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Assemblée nationale

commission Élargie

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

Commission des lois constitutionnelles,
de la législation et de l’administrations générale de la République

(Application de l’article 120 du Règlement)

Mardi 30 octobre 2012

Présidence de M. Marc Goua,

suppléant M. Gilles Carrez, président
de la Commission des finances,

puis de M. Gilles Carrez, président
de la Commission des finances,
de M. Jean-Jacques Urvoas,
président de la Commission des lois,

et de M. Alain Tourret, vice-président de la Commission des lois

La réunion de la commission élargie commence à neuf heures trente.

projet de loi de finances pour 2013

Relations avec les collectivités territoriales

M. Marc Goua, président, suppléant M. Gilles Carrez, président de la Commission des finances. En ma qualité de doyen, je suppléerai temporairement le président de la Commission des finances.

La Conférence des présidents du 31 juillet dernier a reconduit la procédure des commissions élargies, destinée à favoriser les échanges entre les ministres et les députés. Dans ce cadre, seront d’abord entendus les rapporteurs, qui poseront des questions à Mme la ministre déléguée chargée de la décentralisation mission « Relations avec les collectivités territoriales » pendant cinq minutes, puis les porte-parole des groupes pour la même durée. Enfin tous les députés qui le souhaitent pourront interroger la ministre, leur temps de parole étant limité à deux minutes.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. À l’issue de la réunion, la Commission des lois examinera une quinzaine d’amendements et se prononcera sur les crédits rattachés à la mission.

M. Marc Goua, président. Au même moment, la Commission des finances examinera quant à elle une cinquantaine d’amendements et statuera sur l’adoption des crédits.

(M. Gilles Carrez, président de la Commission des finances, remplace M. Marc Goua à la présidence.)

M. Pascal Terrasse, rapporteur spécial de la Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour les avances aux collectivités territoriales. En ce qui concerne la mission « Relations avec les collectivités territoriales », ce premier projet de loi de finances de la nouvelle législature est un budget de transition, qui propose un compromis entre stabilité et solidarité.

Le maintien du gel des dotations de l’État traduit l’effort de redressement auquel doivent se soumettre les collectivités territoriales. Ainsi, la stabilisation de l’enveloppe normée des concours aux collectivités suppose un effort important par rapport à l’évolution tendancielle, mais ce choix difficile est imposé par le caractère préoccupant des finances publiques. Même si les collectivités territoriales doivent participer de manière significative à la réduction globale des déficits publics, la stabilisation des dotations prévues dans le projet de loi de finances préserve les moyens qui leur sont dévolus. La précédente majorité avait imposé, outre le gel des crédits depuis 2011, une diminution de près de 200 millions des transferts aux collectivités en 2012. Par ailleurs, le maintien du FCTVA, le fonds de compensation pour la TVA, en dehors d’une enveloppe normée, permet une augmentation de cette dotation de quelque 120 millions d’euros.

Parce que l’effort demandé aux collectivités doit se faire dans la transparence et la justice, je me félicite que la péréquation, instrument d’une plus grande solidarité entre collectivités, progresse fortement. Ainsi, la péréquation verticale sera renforcée au sein de la dotation globale de fonctionnement, la DGF. De même, la DSU, dotation de solidarité urbaine, augmente de 120 millions, et la DSR, dotation de solidarité rurale, de 78. Au total, la péréquation verticale progresse de plus de 238 millions, soit le double de la hausse prévue en 2012. Les débats qui ont eu lieu au sein des états généraux des territoires ont montré l’attachement des élus à une meilleure répartition, par le biais de la péréquation verticale, des dotations aux collectivités pauvres.

De même, l’efficacité des différents fonds de péréquation horizontaux est améliorée, qu’il s’agisse du FPIC, fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales, du FSRIF, fonds de solidarité des communes de la région Île-de-France, ou des fonds de péréquation de la CVAE, cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, mis en œuvre en 2013 pour les départements et pour les régions. Ces fonds seront renforcés de manière importante en 2013.

La mission « Relations avec les collectivités territoriales » représente 2,62 milliards en autorisations d’engagement et, par voie de conséquence, en crédits de paiement. Elle représente un peu plus de 2,6 % des quelque 100 milliards d’euros de dotation financière de l’État en faveur des collectivités locales et plus de 4 % des 60 milliards des concours qui leur sont directement versés par l’État.

Compte tenu du maintien du gel en valeur des dotations, les crédits demandés reconduisent quasi intégralement ceux de 2012.

Les trois premiers programmes de la mission consacrés respectivement aux concours destinés aux communes et groupements de communes, aux départements et aux régions concentrent environ 2,22 milliards en autorisations d’engagement et en crédits de paiement. Le dernier programme porte sur les crédits destinés aux aides exceptionnelles au profit de collectivités territoriales, ainsi que sur les dépenses de fonctionnement de la direction générale des collectivités locales ; leur montant représente 408 millions en autorisations d’engagement et 430 millions en crédits de paiement.

Quels seront les contours du fonds de secours destiné à soutenir une trentaine de départements en difficulté financière, dont, le 22 octobre, le Premier ministre a annoncé la création en 2013 ? Comment sera-t-il mis en œuvre ? S’il retient les critères actuels, le calcul des affectations de ressources par la CNSA, la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, n’est pas acceptable.

Comment évoluera l’investissement dans les collectivités territoriales, qui, à cause de la crise, ont de plus en plus de mal à trouver des financements ? Comment le Gouvernement le favorisera-t-il, en dehors de la progression du FCTVA inscrite dans le PLF ? Plusieurs associations de grands élus souhaitent la mise en place d’une banque – autre que la Banque publique d’investissement – ou d’une agence d’investissement au profit des collectivités territoriales.

Aux états généraux de la démocratie territoriale qui se sont tenus début octobre au Sénat, le Président de la République a annoncé son intention d’associer les élus locaux à la production des normes, dont ils savent à quel point elles peuvent être coûteuses. Quelle nouvelle méthode s’imposera en la matière ?

Enfin, quels sont les nouvelles échéances, les éléments structurels et le mode de scrutin retenus pour la réforme des collectivités territoriales ?

M. Olivier Dussopt, rapporteur pour avis de la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour les avances aux collectivités territoriales. Chaque acteur est appelé à participer au redressement des finances publiques engagé dès le projet de loi de finances rectificative que nous avons voté cet été. Par le gel de leur dotation, les collectivités locales prennent part au redressement des comptes publics.

Pour la troisième année consécutive, les transferts consentis en leur faveur se stabilisent au niveau de l’année précédente. Le pouvoir d’achat de ces dotations diminuera donc en valeur du taux de l’inflation anticipé par le Gouvernement. À l’exception de certains départements et des territoires les plus fragiles, la situation des collectivités territoriales n’est pas telle que ce gel mette en péril l’exercice de leurs missions. Cependant, dans le cadre d’une projection triennale présentée dans le projet de loi de programmation des finances publiques, le Gouvernement a d’ores et déjà annoncé que l’enveloppe normée serait amenée à baisser en termes absolus de 750 millions d’euros en 2014 comme en 2015. Cette contraction devra être planifiée dans le cadre d’un pacte de confiance et de solidarité, afin de déterminer la manière dont s’effectuera la baisse des dotations. Quelles orientations le Gouvernement souhaite-t-il proposer pour répartir cette baisse ? Quel calendrier est envisagé pour la négociation du pacte de confiance et de solidarité ? Le Parlement sera-t-il associé en amont à cette démarche ?

Deuxièmement, le gel des dotations va s’accompagner d’un choix politique fort. L’ensemble des marges de manœuvre sera sollicité afin d’organiser une progression inédite des dotations de péréquation verticale, qui augmenteront de 238 millions d’euros. La DSU et la DSR progresseront de 9 %, soit le doublement de leur revalorisation en 2012.

L’emploi de plusieurs dotations destinées à favoriser le développement urbain ou le développement rural n’est pas fléché. cela pose problème : le montant de la DSU, qui atteint aujourd’hui 1,3 milliard d’euros, représente près du double des crédits de la politique de la ville, sans qu’aucun bilan global puisse être tiré de son utilisation. Le Gouvernement souhaite-t-il que les dotations de péréquation et les actions relatives à la politique de la ville soient clairement identifiées au sein des budgets locaux ? Accepte-t-il qu’une disposition, qui n’aurait pas nécessairement sa place en loi de finances, oblige les comptes administratifs des communes et des EPCI à comporter un rapport annexe précisant le montant de leurs crédits et identifiant les projets liés au développement urbain ou rural financés par les collectivités sur leurs fonds propres ?

En troisième lieu, les dispositifs de péréquation horizontale mis en place à la suite du bouleversement de la fiscalité locale vont enfin prendre un poids significatif dans le financement des collectivités. En termes de péréquation, ces outils plus puissants que les dotations existantes viennent les compléter, car ils permettent aux territoires plus fragiles de bénéficier d’une partie de la croissance dégagée par les territoires en expansion. Leur montée en charge, véritable révolution dans le paysage des finances locales, doit être poursuivie. Dans ce cadre, le Gouvernement est-il déterminé à maintenir la montée en puissance des fonds de péréquation, alors que de nombreuses voix appellent à ralentir le rythme ? Ne faut-il pas renforcer certains critères pour éviter la tentation du saupoudrage, qui remettrait en cause le caractère redistributif des fonds ? Je pense notamment aux amendements proposant que seuls les ensembles intercommunaux et les communes procédant à un effort fiscal significatif puissent bénéficier des versements du FPIC.

Le PLF ne contient aucune disposition visant à améliorer l’articulation de la solidarité entre les communes franciliennes, mise en place par le FSRIF, et de la solidarité nationale du FPIC, qui avait fait l’objet de contestations lors de l’examen du budget pour 2012. Le Gouvernement a-t-il des projets à cet égard ? Est-il prêt à soutenir des propositions parlementaires ?

Enfin, le projet de loi de finances s’attache à définir un cadre stable et une visibilité pluriannuelle du financement provenant de l’État ou de la solidarité entre collectivités. C’est seulement à ce prix qu’on restaurera la confiance entre l’État et les collectivités territoriales, prêtes à assumer de nouvelles compétences en échange de ressources qui les doteraient d’une réelle autonomie fiscale, dans le cadre d’un futur acte III de la décentralisation. Quelles mesures le Gouvernement pourrait-il proposer aux collectivités pour restaurer un pouvoir de taux significatif, celui des départements et des régions étant passé respectivement de plus de 30 % à 16 % et à 14 % ?

La réforme de la fiscalité locale a montré les limites du financement de prestations à caractère social, évoluant de façon inverse au cycle économique, par des ressources fiscales procycliques. Quelles sont vos pistes de réflexion en la matière ? Quelles ressources fiscales un tant soit peu contracycliques le Gouvernement peut-il concéder aux collectivités afin de leur rendre une réelle autonomie fiscale ?

Malgré ces réserves ou ces questions, j’appelle mes collègues à voter les crédits de la mission.

(M. Alain Tourret, vice-président de la Commission des lois, remplace M. Jean-Jacques Urvoas à la présidence).

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée chargée de la décentralisation. Messieurs les rapporteurs, je vous remercie de la présentation que vous venez de faire des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales.

Le Gouvernement est conscient que la nécessité de redresser notre pays suppose qu’on mette en place un dispositif financier et fiscal marqué par la stabilité, la solidarité et la justice.

