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Assemblée nationale

commission élargie

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

Commission du développement durable
et de l’aménagement du territoire

(Application de l’article 120 du Règlement)

Jeudi 31 octobre 2013

Présidence de M. Dominique Baert,
vice-président de la Commission des finances,
et de M. Jean-Paul Chanteguet,
président de la Commission
du développement durable.

La réunion de la commission élargie commence à quinze heures cinq.

projet de loi de finances pour 2014

Politique des territoires

M. Dominique Baert, président. Jean-Paul Chanteguet, président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, et moi-même sommes heureux d’accueillir Mme Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement, pour examiner, en commission élargie, les crédits du projet de loi de finances pour 2014 consacrés à la mission « Politique des territoires ».

Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que, cette année, l’ensemble des missions serait discuté en commission élargie, procédure destinée à favoriser les échanges aussi interactifs que possible entre les ministres et les députés.

Selon les règles des commissions élargies, le rapporteur spécial et le rapporteur pour avis prendront la parole les premiers pour une durée de cinq minutes, sous forme de questions adressées aux ministres. Les porte-parole des groupes s’exprimeront ensuite à raison de cinq minutes chacun. Tous les députés qui le souhaitent pourront enfin interroger la ministre, la durée de leurs interventions étant limitée à deux minutes.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. J’ai hâte d’entendre nos rapporteurs Michel Vergnier et Alain Calmette. 

M. Michel Vergnier, rapporteur spécial. Il est vrai que, par son volume de crédits – 282,9 millions d’euros en autorisations d’engagement et 295,3 millions de crédits de paiement en 2014 –, la mission « Politique des territoires » fait figure aujourd’hui de petite mission, mais son ancrage dans l’architecture budgétaire devrait être renforcé dans le prochain budget pour 2015. En baisse de 8 % par rapport à 2013, la mission prend sa part de contribution au redressement de nos comptes publics.

L’année dernière, madame la ministre, dans les mêmes circonstances, vous nous aviez présenté pour 2013 un budget de transition. En 2014, celui-ci entre dans une phase plus opérationnelle, avec des crédits finançant des actions nouvelles, issues des réflexions menées tout au long du premier semestre de cette année. La généralisation de l’expérimentation « Plus de services au public », en fait partie, avec près de 13 millions d’euros en AE destinés à favoriser la création d’espaces mutualisés d’offre de services publics. Si je soutiens pleinement la démarche, permettez-moi de rappeler que son succès ne tient pas seulement aux moyens financiers. Les moyens humains, qui recouvrent tant la qualité de l’accueil que la formation des personnels sur place, sont des aspects essentiels auxquels il faut réellement veiller.

Pouvons-nous nous appuyer sur des expérimentations évaluées préalablement ? Quels contours dessinent-elles ?

Autre mesure emblématique, la création du Commissariat général à l’égalité des territoires – le futur CGET. Celui-ci regrouperait les services de la DATAR, de l’Agence nationale de la cohésion sociale et de l’égalité des chances, et du Secrétariat général du comité interministériel des villes. L’objectif de cette création est d’en finir avec la dichotomie entre urbain et rural, qui a marqué la conduite des politiques en faveur des territoires ces dernières années, et de doter l’État d’une structure lui permettant de concevoir ces politiques de façon plus globale et donc plus cohérente. La DATAR, administration rattachée aux services du Premier ministre, bénéficiait pourtant déjà d’un statut interministériel censé lui permettre de conduire ses missions avec la même transversalité que celle recherchée aujourd’hui. Précisons qu’au sein du CGET, le pôle ville restera bien identifié, un préfigurateur délégué ayant même été nommé au côté du préfigurateur de la DATAR.

Dans ces conditions, pouvez-vous nous éclairer sur la plus-value que vous attendez de la création du CGET pour la conduite des politiques menées en faveur des territoires ? Quelle sera l’articulation de cette instance avec le Haut Conseil des territoires tel qu’il est prévu dans le projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, si ce dernier est adopté ? Quel sera son impact sur la présentation budgétaire de la mission l’année prochaine : renforcement ou disparition par intégration dans une mission existante ?

Les zonages sont un sujet de préoccupation partagé. Vous avez engagé, et vous avez eu raison, une réflexion pour les faire évoluer – je pense notamment aux ZRR (Zones de revitalisation rurale) et aux AFR (Aides à finalité régionale). Où en est cette réflexion ? Un calendrier a-t-il été défini ? Quelle méthode de concertation comptez-vous mettre en œuvre pour ne laisser personne de côté ?

J’en profite pour saluer la décision du Gouvernement de reconduire pour 2014, à niveau de crédits constant – près de 40 millions d’euros –, la prime à l’aménagement du territoire (PAT). En dépit des critiques récurrentes de différents corps de contrôle, en particulier la Cour des comptes et la mission d’évaluation sur les aides aux entreprises, cette prime joue un rôle essentiel dans le soutien à l’emploi dont le Gouvernement a fait une de ses priorités. J’attends l’assurance que des progrès suffisants ont été effectués dans le suivi de l’octroi de cette prime et dans le contrôle a posteriori de la réalisation des projets financés. En cas de contrôle négatif, comment faire en sorte que la prime n’ait pas été versée pour rien ?

Comme beaucoup d’entre nous ici, j’attache une importance particulière aux mesures assurant à tous nos territoires un égal accès aux nouvelles technologies de l’information et de la connaissance : vous menez, en collaboration avec la ministre de l’économie numérique, le pilotage du plan national de déploiement du très haut débit. Comment envisagez-vous d’informer les différents acteurs de la conduite du dispositif ?

Je souhaiterais également évoquer l’avenir de l’Agence française pour les investissements internationaux (AFII), dont le travail d’accompagnement des entreprises étrangères souhaitant investir en France contribue au maintien de plus de 12 000 emplois par an en moyenne, et ce en dépit de restrictions budgétaires particulièrement fortes. Entre 2010 et 2015, l’Agence verra en effet ses subventions versées par l’État diminuer de 17 %, passant de 23,8 à 19,7 millions d’euros. Dans quelle mesure les missions de l’AFII seront-elles facilitées par le rapprochement envisagé avec Ubifrance ? Ses moyens seront-ils en adéquation avec l’objectif d’atteindre mille décisions annuelles d’investissement étranger à l’horizon 2017, contre 700 en moyenne actuellement, et d’accueillir chaque année 300 entreprises non encore implantées en France ?

