) pour le calcul de l’encadrement en enseignants. L’inscription administrative de ces étudiants au titre de la formation initiale peut permettre d’augmenter de façon irrégulière la dotation de l’université. Dans un rapport sur le financement de la formation continue, remis en novembre 2006 à votre commission des Finances, la Cour des comptes avait relevé le fait que l’assimilation de populations en reprises d’études avec les étudiants inscrits en formation initiale diplômante aboutit à sous-évaluer le poids réel de l’activité de formation continue des universités mais, surtout, transfère indûment la charge de financement de ces stagiaires sur l’État qui verse la DGF en toute opacité pour leur compte, comme pour celui des étudiants, alors que le principe arrêté par les textes en vigueur est celui du financement sur ressources propres affectées de la formation continue.

Par ailleurs, la dotation de logistique immobilière n’est pas reliée à une connaissance qualitative de l’état des locaux. La connaissance de la composition exacte du patrimoine, de son état et de l’affectation des surfaces reste à améliorer sensiblement. Le fait de calculer la dotation en fonction des surfaces SHON déclarées comporte également un caractère inflationniste. Ainsi, le président de l’AERES, auditionné par la MEC le 3 juin 2008, citait l’exemple de l’université de Rouen qui « s’est lancée dans une politique d’extension immobilière (56 bâtiments sur 7 sites et 5 communes), profitant d’opportunités diverses, l’obligeant maintenant à les entretenir, ce qui revient très cher ». En effet, la DGF augmente en fonction de la surface déclarée. Toutefois, comme les dotations sont inférieures aux coûts d’entretien et de maintenance des locaux, cette politique d’extension engendre une spirale déficitaire.

En définitive, on a abouti à des dotations théoriques qui n’ont plus de réels fondements, et qui, de surcroît, sont restées déconnectées des dotations réellement versées du fait de l’insuffisance des moyens.

La Cour des comptes constate, s’agissant des enseignants, que la moyenne nationale du ratio potentiel sur besoin (P/B) est égale à 0,9, dans une fourchette allant de 1,57 à 0,75. Les universités les mieux dotées en emplois enseignants sont les universités de Paris VI (1,57) et Paris VII (1,37) alors que les universités les moins dotées (hors exception comme les centres universitaires de formation et de recherche) sont notamment l’université récente de Bretagne Sud (0,75) et Bordeaux IV (0,76).

Le même phénomène s’observe pour les emplois IATOS : la moyenne nationale se situe à 0,91 dans une fourchette allant de 1,14 à 0,74. L’université la mieux dotée est Paris V (1,14), les moins bien dotées étant les universités nouvelles de Marne-La-Vallée (0,74), Cergy-Pontoise (0,78) et Versailles Saint-Quentin (0,78).

Ces écarts s’expliquent par des raisons historiques. Les universités les mieux dotées sont en général d’anciennes universités scientifiques et les moins bien dotées sont les universités récentes. Le rapport conjoint de l’inspection générale des Finances (IGF) et de l’inspection générale de l’Administration de l’Éducation nationale et de la recherche (IGAENR) sur la mise en œuvre de la loi du 10 août 2007 estime que l’on a figé les inégalités dès le début, en ne mettant pas à plat les dotations (6). C’est donc son inertie qui caractérise le modèle San Remo.

Depuis la mise en place de ce système, les écarts en termes de dotation par étudiant se sont même creusés. La Cour des comptes avait ainsi relevé, dans son rapport précité de 2005 sur l’efficience et l’efficacité des universités remis à votre commission des Finances, que le taux d’encadrement P/E (potentiel enseignant / charges d’enseignement) enregistrait des écarts qui ne se réduisaient pas. Ainsi, l’écart entre les universités scientifiques les mieux encadrées ne s’était pas résorbé : au contraire, de 1999 à 2005, ce ratio était passé de 0,66 à 0,54 pour l’université la moins encadrée, alors qu’il augmentait de 1,25 à 1,44 pour la mieux encadrée.

Ce creusement des écarts s’explique en partie par le fait que plusieurs H/E (…) ont été réévalués en 1998, ainsi que les coûts théoriques de fonctionnement des formations médicales en 1999.

Par ailleurs, San Remo a conduit, par l’usage de charges additionnelles imputées en dessous de certains seuils (7), et de planchers visant à réduire l’ampleur des variations d’une année sur l’autre, à une préservation des situations acquises. Finalement, il a abouti à une gestion fondée sur le principe de la continuité des moyens de fonctionnement.

• Un système opaque

Du fait de son architecture complexe, le système de répartition des moyens est illisible, et il a connu de nombreuses adaptations qui ont renforcé le défaut de clarté.

En outre, la situation de chacune des universités n’est pas rendue transparente. Le rapport précité de l’IGF et l’IGAENR critique vivement l’opacité du système : les dotations par étudiant et par université ne sont pas connues, ce qui est inacceptable par rapport à ce qui se fait à l’étranger.

• Un système déresponsabilisant

San Remo s’est avéré déresponsabilisant pour les établissements qui ne se sont plus vus dans l’obligation de faire des choix de répartition entre leurs composantes, reproduisant les méthodes de calcul du système à l’intérieur des établissements.

Le calcul des coûts qui devait accompagner la mise en place de San Remo n’a jamais été fait, si bien que l’on a perpétué un système qui n’incitait pas à une gestion rigoureuse. Les universités ne disposent toujours pas d’une comptabilité analytique dont la mise en place était pourtant prévue par le décret du 14 janvier 1994 relatif au budget et au régime financier des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel. Si certaines universités ont pris des initiatives dans ce sens sur la période la plus récente, l’outil est loin d’être opérationnel dans la plupart des cas.

Les universités méconnaissent généralement encore leurs coûts de fonctionnement interne, et ne sont pas en mesure, la plupart du temps, de connaître le coût des principales filières d’enseignement.

Quoi qu’il en soit, toute modélisation est passible de critique, et ne peut être qu’une aide à la décision : elle ne remplace pas une politique. Or, les contrats n’étant pas parvenus à traduire une stratégie politique pour l’enseignement supérieur, le modèle San Remo a tenu lieu de politique budgétaire.

2.– Les contrats pâtissent de l’absence de transparence et d’évaluation

Si la relation contractuelle a structuré et amélioré l’exercice de la tutelle depuis vingt ans, elle a atteint ses limites. Telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui, elle n’est pas adaptée à l’autonomie des universités renforcée par la loi du 10 août 2007.

L’exhaustivité des contrats affaiblit leur caractère stratégique. Les engagements portent sur un grand nombre de projets dont la pertinence est appréciée a priori, mais l’évaluation de leur réalisation et de leur efficacité n’est pas prise en compte a posteriori pour la signature du contrat suivant.

Ainsi, les indicateurs prévus par le contrat ne sont pas reliés à des indicateurs nationaux de référence, qui permettraient de mesurer de façon objective la réussite des universités. Les contrats n’exposent pas les universités, selon les résultats atteints, à des avantages ou des désavantages. Le contrat quadriennal se réduit finalement à une simple énumération de moyens, rapportés à un trop grand nombre d’objectifs.

En outre, les dotations contractuelles ne sont pas transparentes, puisqu’elles ne reposent sur aucune évaluation objective. Ainsi, lors de son audition par la mission, le président de l’AERES, M. Jean-François Dhainaut, a expliqué que jusqu’à présent, il n’y avait pas de lien apparent entre les évaluations et les contrats signés par la DGES, ce qui rend totalement opaque la façon dont les dotations contractuelles sont accordées.

3.– L’autonomie accrue des universités implique une réforme de l’allocation des moyens aux universités

a) San Remo est inadapté au système LMD

Le système licence-master-doctorat (LMD) a supprimé les maquettes nationales qui étaient le fondement des classes de formation du modèle San Remo.

b) La loi LRU a introduit le budget global d’établissement

L’article 18 de la loi LRU prévoit que le contrat comprendra désormais la totalité de la dotation de l’État, masse salariale comprise.

L’article L. 712–9 du code de l’éducation dispose ainsi : « Le contrat pluriannuel d’établissement conclu par l’université avec l’État prévoit, pour chacune des années du contrat et sous réserve des crédits inscrits en loi de finances, le montant global de la dotation de l’État en distinguant les montants affectés à la masse salariale, les autres crédits de fonctionnement et les crédits d’investissement ».

Le système actuel, comportant d’une part une dotation globale de fonctionnement et d’autre part une dotation contractuelle, ne peut donc pas être conservé dans le cadre du passage à l’autonomie, prévu en janvier 2009 pour les premières universités.

c) Mettre en place un système qui assure le financement des missions de service public et incite les universités à la performance

Vos Rapporteurs proposent de mettre en place un système de répartition des moyens comportant deux parts, l’une déterminée en fonction de l’activité de l’établissement, l’autre en fonction de sa performance. Cette répartition entre dotation à l’activité et dotation à la performance doit aussi concerner la masse salariale, dans les mêmes proportions.

Le financement à l’activité doit permettre d’assurer le service public de l’enseignement supérieur et de la recherche. La vocation est de donner aux universités les moyens d’accomplir leurs missions. Il convient donc qu’il soit nettement prédominant. La part variable a pour objet d’inciter les universités à obtenir de meilleurs résultats.

L’ensemble de ces dotations doit être inscrit dans le contrat qui lie chaque établissement à la tutelle.

Le système doit être transparent et équitable, pour assurer sa légitimité, son acceptation et sa valeur incitative.

Proposition n° 1 : Mettre en place un système de répartition des moyens qui assure le financement des missions de service public et reconnaisse la performance des universités, dans le cadre du contrat pluriannuel d’établissement.

Naturellement, le contexte actuel d’augmentation globale des moyens budgétaires consacrés à l’enseignement supérieur et à la recherche est favorable à la redéfinition de ces modalités de financement, dans la mesure où il peut être fait en sorte qu’aucune université ne soit perdante.

II.– LA RÉFORME DU SYSTÈME DE RÉPARTITION DES MOYENS DOIT PERMETTRE UN FINANCEMENT ÉQUITABLE, TRANSPARENT ET INCITATIF

A.– POUR UN FINANCEMENT ÉQUITABLE ET TRANSPARENT

1.– Rétablir l’équité et la transparence entre universités

La première nécessité sera de rétablir l’équilibre entre les universités : il va falloir organiser un rattrapage des universités les moins bien dotées par rapport aux mieux dotées par étudiant.

Il va de soi qu’une augmentation substantielle des moyens est nécessaire, sachant qu’il n’est pas question de dépouiller aux fins de redistribution les universités les mieux dotées, qui s’accommodent malgré tout de budgets serrés. Cela suppose d’aligner les dotations par étudiant de tous les établissements vers le haut, c’est-à-dire au niveau des universités actuellement les moins mal dotées.

Le rééquilibrage devra porter entièrement sur la part du financement à l’activité, la performance des universités devant pouvoir être prise en compte dès 2009.

Proposition n° 2 : Rétablir l’équité, en alignant les dotations à l’activité de tous les établissements au niveau des dotations par étudiant actuellement les plus élevées.

Comme dans les autres pays européens, les dotations perçues par les universités doivent être totalement transparentes, dans leur montant absolu comme dans leur montant rapporté au nombre d’étudiants ou de chercheurs. Les critères qui permettent de déterminer ces dotations doivent également être totalement transparents, qu’il s’agisse des critères d’activité ou de performance.

Proposition n° 3 : Garantir une totale transparence dans le montant des dotations et dans la façon dont elles sont calculées.

2.– Le financement à l’activité doit être majoritaire, et plus important pour la formation que pour la recherche

Compte tenu des missions de service public confiées aux universités, et en raison du poids de la masse salariale, la part de la dotation calculée en fonction de critères d’activité doit être nettement majoritaire.

On constate d’ailleurs que le financement à l’activité (principalement en fonction du nombre d’étudiants) est prépondérant dans la plupart des pays européens pour la formation (Allemagne, Autriche, Finlande, Pays-Bas – il est même total au Royaume-Uni), sauf au Danemark où le financement est entièrement déterminé par la performance (nombre d’étudiants diplômés).

S’agissant de la dotation variable en fonction de la performance des établissements, vos Rapporteurs souhaitent qu’elle soit sensiblement supérieure à la dotation contractuelle actuelle, elle-même égale à environ 3 % de l’ensemble des moyens des universités. Toutefois, cette part variable ne peut pas être trop importante étant donné que les universités font face à des dépenses incompressibles, et doivent assurer dans la continuité leurs missions d’enseignement et de recherche.

Proposition n° 4 : La part financée en fonction du niveau d’activité des établissements doit être nettement majoritaire, afin de permettre l’accomplissement de leurs missions de service public.

L’article L.712–9 du code de l’éducation prévoit dans le contrat une présentation des crédits par nature : la masse salariale, les autres crédits de fonctionnement et les crédits d’investissement. En outre, les montants affectés à la masse salariale au sein de la dotation annuelle de l’État sont limitatifs et assortis du plafond des emplois que l’établissement est autorisé à rémunérer. Le contrat pluriannuel d’établissement fixe le pourcentage maximum de cette masse salariale que l’établissement peut consacrer au recrutement des agents contractuels.

Entre formation et recherche, par convention, les emplois d’enseignants-chercheurs seront répartis en proportion égale (puisque l’on considère que les enseignants-chercheurs répartissent leur temps de travail en deux parts égales). En revanche, les enseignants ne devraient figurer que dans la part formation. S’agissant des IATOS, il faudra calculer cela finement.

Toutefois, cette présentation des crédits par nature n’oblige pas l’État à calculer les dotations par nature de crédits. Vos Rapporteurs préconisent un mode de calcul fondé sur la destination des crédits : formation ou recherche.

Comme le recommandent l’inspection générale des Finances et l’inspection générale de l’Administration de l’Éducation nationale et de la recherche, dans le rapport qu’elles ont réalisé sur la mise en œuvre de la loi du 10 août 2007, « le ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche ne doit pas s’engager dans la voie consistant à répartir les moyens entre universités en fonction de la nature des crédits (ie. à répartir séparément la masse salariale et les crédits d’investissement et de fonctionnement), sans quoi le dialogue sur les moyens avec les universités se résumerait assez rapidement à une négociation sur le volume des emplois financés par l’État, au détriment d’une appréciation de l’activité et de la performance des établissements ».

Le rapport entre la part calculée en fonction de l’activité et la part à la performance devrait être différent pour la formation et la recherche :

- pour la formation, vos Rapporteurs proposent un objectif de 90 % pour l’activité et 10 % pour la performance ; ils proposent aussi d’introduire une différence entre licence et master, la part financée à l’activité pouvant atteindre 95 % pour la licence, les universités devant en effet assurer la démocratisation de l’enseignement supérieur en menant un grand nombre d’étudiants à la réussite aux diplômes ;

- pour la recherche, la mesure de la performance pourrait avoir une place plus importante ; en effet, la culture de l’évaluation est déjà très présente au sein des laboratoires de recherche ; vos Rapporteurs suggèrent un équilibre de 75 % pour la part liée à l’activité et 25 % pour la performance.

Proposition n° 5 : Pour la dotation destinée à la formation, la part mesurée en fonction de critères de performance pourrait atteindre 10 % ; elle devrait toutefois être inférieure pour le niveau licence, et supérieure pour le master.

La mesure de la performance pourrait compter pour 25 % dans la dotation destinée à la recherche.

Il convient ensuite de déterminer quels seront les critères retenus pour le calcul de ces deux parts.

B.– POUR DES CRITÈRES LISIBLES DE RÉPARTITION DES DOTATIONS À L’ACTIVITÉ ET À LA PERFORMANCE

1.– Les critères d’activité doivent reposer sur une logique de coûts complets

Le financement à l’activité doit reposer sur des critères lisibles et peu nombreux, qui traduisent l’activité réelle de l’établissement. Vos Rapporteurs privilégient la solution consistant à ne retenir qu’une seule variable, à laquelle se rattachent les coûts complets de l’activité.

Vos Rapporteurs insistent sur la nécessité de conduire et d’actualiser régulièrement une enquête sur les coûts complets de la formation et de la recherche dans les universités.

Proposition n° 6 : Les dotations à l’activité doivent être calculées en fonction d’une seule variable d’activité, dans une logique de couverture des coûts complets.

Cela nécessite que les enquêtes sur les coûts complets soient régulièrement actualisées.

a) La formation doit être financée en fonction du nombre d’étudiants

La formation pourrait être financée uniquement en fonction du nombre d’étudiants, qui est la traduction directe de l’activité réelle d’une université en matière d’enseignement.

Plusieurs des personnes auditionnées par la MEC suggéraient de se référer au nombre d’étudiants présents aux examens, dans la mesure où il traduisait l’effectif qui suivait réellement les cours dispensés. Toutefois, on se heurte actuellement à la difficulté de définir la présence aux examens : de quels examens s’agit-il ? Dans le contexte du renforcement du contrôle continu dans le cadre du LMD, ne faut-il pas plutôt mesurer la présence aux contrôles de connaissance en cours de semestre ? Suffit-il d’une seule présence, ou bien l’étudiant doit-il avoir participé à toutes les épreuves ?

C’est pourquoi vos Rapporteurs proposent de retenir le critère du nombre d’inscrits pédagogiques, en attendant la mise en place d’une mesure fiable de la présence aux examens. Il convient d’abandonner la référence aux inscriptions administratives (qui n’est pas représentative du coût de la formation) pour se référer aux effectifs réels d’étudiants nécessitant un encadrement, au besoin en normalisant la notion d’inscription pédagogique.

On calculerait ainsi une dotation unitaire par étudiant, qui couvrirait le coût complet attaché à la formation d’un étudiant : effectifs d’enseignants et de personnels administratifs, documentation et bibliothèques, entretien et maintenance des locaux, et amortissements pour les universités propriétaires de leur patrimoine.

Le financement de l’immobilier, maintenance et amortissements, sera donc compris dans cette dotation par étudiant. Cela paraît équitable dans la mesure où le transfert de propriété immobilière des universités qui le demanderont se fera après remise en état des bâtiments, comme prévu dans la loi du 10 août 2007.

Faut-il introduire une distinction en fonction des disciplines ?

Aujourd’hui, il y a 43 catégories, ce qui est beaucoup trop et n’est pas justifié, d’autant qu’il n’existe pas d’analyse des coûts par formation. Afin que le système soit le plus lisible possible, vos Rapporteurs suggèrent de ne retenir que deux grandes catégories de formations : les sciences et l’ingénierie, et les autres disciplines.

Les formations dans les disciplines scientifiques demandent davantage de moyens que les autres formations. Seule une enquête sur les coûts complets permettra de déterminer le rapport entre la dotation par étudiant en sciences, et la dotation par autre étudiant.

En revanche, l’analyse des déclarations des établissements tend à montrer que les coûts sont approximativement les mêmes pour les étudiants en licence et en master (les étudiants en doctorat sont financés par la part recherche puisqu’ils travaillent au sein des laboratoires).

L’introduction du budget global au niveau des universités soulève la question de la pérennité des dispositions issues de l’article 33 de la loi du 26 janvier 1984 (désormais inscrites à l’article L. 713-9 du code de l’éducation), relatives au statut des instituts et écoles faisant partie des universités. En effet, le dernier alinéa de l’article L. 713-9 est ainsi rédigé : « Les instituts et les écoles disposent, pour tenir compte des exigences de leur développement, de l’autonomie financière. Les ministres compétents peuvent leur affecter directement des crédits et des emplois attribués à l’université ».

Or, la loi du 10 août 2007 prévoit qu’au sein de leurs établissements, les présidents sont responsables de la dotation globale de l’université. Cela signifie que dans la répartition des moyens entre les composantes, ils doivent tenir compte des spécificités propres à ces instituts et écoles.

La pérennité des budgets des écoles et instituts relevant de l’article 33 doit pouvoir être assurée grâce à l’augmentation générale du budget des universités, qui permettra d’augmenter les moyens des formations de licence sans nuire aux moyens des IUT et écoles.

En outre, vos Rapporteurs estiment que l’État devra être le garant du respect de certains équilibres, au moment du passage à l’autonomie de chaque établissement ainsi que lors de la signature des contrats. La politique des établissements vis-à-vis de leurs composantes dites « articles 33 » sera prise en compte dans les évaluations par l’AERES.

Proposition n° 7 : La dotation à l’activité de la formation doit être calculée en fonction du nombre d’étudiants, mesuré par les inscriptions pédagogiques, en attendant la mise en place d’une mesure fiable de la présence aux examens.

Cette dotation prend en compte les coûts spécifiques des formations en sciences et en ingénierie.

b) La recherche doit être financée en fonction du nombre de chercheurs publiants

De même que la formation, la recherche doit être financée en fonction du nombre d’unités qui traduisent l’activité réelle de l’établissement.

Ainsi, vos Rapporteurs proposent que la variable de calcul de la dotation soit le nombre de chercheurs actifs, c’est-à-dire de chercheurs publiants. Le critère de la publication est un critère reconnu. Il conviendra de préciser le niveau des publications prises en compte, selon les disciplines. Vos Rapporteurs souhaitent que les comités de lecture soient resserrés.

De même que le coût complet de l’étudiant est financé par la dotation formation, la dotation par chercheur doit financer, outre le salaire du chercheur lui-même, l’ensemble de l’environnement du chercheur : personnels techniques et administratifs, entretien et maintenance des laboratoires, amortissements de l’immobilier lorsque l’université en est propriétaire, etc.

Proposition n° 8 : La dotation à l’activité de la recherche doit être calculée en fonction du nombre de chercheurs publiants.

La dotation globale prévue dans le contrat entre l’établissement et le ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche ne sera pas l’unique source de financement des unités mixtes de recherche, qui reçoivent également des dotations des organismes de recherche. La mission des inspections recommande d’améliorer la coordination entre le ministère et les organismes de recherche, et estime que les contrats quadriennaux doivent devenir l’unique instrument des relations entre le ministère, les organismes et les universités. Là encore, davantage de transparence serait souhaitable.

2.– La part du financement calculée en fonction de critères de performance

Deux principes doivent impérativement être suivis s’agissant de la dotation calculée en fonction de la performance des établissements : la transparence et l’évaluation.

C’est en fonction des missions de service public que l’on doit chercher les indicateurs permettant de mesurer la performance de l’établissement.

a) La mesure de la performance de la formation

Toutes les universités n’ont pas les mêmes ambitions, et toutes n’ont pas les mêmes chances de parvenir à un même niveau. Afin de tenir compte du contexte dans lequel chaque établissement évolue, vos Rapporteurs proposent que les indicateurs de performance mesurent des évolutions, et non des niveaux.

Proposition n° 9 : Les indicateurs de performance doivent mesurer des évolutions, non des niveaux.

On peut aussi envisager de comparer des taux de réussite avec des résultats attendus, afin de tenir compte du fait qu’à partir d’un certain niveau, on n’attend davantage un maintien au niveau qu’une progression.

Il convient d’abord de mesurer la réussite pédagogique des universités, par des indicateurs de réussite aux diplômes. Cela pourrait être par exemple le taux de réussite en licence en trois ans. Vos Rapporteurs insistent sur le fait que parallèlement à la mise en place de tels indicateurs, il faudra que l’AERES assure un « contrôle de qualité » des diplômes. Au-delà des simples rendus d’indicateurs, une évaluation qualitative apparaît indispensable pour pallier leurs possibles effets pervers : la mesure de taux de réussite aux examens est indissociable d’une appréciation de la qualité des enseignements dispensés et des modalités d’organisation de leur sanction.

Ensuite, la dotation doit dépendre de l’insertion professionnelle. Pour l’instant, l’insertion n’est pas mesurée de façon homogène dans tous les établissements. En attendant des indicateurs fiables (taux d’insertion trois ans après l’obtention du diplôme par exemple), on pourrait valoriser la mise en place d’observatoires, de bureaux des stages, de dispositifs d’aide à la recherche d’emploi pour les étudiants, etc.

La poursuite des études devra être prise en compte, par exemple par le report des étudiants concernés dans une cohorte suivante pour la mesure de l’insertion, méthode pratiquée par l’université de Marne-la-Vallée.

Vos Rapporteurs souhaitent également qu’un critère social soit intégré dans l’évaluation des résultats. Cela pourrait être l’âge moyen des étudiants au baccalauréat, ou bien le nombre de boursiers.

Vos Rapporteurs souhaiteraient également que l’aménagement du territoire soit un objectif pris en compte. Les caractéristiques socio-économiques de la région dans laquelle se trouve l’université doivent être prises en compte. En effet, les chances de trouver un emploi ne sont pas les mêmes partout.

Enfin, et surtout, il va de soi que la dotation à la performance devra tenir compte des évaluations de l’AERES.

Par ailleurs, la construction des indicateurs de performance doit être réalisée sinon par l’AERES, du moins en étroite concertation entre le ministère et l’agence d’évaluation.

Proposition n° 10 : L’évaluation de la performance de la formation doit prendre en compte la réussite aux diplômes, l’insertion professionnelle, la situation sociale des étudiants et les caractéristiques socio-économiques de la région d’implantation de l’établissement.

b) L’évaluation de la recherche

L’évaluation n’est pas étrangère à la recherche. La mesure de la performance des laboratoires est déjà assez développée et consensuelle. Ainsi, lors de leur audition par la MEC, les inspecteurs auteurs du rapport sur la mise en œuvre de la loi du 10 août 2007 ont indiqué que « le service de la recherche universitaire du ministère module déjà, en fonction de leurs performances, les dotations aux laboratoires dans des proportions de 1 à 1,6 en servant tous les laboratoires côtés de C à A+ ».

Le principe doit être celui d’une évaluation par les pairs, qui ont une compétence scientifique pour juger les travaux de leurs confrères. C’est le système retenu pour l’AERES qui attribue les notes A+, A, B, C et D.

Vos Rapporteurs souhaitent que soient pris en compte le nombre de doctorants et la valorisation des travaux de recherche. La valorisation est une notion difficile à évaluer, car chaque discipline a des outils et des procédures propres. C’est pourquoi il faut confier cette évaluation aux spécialistes de l’AERES.

Une totale transparence devra être assurée sur les critères et indicateurs d’évaluation, les résultats atteints par les établissements, ainsi que le montant des dotations qui en découleront.

Proposition n° 11 : La détermination des critères d’évaluation en matière de recherche doit être laissée à l’appréciation de l’AERES, qui prend en compte le nombre de doctorants et la valorisation des travaux.

c) Prendre en compte le projet de l’université

Vos Rapporteurs tiennent à ce que le projet de l’établissement puisse être accompagné financièrement. Par exemple, si plusieurs universités ou bien des grandes écoles décident de fusionner, il faut pouvoir prévoir un accompagnement financier spécial au sein de la dotation variable. Toutefois, cela devra représenter une faible part de la dotation à la performance, et une transparence totale devra être faite sur le montant en question et ses justifications, afin d’éviter le développement d’une politique de guichet.

Proposition n° 12 : Une part de la dotation à la performance doit être déterminée en fonction du projet de l’établissement ; elle doit être justifiée et attribuée de façon totalement transparente.

C’est sciemment que vos Rapporteurs n’ont pas intégré de critères de bonne gestion, car ils considèrent que la performance en matière de formation et de recherche résultera d’une bonne allocation des moyens mis à disposition. Avant tout, il ne faut pas surcharger les nouveaux contrats de critères qui les alourdiraient et nuiraient à leur lisibilité.

La mise en place d’une dotation liée à la performance nécessite le renforcement de l’évaluation, ainsi qu’un changement dans la prise de décisions au ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche. Celui-ci devra désormais tirer toutes les conséquences qu’induisent les évaluations de l’AERES.

*

* *

Vos Rapporteurs souhaitent que cette réforme de l’allocation des moyens aux universités puisse être mise en œuvre dès janvier 2009. Il faudra bien entendu prévoir une période transitoire, permettant de tenir compte de quatre éléments :

– le rééquilibrage vers le haut des dotations des universités au regard du nouveau système peut être étalé sur plusieurs exercices budgétaires ;

– toutes les universités n’opteront pas pour les compétences élargies en matière budgétaire et de ressources humaines dès 2009 ;

– les contrats quadriennaux sont renouvelés par vague chaque année ;

– tous les indicateurs sur lesquels seront calculées les dotations ne sont par encore disponibles.

Si pour des raisons techniques, administratives ou politiques, il s’avère impossible d’appliquer le nouveau dispositif intégralement dès 2009, vos Rapporteurs souhaiteraient qu’on le fasse au moins pour les universités de la vague contractuelle de l’année, ainsi que pour les universités qui obtiendront les nouvelles compétences prévues à l’article 18 de la loi du 10 août 2007.

Proposition n° 13 : Mettre en place le nouveau système dès 2009, ou, s’il s’avère impossible de le faire pour tous les établissements, le mettre en place au moins pour toutes les universités qui signent un nouveau contrat ou qui optent pour les nouvelles compétences prévues par la loi LRU.

III.– L’AUTONOMIE ACCRUE DES UNIVERSITÉS IMPLIQUE
UNE ÉVOLUTION DE L’ORGANISATION ET DES MODES D’INTERVENTION DE LA TUTELLE ET UN RENFORCEMENT DE L’ÉVALUATION

Avec de telles réformes en cours, le renforcement de l’autonomie des universités et l’apparition du budget global, l’organisation du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche ne peut rester inchangée.

A.– L’ÉVOLUTION NÉCESSAIRE DES MÉTHODES DE TRAVAIL ET DE L’ORGANISATION DU MINISTÈRE

Les missions de gestion directe des universités doivent être abandonnées par le ministère, au fur et à mesure des dévolutions de compétences prévues dans la loi LRU. Ainsi, la gestion des emplois par la DGES et de la masse salariale par la DAF devra bientôt disparaître, ces directions devant se réinvestir dans l’accompagnement des universités dans l’apprentissage de leurs nouvelles compétences.

C’est désormais par la définition d’objectifs clairs et par l’incitation des universités à les atteindre, que le ministère pourra s’assurer de la mise en œuvre des orientations qu’il aura fixées. La réforme de la politique contractuelle entreprise par le DGES depuis 2005, dans le cadre de la mise en application de la LOLF, doit être poursuivie et approfondie, pour aboutir à de véritables contrats d’objectifs, traduisant une stratégie et des priorités, adaptés à l’hétérogénéité des situations.

La mission sur la mise en œuvre de la loi LRU confiée aux inspections recommande à juste titre de recentrer sur trois missions l’exercice de la tutelle de la DGES :

– la conception des politiques publiques et de la réglementation ;

– le pilotage, c’est-à-dire la négociation des contrats, l’allocation des moyens et l’analyse des résultats par rapport aux objectifs fixés ;

– l’accompagnement des universités (par exemple, il faut les aider à mettre en place une comptabilité analytique, et un système de gestion immobilière).

Le recentrage de la politique contractuelle sur la définition d’objectifs et l’analyse des résultats supposent d’améliorer le retour annuel d’indicateurs et d’informations sur la situation des établissements. Jusqu’à présent, la DAF devait encore ressaisir les chiffres des comptes financiers des établissements pour élaborer le rapport annuel de performances du programme Formations supérieures et recherche universitaire, annexé à chaque projet de loi de finances.

Proposition n° 14 : Les missions de gestion directe doivent être abandonnées par le ministère, son action devant être réorientée vers le pilotage stratégique et l’accompagnement des universités.

La tutelle devant se recentrer sur le contrôle a posteriori, il est important qu’au niveau local, les recteurs exercent le contrôle budgétaire et le contrôle de légalité sur les établissements publics d’enseignement supérieur.

Enfin, l’évaluation doit être entièrement confiée à l’AERES, la DGES se bornant à tirer les conséquences nécessaires des évaluations.

B.– L’INDISPENSABLE RENFORCEMENT DE LA CULTURE DE L’ÉVALUATION

La DGES doit prendre acte de la création de l’AERES et en tirer les conséquences sur sa propre organisation.

Il faut aller au bout de la séparation entre l’évaluation, confiée entièrement à l’AERES, et la décision, qui revient à la DGES. La clarification des relations entre l’AERES et la DGES participe de la transparence voulue pour le nouveau système de répartition des moyens.

Deux conséquences doivent en résulter :

- d’une part, la DGES doit abandonner les missions d’évaluation qu’elle réalise encore ;

- d’autre part, elle doit désormais prendre ses décisions en fonction des évaluations réalisées par l’AERES. Les dotations de la part déterminée en fonction de la performance doivent clairement découler des évaluations de l’AERES.

Au préalable, il faut établir clairement le cahier des charges de l’AERES. L’évaluation des résultats doit être systématisée, avant chaque exercice de contractualisation.

Proposition n° 15 : Clarifier les relations entre l’AERES et la DGES, ainsi que l’articulation entre évaluation et décision. L’évaluation doit être entièrement confiée à l’AERES, la DGES devant en tirer les conséquences budgétaires, de façon totalement transparente.

——fpfp——

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné le rapport de la mission d’évaluation et de contrôle (MEC) sur l’allocation des moyens des universités, présenté par MM. Alain Claeys et Laurent Hénart.

Le président Didier Migaud a rappelé que la politique universitaire est un domaine dans lequel la MEC a fait preuve de persévérance. Après son rapport de mai 2000 et celui de juin 2006 présenté avec M. Michel Bouvard, c’est la troisième fois que M. Alain Claeys présente un rapport relatif à la modernisation de la gestion des établissements d’enseignement supérieur.

Le rapport de la MEC de 2006 avait contribué à faire mûrir la réflexion d’où est issue la loi, dite LRU, du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités. Parmi les préconisations de ce rapport, certaines n’avaient pas vocation à recevoir une application dans la loi LRU : tel est le cas de celle tendant à remettre à plat le système d’allocations des moyens des universités.

