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Assemblée nationale

commission élargie

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

Commission des affaires culturelles
et de l’éducation

Commission des affaires étrangères

(Application de l’article 120 du Règlement)

Mardi 5 novembre 2013

Présidence de M. Dominique Baert,
vice-président de la Commission des finances,
de M. Patrick Bloche, président
de la Commission affaires culturelles
et de l’éducation,
et de Mme Pascale Boistard, secrétaire
de la Commission des affaires étrangères

La réunion de la commission élargie commence à vingt et une heures cinq.

projet de loi de finances pour 2014

Médias, livre et industries culturelles ;
Compte d’affectation spéciale « Gestion et valorisation
des ressources tirées de l’utilisation du spectre hertzien,
des systèmes et des infrastructures de télécommunications de l’État » ;
Compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public »

M. Dominique Baert, président. Avec Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, et Pascale Boistard, qui remplace Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères, je suis heureux de vous accueillir, madame la ministre de la culture et de la communication, pour vous entendre sur les crédits du projet de loi de finances pour 2014 consacrés à la mission « Médias, livre et industries culturelles » et sur les deux comptes spéciaux qui y sont associés.

Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que, cette année, l’ensemble des missions serait discuté en commission élargie, procédure destinée à favoriser des échanges aussi interactifs que possible entre les ministres et les députés.

Selon les règles des commissions élargies, le rapporteur spécial et les rapporteurs pour avis prendront la parole les premiers pour une durée de cinq minutes, sous forme de questions. Après la réponse de la ministre, les porte-parole des groupes s’exprimeront à raison de cinq minutes chacun. Tous les députés qui le souhaitent pourront enfin interroger la ministre, la durée de leurs interventions étant limitée à deux minutes.

M. le président Patrick Bloche. Au-delà de l’examen des crédits, les trois rapporteurs pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation ont souhaité apporter une contribution sur des thématiques particulières. Stéphane Travers, rapporteur pour avis pour les crédits de l’audiovisuel et pour le compte spécial « Avances à l’audiovisuel public », s’est ainsi intéressé aux stations régionales de France 3 ; Rudy Salles, rapporteur pour avis pour les crédits de la presse, à la presse quotidienne régionale, et Brigitte Bourguignon, rapporteure pour avis pour les crédits du livre et des industries culturelles, à la politique de développement de la lecture publique. Je les remercie pour leur travail ô combien utile !

Je vous prie d’excuser les membres de notre commission qui, à partir de vingt et une heure trente, participeront dans l’hémicycle à la suite de la discussion des crédits de l’enseignement supérieur et de la recherche pour 2014. Les parlementaires n’ayant pas le don d’ubiquité, nous essayons de gérer au mieux ces deux débats concomitants !

M. Jean-Marie Beffara, rapporteur spécial. Il est proposé dans le présent projet de loi de finances d’inscrire à la mission « Médias, livre et industries culturelles » 869,6 millions d’euros en autorisations d’engagement et 815,9 millions d’euros en crédits de paiement, soit des baisses respectives de 9,3 % et 9,6 % par rapport à 2013. Cette année encore, la mission prend donc toute sa part dans la maîtrise des dépenses publiques.

Je limiterai mon propos à deux sujets, celui de l’audiovisuel public et celui de la presse. Les autres points sont traités dans mon rapport.

Commençons par l’audiovisuel public et par France Télévisions en particulier. Brutalisée par la réforme de 2009, France Télévisions n’en finit pas de subir les répliques de décisions inconséquentes et irresponsables prises par le précédent gouvernement, décisions pour le moins improvisées et inappropriées dans un contexte économique en pleine mutation.

Je tiens, madame la ministre, à saluer votre volonté de poursuivre le rééquilibrage du financement entre dotations budgétaires et contribution à l’audiovisuel public. La hausse de 50 millions d’euros de cette contribution, conformément aux dispositions de la loi de finances rectificative de 2008 qui l’indexait sur l’inflation, compense partiellement la diminution de la dotation budgétaire à France Télévisions, qui passe de 255 à 114 millions d’euros pour l’année 2014.

Tout en faisant participer le groupe public aux efforts d’économie budgétaire, ces mesures permettent de garantir sur le long terme la pérennité du financement de France Télévisions et son indépendance.

Au cours de mon travail, j’ai pu mesurer les efforts de France Télévisions pour clarifie la ligne éditoriale de France Ô et faire évoluer celle de France 4. Je nourris néanmoins quelques inquiétudes au sujet de France 2, dont les audiences, notamment en avant-soirée, ne reflètent pas les ambitions qu’on est en droit d’attendre d’une grande chaîne généraliste et familiale. Concernant France 3, il me semble nécessaire de mieux affirmer la vocation régionale de la chaîne.

J’ai été satisfait de constater une amorce de réduction de la masse salariale au cours de l’année 2013. Cette bonne nouvelle contraste néanmoins avec le sentiment que je peux avoir à l’égard de la gestion de France Télévisions. Il se révèle en effet extrêmement difficile de lire la trajectoire budgétaire du groupe. J’ai notamment rencontré des difficultés pour connaître l’impact de certaines mesures budgétaires engagées, en particulier le coût de l’accord social signé en mai 2013. À terme, je comprends bien que cet accord doit entraîner des économies, mais, à ce jour, il m’est impossible d’en mesurer le coût financier et d’en estimer les retombées positives.

Cela me conduit, madame la ministre, à vous poser une première question : serait-il possible de connaître dans le détail les efforts de gestion que France Télévisions a entrepris, et plus particulièrement le coût de l’accord social dont la presse s’est fait l’écho dernièrement ?

Si le bilan de France Télévisions est pour le moins contrasté en matière de maîtrise des coûts, Arte France a entrepris, depuis deux ans au moins, tout en maîtrisant ses coûts de gestion, un véritable travail sur les contenus, notamment numériques, qui a eu comme conséquence une amélioration continue de l’audience. La baisse de 2 millions d’euros des ressources allouées à la chaîne ne me paraît pas, de fait, des plus opportunes.

Ne craignez-vous pas, madame la ministre, que cette diminution de la dotation française n’entraîne une baisse symétrique de la dotation allemande, ce qui s’apparenterait pour Arte à une double peine ?

J’en viens maintenant aux aides à la presse.

L’année dernière, j’avais évoqué la nécessaire remise à plat d’un système d’aides hétéroclites et juxtaposées qui ne facilitait pas la lecture du dispositif et en altérait sans doute l’efficacité. Je salue donc votre volonté, annoncée en juillet dernier, d’engager une réforme visant à améliorer la cohérence et la gouvernance de cette politique publique. La fusion des trois sections du fonds stratégique et la valorisation de la mutualisation permettront, sans doute, une plus grande fluidité des aides et plus d’efficacité dans l’utilisation de l’argent public.

Au sujet des nombreux problèmes liés à la distribution et à la diffusion que j’ai identifiés au cours de mes auditions, les acteurs du secteur ont tous des idées très précises mais proposent des solutions qui ne sont pas toujours convergentes. Malgré les nombreux rapports – celui du groupe de travail animé par Roch-Olivier Maistre, celui du député Michel Françaix, ou encore celui de la Cour des comptes –, des désaccords subsistent. C’est pourquoi votre annonce de la nomination prochaine d’un médiateur pour réfléchir avec l’ensemble des acteurs de la filière à la complémentarité des modes de diffusion de la presse va dans le bon sens. Ce dialogue doit être l’occasion, pour les acteurs, de se rassembler pour mener une réflexion industrielle sur la filière, seul moyen pour sortir par le haut de la crise actuelle.