Enfin, pour la création des pôles territoriaux de coopération économique (PTCE), confirmez-vous la méthode d’appel à projet, alors que celle-ci a déjà montré toutes ses limites et qu’elle engendre nombre d’inégalités ? Comment éviter ces écueils ?

M. Alain Calmette, rapporteur pour avis de la commission du développement durable. La création d’un ministère de l’égalité des territoires symbolise la volonté du Gouvernement de lutter contre la fracture territoriale qui s’est aggravée ces dernières années. Un changement d’approche et d’outils opérationnels nécessite une réflexion approfondie et partagée pour redéfinir les axes d’une politique tournée vers l’objectif d’égalité des territoires, et ce dans le contexte budgétaire que l’on connaît.

La mission « Politique des territoires » ne représente que 5 % de l’engagement financier de l’État en faveur de l’aménagement du territoire. Dans la logique de la création du Commissariat général à l’égalité des territoires, la fusion de cette mission avec la mission « Égalité des territoires, logement et ville » permettrait d’avoir une déclinaison budgétaire plus lisible et cohérente d’une partie des programmes traitant de la politique des territoires.

Le programme 162 « Interventions territoriales de l’État », dit PITE, est conçu comme un outil financier regroupant dans un programme unique l’ensemble des crédits consacrés à une politique territoriale interministérielle donnée. Ainsi, le PITE ne crée pas de dépenses supplémentaires pour l’État. Dans ce cadre, quatre actions sont inscrites cette année. Ce programme présente l’intérêt de pouvoir intégrer de nouvelles actions, comme celles dont les préfets de région ont été chargés par le ministère de l’intérieur en 2012. À cet égard, je regrette que le dossier « Dynamisation de la filière bois en Auvergne-Limousin-Bourgogne », qui est le plus avancé, ne soit pas inclus dans le PLF 2014, contrairement à ce qui avait été indiqué l’année dernière lors de cette même commission élargie. Compte tenu de son intérêt et de son état d’avancement, est-il encore possible de l’intégrer ?

Pour 2014, le programme 112 initie de nouveaux outils mieux adaptés. Ce sont d’abord les contrats de plan État-régions pour la période 2014-2020, qui font suite aux contrats de projets. Espérons que ce changement sémantique illustre une autre approche de l’aménagement du territoire, abandonnant une logique de compétition entre territoires au profit de l’accompagnement d’une stratégie régionale équilibrée. Sachant que les inégalités territoriales sont souvent plus affirmées au sein même des régions qu’entre régions, je forme le vœu que ces CPER soient conçus comme des outils de résorption des inégalités infrarégionales, notamment à travers les volets territoriaux.

D’un point de vue général, il faudrait progressivement rompre avec la logique libérale de l’appel à projet qui crée parfois des inégalités supplémentaires alors qu’il est censé les réduire : faute de moyens et d’ingénierie, certaines collectivités ne peuvent y répondre, si bien que les territoires les plus fragiles en sont souvent exclus.

Autre bonne nouvelle pour l’année 2014 : la création du Commissariat général à l’égalité des territoires. Nous nous félicitons de cette création qui permettra une meilleure mobilisation des moyens en dépassant le clivage habituel entre urbain et rural, et en prenant en compte des zones périurbaines souvent déstructurées et sans repère.

S’agissant du milieu rural, et compte tenu du contexte budgétaire, il conviendrait, à l’image de l’évolution prévisible de la politique de la ville, de concentrer les efforts sur les zones les plus fragiles qui cumulent les handicaps : déprise démographique, enclavement, retrait des services publics.

Le Commissariat général à l’égalité des territoires devra revisiter les outils opérationnels d’aménagement du territoire, et notamment la politique de zonage. Les zonages de la politique de la ville vont être revus et simplifiés ; le zonage des aides européennes à finalité régionale va également évoluer. Quant aux zones de revitalisation rurale, une concertation va être lancée en vue d’une évolution de ce dispositif, dont on a bien vu la nécessité au cours de l’été 2013. Par ailleurs, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire vient de créer une mission d’information sur ce sujet, dont je serai le co-rapporteur avec M. Jean-Pierre Vigier, député de la Haute-Loire.

J’en viens au numérique qui participe de façon essentielle à l’égalité des territoires. Les redéploiements du très haut débit resteront dynamiques en 2014 : 57 % de la population concentrée dans les 3 400 communes les plus denses seront fibrées sur fonds propres des opérateurs privés. Ailleurs, les collectivités locales seront mises à contribution avec un fort soutien de l’État, qui interviendra dans le cadre du plan « France très haut débit ». Vingt milliards d’euros seront ainsi investis au cours des prochaines années. À cet égard, il faut se féliciter de l’effort de péréquation de l’État, dont le taux de soutien varie entre 33 % et 62 %, avec un appui renforcé aux territoires les plus ruraux où l’habitat est dispersé.

Les territoires ruraux attendent beaucoup d’une meilleure prise en considération de leurs besoins dans notre pays. Reviennent, en particulier, de façon récurrente les sujets de l’aménagement numérique, mais surtout de l’accès aux services publics – élément incontournable d’un cadre de vie acceptable – ainsi que de l’attractivité des territoires. Un deuxième volet de l’approfondissement de la décentralisation est annoncé, intitulé « loi de mobilisation des régions pour la croissance et l’emploi et de promotion de l’égalité des territoires ». Certains aspects de ce texte ont à voir avec la mission qui nous intéresse aujourd’hui. Dans quelle mesure la problématique fondamentale de l’accès aux services publics y sera-t-elle traitée ? Ce projet de loi contiendra-t-il des dispositions de nature à renforcer l’égalité territoriale ?