C’est un constat unanime : le système analytique de répartition des moyens dénommé « San Remo » n’a pas survécu à la réforme licence/master/doctorat. Trop complexe, injuste, inefficace, il doit être remplacé. Chacun en est conscient, le Sénat en créant un groupe de travail, le bureau de la commission des Finances en saisissant la MEC.

En dépit d’un ordre du jour chargé, la mission a montré sa capacité de réaction rapide : du 28 mai au 18 juin, elle a mené quatre matinées d’auditions et en point d’orgue une stimulante audition de la ministre, Mme Valérie Pécresse.

Ce travail a été un travail d’équipe : à M. Alain Claeys et au Rapporteur spécial de la commission des Finances, M. Laurent Hénart, se sont associés deux membres de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales, M. Régis Juanico et le Rapporteur de la loi LRU, M. Benoist Apparu. La parité entre majorité et opposition est un élément important de la MEC, ainsi que la participation fidèle et attentive de la Cour des comptes.

À l’issue de leurs travaux, les rapporteurs présentent 15 propositions destinées à guider le Gouvernement dans la recherche d’un système transparent, juste et efficace d’allocation des moyens aux établissements d’enseignement supérieur.

M. Alain Claeys, Rapporteur, a rappelé que la loi du 10 août 2007 n’avait pas traité le sujet du système San Remo qui est inéquitable et opaque. Le précédent rapport de la MEC avait soulevé le problème, sans le résoudre.

Toutes les personnes auditionnées par la MEC s’accordent pour considérer que San Remo doit être réformé en profondeur. De surcroît, la loi LRU a instauré un budget global pour les universités, qui rend San Remo obsolète.

Il est peu question du rôle de l’État dans la loi LRU. Il doit avoir une fonction double : l’une de stratège, et l’autre d’évaluateur, ce qui est la contrepartie de l’autonomie des universités. Le rapport fait des propositions sur l’évaluation, notamment les propositions 14 et 15 : il faut une répartition simple des rôles entre l’Agence d’évaluation de l’enseignement supérieur et de la recherche (AERES) et la direction générale de l’enseignement supérieur (DGES). Ces dernières années, la DGES a eu du mal à se situer, en exerçant un contrôle tatillon sans aller à l’essentiel.

Le principe de la réforme proposée par le rapport est le suivant : une répartition des moyens qui assure le financement du service public d’une part, et reconnaisse la performance des universités d’autre part. C’est la proposition n° 1.

Certains s’inquiètent de la nature de la dotation à l’activité : il ne s’agit pas d’une tarification à l’activité comme dans les hôpitaux ! Il s’agit ici de financer des missions de service public qui auront été définies au préalable.

M. Laurent Hénart, Rapporteur, a expliqué que le rapport a posé comme principe, dans les nouvelles règles d’allocation, que le financement à l’activité, destiné à garantir le service public, doit être nettement majoritaire. Les critères doivent être différents pour la formation et la recherche.

En ce qui concerne la formation, la part à l’activité pourrait représenter 90 %, ce qui laisse 10 % à la performance. Cet équilibre peut être modulé entre licence et master : la part déterminée en fonction de la performance peut être de 5 % pour la licence, et 15 % pour les formations de master. Le critère de calcul de la dotation à l’activité serait le nombre d’étudiants, mesuré en fonction des inscriptions pédagogiques, en attendant qu’une mesure du nombre d’étudiants présents aux examens soit disponible, tenant compte du développement du contrôle continu dans le cadre du LMD.

Pour la recherche, la dotation à l’activité pourrait être de 75 %, et la part performance de 25 %. Le critère de la première dotation serait le nombre de chercheurs publiants. Les auditions de la mission ont montré la nécessité que les comités de lecture soient bien suivis par le ministère et par l’AERES, afin de s’assurer de la qualité des publications.

S’agissant de la détermination de la dotation en fonction de la performance de chaque formation, l’évaluation devrait prendre en compte 4 éléments :

– la réussite aux diplômes ;

– l’insertion professionnelle ;

– le contexte social de l’établissement, révélé notamment par le nombre de boursiers ;

– les caractéristiques socio-économiques de la région d’implantation.

S’agissant de la détermination de la dotation en fonction de la performance de la recherche, il reviendra à l’AERES de fixer les critères d’évaluation, sachant que la mission recommande de prendre en compte le nombre de doctorants et la qualité des écoles doctorales, ainsi que la valorisation de la recherche.

Dans sa proposition n° 9, la MEC recommande de mesurer la performance des universités non pas en niveau, mais en variation par rapport à l’année précédente ou le contrat précédent. Enfin, une part de la dotation à la performance devra tenir compte du projet de l’établissement, en l’accompagnant financièrement, et en tenant compte de ses résultats. Cela devra se faire dans la plus grande transparence.

Le système proposé par la mission doit permettre de rétablir l’équité entre universités. En effet, les dotations par étudiant sont très inégales, les écarts allant aujourd’hui de 1 à 3. La mission souhaite un alignement vers le haut, c’est-à-dire que les dotations par étudiant de toutes les universités devront rejoindre celle de l’université actuellement la mieux – ou la « moins mal » – dotée. Cette remise à niveau ne concerne que la part à l’activité, ce qui permettra à toutes les universités de bénéficier de l’évaluation de leur performance.

Enfin, la MEC souhaite que cette réforme soit mise en œuvre dès 2009, en tout cas au moins pour les établissements qui signent un nouveau contrat cette année ou qui optent pour les compétences prévues à l’article 18 de la loi LRU : cela représente environ un tiers des universités.

M. David Habib, Président de la mission d’évaluation et de contrôle, a salué la qualité du travail mené par les deux Rapporteurs, qui dans un temps limité, ont eu le souci de conduire de nombreuses auditions. Dans leurs propositions opérationnelles et précises, les Rapporteurs n’ont pas hésité à prendre des risques en suggérant des critères sur lesquels l’État a longtemps refusé de se prononcer. Ces propositions ont vocation à être mises en œuvre rapidement, et les réponses qui vont leur être données pourraient être transposées à d’autres services publics que l’université. À noter enfin que l’audition de la ministre a constitué un apport très utile aux travaux : il conviendrait de systématiser ce type d’audition à la fin des MEC.

Le Président Didier Migaud a rappelé qu’il est conforme à l’esprit des institutions que les ministres rendent compte au Parlement, dont l’une des principales fonctions est de contrôler l’action du Gouvernement.

M. François Goulard a fait part de son intérêt pour le rapport, dont il partage l’essentiel des conclusions. Une remarque de forme doit néanmoins être faite : il n’apparaît guère pertinent de distinguer la mission de service public de l’université de sa performance. Par définition, tout ce que fait l’université est d’intérêt public. Une deuxième remarque, plus fondamentale, concerne l’offre universitaire en France. Le système proposé par les Rapporteurs est adapté à une offre universitaire à peu près convenable. Or, il ne faut pas perdre de vue que cette offre est massivement inadaptée, à la fois aux attentes des étudiants et aux besoins de notre économie. Il manque ainsi une offre spécifique aux 300 000 à 400 000 bacheliers professionnels ou technologiques, qui fournissent in fine les gros bataillons de l’échec universitaire. Il est extrêmement important pour l’enseignement supérieur et pour la société française que les dotations financières du système de formation permettent d’orienter l’offre universitaire. Or, les réformes de gouvernance adoptées l’été dernier ne sont pas de nature à modifier en profondeur l’offre universitaire.

M. Benoist Apparu a déclaré adhérer aux conclusions du rapport et au constat dressé par M. François Goulard. Trop de bacheliers professionnels et technologiques se retrouvent en échec dans les premiers cycles universitaires. Une réponse appropriée consisterait à faire figurer dans le cahier des charges des IUT et des BTS l’obligation de recruter un seuil minimum de ces bacheliers. Telle est l’orientation retenue par le plan Licence lancé par le ministère de la Recherche de l’enseignement supérieur.

M. Régis Juanico a fait part de son plaisir d’avoir participé, en tant que membre de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales, à une mission d’évaluation et de contrôle, dont les travaux sont conduits avec plus de souplesse et de réactivité que ceux de bien des missions d’information. Si la quasi-totalité des propositions du rapport sont intéressantes, il convient de formuler quelques remarques. Certaines universités sont sous-dotées financièrement ; il est nécessaire de consentir un effort de rattrapage en leur donnant le signe que le nivellement de l’enseignement supérieur se fera par le haut. Concernant la performance, il faudra prendre en compte l’environnement socio-économique et territorial des universités. Si l’amélioration du financement ne s’accompagne pas de créations d’emplois en nombre suffisant, de réels problèmes pourraient survenir. La loi LRU a offert aux universités la possibilité de bénéficier de ressources exceptionnelles, provenant notamment de fondations, mais les universités ne sont pas égales devant l’accès à ce type de ressources ; à l’avenir, il pourrait être utile de réfléchir à un mécanisme de péréquation ou de compensation.

M. Jean-Yves Cousin a souligné que l’IUT est l’un des plus beaux enfants de l’université des 25 dernières années. Il ne faudrait pas qu’il pâtisse de la globalisation des crédits. Quelle est l’opinion des Rapporteurs, dans le cadre de l’application de la loi LRU, sur le devenir du « fléchage » des crédits pour les IUT et écoles d’ingénieurs, prévu par l’article 33 de la loi du 26 janvier 1984 ?

M. Jean-François Mancel a indiqué que la présence d’étudiants étrangers au sein des universités françaises est un gage de rayonnement. Est-il envisageable de faire de cette présence un critère de performance des universités ?

M. Gérard Bapt a attiré l’attention de la Commission sur la question des visas : des étudiants libanais, iraniens ou syriens rencontrent des problèmes pour s’inscrire dans les universités françaises. Concernant les créations d’emplois, il est urgent que le statut des enseignants universitaires en médecine, actuellement examiné par le Conseil d’État, soit publié au plus vite.

M. Alain Claeys, Rapporteur, a rappelé que l’accueil des étudiants étrangers a fait l’objet d’un rapport de la commission des Finances, mais que les problèmes soulevés n’ont pas tous été résolus. La remarque de M. François Goulard sur la mission d’intérêt public de l’université est tout à fait pertinente. Concernant les IUT, il conviendrait, sans méconnaître leur autonomie, de rénover leur cahier des charges. En effet, la situation des filières courtes est scandaleuse : on y accueille d’anciens élèves des classes préparatoires, en laissant de côté les bacheliers technologiques. Parallèlement, des places sont vacantes dans ces filières ; ainsi 250 places de BTS seraient libres dans l’académie de Poitiers. En matière d’offre universitaire, la LRU n’a pas suffisamment précisé le rôle de l’État. Celui-ci doit conduire une véritable stratégie universitaire, qui doit se traduire dans les contrats qui le lient aux établissements.

M. François Goulard a estimé qu’il ne faut pas casser la dynamique des IUT et des BTS, qui fonctionnent bien. Mais ces établissements ne sont pas en mesure de fournir aux 300 000 à 400 000 bacheliers technologiques et professionnels, d’un niveau moyen, la formation de base dont ils auraient besoin. Il faudrait, pour ce faire, un effort de financement de l’État, faute de quoi la situation ne pourrait s’améliorer avant une cinquantaine d’années…

M. Alain Claeys a constaté que l’on se heurtait à une grande difficulté, car d’un côté chacun est attaché à préserver l’accès libre des bacheliers à l’université, mais d’un autre côté, on ne tire pas les conséquences de l’hétérogénéité des différents baccalauréats. Il faudrait en tenir compte davantage et en informer les futurs étudiants ; à défaut, on pratique une sélection par l’échec sans le dire.

M. François Goulard a souligné que la sélection à l’entrée de l’université n’était pas une solution ; si elle était instaurée, on n’aurait pas d’offre alternative pour les étudiants refusés à l’inscription. Il a rappelé que certaines universités accueillent n’importe quels étudiants étrangers pour accroître le nombre de leurs inscrits, sans tenir compte de leurs chances de réussite, afin de bénéficier de crédits plus élevés.

La coordination des procédures d’obtention de visa et d’inscriptions universitaires a fait des progrès. En revanche, l’accueil des étudiants étrangers n’est pas assuré de manière convenable. La France a beaucoup de progrès à accomplir car elle doit continuer à recevoir les étudiants étrangers, dont certains sont excellents. On ne réglera pas ce problème uniquement par des incitations budgétaires.

M. Laurent Hénart, Rapporteur, a indiqué que les solutions ne peuvent être les mêmes pour tout le territoire français, de même que l’offre d’enseignement ne peut être identique sur tout le territoire.

L’État a conservé un outil de pilotage efficace ; il a été jugé souhaitable que les nouvelles règles favorisent l’évolution de l’offre de formation, mais c’est à l’État de définir quel type de formation doit être créé et quelle égalité des chances doit être préservée sur le territoire. L’évaluation a un grand rôle à jouer également. La méthode contractuelle paraît appropriée : elle permettra à l’établissement de formuler son projet et à l’État de fixer les priorités et de définir les moyens destinés à chaque établissement.

Le problème posé par l’article 33 de la loi du 26 janvier 1984 (codifié à l’article L. 713-9 du code de l’éducation) peut être résolu de deux manières. La loi sur l’autonomie des universités a prévu un système de budget global géré de façon autonome par les présidents d’université. S’il est évident que le fléchage des crédits vers les IUT et écoles d’ingénieurs n’est plus adapté, en revanche la voie proposée par la mission paraît appropriée : faire de la prise en compte des spécificités de ce type de formations et de leur place dans l’université un élément du contrat.

Parfois, la sélection insuffisamment diverse des étudiants d’IUT peut être la conséquence de l’application de l’article 33, qui offre à ces instituts un droit de tirage ouvert…

Des indicateurs de performance pourraient inclure des mesures relatives à l’accueil des étudiants étrangers ; on pourrait améliorer la situation en appliquant ces indicateurs à l’activité de recherche ou aux différents aspects de la vie étudiante.

M. Benoît Apparu a noté que les IUT disposaient d’une autonomie financière au sein de l’université qui les abrite. Avec la mise en œuvre de la loi LRU et des préconisations de la mission, l’université disposera d’un budget global et répartira les dotations elle-même ; les crédits de l’IUT dépendront alors du lien que son directeur pourra créer avec l’équipe du président de l’université.

M. Michel Bouvard a salué la persévérance de M. Alain Claeys ainsi que le travail de Laurent Hénart sur cette question. Il a jugé souhaitable qu’une évolution de la répartition des dotations intervienne dès 2009. Il s’est interrogé sur la manière dont serait pris en compte le rôle des universités dans la formation continue. La création ou le maintien de formations continues à l’université doit être un critère de performance, ce qui peut en outre contribuer à une meilleure utilisation des locaux et à l’émergence d’un lien plus fort entre formation initiale et formation continue. L’université ne prend aujourd’hui en charge que 7 % de la formation continue, ce qui est trop peu.

Le Président Didier Migaud a demandé si le contexte était favorable à une évolution du système de répartition des dotations dès 2009. Ces décisions étant de nature réglementaire, l’évolution peut être rapide si la volonté politique est là.

M. Alain Claeys a répondu que le nouveau système pouvait être mis en place rapidement s’il est confirmé qu’il s’accompagne d’une progression des moyens. La transition pourrait s’effectuer au moment de la renégociation des contrats quadriennaux des universités. En 2009, 35 ou 40 d’entre elles pourraient se voir appliquer le nouveau système. Néanmoins l’administration ne dispose pas encore du système de comptabilité analytique permettant de connaître le coût complet de la scolarité par étudiant.

M. Laurent Hénart a précisé que la formation continue pourrait être valorisée au sein des projets de l’université, ce qui peut avoir un effet dynamique. La mise en œuvre du nouveau système doit être menée selon une règle claire : si elle est impossible dès 2009, il convient alors d’organiser le passage des universités au nouveau système au fur et à mesure de la renégociation des contrats, dans les trois prochaines années.

Le Président Didier Migaud a demandé aux Rapporteurs de suivre de manière précise la mise en œuvre des propositions présentées par ce rapport.

La Commission a alors autorisé la publication du présent rapport.

I.– LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Pages

28 mai 2008

a) 9 h 00 : M. Jean-Pierre Finance, président de la Conférence des présidents d’université (CPU), MM. Thierry Coulhon et Michel Lussault, vice-présidents, et M. Éric Esperet, délégué général 41

b) 10 h 30 : M. Olivier Vial, délégué général de l’Union nationale inter-universitaire (UNI) et M. Rémi Martial, membre de l’UNI 53

c) 11 h 00 : Mme Sophie Binet, vice-présidente de l’Union nationale des étudiants de France (UNEF), Mme Anna Melin et M. Thierry Lecras, membres de l’UNEF 56

d) 11 h 30 : M. Thiébaut Weber, président de la Fédération des associations générales étudiantes (FAGE) 60

3 juin 2008

a) 9 h 30 : M. Henri Guillaume, inspecteur général des finances, Mme Charlotte Leca, inspecteur des finances, M. Pascal Aimé, inspecteur général de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche, et M. Bernard Dizambourg, inspecteur général de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche 63

b) 11 h 00 : M. Jean-François Dhainaut, président de l’Agence de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (AERES) 73

4 juin 2008

10 h 30 : MM. Bernard Saint-Girons, directeur général de l’enseignement supérieur, Gilles Bloch, directeur général de la recherche et de l’innovation, ainsi que Michel Dellacasagrande, directeur des affaires financières au ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche 80

11 juin 2008

a) 9 h 30 : Table ronde de représentants de syndicats de l’enseignement supérieur et de la recherche : M. Jean Fabbri, secrétaire général du syndicat national de l’enseignement supérieur (SNESUP), M. Stéphane Tassel, membre du bureau national du SNESUP, et M. Michel Piecuch, secrétaire fédéral du SGEN-CFDT 92

b) 10 h 30 : MM. Guillaume Gaubert, sous-directeur, et Denis Charissoux, chef du bureau recherche et enseignement supérieur, à la direction du budget du ministère du Budget, des comptes publics et de la fonction publique 101

c) 11 h 30 : M. Christian Margaria, président de la Conférence des grandes écoles, et MM. Alain Storck et Pierre Aliphat, membres du bureau. 108

18 juin 2008

14 h 00 : Mme Valérie Pécresse, ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche. 113

Contributions écrites adressées à la MEC

– M. Paul Jacquet, président de la Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs (CDEFI)

– M. Yves Markowicz, co-secrétaire général de l’UNSA-Sup’Recherche

– M. Jean-François Mazoin, président de l’Association des directeurs d’IUT.

II.– COMPTE RENDU DES AUDITIONS

Auditions du 28 mai 2008

a) 9 heures :

M. Jean-Pierre Finance, président de la Conférence des présidents d’université (CPU), MM. Thierry Coulhon et Michel Lussault, vice-présidents, et M. Éric Espéret, délégué général.

Présidence de M. David Habib, Président

M. David Habib, Président : J’ai le plaisir d’accueillir les représentants de la conférence des présidents d’université, la CPU. La mission d’évaluation et de contrôle (MEC) engage avec eux un nouveau cycle d’auditions consacré à l’allocation des moyens des universités. Nos Rapporteurs sont M. Alain Claeys – qui a déjà produit deux rapports sur le sujet dans le cadre de la MEC – et M. Laurent Hénart, Rapporteur spécial du budget de l’enseignement supérieur.

Notre mission bénéficie du concours de deux députés de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales : M. Benoist Apparu, qui a rapporté la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU), et M. Régis Juanico. Je salue la présence de M. Jean-Pierre Brard. Enfin, les représentants de la Cour des comptes nous assistent de façon précieuse, et je remercie de sa participation M. Serge Barichard, conseiller référendaire.

M. Laurent Hénart, Rapporteur : Comme l’a fait remarquer M. le Président, notre travail s’inscrit dans le prolongement des rapports précédents de la MEC. Ceux-ci ont éclairé le dernier débat sur la loi LRU de l’été 2007. Nous nous interrogeons sur les conséquences concrètes qu’aura cette loi sur le financement par l’État des établissements d’enseignement supérieur.

La CPU a fait part de son analyse à plusieurs reprises. Pourriez-vous nous la rappeler ? Il apparaît difficile de maintenir l’ancien système de répartition des moyens dans la nouvelle législation. Que préconisez-vous, étant bien entendu qu’il ne s’agit pas de prendre en compte les seules subventions versées mais l’ensemble des moyens des universités ? La loi d’août dernier a mis en place un budget global qui change substantiellement la situation.

Notre mission entendra après vous les services du ministère compétent, les inspections qui ont produit un rapport sur le sujet, les syndicats des personnels enseignants et techniques et des étudiants, puis Madame la ministre.

Nous nous sommes associés, au sein de l’Assemblée nationale, à la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales et nous avons noué des contacts avec nos collègues sénateurs qui procèdent eux aussi à un travail d’information sur ce sujet.

Le rapport de la MEC devrait permettre d’éclairer le débat sur la mission Recherche et enseignement supérieur dans le cadre du projet de loi de finances pour 2009, c’est pourquoi notre objectif est de rendre ce rapport au plus tard à la fin du mois de juin prochain.

M. Jean-Pierre Finance : Le contexte général est connu. La CPU a fortement soutenu l’évolution législative, alors que le Gouvernement s’engageait dans le même temps à augmenter de façon substantielle les moyens des universités. Le passage de 10 à 15 milliards d’euros est un élément déterminant dans l’accompagnement de la démarche. Tout le monde le reconnaissait, nos universités étaient sous-financées.

Au sein des universités, beaucoup de changements se produisent en termes de modifications statutaires, d’élections des présidents, dans un contexte parfois un peu chahuté. Le passage à de nouvelles compétences que définit la loi constitue un véritable défi et nécessite un travail important à l’intérieur des établissements. Il faudra, notamment, gérer complètement la masse salariale et l’utiliser comme un levier de progrès.

Le travail qui est mené ici et la construction du PLF pour 2009 sont essentiels dans la démarche actuelle. Au 1er janvier 2009, nous trouverons au moins quatre cas différents : des établissements en cours de contractualisation ; d’autres, qui seront sans doute traités via des avenants aux contrats précédents ; ces deux premiers cas pourront se croiser avec deux autres : les établissements qui auront choisi de passer aux nouvelles compétences et les autres. Ainsi, dans la construction du budget 2009 et dans la répartition des moyens, il y aura certainement quatre cas distincts.

Il faudra gérer à la fois une progression des moyens et une situation très diversifiée, sinon très inégalitaire selon l’ancienneté des universités, leur histoire, leur taille et leur spécificité. La CPU s’interroge : comment rechercher l’équité ? A quel niveau ?

Incontestablement, cette équité doit être obtenue au niveau de la licence. L’université n’a aucune volonté ni aucune possibilité de faire de la sélection à ce niveau, assurant ainsi une véritable mission de service public et d’ascenseur social pour tous. Ce qui est annoncé dans le plan Licence doit résorber les différences.

La construction et la répartition du budget 2009 doivent donc prendre en compte ces deux paramètres : recherche d’équité, à tout le moins au niveau de la licence (et sans doute, partiellement des masters) ; progrès dans l’ensemble des dotations.

L’attribution de la masse salariale à l’ensemble des universités oblige à prendre en compte son évolution potentielle au cours des quatre années de contrat. Évoluera-t-elle en fonction d’un certain nombre de paramètres comme le nombre d’étudiants ? Sera-t-elle fixée pendant les quatre années de contrat, ce qui permet une certaine prospective et une véritable soutenabilité budgétaire ?

La direction générale de l’enseignement supérieur (DGES) et la CPU travaillent actuellement sur un mécanisme de répartition moyen : une part importante des moyens attribués par l’État se ferait sur une base algorithmique en fonction de critères normés ; une autre partie résulterait des spécificités de l’établissement : performance, implantation géographique, etc. Il conviendrait de mener une réflexion sur la manière de définir cette dernière part, qui ne serait pas normée à l’identique pour l’ensemble des universités.

M. Laurent Hénart, Rapporteur : J’ai bien compris que, pour vous, le changement de système devait se faire dans un contexte dynamique sur le plan budgétaire !

L’essentiel tient dans cette enveloppe de droit commun - à peu près 90 % des sommes - dont le but est de répercuter l’ensemble des charges de fonctionnement que l’État entend couvrir, qu’il s’agisse des personnels, des locaux, du service public de l’enseignement ou de la recherche. Quels devraient en être, pour vous, les critères d’allocation, pour l’enseignement comme pour la recherche : les filières de formation, le type d’unités, le nombre d’étudiants inscrits, le nombre de ceux qui passent les examens, etc. ? Il serait intéressant d’approfondir le sujet puisque c’est cette enveloppe qui reflétera l’essentiel de l’effort budgétaire de l’État.

M. Jean-Pierre Brard : Au cours des auditions de la mission d’information de la commission des Finances sur la LOLF, pour l’Éducation nationale, à l’échelon de la région parisienne, nous avons entendu que la direction régionale et le ministère trichaient en réservant des sommes dont on sait qu’elles seront déléguées car elles sont déjà pré-attribuées. Vous qui devez vous accommoder des textes que nous votons ici, pouvez-vous nous dire ce qu’il en est ?

M. Régis Juanico : Qu’entendez-vous par « critères spécifiques », par critères de « performance » : le taux de réussite des étudiants aux examens ? A quel niveau ? Le taux d’insertion professionnelle au bout de x années après la sortie de l’université ? Avez-vous commencé à y réfléchir ?

M. Laurent Hénart, Rapporteur : Deux masses viennent d’être évoquées : une partie « budget de droit commun », qui sera majoritaire et qui vise à assurer de manière stable certaines missions de service public ; une partie variable, selon la performance, l’association à certaines politiques spécifiques, etc. Quel ratio envisagez-vous ? Par exemple, 80 % pour la partie de droit commun et 20 % pour la partie variable ?

M. Michel Lussault : Les universités font partie des rares établissements publics n’ayant pas de recettes, ce qui constitue une lourde contrainte budgétaire. Certaines collectivités publiques peuvent ajuster leurs recettes et leurs dépenses, pas nous ! Même les frais de scolarité complémentaires nous sont refusés. Les droits d’inscription ne sont pas des recettes, puisqu’ils sont récupérés et reversés partiellement. Les boursiers ne sont pas compensés intégralement.

Il existe heureusement des rentrées complémentaires. Dans mon université de Tours, le budget de fonctionnement et d’investissement, hors masse salariale, est de 50 millions d’euros. Or la dotation globale de fonctionnement et le contrat correspondent, en année normale, à 13 ou 14 millions d’euros. Tout le reste provient de la contribution d’autres collectivités et n’est pas considéré comme des recettes.

Les universités subissent par ailleurs souvent une double peine. Un exemple : le critère de la réussite dans le domaine de la formation, qui permet une évaluation à l’activité, non pas à partir du nombre d’étudiants inscrits, mais du nombre d’étudiants présents aux examens. Le rapport entre le nombre d’inscrits et de présents aux examens est en train d’évoluer : une partie des doubles inscrits, qui étaient fictifs, ne s’inscrivent plus à l’université depuis que l’on a intégré les classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) et les sections de techniciens supérieurs (STS) dans le système du LMD. Il serait en tout cas paradoxal que l’université, qui est le seul établissement sommé de prendre tous les étudiants, soit sanctionné parce qu’une partie de ceux-ci, qui ne devraient pas y être inscrits, finissent par s’évaporer au bout de quelques semaines. Dans l’éducation nationale, 5 % des élèves inscrits en septembre en terminale ne passent pas le baccalauréat. De la même manière, 10 % des élèves de STS, filière pourtant sélective, ne passent pas le BTS. Dans les CPGE, 8 % des inscrits ne passent pas les concours. Cela se traduit-il par une sanction financière ? Non. Nous sommes prêts à assumer une telle sanction. Mais nous ne voudrions pas être continuellement dans un système sous contrainte.

Je remarque enfin que l’activité de recherche pose beaucoup moins de problèmes que l’activité de formation.

M. Jean-Pierre Brard s’est interrogé à propos de la LOLF. Il est exact que la répartition de nos subsides à travers les actions LOLF par niveau de formation est assez aléatoire. Pour la recherche, c’est beaucoup plus simple, dans la mesure où nous disposons de comptabilités analytiques assez précises.

Pour les formations, nous avons besoin d’une batterie de critères assez simples, parmi lesquels il faudra sans aucun doute retenir le nombre de présents non pas aux examens, mais aux épreuves de contrôle. En effet, la notion d’examen a perdu beaucoup de son sens dans les universités. La plupart d’entre elles sont incitées à mettre en place un contrôle en cours de formation, qui peut commencer quelques semaines après la rentrée. Mais doit-on considérer qu’un étudiant qui passe les premières épreuves et pas les huit autres est absent, totalement défaillant, partiellement défaillant ? Comment intégrer dans ce critère apparemment simple des « présents aux examens » les étudiants volatiles ? Si l’université n’était pas un moyen simple, pour les moins de vingt ans, d’acquérir des droits à la sécurité sociale, il y aurait peut-être moins d’étudiants volatiles. En France, l’université a été amenée à jouer un rôle dans la protection sociale des jeunes, ce qui n’a pas forcément lieu d’être. Elle le fait bien volontiers, mais autant le lui reconnaître et ne pas l’en sanctionner.

Il faut tenir compte de critères qui sont liés non seulement à l’activité, mais également à la performance. Un ratio entre le nombre d’étudiants présents et le nombre d’étudiants diplômés serait un indicateur intéressant, à condition de se placer dans le cadre d’une charte de qualité des diplômes évitant aux universités de développer de mauvaises pratiques. Ce référentiel qualité pourrait être validé par l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement (AERES).

L’insertion professionnelle devrait être aussi un critère important mais elle ne peut s’appréhender que par des études de cohorte. Il faudrait en outre pondérer car, en fin de compte, ce sont tout de même les employeurs, y compris les collectivités publiques, qui recrutent. C’est ainsi que nous sommes très dépendants du nombre de postes budgétaires mis au concours par l’État et les collectivités publiques, du moins dans certaines filières.

Nous pensons pouvoir définir assez facilement une grille de critères simples en matière de formations de licence, critères qui pourraient être pondérés par un système de bonus/malus. Car ce n’est pas la même chose de mener une série de licences à Paris XII ou à Paris I, le profil social des étudiants y étant différent. On pourrait appliquer un bonus basé sur l’âge d’obtention du bac, qui constitue un pronostic scolaire. Nous aimerions aboutir à une série de quatre ou cinq critères simples sur l’offre de formations en licence, liés entre eux, avec des possibilités de suivi et de pondération. Cela nous pousse à raisonner, non pas à l’échelle de l’université, ni de chaque filière, mais plutôt des grands domaines de formation ou des grandes mentions de formation à l’intérieur de chaque domaine. Il y a quatre ou cinq domaines de formation dans l’université, hors IUT et santé.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Vous mettez donc de côté les IUT ?

M. Michel Lussault : Nous souhaiterions les mettre le moins possible de côté. Nous pensons que tous les « articles 33 » (de la loi du 26 janvier 1984) devraient « s’amollir ».

M. David Habib, Président : Y a-t-il consensus ?

M. Michel Lussault : Parmi les présidents d’université oui, mais pas parmi les directeurs d’IUT. Nous considérons que toutes les composantes devraient être traitées de la même manière, avec des sortes de contrats d’objectifs et de moyens entre chaque présidence et chaque composante.

Ces domaines – hors IUT et médecine – sont les suivants : droit et économie-gestion ; sciences et technologie ; arts, lettres et langues ; sciences humaines et sociales.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Les critères s’appliquent-ils de la même façon à ces grands secteurs ?

M. Michel Lussault : Le problème de l’université est de savoir quelle maille on choisit pour le filet. Si on raisonne à l’échelle de l’établissement, on risque de faire perdre de la finesse à l’analyse. Si on descend trop, on se retrouve face à la singularité absolue. Malgré tout, en sciences humaines et sociales, entre une licence d’histoire et de sociologie, une licence d’anglais ou d’espagnol, globalement, on s’y retrouve. Mais les filières de sciences sont très particulières et les filières juridiques ont également leurs spécificités. On pourrait regrouper les lettres, les arts et les sciences humaines. Hors médecine et IUT, on devrait définir quatre ou cinq familles.

M. Jean-Pierre Finance : Ce sont celles que tout le monde connaît : ingénierie, sciences, santé, droit et sciences économiques, lettres.

M. Benoist Apparu : Plus les IUT ?

M. Thierry Coulhon : Faut-il traiter à part les IUT et les écoles d’ingénieurs ? Non, mais il faut faire des distinctions.

Les écoles d’ingénieurs sont de deux natures : certaines, nombreuses, sont des composantes des universités et d’autres sont extérieures aux universités. On peut souhaiter que ces dernières soient soumises autant que possible au même grand cadre d’évaluation et de dotation que les universités. Mais ce n’est pas directement notre affaire. Quant aux écoles d’ingénieurs internes, elles doivent être traitées dans le même cadre général que les autres composantes IUT et IUFM, qu’il ne faut pas oublier.

Continuer à faire comme si les « articles 33 » bénéficiaient d’extraterritorialité est un moyen de ne pas appliquer la loi LRU. Nous considérons, et il y a consensus entre nous, qu’il n’est pas souhaitable que le ministre accorde des moyens « fléchés » aux « articles 33 durs ». En même temps, nous pensons que les mêmes grands cadres devraient pouvoir s’appliquer, sans nier pour autant les spécificités des IUT et des IUFM.

Une fois que le budget global sera réellement appliqué, une seule enveloppe sera affectée à l’établissement. Cette enveloppe résultera d’un calcul. Reste que pour certaines composantes, ce calcul peut obéir à des coefficients un peu différents.

Allons plus loin : en interne, pour la répartition des sommes, nous aurons besoin de cadres, de modes de calcul, au moins dans une période transitoire. Il n’est pas indécent d’envisager que des modes de calcul transparents, explicités et négociés entre nous et la DGES, s’appliquent à de telles composantes. Mais ils doivent s’appliquer avec des pointillés. Il ne s’agit pas d’accorder des moyens fléchés.