Bien que stable en valeur, l’enveloppe reste contrainte. Cependant, des efforts particuliers ont été faits, puisque, comme vous l’avez souligné, la progression de la DSU et de la DSR a doublé.

Le rapporteur spécial m’a interrogée sur le fonds de secours que le Président de la République a évoqué devant les présidents des conseils généraux. Ce fonds exceptionnel permettra de soutenir les départements confrontés à l’augmentation des dépenses liées aux trois allocations de solidarité : allocation personnalisée d’autonomie, revenu de solidarité active et prestation de compensation du handicap. Reste à savoir comment répartir les 170 millions ainsi dégagés. En 2010, un fonds de 130 millions avait été réservé en partie aux trente départements les plus défavorisés, le reste – soit 75 millions – revenant à ceux qui connaissaient des difficultés particulières. Nous devons déterminer ceux qui seront concernés, sachant que le chiffre de trente départements, que vous avez cité, n’a rien d’officiel. En lien avec l’Association des départements de France, nos services cherchent en ce moment des critères objectifs pour établir les fragilités et les difficultés des départements, ainsi que la manière dont ils pourraient réduire leurs dépenses de fonctionnement, le Président de la République ayant subordonné la création du fonds aux efforts des collectivités pour réduire leurs dépenses. Les services proposeront ensuite une répartition du fonds. Nous avons à cœur de déboucher sur ce dossier, car nous savons que la hausse des allocations n’a pas trouvé d’équivalents dans les dotations versées aux départements.

Le rapporteur spécial m’a ensuite interrogée sur le soutien à l’investissement, la difficulté que rencontrent les collectivités pour accéder au crédit ayant été soulignée avant l’été. Les collectivités participent pour plus de 73 % à l’investissement public, mais, faute d’accéder au crédit, elles se voient actuellement contraintes de limiter leurs projets.

Une enquête réalisée en septembre auprès des préfectures a montré que 85 % des collectivités ne pouvaient couvrir que 50 % de leurs besoins, et que vingt-huit collectivités n’avaient pas trouvé le moyen de financer leur trésorerie de court terme. Sur le long terme, 347 collectivités ne couvraient que la moitié de leurs besoins, et 53 collectivités n’avaient obtenu aucun financement.

Pour soulager la situation financière des collectivités territoriales, dès le mois de mai, le Gouvernement a demandé à la Caisse des dépôts et consignation de baisser significativement les taux sur l’enveloppe de 3 milliards ouverte sur les fonds d’épargne. La demande de crédit par les collectivités a alors rapidement dépassé ce montant, pour monter jusqu’à 3,4 milliards. La CDC fera redistribuer, à travers le financement normal, par l’intermédiaire des banques, et dans une limite de 2 milliards, des fonds susceptibles d’être attribués.

La Banque postale, qui intervient en général dans la limite de 200 000 euros, est prête à un effort supplémentaire. Dès la semaine prochaine, elle dégagera entre 1 et 2 milliards de crédits. En 2013, elle pourra intervenir pour des montants de 100 000 euros, voire inférieurs.

Enfin, différentes associations – notamment l’Association des maires de France ou celle des départements de France – ont demandé la création d’une agence de financement des collectivités territoriales. Le Gouvernement s’interroge encore sur sa faisabilité. Sur le plan juridique, il faut s’assurer que l’État n’aura pas à garantir des crédits qu’il ne pourrait pas assumer. En outre, il faut vérifier que le besoin des collectivités territoriales ne peut être couvert par la CDC ou la Banque postale, dans les conditions précédemment rappelées. Reste que le dispositif proposé devrait permettre de couvrir les besoins des collectivités jusqu’à la fin de l’exercice 2013.

S’agissant des emprunts toxiques, je vous renvoie à une réponse que j’ai faite moi-même à l’Assemblée nationale. Toutefois, dans cette réponse, j’avais omis de citer les travaux conduits par M. Claude Bartolone dans le cadre de l’association présidée par le sénateur Vincent, en lien avec le médiateur, M. Gissler, inspecteur général des finances, pour essayer de trouver des solutions chaque fois que l’on a été confronté à ce problème des emprunts toxiques.

À cet égard, je rappellerai deux règles essentielles : premièrement, les banques ont une obligation de conseil et de transparence vis-à-vis des emprunteurs, qui doivent notamment avoir été très clairement informés du taux de TEG ; deuxièmement, les collectivités territoriales sont contraintes de rembourser la partie correspondant au capital emprunté. S’agissant de la partie correspondant aux intérêts, s’il est établi que la banque n’a pas honoré son obligation de conseil et de transparence, les collectivités peuvent engager des contentieux ; certaines l’ont fait et sont dans l’attente de décisions de justice pour savoir ce qu’il en est du remboursement des intérêts.

Nous travaillons avec le Gouvernement pour sortir de cette situation difficile en examinant toutes les possibilités qui s’offrent à nous. Je pense plus particulièrement à la médiation, qu’il conviendrait d’améliorer, ou à un moratoire dont il faudrait examiner les conditions de mise en œuvre. Quoi qu’il en soit, les difficultés auxquelles ont été confrontées nos collectivités locales nous amènent à la plus grande vigilance et à la plus grande prudence.

Monsieur Terrasse, vous avez évoqué le problème des normes. Je vous rappelle que les différentes études menées, en particulier dans le cadre de la Commission consultative d’évaluation des normes (CCEN), ont abouti au constat qu’il existe aujourd’hui 400 000 normes qui entraînent des contraintes, dont le coût est évalué à 2,3 milliards d’euros pas an ?

À la suite de ces études, deux propositions de loi ont été déposées : celle de M. Morel-A-Lhuissier, qui a été débattue il y a un peu plus de quinze jours, et celle du sénateur Doligé.

Nous avons été amenés à refuser la première, en insistant sur le fait qu’une proposition de loi ayant pour objectif de ne s’appliquer qu’aux collectivités du monde rural introduisait une inégalité entre les collectivités et les citoyens et serait déclarée inconstitutionnelle.

Nous n’avons pas pu examiner la seconde proposition de loi dans son entier. Mais, de la même façon, nous y avons relevé plusieurs motifs d’inconstitutionnalité – inégalité d’accès au dispositif et manque de lisibilité.

Lors des États généraux des collectivités et de la démocratie territoriale, le Président de la République s’est engagé à faire en sorte que le problème des normes soit très rapidement examiné. Le président du Sénat a d’ailleurs mandaté la Délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation pour qu’elle prépare un texte tenant compte à la fois des conclusions de la CCEN, et donc des préconisations de M. Lambert, et des options présentées dans les deux propositions de loi.

Le Président de la République s’est montré très ferme. Pour ce qui est du stock de normes, il s’agira de les réduire. En ce qui concerne leur flux, des règles très strictes seront mises en place au moment de l’élaboration des textes, dont nous sommes tous responsables à un moment ou à un autre. L’objectif est que, pour chaque norme créée, deux normes soient supprimées. Chacun de nous doit y veiller.

Monsieur Terrasse, vous avez également soulevé la question du calendrier de la prochaine réforme de la décentralisation.

Il ne pouvait être question d’accélérer le processus sans même engager de dialogue. Depuis le printemps dernier, une large concertation a été entamée à l’initiative du Sénat, au sein des collectivités territoriales et auprès de l’ensemble des élus. Les résultats de cette concertation ont été repris les 4 et 5 octobre derniers, à l’occasion des États généraux de la démocratie territoriale. Il était impossible pour Mme Lebranchu, ministre de la réforme de l’État, et moi-même d’élaborer un texte avant d’avoir recueilli la somme des propositions. Depuis ces États généraux, nous regroupons et nous analysons toutes les propositions, tout en poursuivant la concertation. J’ajoute que, depuis le printemps, le Premier ministre a reçu les représentants de toutes les associations d’élus et que, de son côté , le Président de la République a rencontré les présidents de l’Association des régions de France, de l’Assemblée des départements de France et que, à l’heure qu’il est, il s’entretient avec les représentants de l’Association des maires des grandes villes de France ; il prolongera ces rencontres dans les semaines qui viennent.

Sur la base de ces propositions, de ces rencontres et des engagements pris par le Président de la République, nous élaborons un projet de texte de loi qui sera soumis au dialogue. Nous espérons pouvoir le remettre à la fin de cette année ou au début de l’année prochaine au Conseil d’État, et le soumettre au printemps prochain au Parlement.

Monsieur Dussopt, vous avez évoqué l’avenir de nos dotations et vous vous êtes interrogé sur la probabilité de leur baisse, au cours des années 2014 et 2015.

En 2013, le montant de notre dotation restera stable. Dans le contexte de crise que nous connaissons, il aurait été logique que le Gouvernement réduise dès maintenant cette dotation, pour contribuer au redressement de la France souhaité par le Président de la République. Pour autant, compte tenu justement de l’importance de la crise, le Gouvernement a souhaité stabiliser notre dotation, en valeur, en 2013. En revanche, il a envisagé de la baisser de 750 millions d’euros en 2014 et en 2015.

Le Comité des finances locales, le CFL, a été consulté. Son président, André Laignel, a mis en place un groupe de travail qui sera chargé de réfléchir sur les conditions dans lesquelles ces réductions pourraient être opérées, et si elles doivent l’être – cela dépendra de l’évolution de la situation financière de notre pays.

Vous m’avez interrogée sur le calendrier qui a été proposé pour la négociation du pacte de confiance et de solidarité, sur lequel le Président s’est engagé. Les trois termes de l’expression ont leur importance. Il s’agit d’un pacte, ce qui signifie qu’il y aura un consensus, à l’issue du dialogue mené avec l’ensemble des partenaires. C’est aussi un pacte de confiance, dans la mesure où c’est sur la base de ce dialogue que l’on pourra avancer et traduire la volonté du Gouvernement et du Parlement dans des textes qui auront été débattus collectivement. C’est enfin un pacte de responsabilité : les collectivités continueront de faire des efforts et s’engageront collectivement par rapport à la Nation.

Lorsque le CFL aura travaillé et formulé ses propositions, le Parlement – Assemblée nationale et Sénat – et ses commissions seront consultées pour donner leur avis, de façon que ces avis puissent être pris en compte au moment de l’élaboration du projet de loi de finances pour 2014.

Une autre de vos questions, monsieur Dussopt, portait sur l’identification, au sein des budgets locaux, des dotations de péréquation et des actions relatives à la politique de la ville – et donc sur la DSU et sur les crédits accordés au titre de la politique de la ville.

Le doublement des crédits affectés à la DSU, comme l’a rappelé l’un de vous, a été maintenu. Je précise que tout en étant une dotation de solidarité, la DSU n’est pas une dotation spécifique – même si elle peut concerner des communes cibles ayant des difficultés particulières – venant en concurrence avec la politique de la ville ; elle est distincte. Les actions menées au titre de la politique de la ville sont, elles, ciblées et ne sont financées que sur la base d’un projet ou d’un programme précis. Ce lien n’existe pas avec la DSU : celle-ci est certes une dotation attribuée aux collectivités locales, qui doivent l’utiliser dès lors qu’elles en bénéficient, mais c’est une dotation libre d’emploi et qui n’est pas attachée à une politique particulière. Alors que, à l’origine, la DSU devait être dédiée à des actions ciblées, elle est aujourd’hui utilisée globalement par les collectivités.