Mme Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement. Je remercie MM. les rapporteurs d’avoir souligné que, pour limité qu’il soit, le budget de la mission « Politique des territoires » a un fort effet de levier sur les territoires. C’est d’ailleurs dans cet état d’esprit que j’ai proposé de maintenir en 2014 le dispositif de la prime à l’aménagement du territoire (PAT), qui a vocation à soutenir des initiatives privées et à maintenir l’emploi dans les entreprises. S’agissant d’une aide directe, cette prime constitue un outil fort utile en période de crise puisqu’il permet à la DATAR qui instruit les dossiers d’être très réactive. En lien étroit avec le ministère du redressement productif, le ministère de l’égalité des territoires s’efforce d’affermir la vocation territoriale de la PAT, d’en faire un outil de structuration des territoires et de renforcement du tissu en ciblant en priorité les PME. Ce ciblage renforcé est l’évolution la plus significative que je souhaite imprimer à ce dispositif, en cohérence avec l’évolution du zonage AFR, dont les modalités d’application seront modifiées en 2014.

Le Commissariat général à l’égalité des territoires, dont je salue le préfigurateur M. Éric Delzant, permettra de mettre en cohérence les interventions de l’État sur les territoires, trente ans après le début de la décentralisation. Les outils que l’État avait conservés avaient certes une utilité mais, au lieu d’être utilisés à des fins de co-élaboration et de soutien aux dynamiques territoriales, ils étaient concentrés sur certains territoires ou certaines problématiques. Le CGET aura pour mission d’œuvrer à la réduction des inégalités territoriales et des inégalités infrarégionales qui se sont accrues ces dernières années. Cette mission, il la remplira en appuyant certains projets, en travaillant sur la nouvelle génération des contrats de plan État-régions qui sera caractérisée par deux éléments importants : les volets territoriaux, dont une partie est dédiée aux territoires meurtris ou plus fragiles vis-à-vis desquels la solidarité nationale doit s’exercer ; la transition énergétique et écologique des territoires, pour laquelle l’association de l’État et des différentes collectivités sera décisive.

S’agissant du zonage ZRR, le bug de cet été était la conséquence d’une concertation sur les critères avec l’ensemble des associations d’élus, dont l’impact direct et l’effet de masse potentiel sur certains territoires n’avaient pas été mesurés. La concertation se poursuivra sous l’égide de la DATAR et de mon ministère, et une mission inter-inspections va être lancée pour éviter que de telles révisions de zonage n’aboutissent à malmener des territoires. Devrait également être soumise à réflexion la possibilité d’une sortie progressive du système que la loi ne prévoit pas. Une phase intermédiaire pourrait se révéler opportune pour des territoires qui, ayant bénéficié du dispositif, sont en train de s’inscrire dans une dynamique autonome. Or une telle phase est impossible aujourd’hui : nous avons choisi de maintenir le dispositif dans son intégralité pour l’année 2014, afin de ne pas risquer de voir basculer des territoires qui avaient utilement bénéficié du dispositif pendant ces années. Nous devons avoir cette réflexion sur la nécessaire évolution du dispositif et sur la question de la sortie progressive, et nous souhaitons qu’un consensus se dégage, même s’il est toujours compliqué à obtenir.

Le rapprochement entre l’AFII et Ubifrance ne met pas en péril la mission d’attractivité des territoires. L’AFII a été chargée de rechercher des entreprises internationales dans des domaines en rapport avec les territoires ruraux à des fins de développement. C’est ainsi que le vaste travail engagé par le Gouvernement autour de la filière bois peut trouver des prolongements dans des partenariats à l’international. Le démarchage des entreprises en lien avec les activités des territoires ruraux n’était certes pas inscrit au patrimoine culturel commun des deux agences, mais c’est un aspect sur lequel travaillons. Nous nous attachons également à leur faire intégrer que la mission d’attractivité concerne tous les territoires, quelles que soient leurs spécificités. Il est inimaginable que l’attractivité de nos seules métropoles puisse être un facteur de développement durable et soutenable pour l’ensemble de notre pays. Si une attention particulière doit effectivement être portée aux métropoles, nous devons également être très conscients de la complémentarité et des potentialités autonomes de développement de territoires qui peuvent apparaître aujourd’hui comme délaissés. Nous ne pouvons pas considérer que les territoires ruraux ou hyper-ruraux, voire les villes moyennes n’aient qu’un statut récréatif ou de seconde zone. Il est essentiel que chaque territoire ait les moyens et les capacités de son développement, et nous y travaillons.

Je m’étais d’ailleurs engagée devant vous, l’année dernière, à travailler sur la problématique spécifique des bourgs ruraux. Le travail arrive à son terme et il fera l’objet d’une communication du Premier ministre. De même que, à une échelle différente bien sûr, l’ANRU intervient sur les quartiers relevant de la politique de la ville, nous devons agir contre la nécrose et la déprise des bourgs ruraux, qui placent certains territoires dans des situations malaisées et leurs élus dans une très grande solitude. Cela implique de traiter les questions d’ingénierie globale, y compris en matière d’habitat, et l’appui à ces territoires.

S’agissant des pôles territoriaux de coopération économique, les deux rapporteurs ont souligné les limites de l’appel à projet. Celui-ci n’est pas au cœur de la mission « Égalité des territoires, logement et ville », nous lui avons préféré des dispositifs très ouverts. Néanmoins, nous l’avons choisi comme une première étape. Ces pôles territoriaux de coopération vont permettre d’appuyer des dynamiques naissantes sur les territoires – à condition, effectivement, que ces dynamiques existent. Si nous constatons que le dispositif peut aller plus loin, nous le ferons. Les PTCE sont d’ailleurs inscrits dans le projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire comme un nouveau mode d’irrigation du territoire, en complémentarité avec les pôles de compétitivité. C’est une autre logique qui fonctionne, qui donne des résultats, et qui permet aux PME de tisser beaucoup de relations sur le territoire.