Personnellement, j’ai vu arriver avec grand plaisir pour l’université que je préside une enveloppe de 348 000 euros sur le plan Licence, ce qui n’est pas rien. Dans le même temps, 500 000 euros de dotation annuelle supplémentaires sont arrivés pour l’IUFM intégré à mon université. C’était très bien, mais tout en reconnaissant certaines spécificités, nous aimerions pouvoir en discuter dans un même cadre, celui de l’établissement.

Il arrive que les relations soient difficiles entre telle composante et la présidence d’un établissement. Cela doit faire l’objet d’une évaluation et avoir des conséquences. La manière dont les moyens sont répartis en interne doit rétroagir sur la contractualisation.

M. Jean-Pierre Finance : À l’adresse du législateur, je continue à regretter qu’il y ait des ordonnateurs secondaires de droit, alors que la loi et le décret financier ne permettent plus au président d’en désigner d’autres. Cela introduit une dissymétrie extrêmement lourde à l’intérieur des universités entre ceux (tous les « articles 33 ») qui peuvent dépenser leur budget à leur guise une fois qu’il leur est attribué et les autres directeurs de composantes qui n’ont que des délégations de signature.

Cela a également des conséquences pour les directeurs de laboratoires. Si nous voulons leur donner une même position par rapport à une université et à un organisme de recherche, il faut que nous puissions leur déléguer une signature. Comme la subdélégation n’est pas possible, pour les composantes de droit commun, le directeur de laboratoire doit recevoir une délégation de signature directement du président. Cela peut avoir une influence sur l’organisation interne de l’université. Cet aspect de l’article 33 de la loi du 26 janvier 1984 a des conséquences sur la « dissymétrisation » d’un certain nombre de situations à l’intérieur des universités. Cela va au-delà de la globalité ou de la spécificité interne de certains budgets.

La LOLF a eu un impact très positif sur la connaissance qu’ont les universités de l’architecture de leur budget et de leurs moyens. La question est de savoir comment cet exercice un peu théorique peut évoluer et si la LOLF peut devenir une aide au moment de la construction du budget et influer sur la façon dont les universités s’emparent des différents volets de leur mission.

M. Jean-Pierre Brard : Peut-on dire que la LOLF a une vertu pédagogique, mais qu’elle n’a aucune efficience dans la gestion quotidienne ?

M. Jean-Pierre Finance : Elle a sans aucun doute une vertu pédagogique. Elle a aussi permis une meilleure visibilité à l’intérieur d’un budget qui était parfois un peu « mélangé ».

M. Michel Lussault : La LOLF nous a permis de lancer un travail sur la comptabilité analytique, qui a débouché sur la création d’un logiciel de gestion financière et comptable pour les universités.

M. Jean-Pierre Brard : Le but de la LOLF est de permettre de vérifier l’efficience de la dépense publique, pas d’être un outil de régulation budgétaire. Il est toujours utile de le rappeler aux ministres concernés.

M. Jean-Pierre Finance : Le fait que nous allions vers des comptabilités analytiques et vers de nouvelles compétences est important. Les inspecteurs généraux insistent sur cette capacité à suivre l’exécution budgétaire. Ne pas le faire handicape le pilotage de l’université. Jusqu’à présent, on discutait au moment du vote du budget initial, puis on se donnait rendez-vous au moment du compte financier, seize ou dix-huit mois après, ce qui n’était pas très raisonnable. D’une certaine manière, LOLF et suivi de l’exécution budgétaire relèvent d’une philosophie comparable.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Vous avez abordé rapidement les inégalités entre les universités. Or il ne peut pas y avoir de réforme si on ne règle pas un tel problème. En tant que CPU, avez-vous une bonne photographie de ces inégalités ? Avez-vous échangé avec la direction générale de l’enseignement supérieur à ce propos ?

M. Jean-Pierre Finance : C’est une question centrale au sein de la CPU. Nous souhaitons porter une vision commune des universités mais en même temps, nous nous heurtons à ces difficultés ou à ces différences de capacité d’action sur le terrain, entre des universités récentes, moins dotées, et d’autres qui sont beaucoup plus à l’aise.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Existe-t-il aujourd’hui un document, venant du ministère ou de la CPU, qui donnerait au législateur une bonne idée de cette situation ?

M. Thierry Coulhon : Les premiers documents ont été établis, avec des simulations sur les effets du modèle qui est en cours de discussion mais les courbes comportaient encore des erreurs et ont dû être modifiées. Néanmoins, elles donnent un tableau intéressant, qui fait apparaître des contrastes forts.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Ce tableau est indispensable. Toute réforme posera le problème de la mise à niveau. En avez-vous discuté ?

M. Thierry Coulhon : En sortant d’ici, nous irons au groupe de travail sur l’allocation des moyens. Nous continuerons à travailler, par exemple sur le volet « performances ». Les démarches sont simultanées.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Je me permets d’insister parce qu’un tel sujet conditionne nos travaux.

M. Jean-Pierre Finance : Cette question, pour délicate qu’elle soit, est à traiter différemment selon que les moyens sont en croissance ou ne le sont pas.

M. Alain Claeys, Rapporteur : La Cour des comptes a écrit à ce propos des choses auxquelles je souscris totalement. Il faudra une mise à niveau et pour cela, il est indispensable de connaître la situation.

M. Michel Lussault : On connaît des différentiels en fonction du système de répartition San Remo. On connaît des différentiels à partir des dotations théoriques mises en rapport avec les dotations réelles. Ces différentiels sont importants. Le problème est que, jusqu’à une date récente, on ne connaissait pas toujours certaines données très importantes, comme le niveau de la dotation contractuelle qui pouvait pondérer ou accentuer les inégalités. Nous n’avions pas non plus de données consolidées fiables, par exemple sur les ressources attribuées par les partenaires des universités comme les organismes nationaux de recherche, ressources qui accentuaient souvent les inégalités et avaient un impact sur les fonctionnements élémentaires de l’université. Lorsqu’une université est richement dotée en laboratoires de recherche par des organismes nationaux, s’il s’agit en outre d’une université très scientifique avec un nombre d’étudiants qui stagne, les financements sont mélangés et les inégalités sont accentuées.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Vous êtes bien d’accord sur le fait que l’autonomie des universités passe par cette connaissance ?

M. Michel Lussault : Bien sûr. La LOLF nous a permis, peu à peu, de comprendre, de faire comprendre et de commencer à agir sur un phénomène que l’université maîtrisait assez mal, à savoir que toutes les universités avaient un coût et qu’aucun coût n’était isolé. La question que vous leur adressez est peut-être bonne, mais elle n’est pas adressée au bon destinataire. En effet, à notre sens, elle implique plus l’État que les universités, même si celles-ci font un effort de comparabilité de plus en plus grand. Nous commençons seulement à avoir une vision un peu plus claire des choses. Mais, bien sûr, cela nous oblige à nous projeter, à étudier les outils qui pourraient nous permettre de lisser les inégalités. Nous y réfléchissons.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Nous nous adresserons aussi au ministère. Mais nous souhaitons vraiment que vous puissiez nous fournir une évaluation précise de ces inégalités entre les universités. Tout le reste en découle.

M. Benoist Apparu : La question des universités sous-dotées et sur-dotées est fondamentale. Il y aura une période de transition. Comment lisser le rattrapage ? On peut imaginer des critères pour l’avenir ; c’est un premier élément de discussion. Et à partir de ces critères-là, on aboutira à des dotations fictives. Comment alors lisser ces dotations fictives ? On pourrait imaginer que, sur la période de transition, l’effet de rattrapage se ferait obligatoirement à moyen constant pour les universités. Il y a des universités sur-dotées et des universités sous-dotées et nous savons que si l’on applique les nouveaux critères, certaines universités sur-dotées perdront de l’argent. Posez-vous comme principe qu’aucune université ne doit perdre et que l’on procédera à un lissage sur une période de quatre ans ?

M. Jean-Pierre Finance : Oui.

M. Benoist Apparu : Vous n’avez pas évoqué la proportion « performances ». En avez-vous une idée ? Considérez-vous que l’État, au-delà des critères de performance, au-delà des critères « uniformisés pour tous », doive conserver des moyens propres dans le cadre de la contractualisation ? Sur quelles bases financières ? Enfin, que préconisez-vous pour les unités mixtes de recherche et pour leur financement ?

M. Laurent Hénart, Rapporteur : On pouvait s’attendre à ce que la CPU défende l’idée selon laquelle personne ne doit perdre mais que ceux qui auraient dû gagner seront les plus lésés. Sur ce plan, on n’est pas déçu !

Ce qu’a dit mon collègue Alain Claeys sur la transparence du système est fondamental. Il est nécessaire d’avoir une photographie de la situation actuelle, comme de la situation qui se dessinera lorsque le nouveau système sera mis en place.

L’essentiel de la dotation sera destiné à soutenir l’activité d’enseignement et de recherche. Mais il y aura aussi une part « liberté », répondant à une politique négociée avec l’État, permettant à celui-ci de prendre en compte des critères de performance qui sont la traduction de sa politique publique.

Le système devra se mettre rapidement en œuvre. Si l’on décide que l’allocation devra évoluer dès 2009, ce qui semble être le point de vue de la CPU comme du Parlement, il faudra se mettre d’accord avant sur les leviers et le cadre de transparence. C’est en ce sens que je partage le souci d’Alain Claeys.

Il faudra également définir la part du budget allouée à l’activité d’une part, à la liberté d’autre part.

Il faut renforcer la transparence du dispositif et mettre en place des outils qui nous permettent, de manière contradictoire, d’avoir une vision partagée de l’état du système. Il est exact que San Remo était arrivé à un niveau de complexité qui ne permettait pas toujours de bien comparer.

Quelle doit être la proportion entre la partie « performances » et la partie normée ? On parle souvent de 90/10. Mais autant la partie normée doit être mécanique, algorithmique à partir d’un certain nombre de données sur lesquelles nous nous mettons d’accord ; autant la partie complémentaire dépendra de différents paramètres qui seront de l’ordre de la négociation, de l’appréciation, de l’évaluation. Ce pourcentage peut donc être une moyenne globale que nous visons a posteriori mais ce n’est pas, évidemment, la répartition établissement par établissement. Cela n’aurait aucun sens.

M. le président Lussault, en évoquant l’insertion professionnelle parmi les critères pouvant être retenus, préconise une pondération selon l’efficience. C’est pourquoi j’ai parlé d’activité et de liberté : il faut distinguer entre une allocation automatique et une allocation prenant en compte l’efficacité. Si l’on met des critères d’efficacité dans la part automatique, on ne peut plus rien ajouter. Ce point est important.

M. Jean-Pierre Finance : La démarche est différente. Nous utilisons, pour la répartition de la dotation de l’État, un algorithme qui porte sur des données brutes, comme le nombre d’étudiants présents au premier contrôle. Nous nous mettons d’accord sur les données initiales, qui sont les mêmes pour toutes les universités, et nous considérons, ensuite, la part d’efficacité et de performance comme un bonus potentiel à partir de l’activité – par exemple, de formation. Dans la part variable liée, sinon à la liberté, du moins à la spécificité de l’établissement, on pourrait, en effet, imaginer de prendre en compte la performance en matière de formation comme c’est le cas en matière de recherche. Un certain nombre d’éléments d’appréciation de cette part complémentaire doivent être liés au passé de l’université, à la façon dont le contrat précédent s’est déroulé – par rapport aux engagements et par rapport aux résultats en matière de formation ou de recherche.

Mais nous ne voulons pas que ce soit la seule part de « liberté », pour reprendre votre expression concernant la part complémentaire, parce qu’il faut prendre aussi en compte le futur. Le projet d’établissement, au travers de ce qui s’appelait l’« ancien contrat », doit entrer en ligne de compte. Si une université décide de fusionner quatre laboratoires en un seul en les implantant dans un même site géographique, le projet peut être apprécié pour sa qualité de structuration et donner lieu à un financement complémentaire.

M. Benoist Apparu : Il en va de même si trois universités fusionnent !

M. Jean-Pierre Finance : Tout à fait !

M. Laurent Hénart, Rapporteur : Lors des débats sur la décentralisation de 2004 – et la réforme des universités s’apparente à une décentralisation – …

M. Jean-Pierre Finance : La loi LRU a cet objectif.

M. Laurent Hénart, Rapporteur : …il avait été décidé d’accorder une prime pour la fusion d’EPCI – établissements publics de coopération intercommunale : la dotation d’État la plus élevée l’emportait pour l’ensemble des établissements. Quelle est votre position sur les logiques de site et la fusion d’établissements ? Incluez-vous ces éléments dans l’effort conjoncturel permettant que la liberté apporte plus de moyens ?

M. Jean-Pierre Finance : Afin que la négociation du contrat soit un moment fort pour l’université, il faut évidemment qu’elle puisse favoriser un certain nombre de projets. Si certains se dérouleront à l’intérieur de l’université, sous sa responsabilité directe, beaucoup d’autres – projets structurants d’un point de vue institutionnel, émergence de grands secteurs – doivent donner lieu à une valeur ajoutée. Sur la part complémentaire – celle qui n’est pas purement calculée – nous devons poursuivre notre réflexion. Il faut tenir compte à la fois des performances passées, des financements de projets futurs et d’un certain nombre de spécificités de l’établissement : nombre d’étudiants, sociologie de la population étudiante, organisation géographique des bâtiments.

M. Michel Lussault : Comme M. Hénart l’a bien compris, dans la part algorithmique, nous nous efforçons de sortir d’une logique du théorique pour aller vers une logique de l’effectivité, c’est-à-dire de prendre en compte des critères que nous appelons pour l’instant dans notre jargon « critères d’activité réelle ». La présence aux examens, par exemple, renvoie pour nous non pas à la performance, mais à l’activité réelle. D’autres types de critères sont envisageables, comme le nombre d’étudiants entrant en premier semestre de licence qui obtiennent leur diplôme. On peut également surpondérer, c’est-à-dire accorder un bonus sur les critères d’efficacité – par exemple, parmi les étudiants qui arrivent à la licence, à ceux qui obtiennent ce diplôme en six semestres, c’est-à-dire sans prendre de retard.

Pour que les universités ne soient pas tentées de faire marcher la machine à produire du faux diplômé, il faut qu’il y ait, en amont, une bonne évaluation de l’offre de formation – une sorte de charte de qualité de la formation – et, en aval, une bonne évaluation des résultats, permettant d’affirmer que les engagements ont été ou non respectés. Une réflexion doit être menée avec l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur à la fois sur l’évaluation du projet de formation, sur l’organisation concrète du parcours de formation – présence ou non d’équipes pédagogiques, possibilité d’accompagnement des élèves en difficulté ou de travail à distance – et sur l’évaluation précise du résultat produit, pour vérifier qu’il est à la hauteur des espérances. Nous voulons vraiment parvenir à un algorithme fondé sur l’activité réelle, en mesurant l’efficacité à partir des fonctionnements réels, éventuellement surpondérée en fonction d’une réelle valeur ajoutée. Nous partons du principe que le moins que puissent faire les universités, c’est de bien travailler. On doit donc aussi reconnaître celles qui travaillent encore mieux que bien.

M. Benoist Apparu : Et les organismes de recherche ?

M. Jean-Pierre Finance : Les organismes de recherche étant, pour le moment, à la fois opérateurs et agences nationales, nous sommes toujours, conformément aux travaux de la mission d’Aubert, dans une logique de co-pilotage scientifique, c’est-à-dire que deux opérateurs se partagent des structures communes de recherche, les UMR – unités mixtes de recherche. Mais il faut vraiment simplifier l’administration et la gestion du système. Nous proposons à cet effet que la caisse commune soit gérée par l’hébergeur.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Les universités ont-elles les moyens de cette ambition ?

M. Jean-Pierre Finance : Oui.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Toutes ?

M. Jean-Pierre Finance : Progressivement.

M. Alain Claeys, Rapporteur : C’est un point essentiel.

M. Jean-Pierre Finance : Cela se fera probablement en quatre ans. L’évolution est de même nature que celle qui est nécessaire pour acquérir de nouvelles compétences. Un plus grand professionnalisme dans l’administration et la gestion des universités le permettra.

M. Laurent Hénart, Rapporteur : Nous sommes tous attentifs à ce que, dans la mise en place d’un nouveau système, les universités sur-dotées ne perdent – ni ne gagnent – rien et que les sous-dotées soient les principales bénéficiaires des moyens nouveaux. Dans les régions, il est beaucoup question de rapprocher trois ou quatre universités pour avoir une logique de site. Avez-vous repéré des endroits où cet éventuel nouveau système d’allocation des moyens d’État serait un frein à la fusion ?

Je prends l’exemple de trois universités situées dans un même territoire, dont deux sont grassement dotées et la troisième fortement sous-dotée. Si les trois sont dans le même établissement, elles seront toutes les trois légèrement sur-dotées, donc en palier, alors que, s’il n’y a pas fusion, au moins une d’entre elles gagnera quelque chose sans que les deux autres ne perdent rien.

M. Jean-Pierre Finance : Nous connaissons quelques exemples de ce type, qui ne sont pas très éloignés d’ailleurs. Mais je suis convaincu qu’il faut avancer. Il ne faut pas que ce soit un frein. Il faut trouver des formules, en particulier en travaillant bien en amont de la négociation de chaque université avec l’État. Une concertation forte des différents établissements avant de rencontrer l’État ferait certainement avancer les choses.

Nous n’avons pas dit non plus que nous ne voulions pas que des universités moyennement ou plutôt bien dotées dans le contexte français ne progressent pas.

M. Benoist Apparu : C’est-à-dire progressent moins.

M. Jean-Pierre Finance : Il y a plusieurs vitesses.

M. Alain Claeys, Rapporteur : L’objectif du système San Remo était de réduire les inégalités entre les établissements et de connaître les coûts réels. Un observatoire avait même été créé à cet effet, mais il n’a pas duré bien longtemps. Nous butons toujours sur cette question. Pour connaître les coûts, la comptabilité analytique semble fondamentale. Je sais que l’Agence de mutualisation des universités et établissements – AMUE – dont M. Lussault est le président y a travaillé. Où en est le chantier ? Y a-t-il une véritable diffusion au sein des universités ?

M. Michel Lussault : L’agence a mis en place, avec l’aide de la société SAP, un nouveau logiciel de gestion financière et comptable, Sifac. Il est déployé actuellement dans huit établissements expérimentaux, dont l’université Nancy 1. Il sera étendu, à la rentrée 2009, à une trentaine d’établissements supplémentaires et, en 2010, à une trentaine d’autres. Le logiciel a été conçu en lien direct avec la direction des affaires financières du ministère pour qu’il soit compatible au maximum avec la LRU et la LOLF. En permettant de cadrer véritablement avec le décret financier, il sera un outil très précis non seulement de lecture analytique du budget, mais également de suivi analytique, des tableaux de bord quotidiens ou hebdomadaires étant en permanence disponibles pour les équipes de direction.

Bien qu’il reste encore des petits problèmes techniques à résoudre, ce logiciel fonctionne déjà dans huit universités. Nous pensons qu’il sera un gage très puissant de progrès.

Son extension nécessitera un plan de formation très important au sein des universités. Celles-ci sont, en effet, caractérisées par un nombre important de catégories C et B parmi les personnels administratifs et un faible nombre de personnels d’encadrement. L’AMUE est en train de lancer ce plan de formation, comme elle lance, avec l’ESEN, l’école supérieure de l’éducation nationale, un plan de formation globale sur la LRU pour les aspects RH – ressources humaines. Le prochain logiciel que l’AMUE mettra en place sera un logiciel RH. Le logiciel Sifac comporte déjà une rubrique permettant d’aborder ces questions à travers la masse salariale globale.

M. Thierry Coulhon : Il faut distinguer deux niveaux : d’une part, la comptabilité analytique dont M. Lussault vient de décrire les étapes et qui permettra une analyse d’une grande finesse et, d’autre part, la capacité de faire une photographie des inégalités des établissements. Une courbe existe, sur laquelle nous continuons de travailler. Ce n’est pas le même niveau de difficulté.

Quant à l’urgence, la réforme de l’allocation des moyens pour cette année budgétaire est d’autant plus indispensable qu’une partie non négligeable des universités va passer à l’autonomie et que, si, par malheur, on était reparti sur la règle précédente…

M. Jean-Pierre Finance : On aurait du mal à changer !

M. Didier Habib, Président : Messieurs, nous vous remercions.

b) 10 heures 30 :

M. Olivier Vial, délégué général de l’Union nationale inter-universitaire (UNI) et M. Rémi Martial, membre de l’UNI

Présidence de M. David Habib, Président

M. David Habib, Président : Nous vous remercions, messieurs, d’avoir répondu à l’invitation de la mission. Je vous donne la parole pour présenter vos réponses aux questions que les Rapporteurs vous ont fait parvenir par écrit.

M. Rémi Martial : Un premier constat que l’on peut faire, et qui est unanime, est que les universités françaises souffrent de sous-financement et d’un manque de moyens. La répartition des sources de financement n’est pas équilibrée entre le public et le privé. La DGF représentant une forte proportion du budget des universités, ces dernières manquent d’autonomie dans leur gestion et leur financement propre est très faible. Il y a entre elles une grande disparité dans la recherche d’autres financements publics, notamment européens, ou de financements privés. Depuis la loi LRU, certaines universités ont fait preuve de beaucoup de détermination alors que d’autres sont plus attentistes.

M. Olivier Vial : La politique des universités a souvent consisté à maximiser leur dotation globale de fonctionnement – la DGF. Celle-ci étant fondée sur des critères essentiellement quantitatifs, cela a induit des effets pervers, comme l’inflation de certains diplômes ou le fait de garder longtemps les étudiants inscrits administrativement, même en cas d’échec. Au lieu de conseiller à un étudiant de changer d’établissement ou de filière pour aller là où il pourrait mieux réussir, certaines universités lui proposent, selon une logique propriétaire, une réorientation interne. Cela conduit au bout du compte à une grande complaisance et à une utilisation des étudiants comme une variable d’ajustement budgétaire. C’est ainsi qu’il y a trois ou quatre ans, afin de franchir un seuil dans la répartition de la DGF, une université bordelaise a fait venir des étudiants étrangers. Un autre phénomène récurrent est ce que les présidents d’université appellent les « étudiants fantômes » : il y a entre 20 et 30 % de différence entre les inscriptions administratives et les inscriptions pédagogiques, sans parler de la présence aux examens…

Une réforme des règles de financement s’impose donc afin de limiter ces effets pervers, même si nous sommes conscients que tout système en comporte forcément. Il faut parvenir à un système mixte qui permette de combiner une part de ressources à l’activité - laquelle devra, selon nous, aller en diminuant – et une part plus importante de ressources variables.

L’UNI considère qu’il ne peut y avoir comme critère que le nombre d’étudiants présents aux examens, modulé très fortement par le cursus et le cycle. En effet, on ne peut pas raisonner uniquement par rapport au nombre d’étudiants puisque les différences de coût sont grandes selon les filières et les cycles. En montrant que la mission des universités est véritablement de les amener jusqu’aux examens, une telle réforme marquerait une vraie révolution en faveur des étudiants. Elle apporterait un fort soutien au plan licence, lancé cette année par le Gouvernement, pour encourager et accompagner les étudiants, puisque les universités auraient tout intérêt à ce que les étudiants réussissent, ce qui n’est pas forcément le cas aujourd’hui – en tout cas d’un point de vue comptable.

Cursus particuliers engendrant des coûts différents, les IUT et les écoles d’ingénieurs doivent être traités séparément.

Pour prévenir d’inévitables effets pervers, une augmentation de la part variable permettrait un financement plus important.

Est-il possible d’élaborer un petit nombre d’indicateurs consensuels pour évaluer la réussite des universités ? L’important est que les mêmes indicateurs s’appliquent partout en France. La majorité des indicateurs de performance du budget de l’État prévus par la LOLF pourrait être appliquée aux établissements, permettant l’évaluation transparente sur l’ensemble du territoire qui fait aujourd’hui défaut. L’UNI s’est beaucoup mobilisée, ces dernières années, sur l’évaluation des taux d’insertion professionnelle. Or, parmi les rares - moins de cinq – universités qui ont mis en place des systèmes d’évaluation, les critères retenus sont très différents, souvent parce qu’elles choisissent ceux qui donnent une image favorable. Si des dotations sont liées à ces critères, il faudra veiller à les définir de manière objective et nationale afin qu’ils permettent une véritable comparaison.

Comment être équitable tout en prenant en compte des situations différentes ? Le meilleur moyen d’éviter de bâtir une « usine à gaz » et de fixer des indicateurs différents selon les universités est de s’intéresser davantage aux progressions qu’aux valeurs absolues. Cela répond à beaucoup de questions, y compris sociales. Savoir qu’en une année le taux de réussite d’une université est passé de 10 à 15 % tandis qu’il chutait de 50 à 48 % dans une autre fournit une vraie indication et permet d’être plus équitable en favorisant, comme nous le souhaitons, les établissements qui visent véritablement la réussite de leurs étudiants.

Dernier élément à propos de la part variable : l’ensemble des missions de l’université doit être évalué pour permettre une meilleure allocation au sein de la dotation globale. Du fait des nouvelles compétences qui leur ont été confiées, les universités sont aujourd’hui des acteurs à part entière de la vie étudiante, aussi bien pour l’accompagnement que pour le logement des étudiants. La politique de vie étudiante, inexistante il y a peu, devient d’ailleurs de plus en plus importante dans les contrats d’établissement. Or, il n’y a, en la matière, aucun moyen d’évaluation. La seule instance d’évaluation est l’AERES - l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur –, qui ne s’intéresse pas à cet aspect. L’Observatoire de la vie étudiante, quant à lui, n’a qu’une vision nationale et non établissement par établissement. On pourrait envisager de l’intégrer à l’AERES.

La contractualisation doit être encouragée. Beaucoup d’acteurs demandent à ce que les contrats soient plus longs, mais il ne faudrait pas que leur durée dépasse celle des mandats des présidents. Les présidents actuels, liés par les contrats de leurs prédécesseurs, disposent de peu de marge de manœuvre, d’autant que les contrats État-régions durent sept ans, comme les contrats d’objectifs européens.

L’appel à projets s’est récemment développé. Dans le cadre de l’autonomie, c’est un moyen pour l’État d’impulser des politiques précises sur des thèmes particuliers comme l’égalité des chances ou l’insertion professionnelle, les projets étant dotés d’enveloppes budgétaires spécifiques. C’est une démarche moderne, qui permet d’être très réactif sur des sujets extérieurs à la logique quadriennale et de récompenser les établissements innovants. Le dispositif Campus entre dans cette logique.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Trois questions très brèves : quel regard portez-vous sur les inégalités de dotations entre universités ? Quelle devrait être, selon vous, la part de la dotation globale ? Sur le plan du financement, y a-t-il une spécificité du tronc commun de la licence ?

M. Olivier Vial : Nous raisonnons moins en termes d’inégalités que de possibilité pour les universités d’avoir une allocation optimale au titre de leurs étudiants. C’est pourquoi la notion de coût par étudiant est importante. Les universités scientifiques sont celles qui parviennent à mobiliser le plus de contrats de recherche et de ressources privées, ce qui est heureux puisque ce sont aussi celles où les études sont les plus onéreuses. Les établissements littéraires mobilisent le moins de contrats de recherche et ce sont aussi ceux dont les infrastructures pour les études sont les moins chères. Il ne serait donc pas juste que toutes les universités reçoivent la même dotation, quelle que soit la discipline. Il faut toutefois veiller à ce que leur soit alloué le montant nécessaire pour une poursuite efficace des études, ce qui suppose une analyse fine du coût d’études par rapport au cursus.

Il y a une différence importante entre la licence et le master. En licence, on a besoin de plus de cours en petit nombre et d’un développement massif des supports pédagogiques, tandis qu’en master, on a besoin de plus de professeurs invités étrangers et de professeurs associés afin d’offrir une vision plus large des sujets. Ces deux spécificités ont des coûts différents. Pour nous, imaginer un tronc commun et un financement identique des licences quelles que soient les disciplines serait donc une erreur.

Nous ne proposons pas de taux précis pour la part de la dotation globale : l’objectif est qu’elle diminue et que la part variable augmente. Certaines universités ont besoin, au moins dans une période transitoire, de disposer de ressources « mécaniques » et la dotation globale présente cet avantage. Mais les effets pervers de la politique quantitative sont tels qu’il faudra la diminuer. La dotation globale varie aujourd’hui entre 36 et 60 %, tandis que le contrat représente 10 % et les ressources propres 20 %.

M. Laurent Hénart, Rapporteur : Quand on retraite la masse salariale et qu’on se place dans le budget global, le contrat représente tout juste 3 % des moyens d’État.

M. David Habib, Président : Nous vous remercions, messieurs.

c) 11 heures :

Mme Sophie Binet, vice-présidente de l’Union nationale des étudiants de France (UNEF), Mme Anna Melin et M. Thierry Lecras, membres de l’UNEF

Présidence de M. David Habib, Président

M. David Habib, Président : Nous vous remercions, mesdames, monsieur, d’avoir répondu à l’invitation de la mission. Les Rapporteurs vous ont adressé leur questionnaire écrit. Vous avez la parole pour un bref exposé liminaire.

Mme Sophie BINET : Nous nous félicitons de la tenue de cette mission parce que la question des critères de répartition des moyens est fondamentale pour trois raisons :

– des dispositions législatives ont rendu inopérant le fonctionnement antérieur ;

– le Gouvernement s’est engagé – et nous espérons que cet engagement sera tenu – à augmenter de façon substantielle des moyens des universités d’ici à cinq ans ;

– nous ne sommes pas satisfaits du mode actuel de répartition des moyens. Les normes San Remo sont insuffisantes sur un certain nombre de questions.

Par ailleurs, la part du contrat s’est, avec le temps, considérablement accrue dans le financement des universités alors qu’elle n’est encadrée par aucun critère et que son volume n’est en rien transparent. Le CNESER, le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche, n’en a pas connaissance. Le contrat représente en quelque sorte la partie immergée de l’iceberg.

Il importe de tout remettre à plat et de définir des critères garantissant à la fois l’objectivité et la transparence.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Vous n’êtes pas opposés au contrat ?

Mme Sophie BINET : Non, mais il faut s’assurer que le contrat n’est pas fonction du poids des lobbies. Dans les discussions des contrats, les présidents d’universités de province ne pèsent pas le même poids politique que ceux qui sont membres de la CPU – la conférence des présidents d’université – ou présidents de grosses universités parisiennes.

C’est pourquoi nous demandons que la discussion repose d’abord sur des critères objectifs et transparents permettant des projets politiques forts de développement des universités.

La question du financement doit répondre à trois préalables :

– les financements et les critères doivent permettre aux universités d’assumer l’ensemble de leurs missions de service public ;

– les critères doivent garantir l’égalité entre les universités ;

– les critères doivent même permettre de corriger les inégalités de départ entre les universités en ce qui concerne les publics accueillis, le patrimoine immobilier et les dotations aux personnels. Ainsi remettra-t-on les compteurs à zéro.

M. Laurent Hénart, Rapporteur : Pouvez-vous nous donner maintenant votre position sur le questionnaire qui vous a été adressé ? Les questions se regroupent en trois grands blocs. Le premier concerne la transparence et la lisibilité du système, et le rééquilibrage entre les établissements par les nouveaux modes d’allocations. Le deuxième porte sur les critères envisageables pour l’allocation à l’activité. Le troisième a trait à la partie « libre » d’allocations de l’État, toujours dans un cadre contractuel. Quelle part envisageriez-vous pour cette partie libre ? Nous nous interrogeons également sur le concept d’efficience. Comment mesurer le fait que l’activité se déroule effectivement et efficacement ?

M. Thierry Lecras : Une réforme du système actuel de répartition des moyens est nécessaire. Cette répartition a lieu aujourd’hui dans la plus totale opacité. Les contrats sont examinés en négociation bilatérale entre les présidents d’université et le ministère sans aucune concertation avec les associations de la communauté universitaire ni même avec le conseil d’administration.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Avez-vous réalisé des études sur les inégalités entre universités ?

Mme Sophie Binet : Il y a cinq ans encore, nous avions la chance que nous soient communiquées les dotations réelles sur les dotations théoriques et les potentiels sur les besoins en fonction des normes San Remo. C’était nos critères de référence. À partir de 2002 ou 2003, on a cessé de nous fournir ces éléments. Dès lors, la répartition se faisait totalement en aveugle, puisqu’on ne savait pas d’où on partait. En 2002-2003, la majorité des universités étaient en dessous de 100 %, quelques-unes étant au-dessus, comme Paris VI-Jussieu ou Le Havre. Depuis, la DGES semble avoir cessé de faire ces calculs. Peut-être la Cour des comptes a-t-elle plus d’éléments que nous. Nous sommes sur ce point très demandeurs.

M. David Habib, Président : La MEC a prévu de recevoir des représentants de la DGES. La question leur sera posée. Comme M. Claeys y a insisté toute la matinée, il importe d’avoir une exigence de transparence totale.

Mme Sophie Binet : Non seulement il n’y a aucune transparence des contrats, dont les volumes ne sont même pas communiqués, mais encore, depuis quatre ou cinq ans, nous avons peu d’éléments concernant la DGF.

M. Thierry Lecras : Le système de répartition San Remo pose un certain nombre de problèmes. Nous serions d’avis, non pas de le supprimer, mais de le rénover afin qu’il prenne en compte de nouveaux critères permettant d’assurer une égalité entre les établissements. Les critères du système San Remo concernant le patrimoine immobilier, par exemple, ne prenaient en compte que la surface immobilière et non les moyens à prévoir pour la maintenance et la réhabilitation des bâtiments, éléments pourtant à prendre en compte pour allouer aux établissements les moyens nécessaires.