En tout état de cause, l’article L. 1111-2 du code général des collectivités territoriales a prévu l’obligation, pour les collectivités, de présenter chaque année à leurs assemblées délibérantes un rapport sur l’usage des fonds perçus au titre de la DSU et de la politique de la ville. Comme nous avons pu le vérifier, chaque collectivité se soumet à de telles obligations et produit ce rapport, dans le cadre des travaux de chacune des assemblées. Toutefois, comme il n’a été procédé ni à un récolement ni à une analyse, nous ne savons pas comment les fonds ainsi perçus ont été utilisés. Au mieux, nous pouvons demander que les rapports soient collectés, examinés et analysés pour qu’on puisse en mesurer les effets. Reste à savoir si cela en vaudrait la peine, eu égard à l’analyse que l’on pourrait faire de ces rapports, et surtout aux conclusions que l’on pourrait en tirer.

Vous m’avez interrogée sur le rythme de montée en puissance des outils de péréquation. Cette montée en puissance est un engagement qui a été pris depuis l’année 2012 et qui doit conduire jusqu’à l’année 2015. Aujourd’hui, certains demandent que l’on réduise ce rythme, d’autres qu’on l’accélère. Face à ces demandes divergentes, le Gouvernement a pris une position de sagesse en conservant la même progression que celle qui avait été proposée. De ce fait, le FPIC est doté de 360 millions d’euros et le FSRIF de 230 millions d’euros.

Quel jugement porter sur cette péréquation ? Pour cela, il suffit de se reporter à l’excellent rapport sur le FPIC, qui a été remis par le Gouvernement – le rapport sur le FSRIF, qui vient d’être remis au Secrétariat général du Gouvernement au cours des dernières heures, sera bientôt consultable. Il ressort de ce premier rapport que le FPIC répond aux attentes : favoriser les collectivités se trouvant dans les situations les plus difficiles, en particulier les petites communes rurales, les quartiers difficiles des villes et l’outre-mer. Ces mécanismes de péréquation horizontale viennent compléter les dispositifs de péréquation verticale. D’où la conclusion favorable de ce rapport.

Vous avez parlé d’un amendement qui pourrait contribuer à améliorer le système de péréquation. Cet amendement vise en effet à porter de 0,50 % à 0,75 % le niveau d’effort fiscal demandé aux communes pour bénéficier des versements du FPIC. Le Gouvernement étudie cette proposition. Il serait en effet logique que les collectivités locales qui font elles-mêmes un effort puissent être aidées. Par ailleurs, celles qui sont en dessous de ce seuil de 0,50 % ne sont pas très nombreuses, et il serait un peu dommage de ne pas les inciter à aller un peu plus loin. Cet amendement paraît tout à fait raisonnable, mais nous pouvons en débattre.

Vous êtes nombreux à avoir évoqué les problèmes d’articulation entre le FPIC et le FSRIF. À cet égard, il me paraît utile de vous rappeler la logique qui avait présidé à l’institution du FSRIF. Il s’agissait de rechercher un effet péréquateur entre les collectivités de la région d’Île-de-France, pour corriger de fortes disparités. Ce premier effet obtenu, il convient de passer à un deuxième niveau de péréquation, entre la région d’Île-de-France et le reste des collectivités sur l’ensemble du territoire. C’est pour cela que, contrairement à certains, nous ne souhaitons pas annihiler l’effet FSRIF pour ne tenir compte que de l’effet FPIC, mais additionner l’effet FSRIF, suivi de l’effet FPIC. Le second rapport, que nous pourrons consulter dans quelques jours, devrait nous permettre de conforter notre position.

En dernier lieu, vous avez soulevé le problème de la restauration d’un pouvoir de taux significatif pour les départements et les régions, et du financement des allocations individuelles de solidarité. Le Président de la République, comme il l’a dit lui-même, souhaite la mise en place d’un dispositif financier et fiscal qui redonne de l’autonomie aux collectivités, leur permette de travailler dans la stabilité et dans la durée, en sachant sur quelles dotations elles peuvent compter. Tout cela ne peut pas se mettre en place dans le cadre de ce PLF. Nous y travaillerons ensemble, avec le CFL et avec le Parlement, comme je l’indiquais tout à l’heure, dans le cadre de la préparation du PLF pour 2014.

M. le président Gilles Carrez. Madame la ministre, malgré la stabilité globale de la DGF, quelques milliers de collectivités locales verront leur DGF baisser.

Étant donné la progression de la DSU et de la DSR – 200 millions d’euros supplémentaires –, l’accroissement de la population – plusieurs millions – et l’augmentation des besoins de l’intercommunalité, c’est un ensemble de plus de 300 millions qui devra être financé, pour une partie substantielle, au sein de la DGF, puisque l’enveloppe est constante. Pour le financer, il est prévu de baisser la part garantie de la DGF – la dotation de garantie – et la part « salaires », qui est venue remplacer les salaires lors de la réforme de la taxe professionnelle de 1999. Je voudrais donc connaître le nombre de communes qui seront écrêtées, et, parmi ces quelques milliers de communes, celles qui seront écrêtées jusqu’au plafond de 6 %.

L’écrêtement est d’autant plus important que le potentiel financier de la collectivité est élevé par rapport à une moyenne nationale, qui intègre les 33 000 communes rurales. Il est donc probable que l’impact sera particulièrement fort sur les 1 000 communes de plus de 10 000 habitants. J’aimerais donc connaître le nombre des communes de plus de 10 000 habitants qui subiront une nette baisse de leur DGF en 2013.

Ma seconde question porte sur l’élaboration des schémas départementaux d’intercommunalité. Les préfets ont mis en avant, ces deux dernières années, le fait qu’un certain nombre d’incitations ont favorisé les regroupements ou les fusions. Ces incitations sont de deux types : en cas de fusion ou regroupement, la nouvelle entité bénéficie du coefficient d’intégration fiscale – CIF – le plus élevé et de la dotation de garantie la plus élevée. Or l’article 67 du projet de loi de finances propose, ce que je comprends d’ailleurs parfaitement, de passer du CIF le plus élevé à une moyenne pondérée des CIF. J’aimerais savoir si les préfets ont commencé à informer les collectivités locales de ces nouvelles règles du jeu, pour que l’achèvement des schémas départementaux se passe le mieux possible.

Mme Marietta Karamanli. Ce projet de budget poursuit un double objectif : la maîtrise des dépenses publiques et la réduction des inégalités. Les deux sont étroitement liées et s’appliquent aux crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». En effet, s’il faut de la rigueur dans la gestion, car ce sont les citoyens les plus modestes qui paient le prix des déficits excessifs, il faut aussi traiter les écarts existant entre les différents types de collectivités territoriales.

Pour tenir ce second objectif, l’État a concentré ses efforts sur les outils de la péréquation, qu’elle soit verticale ou horizontale. Il propose notamment d’augmenter les dotations de la péréquation verticale de 238 millions d’euros et affirme sa volonté de maintenir le rythme de progression envisagé pour le FPIC afin d’atteindre, dès 2013, le montant prévu de 360 millions d’euros.

Le moment est difficile pour les différentes catégories de collectivités, car la rigueur de gestion s’impose, alors même que les défis de fond auxquels elles sont confrontées depuis dix ans n’ont pas été relevés.

Le moment est difficile pour les départements, car la péréquation ne règle pas le problème majeur lié à l’absence d’un mécanisme leur permettant d’adapter leurs ressources aux contraintes démographiques et économiques, qui fondent justement la dynamique des politiques sociales qu’ils doivent gérer.

Le moment est difficile pour les régions, tant que les dotations dont elles bénéficient n’auront pas été, au moins partiellement, converties en ressources fiscales.

Le moment est difficile enfin pour les communes et leurs EPCI, qui doivent faire face, dans bon nombre d’endroits, à des populations fragilisées par la crise, continuer à investir pour l’avenir et maintenir leur équilibre financier.

J’ajouterai que ces différentes catégories de collectivités ont été également touchées par la réforme de la fiscalité locale intervenue ces dernières années, dont les effets sont parfois encore incertains.

Ma première question, madame la ministre, concerne justement les effets d’une telle réforme. La cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, la CVAE, continue de poser des problèmes aux territoires industriels. Ainsi, selon une étude récente de l’INSEE, 70 % de la valeur ajoutée du secteur marchand repose désormais sur des groupes. Si chaque filiale acquitte sa propre cotisation à la valeur ajoutée, les valeurs sur lesquelles la cotisation s’applique sont déterminées par les choix d’optimisation juridique et fiscale des entreprises elles-mêmes. Or un tel choix ne reflète qu’imparfaitement la place des territoires dans la production de valeurs. D’où ma question : quelles orientations entendez-vous faire prévaloir pour mieux tenir compte de la réalité territoriale de la production et des ressources qui s’y attachent ?

Ma deuxième question porte sur les communes, communautés et mécanismes de coopération.

D’une part, le projet de loi de finances pour 2013, supprime toute incitation financière, en faveur des fusions de communautés. Ce choix, s’il a ses raisons, a néanmoins ses limites. De fait, le regroupement de communautés est fortement préconisé tant il est porteur d’enjeux pour la cohérence des services en milieu rural et pour l’optimisation des dépenses. Qu’entend faire le Gouvernement pour maintenir la dynamique d’une coopération renforcée y compris au plan budgétaire?

D’autre part, les fonds de péréquation mis en œuvre tant au plan national qu’au niveau particulier de la région d’Île-de-France en ce qui concerne les organisations intercommunales constituent des outils ayant des sensibilités fortes. Des aménagements sont demandés régulièrement pour mieux prendre en compte la réalité et la diversité des ensembles intercommunaux et des communes, les événements de la vie de ces organisations mais aussi les effets induits par des mécanismes qui ont souvent des difficultés à s’articuler entre eux – je pense au FPIC et au FSRIF. Dans ces domaines, les évolutions se font souvent d’une année sur l’autre, selon une logique d’améliorations que je qualifierai de « dispersées », sans visibilité de l’ensemble de problèmes qui s’articulent entre eux. N’y aurait-il pas l’opportunité de conduire une évaluation de l’ensemble des questions et une remise à plat à caractère technique et politique, avant la discussion budgétaire proprement dite qui s’inspireraient des travaux menés ?

Enfin, n’aurions-nous pas intérêt à ce que les règles d’éligibilité, de répartition ou de minoration des dotations appliquent des formules ayant une logique comparable visant à prévenir les effets de seuil en tenant compte non seulement des indices mais aussi de la taille des groupements et des charges qui en résultent ? D’une part, cela aurait l’avantage d’unifier les critères. D’autre part, cela permettrait de mieux tenir compte des charges de structure et du niveau de service mis en œuvre. Ces questions de méthode pourraient passer pour secondaires mais elles sont importantes dans la mesure où l’absence d’intelligibilité de la loi, principe à valeur constitutionnelle, pèse sur l’efficacité et la justice de l’action des collectivités territoriales. Quelles orientations le Gouvernement souhaite-t-il faire prévaloir en la matière ?

M. Olivier Marleix. Avec 60 milliards d’euros de concours aux collectivités locales, dont 55,7 milliards de prélèvements sur recettes votés en première partie du projet de loi de finances et 2,6 milliards affectés à la mission « Relations avec les collectivités territoriales » que nous examinons aujourd’hui, l’État continue de consacrer des moyens très importants aux collectivités locales. Avec un gel en valeur, il leur réserve un sort plus doux que celui qu’il s’impose à lui-même.