La présence des services publics est un élément primordial dans l’amélioration de la qualité de vie quotidienne des populations, qui figure parmi les objectifs majeurs que je me suis fixés. Le Gouvernement a poursuivi le travail autour du dispositif « Plus de services au public », qui a fait l’objet d’une évaluation positive. Après la phase d’expérimentation, nous devons passer à la généralisation d’un maillage de services publics sur l’ensemble du territoire, en intervenant selon deux modalités. Il faut d’abord se fonder sur le deuxième projet de loi porté par Marylise Lebranchu, qui introduit un schéma de services publics départementaux et s’appuie sur une vision territoriale, et non plus en silos – opérateur par opérateur, service public par service public –, à l’origine de bien des dégâts. Après avoir travaillé sur une carte et un maillage à l’échelle du territoire, nous inviterons les collectivités qui le souhaiteront à participer à l’établissement des schémas départementaux avant que la loi ne les y oblige. C’est une nouvelle méthode de travail législatif que nous expérimentons déjà dans le cadre de la loi ALUR s’agissant de la garantie universelle des loyers. Le travail ainsi mené avec les départements volontaires viendra nourrir utilement la discussion parlementaire qui suivra. Outre les conseils généraux, nous discutons également avec l’ensemble des opérateurs que je réunirai lundi 4 novembre avec, à l’ordre du jour, la généralisation des maisons de services au public et l’établissement d’un calendrier de travail pour la création et l’alimentation du fonds consacré à la mise en œuvre de ces maisons. J’échangerai également avec eux sur les limites et les bénéfices de la mutualisation.

L’idéal serait d’avoir une maison de services au public au moins dans chaque chef-lieu de canton, de manière à instaurer une véritable proximité. Celle-ci serait assurée par une présence humaine et par l’accès au haut débit ou au très haut débit et aux nouveaux usages du numérique. Tout le sens des schémas départementaux d’accès aux services publics est de reposer non pas sur la carte électorale ou sur une quelconque carte existante, mais sur un maillage pertinent qui permet de répondre aux difficultés géographiques et d’accès rencontrées par les usagers. C’est aussi de basculer d’une logique opérateur par opérateur à une logique de lien entre habitants et services publics en mixant présence humaine et généralisation des guichets vidéonumériques qui permettent d’avoir accès directement à un interlocuteur de l’opérateur demandé de bon niveau, sans avoir besoin de parcourir des kilomètres.

Si nous nous engageons avec succès dans cette démarche, nous répondrons à un enjeu majeur : celui du retour des services publics. Il s’agit non pas de revenir à un modèle antérieur, mais de construire l’avenir, en tirant le meilleur parti du maillage à très haut débit, d’une part, et en rapprochant physiquement les services publics des citoyens, d’autre part. Nous avons cru, à tort, que l’accès individuel aux services publics depuis le domicile de chacun grâce au très haut débit constituerait une solution. Or, un rapport du Conseil économique, social et environnemental l’a montré : le contact humain est indispensable. Nous devons développer les maisons de services au public qui permettent d’insuffler une nouvelle vie dans les territoires où elles s’installent, notamment dans les bourgs ruraux. La simple présence, au cœur d’un bourg, d’un bâtiment sur lequel figurent les logos de plusieurs services publics, fait toute la différence.

S’agissant de l’action « Dynamisation de la filière bois en Auvergne-Limousin-Bourgogne », elle sera inscrite au PITE non pas en 2014, mais en 2015.

Les grandes orientations en matière de déploiement du très haut débit ont été annoncées par le Président de la République le 20 février dernier. L’objectif est de couvrir l’ensemble du territoire le plus rapidement possible et, au plus tard, d’ici à dix ans. Le total des investissements publics et privés s’élèvera à 20 milliards d’euros. Un tiers de ce montant sera consacré aux zones denses, où le déploiement sera financé exclusivement par les opérateurs privés. L’État veillera à ce que les opérateurs respectent les engagements qu’ils ont déjà pris à cet égard. Un autre tiers concernera les zones moins denses, où le déploiement sera cofinancé par les opérateurs, les collectivités territoriales et l’État. Le derniers tiers sera dédié aux zones les moins denses, en particulier aux territoires hyper-ruraux, où le déploiement sera pris en charge par l’État et les collectivités territoriales.

Dans les zones peu denses, la participation de l’État sera modulée selon un mécanisme de péréquation très favorable aux territoires ruraux : elle représentera 33 à 62 % du financement public en fonction des départements – la moyenne s’établissant à 50 %. En outre, une bonification permettra de prendre en compte les contraintes spécifiques des outre-mer. Un bonus sera également accordé aux projets pluridépartementaux. Au total, d’ici à 2017, 4,3 milliards d’euros de financements publics seront mobilisés pour le déploiement du très haut débit.

Par ailleurs, Claudy Lebreton, président de l’Assemblée des départements de France, m’a remis un rapport sur les usages du numérique. Il me paraît essentiel que les collectivités territoriales puissent anticiper ces usages.

M. Jean-Yves Caullet. La recherche de l’égalité entre les territoires procède non seulement d’un impératif de justice, mais également d’un souci d’efficacité collective : nous devons donner des moyens aux territoires, afin qu’ils soient en mesure de contribuer à la performance globale de la nation. C’est à ce titre qu’ils revendiquent à bon droit l’accès aux services essentiels, en particulier aux services publics et à l’offre de soins.

La création du CGET est une excellente nouvelle : elle va permettre d’améliorer la cohérence des politiques menées. Il est cependant nécessaire de stabiliser les dispositifs, afin que l’ensemble des acteurs puisse se les approprier ; des changements trop fréquents sont nuisibles. Par ailleurs, je suis très satisfait que les CPER intègrent à nouveau une dimension stratégique et rompent avec une certaine mise en concurrence des territoires, qui paralyse ceux d’entre eux qui n’ont pas la capacité de faire émerger assez rapidement des projets.