À ce sujet, je souhaite attirer votre attention sur deux points.

D’abord sur la fin du moratoire sur l’aide postale, qui est un des sujets les plus sensibles. Sa mise en œuvre risque de conduire à une augmentation de 10 à 15 % du tarif postal, notamment pour la presse magazine, ce qui, dans un contexte déjà défavorable, menace gravement l’économie de la filière. Je souhaite que le dialogue orchestré par le futur médiateur se déroule dans les meilleures conditions. Afin de faciliter cette médiation, une mission sur le mode de calcul des tarifs postaux appliqués à la presse ne pourrait-elle pas être confiée à une autorité indépendante ?

Ensuite, de plus en plus de diffuseurs de presse disparaissent alors que le service commercial de proximité qu’ils proposent est essentiel à la diffusion de la presse et au maintien de la vitalité de nos territoires. Chaque année, le fonds de modernisation pour les diffuseurs de presse, abondé à hauteur de 4 millions, se révèle insuffisant pour faire aux demandes, et les marges consenties par les éditeurs sont elles aussi trop faibles. Ces questions devront, me semble-t-il, être examinées lors de la médiation qui s’engagera au cours de l’année 2014.

Les changements que l’émergence de l’Internet a imprimés à nos habitudes et à nos usages ont bouleversé les secteurs de la presse écrite et de l’audiovisuel. Ceux-ci devront engager des réformes pour adapter leur modèle économique. Je souhaite saluer ici l’action et l’engagement du Gouvernement à leurs côtés. L’accompagnement des pouvoirs publics est en effet essentiel pour réussir à relever ces défis.

M. Stéphane Travert, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour l’audiovisuel et les avances à l’audiovisuel public. Permettez-moi tout d’abord, en tant que rapporteur pour avis des crédits du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public », de rendre hommage aux journalistes de Radio France internationale, Ghislaine Dupont et Claude Verlon. Ce soir, nous pensons à eux, à leurs familles et à leurs collègues de France Médias Monde.

Le Gouvernement a choisi la voie du dialogue et de la responsabilité afin que l’audiovisuel public participe lui aussi à l’effort national de redressement des comptes publics. Pour autant, il convient d’être attentif à ce que cet effort n’affecte pas ses missions essentielles de service public et ne remette pas en cause les stratégies défendues par chacune des sociétés composant l’audiovisuel public français.

En ce qui concerne France Télévisions, l’exercice 2013 fait apparaître des motifs de grande préoccupation.

Les ressources propres se présentent en retrait sensible, avec une perspective de moins-values publicitaires, à ce stade de l’année, de 15 millions voire de 20 millions d’euros, par rapport au budget. Ce recul s’explique par un contexte globalement défavorable et par certains choix éditoriaux de la direction. On ne peut également que déplorer la perte par France Télévisions de la diffusion du tirage du loto, qui représentera un manque à gagner de plus de 10 millions d’euros par an.

Quant aux ressources publiques, à la fin de l’année, elles pourraient être en retrait de 31 millions d’euros par rapport au budget, en raison du cumul de la réserve de précaution et d’un surgel sur la dotation budgétaire destinée à compenser la suppression de la publicité après vingt heures dans le service public depuis 2009.

Il convient de rappeler que le plan d’affaires du projet d’avenant 2013-2015 au contrat d’objectifs et de moyens (COM) 2011-2015 de France Télévisions, qui a reçu un avis favorable des commissions en charge des affaires culturelles de l’Assemblée nationale et du Sénat, prévoit pour 2013 l’attribution à l’entreprise de l’intégralité des crédits votés en loi de finances initiale pour 2013, soit 2 501,8 millions d’euros. Madame la ministre, pouvez-vous indiquer quel pourrait être le sort de ces 31 millions d’euros gelés ?

Dans un contexte budgétaire pourtant contraint, le Gouvernement a décidé d’accorder à France Médias Monde les moyens nécessaires à l’enrichissement des grilles de programme, d’une part ; à la consolidation des antennes dans les zones d’influence prioritaires au Maghreb, en Afrique et au Moyen-Orient, d’autre part. Je m’en félicite, car les échos que nous avons de la gestion de l’entreprise par Mme Marie-Christine Saragosse sont excellents.

Cependant, afin que le Parlement puisse avoir une vision précise de la stratégie, des objectifs et des moyens mis en œuvre, dans quels délais pensez-vous pouvoir nous présenter un contrat d’objectifs ? L’adoption d’un COM, très attendue, aura également pour effet de nous permettre d’entendre la présidente lors de l’audition annuelle consacrée à l’exécution du contrat.

J’ai souhaité consacrer la partie thématique de mon rapport pour avis à la question de l’offre régionale du service public audiovisuel France 3.

Le projet d’avenant au COM de France Télévisions souligne à juste titre le caractère très limité de l’offre de service public régionale et locale, et la nécessité d’une réforme en profondeur de l’offre régionale de télévision publique. Je me réjouis vivement, et de nombreux collègues avec moi, que vous ayez décidé d’engager une réflexion poussée sur ce que doit être l’avenir de l’offre régionale de France 3, dans l’objectif d’apporter une réponse durable à cette question. À cet effet, vous avez confié une mission à Mme Anne Brucy. Pouvez-vous nous en dire plus sur la mise en place et le calendrier des travaux de cette mission ?

Élément fondamental de différenciation, car par définition ignoré des chaînes commerciales faute de rentabilité, l’exercice de la mission de proximité et de présence territoriale constitue un objectif incontestable du service public. Cette mission est d’autant plus nécessaire que les autres médias locaux – presse quotidienne régionale et chaînes locales privées – traversent une crise si grave que leur pérennité ne paraît pas garantie.

Pour son offre régionale de service public audiovisuel, la France a historiquement fait le choix d’un modèle très centralisé de chaîne nationale avec des fenêtres régionales : la chaîne des territoires. Alors même qu’un réseau de proximité mobilise nécessairement des moyens importants, les programmes dits « régionaux » sont diffusés dans des créneaux très limités et difficilement accessibles, qui ne leur permettent pas de rencontrer le public de manière satisfaisante.

Le moment est venu de refonder France 3, de retrouver la véritable identité de cette chaîne qui doit s’ouvrir sur nos territoires. Faute de réforme, se posera rapidement la question de l’existence d’un réseau de proximité et, plus largement, de la spécificité de l’offre du service public. Je propose d’inverser la logique actuelle et de faire de France 3 une chaîne régionale avec des décrochages nationaux, sur le modèle du réseau France Bleu, qui a su démontrer sa capacité à porter un modèle de proximité pérenne.

M. Rudy Salles, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour la presse. Vous le savez, madame la ministre, la presse écrite est engagée dans une spirale préoccupante. Les évolutions récentes montrent même une amplification de la crise qui laisse craindre les plus graves difficultés.

Lors de la campagne présidentielle, le Président de la République s’était engagé à « remettre totalement à plat les aides à la presse ». « Entendons-nous bien, » avait-il précisé, « il ne s’agit pas de les remettre en cause, mais de mieux les cibler vers le lecteur citoyen. » Force est de constater que vous proposez tout le contraire : les aides sont remises en cause dans leur montant sans être réformées ni même ciblées sur la presse citoyenne.

Dans le dossier de presse qui accompagne le projet de loi, vous indiquez que « la réforme des aides à la presse se met en place dès 2014 avec pour objectif de mieux accompagner les mutations rapides du secteur et de renforcer le ciblage des aides ». Cette affirmation est pour le moins surprenante car, hormis la fusion des trois sections du fonds stratégique, mesure de simplification certes bienvenue, je ne vois aucune réforme dans le présent projet de budget. Les indicateurs du programme le montrent clairement : rien n’est fait pour renforcer le ciblage des aides.