Nous ne sommes pas dans la critique systématique – et, j’espère que vous apprécierez mon compliment, madame la ministre –, le budget que vous présentez s’inscrit dans une parfaite continuité avec ceux présentés sous la présidence de M. Nicolas Sarkozy : gel en valeur des crédits comme en 2011 et 2012 ; maintien du fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée en dehors de l’enveloppe normée ; marge préservée pour l’augmentation de la DSU et de la DSR ; montée en puissance des dispositifs de fonds de péréquation horizontale crées sous la précédente majorité – qu’il s’agisse du fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, du fonds de péréquation des droits de mutation à titre onéreux pour les départements ou de l’application, pour la première année, du fonds de péréquation de la CVAE départementale et régionale. Le changement, ce n’est pas maintenant !

Pourtant, que n’avons-nous pas entendu ces dernières années ? Je pourrais vous citer plusieurs grands orateurs, de M. André Laignel, le nouveau et toujours modéré président du Comité des finances locales – le CFL –, à M. Arnaud Montebourg, qui n’ont cessé pendant cinq ans de répéter que les collectivités territoriales étaient étouffées – voire étranglées selon la sensibilité lexicale de ces personnalités. Jusqu’à Mme Marylise Lebranchu elle-même – aujourd’hui ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique, et responsable, à vos côtés, madame la ministre, de ces programmes – qui affirmait qu’« étrangler les finances locales, c’était étrangler les Français », rien de moins !

Je ne vous renverrai pas, madame la ministre, à l’annexe à ce projet de loi de finances produite par le Gouvernement qui démontre qu’entre 2003 et 2011, les transferts de l’État aux collectivités locales ont augmenté de 31,2 % hors mesures de décentralisation. Si, à ce régime-là, nous avons été des étrangleurs, j’avoue manquer d’imagination et de vocabulaire pour qualifier le gouvernement qui réduira, pour la première fois sous Vème République, les dotations aux collectivités territoriales de 750 millions d’euros en 2014 et du même montant en 2015.

J’aimerais vous rappeler, six mois à peine après l’élection présidentielle, la promesse numéro 54 du programme de M. François Hollande, qui consistait à garantir pour la durée du quinquennat le montant des dotations aux collectivités locales à leur niveau actuel. Nous savons aujourd’hui que cet engagement ne sera pas tenu.

La première de mes quatre questions a été excellemment posée par M. le président de la Commission des finances. L’augmentation de la DSU et de la DSR est maintenue à un rythme soutenu du fait des effets de l’intercommunalité et de la démographie : pouvez-vous nous indiquer combien de communes verront leur DGF diminuer ?

Un groupe de travail a été constitué au sein du CFL pour examiner la question de la diminution de la dotation aux collectivités territoriales de 750 millions d’euros en 2014 et en 2015, mais nous souhaiterions connaître la feuille de route des représentants de l’État au CFL. La manière dont cette mesure sera mise en œuvre ne doit pas être indifférente au Gouvernement : qu’allez-vous préserver et qu’allez-vous consentir à sacrifier ?

Je n’ai pas trouvé trace dans le programme 120 de l’annonce de M. le Premier ministre de l’enveloppe de 170 millions d’euros dévolus au soutien aux départements en difficulté. Ce montant est-il déjà financé ou doit-il encore l’être ? Le Gouvernement avait déjà mis en place, vous l’avez rappelé, madame la ministre, un mécanisme de ce type en 2011 ; la Corrèze en avait été le principal bénéficiaire puisqu’elle avait reçu 11,5 millions d’euros ! La création d’un nouveau fonds de 170 millions d’euros est positive mais le Gouvernement va-t-il s’assurer en amont que les clauses souscrites de manière conventionnelle – le président du Conseil général de la Corrèze de l’époque s’était engagé à ce que le budget de son département réalise 11,5 millions d’euros d’économies – ont été respectées avant de débloquer une nouvelle aide ? Il s’agit d’une question de responsabilité importante.

Enfin, l’annexe jaune au projet de loi de finances affirme que le cadre financier des relations entre l’État et les collectivités territoriales sera renouvelé dans chacune de ses composantes – concours financier et fiscalité. Dans ce cadre, comptez-vous mettre en oeuvre l’idée d’Alain Lambert et de Claudy Lebreton de faire voter chaque année une loi de financement spécifique pour les collectivités locales ?

M. Charles de Courson. Madame la ministre, quand la banque – que l’on va appeler la Banque postale, héritière de Dexia – sera-t-elle opérationnelle ? Son lancement devait avoir lieu avant l’été puis après celui-ci. Pouvons-nous nourrir l’espoir que cette banque commence à fonctionner au début de l’année prochaine ?

Vous avez été d’une extrême discrétion sur la deuxième structure bancaire – nommons-la « agence » – mais vous avez fait allusion à des obstacles que rencontrerait sa mise en œuvre. Quelle en est la nature ? Sont-ils uniquement financiers ? La direction du Trésor est-elle toujours hostile à une telle création ?

Dans le cadre de l’acte III de la décentralisation dont vous nous avez indiqué le calendrier, comment se déroulera la mise en œuvre des schémas départementaux de coopération intercommunale, les SDCI, dans les départements – environ les deux tiers – qui s’en sont dotés ?

Le Gouvernement a annoncé le rétablissement de l’élection des conseillers généraux. Les modalités de cette élection – qui aura lieu en mars 2015 – vont également être modifiées. Quel mode de scrutin sera adopté ?

Estimez-vous normal que les 170 millions d’euros alloués aux départements en difficulté soient inscrits au budget de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie – la CNSA – et non dans la mission dont vous avez la responsabilité ?

M. Éric Alauzet. Le budget de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » est marqué par trois points principaux.

La stabilité des dotations est, dans la période actuelle, un geste fort qui indique néanmoins le chemin du redressement : la stabilité en valeur en 2013 et la diminution de 750 millions d’euros les années suivantes sont raisonnables et éloignées de certains programmes qui annonçaient des baisses de 2 % à 4 % par an et de 20 % en quatre ans.

Le renforcement de la péréquation dans la justice est le fil rouge de l’ensemble des politiques conduites.

Le renouvellement du dialogue entre l’État et les collectivités locales n’est pas un volet négligeable de ce projet de loi de finances.

Pour ces trois raisons, le groupe écologiste votera les crédits de cette mission.

Les élus locaux ont une forte aspiration à reprendre en main leur destin. C’est la contrepartie logique de la mondialisation. Cette volonté devra être prise en compte dans les débats sur la nouvelle étape de décentralisation, notamment sur l’autonomie financière des collectivités locales et sur le panier fiscal réparti entre elles.

Les systèmes de péréquation verticaux, en place depuis plusieurs années, et horizontaux, plus récents, sont, eux aussi, au cœur du pacte de confiance entre l’État et les collectivités territoriales. Des questions restent en suspens, particulièrement celle de la péréquation de la CVAE.

L’article 167 a trait aux dispositifs d’ajustement, d’adaptation et de lissage qui renforcent la justice et la confiance entre les élus locaux et l’État.

La DSU constitue un dispositif important pour aider les communes en difficulté, notamment dans la banlieue parisienne. Le Gouvernement a expliqué récemment, en réponse à l’un de nos collègues, la nature du soutien que pouvaient apporter la DSU ou d’autres dotations plus classiques à ces villes.

Le rôle des régions et des intercommunalités dans le développement économique et de l’éco-économie doit être renforcé – sans oublier l’action décisive des communes et des départements.

Les collectivités territoriales prendront leur part dans l’effort de réduction de la dette publique. L’État porte néanmoins une responsabilité dans l’accroissement des dépenses des collectivités territoriales du fait de l’absence d’une compensation dynamique des transferts de compétences. La compensation à l’euro près ne s’effectuant que l’année du transfert, comment les collectivités territoriales peuvent-elles être accompagnées les années suivantes pour les aider à maîtriser leur budget ?

Le groupe écologiste déposera un amendement pour permettre l’ouverture de la taxe d’aménagement aux régions. Aujourd’hui, seuls les communes, les intercommunalités, les départements et la région d’Île-de-France peuvent utiliser cette taxe. Son extension à l’ensemble des régions permettra de conduire des stratégies régionales en faveur de la biodiversité, des parcs naturels régionaux ou des réseaux de cohérence écologique.

Nous déposerons également un amendement – aux marges de cette mission même si le fonds d’amortissement des charges d’électrification, le FACÉ, y est cité – pour inciter les collectivités locales à réaliser des économies d’énergie pour effacer l’impact des pointes de consommation plutôt qu’à développer des réseaux supplémentaires en phase de saturation de la demande électrique.

M. Alain Tourret. L’enjeu principal est de réussir à stimuler l’économie grâce à l’action des collectivités territoriales.

La suppression de la taxe professionnelle a été l’une des plus mauvaises mesures prises par le gouvernement précédent. Peut-on analyser en les effets ? Cette décision devait permettre la création d’emplois liée à la diminution des charges des entreprises ; je doute qu’il en fut ainsi. La santé des entreprises devait devenir florissante : ce n’est pas ce que l’on constate. En tout cas, les conséquences pour les collectivités territoriales ont été catastrophiques. Les collectivités locales étaient les premiers investisseurs publics. Le maire jouait le rôle de VRP pour attirer les entreprises sur le territoire de sa commune – je suis maire depuis trente ans et cela a toujours été ma première préoccupation. Or, à la suite de la disparition de ce lien indispensable entre le territoire communal et l’entreprise qu’était la taxe professionnelle, les élus ont été abandonnés dans leur tâche essentielle d’industrialisation du pays. Je souhaiterais donc connaître votre position et celle du Gouvernement, madame la ministre, sur le rétablissement de la taxe professionnelle. Les régions n’ont pratiquement plus aucune possibilité de ressources propres et les dotations de l’État, utiles pour l’égalité entre les territoires, ne pourront jamais contribuer à relancer l’économie. Au nom du dynamisme économique, nous devons revenir sur cette décision.

Les fusions de collectivités territoriales doivent être favorisées dans les années à venir. Quelles sont les incitations financières à ces rapprochements ? L’ancien Président de la République avait annoncé la fusion des deux régions normandes mais aucune réponse n’a jamais été apportée à la question des incitations financières à la réalisation d’un tel regroupement. Des propositions d’avantages financiers étaient autrefois avancées pour les rapprochements entre communes. Peut-on envisager dans l’avenir la mise en place d’incitations financières aux fusions entre collectivités territoriales, que ces regroupements s’opèrent entre départements, entre région et départements – il existe un projet en ce sens comme en Alsace –, entre régions, comme cela aurait pu avoir lieu entre la Basse- Normandie et la Haute-Normandie, ou, éventuellement, entre communes ? Il est indispensable de clarifier cette question ; ces incitations permettraient de diminuer le nombre de collectivités territoriales qui est trop élevé dans notre pays.

(M. Jean-Jacques Urvoas, président de la Commission des lois, remplace M. Alain Tourret à la présidence.)

M. Alain Bocquet. Le projet de loi de finances pour 2013 obéit, dans toutes ses déclinaisons ministérielles, aux principes du traité européen sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, et de la loi de programmation des finances pour la période allant de 2012 à 2017. Le gel des dotations de l’État aux collectivités locales en 2013, leur réduction de l’ordre de deux milliards d’euros en 2014 et 2015, le gel maintenu du point d’indice dans la fonction publique et la suppression d’emplois publics s’inscrivent dans ce cadre que définissent la règle d’or, la réduction à marche forcée des déficits publics et l’austérité imposée à toute la sphère publique – de l’État aux universités et aux hôpitaux, de la sécurité sociale à nos collectivités territoriales. L’Observatoire français des conjonctures économiques, l’OFCE, crie « Au fou ! ». Je le cite : « Les politiques d’austérité engagées en Europe depuis 2011 – voire 2010 – sont en train de conduire à une débâcle. […] Si le Gouvernement français tenait à respecter coûte que coûte son engagement de déficit budgétaire à 3 %, cela nécessiterait l’adoption d’un nouveau plan de restrictions d’un montant de 22 milliards d’euros ».