Quant aux technologies numériques, elles doivent être développées en priorité dans les territoires où elles permettent de lever des facteurs limitants. De même, c’est en priorité dans les zones rurales isolées qu’il convient de rapprocher les services publics des citoyens. Cela réduira les déplacements individuels et améliorera le bilan carbone. Ce que vous avez dit à ce sujet est très juste, madame la ministre : il convient de privilégier un accès collectif aux services publics, et non un accès depuis le domicile de chacun. C’est essentiel tant pour le lien social que pour le dynamisme des bourgs qui forment l’armature du territoire national. Ce raisonnement vaut également pour le télétravail : les expériences individuelles en la matière se sont souvent soldées par des échecs en raison de l’isolement social et technologique des intéressés. À l’opposé, le regroupement des télétravailleurs dans des bourgs où ils peuvent trouver un meilleur accès aux nouvelles technologies renforce en même temps la cohésion sociale.

S’agissant de l’action « Dynamisation de la filière bois en Auvergne-Limousin-Bourgogne », je comprends les contraintes qui s’imposent à nous en 2014 et me réjouis, du reste, de son inscription au PITE en 2015. Mais il ne faudrait pas que le projet pâtisse d’une année d’attente. L’État et les collectivités territoriales disposent probablement des moyens suffisants pour maintenir la mobilisation autour de ce projet.

Enfin, les collectivités territoriales ne pourraient-elles pas, en mutualisant leurs moyens, assurer certaines missions des sous-préfectures ?

M. Claude de Ganay. Nous sommes nombreux à représenter les territoires ruraux au sein de cette commission élargie. Malgré nos divergences politiques, nous pouvons nous accorder sur un point : dans beaucoup de nos territoires, les populations se sentent abandonnées, en marge du développement et du progrès. Les choix économiques et fiscaux du Gouvernement ne font d’ailleurs qu’amplifier ce sentiment. De plus, les élus locaux s’inquiètent pour l’avenir financier de leurs collectivités : le PLF pour 2014 prévoit une baisse des dotations aux collectivités territoriales de 1,5 milliard d’euros, dont une grande part – 800 millions d’euros – sera supportée par les communes.

En réalité, deux France se côtoient : une France métropolitaine, qui concentre environ 40 % de la population et produit les deux tiers du PIB, et une France de la périphérie, majoritairement rurale, qui regroupe 60 % de la population et produit un tiers du PIB. Or un constat s’impose : notre politique des territoires est en panne. Il est urgent d’agir !

Certes, le problème ne date pas d’aujourd’hui, mais les politiques que mène actuellement le Gouvernement ne contribuent guère à réduire cette fracture – pas plus la politique des territoires que les autres.

Le précédent gouvernement avait adopté, dès 2010, une série de mesures ambitieuses s’inspirant des préconisations du comité interministériel d’aménagement et de développement du territoire. Allez-vous poursuivre cette dynamique, madame la ministre ? J’en doute. Malgré l’urgence, la lutte contre les fractures territoriales ne semble pas constituer une priorité de votre gouvernement.

Ainsi, les autorisations d’engagement de la mission « Politique des territoires » baisseront de 281 millions d’euros en 2014. En deux ans, elles auront diminué de 17 % ! C’est bien le signe que votre politique manque d’ambition. La baisse de 18 % des crédits de l’action « Développement solidaire et équilibré des territoires », en particulier, ne laisse pas de nous inquiéter. Ces crédits financent en effet l’amélioration de l’accès des citoyens aux services publics, notamment dans les zones rurales.

J’alerte également nos collègues sur le financement insuffisant du plan de développement des maisons de santé en milieu rural : les crédits de paiement qui doivent permettre le règlement d’une partie des engagements réalisés entre 2011 et 2013 ne seront reconduits qu’à hauteur de 1,9 million d’euros en 2014, alors que 6 à 7 millions auraient été nécessaires.

En outre, la DATAR prévoit que le taux de réalisation des objectifs de création d’emplois des bénéficiaires de la PAT s’établira à 58 % en 2014, contre 71 % en 2013. Elle impute cette baisse à la conjoncture. Mais ne conviendrait-il pas plutôt de définir plus rigoureusement les objectifs de la PAT, pour rendre cette politique plus cohérente et la doter d’une véritable stratégie ?

Enfin, l’extension des zones AFR, telle qu’elle est prévue pour juillet 2014, n’est pas assez ambitieuse : ces zones ne concerneront que 21 % de la population française, alors qu’elles devraient englober la totalité de la France de la périphérie, même si la Commission européenne s’y oppose. Cela apporterait à nos entreprises l’appui dont elles ont besoin dans le contexte économique actuel.

Pour ce qui est de la réforme de la DATAR, opérateur pivot de la politique des territoires, nous ne pouvons qu’approuver la création du CGET, qui regroupera, outre celle-ci, le Secrétariat général du comité interministériel des villes et l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances.

En tant qu’élu local, je suis parvenu à mutualiser un certain nombre de politiques dans le cadre intercommunal. L’objectif était d’améliorer le service rendu aux citoyens tout en réduisant les coûts de fonctionnement au profit de l’investissement. Hélas, nous constatons une tendance contraire en ce qui concerne le programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire » : les dépenses d’intervention passeront – en autorisations d’engagement – de 235 millions d’euros en 2013 à 219 millions en 2014, alors que les dépenses de fonctionnement augmenteront dans le même temps. Vous réussissez là un véritable tour de force ! Je sollicite d’ailleurs votre commentaire sur ce point, madame la ministre.

Quant au programme 162 « Interventions territoriales de l’État », il est marqué par le même manque d’ambition. En particulier, la baisse des autorisations d’engagement de l’action « Eau - Agriculture en Bretagne » par rapport à 2013 n’est pas justifiée. En effet, il est indispensable de continuer à protéger la population contre la pollution des eaux par les nitrates et d’accompagner les professionnels bretons concernés.

En définitive, ce budget ne permettra ni de redynamiser les territoires ruraux, ni d’assurer un développement équilibré et solidaire des territoires, que ce soit en matière d’emploi ou d’accès de nos concitoyens aux services publics et à l’offre de soins. C’est pourquoi le groupe UMP ne votera pas les crédits de la mission « Politiques des territoires ».

M. Thierry Benoit. Le budget de la mission « Politique des territoires » – environ 300 millions d’euros – peut sembler modeste, mais ce sont des crédits stratégiques, dont l’effet de levier est réel ! Quant à leur diminution, hélas inéluctable, elle doit nous inciter à travailler autrement.