Rien n’est fait non plus pour « mieux accompagner les mutations rapides du secteur ». Pis, la diminution importante des aides se traduira inéluctablement par des arrêts de titres et des suppressions d’emplois.

Le projet de loi de finances prévoit en particulier une diminution brutale de l’aide au transport postal dans un contexte de fragilité extrême du secteur. Madame la ministre, quelle étude d’impact avez-vous réalisé avant de mettre fin au moratoire ?

À ce propos, je note que vous évacuez vers la mission « Économie » les crédits de l’aide postale, en diminution de 40 % alors qu’ils représentent la principale aide à la presse. Si ce n’est par les impératifs d’affichage des crédits de votre ministère, comment justifiez-vous ce revirement par rapport à la loi de finances pour 2013 ?

Dans le même temps, le soutien au portage régresse encore. En deux ans, la diminution atteint 20 %. Alors que le Président de la République s’est engagé à maintenir cette aide cruciale à 37,6 millions jusqu’en 2015, elle a été ramenée après les mesures de gel budgétaire à 28,3 millions d’euros en 2013, ce qui correspond à une diminution de 37 % par rapport à 2012 ! Madame la ministre, pouvez-vous confirmer que le montant de l’aide au portage pour 2013 sera conforme aux engagements pris par le Président de la République ?

En ce qui concerne l’accompagnement à la mutation numérique, la presse en ligne reste pénalisée par un taux de TVA de 19,6 %, qui passera à 20 % à compter de janvier prochain. À quelle échéance vous engagez-vous à ramener ce taux à 2,1 % ?

Le fonds stratégique pour le développement de la presse est présenté comme une « priorité budgétaire ». Madame la ministre, peut-on vraiment parler de priorité budgétaire s’agissant d’une aide dont 35,8 % des crédits sont gelés en 2013 et dont le montant a été réduit de plus de 20 % en deux ans ?

J’ai souhaité, dans le cadre de mon avis, faire un point sur la situation de la presse quotidienne régionale. Mon analyse fait apparaître que le système des aides à la presse n’est pas du tout favorable à cette famille de journaux, qui sont pourtant le premier vecteur d’information citoyenne et de proximité du pays.

Je me contenterai de quelques chiffres. L’Humanité, La Croix et Libération touchent respectivement 48, 32 et 27 centimes d’aide par exemplaire, Le Monde et Le Figaro 19 et 17 centimes, les hebdomadaires d’information politique entre 20 et 30 centimes. Les aides à la presse quotidienne régionale sont d’un niveau très inférieur, puisqu’elles se situent entre 4 et 7 centimes selon les titres. Fait remarquable, les titres de la presse quotidienne régionale sont moins aidés que les magazines de télévision. Comment comptez-vous remédier à cette répartition inéquitable des aides ?

Je montre également que les modalités de calcul de l’aide au portage sont inutilement complexes et provoquent des distorsions contraires à l’équité. Quelles mesures envisagez-vous pour rendre cette aide lisible et équitable ?

Que pensez-vous de l’idée de remplacer l’aide postale et l’aide au portage par une aide globale à la distribution, versée directement aux éditeurs et réservée à la presse d’information politique et générale ?

Enfin, vous avez l’an dernier supprimé brutalement l’opération « Mon journal offert ». Où en est votre réflexion sur la mise en place d’un nouveau dispositif d’accompagnement pour conquérir le lectorat jeune, défi majeur pour la presse ?

Mme Brigitte Bourguignon, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles, pour le livre et les industries culturelles. Étant donné le temps qui m’est imparti, je ne présenterai que les grandes lignes des crédits du programme 334 « Livre et industries culturelles ». Si, dans un contexte budgétaire contraint, celui-ci connaît une légère diminution – de l’ordre de 2 % – de ses crédits de paiements, il faut néanmoins souligner que l’essentiel des actions est préservé et que la majeure partie des subventions sont reconduites.

Le programme comprend deux actions. La première, « Livre et lecture », a pour objectif de favoriser le développement de la création littéraire, d’encourager la pratique de la lecture et de soutenir la chaîne du livre. Ce soutien passe par un opérateur de l’État, le Centre national du livre (CNL), dont le budget s’élèvera à 36,4 millions d’euros en 2013. Le CNL est chargé d’encourager la création, l’édition et la diffusion des œuvres littéraires et scientifiques. Ses actions ont été réorientées en faveur du développement numérique.

Le soutien à la chaîne du livre est marqué cette année par l’annonce d’un ambitieux plan d’aide à la librairie, ce dont je me félicite. Ce plan cible les aides vers deux domaines où les demandes sont les plus importantes : les besoins ponctuels de trésorerie des libraires et la transmission des fonds de commerce.

Alors qu’ils rencontrent aujourd’hui beaucoup de difficultés pour accéder au crédit bancaire, les libraires pourront, via l’Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC), disposer d’un fonds d’avances de trésorerie.

Quant aux transmissions de commerces, le fonds de soutien à la transmission, créé en 2008 et géré par l’Association pour le développement de la librairie de création (ADELC), sera renforcé. En effet, nombre de libraires partiront prochainement en retraite.

S’agissant de la valorisation et de l’encouragement à la pratique de la lecture, l’État soutient un maillage dense de bibliothèques sur tout le territoire et joue un rôle pilote par l’intermédiaire de deux bibliothèques nationales : la Bibliothèque nationale de France (BNF) et la Bibliothèque publique d’information (BPI).

Deux opérations mobilisent les crédits de la BNF.

La première est la rénovation du quadrilatère Richelieu. Pour cette opération estimée à 217,8 millions d’euros, 10,2 millions d’euros sont budgétés en 2014. Le programme « Livre et industries culturelles » participera à hauteur de 141,5 millions d’euros, le reste étant financé par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche. Je déplore que les dépenses de ce projet progressent régulièrement, notamment en raison de travaux imprévus de désamiantage. Prévu initialement à 211 millions d’euros en 2011, le montant global a augmenté de plus de 6 millions d’euros.

La seconde opération est la numérisation des œuvres détenues dans les collections de la BNF afin de les rendre accessibles au plus grand nombre. En juillet 2012, le projet « Gallica » en était à 1,8 million d’ouvrages numérisés.

La BPI bénéficie quant à elle d’une subvention pour charges de service public stable, à hauteur de 7 millions d’euros pour 2014. Depuis 2011, elle a engagé une démarche de rationalisation de ses dépenses, ce qui lui a permis un retour à l’équilibre budgétaire.

La seconde action de ce programme, « Industries culturelles », finance les politiques transversales en faveur du développement des industries culturelles, dont le cinéma, le jeu vidéo et la musique enregistrée, ainsi que la lutte contre le piratage des œuvres culturelles en ligne, par l’intermédiaire d’une autorité publique indépendante, la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (HADOPI). La forte diminution des crédits de paiement de cette action, de l’ordre de 15,3 %, est liée à la baisse de la subvention versée à la HADOPI. Elle ne doit pas occulter la reconduction des crédits en faveur de la musique enregistrée, du cinéma et du jeu vidéo : 1,8 million d’euros seront consacrés à la création musicale et 2,6 millions au secteur du cinéma.

En conclusion, madame la ministre, je souhaite vous interroger sur le plan de soutien à la librairie. Une partie des crédits du CNL, nous le savons, sera redéployée dans cette direction. Pourriez-vous néanmoins nous présenter plus en détail la répartition de ces crédits entre les mesures actées et les mesures à venir ? Dans le cadre de ce plan, quelle est la position du ministère quant à la situation des librairies « Chapitre » et à leur possible transformation en réseau de librairies indépendantes ?