Mais qui dit restrictions dit baisse de l’activité, hausse du chômage avec un taux atteignant déjà les 12 % et 200 000 destructions d’emplois supplémentaires. Quelles pertes de ressources et quels coûts sociaux en résulteront pour nos collectivités ?

Le discours du Président de la République, lors des États généraux de la démocratie locale, n’incite pas à l’optimisme. Selon lui, « des efforts seront demandés à tous, aux collectivités aussi ». Or, elles n’en sont déjà pas avares.

L’État a transféré en 2004 les allocations de solidarité aux départements. La répartition du financement est devenue en huit ans : 80% pour les conseils généraux et 20 % pour l’État – qui doit, par exemple, 2,4 milliards d’euros au seul département du Nord ! C’est loin des 170 millions d’euros débloqués ces jours-ci pour faire face aux urgences de l’ensemble des départements.

Qu’en sera-t-il du financement des 150 000 emplois d’avenir dans les trois ans qui viennent ?

On ne peut demander aux collectivités locales d’être au four et au moulin : leur imposer de payer une part de la dette causée par l’explosion du système bancaire et la politique fiscale de M. Nicolas Sarkozy tout en exigeant qu’elles assument, vous y avez fait allusion, madame la ministre, 75 % de l’investissement public. Nos collectivités sont prises dans cet étau qui les met, restrictions bancaires aidant, dans l’incapacité de répondre à la demande sociale. Comme le souligne l’Association des petites villes de France, « les investissements publics doivent être considérés comme des leviers pour l’économie et non comme des facteurs aggravant le déficit national ». Si l’on contraint les collectivités à reporter des projets ou à ne plus investir, le cercle vicieux de la récession s’installe. Oui à une rigueur budgétaire pour une bonne gestion, mais non à une austérité qui nous enfonce dans la récession.

Pour réussir le changement et la troisième étape de la décentralisation, les collectivités territoriales ont besoin d’une rupture avec toutes ces politiques d’inégalité et de pénurie. C’est possible avec une réforme de la fiscalité qui la mettrait au service d’une stratégie économique et qui redonnerait aux collectivités une autonomie fiscale. C’est possible aussi avec une réorientation du crédit et l’utilisation du pouvoir de création monétaire de la BCE pour soutenir les investissements d’avenir et l’essor des services publics.

Vous l’avez compris, dans l’état actuel des propositions de votre budget, le groupe GDR ne pourra évidemment pas le voter.

Une question particulière concerne l’une des perversités de la péréquation horizontale. La communauté d’agglomération de la Porte du Hainaut – que j’ai l’honneur de présider – abondait de 10 millions d’euros chaque année le fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle alors que le produit de cette dernière, prélevée sur son territoire, s’élevait à 12 millions d’euros ; seuls deux millions d’euros étaient donc affectés à son budget. La dotation de l’État, qui s’est substituée à cette péréquation, a figé dans le temps cet ancien prélèvement de 12 millions d’euros. Or le conseil général du Nord vient d’annoncer que le montant alloué au budget de la communauté d’agglomération serait dorénavant nul au motif que la Porte du Hainaut n’était pas considérée comme un groupement défavorisé. C’est fort de café quand on sait que dans notre territoire le revenu annuel par habitant est de 9 184 euros contre 12 912 euros en moyenne nationale, ce qui fait un écart de près de 30 % ! Dans l’arrondissement où se situe cette agglomération, 20 000 personnes perçoivent le RSA et le taux de chômage s’élève à 15 % de la population active. Il faut dire que cette dotation provenait des entreprises automobiles – notamment Sevelnord du groupe PSA où 3 000 à 4 000 emplois ont été supprimés, ce qui crée de nombreuses difficultés sociales.

Qu’allez-vous faire pour prendre enfin en compte les situations concrètes des terrains en matière de situation sociale à partir de réalités et non de calculs arbitraires touchant les taux de fiscalité et autres mécanismes de même nature ? La péréquation horizontale devient un cheval de Troie de la répartition de la misère et de l’austérité dans nos communes.

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée chargée de la décentralisation. Monsieur le président Carrez, la progression de la DSU et de la DSR conduit à réduire la part compensation de la part salaire de 2 %. Nous sommes en train d’étudier un dispositif qui porterait le nombre de communes connaissant un écrêtement de 6 000 à un peu plus de 20 000. Il convient donc de trouver ensemble un juste terme.

La plupart des départements ont achevé leur SDCI. Les périmètres doivent être élaborés d’ici au 31 décembre prochain et les règles de fonctionnement et de fusion des différentes collectivités d’ici au mois de juin 2013. Ce point pourra donc être examiné à nouveau.

Madame Karamanli, la CVAE est, notamment pour les groupes, un vrai problème – un amendement porte d’ailleurs sur cette question. Le ministère du budget effectue actuellement des simulations afin de déterminer les conditions dans lesquelles le dispositif pourrait être revu.

Monsieur Marleix, comme vous avez pu le relever, je suis une femme de consensus qui ne se met jamais en colère et essaie toujours de répondre avec douceur aux questions, y compris les plus difficiles. Toutefois, je ne peux vous dire aujourd’hui combien il y a de perdants sur la DGF, car nous n’en avons pas encore le chiffrage.

Effectivement, nous souhaitons travailler avec le CFL, mais si nous apportions une réponse avant que le groupe de travail se soit réuni, à quoi bon un groupe de travail ?

Je l’ai indiqué, la répartition des 170 millions dévolus au soutien aux départements se fera selon des critères objectifs que nous allons nous attacher à définir de manière à éviter les difficultés que nous avons pu connaître antérieurement.

Monsieur de Courson, tant que Bruxelles ne nous aura pas répondu sur la nouvelle entité constituée par la Caisse des dépôts et consignations et la Banque postale, nous ne pourrons pas décider de sa mise en œuvre. Je peux vous assurer qu’il n’y a pas un jour sans que nous ne travaillions sur ce sujet avec Matignon.

L’un des obstacles qui s’opposent à la création de l’agence de financement des collectivités locales est le statut juridique proposé d’un établissement public auquel l’État apporterait sa garantie – ce que le Gouvernement ne souhaite pas. Certes, il a été argué que l’État n’aurait pas à intervenir, mais sans en apporter la preuve suffisante. Pour le moment, aucune décision n’est prise, ni de rejet ni d’accord. Nous travaillons ensemble à définir le vrai niveau de besoin de financement des collectivités et à voir si le dispositif existant aujourd’hui entre la Caisse des dépôts et la Banque postale ne suffit pas à répondre aux besoins des collectivités.

M. Charles de Courson. Un EPIC peut-il être une banque ? J’ai cru comprendre que le Gouvernement ne considère pas cela possible.

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée chargée de la décentralisation. En effet.

S’agissant du mode de scrutin des conseillers départementaux, je renvoie à la réponse du Président de la République qui a insisté à la fois sur la parité et une représentation territoriale cohérente et équitable. Pour le moment, le travail est conduit non dans mon ministère, mais auprès du ministre de l’intérieur. Il débouchera sur un texte qui devra entrer dans le même calendrier que celui consacré à la décentralisation.

Comme M. Marleix et d’autres, vous m’avez interrogée, monsieur de Courson, sur la possibilité de faire appel à la CNSA pour financer le fonds de 170 millions alloués aux départements en difficulté. Compte tenu de la réserve de plus de 340 millions d’euros dont elle dispose aujourd’hui, il ne me semble pas illégitime de la solliciter pour un domaine relevant de la solidarité.

Monsieur Alauzet, merci de reconnaître les efforts consentis au quotidien en matière de dialogue et de volonté de remettre en place des modalités de financement véritablement pérennes et stables pour les collectivités locales. Vous avez bien compris que tel était le sens du pacte de confiance et de solidarité.

Le rôle de la région et celui de l’intercommunalité vont être renforcés à travers les compétences qui vont leur être accordées selon des modalités que nous définirons ensemble dans la loi sur la décentralisation, ces compétences étant assorties, bien sûr, des ressources financières correspondantes. Quant à la taxe d’aménagement de cohérence écologique, elle sera prise en compte dans le PLF pour 2014.

Monsieur Tourret, comment « booster » l’économie alors que nous devons supporter les effets de la suppression de la taxe professionnelle ? Cette suppression, qui est intervenue très rapidement et sans études préalables, a conduit à des approximations dans le traitement de la CET, la contribution économique territoriale. Aujourd’hui, nous devons réviser certaines dispositions. Sur ce sujet, un rapport du Gouvernement doit venir compléter un rapport rédigé il y a quelques mois par le Sénat. Les deux devraient conclure à l’aménagement de nouvelles dispositions de nature à soutenir l’économie de nos entreprises et à maintenir et conforter le lien entre celles-ci et le territoire. Ce point est tout à fait essentiel.

Les modalités d’aide à la fusion des régions ou de collectivités territoriales doivent être débattues, car il s’agit là d’un sujet lourd. Les fusions au niveau de l’intercommunalité bénéficient déjà de mesures, mais, pour qu’un tel dispositif en faveur des départements et des régions soit envisageable, il faut en trouver un qui soit à la fois juste, efficace et stable.

Monsieur Bocquet, la partie du fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle allouée aux communes et aux EPCI défavorisés reste, pour le moment, inchangée s’agissant de ses modalités de répartition. Ce choix est fait par le conseil général, et il ne revient pas à l’État d’intervenir sur celui qu’a fait le conseil général du Nord.

Mme Christine Pires Beaune. Mon intervention portera sur le fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, qui est un mécanisme de péréquation horizontale. Cette péréquation horizontale est nécessaire pour trois raisons principales. La première est que nous devons poursuivre la réduction des inégalités territoriales, pour respecter tout simplement notre Constitution qui dispose, dans son article 72- 2 : « La loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l’égalité entre les collectivités territoriales ». La deuxième raison est que la réforme de la taxe professionnelle a accentué les écarts de richesse fiscale entre les territoires et remis en question le fonctionnement des anciens fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle – sur ce point, je vous renvoie à l’excellent rapport, produit en juin dernier par Mme la ministre alors qu’elle était sénatrice. La troisième raison est que la péréquation horizontale est complémentaire de la péréquation verticale.

Le FPIC a fonctionné pour la première année en 2012. Un rapport du Gouvernement produit en septembre dernier démontre la pertinence de ce fonds. Si l’on regarde la cartographie, les territoires contributeurs se situent principalement dans quatre régions : Île-de-France, Rhône-Alpes, Alsace, Provence-Alpes-Côte d’Azur. Les territoires bénéficiaires se situent principalement dans les régions Nord-Pas-de-Calais, Lorraine, Bretagne, Pays de la Loire, Poitou-Charentes, Limousin, Midi-Pyrénées, Languedoc-Roussillon, Corse et Outre-mer. Quelques départements sont même presque exclusivement bénéficiaires, par exemple le Pas-de-Calais, le Gard, le Gers, la Creuse et le Tarn-et-Garonne.