La création du CGET va dans le bon sens : à l’instar de vos prédécesseurs, madame la ministre, vous mettez de l’ordre dans les services de l’État. Mais quel sera l’impact de cette réforme au niveau local ? On retire de nos débats l’impression qu’il existe de très nombreux outils pour accompagner les territoires ruraux : en matière d’accès aux services publics et à l’offre de soins, de mobilité, d’énergie ou encore de développement économique. Mails la réalité dans nos territoires est bien différente : il y a donc beaucoup de perte en ligne ! Que comptez-vous faire, madame la ministre, pour améliorer la visibilité, la lisibilité et l’efficacité de la politique des territoires ? L’important est de répondre aux préoccupations concrètes du terrain.

Le zonage AFR sera revu en détail au niveau régional. Ce travail impliquera notamment les préfets de région et les présidents de conseils régionaux. Pouvez-vous préciser la manière dont il sera conduit ?

Lors de son audition, hier, le ministre de l’intérieur a évoqué la modernisation de l’action publique. J’en retiens qu’il y aura peu de changements pour ce qui est des sous-préfectures au cours du quinquennat. Quel doit être, selon vous, le rôle de l’État dans le domaine de l’urbanisme, notamment pour l’application du droit des sols et l’instruction des permis de construire ? Quelles sont vos propositions de modernisation en la matière ?

S’inscrivant dans la continuité de son prédécesseur, le Premier ministre a évoqué le plan de développement des maisons de santé en milieu rural. Disposez-vous des crédits nécessaires pour financer ce plan ? Comment comptez-vous coordonner l’action des agences régionales de santé – qui accompagnent les professionnels de santé et les élus dans l’élaboration des projets – et les préfets de région – qui accordent les crédits nécessaires à la réalisation de ces projets ?

Par ailleurs, comment comptez-vous articuler les crédits de la mission « Politique des territoires » avec les fonds européens, les CPER et les contrats de pays ?

Enfin, allez-vous confier la conduite de l’action « Eau - Agriculture en Bretagne » au conseil régional de Bretagne ?

M. Denis Baupin. Les élus des circonscriptions urbaines se soucient également de l’égalité des territoires.

Le groupe écologiste se réjouit de la création du CGET en 2014, ainsi que de la relance des CPER. Nous sommes très attachés à cette forme de contractualisation, qui conforte le chef de filat des régions. En outre, les CPER peuvent être un outil très efficace au service de la transition écologique et énergétique. Ils peuvent notamment favoriser le développement des transports collectifs, la production des énergies renouvelables ou les politiques d’efficacité énergétique. Les territoires sont les moteurs de la transition énergétique. C’est d’ailleurs dans les pays fédéraux que cette transition progresse le plus vite. De plus, les territoires défavorisés ont souvent des atouts à faire valoir en matière de production d’énergie éolienne, solaire, marine ou tirée de la biomasse. À cet égard, je rejoins M. Caullet sur l’importance de la filière bois : c’est le potentiel le plus important dans notre pays pour le développement des énergies renouvelables. Enfin, le développement des « écoterritoires » permet de lutter contre l’étalement urbain.

Notre politique énergétique actuelle nous conduit à dépenser près de 70 milliards d’euros par an pour importer des énergies fossiles. Si nous réorientions une partie de cet argent pour l’investir dans les politiques d’efficacité énergétique dans nos territoires, nous serions doublement gagnants ! Cela nous permettrait notamment de créer des emplois non délocalisables.

Dans les territoires insulaires, en particulier en Corse, nous avons atteint le maximum de ce que nous pouvons faire en matière de production d’électricité d’origine renouvelable compte tenu des limites imposées par les réseaux électriques. Pourtant, le potentiel de développement des énergies renouvelables est important en Corse. Il conviendrait de desserrer cette contrainte.

Enfin, nous aurons à examiner prochainement le projet de loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine. Il est tout à fait légitime de faire évoluer le zonage sur lequel s’appuie la politique de la ville. Toutefois, cela ne doit pas nous conduire à négliger certains quartiers, y compris à Paris : la suppression des dispositifs relevant de la politique de la ville aggraverait la situation sociale dans ces quartiers et nuirait à leur attractivité. Je me permets d’appeler votre attention sur ce point, madame la ministre.

M. Frédéric Reiss. Les objectifs du programme 112 sont tout à fait pertinents : soutenir la compétitivité et l’attractivité des territoires ; accompagner les mutations économiques tout en renforçant la cohésion sociale ; concevoir une action publique efficace en matière d’aménagement du territoire. Cependant, le budget de ce programme ne permettra ni de redynamiser les territoires ruraux, ni d’assurer un développement équilibré et solidaire des territoires. Je regrette en particulier la diminution des crédits consacrés à l’amélioration de l’accès de nos concitoyens aux services publics et à l’offre de soins.

Plusieurs principes doivent guider la politique des territoires : la décentralisation ; une concertation approfondie avec les régions ; le travail interministériel. À cet égard, les élus locaux ont bien compris les contraintes, mais aussi les avantages, qui résultent de l’adaptation, voire de la révision des schémas de cohérence territoriaux.

Vous accordez à juste titre une grande importance, madame la ministre, au déploiement du très haut débit, afin de réduire la fracture numérique. En revanche, vous n’avez guère évoqué les transports en commun, dont l’absence peut être tout aussi problématique. Or l’État s’est désengagé de certains projets d’infrastructures de transport qui avançaient pourtant bien. Ainsi, le contrat de projets entre l’État et la région Alsace pour les années 2007 à 2013 prévoyait la rénovation d’une voie ferrée dans le nord de la région. Sur un budget total de 24 millions d’euros, l’État devait contribuer à hauteur de 8 millions, mais il n’a pas tenu parole. Grâce à la mobilisation de la région Alsace et de Réseau ferré de France – qui sont parvenus à réunir 10 millions d’euros, auxquels s’ajoutera un million supplémentaire débloqué par le ministre des transports –, la première tranche de travaux pourra finalement être lancée en 2014. Il est d’autant plus indispensable de rénover cette ligne qu’elle dessert les entreprises Vossloh – spécialiste mondial en matière d’infrastructures ferroviaires – et Alstom – constructeur des rames Régiolis ! Dans ce dossier, comme dans d’autres, le travail interministériel est – je le répète – un impératif.