M. Jean-Jacques Guillet, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour l’action audiovisuelle extérieure. Au moment d’aborder l’examen des crédits de l’action audiovisuelle extérieure, vous me permettrez d’avoir une pensée pour les deux journalistes, Ghislaine Dupont et Claude Verlon, qui ont trouvé la mort dans l’accomplissement d’un travail exemplaire de ce que peut être l’audiovisuel extérieur.

Il est incontestable que l’audiovisuel extérieur de la France, sous sa nouvelle appellation, France Médias Monde, se porte mieux depuis un an. L’audience cumulée hebdomadaire de TV5 Monde dépasserait 33 millions de téléspectateurs. Les audiences cumulées hebdomadaires s’élèvent à 45 millions de téléspectateurs pour France 24, à 40 millions d’auditeurs pour RFI, dont 25 millions en Afrique francophone, où elle constitue le média de référence, et à 8 millions pour MCD. Bien que moins connue en France, cette dernière chaîne a une influence très importante au Liban, en Syrie, en Égypte, dans les territoires palestiniens ou en Irak. Cependant, ces sociétés doivent affronter la concurrence de chaînes européennes à vocation internationale, notamment celle de la Deutsche Welle, qui toucherait 90 millions d’auditeurs, et celle évidemment de la BBC World Service, dont l’audience hebdomadaire s’élèverait à 192 millions de personnes.

France 24 souhaiterait opérer un « décrochage » de quelques heures en espagnol, afin d’accéder vraiment à l’Amérique latine, marché émergent dont l’importance n’est pas niable. L’Asie, région la plus peuplée et la plus dynamique au monde, mais très hétérogène au plan audiovisuel, pourrait constituer une autre priorité. RFI, quant à elle, voudrait développer une offre en bambara, langue parlée au Mali. On pourrait également souhaiter une présence de Monte Carlo Doualiya en France, où certains publics suivent d’autres médias en langue arabe, dont les messages et les valeurs peuvent parfois susciter des interrogations. Dans cette perspective, une diffusion de France 24 sur notre territoire serait également utile, par exemple en Ile-de-France sur la TNT. Pourriez-vous nous dire, madame la ministre, quelles suites seront données à ces projets ?

France Médias Monde, ex-AEF, a traversé une profonde crise de confiance et de gouvernance. La page semble tournée depuis l’arrêt de la fusion des rédactions et la nomination de Marie-Christine Saragosse en octobre 2012. Le climat social paraît s’être apaisé et toutes les opérations de déménagement et de réaménagement, qui avaient été très contestées, seraient achevées ou en passe de l’être. Partagez-vous le sentiment que la société semble maintenant être remise en ordre de marche ?

Reste la question de la convergence sociale au sein de l’entreprise. Les statuts sont en effet très différents à France 24, RFI et MCD. Pensez-vous que l’entreprise peut se permettre une harmonisation par le haut ? La Cour des comptes estimait le coût de la convergence à environ 4 millions : qu’en pensez-vous ?

Après deux échecs sous la précédente direction, pouvez-vous nous confirmer que le contrat d’objectifs et de moyens est enfin sur le point d’aboutir ?

Avec 1,6 million d’euros supplémentaires pour France Medias Monde, pour un total de 240,3 millions, 1,2 million supplémentaire pour TV5 Monde, pour un total de 76,2 millions, les crédits demandés pour 2014 sont très légèrement en hausse, ce qui est significatif dans un contexte budgétaire contraint. France Médias Monde espérait, pour sa part, au moins 6 millions d’euros de dotations publiques supplémentaires sur la période du COM pour financer ses projets de développement, en plus de ses propres économies et des redéploiements internes. Pouvez-vous nous dire, madame la ministre, quelles sont les perspectives au-delà de 2014 ?

M. le président Patrick Bloche. S’agissant des crédits de France Télévisions, il est incontestable que nous payons aujourd’hui le prix fort de la décision irresponsable, prise en 2008, de supprimer brutalement la publicité après vingt heures, ce qui provoque la perte de 450 millions d’euros de recettes publicitaires en soirée. C’est depuis cette date que l’État est sollicité, alors que les ressources de France Télévisions ne provenaient jusqu’alors que de la redevance et des recettes publicitaires.

Par ailleurs, je voudrais me faire l’écho des préoccupations exprimées par plusieurs de nos collègues sur deux points précis. Certains, notamment au sein de la commission des affaires étrangères, m’ont alerté sur la cessation des activités de l’Agence internationale d’images de télévision, l’AITV, frappée par un plan de départs volontaires concernant vingt-huit journalistes. Selon la direction, le déficit de l’Agence s’élèverait à 3,5 millions d’euros à la charge de France Télévision. L’entreprise indiquant cependant souhaiter que « le service rendu par l’Agence aux cinquante télévisions partenaires soit maintenu à travers un changement d’opérateur propre à lui offrir des perspectives nouvelles », ne faudrait-il pas envisager un transfert à France Médias Monde des activités de l’AITV ?

Enfin, le prélèvement de 20 millions d’euros sur la trésorerie de l’INA prévu par le projet de budget ainsi que l’ajournement de 55 millions d’euros de dotation que l’État s’était engagé à verser pour la réalisation d’un projet immobilier déjà ancien suscitent également l’inquiétude. Ne faudrait-il pas profiter de la négociation d’un nouveau COM l’année prochaine pour réfléchir à l’engagement d’un nouveau projet immobilier adapté aux nouvelles missions de l’INA à l’ère numérique ?

Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication. Vous avez souligné, monsieur Beffara, que le budget de la communication participait à l’effort de redressement des comptes publics. Je tiens néanmoins à souligner que certaines baisses ont un caractère purement facial puisqu’elles traduisent des transferts de crédits ou la fin de certains projets.

S’agissant de France Télévisions, nous voulons garantir l’indépendance de son financement en faisant reposer celui-ci sur des ressources propres plutôt que sur des subventions publiques. C’est la raison pour laquelle la baisse de 140 millions d’euros de la subvention de l’État est compensée par une hausse de la redevance, à hauteur de 134 millions d’euros. Il est beaucoup plus sain de financer l’audiovisuel public par la redevance, qui est une ressource moderne, dynamique, socialement juste et indépendante des aléas budgétaires.

En ce qui concerne l’identité des chaînes, J’ai tenu à préserver, dans le cadre des négociations autour de l’avenant au COM, la variété de l’offre de chaînes de France Télévisions, un des atouts de l’entreprise. J’ai confié à Anne Brucy, directrice régionale de France 3 Nord-Pas-de-Calais et ancienne directrice du réseau France bleu, le soin de réfléchir à l’avenir de France 3. Cette mission se mettra en place très prochainement et devrait achever ses travaux en mai 2014. Elle aura notamment à réfléchir sur la préservation de l’identité régionale de la chaîne.

S’agissant des missions de service public de France Télévisions, ma position n’a pas varié et elle est très claire : l’effort de 1,7 % sur trois ans demandé à l’entreprise devra être réalisé via une réorganisation en profondeur de l’entreprise et non au prix d’une remise en cause des missions fondamentales du service public de l’audiovisuel. C’est la raison pour laquelle, par exemple, nous avons maintenu le taux de 20 % de soutien à la création audiovisuelle ou de 3,5 % de soutien au cinéma.