Les soixante premiers contributeurs sont, à 87 %, des collectivités situées hors de l’Île-de-France. Ces collectivités ont toutes des potentiels financiers agrégés par habitant très élevés en raison de la présence sur leur territoire d’une centrale nucléaire, d’un barrage ou d’un aéroport grâce auxquels elles affichent un taux d’effort fiscal inférieur à la moyenne nationale. Les soixante premiers bénéficiaires sont, à 62 %, des ensembles intercommunaux – de l’Ariège, du Lot, du Gers ou encore de La Manche – qui cumulent des potentiels financiers par habitant très faibles avec pourtant des efforts fiscaux relativement élevés.

La fonction de péréquation du FPIC est avérée. Ce sont effectivement les territoires ruraux qui en bénéficient le plus souvent mais, comme le souligne le rapport, l’ampleur de ces transferts demeure mesurée. C’est pourquoi, vous l’aurez compris, madame la ministre, la montée en charge telle que prévue pour les années 2014 à 2017 ne doit pas, à mon sens, être remise en cause. En régime de croisière, c’est-à-dire à partir de 2016, le FPIC est plus péréquateur que le dispositif de péréquation vertical existant.

Toutefois, compte tenu de la loi de programmation des finances publiques et de l’annonce de la baisse des dotations de l’État aux collectivités pour 2014 et 2015, il importe, parallèlement à cette péréquation horizontale, de redonner, dans le cadre de la décentralisation et de son acte III, une autonomie financière aux collectivités. Pouvez-nous apporter quelques éléments à ce sujet, notamment en termes de calendrier ?

M. Jean-Pierre Gorges. Si j’ai bien compris vos propos, madame la ministre, aujourd’hui, le dispositif privilégié pour traiter les dossiers d’emprunts toxiques s’appuie sur un médiateur qui intervient au cas par cas. Or la commission d’enquête sur les produits financiers à risque souscrits par les acteurs publics locaux, dont j’étais le rapporteur, avait relevé qu’à raison d’une intervention par semaine, le médiateur mettrait plus d’un siècle pour régler le cas des 4 000 collectivités concernées. Le texte proposait de résoudre le problème par une méthode globale, sur laquelle tous les membres de la commission s’étaient mis d’accord.

Aujourd’hui, avec l’aboutissement de procédures en justice, une jurisprudence est en train de s’établir. Le risque est grand, c’est, du reste, ce que pointait le rapport, qu’elle s’étende comme une traînée de poudre à toutes les collectivités. Par ailleurs, une collectivité pourra s’engager à payer le capital mais, pour les intérêts, elle devra provisionner. Qu’elle paie ou pas, dans ses comptes, ces montants seront repris, ce qui aura pour résultat de la laisser dans la même situation financière.

Notre rapport est tombé à un mauvais moment : juste avant l’élection présidentielle, ce qui nous a valu une mise en attente par le Premier ministre. Nous l’avions accompagné d’un texte de loi visant à éviter la reproduction des erreurs. Quelles réponses allez-vous apporter aux propositions curatives de ce rapport ? Avez-vous l’intention de réactiver cette proposition de loi, qui avait été signée par tous les parlementaires, de droite comme de gauche, ayant pris part à cette commission d’enquête ?

M. Alain Fauré. Madame la ministre, vous avez évoqué un soutien sous réserve d’optimisation de la gestion des départements. Quels seront les critères retenus ? Quid de ceux qui ont une gestion optimisée, avec des effectifs limités, comme par exemple l’Ariège, mais qui voient leurs budgets APA, RSA et accueil des mineurs étrangers isolés exploser, et qui ont été fortement pénalisés par la suppression de la TP ? Celle-ci a été, pour ce département, une véritable catastrophe.

Quid de la remise en cause des mises aux normes trop nombreuses et onéreuses, qui contribuent à amplifier les dépenses des collectivités quelles qu’elles soient, puisque les normes s’imposent à toutes, qu’elles comptent 4 millions d’habitants ou 10 000.

Serait-il possible de prendre en compte le revenu par habitant à hauteur de 50 % dans le FPIC, de manière à aider les départements en difficulté ?

S’agissant des emprunts toxiques, je suis surpris qu’un État ne soit pas capable de se faire respecter des organismes bancaires qui ont prêté aux collectivités. Peut-être est-ce puéril de ma part, mais lorsque les banques ont été en difficulté, elles ont su faire appel à l’aide de l’État. Pourquoi ne pourrions-nous pas leur imposer de respecter des règles qu’elles ont bafouées au profit de pratiques relevant de l’escroquerie ?

Je suis inquiet de la volonté du Gouvernement de soutenir la revalorisation du pourcentage de l’effort fiscal de 0,50% à 0,75 %. Je ne voudrais pas que cela soit une prime aux mauvais gestionnaires, ce qui peut arriver.

M. Jean-Frédéric Poisson. La mise en place de la putative demi-journée de scolarité supplémentaire le mercredi matin ne manquera pas d’avoir, sur les finances des collectivités locales, des impacts très importants et de natures diverses : frais de contrats de fournitures de service public sur les transports, frais de restauration scolaire, coûts salariaux supplémentaires, sans parler de la mise en place de la fameuse heure de service de quinze heures trente à seize heures trente. Que prévoit le Gouvernement pour compenser ces surcoûts auprès des collectivités puisque, si l’on en croit le discours de la Sorbonne, le Président de la République lui-même a indiqué qu’il ne les laisserait pas isolées face à ce problème ?

Certaines communes d’Île-de-France implantées en zone rurale et membres d’un parc naturel régional sont empêtrées dans une contradiction : en termes de densification de logements, elles sont tenues de remplir leurs obligations au regard de la loi SRU en montant à 25 % de logements sociaux alors que la charte de parc leur interdit une telle densification. Nous sommes nombreux à souhaiter un assouplissement pour ces communes. Quelle est votre position sur ce sujet ?

M. Marc Goua. Si je me félicite de l’augmentation de la DSU, du maintien de la DDU et de la hausse du fonds de péréquation, j’ai une inquiétude, corroborée par ce qui se passe sur le terrain, pour la péréquation horizontale. Selon le texte, la répartition entre les collectivités, l’EPCI et les communes obéit à certains critères, mais rien ne dit que c’est obligatoire. De ce fait, des EPCI conservent la dotation horizontale de péréquation. Madame la ministre, comment comptez-vous empêcher cette rétention des fonds qui ne parviennent pas aux collectivités qui en ont besoin ?

M. Jean-Luc Moudenc. Donner aux plus grandes agglomérations françaises la possibilité de se mesurer à armes égales avec leurs équivalents des autres pays européens est un enjeu important. Or le document budgétaire pour 2013 ne prévoit rien ou presque pour les métropoles. Pourtant, le Président de la République en avait parlé, le 5 octobre dernier, dans son discours au Sénat, même s’il n’avait pas donné de contenu à cette évocation. Le flou subsiste sur ce que pourrait être le futur statut des métropoles.

La précédente majorité avait mis en place un statut de métropole, qui participait de la lutte contre l’empilement des compétences et des collectivités par le transfert de compétences du département ou de la région. Comptez-vous continuer dans ce sens, voire aller plus loin, ou avez-vous une vision différente des métropoles, et dans ce cas, laquelle ?

M. Jacques Valax. Je partage tout à fait l’analyse d’Alain Fauré s’agissant des emprunts toxiques. J’espère que le Gouvernement fera preuve de fermeté parce qu’il en va de l’avenir des collectivités locales.

Tout a été dit et on connaît parfaitement les difficultés que rencontrent les collectivités : difficultés à décider de la nature des investissements et difficultés à les financer. Ces deux difficultés se traduisent par une paupérisation des territoires ruraux puisque l’investissement public ne peut plus nourrir les PME et les artisans, précisément les entreprises qui créent de l’emploi non délocalisable. L’État doit prendre conscience de la gravité de la situation des territoires et prendre des mesures très innovantes.

Une enveloppe, la péréquation, c’est bien, mais la relance de notre économie réclame des solutions radicales. Quitte à froisser quelques susceptibilités, je me demande s’il ne faudrait pas aller jusqu’à envisager, sans provocation aucune, une mesure pragmatique consistant à augmenter d’un point la fiscalité sur la CSG. Sur les 11 à 12 milliards d’euros que cela rapporterait, 2, 3 ou 4 milliards pourraient aller aux collectivités pour qu’elles se remettent en ordre de fonctionnement et surtout qu’elles relancent l’économie sur les territoires. En période de crise, il faut aller à l’essentiel.

Mme Sophie Rohfritsch. Je constate, pour le déplorer, que le résultat des travaux fructueux et intenses qui ont été menés entre l’ARF et la DGCL, et qui ont fait consensus, n’est pas repris dans le PLF pour 2013. Certes, l’article 69 prévoit la mise en place du fonds de péréquation sur la CVAE mais régule les écarts d’évolution en prenant non pas la moyenne comme valeur pivot mais le flux de l’évolution cumulée de cette CVAE depuis 2011.

Déclenché suivant un niveau de CVAE par habitant supérieur à la moyenne, un prélèvement sera opéré à hauteur de 50 % de l’évolution cumulée positive de cette CVAE et réparti entre les régions éligibles selon un indicateur synthétique composé d’un critère de ressources – tel que prévu dans le PLF – et de critères de charges, tels que les effectifs lycéens, la formation professionnelle, le taux de chômage. De la sorte, ce fonds ne respectera pas du tout les principes qui avaient été énoncés par les présidents de région, dont vous êtes relativement proche, me semble-t-il.

Il ressort de simulations que ce mode de calcul emportera des conséquences budgétaires très lourdes dès les premières années de mise en place de la mesure pour les trois régions contributrices : Île-de-France, Rhône-Alpes et Alsace. D’après les calculs, la contribution de la région Alsace sera multipliée par trois par rapport à ce qui avait été prévu, celle de l’Île-de-France par deux et celle de Rhône-Alpes par deux et demi.

Ce durcissement par rapport à ce qui avait été prévu initialement et discuté entre les parties sera également très important au niveau des départements. En effet, dans l’hypothèse où l’intégralité du montant de CVAE perçu par le département serait désormais retenue comme critère de prélèvement par le législateur, et non pas seulement sa progression, le département du Bas-Rhin, par exemple, pourrait connaître, dès 2013, un prélèvement très significatif d’environ 2,7 millions, ce qui ne serait pas sans conséquences sur son budget pour 2013.

Dans ces conditions, il est très important que le Parlement mette tout en œuvre pour garantir une structure de péréquation plus lisible et plus équitable que celle proposée dans le PLF pour 2013, et qu’on en revienne, pour le prélèvement, à ce qui avait été proposé par l’ARF, à savoir un périmètre correspondant strictement aux ressources de remplacement post-réforme fiscale, assorti d’un objectif de convergence de ces évolutions sur ce périmètre de ressources et la mise en place d’une structure miroir entre le prélèvement et le reversement. Il faut absolument disposer de ce dispositif rapidement et le substituer à celui qui est prévu par le Gouvernement.

M. François Pupponi. Comme d’autres avant moi, je veux saluer l’augmentation importante des dotations de péréquation, en particulier de la DSU. Tout cela va dans le bon sens. Toutefois, tout le monde est d’accord pour dire que le FPIC et le FSRIF en particulier, qui ont été mis en œuvre en 2012, nécessitent de connaître des évolutions en particulier s’agissant des critères de prélèvement. Certaines communes ont constaté qu’elles étaient considérées comme riches bien qu’ayant des populations en difficulté parce que ce critère n’était pas suffisamment pris en compte. De ce fait, elles se retrouvaient contributrices de ces fonds de péréquation. Madame la ministre, quelle est votre position sur les pistes d’évolution ? Quels critères doit-on prendre en compte au niveau du prélèvement ?