Enfin, je signale qu’une expérimentation, très suivie au niveau national, est actuellement conduite dans ma circonscription : les deux sous-préfectures qu’elle comporte ont été placées sous la direction d’un seul sous-préfet. D’une manière générale, on ne saurait trop insister sur l’importance de la présence de l’État au niveau local, en particulier pour les maires des petites communes.

Mme Gisèle Biémouret. Lancés en 2005, les pôles d’excellence rurale (PER) ont permis de réaliser des projets d’investissement locaux en fédérant les acteurs publics et privés.

Deux générations de PER se sont succédé. Au titre de la première, entre 2006 et 2012, 379 projets ont été labellisés. Très peu d’entre eux ont été abandonnés. La deuxième génération de PER a été lancée à la fin de l’année 2009 et 263 projets ont été retenus. Leur mise en œuvre s’achèvera en 2015, c’est-à-dire à la moitié du quinquennat.

Ce dispositif a répondu aux attentes en matière de développement économique des territoires ruraux et de maintien des services au public. Il a suscité des investissements publics utiles au développement des territoires. Ainsi, dans le département du Gers, les neufs projets labellisés ont eu des retombées significatives. Toutefois, les appels à projet ont mis les territoires en concurrence.

Quelle part des crédits dédiés à la seconde génération de PER a été engagée à ce jour, madame la ministre ? Envisagez-vous d’évaluer les PER ? Le Gouvernement a-t-il l’intention de renouveler ce dispositif ? Le cas échéant, ne conviendrait-il pas de définir des thématiques plus précises ou de fixer l’échelle pertinente de ces projets pour mieux les répartir ?

M. Yannick Favennec. Je souhaite, à mon tour, souligner l’attachement de l’UDI aux territoires ruraux, qui représentent 80 % du territoire national et sont occupés par 11 millions de nos concitoyens. Ces territoires, qui bénéficient pourtant d’une démographie dynamique depuis plusieurs décennies, ont le sentiment d’être abandonnés par les politiques publiques nationales.

La modeste enveloppe consacrée à cette mission – 300 millions d’euros – en est la meilleure preuve. Les crédits déjà dérisoires sont en baisse alors que, vous l’avez reconnu, madame la ministre, leur effet de levier est important pour les territoires ruraux.

Ces crédits sont insuffisants au regard des besoins en matière de services publics de proximité, d’accès aux soins et d’outils de télécommunications. Sur ce dernier point, je souhaite vous interpeller sur la dégradation manifeste de l’accès à la téléphonie mobile. En Mayenne, l’impossibilité de téléphoner suscite le mécontentement croissant de nombreux élus locaux et habitants de communes et de cantons qui sont mal desservis, voire pas du tout.

Alors que le déploiement de la 4G est annoncé à grands renforts de publicité, certains territoires n’ont pas encore accès à la 3G. Or, la couverture du réseau de téléphonie mobile comme la couverture numérique sont des facteurs incontournables d’attractivité et de développement économique dont les territoires ruraux ne peuvent légitimement pas être privés.

Quelles mesures entendez-vous prendre pour éviter une fracture numérique entre les zones urbaines et rurales ? Comment comptez-vous solliciter les opérateurs de téléphonie et les associer à l’aménagement du territoire ?

S’agissant des zones de revitalisation rurale, l’article 78 du projet de loi de finances prévoit le recentrage de l’exonération des cotisations employeurs relative à l’embauche de salariés au sein d’organismes d’intérêt général et d’associations. Cette disposition a pour conséquence une diminution de 25 % des aides à ces emplois en zone rurale et un manque à gagner de 30 millions d’euros pour les associations qui créent pourtant du lien social. Quel est avenir des zones de revitalisation rurale dont vous semblez annoncer une réforme dans la future loi de décentralisation ? Peut-on imaginer la création de zones franches rurales sur le modèle des zones franches urbaines ?

Vous souhaitez l’installation d’une maison de services au public par chef-lieu de canton. Mais s’agit-il des cantons actuels ou de ceux qui survivront à la réforme du scrutin départemental ?

Mme Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement. Monsieur Caullet, comme vous le savez, le PITE relève du ministère de l’intérieur. En revanche, mon ministère est mobilisé en faveur du développement de la filière bois. Nous entendons notamment travailler sur ses débouchés en promouvant le bois comme matériau de construction.

En matière de transports, la multimodalité et l’accès aux transports en commun les plus proches, y compris les transports à la demande en territoires ruraux, sont des sujets essentiels sur lesquels nous travaillons, avec la SNCF notamment. Nous devons saisir les opportunités et être attentifs aux expérimentations qui sont menées.

Je souhaite souligner à quel point l’abondement de l’Agence de financement des infrastructures de transport est décisif pour l’amélioration du réseau ferroviaire secondaire qui souffre d’un déficit chronique d’investissement. Au-delà des débats qui nous occupent actuellement, le financement des infrastructures et ses modalités – la contribution du transport routier au financement des transports en commun, par exemple – sont un sujet crucial pour les territoires.

Par ailleurs, au-delà de l’exercice des missions de l’État, les préfectures sont aussi des lieux de médiation, d’accueil et de structuration du territoire. Cet aspect ne doit pas être mésestimé, j’ai eu l’occasion de le dire au ministre de l’intérieur.

Monsieur de Ganay, les crédits du programme 112 pour 2014 – 245,9 millions en autorisations d’engagement – correspondent à l’exécution en 2012. Il me semble donc abusif de parler de baisse. En outre, les dépenses de fonctionnement sont stables entre la loi de finances de 2013 et le PLF pour 2014. Enfin, une part significative des crédits n’apparaît pas dans le projet de loi de finances : 415 millions d’euros de crédits dédiés à l’égalité des territoires et à la transition écologique figurent en effet dans le deuxième plan d’investissements d’avenir au titre des territoires à énergie positive et de la ville durable – cette notion générique recouvrant aussi les territoires ruraux. La question des territoires à énergie positive suscite de nombreuses initiatives locales qui sont bénéfiques pour tous : collectivités territoriales, entreprises et habitants.