L’accord salarial signé en mai 2013 au sein de l’entreprise était attendu depuis longtemps par des salariés jusqu’alors soumis à cinq statuts différents. Ces salariés relèveront désormais d’un statut unique, qui devrait faciliter le travail en équipes et permettre de réaliser des économies. En outre, cette nouvelle convention collective prend en compte l’évolution des métiers. Elle permettra enfin d’homogénéiser les évolutions salariales et d’harmoniser les temps de travail. Une telle évolution était souhaitable dans l’intérêt des salariés comme de l’entreprise et c’est la raison pour laquelle j’avais encouragé l’entreprise à avancer dans la voie du dialogue social.

S’agissant du dégel de la dotation budgétaire de 31 millions d’euros, nous y travaillons, monsieur Travert, et j’espère pouvoir vous l’annoncer très prochainement. Ce dégel est évidemment une condition sine qua non de la signature de l’avenant au COM.

Vous vous êtes inquiété, monsieur Salles, des difficultés engendrées par l’arrêt progressif du moratoire sur les aides postales et de la situation difficile des diffuseurs de presse. L’année dernière déjà, j’avais veillé à ce que ces derniers, qui avaient souffert de difficultés d’une gravité particulière, notamment du fait des grèves, bénéficient d’une aide exceptionnelle. Cette aide est maintenue cette année à hauteur de 4 millions d’euros. Il faut souligner la nécessité impérieuse d’augmenter la rémunération des diffuseurs de niveau 3. Il est en effet inacceptable que ces diffuseurs soient parmi les moins rémunérés d’Europe alors que notre pays soutient fortement la diffusion de la presse dans son ensemble.

S’agissant du moratoire sur l’aide au transport postal, une médiation entre l’État, la presse et la Poste doit être mise en place d’ici à quelques jours. Plutôt que d’attendre 2015 et la fin du moratoire prévu par les « accords Schwartz », ce qui aurait entraîné une hausse brutale des tarifs postaux, j’ai préféré anticiper et ménager une transition en douceur en lissant la hausse sur deux ans. En tout état de cause, l’ensemble de la hausse n’est pas imputable à ce gouvernement. Pour la presse à faibles ressources publicitaires, la hausse sera de 4 % au lieu des 2,3 % prévus, soit une différence de 1,7 point. Pour la presse d’information politique et générale, elle sera de 8 % au lieu de 4,3 %, et pour la presse spécialisée elle sera de 11 % au lieu de 6 %.

C’est dans un objectif de transparence et de clarté que les crédits de l’aide postale ont été rapatriés au ministère des finances, et c’est la raison pour laquelle la mission de médiation impliquera les deux ministères. Je suis en outre tout à fait favorable à ce que la médiation se penche sur la question des modalités de calcul de l’aide au portage.

En gros, monsieur Salles, vous nous reprochez de ne pas avoir véritablement engagé la réforme des aides à la presse prévue dans le programme de François Hollande. Dois-je vous rappeler que j’ai réuni l’ensemble des acteurs de la presse dès mon arrivée au ministère de la culture, avant de charger un groupe d’experts, piloté par Roch-Olivier Maistre, de me faire des propositions dans ce domaine ? Ce groupe de travail préconisait notamment l’application d’un taux de TVA super-réduit à l’ensemble de la presse, sans opérer de distinction entre la presse d’information politique et générale et la presse spécialisée. Cette mesure, qui a l’avantage d’éviter l’usine à gaz, me semble pertinente pourvu qu’elle soit assortie d’exigences très fortes en matière de mutualisation, de modernisation, de rémunération du niveau trois ou d’avancées sociales au bénéfice des diffuseurs et des vendeurs colporteurs de presse.

Ce taux super-réduit devrait d’ailleurs profiter aussi à la presse en ligne. Notre pays étant déjà poursuivi par Bruxelles pour l’application d’un taux réduit de TVA au livre numérique, le Gouvernement a choisi la voie de la négociation, mais si la Commission ne bouge pas, nous irons plus loin en 2014.

Les soutiens versés par le fonds stratégique pour le développement de la presse ont été ciblés pour aller en priorité vers les actions en faveur de la modernisation de la presse et de la mutualisation des opérations.

Le modèle de la PQR est très différent de celui du reste de la presse, monsieur Salles. Cette presse est en particulier beaucoup plus portée et beaucoup moins postée. Elle bénéficie donc du maintien de l’aide au portage, dont les crédits s’élèvent à 36 millions d’euros. Même si nous souhaitons mieux orienter l’aide au portage qui, aujourd’hui, subventionne surtout le stock, nous avons fait le choix clair de la développer, à la condition qu’elle s’accompagne d’une mutualisation.

Le fonds d’aide au pluralisme a été maintenu à hauteur de 11 millions d’euros. Ce fonds relevant de l’exercice de prérogatives démocratiques, j’ai souhaité qu’il ne soit pas soumis au fonctionnement paritaire qui est de règle pour tous les autres dispositifs d’accompagnement de la presse.

Vous voyez que les efforts budgétaires s’accompagnent de choix stratégiques et industriels clairs en faveur de la poursuite de la restructuration industrielle de la distribution, de la modernisation, de l’innovation et de la mutualisation, et de la préservation du soutien au pluralisme de la presse. Tous ces choix constituent une réforme des aides à la presse, fondée sur plusieurs piliers : des mesures budgétaires, un très important volet fiscal et une réforme de la gouvernance. J’ai parlé du « malus », de la conditionnalité sociale, et j’ai évoqué le statut des vendeurs colporteurs de presse. Dans le secteur du photojournalisme, qui connaît une crise financière sans précédent, j’ai confié à Francis Brun-Buisson une mission de médiation entre les éditeurs de presse, les agences de presse et les photographes.

J’ai en outre donné aux collectivités locales la possibilité d’exonérer les marchands de journaux de la contribution économique territoriale. Quant à la loi Bichet, nous devons renforcer les pouvoirs de l’Autorité de régulation de la distribution de la presse (ARDP) afin de résoudre la question du financement du « dernier kilomètre ».

J’en viens à la politique du livre. Le nouveau directeur du Centre national du livre a récemment pris ses fonctions. Dès aujourd’hui, le conseil d’administration a voté un prélèvement sur le fonds de roulement du CNL, qui va permettre le financement des 9 millions d’euros du plan en faveur de la librairie indépendante : 5 millions d’euros iront à l’Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC) – pour aider les libraires en difficulté conjoncturelle –, les 4 autres millions d’euros transiteront par l’Association pour le développement de la librairie de création (ADELC) – pour aider à la reprise des librairies. Dans ce dernier cas, certaines librairies Chapitre pourront être concernées, même si l’État n’a pas à assumer les responsabilités du fonds de pension américain qui gère le groupe Actissia. J’ai demandé à toutes les DRAC de suivre la situation des 57 librairies Chapitre afin de prévoir un accompagnement éventuel des repreneurs potentiels. En outre, le CNL apportera une aide directe aux librairies indépendantes de 2 millions d’euros, soit 8 % de l’ensemble du budget. Je vous rappelle enfin que les éditeurs se sont engagés à financer ce plan à hauteur de 7 millions d’euros.

En ce qui concerne la hausse du coût des travaux du quadrilatère Richelieu de la BNF, estimée à 3 %, le montant passant de 211 millions d’euros estimés à 217 millions d’euros actuellement, il est imputable à la découverte de plomb et d’amiante sur le chantier.