Doit-on faire évoluer aussi les indices de reversement, étant entendu qu’une anomalie a été constatée cette année : la dotation du FSRIF a été prise en compte dans le potentiel financier des communes alors que les travaux du président Carrez avaient conduit à exclure toute dotation de péréquation de ce potentiel financier. Comment fait-on évoluer les dotations de péréquation pour les années futures ? Êtes-vous favorable à ce que le FSRIF ne soit pas la seule dotation de péréquation à prendre en compte pour le potentiel financier intercommunal agrégé ?

M. Philippe Le Ray. Le projet de loi de finances pour 2013 prévoit de faire participer les collectivités à l’effort de redressement des comptes publics. Les élus locaux sont prêts à accompagner les efforts demandés bien que la situation ne soit pas forcément simple sur de nombreux bassins de vie, avec la fusion en cours de nombreuses intercommunalités. Les dispositions proposées par le PLF risquent de contrarier la dynamique engagée par la loi sur la réforme des collectivités du 16 décembre 2010. Les fusions en cours verront les règles financières nettement modifiées avec la suppression de la bonification de dotations à l’intercommunalité, alors que, dans le passé, on tenait compte des CIF – coefficients d’intégration fiscale – les plus importants en cas de fusion.

Les économies d’échelle que l’on peut espérer de la rationalisation de la carte d’intercommunalité interviennent souvent quelques années plus tard. Ces fusions ont besoin de moyens.

Mieux vaudrait donc reporter les dispositions proposées au PLF 2014. Je demande pour ma part, à l’article 67, que soient maintenus dans l’article L. 5211-32-1 du code général des collectivités territoriales : au premier alinéa, le coefficient d’intégration fiscale le plus élevé en cas de fusion ; au troisième alinéa, la dotation par habitant la plus élevée en cas de fusion ; et, au quatrième alinéa, la dotation par habitant la plus élevée parmi les établissements préexistants.

Il convient aussi de revoir vos priorités concernant la DGF. Que direz-vous sinon aux élus qui travaillent depuis plusieurs mois sur des périmètres et des compétences ? Pour illustrer mon propos, je prendrai l’exemple du pays d’Auray à qui la fusion fait perdre 1,7 million d’euros. Les élus de tous bords sont donc en colère. Au reste, avez-vous consulté l’association des maires et l’assemblée des communautés de France ?

J’émets enfin un souhait concernant la DGF bonifiée : serait-il possible à l’avenir de prévoir un accompagnement supplémentaire pour les communes insulaires, dont les coûts de fonctionnement sont très élevés ? Le président Carrez a déjà œuvré sur ce dossier avec succès.

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée chargée de la décentralisation. Je vous remercie de vos observations, madame Pires Beaune. Nous œuvrons aujourd’hui à mettre en place l’autonomie fiscale. Nous allons travailler avec le Comité des finances locales. C’est donc pour le PLF 2014 que nous essayerons de mettre en place un dispositif qui la garantisse.

M. Gorges m’a interrogée à nouveau sur les emprunts toxiques. Je connais bien sûr le rapport de la commission d’enquête. Si j’ai indiqué que nous étions en train de chercher différentes solutions, parmi lesquelles la médiation, celle-ci n’est bien évidemment qu’un aspect des choses. Il faut aussi trouver une réponse pérenne, qui permette aux collectivités d’arriver à une solution convenable, le cas échéant par un système de moratoire.

M. Fauré m’a interrogée sur les critères à retenir pour la répartition du fonds de soutien aux départements en difficulté. J’ai, me semble t-il, déjà répondu en indiquant qu’un travail était en cours pour définir des critères objectifs, qui prendront en compte les spécificités des départements – et je connais bien celles de l’Ariège. Je sais aussi le poids des normes ; il en sera tenu compte.

Vous avez émis le vœu que le revenu par habitant soit pris en compte à hauteur de 50 %, au lieu de 20 % dans notre projet. Nous maintiendrons cependant ces 20 %, au moins dans un premier temps.

Je ne reviens pas sur les emprunts toxiques, sauf pour dire que lorsque la collectivité a conclu le contrat avec la banque, elle a signé. Pour autant, il aurait fallu que ce soit fait en toute connaissance de cause. C’est pourquoi j’ai rappelé que les banques doivent être à la fois des organes de conseil et des organes qui donnent les règles du jeu en toute transparence. Le signataire doit pouvoir vérifier celles-ci.

S’agissant de la fiscalité, nous considérons que les collectivités peuvent faire un effort, et que le taux de cet effort peut être porté à 0,75 %.

Nous sommes conscients, monsieur Poisson, des coûts que va représenter la demi-journée de scolarité supplémentaire en matière de transports ou de garde. Le ministre de l’éducation nationale les a lui-même évoqués. Nos services travaillent actuellement ensemble à les évaluer.

M. Goua m’interroge sur la répartition interne du fonds national de péréquation des ressources intercommunales et entre les EPCI et les communes. Il convient de rappeler trois dispositifs, qui sont maintenus dans le PLF. Il s’agit d’abord de celui de la répartition interne, dite de droit commun, qui s’applique en l’absence de délibération du conseil communautaire et qui prévoit bien une répartition entre l’EPCI et ses communes membres. Il s’agit ensuite du dispositif de la répartition dérogatoire, répartition qui est adoptée à la majorité des deux tiers du conseil communautaire, pour adapter la répartition interne aux spécificités locales. Il s’agit enfin du dispositif de la répartition dite libre, répartition qui est adoptée à l’unanimité du conseil communautaire ; seule cette dernière peut permettre à l’EPCI de conserver la totalité du reversement.

M. Moudenc m’a interrogée sur le futur statut des métropoles. Vous savez que le Président de la République s’est engagé à créer une métropole pour répondre aux problématiques spécifiques à l’agglomération marseillaise. Mais Lyon et d’autres grandes agglomérations connaissent aussi des problèmes spécifiques. Nous cherchons aujourd’hui à mettre en place les réponses les mieux adaptées aux problématiques des métropoles, qui ne devraient pas être les dispositifs de la loi de 2010.

M. Valax nous sommes pleinement conscients de la paupérisation des petites collectivités.

S’agissant de l’investissement public, permettez-moi de rappeler que le Gouvernement crée la Banque publique d’investissement, qui a spécifiquement vocation à soutenir les entreprises et qui viendra conforter les mesures prises en matière d’accès au crédit des collectivités territoriales.

Mme Rohfritsch m’interroge sur la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et sa répartition au sein des régions. Force est de reconnaître que le projet de répartition de l’association des régions de France n’est pas à la hauteur des enjeux : il ne permet de redistribuer que 12 millions d’euros, contre 26 millions pour le nôtre. La vérité est sans doute entre les deux. Il faut trouver la juste voie, et nous y travaillerons ensemble.

M. Pupponi m’interroge sur la prise en compte des dotations du FSRIF dans le potentiel financier agrégé des communes. Nous n’avons pu avancer plus avant sur ce point. Il vous faudra donc attendre un peu pour pouvoir faire des simulations.

Nous devons bien sûr œuvrer à une meilleure prise en considération de la particularité insulaire, monsieur Le Ray. Nous y travaillerons ensemble.

M. Patrick Mennucci. Dans le contexte de crise que connaît notre pays, il est impératif de renforcer comme vous le proposez, madame la ministre, la solidarité financière entre les collectivités – dont certaines sont en grande difficulté. Je pense à la ville de Marseille et à sa communauté urbaine. Je profite d’ailleurs de l’occasion pour saluer l’action de Mme Lebranchu, qui est venue hier, devant l’ensemble des maires du département, plaider pour la grande métropole des Bouches-du-Rhône que nous appelons de nos vœux pour sortir de cette situation.

La progression du FPIC – qui s’élèvera à 360 millions d’euros en 2013 – est un effort nécessaire, en parallèle à celui que l’État va consentir en renforçant la péréquation verticale via la dotation de solidarité urbaine et la dotation de solidarité rurale. Si la dotation du FPIC évolue comme la moyenne nationale, cela devrait représenter un apport supplémentaire de 7 millions d’euros pour la communauté urbaine de Marseille, Marseille Provence Métropole. Pouvez-vous me confirmer que ce calcul est exact ?

M. le président Gilles Carrez. Sur la base d’un FPIC passant de 150 à 360 millions d’euros.

M. Jacques Bompard. Les problèmes financiers de notre pays ne sont certes pas négligeables, mais d’autres éléments pèsent sur le développement des collectivités locales. Il en est ainsi du poids des pesanteurs administratives et des réglementations excessives, qui tend à freiner les travaux que certaines collectivités voudraient réaliser, si bien qu’ils peuvent prendre des années. Cela est dommageable pour l’ensemble de notre pays.

Mme Estelle Grelier. Je ferai trois observations, qui concernent le fonctionnement des intercommunalités.

J’insiste d’abord sur le nécessaire maintien des incitations financières aux fusions de communautés. Le PLF supprime toute incitation financière à la fusion à travers le nouveau mode de calcul du CIF, ce qui constitue une modification radicale des règles du jeu en pleine période de délibération des intercommunalités. L’élaboration des schémas de coopération intercommunale ayant donné lieu à des travaux souvent douloureux l’an dernier, cela risque de jeter un trouble dans les territoires concernés. Même si tous les projets de fusion ne sont pas dictés par les seules considérations financières, il ne faut pas se leurrer : un certain nombre de récalcitrants ont été convaincus par les hypothèses présentées par les préfets, qui étaient fondées sur ces incitations financières. Même s’il y a des effets d’aubaine, le moment ne me semble donc pas opportun pour les supprimer. Bref, il y a un juste équilibre à trouver.

Ma deuxième observation porte sur la recherche d’une plus juste répartition territoriale de la CVAE entre le siège et les unités de production. Il s’agirait de pouvoir consolider les cotisations des entités d’un même groupe, avant de les répartir entre l’ensemble de celles-ci, pour moins pénaliser les territoires industriels, sachant que cela n’aurait pas d’incidence sur la pression fiscale.

Enfin, il est important de clarifier l’interprétation de la loi en cas de retrait d’une commune d’un EPCI à fiscalité unique pour en intégrer un autre doté du même régime, notamment s’agissant du calcul de l’attribution de compensation.

M. Pascal Cherki. Je comprends l’attachement de nos collègues des territoires ruraux au maintien de la péréquation. Mais, même si celle-ci est une nécessité, il convient de se poser la question de sa soutenabilité. Disons-le clairement : sans un effort important d’investissement, notre pays risque d’entrer en récession. Or la plus grande partie de l’investissement public est portée par les collectivités locales, notamment par les grandes villes.

Les investissements s’élèvent à 17 milliards d’euros dans le budget de l’État, et à 1,7 milliard dans celui de la Ville de Paris. Avec un budget de moins de 8 milliards d’euros, celle-ci réalise donc 10 % du montant total des investissements de l’État. Si l’on agrégeait ceux de toutes les grandes villes, on constaterait que ce sont aujourd’hui les collectivités locales qui portent l’investissement dans notre pays. Si la péréquation n’est pas soutenable – et je parle notamment du FPIC –, nous risquons de porter directement atteinte aux dépenses d’investissement. Le problème doit donc être abordé dans sa globalité. Dans ce domaine aussi, il faut que le changement, ce soit maintenant !