M. Régis Juanico : S’agissant de la dotation globale de fonctionnement, seriez-vous favorable à une péréquation entre universités, à l’instar du système, certes perfectible, qui existe entre les collectivités territoriales les plus riches et les plus pauvres ? La loi LRU introduit de nouvelles sources de financement, notamment par le biais des fondations, mais toutes les universités n’en bénéficieront pas et les inégalités risquent de se creuser.

M. Thierry Lecras : Il faut en effet porter la plus grande attention à la correction des inégalités, qu’elles concernent le territoire ou le public. L’université de Paris XIII, par exemple, accueille plus d’étudiants en difficulté sociale que celle de Paris II. Il faut établir des critères pour corriger de telles inégalités et pour que tous les établissements puissent assurer leur mission de service public.

Mme Sophie Binet : Il convient de distinguer les inégalités structurelles, tenant au nombre d’étudiants boursiers ou à l’état du patrimoine – celles qui séparent, par exemple, Paris VIII et Paris IX Dauphine –, et les inégalités que le développement des fondations et des ressources propres des universités entraînera. Il est d’autant plus important de corriger ces dernières qu’elles risquent de creuser l’écart entre certaines disciplines : les fondations se développeront sans doute moins au profit des sciences humaines et sociales que des « sciences dures ». À l’évidence, l’université de Saint-Étienne aura plus de mal que celle de Lyon I à récolter des fonds via sa fondation, mais il faut aussi prendre en compte les inégalités liées aux disciplines. Il est donc important de disposer à la fois d’un correctif permanent fondé sur la situation de départ de l’université et d’un correctif qui évolue en fonction du développement des ressources propres de l’université.

Nous considérons que le critère des disciplines n’est plus opérant pour fixer les dotations. Aux termes des normes San Remo, les sciences devraient bénéficier de plus d’argent que les sciences humaines parce qu’elles exigeraient plus de travaux pratiques, plus de travaux dirigés et plus de volume horaire. Le plan Licence lancé par Mme la ministre prévoit au contraire que tous les étudiants doivent bénéficier de vingt heures de cours hebdomadaires en première année, l’objectif étant d’opérer une remise à niveau et de se rapprocher du taux d’encadrement et du volume horaire en classes préparatoires.

De même, s’il fallait établir une priorité entre cycles, sans doute faudrait-il l’accorder à la licence plutôt qu’au master. Aujourd'hui, les établissements dotent le master de beaucoup plus de crédits, se conformant à un schéma un peu cynique selon lequel on fait le tri en premier cycle et l’on consacre prioritairement ses moyens aux étudiants retenus en master. Pourtant, ce n’est pas gâcher l’argent que de le mettre là où il y en a le plus besoin : en première année, lorsque les étudiants ont besoin d’être très encadrés et d’avoir beaucoup d’heures de cours. On a moins besoin d’encadrement en master car on est plus autonome.

Enfin, il est important de corriger les critères d’évaluation de la performance en fonction des universités. Nous serions formellement opposés à une comparaison entre le taux de réussite net de Paris VIII et celui de Paris IX Dauphine : il faut une pondération prenant en compte les publics accueillis – avec pour critère, par exemple, l’âge auquel les étudiants ont obtenu leur baccalauréat, le nombre d’étudiants étrangers, etc. En outre, les critères de performance ne doivent intervenir que pour établir un bonus-malus à la marge. Il ne faudrait pas qu’ils aboutissent à pénaliser les universités qui ont le plus besoin d’aide et de moyens pour pouvoir progresser. Si l’on en arrive à doter encore plus celles qui présentent déjà les meilleurs taux de réussite, on aura fait l’inverse de ce que l’on voulait : donner à l’ensemble des universités les moyens de faire réussir leurs étudiants.

En d’autres termes, il ne faut pas s’en tenir à un taux de réussite à un instant t mais prendre en compte la capacité de progrès des établissements, qui bénéficieront par exemple d’un bonus si leur taux de réussite a progressé durant les quatre années du contrat. Les représentants des étudiants resteront très vigilants sur cette question car si une université est pénalisée du fait de l’inefficacité de son équipe de direction, ce sont les étudiants qui en feront d’abord les frais. D’où notre réticence.

M. David Habib, Président : Je vous remercie.

M. Thierry Lecras : Pouvons-nous vous faire parvenir une contribution écrite ?

M. David Habib, Président : Bien entendu. Sachez aussi que nous relaierons vos préoccupations en ce qui concerne la diffusion des informations. Tout comme la MEC, vous devez être en mesure de mener votre travail d’analyse.

d) 11 heures 30 :

M. Thiébaut Weber, président de la Fédération des associations générales étudiantes (FAGE)

Présidence de M. David Habib, Président

M. David Habib, Président : Nous accueillons maintenant M. Thiébaut Weber, président de la Fédération des associations générales étudiantes (FAGE).

Je vous donne d’emblée la parole, monsieur Weber, pour que vous nous fassiez part de votre réflexion sur les moyens alloués aux universités.

M. Thiébaut Weber : Je reprendrai dans mon propos l’ordre des questions que la mission d’évaluation et de contrôle nous a adressées.

Tout d’abord, nous ne voyons pas la nécessité de remettre en cause l’équilibre entre la dotation globale de fonctionnement et les contrats, c'est-à-dire entre la part fixe et la part variable. La DGF, fixée chaque année, et le contrat quadriennal ont deux finalités très différentes.

En revanche, il faut revoir l’application des critères San Remo. Certes, le système n’est pas aussi compliqué qu’on le dit, mais il est mal appliqué. Les universités et le ministère n’y croient plus. La dotation effective ne correspond jamais à la dotation théorique globale, d’où une attitude, sinon de défiance, du moins de méfiance de la part des établissements envers la tutelle. Une clarification des critères et de la procédure de financement devrait permettre d’améliorer les choses.

Cependant, nous ne contestons pas les critères existants. Selon la norme San Remo, la dotation globale de fonctionnement est destinée à assurer le fonctionnement de l’université : c’est grâce à elle que le service public d’enseignement supérieur doit assurer sa mission en accueillant les étudiants dans des conditions correctes. Nous proposons que l’on prenne aussi en compte le nombre d’étudiants boursiers, qui pourrait être un critère pertinent dans la détermination de la DGF.

Nous ne saurions juger le système actuel équitable et transparent, en raison précisément du décalage permanent entre la dotation effective et la dotation théorique globale. Nous déplorons à chaque réunion du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche le flou dont la direction générale de l’enseignement supérieur entoure les critères et les attributions. En moyenne, la dotation effective n’atteint que 80 % de la dotation théorique globale.

Nous nous gardons bien de jeter l’opprobre sur les pôles de recherche et d’enseignement supérieur – les PRES. Cependant, ils risquent de se révéler à l’avenir sources d’inégalité entre les universités qui sont parties prenantes – et pourront bénéficier de financements par ce biais – et les autres.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Êtes-vous favorables aux PRES ?

M. Thiébaut Weber : Oui, de même que nous sommes favorables aux regroupements d’universités et même à des fusions comme celle des trois universités de Strasbourg. Cela ne nous empêche pas de constater que le système peut entraîner des inégalités. Dans le cas de Strasbourg, la fusion fait peser un risque sur l’université de Mulhouse, où la recherche est certes moins importante mais où la qualité de l’encadrement des premiers cycles donne de bons résultats : ne sera-t-elle pas marginalisée par rapport au mastodonte universitaire que deviendra Strasbourg ?

Je voudrais citer aussi le cas de l’université de Poitiers, dont la DGF pour 2007 ne permettait même pas de payer les dépenses de chauffage !

En ce qui concerne la part variable, nous estimons que le nombre de critères San Remo n’est pas si élevé et que le système n’est pas si complexe. La priorité, je le répète, est de l’appliquer correctement.

La question du calcul de la dotation en fonction du nombre d’étudiants présents aux examens, modulé en fonction du type de cursus, est délicate. Si nous ne pensons pas que cette modulation soit nécessaire, il semble en revanche logique de prendre en compte les inscriptions pédagogiques et non plus les seules inscriptions administratives. Attention cependant à ne pas marginaliser la lutte contre l’échec des étudiants, d’autant que la mise en place du LMD aboutira sans doute à la « semestrialisation » des inscriptions pédagogiques. L’échec ne doit pas se traduire par une baisse de la dotation. Il faut au contraire financer la lutte contre l’échec, qui est un des axes du plan Licence.

Par ailleurs, nous ne sommes pas favorables à ce que le financement des formations varie en fonction les domaines. Certes, nous appelons de nos vœux une réflexion sur les cycles par domaine, notamment la mise en place de comités de suivi pour les licences, mais il ne serait pas judicieux d’étendre cette réflexion au financement : au sein même d’un domaine, les taux d’encadrement peuvent être très différents, par exemple en anglais et en russe dans une faculté de lettres.

Nous ne voyons pas non plus la nécessité de réserver, dans la part à l’activité, un traitement spécial aux IUT et aux écoles d’ingénieurs alors qu’elles en bénéficient déjà dans la part variable. La part à l’activité doit s’appliquer de la même façon pour tous les établissements. La part variable, quant à elle, doit être évaluée en fonction du projet stratégique de l’IUT ou de l’école d’ingénieurs, en lien avec le projet global de l’établissement.

Parmi les nouveaux critères, nous proposons de retenir, outre le nombre d’étudiants boursiers, la taille de l’université. La question des économies d’échelle, notamment pour les services communs et pour l’entretien des locaux, est différente selon que l’université compte 6 000 ou 40 000 étudiants.

Le débat sur la possibilité de mettre en place un petit nombre d’indicateurs consensuels pour évaluer la réussite des universités s’était déjà engagé lors de la discussion de la loi LRU. Il est dommage que l’on ne se réfère pas plus souvent à un principe simple : dans une démarche qualité, on fixe des missions et des indicateurs et on les évalue. Or les six missions du service public de l’enseignement supérieur sont déjà fixées à l’article L. 123-3 du code de l’éducation : la formation initiale et continue ; la recherche scientifique et technologique, la diffusion et la valorisation de ses résultats ; l’orientation et l’insertion professionnelle ; la diffusion de la culture et l’information scientifique et technique ; la participation à la construction de l’Espace européen de l’enseignement supérieur et de la recherche ; la coopération internationale. Voilà qui devrait suffire à évaluer l’ensemble des universités de manière transversale, quitte à établir ensuite des ratios – ainsi, une petite université dont l’activité est surtout axée sur l’orientation et l’insertion professionnelle pourrait se voir attribuer une compensation.

Les indicateurs doivent être, bien entendu, les mêmes pour toutes les universités. S’ils sont justes et pertinents, ce que semblent être ceux que la loi a fixés, ils permettront d’être équitable tout en prenant en compte les différentes situations.

Il ne faut pas négliger la dimension sociale. C’est d’ailleurs ce que préconise le plan Licence. Dans la mesure où les étudiants ayant obtenu leur baccalauréat avec au moins un an de retard sont les plus exposés à l’échec, la FAGE considère que ce critère pourrait être retenu dans la fixation de la part variable.

Nous ne pensons pas que le contrat doive devenir l’unique mode de relation entre l’État et les universités. Il faut un équilibre entre la part fixe et la part variable, cette dernière relevant, à nos yeux, du contrat. Certes, le montant correspondant au contrat peut être amené à augmenter, mais cela doit se faire sans diminution de la part fixe.

Il paraît difficile de simplifier des contrats dont chaque ligne est dûment pesée. La complexité est inévitable, peut-être même nécessaire, sans diluer pour autant les objectifs stratégiques des universités.

Il nous semble que la DGES n’a pas les moyens humains nécessaires pour suivre dans le détail les contrats de toutes les universités, de même qu’elle n’a pas les capacités pour utiliser tous les résultats de l’évaluation réalisée jusqu’à présent. L’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur – l’AERES – vient de se mettre en place. Nous espérons que ce système, actuellement en rodage, permettra une meilleure complémentarité avec la DGES.

S’agissant de la période contractuelle, le principal grief des présidents d’université était qu’il leur arrivait de devoir appliquer durant l’intégralité de leur mandat un contrat décidé par leur prédécesseur. Maintenant que le mandat des présidents est de quatre ans renouvelables, il leur est loisible de mettre en place un projet stratégique. L’idéal serait que le contrat quadriennal débute à la fin de la première année du mandat du président. Ainsi, celui-ci finirait d’accomplir le mandat de son prédécesseur et négocierait le nouveau contrat durant la première année, les trois années suivantes étant consacrées à l’application de ce contrat, avec la perspective de renouveler son mandat au bout de cette période. Bien que les élections aux conseils d’université aient été synchronisées, il semble difficile d’étendre cette synchronisation aux contrats puisque la DGES, je l’ai dit, est dans l’impossibilité d’en assurer le suivi.

M. David Habib, Président : Je vous remercie pour cette intervention synthétique et précise, qui sera certainement très utile à nos Rapporteurs.

Auditions du 3 juin 2008

a) 9 heures 30 :

M. Henri Guillaume, inspecteur général des finances, Mme Charlotte Leca, inspecteur des finances, M. Pascal Aimé, inspecteur général de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche, et M. Bernard Dizambourg, inspecteur général de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche.

Présidence de M. Georges Tron, Président

M. Georges Tron, Président : Nous sommes heureux d’accueillir M. Henri Guillaume, inspecteur général des finances, Mme Charlotte Leca, inspecteur des finances, M. Pascal Aimé, inspecteur général de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche, et M. Bernard Dizambourg, inspecteur général de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche.

Vous avez travaillé à un rapport conjoint à vos deux corps d’inspection, rendu public en octobre dernier, sous le titre « cahier des charges établi en vue de l’élargissement des compétences des universités prévu par la loi relative aux libertés et responsabilités des universités ». Il fait suite à l’audit de quelques universités et s’adresse aux établissements comme aux deux ministères de tutelle.

Vous y indiquez que l’objet de ce cahier des charges est de « définir les critères qui permettent d’apprécier la capacité d’une université à assumer les nouvelles compétences prévues par la loi et en tirer le plus grand parti ». Votre démarche rejoint en partie la nôtre, qui consistera à formuler des propositions en vue d’établir un système équitable et efficace d’allocation des moyens des universités. Il s’agit notamment de rénover San Remo, le système analytique de répartition des moyens entre les établissements.

Les Rapporteurs de la MEC sont MM. Alain Claeys et Laurent Hénart ; MM. Benoist Apparu et Régis Juanico sont associés à nos travaux. Je salue la présence de M. Jean-Pierre Brard ainsi que de M. Serge Barichard, conseiller référendaire à la Cour des comptes, laquelle accompagne fidèlement nos travaux.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Quel constat dressez-vous ? Les universités sont aujourd’hui financées grâce à deux mécanismes assez simples, la dotation globale et le contrat. Quels en sont les défauts ?

Par ailleurs, toutes les universités ne sont pas également dotées. Quelles sont les causes de ces inégalités ? En quoi San Remo les a-t-il renforcées ?

M. Henri Guillaume : Notre rapport s’est construit en deux temps. Nous avons tout d’abord étudié les forces et les faiblesses de trois universités qui devenaient autonomes, pour en tirer une grille d’analyse et un cahier des charges de l’audit que nos collègues de l’IGAENR appliquent désormais à toutes les universités qui demandent le passage à l’autonomie.

Nous avons ensuite considéré dans un deuxième rapport - non public - que la loi sur l’autonomie, qui a profondément transformé les universités, devait aussi se traduire par un changement radical de la tutelle des universités par le ministère.

Par ailleurs, la contractualisation fut un très grand progrès, même si certaines critiques sont possibles.

Les anciens contrats sont trop compliqués et redondants. Juxtaposant différentes thématiques, qui vont des bibliothèques à la recherche, en passant par la formation, ils manquaient souvent d’une vision stratégique. Les projets, analysés a priori, n’étaient jamais évalués a posteriori en termes de performances. Enfin, les indicateurs et les objectifs étaient beaucoup trop nombreux.

Nous proposons de maintenir une procédure contractuelle, en la simplifiant et en lui conférant un véritable caractère stratégique, avec un nombre limité d’indicateurs.

M. Bernard Dizambourg : S’agissant de la répartition des moyens, il est regrettable que la situation des établissements n’ait jamais été remise à plat en tenant compte à la fois des emplois, de la dotation globale de fonctionnement - DGF - et des aspects contractuels.

Nombre des inégalités de répartition proviennent du fait que le système d’allocation de moyens, pour sa partie DGF, ne tient pas compte de la contrainte budgétaire de l’État, introduite en bout de processus, et non dès le démarrage. La différence entre les dotations théoriques et les dotations réelles est souvent très importante et les effets de cliquet empêchent que les établissements les mieux dotés reviennent sur leur dotation.

Il s’avère de surcroît que les établissements les mieux dotés en emplois sont souvent les mieux dotés en DGF, ou par rapport à la dotation contractuelle. Les différents éléments ne se rééquilibrent pas entre eux.

Enfin, le système n’est pas transparent. Les établissements ne peuvent pas comparer leurs financements, car les données ne sont pas disponibles. Le ministère lui-même n’a sans doute pas toujours une analyse complètement globalisée des moyens.

M. Alain Claeys, Rapporteur : La direction générale de l’enseignement supérieur a-t-elle des difficultés à obtenir ces données ?

M. Henri Guillaume : Oui. Ainsi, nous n’avons pas la masse salariale par université.

M. Bernard Dizambourg : La transparence n’est pas au cœur du dispositif de l’allocation de ressources. Le modèle San Remo, assez simple à l’origine, puisqu’il posait le principe d’un financement à l’étudiant pour la partie DGF, s’est complexifié au fur et à mesure que l’on y ajoutait des indicateurs pour tenir compte de situations particulières, au point d’en devenir illisible. Il est aujourd’hui impossible de déterminer l’influence des variables prises séparément, d’autant plus que la contrainte budgétaire est réintroduite en bout de course.

Un modèle de répartition à l’activité doit rester simple, avec un nombre restreint de critères, d’autant plus que la prise en compte des spécificités relève plutôt de la partie contractuelle.

Aujourd’hui, les postes sont analysés sans tenir compte du fait que le temps, en particulier des enseignants, mais aussi parfois du personnel administratif et technique, renvoie à deux activités différentes mais complémentaires : la formation et la recherche. L’on ne peut utiliser les mêmes critères pour l’une est l’autre, qui doivent être analysés séparément, même si la dotation globale de l’établissement doit être reconstituée au final.

Mme Charlotte Leca : Le modèle San Remo est de toutes manières dépassé depuis la réforme LMD – Licence Maîtrise Doctorat.

S’agissant des inégalités de dotation entre les universités, notre rapport met en évidence des écarts importants entre disciplines - certaines disciplines coûtent en effet plus cher que d’autres, comme les sciences - mais également au sein de groupes d’universités qui présentent les mêmes caractéristiques disciplinaires. Ainsi, en sciences, le montant moyen par étudiant varie de 2 614 à 5 814 euros.

M. Henri Guillaume : Sans que cet écart puisse se justifier par de meilleures performances.

M. Bernard Dizambourg : Même pour les dotations contractuelles, la qualité des projets ou les performances n’expliquent pas toujours les différences. Certaines périodes furent ainsi plus favorables à la contractualisation.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Il arrive également que l’on signe un nouveau contrat sans avoir évalué le précédent.

M. Henri Guillaume : Il n’existe malheureusement pas de dialogue annuel sur la gestion du contrat. S’il faut accorder plus de souplesse aux universités, il convient d’instaurer un dialogue régulier sur le plan stratégique.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Comment la répartition devrait-elle s’organiser entre la partie normée liée à l’activité et la partie variable liée à la performance ?

M. Henri Guillaume : Si la loi distingue la nature des crédits - masse salariale, fonctionnement, investissement -, les moyens ne doivent pas être alloués en fonction de la nature des crédits, mais de leur destination - formation et recherche, conventionnellement 50 % chacun -.

Les critères ne doivent pas être les mêmes pour la formation et la recherche. Il convient de privilégier un critère simple à l’activité pour la formation – à terme, le passage de l’examen, et non plus l’inscription –. Cette dotation globale par étudiant doit respecter la contrainte budgétaire, dès le départ, sans distinguer entre la licence et le master – le doctorat pourrait être financé dans le cadre de la recherche –. C’est en général le système retenu en Europe.

La part de la performance dans ce domaine devrait représenter 5 à 10 % de l’ensemble de l’enveloppe allouée à la formation - elle est d’environ 3 % aujourd’hui, masse salariale comprise -.

M. Bernard Dizambourg : Le « prix de financement » de l’étudiant est plus élevé si l’on se réfère aux étudiants inscrits aux examens, plutôt qu’aux étudiants présents, mais nous ne sommes pas encore capables de le faire pour la rentrée prochaine.

M. Henri Guillaume : S’agissant de la performance, les indicateurs doivent être simples - qualité des études ou insertion professionnelle, par exemple -. Il ne s’agit pas de comparer les universités entre elles, mais d’étudier, pour tenir compte des différences d’environnement et de contexte, la progression de l’université par rapport à ces critères, sur la période de référence.

M. Bernard Dizambourg : Les universités se plaignent souvent des différences de contexte, qu’il faut trouver moyen d’effacer. La plupart des pays européens ont retenu cette solution.

Concernant la recherche, la part performance est sans doute la plus importante. Nous proposons un financement par chercheur actif environné, afin que la dotation couvre également les personnes qui l’entourent, le budget de fonctionnement, d’équipement, etc. sur la base d’une typologie simple qui tienne compte des différences entre les secteurs scientifiques.

M. Alain Claeys, Rapporteur : L’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur – l’AERES – permet-elle d’avoir ces indicateurs ?

M. Bernard Dizambourg : Oui. Nous devons travailler sur la définition d’un chercheur actif – un chercheur publiant, par exemple –, tout en prenant en compte la performance des laboratoires.

M. Henri Guillaume : Le service de recherche universitaire pratique aujourd’hui cette notation, en modulant les dotations en fonction de la notation du laboratoire.

Les chercheurs actifs non publiants posent problème. Une variable d’ajustement nous permet d’en accepter un certain nombre, mais le ministère pourrait publier la part des chercheurs actifs non publiant acceptés.

Par ailleurs, le financement sur projet doit prendre une part beaucoup plus importante du financement de la recherche. La masse salariale ne se répercutera pas entièrement dans le calcul de la dotation, que l’on peut moduler en fonction des ressources que les laboratoires auront cherchées à l’extérieur, en particulier auprès de l’Agence nationale de la recherche.

Mme Charlotte Leca : Le service de la recherche universitaire du ministère module déjà, en fonction de leurs performances, les dotations aux laboratoires dans des proportions de 1 à 1,6 en servant tous les laboratoires côtés de C à A+ - la notation s’étend de D à A+ -. Le Royaume-Uni, dont le système de notation est compris entre 1 à 5, ne dote que les laboratoires des catégories 4 et 5, avec une modulation de 1 à 4. Nous avons des marges de manœuvre pour moduler davantage.

M. Bernard Dizambourg : Il ne s’agit pas de réformer radicalement le modèle d’allocation des ressources, mais de réintégrer la masse salariale dans le calcul de la dotation.

M. Pascal Aimé : Certains chercheurs jouent un rôle essentiel dans le fonctionnement des laboratoires, c’est notamment le cas de leurs directeurs. Ce type de fonctions peut se traduire par une baisse de l’activité de publication. La prise en compte du nombre de chercheurs actifs ou publiants pour calculer la dotation des unités de recherche doit donc être pondérée pour tenir compte de l’investissement de certains personnels dans des tâches d’intérêt général au détriment de leur propre activité de publication.

Le module de répartition que nous proposons ne distingue plus que les deux grandes activités des universités : formation et la recherche pour lesquelles seraient calculés des coûts globaux environnés (intégrant aussi bien la masse salariale, la maintenance des bâtiments et financement de la documentation scientifique). Cette évolution permettrait de mettre fin à la multitude de lignes de financement spécifiques dans le contrat quadriennal.

M. Laurent Hénart, Rapporteur : Comment envisagez-vous la prise en compte, si nécessaire, des disciplines ? Selon les présidents d’université, les critères d’allocation de moyens pour la formation et la recherche devraient être différents selon les disciplines, qu’ils regroupent dans quatre grandes familles.

Pourquoi ne distinguez-vous pas, par ailleurs, dans la partie formation, entre la licence et le master ?

M. Bernard Dizambourg : La partie licence renvoie à des missions de service public et de proximité, ce qui n’est pas forcément le cas pour la partie master, où l’attractivité joue un rôle important.

Mme Charlotte Leca : Ne retombons pas dans les travers de San Remo, en complexifiant excessivement les critères. Nous proposons, pour la part DGF, de ne pas distinguer entre licence et master. En revanche, la part à la performance étant basée sur des résultats d’indicateurs de performance étudiés a posteriori, l’on peut considérer que la qualité de la formation ou l’insertion professionnelle pèse plus pour la licence que pour le master, davantage concerné par le critère d’attractivité. Mais c’est une part mineure du financement.

M. Henri Guillaume : Plutôt que cinq grands groupes de disciplines, comme il était prévu à l’origine, nous pensons nous limiter à quatre.

M. Bernard Dizambourg : Plutôt trois que cinq même : scientifiques et technologiques, lettres et sciences humaines, juridico-économiques.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Dans cette période de transition, certaines universités vont pouvoir demander la compétence de la masse salariale. Appliquez-vous les mêmes critères entre activité et performance ?

M. Henri Guillaume : Le système que nous proposons peut s’appliquer aussi bien aux universités qui passent à l’autonomie qu’à celles qui restent dans l’ancien système.

M. Pascal Aimé : La résorption des différences de dotation entre établissements reste la question essentielle.

M. Alain Claeys, Rapporteur : En ce qui concerne la recherche, vous souhaitez privilégier la performance. Les moyens consacrés à l’Agence nationale de recherche - ANR - et les crédits récurrents font débat. Qu’en pensez-vous ?

M. Henri Guillaume : Une étude de comparaison internationale que nous avons menée a montré que la part du financement par projet en France était la plus faible de tous les pays comparables. Il faut l’augmenter.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Encore ?

M. Henri Guillaume : Le financement de l’enseignement supérieur pose problème en France. Dans les autres pays de l’OCDE, la part du financement privé est bien plus importante.

La rigidité du nombre de chercheurs par discipline est également une difficulté.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Vous voulez intégrer le critère de performance : soit vous privilégiez exclusivement les critères sur projet, soit vous avez d’autres moyens d’évaluation.

M. Henri Guillaume : Il faut aller plus loin pour le financement sur projet. Il ne s’agit pas de raisonner uniquement sur le fonctionnement récurrent, mais que l’ANR puisse contribuer au financement de la masse salariale de laboratoire.

M. Alain Claeys, Rapporteur : C’est un débat avec le ministère des finances.

M. Pascal Aimé : Les directeurs d’unités mixtes de recherche - UMR - de l’université Paris SUD-XI à Orsay nous ont expliqué qu’aujourd’hui, hors masse salariale, la dotation de base du ministère représentait 10 à 15 % de leur budget en dehors de leur dotation quadriennale. C’est encore une fois la réintégration de la masse salariale dans le modèle de répartition qui déplace les équilibres. D’ores et déjà ces UMR sont habitués à rechercher des moyens, le plus souvent publics, en dehors de la dotation globale de fonctionnement.

M. Henri Guillaume : La pluralité des sources de financement pose tout de même problème, y compris pour le récurrent. Personne n’a une vision globale du financement d’un laboratoire.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Considérez-vous aujourd’hui que l’État a les moyens de piloter cette réforme ?

Mme Charlotte Leca : Nous avons étudié cet aspect dans le rapport. Les universités doivent changer, mais le ministère également, en particulier la direction générale de l’enseignement supérieur (DGES), avec un retrait de ses missions de gestion directe, comme la répartition très fine des emplois qui lui prend beaucoup de temps et de moyens. Si on transfère les emplois et la masse salariale aux universités, ce n’est pas pour revenir à un fléchage très fin des emplois par corps et par université.

Elle devra également se désengager progressivement de missions dans le domaine immobilier quand les universités réclameront les transferts de propriété.

En revanche, elle doit renforcer sa fonction de pilotage. Nous proposons de revenir à l’intention initiale des contrats, avec des interlocuteurs uniques pour les universités, là où aujourd’hui au moins trois personnes interviennent – le chargé d’établissement qui suit le contrat, les conseillers d’établissement, les conseillers de formation. Le dispositif doit être rationalisé et les échanges entre les universités et le ministère de tutelle plus réguliers. Le dialogue de gestion doit au moins être annuel, et non pas tous les quatre ans.

M. Bernard Dizambourg : S’agissant des inégalités d’allocations des moyens, il n’est pas possible aujourd’hui de déterminer quelles dotations relèvent de la fonction « recherche », ou de la fonction « formation », alors même que certains établissements justifient leur sur-dotation relative par la recherche. Il est impératif de clarifier et de considérer les deux fonctions, pour en avoir une vision complémentaire, avant de se poser la question du rééquilibrage, sachant que celui-ci, difficile à opérer instantanément, devra s’inscrire dans la durée.

Sur la partie recherche, notre système à l’activité modulé en fonction de la performance est compatible avec une montée plus ou moins forte des crédits sur programme. C’est une variable d’action que le ministère aura entre les mains.

M. Henri Guillaume : Mettre en place un système transparent est fondamental.

M. Pascal Aimé : Et urgent puisque les premiers établissements vont basculer dans l’autonomie le 1er janvier 2009. La DGES devra fixer des plafonds d’emplois et de masse salariale à cette date.

M. Bernard Dizambourg : Des rééquilibrages seront nécessaires au démarrage, mais de toute façon, on ne peut pas tout bouleverser en même temps. Il faudra jouer sur la durée, et restaurer la confiance.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Faut-il traiter les IUT et les écoles d’ingénieurs de la même façon ?

M. Pascal Aimé : Il n’y a plus vraiment de raison de les traiter différemment. Il faut donc les intégrer.

M. Henri Guillaume : Il faut globaliser l’ensemble des crédits pour les universités, même si l’on ne peut pas tout bouleverser en même temps.

M. Jean-Pierre Brard : Vous dites qu’il faut les traiter de la même façon, et donc les intégrer. Ce « donc » coule de source ?

Mme Charlotte Leca : La loi sur l’autonomie vise à responsabiliser les universités. Des modes de calcul peuvent différencier plusieurs blocs, mais au final il ne doit plus y avoir qu’une dotation globale dont l’université a la liberté de disposer.

M. Pascal Aimé : Si l’on maintient les spécificités par type de composante au sein des universités, nous n’aiderons pas les équipes de direction de ces établissements à progresser dans la gestion de l’ensemble. En effet, nous observons assez souvent que, dans les établissements d’enseignement supérieur, des facultés des sciences, de médecine, de droit, ont un poids historique et scientifique très fort et privilégient encore les intérêts de leur composante à la mise en œuvre d’une politique d’établissement.

M. Bernard Dizambourg : La fragmentation budgétaire est l’une des principales difficultés des établissements, qui ne peuvent ainsi mobiliser l’ensemble de leurs moyens pour accompagner des projets. Nous nous sommes rendus la semaine dernière dans une université à qui il manquait un million d’euros pour concrétiser un projet, alors que son budget, avant transfert de la masse salariale, était de 150 millions. Une université, pour se développer, doit être capable de mobiliser et de créer de la confiance au sein des équipes.

M. Georges Tron, Président : La mission préconise un mode de calcul des dotations fondé, non sur la nature des crédits, mais des activités - la formation et la recherche -. Dans ce cadre, concernant les crédits immobiliers, comment peut-on traiter les situations inégales et les besoins différents des universités ?

M. Pascal Aimé : La dévolution du patrimoine devra être précédée d’un dialogue entre les universités et la tutelle sur les conditions de la remise à niveau du patrimoine existant.

Les universités propriétaires de leur patrimoine devront rationaliser son utilisation. Peut-être cesseront-elles de se demander comment avoir plus de surface, pour réfléchir à la manière de continuer avec moins.

Pour le reste, l’on peut admettre que le financement de la part du patrimoine dans le coût environné pour une discipline scientifique soit plus élevé que pour les sciences humaines et sociales.

Mme Charlotte Leca : La dotation « critérisée » par étudiant ou par chercheur devra intégrer la charge du renouvellement des biens pour les universités qui se porteront candidates au transfert du patrimoine immobilier. À défaut, l’effet de responsabilisation recherché ne sera pas atteint, et les universités ne développeront pas de véritable stratégie immobilière et ne mettront pas en place de schémas directeurs. Entre 1987 et 2006, les surfaces ont augmenté de 16 % alors que le nombre d’étudiants stagnait. Le modèle San Remo est inflationniste.

M. Pascal Aimé : Là est tout l’intérêt d’une approche formation/recherche, mais on peut admettre qu’il soit encore nécessaire d’augmenter certaines surfaces dans l’optique du développement des activités de recherche.

Bien sûr, les universités propriétaires financeront leur amortissement mais l’État, au travers du système des dotations aux universités, devra augmenter la part précédemment consacrée au financement de la maintenance, laquelle demain ne financera plus directement la maintenance, mais l’amortissement. Si l’on se contente de valoriser le patrimoine des universités et de leur demander de financer l’amortissement à moyens constants, elles ne s’en sortiront pas.

M. Georges Tron, Président : Je retiens que le mode de financement, dépendant du nombre de mètres carrés, est donc inflationniste…

M. Pascal Aimé : Une inflation qui reste théorique ! Du fait des contraintes budgétaires, les universités se retrouvent très souvent sous-dotées par rapport à la dotation théorique déterminée par le modèle San Remo.