Monsieur Benoit, vous avez souligné l’ordre mis au sommet de l’État. Je vous en remercie d’autant que ce qualificatif est rarement accolé à mon action …

Cette nouvelle organisation répond d’abord à la volonté d’adapter les structures à la réalité, à savoir que des problèmes similaires se posent aux territoires ruraux et aux territoires dépendant de la politique de la ville, par exemple l’accès aux services publics ou aux services de santé. Elle a vocation à améliorer le dialogue entre l’État et les collectivités locales et à coordonner les différentes interventions. L’État doit conserver sa mission de solidarité envers les territoires qui en ont le plus besoin tout en encourageant la déclinaison territoriale d’objectifs communs.

Monsieur Baupin, vous avez également approuvé la création du CGET. Je me félicite des nombreuses appréciations positives que celui-ci recueille. Elles s’expliquent probablement par le fait que cette structure rompt avec la vision de la DATAR, davantage centralisatrice, en prenant en compte les compétences désormais développées par les collectivités.

Les prochains CPER sont sous-tendus par un objectif stratégique pendant toute la durée du contrat, là où les précédents contrats, dans leur exécution, ont privilégié une approche strictement budgétaire.

La définition de cinq axes stratégiques, parmi lesquels la transition écologique et énergétique et les mobilités multimodales, permettra à l’État de nouer un dialogue stratégique avec les collectivités locales. Les CPER intégreront les priorités européennes en y ajoutant des priorités nationales et parfois régionales. L’attribution de la gestion des fonds européens aux régions participe de la même logique que celle qui préside à ces contrats : l’État définit une stratégie partagée sur l’ensemble du territoire tandis que sa déclinaison territoriale est portée par les acteurs locaux.

Le calendrier est connu : les préfets et les présidents de conseils régionaux doivent remettre un document stratégique en février 2014. La négociation et la rédaction des contrats s’engageront au printemps en vue d’une signature à l’été 2014.

Monsieur Reiss, j’ai entendu avec plaisir vos propos sur l’utilité des SCoT et des PLU intercommunaux. Ces derniers permettront que les collectivités territoriales se saisissent pleinement de la compétence d’application du droit des sols (ADS) et que celle-ci soit mieux exercée.

Cette compétence est théoriquement résiduelle pour l’État depuis 1982. Nous souhaitons la faire évoluer afin qu’elle soit exercée au plus proche des territoires tout en maintenant une compétence régalienne de l’État. Celui-ci doit ainsi soutenir les territoires les plus fragiles et vulnérables. Il doit également intervenir en appui à l’élaboration des documents d’urbanisme, notamment pour les intercommunalités rurales, à l’instar du club PLUi. Enfin, le Centre d’expertise pour les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (CEREMA) offre une compétence d’ingénierie rare dont de nombreuses collectivités ne peuvent pas se doter.

Si l’État doit assumer ses missions que je viens de rappeler, les collectivités territoriales doivent aussi exercer pleinement leur compétence en matière de droit des sols. Je rappelle que 40 % des communes ne sont couvertes par aucun document d’urbanisme et sont donc régies par le règlement national d’urbanisme. Les EPCI comptant moins de 10 000 habitants sur leur territoire conservent la compétence ADS car les communes n’ont pas les moyens de l’exercer.

S’agissant des zones franches rurales, je crois être la ministre la plus richement dotée en zonages, avec le logement et les territoires ruraux. Ce sujet est complexe car, par nature, le zonage exclut et favorise les effets d’aubaine. Il me semble préférable de chercher les outils capables d’appréhender la variété des territoires et de leurs problématiques – je pense au plan très haut débit dans lequel la mutualisation joue à plein pour les territoires en difficulté ou pour les territoires spécifiques comme la montagne ou les outre-mer – plutôt que d’inventer de nouveaux zonages.

Le dispositif de zones de revitalisation rurale sera maintenu en 2014, mais sa prochaine révision sera l’occasion de réfléchir, entre autres sujets, aux modalités de sortie du dispositif, aujourd’hui trop brutales. On peut imaginer une possibilité de sortie en sifflet et un appui plus ou moins fort selon les territoires. Nous devons moduler l’intervention de l’État en fonction de la sensibilité des territoires ou de difficultés exceptionnelles qu’ils traverseraient. Ce sujet n’est pas nouveau pour le ministère puisqu’il a en charge la revitalisation des zones de défense.

Cinquante nouvelles maisons de santé ont été créées en 2013, ce qui porte leur nombre à 300 depuis le début du programme. Là encore, il n’y a pas de réponse univoque pour tous les territoires. L’État doit soutenir les initiatives locales plutôt qu’imposer un modèle à l’ensemble du territoire. Le plan de lutte contre les déserts médicaux, présenté par Marisol Touraine, fera l’objet d’une évaluation sur la base de laquelle d’éventuelles évolutions pourront être envisagées. À ce jour, nous nous en tenons au mécanisme incitatif que nous avons décidé.

Madame Biémouret, le Gouvernement assumera tous les engagements pris dans le cadre de la seconde génération de CPER pour les pôles d’excellence rurale : 114 millions d’euros sur les 154 prévus pour l’année 2013 sont déjà engagés. Les crédits inscrits pour 2014 permettront de répondre aux besoins des projets en cours de réalisation. Pour l’avenir, nous devons réfléchir à des dispositifs qui opposent moins les territoires. Nous devons peut-être sortir de la logique de l’appel à projet, car celle-ci peut fragiliser les territoires qui ne sont pas en mesure d’y répondre alors qu’ils pourraient utilement bénéficier du soutien aux dynamiques d’initiative locale.

La réunion de la commission élargie s’achève à seize heures vingt-cinq.

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