M. le président Gilles Carrez. Cela me rappelle les débats de l’an dernier : nous étions partis d’un FPIC à 250 millions d’euros pour arriver à 150 millions en CMP… Nous verrons ce qu’il en sera cette année.

M. Pascal Popelin. Je salue comme mes collègues l’augmentation des dotations de péréquation, qui marque un vrai changement. Il reste cependant beaucoup de travail à faire sur les critères de répartition. La tâche n’est guère aisée, tant le nombre de paramètres à prendre en compte est élevé.

François Pupponi a donné un exemple pour les communes. Permettez-moi de vous en donner un concernant les départements. En 2011, la Seine Saint-Denis a perçu 191 millions d’euros de DMTO, quand les Hauts-de-Seine en percevaient 471 millions. Les dépenses de solidarité, qui sont des dépenses obligatoires, s’élevaient cette année-là à 766 euros par habitant en Seine Saint-Denis, contre 534 euros dans les Hauts-de-Seine. Malgré cela, le conseil général de la Seine Saint-Denis contribue au fonds national de péréquation des DMTO, à hauteur d’environ 15 millions d’euros en 2011. Si rien ne change, cette contribution est appelée à monter en charge dans les prochaines années, car la péréquation est aveugle et ne tient pas compte du niveau des dépenses obligatoires des départements. Je sais qu’une réflexion est engagée, mais je forme le vœu que le Gouvernement soit attentif à l’amendement que nous déposerons avec quelques collègues pour commencer à atténuer les effets de ce système absurde.

M. Jean-Jacques Bridey. Nous constatons que s’opère au travers des schémas départementaux de coopération intercommunale un véritable travail de redistribution et d’équilibre entre les territoires, à une exception près : la région d’Île-de-France. Au moment où elle s’apprête à connaître une mutation touchant aussi bien au foncier qu’à son dynamisme et à son aménagement, et alors que les coopérations intercommunales sont compétentes en matière d’aménagement, de déplacements, d’habitat et de développement économique, le Gouvernement entend-il supprimer cette exception francilienne et rendre obligatoire la carte intercommunale ? Nous avons vu dans le Val-de-Marne à quelles difficultés était confronté le préfet, malgré toute sa bonne volonté, pour progresser vers un véritable schéma départemental de coopération intercommunale.

Si votre réponse est positive, comme je le souhaite, je vous poserai deux questions subsidiaires. Comment travailler, au travers de ce schéma départemental, à des périmètres plus pertinents en termes de bassins d’emploi et de bassins de vie, et plus compatibles avec les enjeux qui sont ceux de la région d’Île-de-France? Au vu de cette redéfinition des périmètres, des assouplissements pourront-ils être introduits pour permettre aux collectivités territoriales membres d’une intercommunalité d’en rejoindre une autre ?

Les intercommunalités sont déjà compétentes en matière d’habitat, avec les programmes locaux de l’habitat – les PLH –, de déplacements avec les plans locaux de déplacement – les PLD. À quand l’extension de ces compétences à l’urbanisme, avec les plans locaux d’urbanisme – les PLU ?

Mme Monique Rabin. S’ils se félicitent de l’augmentation de la péréquation, on sent poindre chez nombre d’intervenants une critique de la stabilité des dotations aux collectivités territoriales. Je me réjouis donc que nous ayons repoussé les amendements – notamment celui de M. Bertrand – visant à faire baisser la masse globale des dotations sur le fondement de l’argument « moins d’argent, moins de dépenses ». Pour faire vivre nos collectivités locales, pour qu’elles continuent à investir, qu’elles participent à la croissance et à l’emploi, il faut en effet des moyens. Je vous remercie, madame la ministre, d’avoir su donner du sens à votre propos, autour du pacte de confiance et de solidarité.

Il nous reste cependant à rationaliser. À cet égard, nous avons pris date ce matin pour le PLF 2014. Il est fondamental que la péréquation soit mieux pensée, plus juste, et prenne mieux en compte l’effort fiscal. Ainsi, dans le sud de la Loire-Atlantique, certaines communes n’ont pas augmenté leurs taux depuis douze ou quinze ans, ce qui est insupportable pour celles qui consentent un effort fiscal significatif.

Il nous faut également inciter aux fusions de collectivités. Notre collègue Estelle Grelier a déjà insisté sur l’importance de ne pas changer les règles du jeu en cours de route. De plus, les fusions de collectivités sont un gage de rationalisation des dépenses et de meilleure compréhension du territoire.

J’appelle également de mes vœux une analyse plus fine des charges. Il nous faut changer de logiciel de pensée. L’environnement compte désormais beaucoup dans la vie publique. Les coûts sont par exemple considérables pour les communes dont le territoire est situé à 60 % ou 65 % en zone humide. Nous devons donc faire évoluer les différents critères.

Mes collègues ont déjà longuement parlé du coût des normes. Il y a là un moyen de faire faire des économies substantielles à toutes les collectivités, grandes ou petites.

Je vous donne donc rendez-vous pour le PLF 2014.

M. Jean-Louis Gagnaire. Vous avez apporté un début de réponse sur la question de la résorption des prêts structurés, en évoquant la médiation et le moratoire. Pour ma part, je m’inscris dans la ligne de Jean-Pierre Gorges : il faut rentrer dans le « dur » de la négociation. La commission d’enquête présidée par Claude Bartolone, dont j’étais membre, n’a pas conclu à la nécessité de créer une structure de défaisance. Il n’empêche qu’il faut soulager les collectivités et les centres hospitaliers, nombreux à être concernés. Seule une négociation collective à laquelle l’État apporterait son concours permettra de sortir de ces situations inextricables et potentiellement dangereuses.

Je viens d’une région riche, contributrice, et je réaffirme le principe de solidarité et d’équilibre entre les territoires. En même temps, il faut être conscient qu’à l’intérieur même d’une région considérée comme riche, il peut y avoir des territoires qui connaissent des difficultés. L’ouest de la région Rhône-Alpes n’est pas comparable à sa partie est et aux départements frontaliers : il faut en tenir compte lorsqu’on parle de péréquation. En effet, les zones en reconversion ne sont pas dans la même situation que les autres. N’oublions pas que, depuis la réforme de la taxe professionnelle, les régions n’ont plus d’autonomie financière : par conséquent, le régime en vigueur peut avoir de lourdes conséquences sur l’investissement. À cet égard, je pense à l’acquisition de matériel ferroviaire : si les régions suspendent leurs commandes de matériel ferroviaire, l’industrie ferroviaire française sera la première à en pâtir. S’agissant de ma région, ce sont 300 millions d’euros de matériel qui pourraient faire l’objet d’un moratoire.

Enfin, un arrêt de la Cour de cassation du 20 septembre a ouvert une brèche dans le versement transport des entreprises en faveur des syndicats mixtes. Il faut résoudre l’affaire au plus vite par un texte spécifique, à moins que nous ne profitions de la loi de finances. Selon cette jurisprudence, seuls les EPCI – et non les syndicats mixtes – pourraient percevoir des versements transport. Un syndicat mixte constitué autour de Bourges devra par exemple rembourser trois ans de versements transport ! Au moment où nous nous lançons dans la création de syndicats mixtes, notamment sur les pôles métropolitains et les régions, il y a urgence à légiférer.

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée chargée de la décentralisation. Monsieur Menucci, la réponse est positive en ce qui concerne les sept millions d’euros que vous avez évoqués.

Monsieur Bompart, comment ne pas être d’accord avec vous à propos du poids excessif des procédures ? Dans bien des domaines, en effet, elles ne contribuent qu’à allonger les délais et à alourdir les coûts, ce qui nous renvoie au problème des normes.

L’incitation financière à la fusion des collectivités locales, madame Grellier, a entraîné un important effet d’aubaine, qu’il a été nécessaire de corriger dans le PLF. Nous nous y sommes donc employés tout en veillant à favoriser les fusions d’intercommunalités de manière à ne pas laisser de côté les collectivités les plus petites. Je milite beaucoup, quant à moi, pour que les nouvelles intercommunalités répondent à un objectif primordial : celui de construire ensemble un vrai projet de destin et non de s’associer pour des raisons simplement financières.

J’ajoute que nous avons essayé de répondre à la problématique particulière que vous avez évoquée – qui n’est d’ailleurs pas unique – à travers une disposition incluse dans le PLFR pour 2012.

Monsieur Cherki, vous avez raison : il est nécessaire de soutenir l’investissement public et vos observations méritent globalement d’être suivies.

Monsieur Popelin, une question prioritaire de constitutionnalité a été déposée par le département de Seine-Saint-Denis à propos de sa contribution au fonds de péréquation des DMTO. Même si le Conseil constitutionnel a jugé que la répartition était valide, nous sommes toutefois conscients que des charges doivent être prises en compte et nous sommes prêts à retravailler sur un éventuel amendement.

En ce qui concerne l’équilibre entre les territoires, monsieur Bridey, l’exception francilienne ne peut, bien entendu, être indéfiniment maintenue. Il conviendra de travailler d’autant plus à cette question que la loi de 2010 a écarté la problématique de la petite couronne. Nous devrons donc retrouver une solution cohérente pour l’ensemble de cette région en tenant compte des problèmes très spécifiques qui s’y posent.

Je remercie Mme Rabin pour avoir souligné l’importance du pacte de confiance et de solidarité et combien il importera, s’agissant de la péréquation, de travailler dans le PLF pour 2014 sur différents critères, dont celui de l’effort fiscal – lequel devra être révisé – et celui de l’écologie, l’un et l’autre devant être pris en compte dans le cadre plus global du développement durable.

Monsieur Gagnaire, je ne reviens pas sur la question des prêts structurés. Nous savons combien ils sont nécessaires pour aider les collectivités et les hôpitaux, qui ont d’ailleurs beaucoup souffert même s’ils ont été soutenus par la Caisse des dépôts et consignations. J’en suis consciente, nous devons définir des critères de solidarité entre les territoires mais également au sein d’un même territoire : la région Rhône-Alpes en est un bel exemple.

Toutes les régions ont été très largement confrontées au problème d’acquisition des matériels ferroviaires. Plus encore, certaines d’entre elles ont eu des difficultés à prendre en charge la gestion des voies ferrées, mais elles ont accepté de le faire dans des conditions parfois délicates. Nous travaillons à ce problème mais je signale que la CDC a mis en place une enveloppe thématique dédiée avec un taux d’intérêt privilégié.

Enfin, s’agissant du versement transport perçu par les syndicats mixtes, nous travaillons à la résolution harmonieuse du problème posé par une jurisprudence.

M. le président Gilles Carrez. Je vous remercie, madame la ministre, monsieur le président Urvoas, messieurs les rapporteurs, chers collègues, pour avoir participé à l’examen de cette mission particulièrement importante.

M. le président  Jean-Jacques Urvoas. J’ai eu grand plaisir à vous entendre, madame la ministre, répondre de manière rapide et précise aux questions posées. Je souhaite que vous soyez un exemple pour vos collègues, tant certains d’entre eux se montrent plus bavards et moins précis.

M. le président Gilles Carrez. Je suis tout à fait d’accord.

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée chargée de la décentralisation. Je vous remercie.

La réunion de la commission élargie s’achève à douze heures dix .

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