Mme Charlotte Leca : A nombre d’étudiants égal, pour des surfaces différentes, les dotations théoriques étaient différentes.

M. Georges Tron, Président : La MEC remettra demain un rapport sur cette question de l’immobilier de l’État, dans lequel la problématique liée aux opérateurs sera évoquée.

M. Bernard Dizambourg : À chaque fois que nous réalisons un audit, nous faisons un point sur l’immobilier de l’établissement, son équilibre économique, son degré d’utilisation, etc.

M. Pascal Aimé : Autant les équipes de direction souhaitent passer rapidement à des compétences élargies, budget global/masse salariale, autant elles sont plus prudentes pour la partie dévolution du patrimoine, sans doute parce que la DGES n’a pas encore fixé les règles du jeu.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Les contrats de plan privilégient l’équipement neuf et ont laissé en suspend beaucoup d’opérations de maintenance.

M. Laurent Hénart, Rapporteur : Imaginez que vous soyez chargés d’une mission de conseil, à partir de 2009, sur la mise en œuvre d’un nouveau système : comment envisageriez-vous la première étape ?

M. Bernard Dizambourg : Il faudrait réaliser des simulations, dans la plus totale transparence.

M. Pascal Aimé : Il faudra absolument éviter, dans sept mois, de cristalliser les déséquilibres qui préexistaient en matière de dotation en emplois.

Mme Charlotte Leca : C’est vraiment une occasion rêvée de remettre tout à plat et de corriger les inégalités, dans la transparence. Soit l’on harmonise par le haut mais encore faut-il en avoir les moyens, soit l’on résorbe les inégalités, ce qui ne pourra s’opérer que lentement, car une bonne partie de ces crédits finance la masse salariale.

M. Pascal Aimé : Nous préconisons, notamment pour la partie formation, un modèle de répartition fortement lié à la notion d’effectif étudiant. Ce modèle devra intégrer des éléments de sécurité, car il est toujours possible que les effectifs d’un établissement baissent, ce qui pourrait lui poser des problèmes de financement.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Introduisez-vous le critère social ?

M. Pascal Aimé : Cette donnée pourrait être prise en compte dans la part performance, mais en se fondant sur des critères qui mesurent la progression de l’établissement, sans comparer les établissements les uns aux autres.

Mme Charlotte Leca : Dès lors que la dotation globale inclut la masse salariale, on ne pourra plus s’engager sur des sommes fixes pour une durée de quatre ans.

Il faut s’engager au minimum sur des modalités de calcul et sur les facteurs qui peuvent justifier d’y revenir, comme le nombre d’étudiants.

M. Jean-Pierre Brard : L’on nous a expliqué, la semaine dernière, au cours du débat constitutionnel, que sur le retour à l’équilibre des comptes publics, il y aurait un engagement pluriannuel de l’État. Je suis assez perplexe.

Mme Charlotte Leca : La pluriannualité permet de s’engager dans de plus grandes proportions qu’auparavant, mais pour les programmes LOLF concernés, le niveau de rigidité ne permet pas de s’engager sur quatre ans.

M. Bernard Dizambourg : Il y a un contrat de quatre ans vis-à-vis des établissements. Ce contrat doit tracer la ligne de ce que sera la répartition des moyens, mettre en place des systèmes d’amortisseurs, par exemple en cas de baisse d’effectifs.

Nous avons défini des principes, mais il reste un travail important de tests et de simulations à réaliser dans la transparence.

M. Pascal Aimé : Nous avons beaucoup parlé du travail de la DGES pour construire un nouveau modèle de répartition des moyens. Au-delà de la construction du modèle, son rôle d’animateur d’un dialogue de gestion avec les établissements reste à renforcer. Une fois que seront déterminés des éléments de calcul des dotations, la DGES gardera un certain nombre d’instruments comme la fixation du plafond de masse salariale ou du plafond d’emploi, qui peuvent également permettre le rééquilibrage entre les établissements.

M. Laurent Hénart, Rapporteur : Ne faudrait-il pas progresser dans l’analyse et la connaissance des coûts constatés ? Les universités, en général, ne sont pas en état de connaître leurs coûts et de les présenter.

M. Bernard Dizambourg : Nous avons écrit l’an dernier un rapport sur la mise en place de la LOLF dans un certain nombre d’établissements que nous avons repris au niveau des audits. Les établissements doivent progresser sur la qualité de leur processus budgétaire et dans les outils de suivi d’analyse de coût et d’activité.

Il existe aujourd’hui dans les universités un budget de gestion, un budget par activité, les activités étant les programmes LOLF qui ne donnent pas lieu, en général, à analyse. On établit un budget en début d’année, qui n’est jamais analysé sous cette forme. D’ailleurs, le moment de l’examen du compte financier est essentiellement technique et ne donne lieu à aucun retour sur les éléments économiques et les éléments d’activité.

Les établissements mettent en place des comptabilités analytiques pour pouvoir apprécier, par exemple, le coût d’un contrat. Si elles travaillent sur des micro-objets, il est aussi important d’établir une macro-analyse en matière de fonction – que coûte la formation ? La recherche ? Il ne faut pas tomber dans la définition d’objets trop fins, car on a besoin de données d’activités suffisamment agglomérées pour permettre le pilotage de l’établissement, et accessoirement fiabiliser la remontée d’informations dans les programmes LOLF.

M. Pascal Aimé : La première urgence est de mener ce travail au niveau de l’État et de la tutelle, pour définir les coûts environnés des grandes familles de formation et de recherche.

Ensuite, chaque établissement doit créer son propre dispositif de répartition de ses moyens en interne.

M. Georges Tron, Président : Merci à tous.

b) 11 heures :

M. Jean-François Dhainaut, président de l’Agence de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (AERES)

Présidence de M. Georges Tron, Président

M. Georges Tron, Président : L’objet des missions d’évaluation et de contrôle est d’établir un diagnostic et de faire des préconisations afin de mieux gérer les dépenses publiques. C’est la raison pour laquelle la Cour des comptes nous apporte son assistance. Elle est aujourd’hui représentée par M. Serge Barichard, conseiller référendaire.

La présente mission est consacrée à l’allocation des moyens des universités. Je vous remercie donc, M. Dhainaut, d’avoir bien voulu venir parmi nous, en tant que président de l’AERES.

M. Jean-François Dhainaut : Je vous remercie également de votre invitation.

L’agence va bien, elle travaille. J’aurai sans doute à présenter devant vous – comme devant les sénateurs – mon bilan d’activité dans le courant du mois de juillet prochain.

Vous avez bien voulu m’adresser un questionnaire, qui fait plus appel à mon expérience passée de président d’université que de président de l’agence. Cela dit, je tiens à apporter une précision : l’agence évalue, elle ne décide pas ; pour autant, elle est très attentive à ce qui se passe en aval, pour que ses évaluations aient quelque utilité.

M. Laurent Hénart, Rapporteur : Lorsque l’on discute des nouvelles procédures d’allocation des moyens des universités, on est amené à s’interroger sur la façon de mesurer leur activité et leur performance.

Que pensez-vous de San Remo ? Comment analysez-vous les inégalités de dotations entre les universités ? Avez-vous une perception générale de la mise en place du nouveau système ?

Quels sont selon vous les critères pertinents qui permettraient de comparer les établissements, d’apprécier leur activité et leur performance, qu’il s’agisse de la recherche ou de l’enseignement ? Feriez-vous des distinctions selon les cycles ou selon les disciplines ?

M. Jean-François Dhainaut : En tant que président d’université, j’ai subi les défauts du système San Remo, extrêmement pervers, qui ne tient compte que du nombre d’étudiants inscrits et du nombre de mètres carrés de locaux.

Le meilleur exemple est celui de l’université de Rouen qui, sans évaluer ses besoins réels, s’est lancée dans une politique d’extension immobilière (56 bâtiments sur 7 sites et 5 communes), profitant d’opportunités diverses, l’obligeant maintenant à les entretenir, ce qui revient très cher. Plus on a de bâtiments, plus on a d’argent, mais la dotation au mètre carré étant beaucoup plus faible que le coût réel du mètre carré, l’université se trouve toujours en déficit.

Puisque l’on tient compte du nombre d’étudiants inscrits, plus l’offre de formation est foisonnante, plus il y a d’étudiants, et plus l’université reçoit de dotation. Celle qui s’en tient à une offre de formation restreinte, pertinente, dans son domaine de compétence, reçoit moins d’argent. Ainsi, mieux on gère, moins on reçoit de dotation.

Il faut donc absolument arrêter rapidement le système San Remo.

M. Georges Tron, Président : Si l’université décidait de doubler la superficie de ses locaux, est-ce que la dotation suivait automatiquement ? Un contrôle est-il exercé ?

M. Jean-François Dhainaut : C’est en effet ce qui s’est passé à Rouen. Il faudrait que l’université procède à une restructuration majeure de son patrimoine immobilier.

M. Georges Tron, Président : Le ministère des Finances a-t-il exercé, au moment du versement des dotations, un contrôle de la politique immobilière des universités ?

M. Jean-François Dhainaut : Plusieurs inspections ont eu lieu. En effet, l’inspection générale a préconisé une séparation des services financiers et de l’agence comptable pour améliorer la gestion. Un audit organisationnel a été, en 2006, diligenté par la trésorerie générale qui a incité à mettre en place une centralisation des recettes. Un contrôleur de gestion a été nommé, mais il reste encore beaucoup à faire, en particulier en vue de l’obtention d’outils de pilotage performants. Mais globalement, depuis une dizaine d’années, aucune décision de restructuration n’a été prise, et il y a toujours le même nombre de bâtiments et le même déficit, qu’on couvre tous les ans.

M. Georges Tron, Président : Lorsque vous étiez président d’université, l’État ne vous demandait-il pas de justifier l’extension de la superficie des locaux ? Les mètres carrés supplémentaires s’accompagnaient-ils d’une dotation supplémentaire ?

M. Jean-François Dhainaut : Ce problème ne s’est pas posé pendant ma présidence à Paris V.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Le problème de l’immobilier est probablement le plus difficile qui se pose à l’université. Mais les contrats de plan ont aggravé la situation. L’État n’ayant pas les moyens de faire face aux besoins des universités, les collectivités territoriales, en particulier les régions, sont intervenues. Ce fut le cas pendant une longue période sans qu’il y ait eu d’évaluation préalable du patrimoine universitaire. L’État n’avait d’ailleurs pas les moyens d’y participer. On a donc construit du neuf sans avoir apprécié la maintenance et aujourd’hui, les universités se trouvent dans cette situation difficile.

M. Jean-François Dhainaut : Non seulement on a construit de l’immobilier neuf, mais l’université s’est vu attribuer des bâtiments qui se libéraient. Il est en tout cas surprenant que, malgré plusieurs rapports, rien ne se soit passé. C’est un exemple de la perversité du système San Remo.

Pourquoi certaines universités ont-elles des dotations plus importantes que d’autres ? L’histoire a joué un grand rôle dans cet état de fait et l’on n’est jamais revenu sur les dotations des grandes universités plus anciennes. Toutes les tentatives de redistribution que j’ai connues ont échoué ou ont été marginales, en raison de la peur de certaines universités d’être considérées comme moins bonnes que les autres, ou à la suite d’interventions individuelles de présidents.

Je considère que les choses devraient être beaucoup plus transparentes.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Quelle mission précise l’État vous a-t-il confiée, en tant qu’agence d’évaluation ?

M. Jean-François Dhainaut : Votre question renvoie à la différence entre le système français et le système anglo-saxon. Ce dernier est un système d’accréditation, qui va plus loin que la simple évaluation. Une fois l’accréditation acquise en fonction des critères d’évaluation, une autre agence accorde les financements à l’université, à la formation ou à l’unité de recherche. Ces financements sont accordés à 100 % selon la performance.

Dans le système français, l’AERES évalue les universités, les grandes écoles, les formations, les organismes et unités de recherche. Elle les cote dans un rapport établissant leurs points forts et leurs points faibles et fait des recommandations. Mais elle ne va pas au-delà.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Avez-vous les moyens d’évaluer la réalisation des contrats passés avec l’université ? Faites-vous des recommandations à l’État ? Comment cela se passe-t-il concrètement ?

M. Jean-François Dhainaut : L’université procède à une autoévaluation. Elle indique ce qu’elle a pu faire ou ce qu’elle n’a pas pu faire, pourquoi elle n’a pas pu le faire, et expose sa performance.

Notre comité de visite (formé de sept experts et d’un président) se rend alors sur le site, avec nos évaluations en matière de formations comme de recherche. Il évalue la gouvernance, la politique d’offre de formations, la politique scientifique, les relations avec les organismes de recherche, la région, les pôles de compétitivité, les relations internationales, la gestion de l’université, son patrimoine, les ressources humaines et s’intéresse aussi à la vie étudiante. En dernier lieu, il étudie l’offre de formation : licences, masters, visite les écoles doctorales et les unités de recherche, leur attribuant une cote : A +, A, B, C ou D. Ce comité de visite produit un rapport, qui est revu par l’AERES, remis en forme et publié un mois après sur le site avec la réponse de l’établissement.

La direction générale de l’enseignement supérieur reçoit l’ensemble des rapports avec les points forts, les points faibles et nos recommandations. C’est elle, et non l’agence, qui s’occupe d’allouer les moyens à l’université. En revanche, l’agence reviendra trois ou quatre ans plus tard pour voir ce qui s’est passé. Ainsi, l’AERES évalue et la DGES décide.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Est-ce qu’aujourd’hui tout nouveau contrat signé entre l’État et l’université fait préalablement l’objet d’une évaluation des précédents contrats ?

M. Jean-François Dhainaut : Oui. S’agissant des contrats des universités de la « vague B », le ministère dispose de toutes les évaluations de toutes les universités, ainsi que de celle des précédents contrats. Certains présidents d’université ont d’ailleurs clairement utilisé nos évaluations pour discuter leurs contrats avec la DGES.

La DGES est en train de finaliser ces contrats qui seront signés au mois de juillet. Nous devrions avoir une réunion à la fin du mois de juin et savoir comment la DGES a utilisé nos évaluations.

Lorsque je suis arrivé à l’agence, je me suis interrogé sur le processus allant de l’évaluation à la décision. Le législateur a certes voulu distinguer l’une et l’autre. Mais il faut que l’on sache précisément comment sont prises les décisions. Quels critères sont pris en compte, en dehors de ceux du système San Remo ? Je l’ignore, et je pense que l’université ne le sait pas non plus.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Cette situation a de quoi laisser perplexe. Il semble évident que dans le nouveau système prévu par la loi LRU, l’AERES sera amenée à jouer un rôle pivot dans les contrats prenant en compte l’ensemble des financements. Il faudra bien qu’il y ait une connexion entre ce qui sera prévu en amont dans le cadre de ces contrats pluriannuels, et les évaluations de l’agence qui devront servir non seulement à prendre en compte la façon dont l’université aura répondu à ces contrats déjà signés, mais encore à préparer les contrats suivants.

L’État réfléchit, au même titre que nous, à l’allocation des moyens. Vous a-t-il demandé d’y réfléchir, de votre côté ? Quel devrait être votre rôle, une fois que les nouveaux critères auront été établis ? Avez-vous noué un dialogue avec la DGES ?

M. Jean-François Dhainaut : Le dialogue se nouera après la signature des contrats des universités de la « vague B ». Je saurai alors sur quels critères ont été alloués les moyens et si les évaluations de l’AERES ont été utiles pour prendre les décisions financières.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Nous aurons quelques questions à poser à la DGES demain.

M. Jean-François Dhainaut : Je passe à votre question suivante : comment réduire les inégalités de dotation entre les universités ? Je ne sais pas s’il s’agit d’une bonne question. Le fait que les dotations soient inégales ne me gêne pas. Elles seront toujours inégales, et c’est bien, dans la mesure où les universités ne font pas toutes la même chose. Simplement, il faut que ces dotations soient parfaitement transparentes et justifiées. Ce n’est pas le cas actuellement, en raison du fait qu’on ne tient pas du tout compte de la performance.

Selon moi, la part variable devrait être de 100 % pour la partie « recherche ». La recherche s’évalue parfaitement. Il existe des critères européens que personne ne discute et il n’y a aucune raison de donner une dotation de base qui ne correspond à rien.

Pour la partie « formation », c’est un peu différent. La Conférence des présidents d’université (CPU) propose 10 %. Il faut prévoir 30 % au moins, si on veut obtenir un effet, sachant que je parle salaire non compris.

Pour moi, les critères sont limpides, l’insertion professionnelle, en est un. Mais pas n’importe laquelle, à n’importe quel niveau, et avec n’importe quel salaire. Je ne considère pas comme un exemple d’insertion celui d’un étudiant à bac + 8 qui travaille comme chef de rayon chez Décathlon.

En attendant de disposer des taux d’insertion réels, on pourrait allouer des financements en fonction de dispositifs d’aide à l’insertion professionnelle : mise en place d’un tutorat, d’un suivi des étudiants, de relations avec les entreprises. On pourrait considérer la poursuite des études au-delà d’un certain niveau comme une sorte d’insertion. On pourrait moins coter la sous-performance, comme dans l’exemple précité d’un emploi de vendeur chez Décathlon.

Il faut maintenir une dotation en fonction du nombre d’étudiants, mais seulement de ceux qui passent les examens. En effet, certaines universités comptent un quart ou un tiers d’ « étudiants fantômes », notamment en sciences humaines – de la même manière qu’il faut tenir compte du nombre de chercheurs qui publient, mais pas des autres.

M. Alain Claeys, Rapporteur : C’est à moduler en fonction des disciplines.

M. Jean-François Dhainaut : En fait, il faut tenir compte de tout : non seulement des publications, mais aussi de la valorisation, des brevets, des licences, du nombre d’emplois créés, de la notoriété, des prix remportés. Il faut prendre en compte ceux qui ont participé à des conférences internationales et ceux qui ont réussi à obtenir de l’argent ailleurs, de l’ANR (Agence nationale de la recherche) ou des agences européennes.

C’est à peine plus complexe pour les sciences humaines que pour les « sciences dures ». En sciences humaines, il faut davantage tenir compte des publications en langue française, des ouvrages de recherche, ou même utiliser d’autres critères comme, en archéologie, le fait de mener des fouilles. Mais il est tout à fait possible d’apprécier l’activité des uns et des autres.

L’agence est prête à se pencher sur les critères de performance, dans la mesure où on lui donne pour mission claire de travailler avec ceux qui vont allouer les moyens aux universités. C’est très important, quelle que soit l’instance.

L’évaluation des universités doit se faire a posteriori et non a priori, dans la mesure où il faut leur laisser la possibilité d’agir elles-mêmes. En revanche, en cas de problème, il faut pouvoir mettre un terme à ce qui ne va pas.

M. Régis Juanico : Un étudiant en sciences humaines à Saint-Étienne aura sans doute moins de chance de réussir son insertion professionnelle qu’un étudiant en sciences à Paris ou à Lyon. Ne pensez-vous pas qu’il faudrait moduler ou au moins pondérer ce critère ? On pourrait tenir compte des caractéristiques des territoires dans lesquels s’insèrent les pôles universitaires – du taux de chômage des jeunes, notamment.

M. Jean-François Dhainaut : Vous avez pris – et c’est heureux – un mauvais exemple : l’insertion professionnelle à Saint-Étienne est excellente pour les étudiants de sciences humaines, car il existe une très bonne congruence entre les besoins de la région et ce qui est proposé par l’université. Pour autant, il y a en France un problème qui tient au fait que nous avons, en sciences humaines, deux fois plus de professeurs et d’étudiants que dans les autres pays, mais pas deux fois plus de possibilités d’insertion professionnelle.

Imaginez un étudiant de base qui n’a pas pu s’orienter dans la filière des grandes écoles ; puis il a échoué en médecine, qui est une filière sélective ; et, du coup, les scientifiques n’en veulent pas. Il se retrouve donc en sciences humaines, où il n’y a pas beaucoup de sélection. Les sciences humaines sont ainsi devenues une sorte d’entonnoir. Relativement peu d’étudiants ont choisi cette voie. Dans ces conditions, en raison d’un phénomène de masse, il est bien sûr plus difficile d’assurer l’insertion professionnelle des étudiants. Je reconnais également que l’insertion professionnelle pose plus de problèmes à Rennes II ou à Toulouse-Le Mirail qu’à Paris VI.

Il est indispensable de sortir de ce problème d’insertion. Il faudra sans doute introduire une certaine pondération. À l’université de Paris V, dont j’ai été le président, l’insertion professionnelle des étudiants en psychologie, pourtant extrêmement nombreux, est assez satisfaisante ; mais il faut préciser que lorsque nous nous sommes aperçus que le taux d’insertion n’était que de 50 %, nous y avons travaillé et, en trois ans, ce taux est passé à 70 %. L’insertion professionnelle des doctorants en biologie à Paris V est voisine de 90 %. En revanche, dans les universités de taille moyenne de la « vague B », elle est de 50 %, alors que dans tous les pays du monde, elle est de 95 à 100 %. Cela signifie qu’il faut faire des efforts dans le domaine de l’insertion professionnelle, et pas seulement en sciences humaines.

M. Laurent Hénart, Rapporteur : Avez-vous observé des différences entre les disciplines ? Si oui, et pour en tenir compte, combien de familles de disciplines différentes envisagez-vous de retenir pour les critères de dotation et d’évaluation ?

M. Jean-François Dhainaut : Il ne faut sûrement pas aller au-delà de trois. On ne peut pas faire autrement que de mettre à part les sciences humaines et sociales. Il est ensuite classique de distinguer les « sciences dures » ou exactes des sciences de la vie. Mais, à en croire mon expérience, elles sont finalement très proches.

Il convient également de faire attention : la sélection n’est pas à l’ordre du jour, mais elle existe néanmoins, dès le lycée. Les IUT sont très sélectifs. En outre, on applique un numerus clausus à certaines professions. Voilà pourquoi les étudiants sont tels des souris qui se déplacent dans un labyrinthe, se dirigeant là où cela leur est possible.

M. Laurent Hénart, Rapporteur : Est-ce que la définition des cycles de licence et de master justifierait l’utilisation de critères différents ? Vous avez déjà répondu partiellement en précisant que le critère de l’insertion professionnelle pouvait être pondéré par la prise en compte de la poursuite d’études.

M. Jean-François Dhainaut : De la poursuite d’études et du niveau d’insertion. On ne doit pas insérer au même niveau en master et en licence.

M. Laurent Hénart, Rapporteur : On pourrait envisager autre chose : accorder aux données socio-économiques du public accueilli une beaucoup plus grande importance au niveau du cycle de la licence que du master.

M. Jean-François Dhainaut : Peut-être. Mais il faut aussi arrêter de comparer l’Université de Pau à l’Université Pierre et Marie Curie (Paris VI). Les universités n’ont pas toutes les mêmes missions et ce sont ces missions qu’il faut prendre en compte lorsque l’on parle de performance.

Globalement, il y a trois types d’universités : une douzaine à vocation internationale, comme Pierre et Marie Curie ; les universités à vocation nationale ; et les universités territoriales.

On attend de Paris VI qu’elle soit une excellente université du point de vue de la recherche, mais aussi du point de vue de la formation. Il faut cesser de penser que les universités fortes en recherche peuvent être moyennes en formation.

Les universités à vocation nationale doivent avoir un excellent niveau de formation et un bon niveau de recherche, avec des doctorants qui s’appuient sur une recherche incontestable.

Les universités territoriales enfin ont pour mission d’irriguer le territoire où elles se trouvent. Elles peuvent être des universités d’excellence, avec une ou deux niches de recherche intéressantes. Prenez l’exemple de l’université de Limoges, qui n’est pas facile d’accès et qui se trouve isolée du point de vue des échanges. Pourtant, elle assure une très bonne insertion professionnelle et possède une niche de recherche de niveau national, européen, voire mondial, développée à partir de la céramique. Prenez l’exemple de l’université de Chambéry, qui, avec son centre interdisciplinaire de la montagne, possède de très bonnes équipes de recherche.

Ces universités territoriales doivent être très rigoureuses vis-à-vis des étudiants qui sortent en licence. Certaines d’entre elles sont capables d’irriguer les grandes universités à vocation internationale, avec de très bons étudiants qui vont en master. Aux États-Unis, il est fréquent qu’un étudiant commence à faire son bachelor dans une petite université, fasse son master dans une plus grande et termine par un doctorat à Yale. Cette mobilité qui s’observe dans les pays anglo-saxons est encore très faible en France, ce qui est dommage. Il faudrait donc valoriser les universités qui sont capables d’envoyer des étudiants faire leur doctorat dans de très grandes universités.

M. Georges Tron, Président : Merci, monsieur. Souhaitez-vous conclure ?

M. Jean-François Dhainaut : En effet. Actuellement, l’agence procède à des évaluations dont elle n’a pas à rougir par rapport à ses collègues anglais ou allemand. Mais les relations entre l’évaluation et la décision ne nous apparaissent pas encore clairement.

La France s’est dotée d’une agence d’évaluation, ce qui constituait un défi vis-à-vis des organismes de recherche, l’INSERM, le CNRS, etc. Nous sommes considérés comme plus transparents, avec moins de problèmes de conflits d’intérêts qu’ailleurs et davantage d’experts internationaux. Globalement, nous avons relevé le défi de l’évaluation.

Le deuxième défi consiste à passer de l’évaluation à la décision. Il faut réduire l’impact du système San Remo sur les universités et passer au financement public par la performance, à partir de critères transparents.

Je me suis rendu il y a quinze jours à une réunion de la Commission européenne, où chacun a présenté le système utilisé dans son pays. Nous sommes les seuls où le financement est très peu basé sur la performance. Tout le monde a bien compris le système d’évaluation « à la française », qui est jugé très intéressant. Mais personne ne comprend très bien à quoi il va servir. Avec un tel système d’évaluation, pourquoi continuer à financer les universités à partir du nombre de mètres carrés de locaux et d’étudiants ?

Il s’agit maintenant de passer à l’étape supérieure. Dans les pays anglo-saxons, les agences de financement travaillent à partir des critères donnés par l’évaluation ; le système est très simple et très transparent. Sur cette base, les établissements reçoivent ou non de l’argent. Nous devrons évoluer vers ce système de façon progressive pour qu’à terme, le financement soit la conséquence de l’évaluation. Sinon, l’AERES ne sera qu’un coup d’épée dans l’eau.

Concernant la question de savoir si la DGES a les moyens de se lancer dans cette aventure ou s’il faut recourir à une agence de financement indépendante, je n’ai pas à y répondre en tant que président de l’AERES.

Tant qu’on ne disposera pas de l’insertion professionnelle réelle, il faudra sans doute, pendant un certain temps, utiliser des critères substitutifs. Mais il est impossible d’attendre plus de trois ou quatre ans. Dans une entreprise, pour apprécier la qualité, il faut s’appuyer sur le produit fini. On peut également travailler sur des indices de qualité, mais nous n’avons pas ici le temps d’en discuter.

Actuellement, les évaluations sont trop compliquées par rapport à ce qu’elles devraient être. Dans les pays anglo-saxons, c’est très simple. Quoi qu’il en soit, il faut une vraie congruence entre l’évaluation et la décision.

M. Georges Tron, Président : Je vous remercie.

Audition du 4 juin 2008

10 heures 30 :

MM. Bernard Saint-Girons, directeur général de l’enseignement supérieur, Gilles Bloch, directeur général de la recherche et de l’innovation, ainsi que Michel Dellacasagrande, directeur des affaires financières au ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche.

Présidence de M. David Habib, Président,

puis de M. Benoist Apparu, membre de la MEC

M. David Habib, Président : Je souhaite la bienvenue à nos trois invités, MM. Bernard Saint-Girons, directeur général de l’enseignement supérieur, Gilles Bloch, directeur général de la recherche et de l’innovation, ainsi que Michel Dellacasagrande, directeur des affaires financières au ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche. Je salue également les Rapporteurs MM. Alain Claeys et Laurent Hénart, qui se sont particulièrement investis dans leur travail, ainsi que MM. Régis Juanico et Benoist Apparu, qui ont eux beaucoup œuvré à l’élaboration de la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et aux responsabilités des universités (LRU). Je remercie, enfin, M. Yann Petel, conseiller-maître à la Cour des comptes, dont l’expertise est toujours précieuse.

C’est la troisième séance que nous consacrons aux moyens alloués à l’université. Je ne doute pas qu’elle se déroulera dans le même esprit de franchise et de clarté que les deux réunions précédentes grâce auxquelles nous avons pu mesurer combien il est temps de repenser le système San Remo.

Devant vous quitter à 11 heures, je laisserai à M. Benoist Apparu le soin de me succéder à la présidence de cette réunion.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Nous vous remercions, Messieurs, d’avoir répondu à notre invitation.

Une polémique s’est esquissée par voie de presse à la suite des auditions d’hier mais je tiens à préciser qu’aucune structure n’a été mise en cause. Nous essayons simplement, dans l’esprit de la MEC, de parvenir avec vous à un constat partagé quant à une meilleure attribution des moyens à l’université afin d’en améliorer l’efficacité et l’efficience.

Tous les dispositifs imaginables échoueront si l’on ne tente pas d’abord de réduire les inégalités entre les universités. Comment expliquer une pareille situation ?

En outre, l’autonomie de l’université n’oblitérant en rien le droit de regard de l’État sur l’efficacité des politiques universitaires, d’où proviennent les dysfonctionnements de l’évaluation ?

Les dotations des universités sont par ailleurs fondées sur trois ressources principales : la gestion de la masse salariale, la dotation globale de fonctionnement et, enfin, le contrat. Comment envisagez-vous dans ce cadre la répartition de la nouvelle allocation de moyens, sachant qu’il importe de distinguer la formation de la recherche ?

M. Bernard Saint-Girons, directeur général de l’enseignement supérieur : Je vous remercie de votre accueil.

Le système San Remo a fait l’objet d’un certain nombre d’aménagements qui l’ont considérablement compliqué jusqu’à le rendre illisible. La politique de la ministre vise à répondre à des considérations d’ordre technique, certes, mais également, politique : la loi du 18 avril 2006 de programme pour la recherche a ainsi institué l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (AERES), premier élément autorisant la conception d’un nouveau dispositif de répartition des moyens.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Avant la création de cette agence, était-ce bien la direction générale de l’enseignement supérieur (DGES) qui évaluait les contrats ?

M. Bernard Saint-Girons : C’était un service du ministère, la mission scientifique, technique et pédagogique, qui évaluait les contrats, les instances d’évaluation des organismes de recherche évaluant pour leur part les unités mixtes de recherche.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Des contrats ont, semble-t-il, été renégociés sans qu’il ait été vraiment possible d’évaluer les contrats précédents. L’AERES a-t-elle aujourd’hui, précisément, cette mission d’évaluation ?

M. Bernard Saint-Girons : La vague B de la contractualisation a été en quelque sorte l’occasion d’un rodage de l’agence. Avant toute intervention de quelque organisme que ce soit, c’est elle qui procède à l’évaluation des établissements sur les volets « gouvernance », « recherche » et « formation ». La DGES, quant à elle, n’intervient qu’à l’issue des rapports de l’AERES et après que les universités ont été mises en situation de répondre aux observations qui leur ont été faites. Des cotations sont alors instaurées pour les formations ou la recherche et c’est sur cette base que la discussion est engagée avec les établissements, en concertation étroite avec la direction générale de la recherche et de l’innovation (DGRI) afin de pouvoir apprécier la stratégie scientifique d’un établissement à l’aune des priorités définies par l’État et de veiller à la mise en place de partenariats entre universités et organismes de recherche. La DGES négocie donc à la fois directement avec les établissements et occupe en quelque sorte la place d’« ensemblier » du dispositif.

Premier exemple : l’AERES a émis des avis réservés sur un certain nombre de licences. Il importe avant tout d’en comprendre les raisons : telle ou telle université ne disposerait-elle pas de la compétence idoine pour assurer telle ou telle formation ou une rationalisation de l’offre de formation s’impose-t-elle ? La DGES évoque toujours avec les universités les points essentiels du rapport de l’agence, de même qu’elle demande les mesures que ces dernières comptent prendre afin de répondre à ces observations. C’est alors qu’elle décide si telle ou telle formation peut être habilitée ou si un regroupement rationalisé est nécessaire.

Deuxième exemple : les universités de Nantes, d’Angers et du Mans disposaient chacune d’une école doctorale de grande qualité mais, sur la base d’une évaluation positive cette fois, une discussion a été engagée qui a abouti à une réorganisation de ces écoles et à la création d’un pôle de recherche et d’enseignement supérieur (PRES).

Dernier exemple : l’AERES a formulé des observations sur des dénominations fort peu claires au sein du cursus Licence Master Doctorat (LMD) et la DGES a demandé une clarification à l’université en question.

Avec la vague C, l’AERES est désormais en pleine responsabilité. Pour sa part, la DGES doit veiller en particulier à faire en sorte que le contrat soit signé au début de la période qu’il vise. Nous avons en outre prévu que l’agence et la DGES puissent dresser un bilan de la situation lors de la phase de finalisation des contrats mais il est vrai que cela risque d’être difficile.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Pourquoi un tel manque de transparence dans la communication des informations ?

M. Bernard Saint-Girons : Sans doute en raison des 43 familles de formations existantes et des processus de pondération survenant dans la prise en compte des étudiants. Nous travaillons donc sur des indicateurs simplifiés et sur les familles de formation elles-mêmes.