Je remercie Jean-Jacques Guillet d’avoir souligné le travail remarquable de Marie-Christine Saragosse à la tête de France Médias Monde. J’ai tenu à ce que la France honore ses engagements internationaux : aussi le budget de TV 5 augmente-t-il de 1,6 %, soit 1,2 million d’euros, et celui de France Médias Monde de 1,7 million d’euros. Cet effort marque l’attachement du Gouvernement pour RFI, France 24, Monte Carlo Doualiya. France 24 va bénéficier d’une fréquence TNT en Île-de-France à certaines heures, l’appel d’offres devant être lancé ces tout prochains jours.

Patrick Bloche s’est demandé si l’Agence internationale d’images de télévision (AITV) ne devrait pas être logée à France Médias Monde. En tant que fournisseur d’images pour l’Agence française de coopération médias (CFI), l’AITV se trouve confrontée à deux difficultés : l’une sur le métier lui-même et l’autre sur l’orientation de CFI vers la formation des professionnels africains aux métiers de l’audiovisuel, bien plus que vers la fourniture aux pays africains d’images produites en France. Nous avons donc pris cette décision puisque l’AITV n’était pas au cœur des missions de France Télévisions ; reste que pour les 28 salariés de l’AITV, seuls des départs volontaires sont prévus pour une réorientation vers d’autres entités du groupe France Télévisions.

Le cas de l’INA n’est pas assimilable à celui du CNC dont le fonds de roulement doit assurer automatiquement le soutien des productions qui ont réalisé de nombreuses entrées. Pour l’INA, une réserve de trésorerie de 50 millions d’euros a été constituée en vue de la réalisation d’un projet immobilier auquel l’État devait contribuer à hauteur de 55 millions d’euros. La question à se poser est celle de la mise en sécurité des réserves de l’INA notamment face à certains risques naturels. De la même manière, pour le Louvre, il aurait fallu mobiliser les réserves de presque tous les musées d’Ile-de-France pour financer un projet de 400 millions d’euros destiné à parer à une menace d’inondation. J’ai réorienté le projet pour un budget bien plus réduit. Pour en revenir à l’INA, il n’est pas envisageable que l’État finance un projet immobilier dont on ignore la pertinence, cela à hauteur de 55 millions d’euros. Il est dès lors tout à fait possible d’effectuer un prélèvement de 20 millions d’euros sur le fonds de roulement, d’autant que les missions de l’INA ne seront en rien atteintes. Le fonctionnement de celui-ci ne sera absolument pas perturbé, car le budget ne diminue pas.

Mme Martine Martinel. En 2014, les financements publics permettront à la mission « Médias, livre et industries culturelles » de rester fidèle aux principes qui fondent le dispositif français : démocratisation, pluralisme, préservation de la diversité et qualité de la création.

Dans un environnement fortement concurrentiel où la nécessité de s’adapter aux bouleversements technologiques et aux nouveaux modes de consommation est un impératif, les défis auxquels les médias, le livre et les industries culturelles doivent faire face sont nombreux. L’État doit repenser son intervention avec pour objectif essentiel de garantir le rayonnement et la pérennité de notre modèle culturel tout en accompagnant la modernisation de ces secteurs. Il doit préserver le pluralisme et la neutralité, aider les acteurs de secteurs en difficulté, garantir la diversité de la création et sa diffusion auprès du plus large public, protéger enfin notre exception culturelle. Or le PLF pour 2014 signe précisément le retour de l’État stratège dans le domaine culturel.

Certes, dans un contexte budgétaire contraint, financer ces priorités nécessite de faire des choix. Sur ce point, si le budget du ministère prend sa part d’efforts nécessaires, il faut la relativiser, notamment par rapport aux budgets culturels de nos voisins européens. La culture, pour ce gouvernement, n’est donc pas la variable d’ajustement comme d’aucuns le prétendent.

Le système des aides à la presse se devait d’être réformé, en raison de sa complexité, de son problème de gouvernance et de la nécessaire évolution numérique – ainsi le taux de TVA super-réduit de 2,1 % dont bénéficie la presse est-il maintenu et l’engagement a-t-il été pris non seulement d’étendre cette baisse à la presse numérique, mais encore de porter cette demande au niveau européen dès 2014. La modernisation du secteur passe également par une consolidation du fonds stratégique pour le développement de la presse, maintenu pour l’exercice 2014 qui marquera également le début d’une étape importante de modernisation du modèle économique de l’AFP avec la mise en place du nouveau COM. La mission parlementaire confiée par le Premier ministre à notre collègue Michel Françaix vise à faire de cet opérateur historique, une agence moderne, fortement intégrée dans le paysage européen.

Par ailleurs, les moyens consacrés à la politique du livre et de la lecture sont également consolidés avec des autorisations d’engagement en hausse. Vous affirmez ainsi, madame la ministre, votre soutien au développement et à la création littéraire, ainsi qu’à la promotion et à la diffusion la plus large possible du livre et des pratiques de lecture. Le soutien à notre réseau de librairies indépendantes comme l’accompagnement des projets de développement numériques sont des axes forts de la politique ministérielle en faveur du livre et de ses usages.

En ce qui concerne l’audiovisuel public, les grands objectifs stratégiques de France Télévisions et de France Médias Monde ont été redéfinis afin de préserver la capacité de l’audiovisuel public à assurer ses missions et à conforter la place du secteur public au sein du paysage audiovisuel français. Un nouvel équilibre se traduit pour France Télévisions, dans son projet d’avenant 2013-2015 au COM, par la confirmation d’une volonté de clarté, d’une stratégie ambitieuse d’affirmation de la spécificité du service public, par la valorisation de la création au cœur de l’entreprise et par la volonté de s’adresser à tous les publics. À charge pour France Télévisions de redonner une identité forte à chacune de ses chaînes.

La relance de l’audiovisuel extérieur de la France par une dotation publique en hausse de 0,7 % est la garantie de la cohérence et de l’efficacité de la politique audiovisuelle extérieure française. Cette hausse lui permet de rivaliser avec les autres grands médias internationaux et d’affirmer la présence et l’influence françaises et francophones dans le paysage audiovisuel.

Vous avez réussi à préserver, malgré une très légère baisse de crédits, le soutien à nos radios associatives qui jouent un rôle de proximité auquel nous sommes tous attachés.

Ce budget est celui de la pérennité de notre modèle d’exception et de sa démocratisation. Il permet d’offrir à chacun une source d’ouverture sur le monde, un moyen de dialogue. Le voter s’impose donc.

M. Franck Riester. Je saisis cette occasion pour confronter une nouvelle fois les engagements pris par François Hollande dans les mois précédant son arrivée aux responsabilités à la réalité de la politique menée par son gouvernement.

En janvier 2012, M. Hollande déclarait : « Le budget de la culture sera sanctuarisé pour tout le quinquennat. » Cet engagement est piétiné pour la deuxième année consécutive : le budget du ministère de la culture, qui a déjà diminué de 2 % en 2013, doit à nouveau baisser de 2 % en 2014. Quant aux crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles », ils baisseront de 16,4 %. Cela pose un grave problème de crédibilité de la parole présidentielle.

L’État se désengage et se défausse sur ses opérateurs, par le prélèvement sur la trésorerie des grands musées et institutions culturelles, par la ponction des fonds de roulement du CNC ou de l’INA. Il y a plus inquiétant encore : les budgets sont coupés, les projets abandonnés avant même la définition de projets alternatifs.

Faute d’une stratégie claire, la critique et l’abandon des actions engagées par Nicolas Sarkozy ont d’abord tenu lieu de seule politique. Après avoir abandonné le Centre national de la musique ; après avoir revu à la baisse les pouvoirs de sanction de la HADOPI pourtant saluée pour son action pédagogique dans la lutte contre le téléchargement illégal ; après, enfin, être revenu sur la réforme de l’audiovisuel de 2009, nous attendons toujours la moindre présentation d’une politique alternative.