M. Benoist Apparu, Président : Vous envisageriez de les réduire à combien ?

M. Bernard Saint-Girons : Nous travaillons en ce moment sur deux types de formation : scientifiques et littéraires.

M. Benoist Apparu, Président : Vous envisagez donc un passage de 43 à 2.

M. Bernard Saint-Girons : Tel est en effet notre objectif.

M. Benoist Apparu, Président : Vous y incluez les écoles d’ingénieurs, les IUT et les IUFM ?

M. Bernard Saint-Girons : La distinction entre écoles d’ingénieurs et IUT n’a pas encore été opérée car les simulations réalisées démontrent qu’en tenant compte de la masse salariale et de la recherche, leurs situations ne diffèrent pas fondamentalement de celles des universités. La loi LRU, en outre, globalise les dotations de l’université. Enfin, il n’est pas question que les présidents des universités utilisent à des fins internes le système national de répartition des moyens. Il importe donc que le dispositif qui sera mis en place soit suffisamment clair pour considérer les situations spécifiques de chaque établissement tout en laissant aux universités la responsabilité de leur politique.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Cela est-il acté pour les IUT ?

M. Bernard Saint-Girons : Nous travaillons sur cette hypothèse.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Ce n’est donc pas acté.

M. Bernard Saint-Girons : La masse salariale concernant l’université dans sa globalité, une approche générale me semble la plus adéquate. C’est au président de l’université de parvenir à faire vivre les différentes composantes de son établissement. L’université est un tout irréductible à la somme des unités qui la composent. Avec la transparence, le fléchage des moyens ne devrait plus être à l’ordre du jour.

Par ailleurs, deux conditions sont à mon sens nécessaires pour régler la question des inégalités : des moyens à la hauteur de l’augmentation des effectifs accueillis lorsque des dérives ont commencé à se produire – en l’occurrence en 1997 et 1998 –, ainsi qu’un redéploiement des moyens entre les universités qui sont le mieux dotées et celles qui ne le sont pas. Je précise toutefois qu’il n’y pas d’université sur-dotée puisqu’un effort de rattrapage majeur est aujourd’hui engagé et qu’il faudra sans doute mettre à profit les ressources complémentaires mobilisées aujourd’hui et pour les quatre ans à venir en faveur des universités afin de parvenir aux équilibrages souhaités.

M. Régis Juanico : Avez-vous réfléchi à des mécanismes précis afin d’améliorer le système des dotations ?

M. Bernard Saint-Girons : Le système sur lequel nous travaillons est fondé sur la masse réelle des moyens à répartir : il n’est en effet pas question de maintenir la distinction entre dotations théoriques et dotations réelles. À partir des dotations 2008 et compte tenu des pondérations entre étudiants scientifiques et littéraires, certaines universités sont au-dessus de la ligne, d’autres en dessous.

Est-il donc envisageable d’entrer dans une phase active de rééquilibrage, me direz-vous ? Vraisemblablement, à condition que des moyens complémentaires soient attribués de façon différenciée aux universités, en fonction de leurs besoins. L’équité n’est pas l’égalitarisme : des universités doivent pouvoir par exemple continuer à jouer pleinement leur rôle sur un plan international.

M. Régis Juanico : Les moyens complémentaires auxquels vous faites allusion, ce sont les cinq milliards annoncés pour le budget de l’enseignement supérieur ?

M. Bernard Saint-Girons : En effet.

M. Laurent Hénart, Rapporteur : Quel est l’avis de MM. Bloch et Dellacasagrande sur les propos de M. Saint-Girons, le fonctionnement du système San Remo et les rapports entre l’État et les universités ? Comment appréhendez-vous l’application de la loi LRU et la situation des établissements ayant opté pour le nouveau statut, la mise en place des nouveaux critères devant être effective au 1er janvier 2009 ?

M. Gilles Bloch, directeur général de la Recherche et de l’innovation : Je vous remercie à mon tour de votre accueil. Le travail de réflexion sur le nouveau schéma d’allocation des moyens est mené collectivement même si la DGES est pilote en la matière.

Le système concernant l’attribution des moyens dévolus à la recherche était sans doute plus lisible et plus transparent – le contrat comprenant un volet dédié aux moyens alloués sur des critères d’effectifs de « publiants » et un volet sur la performance des unités – mais il souffrait d’être déconnecté de tout ce qui concerne la partie « masse salariale » et du fait que l’évaluation préalable à la contractualisation n’était pas explicite. De surcroît, non seulement le très bon travail du conseil national d’évaluation (CNE) n’était pas utilisable pour déterminer les critères du futur contrat de l’université mais il n’était pas disponible au moment de la discussion avec une université.

M. Alain Claeys, Rapporteur : La création de l’AERES a donc dû vous rassurer.

M. Gilles Bloch : Le phasage des processus et l’engagement d’une discussion sur les besoins d’information de l’État préalablement au contrat sont en effet très positifs.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Êtes-vous d’accord avec l’AERES sur les critères d’évaluation ?

M. Gilles Bloch : Le dialogue est en cours et sans doute des convergences se feront-elles au moment de la vague D.

M. Bernard Saint-Girons : Nous avons élaboré avec la DGRI un « document unique » qui nous permet précisément d’avoir une unité de vue.

M. Gilles Bloch : L’évaluation était précédemment réalisée par la mission scientifique, technique et pédagogique (MSTP), le CNRS, l’INSERM etc. Le système dont nous disposons aujourd’hui est heureusement homogène puisque l’agence est en mesure de noter toutes les unités figurant dans le périmètre d’une université à partir d’une même méthode. Il s’agit là d’un réel progrès, et pour l’évaluation, et pour la transparence.

J’adhère par ailleurs tout à fait aux propos de M. Saint-Girons.

M. Michel Dellacasagrande, directeur des affaires financières au ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche : Nous nous sommes quant à nous plus particulièrement occupés du coût du nouveau mode d’allocation des moyens – estimé entre 500 et 800 millions d’euros – et par la masse salariale, qui s’élève à 7 milliards et qui sera transférée progressivement hors du titre II – sachant que les universités ne gèrent aujourd’hui qu’un milliard environ de masse salariale sur leur budget propre. Les universités devront prendre en compte des données tel que le glissement-vieillesse-technicité (GVT) ou l’évolution de la valeur du point et nous les accompagnerons dans cet exercice qui est souvent nouveau pour elles.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Combien d’universités sont-elles prêtes pour ce transfert ?

M. Bernard Saint-Girons : À ce jour, 31 universités ont demandé à être évaluées et une quinzaine de rapports nous sont parvenus. Nous demandons aux universités la teneur du plan d’action qu’elles envisagent compte tenu des difficultés constatées et, à partir de l’audit de l’inspection générale, nous proposerons à Mme la ministre de l’Enseignement supérieur et à M. le ministre du Budget la liste des universités dont il nous semble qu’elles pourront accueillir les compétences élargies au 1er janvier 2009.

M. Benoist Apparu, Président : Vous estimez leur nombre à une vingtaine environ ?

M. Bernard Saint-Girons : Oui.

M. Michel Dellacasagrande : Il faut également que nous permettions aux universités d’être aussi optimales que possible en leur proposant un certain nombre d’instruments, notamment en ce qui concerne la gestion de la paie. Nous travaillons en particulier sur la « paie à façon » car la lenteur des retours d’information sur les paies ne permettrait pas aujourd’hui un suivi correct de la masse salariale.

Trois conditions sont donc impératives pour que les universités aient une gestion autonome de leur masse salariale : une bonne connaissance de sa valeur, une assurance quant aux instruments de suivi de cette gestion et, enfin, une bonne préparation du processus de paie.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Il conviendrait d’aborder la question de la répartition entre la partie normée et l’allocation variable, aussi bien dans le domaine de la formation que de la recherche. Quel est votre point de vue et quel est l’état de votre réflexion ?

M. Laurent Hénart, Rapporteur : Les critères retenus doivent-ils être différents selon les blocs de disciplines ? Combien de blocs de disciplines distingueriez-vous ? Dans le domaine de la formation, envisagez-vous des critères particuliers en licence et en master ?

M. Bernard Saint-Girons : Premièrement, le système sur lequel nous travaillons fait la distinction entre une part normée, à l’activité et une part à la performance. Cette observation vaut aussi bien pour la formation que pour la recherche. En effet, nous considérons qu’il n’y a qu’une seule politique d’établissement, qui englobe la formation et la recherche. C’est si vrai que nous avons demandé aux établissements qui jusqu’ici faisaient remonter dans un premier temps le volet recherche et dans un deuxième temps, trois ou quatre mois après, le volet formation, de faire remonter ces deux volets simultanément. À ce jour, nous travaillons à une répartition qui est de 90 % pour la part à l’activité et de 10 % pour la part à la performance.

M. Benoist Apparu, Président : Y compris la masse salariale ?

M. Bernard Saint-Girons : Oui.

M. Alain Claeys, Rapporteur : On passerait ainsi de 3 à 10 % ?

M. Bernard Saint-Girons : Nous sommes légèrement au-dessus dans les simulations que nous avons faites jusqu’à aujourd’hui dans le cadre de notre système évolutif.

Ce schéma correspond très précisément aux préconisations de l’Inspection générale des finances qui, au moment d’établir le guide d’audit, avait indiqué que la part à la performance devrait représenter de 5 à 10 % des dotations allouées aux universités.

Comment décliner cet objectif sur la formation d’une part, et sur la recherche de l’autre ?

Dans le volet formation, la part à l’activité va prendre en compte le nombre d’étudiants, avec une pondération qui devait s’établir autour de 2,2 points entre les étudiants de lettres et sciences humaines (LSH) et les étudiants de sciences. C’est ce qui ressort des situations actuelles et des expérimentations menées.

Dans cette hypothèse, la part à l’activité renvoie déjà à des éléments plus qualitatifs qu’auparavant. Nous ne prenons pas comme référence les seuls étudiants inscrits. Nous regardons de plus près la prise en compte des étudiants présentant effectivement l’examen ; la direction de l’évaluation et de la prospective, la DEPP, travaille par ailleurs de son côté pour consolider cet indicateur et voir comment il peut être utilisé.

M. Benoist Apparu, Président : Qu’entendez-vous par « examen » ?

M. Bernard Saint-Girons : Il s’agit de se mettre d’accord. Faut-il prendre en compte les éléments de contrôle des connaissances ou ceux qui marquent la fin du premier semestre ? Dans ce cas, on pourrait aller plus loin et considérer qu’il ne s’agit pas seulement de s’asseoir dans la salle mais qu’il faut réaliser une performance minimale. Mais dans la pratique, ce serait compliqué à mettre en œuvre. Cela signifie en tout cas que l’aspect quantitatif et l’aspect qualitatif sont assez proches l’un de l’autre. Le plan licence vise d’ailleurs à faire en sorte que l’étudiant qui s’inscrit reste à l’université jusqu’au bout de son parcours.

La part liée à la performance amène à une interrogation : faut-il la pondérer et comment ? Comment l’évaluer pour la licence et pour le master ?

M. Benoist Apparu, Président : S’agissant de la part à l’activité, vous n’avez évoqué que le nombre d’étudiants. Pour l’instant, la DGES n’envisage-t-elle pas d’autre critère : social, immobilier par exemple ?

M. Bernard Saint-Girons : Sur l’aspect social, ma réponse sera double : premièrement, dans les moyens du plan licence, nous avons opéré une répartition qui prend en compte la difficulté des publics accueillis, plus précisément les bacheliers qui entrent à l’université avec un retard d’un an ou plus. Les universités de lettres et de sciences humaines ont ainsi bénéficié fortement des premiers crédits du plan licence. Deuxièmement, nous avons la volonté d’assurer intégralement la compensation des droits d’inscription des étudiants boursiers, qui s’est faite jusqu’à présent de manière aléatoire et partielle, pour des raisons budgétaires évidentes. C’est important à souligner, dans la mesure où certaines universités sont dans une situation d’inégalité par rapport aux autres. Dans l’académie de Créteil, les étudiants boursiers peuvent représenter plus de 30 % des effectifs d’une université.

Faut-il prendre en compte d’autres éléments ? C’est autour du coût de l’étudiant que nous pensons déterminer l’ensemble des dotations des universités. Nous n’avons pas, à ce stade de nos réflexions, envisagé d’autres critères.

M. Benoist Apparu, Président : Autrement dit, vous intégrez la dotation au mètre carré dans le coût de l’étudiant, mais vous ne prenez pas en compte l’immobilier existant ?

M. Bernard Saint-Girons : Nous en sommes là, au stade de notre analyse. Je m’explique : d’abord, l’ancien système prétendait le prendre en compte, mais ne le faisait pas ; ensuite, si nous acceptons un mécanisme automatique, nous retomberons dans un système dont nous ne voulons plus.

Comment apprécier la performance ? Faut-il l’apprécier de la même manière pour le niveau licence et pour le niveau master ?

Pour le niveau licence, nous travaillons sur l’indicateur de la valeur ajoutée. Il s’agit, compte tenu des publics accueillis, de mettre en perspective les taux de réussite escomptés et les taux de réussite constatés. L’exercice peut apparaître compliqué et là encore, la DEPP a été mise à contribution. Ce critère est-il pertinent ? Il nous semble en tout cas répondre à une des préoccupations que vous évoquiez tout à l’heure, la spécificité des publics accueillis et la capacité d’une université à réduire à la fois les taux d’évaporation et d’abandon – qui sont aussi les objectifs du plan licence.

Quel pourcentage accorder à la performance ? On nous a proposé 10 %. On nous a aussi proposé d’adopter un pourcentage plus faible pour la licence, par exemple 5 %, et plus fort pour le master, par exemple 20 %. Pour le niveau master, on prendrait en compte le nombre de diplômés et les taux d’insertion – insertion professionnelle ou poursuite dans un parcours doctoral.

M. Benoist Apparu, Président : Les critères que vous souhaitez prendre en compte sont-ils des critères d’évolution, pour la même université, d’une année sur l’autre ? Ou s’agit-il de critères standardisés, université par université ? Autrement dit, prendrez-vous en compte le fait qu’une université a vu son taux d’insertion baisser de 50 % à 45 %, ou monter de 5 à 15 % ?

M. Bernard Saint-Girons : C’est un critère évolutif.

Je voudrais ajouter qu’il est très important, pour des raisons d’équité et de lisibilité, que le critère du taux d’insertion fasse l’objet d’une appréciation homogénéisée. Un effort de formation doit être engagé pour que les observatoires de l’insertion professionnelle créés dans les universités adoptent les mêmes méthodes d’évaluation et de suivi de cohortes.

M. Régis Juanico : Vous avez évoqué les projections que vous faisiez à partir du nouveau modèle d’allocation des moyens. Vous avez parlé des universités qui seraient « un peu au-dessus » et de celles qui seraient « un peu en dessous ». Avez-vous pu déterminer si ces dernières présentaient des points communs, du point de vue de la taille, de la situation géographique, etc. ?

M. Bernard Saint-Girons : La situation de ces universités « un peu en dessous » est assez disparate, mais nous avons constaté que celle des universités nouvelles demandera de notre part une vigilance particulière. Mais votre question appelle un premier commentaire. Nous devons nous donner pour cible que toutes les universités atteignent ce niveau moyen à l’horizon 2012, quand elles seront toutes passées aux compétences élargies.

Sans doute le modèle que nous mettons en place aujourd’hui devra-t-il être actualisé, modifié et stabilisé pour que nous atteignions un système de croisière.

M. Alain Claeys, Rapporteur : J’ai lu, dans la mise au point faite par Jean-François Dhainaut à propos de son audition d’hier, un passage qui me préoccupe : « …compte tenu de l’étanchéité voulue par le législateur entre l’évaluation et la décision (à la différence des pays anglo-saxons où les agences accréditent), il n’y a pas eu, et il ne pouvait y avoir de concertation spécifique à ce sujet entre la DGES et l’AERES. » Le législateur n’aurait-il pas été suffisamment clair ?

M. Bernard Saint-Girons : Le législateur a voulu distinguer la tâche d’évaluation et la responsabilité de l’attribution des moyens quelle que soit la voie, ensuite, par laquelle s’effectue cette attribution. C’est une caractéristique du système français.

Par ailleurs, l’engagement de chaque vague contractuelle a été marqué par une réunion commune des directions, de l’AERES et des présidents des universités concernées. Cela a permis aux directions et à l’AERES de préciser la méthode de travail suivie, les échéances, les temps d’évaluation et les temps de négociation des directions avec les universités. Nous avons travaillé ensemble pour que les présidents d’université entendent bien la même partition et connaissent la place occupée par chacun dans le dispositif.

Enfin, nous sommes à un moment qui est caractérisé par deux éléments complémentaires : premièrement, le document unique, qui remonte vers nous de toutes les universités et qui permet, sur une base normalisée, d’avoir toutes les informations sur toutes les unités de recherche de toutes les universités, et englobe la référence aux écoles doctorales ; deuxièmement, le cahier des charges de l’évaluation …

M. Alain Claeys, Rapporteur : La DGES sera-t-elle appelée à le rédiger ?

M. Bernard Saint-Girons : Elle va le préparer, puis le concerter. Il permettra d’indiquer les points sur lesquels nous souhaitons avoir un regard plus particulier. Imaginez une évaluation sur la vague A, où il est question des pôles de recherche et d’enseignement supérieur (PRES) de Lyon ou de Grenoble. Nous pouvons alors demander que l’on regarde avec une vigilance toute particulière les politiques interuniversitaires, les politiques de site. Ce n’est pas un cahier de commandes. Il doit permettre d’identifier plus particulièrement les sujets sur lesquels nous attendons des éléments d’évaluation. Cela n’empêchera pas l’AERES, qui est de surcroît indépendante, de mener d’autres investigations pour avoir une connaissance fine de l’ensemble du dispositif, de se constituer une bibliographie de l’ensemble des universités et d’identifier leurs points forts et leurs points faibles de celles-ci. Que nous demandions que certains sujets soient particulièrement visés parce que nous en faisons dépendre l’allocation des moyens, c’est légitime. Que l’AERES ait besoin d’autres informations que celles qui nous concernent directement, c’est sa responsabilité.

M. Gilles Bloch : Le dialogue entre directions et AERES se déroule au rythme de la disponibilité des uns est des autres. Pour la direction générale de la recherche et de l’innovation (DGRI), l’évaluation des organismes de recherche est un exercice très nouveau.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Vous appuyez-vous sur des systèmes d’évaluation existants ?

M. Gilles Bloch : Je parle de l’évaluation des établissements. À la suite d’un travail de plusieurs mois avec l’AERES, nous avons mis au point un cahier des charges qui a fait l’objet d’une commande « cosignée » par le directeur général de la santé et par moi-même pour une évaluation de l’INSERM. Nous avons fait de même avec le directeur général de l’enseignement et de la recherche du ministère de l’agriculture, pour une évaluation du CEMAGREF. Un dialogue existe donc. Il faudra que l’on dispose, pour les universités, d’un prototype de cahier des charges. Que l’État soit en attente vis-à-vis d’une autorité administrative indépendante n’empêche pas cette dernière de se saisir d’autres sujets.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Le cahier des charges pour les universités sera-t-il rapidement mis au point ?

M. Bernard Saint-Girons : Il est en cours de finalisation. Nous avons pu l’élaborer en le mettant en perspective avec ce qui ressortait de la pratique de cette année.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Pourrions-nous en avoir l’ébauche ?

M. Bernard Saint-Girons : Volontiers.

M. Gilles Bloch : Le Rapporteur a évoqué la séparation de la décision et de l’évaluation. Le système de recherche français est assez spécifique ; dans le périmètre de la recherche universitaire, les acteurs sont multiples : CNRS, INSERM, etc. Il est aujourd’hui précieux d’avoir, sur l’ensemble des universités, un regard consolidé d’une instance d’évaluation, dont chaque acteur puisse se saisir pour prendre ses décisions. Coupler la décision et l’évaluation dans une agence particulière biaiserait la capacité d’évaluation de cette instance.

M. Bernard Saint-Girons : Pour l’anecdote, les directions et le bureau des contrats de la DGES ont été réunis pour entendre les lignes essentielles des rapports de l’AERES au début de la vague B. Lorsque nous avons engagé les discussions au mois de novembre dernier, le président de l’AERES et ses collaborateurs les plus proches ont évoqué les grands sites sur lesquels la vague allait être élaborée.

En amont, pour la vague B, il nous reste à faire le bilan. Cela nous permettra d’avoir effectivement ce cahier des charges dont nous vous ferons parvenir la copie dans l’après-midi ou dès demain.

M. Benoist Apparu, Président : Revenons au financement des universités. Concernant la part à l’activité pour la formation, prévoyez-vous des critères liés à la politique de l’établissement ? Pensez-vous prendre en compte, par exemple, les PRES ou d’éventuelles fusions d’universités ? Comment ? Pour la recherche, quel est votre point de vue, entre la part à l’activité et la part à la performance ?

M. Bernard Saint-Girons : Commençons par la recherche. En ce domaine, l’évaluation est familière, fréquente et ancienne. La distinction entre l’activité et la performance est encore plus ténue qu’ailleurs.

La part à l’activité doit être évaluée à partir du nombre des enseignants chercheurs publiants. Pour les scientifiques, l’aspect « publiant » est relativement simple à apprécier : revues à comité de lecture, publications internationales, dépôt de brevets. Pour les lettres, c’est plus compliqué. Faut-il prendre en compte les manuels ? Les communications à des colloques ? Lesquels ? Nous avons besoin de nous concerter et d’affiner notre analyse. À ce stade, sans dire qu’il est artificiel de parler d’activité, nous sommes déjà aux confins de l’activité et de la performance. En résumé, notre idée est de faire en sorte que les moyens dévolus répondent aux besoins du « chercheur actif environné ».

La part à la performance doit correspondre aux cotations d’équipes effectuées par l’AERES : A+, A, B, C ou D. Nous entendons également prendre en compte la valorisation.

Nous sommes dans une hypothèse où la part à la performance ne représente évidemment pas 100 %, dans la mesure où la part salariale est difficile à « rétrécir ». Un pourcentage de 20 % constitue pour nous une première base de travail.

Nous sommes en train de travailler au volet des politiques d’établissement. Nous nous intéressons, notamment, à la façon dont les universités valorisent leur patrimoine : temps d’ouverture, temps d’occupation, prêt pour des colloques, etc. Nous nous intéressons également aux bibliothèques. Les politiques locales doivent aussi être prises en compte : politiques de sites, capacité à porter des écoles doctorales communes.

De tels éléments mériteraient d’être valorisés. Dans quelle proportion ? Nous n’en sommes pas là.

M. Benoist Apparu. Comment prenez-vous en compte le cas particulier de Strasbourg ?

M. Bernard Saint-Girons : Nous suivons ce cas avec une vigilance toute particulière. Nous souhaitons non seulement que l’université de Strasbourg issue du rapprochement des trois universités actuelles voie le jour au 1er janvier 2009, ce qui est pratiquement acquis, mais qu’elle exerce des compétences nouvelles, ce qui suppose un accompagnement fort.

Le défi est pour nous, et pour l’université de Strasbourg, d’être ensemble dans cette démarche. Cela signifie que les critères d’allocation des moyens que nous avons évoqués pour la nouvelle université prennent en compte la diversité des composantes et la diversité des publics accueillis, afin que la globalisation trouve tout son sens. Dans un contexte tel que celui-ci, en effet, la globalisation est seule capable de permettre une gestion intelligente. Ce sont les priorités de l’établissement qui permettront localement de définir les objectifs et la manière dont les responsabilités devront être réparties entre les niveaux 1, 2 et 3 et, par voie de conséquence, de définir les moyens.

Nous ne pensons pas que les grandes universités devraient avoir un traitement particulier.

M. Benoist Apparu, Président : Autrement dit, dans votre esprit, 1+1+1 n’est pas égal à 3,5 mais à 2,8 ou à 3 ?

M. Bernard Saint-Girons : Plutôt à 3. La question des moyens ne doit pas polluer cette transformation du paysage strasbourgeois.

M. Benoist Apparu, Président : Polluer, non. Mais on peut se demander si on doit encourager cette transformation pour qu’ensuite, dans d’autres universités, un processus similaire se déroule de la même façon. Si on n’encourage pas Strasbourg pour montrer symboliquement aux autres universités l’intérêt qu’il y a à se rapprocher, on risque de faire traîner les choses.

M. Bernard Saint-Girons : Nous avons soutenu très fortement les PRES.

M. Benoist Apparu, Président : Ce n’est pas tout à fait la même chose.

M. Bernard Saint-Girons : Si ce n’est que certains PRES préfigurent des fusions. Les universités d’Aix-Marseille et de Nancy fournissent l’exemple de deux rapprochements. Et nous verrons ce qu’il en sera pour Montpellier.

M. Laurent Hénart, Rapporteur : M. Saint-Girons a évoqué tout à l’heure la spécificité des universités des villes nouvelles. Celles-ci sont parmi les rares universités qui connaissent encore une forte évolution de leur population étudiante. Or le système basé sur le nombre d’étudiants amenait à considérer la situation existante et la situation passée. Comment le système nouveau pourra-t-il anticiper les situations de croissance que l’on peut raisonnablement prévoir ?

Ma seconde question est relative à l’immobilier. Je comprends bien l’aspect vertueux du système qui nous a été décrit, qui concerne aussi bien l’État que les collectivités territoriales. Mais les investissements sont en cours, certaines universités se disent sous-équipées en moyens immobiliers, alors que d’autres sont plutôt bien équipées, voire sur-équipées. Est-ce que le système mis en place prévoit une surveillance du ministère pour éviter une certaine négligence dans les travaux de maintenance et dans le fonctionnement courant de ces bâtiments ?

M. Bernard Saint-Girons : S’agissant des universités nouvelles, la perspective du passage aux compétences élargies devrait nous permettre de jouer et sur la masse salariale et sur les plafonds d’emplois pour opérer, à partir de postes vacants, des redéploiements. La possibilité de déplacer des supports d’emplois en modulant dans l’université de départ la part de la masse salariale récupérée ou laissée en fonction du niveau d’encadrement observé, constitue un élément de stratégie sur lequel nous entendons poursuivre la réflexion. C’est d’ailleurs une piste à laquelle le rapport des Inspections générales des finances et de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche invite à réfléchir.

S’agissant du volet immobilier – pour rester dans le droit commun, je ne parlerai pas des universités qui seront propriétaires de leur patrimoine – le premier impératif est de normaliser la situation de l’amortissement, très inégalement et très aléatoirement pratiqué. Nous tenons à attirer l’attention sur ce point. Par ailleurs, un certain nombre d’opérations, comme celles prévues dans les CPER (contrats de projets État-régions), dans le « Plan campus », permettront de disposer de patrimoines « normalisés » et donc d’enclencher la pratique vertueuse que vous évoquez.

M. Benoist Apparu, Président : Merci, messieurs les directeurs. M. Alain Claeys vous a suggéré de nous faire parvenir certains documents sur l’évaluation afin que nous puissions améliorer nos travaux. Il me reste une dernière question à vous poser, relative à la période de transition, car celle-ci m’inquiète beaucoup.

Nous n’avons absolument pas évoqué cette période de quatre ans qui s’ouvre devant nous, avec des universités autonomes et des universités n’ayant pas encore opté pour les nouvelles compétences prévues par la loi LRU. Comment les critères pourront-ils évoluer, en fonction de l’une et de l’autre situation ? On a parlé des nouveaux critères à étudier. Il faudra ensuite apprécier le différentiel entre ce que les universités peuvent recevoir avec les nouveaux critères et ce qu’elles reçoivent aujourd’hui. Comment corriger les inégalités et surtout les trous qui risquent d’apparaître dans le budget de certaines universités ?

M. Bernard Saint-Girons : Le modèle qui sera stabilisé, lorsque la ministre aura procédé à ses arbitrages et reçu vos observations, a vocation à être utilisé dès 2009. Il nous faudra sans doute étudier la bonne manière de faire jouer les critères et la montée en puissance du système en prévoyant un rythme différent. Mais pour l’instant, notre idée est que le système s’appliquera à toutes les universités.

M. Benoist Apparu, Président : Vous ne distinguez pas les universités « en LRU » et les universités « hors LRU » ?

M. Bernard Saint-Girons : C’est notre idée mais il s’agit d’une hypothèse qui n’est pas arbitrée et qui devra l’être dans les temps qui viennent. On peut effectivement considérer que les universités LRU entrent dans le nouveau dispositif. Après tout, celles qui se sont réformées y ont vocation. Par ailleurs, il serait paradoxal de déplorer les inconvénients de l’ancien système, et de le maintenir. Il ne s’agirait pas seulement de faire cohabiter deux systèmes, mais de laisser subsister un système que nous considérons comme obsolète.

La fin de votre propos était éminemment politique. Il est clair qu’un modèle de répartition qui aboutirait d’emblée à des réductions massives de moyens pour certaines universités a toutes les chances de nous mettre en grande difficulté. Pour les universités qui, avec le modèle nouveau, seraient sur-dotées, il faudra que nous prenions en considération l’ensemble des perspectives que j’ai évoquées tout à l’heure. En tout cas, il ne peut pas y avoir de perdants dans ce système, qui n’est pas sur-doté. Par conséquent, l’idée qu’il y ait d’emblée des reprises de moyens serait contradictoire avec l’esprit même du plan lancé par le Président de la République.

M. Benoist Apparu, Président : Je vous remercie.

Auditions du 11 juin 2008

a) 9 heures 30 :

Table ronde de représentants de syndicats de l’enseignement supérieur et de la recherche : M. Jean Fabbri, secrétaire général du syndicat national de l’enseignement supérieur (SNESUP), M. Stéphane Tassel, membre du bureau national du SNESUP, et M. Michel Piecuch, secrétaire fédéral du SGEN-CFDT

Présidence de M. David Habib, Président

M. David Habib, Président : Je souhaite la bienvenue à MM. Jean Fabbri, Stéphane Tassel et Michel Piecuch, représentants de syndicats de l’enseignement supérieur et de la recherche, ainsi qu’à M. Yann Pétel, conseiller maître à la Cour des comptes.

Cette mission d’évaluation et de contrôle – MEC – est destinée à proposer, dans un esprit non partisan, un système équitable et efficace d’allocation des moyens des universités. Il s’agit notamment de rénover le système analytique de répartition des moyens – San Remo.

Après avoir entendu les représentants de la conférence des présidents d’université et de plusieurs syndicats étudiants, les membres des corps d’inspection auteurs de rapports sur la mise en œuvre de la loi relative aux libertés et responsabilités des universités – LRU –, le président de l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur – AERES – ainsi que les directeurs d’administration centrale concernés, nous recevrons la semaine prochaine Mme Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Que pensez-vous, messieurs, de l’actuel système de financement des universités ? Est-il transparent et équitable ? Faut-il en modifier les critères ?

M. Jean Fabbri, secrétaire général du SNESUP : Nous vous avons remis un document qui devrait vous permettre de mieux prendre en compte nos analyses et nos propositions. Cela dit, nous estimons que le budget de l’enseignement supérieur et de la recherche est notoirement insuffisant et que les mesures dites « de rattrapage » compensent à peine les désengagements avérés de ces dernières années. Par ailleurs, les critères appliqués aujourd'hui ne sont plus seulement ceux du dispositif San Remo, du fait d’une multiplication de plans ayant complètement perturbé la dotation des universités comme des établissements et des organismes de recherche. On doit donc déplorer l’opacité de l’attribution des moyens, de la vérification de l’attribution de ces moyens qui ne sont ni justes, ni équitables et globalement insuffisants.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Pensez-vous que l’évaluation par l’État soit insuffisante ?

M. Jean Fabbri : Des instances comme le Parlement, et en tout cas comme le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche – CNESER –, se trouvent actuellement dans l’incapacité de mesurer la réalité et l’équité des dotations de l’État aux établissements d’enseignement supérieur.

En tant que mathématicien, il me semble paradoxal qu’à un moment où l’on multiplie les modèles aux milliards de paramètres possibles, on nous demande de réduire à un tout petit nombre d’indicateurs les outils à partir desquels les moyens seront répartis. Cela revient à ignorer la richesse de l’administration et des organisations syndicales qui sont à même de fournir des indicateurs fiables et de les intégrer dans des modèles différents et pertinents permettant une affectation juste des moyens en fonction des objectifs assignés à l’enseignement supérieur et à la recherche.

M. Alain Cleys, Rapporteur : Avez-vous des critiques à formuler à l’encontre de la dotation globale de fonctionnement – DGF – et du contrat, éléments de répartition des moyens ?

M. Jean Fabbri : L’ensemble est illisible. La DGF est affectée sur des critères qui ne sont pas transparents.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Par exemple ?

M. Jean Fabbri : La norme San Remo, établie voilà une vingtaine d’années et modifiée à deux ou trois reprises, ne prend pas suffisamment en compte les différences entre les formations. Des moyens sont alloués de manière indifférenciée, alors que les formations peuvent avoir des besoins différents. C’est ainsi qu’en histoire, certaines formations académiques ne demandent pas les mêmes moyens que d’autres, comme celles qui relèvent de l’archéologie.

M. Michel Piecuch, secrétaire fédéral du SGEN-CFDT : Je rejoins M. Fabbri à propos de l’insuffisance des moyens. En 2005, l’université d’Harvard disposait d’un budget de 2,8 milliards d’euros pour 20 000 étudiants. La même année, l’université française avait un budget de 9,3 milliards d’euros pour 1 450 000 étudiants. Comment voulez-vous, dans ces conditions, que l’université française puisse prendre sa place dans la compétition internationale ?

Il existe de nombreuses inégalités entre classes préparatoires et premier cycle des universités ou encore entre grandes écoles et universités, qui sont inhérentes à notre système d’enseignement supérieur. Le SGEN se prononce pour un système totalement différent. Nous sommes pour l’autonomie des universités et pour des contrats d’objectifs passés entre l’université et l’État : tandis que la première s’engage, par exemple, à obtenir un certain taux de réussite en premier cycle ou encore à obtenir tel ou tel résultat en matière de recherche, le second s’oblige à lui fournir les moyens nécessaires, ce qui nécessite une évaluation a posteriori.