Mais cette année vous ne pourrez plus vous cacher derrière votre slogan marketing de l’acte II de l’exception culturelle. Pendant un an, vous avez prétexté l’attente des conclusions de la mission Lescure pour remettre à plus tard la moindre décision. Six mois après la sortie du rapport, quelles suites y ont été données ? Sur les 500 pages du rapport, seule une ligne a été mise en œuvre : la suppression de la sanction consistant à couper l’accès à internet dans le cadre de la réponse graduée. Pour le reste, nous avons assisté au lancement d’une multitude de missions – certes intéressantes –, nouveau prétexte pour reporter toute décision.

Dans cette saignée budgétaire, l’audiovisuel public fait particulièrement figure de variable d’ajustement. Prenons le cas de France Télévisions : par la réforme de 2009, nous avions permis aux Français d’avoir accès à un service public de meilleure qualité grâce à la suppression de la publicité en soirée tout en compensant budgétairement le manque à gagner, et nous avions préconisé un grand plan de réforme qui aurait dû permettre, à terme, des économies substantielles qui aujourd’hui font défaut. Faute d’avoir eu le courage de continuer dans le sens de la réforme, vous êtes grandement responsables de la situation dans laquelle se retrouve l’entreprise.

Pis : depuis que François Hollande est Président de la République, vous avez divisé chaque année par deux la subvention de l’État à France Télévisions – elle est passée de 452 millions d’euros en 2012, à 256 millions en 2013, et ne devrait plus atteindre que 114 millions en 2014. Comment pouvez-vous dès lors, sans coup férir, demander des comptes à France Télévisions sur ses difficultés financières ? Même si l’on peut comprendre la nécessité de demander à chaque opérateur public de contribuer à l’effort global de redressement des comptes, ce qui est choquant, voire scandaleux, c’est que ces coupes sont réalisées sans stratégie avec des conséquences gravissimes à moyen et long terme sur la qualité des missions de service public.

S’ajoute la mise en place, à travers la loi sur l’indépendance de l’audiovisuel, d’une double gouvernance nécessairement contre-productive. Cette loi confie au CSA le pouvoir de nomination des présidents des sociétés nationales de programme, créant de fait un mélange des genres qui n’existe dans aucun autre secteur. Le fait que la semaine dernière le CSA ait annoncé la convocation, tous les quinze jours, de représentants de France télévisions pour leur demander des comptes sur le fonctionnement de la société illustre à quel point le régulateur est aussi dans un rôle de tutelle qui se superpose à celui de l’État. C’est l’inefficacité assurée.

Le cas de l’INA est lui aussi frappant. En ponctionnant son fonds de roulement de près de 20 millions d’euros, c’est un établissement public qui a su remplir ses COM et prendre le virage du numérique que vous punissez. Vous mettez fin brutalement à un projet préparé par Emmanuel Hoog et parachevé par Mathieu Gallet et son équipe, un projet qui aurait permis à l’INA d’assurer l’avenir de ses missions de service public et de s’assurer de nouveaux débouchés, un projet qui présentait toutes les garanties sur le plan économique et urbanistique. Comment pouvez-vous balayer d’un revers de main un si beau projet, pertinent pour l’ensemble des activités de l’INA ? Votre décision de mettre fin à cet investissement d’avenir – et Gilles Carrez ainsi que tous les députés du groupe UMP partagent mon incompréhension – est une décision politique à courte vue qui hypothèque l’avenir. Je vous demande solennellement de revenir dessus.

Pourrions-nous auditionner le président de l’INA pour qu’il nous fasse part de ce beau projet immobilier – que certains collègues ne connaissent peut-être pas –, afin que nous jugions de son éventuelle pertinence ?

Ces coupes aveugles, on les retrouve dans le secteur des industries culturelles, particulièrement mises au défi par la transition numérique. HADOPI est sans surprise la première victime de cette politique. Alors que son action a été saluée, l’acharnement dont vous faites preuve contre cette institution, revenant sur ses pouvoirs, sabrant son budget, qui baisse de 28 %, mettant en péril la conduite de ses missions, enfin la désavouant publiquement, envoie un signal déplorable dans la lutte contre le téléchargement illégal et le développement de l’offre légale.

Quant à la musique, après l’abandon du projet de Centre national de la musique, c’est le parent pauvre de votre ministère.

Je note enfin que, dans un contexte de mutation numérique, vous faites le choix de baisser de manière sensible les aides à la presse. Après avoir, l’an passé, sacrifié les aides au portage, vous vous attaquez cette année aux aides au postage, ne prenant la peine de justifier vos coupes que par l’annonce du lancement d’une réflexion sur la complémentarité des modes de diffusion. Ce n’est pas en mettant fin à la dynamique des états généraux de la presse que vous préparerez l’avenir de ce secteur en pleine mutation.

En définitive, ce budget confirme les craintes que laissait présager celui de l’an passé : nulle sanctuarisation de la culture comme promis, mais des coupes budgétaires n’obéissant à aucune stratégie, qui nient le rôle même de la culture comme investissement d’avenir – sur lequel pourtant, madame la ministre, vous insistez régulièrement. Ici encore, la parole du Gouvernement n’est pas suivie d’actes. C’est la raison pour laquelle le groupe UMP votera contre les crédits de cette mission.

Mme Isabelle Attard. Madame la ministre, j’ai du mal à vous suivre. Il y a maintenant plus de quatre mois, vous avez annoncé dans un communiqué de presse la suppression de l’HADOPI et le transfert de la riposte graduée au CSA. Or nous débattons du budget de la mission « Médias, livre et industries culturelles » prévoyant l’attribution de 6 millions d’euros à l’HADOPI.

J’ai conscience du succès impressionnant de la série The Walking
Dead
, où de nombreux zombies parcourent les rues, mais croyez-vous vraiment que notre République a besoin d’institutions mortes-vivantes pour bien fonctionner ? Je ne le pense pas. D’ailleurs, la baisse de 25 % du budget de l’HADOPI montre bien que vous partagez mon avis.

Cela n’est pas sérieux. Le mécanisme de riposte graduée a eu amplement le temps de démontrer son inefficacité. Cette Haute autorité a même abandonné d’elle-même une partie de ses missions, annonçant que la définition et la labellisation de « logiciels de sécurisation » étaient trop compliquées pour elle – « compliqué » signifiant en fait « impossible technologiquement ».

Elle s’est en revanche autosaisie d’une mission sur la légalisation du partage non marchand. J’ai eu beau chercher, je ne suis pas parvenue à trouver un rapport avec ses missions officielles. Il ne s’agit pas de l’observation de l’utilisation des œuvres, ni de la lutte contre le piratage, ni de la régulation des mesures techniques de protection des œuvres. Imaginez ce qui se passerait si demain d’autres autorités administratives indépendantes décidaient de s’attribuer des missions hors du cadre légal qui les a créées !

La seule réussite d’HADOPI, c’est d’avoir éloigné les internautes des systèmes d’échanges pair-à-pair. Ce sont pourtant les systèmes qui étaient les moins susceptibles de provoquer des engorgements des réseaux qui constituent internet. Ils ont été remplacés, entre autres, par le streaming, le téléchargement direct et les seedbox. Ces systèmes sont pourtant bien plus profitables à des organisations peu regardantes sur la légalité de leurs activités, et qui en retirent de grands bénéfices. La HADOPI a également étudié la possibilité de surveiller ces échanges, alors qu’il est évident que leur pénalisation provoquerait une nouvelle mutation technologique.