M. Alain Cleys, Rapporteur : Le système actuel repose sur deux principales ressources : la DGF et le contrat. Quelles critiques apportez-vous à un tel mécanisme de financement ? Engendre-t-il des inégalités entre les universités ?

M. Michel Piecuch : Des inégalités et des effets pervers, telle l’inflation des diplômes proposés, qui ne nous semble pas constituer un progrès pour l’université française.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Pensez-vous qu’aujourd’hui l’État joue son rôle d’évaluateur ?

M. Michel Piecuch : Pas vraiment, malgré le système de l’AERES, qui ne repose sur aucun des principes auquel doit répondre tout système d’évaluation : être contradictoire, transparent et susceptible d’appel. Or il n’y a ni contradiction ni instance de recours, et outre que l’on ne sait pas vraiment comment sont nommés les experts, on cherche encore ses premiers rapports qui devraient figurer sur son site.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Sur quels éléments fondez-vous vos critiques à l’encontre du système San Remo ? Sa complexité ou ses critères ?

M. Michel Piecuch : Essentiellement sur sa complexité. Nous préférerions un système beaucoup plus simple, fondé sur des contrats d’objectifs entre l’université et l’État.

M. Jean Fabbri : Sur le fond, l’utilisation de critères du type San Remo pour apprécier les formations et les situations des établissements peut être une bonne chose. Nous disposons aujourd’hui d’outils mathématiques et de logiciels permettant de tester les modèles. Il est regrettable que le ministère qui dispose de tels outils ne fasse pas travailler le CNESER, les organisations syndicales et les parlementaires pour comparer l’efficacité de tel ou tel modèle, alors que nous pourrions ensemble construire quelque chose de tout à fait adapté.

Cela ne réglerait pas tous les problèmes, notamment le reproche fait au système San Remo de ne pas donner assez de moyens aux établissements. Situation ensuite invoquée afin d’être corrigée par le contrat quadriennal et par divers plans tels que le plan « Réussir en licence » qui prévoit de développer l’orientation, l’opération Campus ou encore le plan IUT. Mais tous ces dispositifs aboutissent à un saupoudrage de moyens sans aucune lisibilité, selon des critères tout à fait discrétionnaires. C’est ce mécanisme-là qu’il faut casser.

Il faut d’abord des financements beaucoup plus conséquents, mieux répartis grâce à une base de données et à un modèle intégrant le plus grand nombre de paramètres, et susceptibles, pour corriger les inégalités, de donner lieu à des débats instruits par le Parlement, puis arbitrés par des instances comme le CNESER, qui ne joue pas du tout son rôle en la matière.

M. Michel Piecuch : Nous avons un désaccord de fond. Le SGEN s’est résolument prononcé pour l’autonomie des universités. Or, d’une certaine façon, la démarche normative par budget est contradictoire avec l’autonomie des universités. La difficulté est réelle et nous n’avons pas encore de proposition à faire, si ce n’est de dire que les universités doivent prendre en charge des contrats d’objectifs et les traduire elles-mêmes en demandes budgétaires, négociées ensuite avec une autorité responsable.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Supposons que la masse financière globale consacrée aux universités soit au niveau souhaité par les uns et les autres. S’agissant de la formation, quels critères faudrait-il retenir pour calculer la dotation par université ? Faut-il traiter différemment les diverses formations ainsi que les licences et les masters ? Doit-on inclure dans cette masse les IUT et les grandes écoles ?

M. Jean Fabbri : Il faut d’abord évacuer l’idée, à mon avis anti-scientifique, de réduire le critère d’affectation des moyens aux établissements à une dizaine ou à une vingtaine de paramètres.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Vous êtes donc favorable à une multiplication des critères ?

M. Jean Fabbri : Nous sommes pour une multiplication de critères pondérés. Le ministère, les mathématiciens, les informaticiens sont tout à fait capables de construire des modèles, en intégrant quelques centaines de données relatives aux établissements. Les besoins ne sont pas les mêmes selon que les formations requièrent ou non de nombreux déplacements, comme l’archéologie, ou des locaux supplémentaires pour les travaux pratiques. De même, il convient d’intégrer des paramètres liés à certains objectifs, comme celui d’atteindre les 50 % d’une classe d’âge diplômée de l’enseignement supérieur.

De tels paramètres permettent de vérifier si les établissements sont à même d’atteindre un tel objectif et de corriger les inégalités sociales, ou encore d’apprécier si, dans un établissement, l’éventail des catégories socioprofessionnelles – CSP – se maintient ou s’accroît entre l’entrée en première année de licence et la sortie de troisième année, c'est-à-dire si l’on assiste ou non à une évaporation des CSP les plus fragiles entre l’entrée en université et la fin d’un DUT ou d’une licence. Tous ces paramètres sont en rapport avec les missions qui doivent être assignées à l’enseignement supérieur et à la recherche.

M. Michel Piecuch : Les critères ne résolvent pas tout. Le ministère, pour le plan « Réussir en licence », a récemment mis en avant le critère des bacheliers en retard. Un tel critère social a une certaine valeur, notamment expérimentale, mais il est insuffisant pour traiter ce délicat problème.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Mme la ministre a évoqué à plusieurs reprises le nombre d’étudiants inscrits aux examens. Cela vous paraît-il judicieux ou inacceptable ?

M. Jean Fabbri : Inacceptable. L’objectif est de faire en sorte que les étudiants qui s’inscrivent à l’université y restent, c’est-à-dire qu’il n’y ait pas d’évaporation et qu’ils soient soutenus pédagogiquement et financièrement.

M. Michel Piecuch : Nous ne rejetons pas forcément un tel critère. Il nous paraît raisonnable. Si l’université veut garder ses étudiants, elle doit faire des efforts, notamment en interne, pour qu’ils se présentent aux examens.

M. Jean Fabbri : À partir de ce seul critère, comparons Paris VIII ou Paris XIII, en Seine-Saint-Denis, dont les publics sont pour partie socialement et sociologiquement défavorisés – certains devant vivre de petits boulots pour poursuivre leurs études – avec une université scientifique sélective, comme celle de Paris VI, en plein cœur de la capitale. Si le pourcentage d’étudiants inscrits n'est pas le même que celui des présents aux examens, va-t-on encourager le mécanisme élitiste de Paris VI ou va-t-on faire en sorte d’accroître partout le nombre des étudiants diplômés, en aidant ceux qui en ont le plus besoin ?

M. Michel Piecuch : C’est la raison pour laquelle nous souhaiterions des contrats d’objectifs entre l’université et l’État. Il serait même possible d’imaginer, même si le SGEN n’est pas forcément favorable à ce type de cursus, que des universités proposent des cursus très élitistes en économie ou en MBA. En tout état de cause la réalisation du contrat d’objectif passé avec l’État doit être évaluée a posteriori.

Encore une fois, notre position en faveur de l’autonomie des universités fait que nous ne sommes pas favorables à la création d’un système national unique d’attribution des moyens.

M. Jean Fabbri : Les outils logiciels sont beaucoup plus performants qu’il y a vingt ans. On peut travailler de façon très différenciée.

M. Laurent Hénart, Rapporteur : Lors des précédentes auditions, l’évaluation de la variation du nombre des étudiants dans les différents cursus a plutôt été évoquée. Un tel critère conduirait ainsi à allouer les moyens en prenant en compte le nombre des étudiants passant les examens plutôt que celui des étudiants inscrits. Trouvez-vous cette solution intéressante ?

Le système contractuel actuel représente à peine 5 % des moyens alloués par l’État aux universités. Que mettriez-vous, monsieur Piecuch, dans les contrats que vous évoquez ? Et selon quelles modalités ?

M. Michel Piecuch : Dans notre conception fondée sur l’autonomie des universités, nous serions favorables à tout mettre dans le contrat. L’université se débrouillerait avec son budget global et elle rendrait compte ensuite, à partir d’une évaluation effectuée a posteriori.

M. Laurent Hénart, Rapporteur : Encore faut-il que pour l’évaluation, dans laquelle interviendra sûrement l’AERES, existe un outil transparent, partagé et contradictoire.

M. Michel Piecuch : Notre organisation défend cette position depuis longtemps.

M. Jean Fabbri : Nous ne pensons pas que des indicateurs instantanés soient pertinents. Il faut disposer d’une évolution moyenne pour pouvoir corriger les inégalités et aller vers davantage de pluridisciplinarité et d’efficacité sociale.

Les indicateurs utilisés à l’heure actuelle par le ministère au cours de la phase de contractualisation – ce qui est le cas des universités évaluées au titre de la vague B – sont pour la plupart des indicateurs instantanés, qui n’ont aucun sens. Nous avons besoin de moyennes et de mesures des tendances, ce que l’on sait faire.

On ne pourra jamais se limiter à un très petit nombre d’indicateurs si l’on veut atteindre l’objectif d’élévation du niveau des formations et de 50 % d’une classe d’âge diplômée de l’enseignement supérieur.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Qu’en est-il pour les IUT ?

M. Michel Piecuch : Notre position est très simple. Nous sommes pour l’autonomie et le budget global. Il est bien évident que la question des IUT relève de la responsabilité des universités de financer en interne ces filières dont l’autonomie d’action est garantie par l’article 33 de la loi du 26 janvier 1984.

M. Alain Claeys, Rapporteur : S’agissant de la formation, quelle doit être la part à l’activité et quelle doit être la part à la performance ?

M. Michel Piecuch : Nous ne sommes que moyennement favorables au financement à la performance, dans la mesure où celui-ci intervient forcément a posteriori, après évaluation. Ce ne peut qu’être une prime pour le contrat suivant.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Le contrat d’objectifs que vous envisagez est presque exclusivement financé par l’activité ?

M. Michel Piecuch : Oui.

M. Jean Fabbri : Je voudrais revenir sur les dotations spécifiques des IUT, des écoles et des écoles internes comme les IUFM.

Au moment de l’intégration de ces derniers, la question des frais de transport de leurs élèves s’est posée car une telle prise en charge constituait une part très importante de leur budget. La mutualisation au sein des universités risque de faire complètement disparaître ce financement, dans un contexte de moyens globalement insuffisants. Il en est de même de l’accompagnement de certaines formations, qui restent spécifiques : DUT, licences pro, formations dans les écoles. Là aussi, des évaluations transparentes sont nécessaires.

Nous sommes hostiles à la composition de la commission des titres d’ingénieurs – la CTI – étant donné la façon dont elle fonctionne en matière d’évaluation et d’habilitation des formations d’ingénieurs. Le président de l’AERES a émis l’hypothèse d’intégrer la CTI dans l’Agence, mais celle-ci travaille également dans l’obscurité. C'est d’ailleurs la raison pour laquelle nous estimons qu’une plus grande transparence est nécessaire dans les deux instances.

Nous sommes également hostiles à un financement à la performance, surtout lorsque l’on n’indique pas quels sont les critères retenus.

M. Benoist Apparu : Nous sommes là pour les définir. Vous semblerait-il intéressant de prendre en compte le fait qu’une université est passée d’un taux de diplômés de 40 à 50 % d’une classe d’âge ?

M. Jean Fabbri : C’est un indicateur de performance possible. Un tel indicateur permet la réalisation d’un objectif fixé par l’État aux universités et encourage la correction d’une situation insatisfaisante.

M. Benoist Apparu : Le fait de prendre en compte la capacité d’une université à amener ses élèves de l’année n à l’année n+4 vous paraît-il pertinent ?

M. Jean Fabbri : Oui, dans la mesure où il s’agit d’un élément qui corrige des insuffisances ou des inégalités.

Il faut apprécier les indicateurs à la fois dans leur relativité et dans leur caractère absolu. Orsay et Paris VI ont de très nombreux étudiants inscrits dans les filières master, avec des taux de réussite excellents ; pour elles, passer de 80 à 83 % n’est pas significatif. Cela ne représente pas la même performance que passer, pour l’université de Limoges, de 33 à 38 %. Les moyens attribués ne doivent pas être les mêmes. Voilà pourquoi, dans tous les cas, il faut mener un véritable débat. On ne peut pas se cacher derrière les chiffres pour trancher les politiques budgétaires.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Quelle est votre vision de l’AERES ?

M. Michel Piecuch : Pour l’instant, son fonctionnement est peu transparent. On ne sait pas comment sont nommés les experts. En principe, nous devrions pouvoir lire, début juillet, ses premiers rapports sur son site s’agissant de la vague B. On attend un peu pour pouvoir porter un jugement définitif.

M. Jean Fabbri : Les rapports sont déjà en ligne.

M. Michel Piecuch : L’autre problème tient au caractère non contradictoire de ses évaluations et à l’absence de possibilité de recours.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Quelles discussions avez-vous aujourd’hui avec le ministère ?

M. Michel Piecuch : Aucune.

M. Jean Fabbri : Le ministère nous ignore complètement. Il pourrait pourtant discuter avec les organisations syndicales ou le CNESER de ses propositions de correction du dispositif San Remo ou d’autres systèmes.

S’agissant de l’AERES, il est très inquiétant que l’on ait cassé des outils appréciés par les universitaires, pour les remplacer par des instances dans lesquelles il y a peu de pluralisme et de transparence, où tous les experts sont nommés et où l’aspect contradictoire n’existe pas. D’ailleurs, la communauté universitaire a de plus en plus de mal à saisir les enjeux et les critères d’arbitrage du Gouvernement. Les derniers plans en ont apporté une preuve supplémentaire. C’est le règne de l’arbitraire.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Qu’en est-il de la recherche ?

M. Michel Piecuch : Le critère actuel d’enseignant chercheur publiant me semble extrêmement réducteur. J’ai été jusqu’à une période récente dirigeant d’un grand laboratoire de physique, où certains chercheurs publiaient peu. Mais ils avaient un rôle important, que ce soit en termes de travail administratif, ou d’organisation de séminaires et de conférences.

Là encore, le problème de l’évaluation de la recherche doit se faire a posteriori et sur des critères qui ne sont pas forcément numériques. Je ne suis pas un ennemi de la bibliométrie, mais encore faut-il ne pas uniquement utiliser cet élément de quantification. Le critère actuel est d’ailleurs d’un niveau encore plus bas que le critère bibliométrique, puisque l’on utilise seulement le nombre de publications par chercheur comme critère d’évaluation de la recherche. Un tel critère me semble relativement mauvais.

M. Jean Fabbri : Totalement mauvais ! J’ai participé pendant huit ans à la section mathématiques du Conseil des universités, qui mène un vrai travail d’appréciation du travail individuel des enseignants-chercheurs prenant en compte la nature des travaux, le nombre des publications et les brevets. On y procède à une évaluation, par les pairs, de la profondeur des articles publiés, de leur rayonnement, de la possibilité de nouer des coopérations disciplinaires ou interdisciplinaires.

Il est paradoxal de vouloir, d’une part, réduire les indicateurs en matière d’appréciation de la recherche aux seuls critères bibliométriques, et d’autre part, apprécier globalement le fonctionnement des établissements et leur performance. Une appréciation qualitative est partout nécessaire, arbitrée par des débats. Rendre leur rôle à des instances de débat qui sont instruites par des indicateurs chiffrés serait une mission pour les parlementaires.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Après le vote de la loi LRU, le ministère a-t-il animé des groupes de travail sur le financement des universités ?

M. Jean Fabbri : Le ministère ignore superbement les organisations syndicales, et en tout cas la nôtre, qui est largement la plus importante.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Avez-vous été conviés à des groupes de travail mis en place sur le financement des universités ?

M. Jean Fabbri : Non. Ni les organisations syndicales comme la nôtre, ni d’autres instances comme le CNESER. Nous sommes tous les trois, ici présents, membres du CNESER et nous n’avons jamais été associés, même à des projets de modification de San Remo ou d’équilibrage entre la DGF et les contrats. Tout se passe de manière totalement opaque.

M. Michel Piecuch : Il existe des critères collectifs simples pour juger de la recherche, et qui ne sont pas utilisés : par exemple, le nombre de congrès internationaux organisés par le laboratoire, qui participe ainsi au rayonnement de la ville et de l’université.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Quel devrait être le rôle de l’État dans un système où les universités sont autonomes ?

M. Jean Fabbri : Financer de manière conséquente les objectifs fixés en matière de recherche et de formation, faire en sorte que la communauté universitaire, qui est très active et très attentive, soit vraiment associée à la définition des objectifs et à leur contrôle, et organiser un vrai débat sur les enjeux de recherche et de formation devant les citoyens. Les universités ne doivent pas être des tours d’ivoire.

Un autre objectif, qui me semble important, a été à peine évoqué : l’unification nécessaire, même dans le cadre d’un paysage diversifié, des formations post-baccalauréat, qui concernent 2,3 millions d’étudiants. Il faut des passerelles et de la transparence. Le système est opaque pour les jeunes bacheliers. Or il faut favoriser les reprises d’études, la formation continue, les validations des acquis et d’expériences, ce que ne font pas suffisamment les établissements d’enseignement supérieur publics.

M. Michel Piecuch : Dans le cadre d’objectifs votés par le Parlement pour les universités françaises, le rôle de l’État et du ministère est de mettre en place des contrats avec les universités autonomes, pour atteindre ces objectifs. Dans un tel système, c’est le contrat avec l’État qui doit et qui peut servir à réaliser les objectifs de l’État. L’État est arbitre, il évalue a posteriori le fonctionnement des universités par rapport aux objectifs qu’il leur a fixés.

M. Laurent Hénart, Rapporteur : Vous dites que le contrat doit avoir pour finalité d’atteindre les objectifs de l’université autonome. Entendez-vous par là, notamment, les missions que le législateur a précisées à l’occasion de la loi d’août 2007 ?

M. Michel Piecuch : Absolument.

M. Laurent Hénart, Rapporteur : À côté de la mission d’enseignement et de la mission de recherche, d’autres missions existent telles que l’insertion professionnelle.

M. Jean Fabbri : Cela ne nous a pas échappé.

M. Laurent Hénart, Rapporteur : Incluriez-vous cette mission dans les lignes directrices du contrat ?

M. Michel Piechuh : Absolument.

M. Laurent Hénart, Rapporteur : C'est d’ailleurs ce qui a été décidé.

M. Jean Fabbri : L’appréciation de cette mission n’est pas simple et la loi SRU bride plus qu’elle ne libère. Certes, même si nous n’avons pas été beaucoup entendus. Nous avons d’ailleurs appelé nos collègues, qui nous ont suivis dans les scrutins, à exprimer leurs réserves et leurs critiques sur maints aspects de la loi, laquelle peut être améliorée. Le processus législatif est en effet un processus continu.

L’objectif d’insertion nous semble intéressant. Mais là encore, il est source de nombreuses inégalités. Prenez les formations d’audit en finances, qui n’offrent que peu de débouchés, qui ne sont préparées que dans quelques filières, et qui assurent des salaires d’embauche élevés. Faut-il survaloriser ces formations de spécialistes en finances ou en management par rapport à d’autres formations pour lesquels les processus d’insertion sont d’une autre nature ? Des critères trop simplistes risquent de privilégier toujours les mêmes et l’on peut craindre des effets pervers. En effet, les étudiants qui suivent ce type d’études pourront, parce qu’ils peuvent espérer avoir des salaires élevés, financer leurs études par des prêts et être plus assidus. Les étudiants qui suivent d’autres formations – professeurs des écoles, archéologues ou kinésithérapeutes – qui sont tout aussi utiles, mais qui ne débouchent pas sur les mêmes salaires, ne pourront pas bénéficier de prêts aussi facilement.

On peut donc être attentif à ce souci d’insertion, mais il faut prévoir des correctifs. Les indicateurs chiffrés risquent d’être très réducteurs.

M. David Habib, Président : Messieurs, souhaitez-vous apporter quelque complément ?

M. Jean Fabbri : Le SNESUP souhaite défendre, à la fois devant les parlementaires et devant les services de l’État, notamment ceux du ministère de l’enseignement supérieur, ses propositions. Jusqu’à présent en effet il n’a pu discuter des hypothèses de travail formulées par les services du ministère. Telle n’est pas notre conception d’un dialogue social moderne. Les parlementaires peuvent, pour leur part, être plus actifs.

M. David Habib, Président : Nous le serons mercredi en interrogeant Mme Pécresse et en lui faisant part de vos remarques.

b) 10 heures 30 :

MM. Guillaume Gaubert, sous-directeur, et Denis Charissoux, chef du bureau recherche et enseignement supérieur, à la direction du budget du ministère du Budget, des comptes publics et de la fonction publique

Présidence de M. David Habib, Président

M. David Habib, Président : Je souhaite la bienvenue, dans le cadre de cette quatrième séance consacrée à l’allocation des moyens des universités, à M. Guillaume Gaubert, sous-directeur à la direction du budget. Je salue également M. Yann Petel, conseiller-maître à la Cour des comptes, ainsi que M. Benoist Apparu, député de la Marne, particulièrement investi dans cette réflexion.

Pour leur rapport, MM. Laurent Hénart et Alain Claeys s’inscrivent dans la perspective de l’évaluation de la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités afin de permettre, en particulier, de mieux apprécier le montant et la répartition des dotations accordées aux universités, sujets sur lesquels de nombreux intervenants précédents ont insisté sur le respect des nécessaires principes de transparence et d’équité.

M. Laurent Hénart, Rapporteur : S’agissant tout d’abord de l’évaluation, comment un système apparemment aussi rationnel que celui de San Remo – système analytique de répartition des moyens – a-t-il pu générer autant d’inégalités ? Pourquoi, en outre, n’est-il pas plus transparent ? Est-ce que la direction du budget a des chiffres qu’elle pourrait diffuser ?

Quant à la réforme elle-même, le passage à un système globalisé implique une remise à plat de l’ensemble des financements. Quels critères doivent-ils, selon vous, être retenus, sachant que les différents intervenants ont insisté sur les critères d’activité et de performance, lesquels seraient peut-être spécifiques selon les universités, tant pour l’enseignement que pour la recherche. Les critères doivent-ils être de surcroît distingués en fonction des cycles d’études – licence, master, doctorat, ou système LMD – ou des disciplines ? Dans ce dernier cas, comment les définir ? Enfin, quels seraient de bons critères d’activité en matière d’enseignement et de recherche ?

Par ailleurs, comment et dans quels délais envisagez-vous la transition entre l’ancien et le nouveau système ? Dans quel cadre ce dernier doit-il être mis en place ? Peut-on envisager un contrat global entre l’État et chaque université ? Si oui, quelle en serait l’architecture générale ?

M. Guillaume Gaubert : Le système actuel de répartition des dotations de l’État entre les universités est assez inégalitaire comme en atteste le document que je me permets de vous remettre. Ces dotations intègrent par ailleurs la masse salariale et le fonctionnement, mais non l’immobilier, où les inégalités sont encore plus criantes.

M. Benoist Apparu : Les dotations consolidées prennent bien en compte la masse salariale, la dotation globale de fonctionnement – DGF – et le contrat ?

M. Guillaume Gaubert : En effet. Le modèle de répartition du dispositif San Remo aurait dû favoriser une convergence des dotations moyennes par étudiant assez homogène dans chaque grande filière, mais on observe de grandes disparités selon les universités.

Par ailleurs, depuis 2006 et le passage au système LMD, nous ne disposons plus d’un modèle de répartition objectif. L’opacité en a été accrue puisque les universités ne peuvent plus procéder à des comparaisons. La direction du budget, quant à elle, ne dispose pas d’autres chiffres que ceux qui sont publics ; c’est en outre au gestionnaire des programmes de procéder à la répartition des crédits.

Ces défauts se sont aggravés au cours des dernières années, comme en témoigne la dispersion moyenne entre universités des dotations en enseignants-chercheurs et personnels IATOS. Selon le rapport des inspections, cette situation s’explique, d’une part, par le non redéploiement de postes entre les universités les mieux dotées et celles qui le sont le moins et, d’autre part, par le fait que les créations de postes – en particulier des enseignants-chercheurs – n’ont pas toujours été « fléchées » vers les universités les moins bien dotées.

Le système San Remo, de surcroît, ne respectait qu’imparfaitement l’autorisation parlementaire en usant d’un modèle théorique de dotation supérieur aux dotations réelles. Le modèle faisait apparaître un sous-financement fictif, cela a suscité de nombreuses insatisfactions puisque le nombre d’universités sous-dotées était supérieur à celui des universités sur-dotées.

Enfin, ce système était vulnérable aux modifications de paramètres, comme ce fut le cas en 2002.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Le système San Remo était-il intrinsèquement inégalitaire ?

M. Guillaume Gaubert : Il était adapté à la structure budgétaire de l’époque – fondée sur la primauté de la répartition des emplois et sur 43 classes de formation - mais les sommes réparties n’étaient pas conformes à celles prévues par le budget.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Ce qui créait des inégalités.

M. Guillaume Gaubert : En tout cas, des insatisfactions. Il a été manifestement très difficile de se conformer à l’idéal initial.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Le directeur général de l’enseignement supérieur, M. Saint-Girons, a évoqué la semaine dernière cette incapacité du système à redéployer les moyens. Or, l’inégalité structurelle s’explique par la persistance d’une structure d’emplois elle-même inégalitaire. Selon M. Saint-Girons, les nouveaux financements accordés à l’enseignement supérieur permettront un redéploiement des postes sans qu’une seule université ne soit pénalisée. Qu’en pensez-vous ?

M. Guillaume Gaubert : Avec votre permission, je répondrai à votre question dans la troisième et dernière partie de ma présentation.

Les objectifs de la réforme sont, en premier lieu, un financement équitable permettant de traiter par exemple des étudiants en lettres de la même façon quelle que soit leur université grâce à un système critérisé favorisant également un retour à la transparence. En effet, il ne sera pas possible de demander à des universités autonomes de « mettre sous tension » leur gestion et leur offre de formation si des inégalités financières persistent et s’il ne leur est pas possible d’établir des comparaisons avec d’autres universités en raison d’une trop grande opacité. Il importe également de gérer les écarts entre la situation actuelle et les résultats du modèle.

Il s’agit, en second lieu, d’inciter à la performance en prenant en compte trois dimensions : d’une part, l’efficacité socio-économique, par exemple la réussite au diplôme ; d’autre part, la qualité, en particulier le délai et le niveau d’insertion professionnelle ; enfin, l’efficience, c'est-à-dire par exemple le coût des fonctions support et soutien par étudiant.

Le volume de l’enveloppe dédiée à la performance doit être par ailleurs suffisamment important pour être incitatif et pour changer les comportements sans toutefois déstabiliser la situation financière des universités. Son évaluation nécessitera sans doute des ajustements en fonction des situations particulières. La performance doit-elle être en outre récompensée en fonction de son niveau ou de son amélioration ? Sans doute la seconde solution est-elle préférable, mais comment procéder en l’absence d’indicateurs ? En l’état, il me semble plus judicieux que l’enveloppe à la performance soit un peu réduite tout en intégrant des indicateurs qui privilégieraient la récompense en fonction du niveau de la performance.

M. Benoist Apparu : L’évolution du dispositif sera nécessaire, sur le plan financier, à la mise en place, par les universités, des bureaux d’aide à l’insertion – BAI – prévus par la loi.

M. Guillaume Gaubert : En troisième et dernier lieu, le financement doit être compatible avec une gestion autonome des universités en laissant le plus de marge de manœuvre possible à l’équipe présidentielle dans l’allocation interne de ses moyens et en distinguant formation et recherche. Cela n’était pas le cas dans le cadre du système San Remo puisque, outre que la répartition des postes d’enseignants-chercheurs était fonction de critères liés à la formation et non à la recherche, le système de répartition des emplois de recherche ne concernait quant à lui que l’enveloppe contractualisée.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Ces critères doivent-ils varier en fonction des disciplines ?

M. Guillaume Gaubert : Tout dépend de la nomenclature finale des disciplines, mais je ne crois pas, en effet, qu’il soit possible de financer de la même manière un étudiant en sciences expérimentales ou en lettres, les coûts variant de un à cinq. A-t-on par ailleurs besoin de 43 classes de formation ? Non. Une dizaine, voire cinq ou moins encore suffiraient.

M. Benoist Apparu : M. Saint-Girons a évoqué deux classes seulement.

M. Guillaume Gaubert : Il est difficile de répondre précisément à cette question sans disposer d’une enquête sur les coûts – laquelle avait été réalisée, en revanche, préalablement à la réforme similaire qu’a connue le secteur hospitalier.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Cette enquête est-elle en préparation ?

M. Guillaume Gaubert : Je ne le pense pas.

M. Alain Claeys, Rapporteur : C’est ennuyeux. Sans doute faudra-t-il interroger le ministère.

M. Guillaume Gaubert : Telles qu’elles sont critérisées par le dispositif San Remo, les dotations ne sont guère différentes entre licence et master ou entre des filières assez proches comme lettres-sciences humaines et droit-économie-gestion. Il est tout à fait envisageable de concevoir deux grandes familles de « tarifs » : lettres et sciences.

La tarification à l’activité – T2A – a été quant à elle mise en place à l’hôpital en 2004 alors que la situation était très proche de celle que connaît l’université, puisque la dotation globale hospitalière ne tenait pas compte de la situation singulière des établissements.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Je ne suis pas hostile à la T2A, mais les modalités de sa mise en œuvre sont contestables, notamment s’agissant des missions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation – MIGAC. Il ne faudrait pas, en effet, que la T2A s’applique à l’université sans qu’aient été préalablement fixées des missions d’intérêt général.

M. Guillaume Gaubert : La mise en place de la T2A a été précédée par un travail méthodologique très important, ce qui n’est pas le cas, en l’état, pour l’université. Des redéploiements de dotations de l’assurance maladie vers divers hôpitaux ont en outre été acceptés, de même le fait qu’il y ait des gagnants et des perdants. Par ailleurs, si des dotations ont bien été redistribuées, les coûts n’ayant pas été totalement alignés sur celles-ci, des établissements sont aujourd’hui en déficit – c’est pourquoi la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 a mis en place la convergence tarifaire.

Les hôpitaux disposent toutefois d’une enveloppe de missions d’intérêt général, mais l’équivalent pourrait être mis en place dans le cadre du volet « recherche » des universités où une fraction de la dotation pourrait ne pas varier en fonction du nombre de chercheurs « actifs » ou publiants.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Il s’agit là de précisions essentielles. Si je suis favorable à la mise en place de nouveaux financements et de nouvelles règles, la détermination de missions d’intérêt général me semble constituer une condition sine qua non.

M. Guillaume Gaubert : La T2A, enfin, a permis des effets d’optimisation. Les hôpitaux ayant compris que leurs ressources dépendaient de leur capacité à recenser correctement leur activité, cette dernière a crû d’environ 10 % grâce à la réforme, alors qu’elle était stable depuis une quinzaine d’années. Lorsque le système de contrôle de l’assurance maladie a été mis en place, cette activité s’est à nouveau stabilisée.

Cette hausse de 10 % s’explique donc à la fois par une fraction d’optimisation et de meilleure classification, mais aussi par des pratiques répréhensibles. Si les ressources des universités viennent à dépendre de leur nombre d’étudiants, il faudra mettre en place un mécanisme de contrôle.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Une réforme est-elle possible sans une étude des coûts ?

M. Guillaume Gaubert : Même si aucune enquête sur les coûts n’a été réalisée, la répartition des dotations traduit la façon dont ils se répartissent. En l’occurrence, les activités de formation et de recherche sont financées dans leur presque totalité par la dotation de l’État.

M. Alain Claeys, Rapporteur : La réserve dont vous avez fait preuve tout à l’heure était donc d’ordre méthodologique.

M. Guillaume Gaubert : Une enquête sur les coûts s’imposait sans doute plus pour l’hôpital où les ressources sont un peu plus diversifiées.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Vous l’avez toutefois évoquée pour l’université.

M. Guillaume Gaubert : Une enquête de ce type permettrait en effet de s’engager dans cette réforme avec une meilleure confiance technique, mais son absence ne constituerait pas un obstacle dirimant.

M. Alain Claeys, Rapporteur : La Cour des comptes a eu l’occasion de constater combien les résultats et le financement de la recherche universitaire manquent de transparence.

En outre, les présidents d’université sont très peu incités à développer leurs ressources propres.

Enfin, nous savons fort bien que le critère du nombre d’étudiants inscrits n’est pas fiable. A cela s’ajoute que la formation tout au long de la vie se développe et que les universités considèrent le plus souvent qu’elle relève des missions d’intérêt général.

M. Guillaume Gaubert : Les financements des laboratoires universitaires dépendent également des organismes de recherche. Outre que les conclusions de la commission d’Aubert devront intégrer cet impératif de transparence, j’espère que les principes de mandats de gestion et d’unité de caisse nous permettront d’accroître la transparence des coûts en la matière.

Faudra-t-il par ailleurs compter parmi les critères figurant dans l’enveloppe dédiée à la performance la capacité à lever des ressources propres ? Assurément, mais des mécanismes d’incitation existent déjà à travers les instituts Carnot dépendant de l’Agence nationale de la recherche – ANR. Peut-être ces dispositifs devront-ils être plus incitatifs ou mieux fléchés en direction des universités. Le préciput ANR tend également à développer les ressources-projets, mais sans doute devrait-il être lui aussi fléché différemment.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Le débat en la matière avec le ministère du Budget est fondamental.

M. Guillaume Gaubert : Nous souhaitons en effet que l’ANR opère un financement au coût complet.

S’agissant, enfin, de la formation continue, il me semble que le système San Remo finançait les stagiaires.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Le groupement d’intérêt public – GIP – « Formation continue » était bien financé initialement dans le cadre du dispositif San Remo, mais lorsque cela n’a plus été le cas, le recensement du nombre d’étudiants dans les universités a connu quelques effets pervers. Comment en tenir compte, d’autant que, s’agissant des ressources propres, le volet « formation » de la réforme pourra être substantiel ?

M. Guillaume Gaubert : La question est de savoir si la formation continue sera tarifée ou non au coût complet et quel sera le pourcentage de financement direct de l’État, sachant que, déjà, la majeure partie des publics suivant une formation continue à l’université bénéficie de l’aide publique. Quoi qu’il en soit, les universités ne sont pas encore correctement positionnées sur le marché de la formation continue des entreprises. Dans tous les cas, il s’agit donc d’un recyclage des ressources publiques.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Je suis moins optimiste que vous.

M. Guillaume Gaubert : L’enchaînement des réformes que vous vous apprêtez à mettre en œuvre est très complexe, avec la combinaison de quatre formes de financement.

Le volet « formations universitaires » reçoit une dotation par étudiant modulée suivant un nombre limité de filières. Par rapport aux normes qui seraient issues de ce modèle, les universités nouvelles seraient plutôt mieux financées et les plus anciennes sur-dotées.

Le volet « performance » représenterait quant à lui 5 % à 10 % de la masse financière avec des indicateurs de réussite aux examens et d’insertion professionnelle, mais il est à ce jour difficile d’évaluer le type de redéploiement qui serait engagé entre les universités.

Quant au volet « recherche », la dotation serait organisée par chercheur « actif », c’est-à-dire publiant, avec une éventuelle pondération sur la base d’un critère de qualité de la recherche. Les effets de redistribution seraient en l’occurrence exactement opposés à ceux provoqués par le modèle d’allocation pour les formations universitaires. L’université Paris VI, par exemple, serait perdante en matière de formations universitaires, mais gagnante en matière de performance, de recherche et de financement projet.

Le volet « financement projet », enfin, pourrait quant à lui à terme représenter jusqu’à un tiers de la masse financière de la recherche.

Une approche de la répartition des financements par le seul volet « formations » ne donne qu’une vision partielle de ce que peut produire l’ensemble du modèle, mais les inégalités, après l’application de ces quatre phases, seront à mon sens assez largement réduites.

L’inspection générale de l’éducation nationale et de la recherche – IGAENR – et l’inspection générale des finances – IGF – ont procédé à des estimations s’agissant des possibles conséquences financières de la réforme en distinguant trois hypothèses : l’hypothèse haute, qui consiste à aligner les universités les moins dotées sur la moyenne sans toucher aux universités les mieux dotées, ce qui coûterait de 700 millions à un milliard d’euros ; l’hypothèse basse, qui a pour résultat d’aligner les universités les mieux dotées sur la moyenne, ce qui dégagerait mécaniquement 700 millions à un milliard d’euros ; enfin, l’hypothèse moyenne, considérée comme la plus probable, qui a pour objet d’effectuer des redéploiements de façon graduelle entre les universités les mieux dotées et celles qui le sont le moins.

Les inspecteurs prennent des précautions méthodologiques car ils ne disposent que d’un chiffrage partiel. Le coût du nouveau système est donc à ce jour inconnu. Quoi qu’il en soit, le principal paramètre financier de la réforme réside dans l’acceptation ou non du principe des redéploiements entre les universités.

M. Laurent Hénart, Rapporteur : Le Président de la République et la ministre de l’enseignement supérieur se sont engagés à augmenter significativement le budget en faveur des universités d’ici la fin de la législature. La direction du budget a-t-elle d’ores et déjà envisagé l’utilisation éventuelle de ces fonds ? Avez-vous paramétré cette évolution ?

M. Guillaume Gaubert : C’est précisément l’objet des présentes discussions budgétaires au niveau interministériel. Des arbitrages par enveloppe seront sans doute rendus à la fin du mois – en autorisation d’engagements et en crédits de paiement –, notamment en ce qui concerne l’ensemble de la mission Recherche et enseignement supérieur. Le Parlement en discutera quant à lui dès le débat d’orientation budgétaire. Cela ne clôt en rien la discussion sur la hiérarchie des priorités en matière financière au cours des trois ans à venir. Lorsque le montant de l’enveloppe aura été déterminé, la ministre de l’enseignement supérieur arbitrera entre ces différentes priorités programmatiques.

Finalement, nous sommes face à deux options : soit une mesure spécifique « allocation de moyens » avec alignement des universités les moins bien dotées sans redéploiement – le coût de la réforme est alors maximal ; soit aucune mesure spécifique avec la mise en œuvre de redéploiements limités, sans baisse nominale d’aucun budget, et les universités les mieux dotées voient leur budget progresser moins rapidement que les autres – en ce cas, le coût de la réforme peut être financièrement neutre.

M. le Président : Je vous remercie à la fois pour votre intervention, qui contribue grandement à éclaircir nos travaux, et pour le document que vous nous avez remis, qui sera utile aux Rapporteurs.

Vous pourrez, avant la publication du rapport, relire le compte rendu de votre audition et y apporter quelques corrections. Vous pourrez également l’enrichir des informations ou des pistes qui vous paraîtront utiles.

c) 11 heures 30 :

M. Christian Margaria, président de la Conférence des grandes écoles, et MM. Alain Storck et Pierre Aliphat, membres du bureau.

Présidence de M. David Habib, Président

M. David Habib, Président : Je souhaite la bienvenue à M. Christian Margaria, président de la Conférence des grandes écoles, ainsi qu’à MM. Alain Storck et Pierre Aliphat, membres du bureau.

M. Alain Claeys, Rapporteur : La Conférence des grandes écoles – CGE – regroupe des établissements publics et privés. Leurs modes de financement ne sont donc pas homogènes. À cet égard, la CGE partage-t-elle le constat inquiétant selon lequel le système actuel de répartition des moyens serait fondé sur des financements inégalitaires et sur une absence de transparence ? Plus généralement, la Conférence aborde-t-elle sa réflexion, en matière de financement de l’enseignement supérieur, de manière globale ou défend-elle une spécificité ?

M. Christian Margaria : Si les modes d’allocation des moyens de l’État sont différents selon les établissements, il convient pour autant d’aborder le problème du financement de l’enseignement supérieur dans son ensemble. En effet, l’intensité critique, c'est-à-dire les moyens d’un établissement divisé par le nombre de diplômés de niveau master, enregistre une différence de 5 à 10 entre les plus riches établissements français et leurs grands concurrents internationaux.

Les grandes écoles réunies au sein de la CGE forment chaque année 27 000 ingénieurs de niveau master contre 18 000 dans les universités, pour les mêmes champs disciplinaires, soit près des deux tiers des diplômés. Pour autant, le problème du calcul de la dotation ne se pose pas seulement par rapport au nombre d’étudiants, de diplômés ou encore de présents aux examens, mais également au regard de certaines spécificités exigées des établissements d’enseignement supérieur, telle une plus grande diversité sociale. Or la formation des étudiants concernés demande, aussi bien pour l’université que pour les grandes écoles, des moyens pédagogiques importants.

Quant à la réforme du système de répartition des moyens, la norme San Remo – système analytique de répartition des moyens – elle donne une prime bien trop importante au quantitatif par rapport au qualitatif. Et outre que le raisonnement est fondé sur le nombre d’étudiants et non sur celui des diplômés, les moyens nécessaires à l’entretien du patrimoine sont très différents selon l’ancienneté des bâtiments.

M. Alain Storck : Le coût du diplômé au sein du dispositif universitaire par rapport à celui de l’ingénieur diplômé n’a jamais été analysé finement par mêmes catégories. Cependant, selon nos estimations, le coût des deux formations, dans le domaine des sciences et des technologies, serait proche.

L’INSA de Lyon, que je dirige, et qui est à la fois l’un des trente-huit établissements d’enseignement supérieur régis par le système San Remo et la plus grande école d’ingénieurs française avec 1 400 diplômes délivrés, reçoit une dotation de 45 millions d’euros pour 4 200 étudiants, soit 1 300 euros par étudiant – sachant que le coût de formation réel d’un ingénieur est de l’ordre de 10 000 à 11 000 euros en moyenne. Pour ne prendre que l’un de ses grands concurrents du classement de Shanghai, l'École polytechnique fédérale de Zurich – Eidgenössische Technische Hochschule Zürich –, d’où sortent 2 000 diplômés par an, celle-ci dispose d’un budget huit fois supérieur avec une gouvernance – un conseil d’administration de douze membres – aux capacités de réactivité et d’adaptabilité très fortes. Sachant que, au sein des contrats quadriennaux, la plupart des crédits que nous recevons sont fléchés, ce n'est donc qu’à la marge que nous pouvons dégager une capacité de manœuvre, par exemple en matière d’ouverture sociale.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Les chiffres que vous avez cités prennent en compte la masse salariale ?

M. Alain Storck : Absolument.

S’agissant de l’ouverture sociale, il ne suffit pas de mettre en place, comme nous l’avons fait, des filières accessibles aux titulaires du baccalauréat technologique, série sciences et technologies industrielles – STI. Encore faut-il accompagner les étudiants jusqu’à la sortie de nos filières spécifiques de vingt-quatre élèves chacune, qui coûtent très cher.

Lorsque l’on parle d’augmenter les moyens de l’université au sens large, c'est-à-dire de tous les établissements d’enseignement supérieur, il ne faudrait donc pas que des décisions soient prises qui conduisent à une diminution de certains moyens.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Qu’en est-il justement du dispositif de financement ?

M. Alain Storck : Pour une école d’ingénieurs, la formation pratique coûte cher en termes de personnels et d’acquisition, de maintenance et de sécurité des matériels, de même qu’en termes de logique de projets et d’ouverture sociale, sans oublier le caractère multidimensionnel de cette formation professionnalisante.

À cet égard, le modèle San Remo n'est pas totalement satisfaisant, s’agissant notamment du nombre de classes de formation – sans qu’il faille pour autant passer de 43 à 3.

Dans le domaine de la recherche, le nombre de personnels IATOS est affecté en fonction du nombre de « thésards ». Or, si l’on compte 70 000 doctorats en cours, seulement 10 000 sont acquis chaque année, ce qui ne signifie pas que la durée moyenne d’une thèse soit de sept ans, mais que nombre d’étudiants abandonnent en cours d’étude. Sur ce nombre de doctorats en cours, 11 000 thèses sont en préparation dans les grandes écoles, pour 2 500 acquises chaque année, soit 25 % des doctorats de recherche délivrés au total pour 10 % des moyens du système San Remo – les statistiques sont d’ailleurs éloquentes quant à l’employabilité de nos doctorants en termes de durée moyenne de recherche d’emploi, de salaire d’embauche et de statut, CDD ou CDI.

Toute évolution du modèle devra donc reconnaître certaines spécificités de formation sans que des décisions brutales soient prises qui risqueraient de casser des mécanismes qui fonctionnent bien. On estime ainsi qu’il faudrait former de manière durable 10 000 ingénieurs de plus que les 27 000 actuels.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Il ne s’agit pas pour nous de casser quoi que ce soit, mais de comprendre afin d’avancer des propositions.

La Conférence conduit-elle des négociations avec le ministère sur les dotations, et la « commission Philip » aborde-t-elle ce sujet ?

M. Christian Margaria : La moitié des établissements publics qui relèvent de la Conférence dépendent d’autres ministères que celui de l’éducation nationale. Il n’existe donc pas pour nos établissements tant privés que publics de position transversale liant tous les ministères.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Combien de ces établissements relèvent du budget de l’enseignement supérieur ?

M. Alain Storck : Le système San Remo s’applique à 39 écoles d’ingénieurs, alors qu’un total de 117 écoles ou établissements formant des ingénieurs sont placés sous la tutelle du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, ou sous contrat avec lui.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Ces établissements doivent-ils, selon vous, relever d’un régime général ou d’un dispositif spécifique ?

M. Christian Margaria : Le régime général convient très bien, à condition que l’affectation des moyens tienne compte, premièrement, du nombre de diplômés et non de celui des étudiants, deuxièmement, de l’employabilité des diplômés et, troisièmement, des différenciations de coût entre les niveaux licence, master et doctorat ainsi qu’entre les grandes thématiques – les coûts de formation ne sont pas les mêmes en sciences humaines et sociales qu’en ingénierie.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Concernant la formation, quels critères, outre l’ouverture sociale, faut-il selon vous retenir pour la part à l’activité ?

M. Christian Margaria : Les critères devraient prendre en compte le nombre de diplômés, corrigé par l’employabilité, le niveau de la formation – en distinguant licence, master et doctorat – et les thématiques.

M. Alain Storck : Concernant les licences et les masters, la moitié des étudiants en écoles d’ingénieurs ont une formation intégrée – sans qu’il soit donc besoin d’identifier un premier cycle –, organisée sur cinq ans, avec un nombre d’heures par élève, ou ratio H/E, égal à 40 heures. C'est là une spécificité qu’il faut reconnaître.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Pensez-vous opportun d’appliquer la loi sur l’autonomie des universités aux 39 établissements relevant de San Remo et à ceux placés sous la tutelle du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche ?

M. Alain Storck : Il n’appartient pas à la Conférence d’imposer à ses membres d’opter pour l’article 50 de la loi relative aux libertés et responsabilités des universités.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Qu’envisagez-vous vous-même pour l’INSA de Lyon ?

M. Alain Storck : Je demanderai à mon conseil d’administration d’opter pour cet article, mais il n'est pas certain que je serai suivi.

M. Alain Claeys, Rapporteur : La question du financement de l’enseignement supérieur est-elle inscrite à l’ordre du jour de la « commission Philip » ?

M. Christian Margaria : La commission s’est réunie pour la première fois hier après-midi en séance plénière, et la question n’a pour l’instant été qu’évoquée.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Concernant la recherche, quels critères doit-on prendre en compte pour la part à l’activité et pour la part variable ?

M. Alain Storck : Sans qu’il soit question de les opposer les unes aux autres, les thèses menées dans les grandes écoles le sont souvent dans le cadre de conventions CIFRE - convention industrielle de formation par la recherche – ou de partenariat avec des entreprises. En outre, je rappelle la meilleure employabilité de nos doctorants. Prendre en compte ce critère d’employabilité est essentiel.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Existe-t-il, selon la Conférence, des inégalités financières importantes entre les établissements en question ?

M. Christian Margaria : Il existe des différences selon les établissements, mais, s’agissant de la recherche, trois indicateurs doivent être pris en compte dans l’évaluation et donc dans les moyens alloués aux établissements : le nombre de doctorats soutenus, le niveau de recherche partenariale et les publications dans les revues de rang A.

M. Alain Storck : La recherche en ingénierie présente certaines spécificités que l’on ne peut réduire à la recherche partenariale. Elle s’inscrit en effet non plus dans un schéma linéaire quelque peu dépassé, allant de la recherche fondamentale à la recherche appliquée, mais dans un schéma beaucoup plus circulaire où les problématiques socio-économiques sont prises en compte à tous les niveaux.

Pour évaluer l’activité d’une recherche partenariale en ingénierie, un prochain rapport proposera, au-delà simplement des publications dans des revues de rang A, de prendre en compte les brevets ou encore la création d’entreprises.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Quel regard portez-vous sur l’évaluation que fait l’État des dotations attribuées aux grandes écoles ?

M. Christian Margaria : Tout dépend du type d’établissement considéré. Pour celui que je dirige, qui dépend du ministère de l’Économie, de l’industrie et de l’emploi, l’évaluation se fait annuellement en fonction des objectifs fixés lors de l’élaboration du budget précédent. Non seulement nous rendons des comptes, mais nous sommes également appelés à reverser des éléments budgétaires si les objectifs n’ont pas été atteints.

M. Alain Storck : Pour ce qui est de mon établissement, il est encore soumis à un régime transitoire après la mise en place de la LOLF.

M. Laurent Hénart, Rapporteur : Quelles évolutions souhaiteriez-vous des missions de la nouvelle Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur – l’AERES – et du dispositif d’évaluation ?

M. Christian Margaria : L’Agence devrait être plus ouverte – comme la commission des titres d'ingénieurs et, dans une moindre mesure, la commission d'évaluation des formations et diplômes de gestion – aux acteurs socio-économiques. En effet, pour évaluer la qualité d’un diplôme, il est indispensable d’intégrer dans le processus les « clients » de la formation.

Pour autant, il ne faudrait pas tomber dans une évaluation des établissements à longueur d’année, alors qu’ils sont déjà soumis quotidiennement à nombre d’enquêtes et de questionnaires.

M. Pierre Aliphat : En ma qualité de président de l'Union des grandes écoles indépendantes – UGEI – je tiens à souligner combien le dispositif San Remo conduit à des déviances. Les universités ont en effet tout intérêt à accumuler les inscriptions afin de bénéficier d’un meilleur calcul de l’allocation. Pour prendre l’exemple des 10 000 à 12 000 étudiants de l'Union des établissements d'enseignement supérieur catholiques – UDESCA –, autre fédération représentative de l'enseignement supérieur privé, ceux d’entre eux qui préparent des diplômes nationaux sont obligés de s’inscrire dans l’université voisine. C'est ainsi que celle-ci non seulement perçoit des frais d’inscription individuelle de 30 à 300 euros, mais les comptabilise également en tant qu’étudiants.

M. Christian Margaria : Cette double comptabilisation des étudiants vaudrait également, si l’on n’y prenait garde, pour ma proposition de prendre en compte dans l’évaluation le nombre de diplômés des grandes écoles, car ceux-ci sont aussi diplômés de l’université.

M. David Habib, Président : Je remercie tous les intervenants.

Audition du 18 juin 2008

14 heures :

Mme Valérie Pécresse, ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche

Présidence de M. David Habib, Président

La mission d’évaluation et de contrôle (MEC) de la commission des Finances, de l’économie générale et du Plan, a procédé à l’audition de Mme Valérie Pécresse, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.

M. David Habib, Président : Je vous remercie pour votre présence, Madame la ministre, en cette dernière réunion de la mission d’évaluation et de contrôle (MEC) consacrée aux moyens affectés aux universités. Dans un esprit non partisan, notre travail aura pour objet de formuler des recommandations en vue d’instaurer une répartition juste et efficace des crédits pour l’enseignement supérieur.

Je salue MM. les rapporteurs Alain Claeys et Laurent Hénart ainsi que MM. Benoist Apparu et Régis Juanico, tous deux membres de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales, qui ont largement contribué à enrichir nos travaux. Je salue également la Cour des comptes, en la personne de Mme Anne Froment-Meurice, présidente de section.

Mme Valérie Pécresse, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche : Je remercie d’autant plus M. le Président et MM. les Rapporteurs de me recevoir aujourd’hui que la date de notre rendez-vous a été très difficile à établir.

La réforme de l’allocation des moyens alloués à l’université constitue un élément central de la mise en œuvre de l’autonomie. Il s’agit à la fois d’un renouvellement complet des relations entre l’État et les universités et d’un préalable : nous voulons en effet restaurer l’équité entre les universités tout en les faisant entrer dans une culture du résultat.

Alors que le système San Remo était devenu obsolète et déresponsabilisant pour les établissements, la nouvelle structure doit tout d’abord garantir l’exercice des missions de service public dévolues aux universités. Une part très importante des crédits doit être par ailleurs déterminée à partir de critères d’activité réelle et non théorique - la question du nombre d’étudiants réellement présents dans les cours étant de ce point de vue fondamentale, de même que celle du nombre de chercheurs « publiants ». Le financement doit en outre assurer la convergence des dotations entre les universités. Ce rééquilibrage devra s’opérer non en déshabillant Pierre pour habiller Paul – d’autant que Pierre est lui-même légèrement vêtu (Sourires) – mais en faisant en sorte que toutes les universités bénéficient de moyens au moins équivalents à ceux qu’elles percevaient précédemment et que les moyens de celles qui seraient considérées comme insuffisamment dotées augmentent substantiellement. Je rappelle à ce propos que le Président de la République s’est engagé à augmenter le budget de l’enseignement supérieur de 50 % en cinq ans.

Le financement doit de surcroît valoriser la performance, alors qu’aujourd’hui 6 % des crédits seulement sont évalués en fonction des résultats dans le cadre des contrats quadriennaux. Cette proportion doit être significativement augmentée – sans doute la MEC pourrait-elle formuler un avis –, peut-être autour de 15 %. Les critères de performance doivent être également renouvelés, je songe en particulier à l’insertion professionnelle, confortée par la loi sur la liberté et la responsabilité des universités (LRU). Le critère de la valeur ajoutée dans l’enseignement est également important car il permet de tenir compte de la fragilité des étudiants accueillis. Enfin, ce financement devra être transparent ; les présidents d’université s’en plaignent tous : les principes de calcul sont opaques, les dotations ne sont pas connues et le mode d’attribution de la part à la performance demeure assez aléatoire.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Je ne peux qu’être d’accord sur les principes exprimés, notamment en ce qui concerne les missions de service public, mais comment de telles inégalités et une telle opacité ont-elles pu être générées ?

Si, en outre, le rôle de l’État « stratège et évaluateur » est décisif, le président de l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (AERES), M. Jean-François Dhainaut, a néanmoins considéré que compte tenu de l’étanchéité voulue par le législateur entre l’évaluation et la décision il n’y a pas eu et il ne pouvait y avoir de concertation spécifique à ce sujet entre la direction générale de l’enseignement supérieur (DGES) et l’AERES. Ce sont en effet deux milieux très différents dont les relations doivent être clarifiées. Faute de solution au problème de l’évaluation, il ne sera pas possible de disposer de critères lisibles dans chaque université et l’on en restera au statu quo.

Mme la ministre : Les inégalités et l’opacité que vous venez de souligner s’expliquent par un modèle fondé sur des dotations théoriques complètement déconnectées des financements réels. En outre, nous avons tous été incapables de revoir à la baisse les dotations des universités dont les effectifs baissaient.

M. Alain Claeys, Rapporteur : En 2006, plusieurs semaines ont été nécessaires pour que la MEC de la commission des Finances obtienne la masse salariale de chaque université.

Mme la ministre : Outre que l’autonomie commence seulement à se mettre en place, il est normal que la DGES se concentre sur les crédits de fonctionnement car son rôle est majeur en la matière, plus qu’il ne l’est en tout cas dans le domaine des effectifs.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Mutatis mutandis, la décentralisation fonctionne bien si l’État joue pleinement son rôle.

Mme la ministre : Vous avez raison. L’autonomie, précisément, tend à parvenir à un juste équilibre entre le cahier des charges, l’évaluation des objectifs et les moyens financiers.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Les relations entre l’AERES…

Mme la ministre : …ne sont pas ce que vous dites. La DGES a indiqué que toutes les évaluations de l’AERES lui ont été communiquées afin d’établir les contrats des universités de la vague B mais la situation ne se clarifiera vraiment que lorsque l’autonomie sera effective et que la réforme du décret financier des universités sera achevée : les universités se mettront ainsi à l’heure de la LOLF ; la recherche et la formation seront bien distinguées ; enfin, le coût complet de chaque diplôme Licence Master Doctorat (LMD) sera inscrit dans le budget de même que celui de chaque laboratoire. Les évaluations de l’AERES seront dès lors beaucoup plus lisibles au regard des moyens financiers dévolus à telle ou telle mission de l’université.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Le passage au coût complet est indispensable pour l’application des nouveaux critères.

Mme la ministre : En effet.

M. Alain Claeys, Rapporteur : J’y insiste : de façon générale, il ressort des auditions que l’articulation entre la DGES et l’AERES est loin d’être parfaite.

Mme la ministre : Il est vrai que la DGES doit changer son mode de fonctionnement puisque, jusqu’ici, la gestion des universités était très administrée. Le changement de logique que nous proposons vise à ce que les critères priment. J’ajoute à ce propos qu’une petite part du financement à la performance peut être conditionnée par l’atteinte des objectifs fixés, notamment lorsque l’université se trouve dans un milieu socio-économique difficile. La DGES, dans ce cadre-là, aura un rôle important à jouer.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Il conviendrait en effet d’élaborer un critère social et d’aménagement du territoire.

Mme la ministre : Un critère de « tenue des engagements ».

D’une part, la DGES doit promouvoir une nouvelle logique d’accompagnement, de pilotage stratégique, de contrôle de la qualité, de la définition et de la présence des formations dans l’ensemble du territoire – ce qui rejoint la remarque de M. Claeys –, d’autre part, les évaluations de l’AERES doivent bénéficier d’une plus grande publicité.

M. Laurent Hénart, Rapporteur : Les auditions ont montré qu’il importait de distinguer l’enseignement supérieur de la recherche. S’agissant de l’activité, comment élaborer le comptage des étudiants dans le cadre de l’inscription aux épreuves – que ce soit en examen final ou en contrôle continu – ou de l’inscription pédagogique ? Combien de familles de disciplines seront-elles déterminées ? Faut-il distinguer les coûts de formation en licence et en master ? Quid du doctorat ? Que deviendront les structures visées par l’article 33 – je pense en particulier aux IUT ? Si, s’agissant cette fois de la recherche, le critère des publications a été avancé par la plupart des personnes auditionnées, il s’est révélé beaucoup plus difficile d’élaborer des critères de performance : qualité des publications, organisation de débats, de colloques et de congrès ? La valorisation de la recherche et du transfert ont en revanche été beaucoup moins évoqués. Enfin, quelles seront les parts respectives à l’activité et à la performance dans le volume total des moyens dévolus à l’enseignement supérieur et à la recherche ?

Mme la ministre : La part respective de l’activité et de la performance devrait être respectivement de 90 % et 10 % dans l’enseignement supérieur et de 80 % et 20 % pour la recherche. Le critère des publications est bien entendu essentiel, de même que la valorisation du transfert, lesquels font déjà partie des critères de l’AERES. Nous procéderons par ailleurs à une évaluation de l’AERES dans le cadre du dispositif d’assurance qualité des autorités d’évaluation européennes.

M. Alain Claeys, Rapporteur : A quel moment ?

Mme la ministre : Pas dans l’immédiat mais sans tarder pour autant si l’on veut que les évaluations puissent être reconnues et aient ainsi des conséquences concrètes.

Je note que, outre la valeur ajoutée de l’enseignement, le nombre d’étudiants en retard constitue également un critère intéressant. Il est vrai, par ailleurs, que considérer le nombre d’étudiants comme critère d’activité soulève certains problèmes : alors que l’on évoque 50 % d’échecs à l’université, nous devons certes poser la question du nombre d’élèves présents aux examens – ne serait-ce que parce que certains n’ont pas assisté aux cours – mais faut-il pour autant les inclure dans la performance du taux de réussite, au risque de fausser les analyses ? Faut-il en outre distinguer les inscriptions administratives et pédagogiques – notamment en raison de la situation des élèves des classes préparatoires aux grandes écoles ? Comment, de surcroît, comptabiliser les étudiants qui ont une activité salariée et qui ne suivent pas de contrôle continu ? Quoi qu’il en soit, l’inscription aux examens me semble devoir être retenue parmi les critères d’activité permettant d’évaluer la performance. Enfin, ne serait-il pas possible d’associer deux critères – nombre d’étudiants ayant effectivement passé l’examen et nombre d’inscrits pédagogiques ; nombre d’étudiants inscrits au contrôle continu et en examen final ? Une concertation est en cours à ce sujet avec la Conférence des présidents d’universités (CPU).

Il me semble également logique de ne distinguer que deux coûts différents : celui des étudiants en sciences et en médecine versus celui de tous les autres, le premier étant 2,2 fois supérieur au second comme l’indique une étude réalisée par la direction de l’évaluation de mon ministère.

MM. Alain Claeys et Laurent Hénart, Rapporteurs : Serait-il possible d’en avoir connaissance ?

Mme la ministre : Assurément.

Part ailleurs, le coût actuel de la formation en licence et en master étant identique, les modalités de calcul et de dotation ne seront pas distinguées. En revanche, les universités considèrent qu’elles ont une mission de service public en premier cycle et demandent à ne pas se voir appliquer un critère de performance à ce stade. Les études de l’AERES montrent néanmoins que les performances des universités sont à peu près équivalentes entre la licence et le master.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Cette notion de mission de service public en premier cycle me semble fondamentale.

Mme la ministre : Le doctorat, quant à lui, s’inscrit dans le cadre de la mission recherche des universités. La formation doctorale – nombre de doctorants, qualité des thèses – doit donc être évaluée avec les laboratoires. Je rappelle à ce propos qu’il existe une charte des directeurs de thèses impliquant le respect d’un certain nombre de critères ; une évaluation, là encore, peut être envisagée.

Le coût des formations visées par l’article 33 avoisine celui des formations scientifiques et médicales. Nous voulons par ailleurs faire des IUT un bras armé permettant de remédier à l’échec des bacheliers technologiques et professionnels en première année. Ces structures devront donc accueillir des publics plus difficiles.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Les évolutions sont-elles sensibles en la matière ?

Mme la ministre : J’ai demandé à M. Éric Besson, secrétaire d’État chargé de la prospective, de réaliser une étude sur les métiers de l’avenir et les formations courtes « professionnalisantes » de manière à élaborer le cahier des charges des IUT et des BTS en tenant compte également des spécificités territoriales. Vous aviez vous-même, M. Claeys, proposé naguère la création d’une place de formation professionnelle courte pour chaque bachelier technologique…

M. Alain Claeys, Rapporteur : Je souhaitais limiter le nombre de places vacantes en BTS et en IUT.

Mme la ministre : Il existe deux types de formations courtes : tertiaire – dont le nombre de places vacantes est très rare – et industrielle – où le recrutement est en revanche plus difficile. Des BTS et des IUT, dans certaines régions, font par ailleurs double emploi.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Dans un même bassin de formation, en effet.

Mme la ministre : Je l’ai dit : le « fléchage » des moyens tel qu’il était pratiqué par la DGES n’aura plus lieu d’être dans le cadre d’une université autonome et disposant d’un budget global, mais cela sera aussi valable pour les IUT et les écoles d’ingénieurs.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Qu’en sera-t-il de l’autonomie budgétaire d’un IUT au sein d’une université ?

Mme la ministre : Son budget sera intégré, chaque entité disposant de son financement en fonction de ses coûts.

M. Benoist Apparu : Qu’en est-il des projets d’établissement, notamment, des fusions d’universités ou des rapprochements des grandes écoles ?

M. Régis Juanico : M. Claeys a évoqué, parmi les critères de San Remo, la prise en compte des missions de service public dans les territoires qui permettaient, par exemple, de maintenir des formations à faibles effectifs. Ce système peut-il perdurer ? En outre, la réforme ne pénalisera-t-elle pas les universités dispersées sur plusieurs sites ? Enfin, sera-t-il possible de réexaminer les premiers projets non retenus après le choix des dix sites du Plan Campus afin qu’ils puissent bénéficier de crédits immobiliers ?

Mme la ministre : Un financement ad hoc doit tout d’abord permettre la réorganisation des structures qui fusionnent ou se rapprochent, des marges de manœuvre étant par ailleurs dégagées dans ce type d’opérations.

La mission de service public concerne quant à elle l’ensemble des territoires mais ne pourrait-on pas, afin de tenir compte du problème que vous soulevez, ajouter une petite quote-part au coût fixe de fonctionnement de l’université à partir d’un certain nombre d’étudiants inscrits ? Ce n’est qu’une piste.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Cette mission de service public est d’autant plus importante que la direction du Budget a comparé la réforme à celle de la T2A à l’hôpital où, je le rappelle, les missions d’intérêt général n’ont pas été préalablement définies.

Mme la ministre : Le transfert de l’immobilier doit être quant à lui opéré après un audit de la mise aux normes des locaux. Les universités qui accepteront la compétence immobilière ne le feront que si elles y trouvent un intérêt. Le Plan Campus représente un effort exceptionnel de cinq milliards de crédits d’État. L’examen des premiers projets témoigne d’un investissement très fort de la part des collectivités territoriales dans les six pôles qui ont été choisis. Un effet de levier financier peut être légitimement attendu, sans parler des crédits d’autres partenaires qui pourraient venir s’y ajouter. Le Plan Campus libère en outre un milliard de crédits budgétaires qui devait servir à la réalisation des contrats de projets État-Régions (CPER). Sans doute serait-il dès lors souhaitable d’accélérer la réalisation des autres CPER ou de les améliorer. Par rapport aux CPER classiques, enfin, le Plan Campus fait une part assez large à la rénovation et à la vie étudiante.

M. le Président : Je vous remercie.

Je rappelle que le rapport sera présenté mercredi prochain à 9 heures 30 devant la commission des Finances.

Enfin, la MEC aurait à mon sens intérêt à généraliser les auditions des membres du Gouvernement. Nous pourrions par exemple interroger M. Borloo sur la gestion des ressources humaines au ministère de l’Écologie, du développement et de l’aménagement durables mais aussi sur la manière dont il compte le réorganiser.

Mme la ministre : Je lui transmettrai le message.

——fpfp——

1 () La composition de cette mission figure au verso de la présente page.

2 () Rapport entre la part mondiale de citations et la part mondiale de publications.

3 () Direction de l’évaluation et de la prospective, ministère de l’Éducation nationale.

4 () Source : Cour des comptes, rapport remis à la commission des Finances de l’Assemblée nationale en 2005, au titre de l’article 58-2° de la LOLF, annexe au rapport n° 3160, 14 juin 2006.

5 () Groupe d’analyse et de recherche sur les activités et les coûts dans l’enseignement supérieur.

6 () Voir l’audition des membres des corps d’inspection par la MEC le 3 juin 2008.

7 () Des charges complémentaires d’enseignement ont été introduites pour les établissements se trouvant au-dessous d’un certain seuil : 35 000 heures en droit, sciences économiques, gestion et AES, 50 000 heures en lettres, langues et sciences humaines et sociales, et 65 000 heures en sciences-pharmacie-STAPS. Les charges complémentaires sont égales au tiers de la différence entre le seuil et les charges réelles, avec un plafonnement à 20 % des charges.


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