Au motif de mieux financer les acteurs culturels de notre pays, la France finance le développement de logiciels de surveillance des réseaux. L’actualité nous démontre quotidiennement la nocivité de ces technologies. Nous recommandons donc de distribuer le budget de la HADOPI aux artistes. Les mécanismes de redistribution ne manquent pas, et nous sommes persuadés que les créateurs accueilleront avec plaisir ces 6 millions d’euros.

Enfin, nous avons voté aujourd’hui le projet de loi de lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, à la suite du scandale Cahuzac – révélé par la presse en ligne. Or le taux de TVA de cette dernière est resté à 19,6 % tandis que celui de la presse papier est maintenu à 2,1 %. Comment expliquez-vous une telle différence de traitement ?

Mme Marie-George Buffet. Je tiens tout d’abord à rendre hommage une nouvelle fois aux deux journalistes de RFI assassinés parce qu’ils faisaient leur métier. C’est signifier notre attachement à la liberté de la presse sans laquelle aucune démocratie ne peut exister.

Travailler aujourd’hui sur le budget des médias a valeur de symbole. Voulons-nous vraiment que la République se donne les moyens non pas seulement de communiquer, mais également d’informer, de critiquer, de permettre aux citoyens de construire leur libre arbitre et de devenir des acteurs de leur propre destinée ? Soutenir le pluralisme et accompagner le développement qualitatif de l’audiovisuel public demande des moyens qui ne sont pas tous au rendez-vous.

Certes, le programme de l’action audiovisuelle extérieure augmente et une nouvelle direction de France 24 est nommée – ce dont je me félicite car nous allons enfin pouvoir discuter d’un COM. Reste que, en commission des affaires culturelles et de l’éducation, nous avons débattu sur ce choix de sortir RFI de Radio France, de ne pas rattacher France 24 à France Télévisions alors que nous aurions pu renforcer ainsi la qualité de l’information internationale de France Télévisions.

En ce qui concerne RFI, nous avons encore en mémoire la bataille menée par le personnel pour conserver son identité et sa compétence en vue d’assurer le rayonnement international de la radio. À la suite des engagements du Président de la République sur l’audiovisuel extérieur de la France, pouvez-vous nous donner des assurances sur le devenir du label RFI par rapport aux groupes de l’audiovisuel extérieur ?

La baisse de la dotation publique a abouti à l’avenant au COM de France Télévisions contre lequel j’ai voté en commission. Cet avenant se traduit aujourd’hui par la suppression de 650 postes, décision contre laquelle les personnels appellent, avec leurs syndicats, à une grève nationale jeudi 7 novembre. Quelle est votre vision de l’avenir du service public audiovisuel ? Reviendrez-vous sur la loi de 2009 qui a amputé France Télévisions des ressources publicitaires dont elle a besoin ?

Quelle est par ailleurs votre réflexion sur les projets immobiliers de l’INA puisque, dites-vous, le précédent projet n’était pas pertinent ? Comment garantir aux archives  de meilleures conditions de préservation ?

S’agissant de la presse, ayant eu l’occasion de travailler avec les syndicats acteurs de la réalisation et de la diffusion, j’ai participé à l’élaboration d’une proposition de loi qui reprend en partie les propositions de Michel Françaix. La crise que la presse traverse ne sera résolue que si l’on joue sur trois facteurs.

Le premier est l’aide au développement afin de garantir le pluralisme de la presse : on ne saurait en effet laisser les marchés décider des titres qui doivent vivre ou mourir en fonction de leur rentabilité financière – je débattrai de la question avec les salariés de Nice-Matin dans quelques jours. L’engagement de l’État est nécessaire pour soutenir les titres de la presse.

Deuxième facteur sur lequel il convient de jouer : la distribution. Je vous félicite d’avoir contribué à l’accord que les syndicats de Presstalis ont signé. À plus long terme, est-il possible de sauver la distribution en laissant la concurrence s’exercer entre les deux principales coopératives ? Michel Françaix et moi-même ne le pensons pas : aussi sommes-nous favorables à l’instauration d’une seule coopérative qui pourrait distribuer à la fois la presse d’information et de politique générale (IPG) et les magazines.

Le troisième facteur est l’aide aux diffuseurs de presse. La ville dont je suis conseillère municipale n’a plus qu’un seul point de distribution de la presse pour quelque 54 000 habitants, les deux gares de RER ne disposant plus de kiosques. Or l’unique maison de la presse est très fragile : elle a failli fermer lorsque ses précédents propriétaires sont partis à la retraite. Quelle est votre conception de l’aide à la diffusion ?

M. Michel Pouzol. À l’issue des états généraux de la presse écrite du 23 janvier 2009, une mesure permettant à tout jeune de dix-huit à vingt-quatre ans de bénéficier d’un abonnement gratuit à un quotidien a été mise en œuvre. Le coût du journal était alors supporté par son éditeur et son transport par l’État. Cette orientation s’est traduite par une augmentation de 15 millions d’euros sur trois ans des crédits accordés au fonds de modernisation de la presse afin de financer le projet « Mon journal offert ». Le but de cette opération était d’abonner 200 000 jeunes à un quotidien de leur choix un jour par semaine durant une année. L’offre a porté sur soixante et un quotidiens – la quasi-totalité des titres de la presse quotidienne nationale, régionale et départementale. L’International Herald Tribune, Le Monde et Le Figaro ont fait l’objet d’une très forte demande. Dans la presse régionale, ce sont les titres du groupe La Voix du Nord qui ont enregistré les meilleures performances, ainsi qu’Ouest-France, Midi Libre et Le Dauphiné Libéré. En 2011, une enquête réalisée par le cabinet Auxipresse a révélé que l’abonnement avait eu un impact positif sur la fréquence de lecture du quotidien auquel les jeunes s’étaient abonnés : cette fréquence était passée de 23 % à 35 % pour la lecture plus d’une fois par semaine et de 17 % à 58 % pour la lecture une fois par semaine. La lecture de la presse par les jeunes publics est un enjeu citoyen et éducatif majeur. Il n’y a pas de fatalité à voir les jeunes générations se désintéresser de la lecture des journaux d’information et de politique générale.

La reconquête du lectorat des jeunes est un enjeu d’avenir pour la survie économique de la presse entière. Sans action décisive, au rythme actuel, la disparition de la presse payante d’information est bien plus qu’une menace à moyen terme, menace qui ne provient pas tant des nouveaux outils qui sont mis à notre disposition – liseuses, smartphones, tablettes – que du désintérêt grandissant de la jeunesse pour ce type de lecture. On pourrait croire que l’habitude de lecture s’acquiert naturellement avec l’âge : il n’en est rien s’agissant de la presse. Lorsque cette habitude n’est pas prise dès le plus jeune âge, elle n’est pas rattrapée à la maturité.

Madame la ministre, vous semble-t-il opportun de lancer une nouvelle opération en faveur du lectorat jeune ?

Mme Sophie Dessus. Ma question porte sur l’accès des médiathèques à l’édition numérique à la suite du projet de loi régulant la diffusion des œuvres numériques.

Les bibliothécaires sont inquiets : en effet, comme jadis pour le droit de prêt, les bibliothécaires ont l’impression que le monde de l’édition ne comprend pas le rôle et l’importance des médiathèques pour la promotion de leurs produits et leur interdit d’acquérir des titres pour leurs liseuses en bloquant la vente d’ouvrages numérisés aux collectivités.

De nombreuses médiathèques, notamment de villes de moins de 20 000 habitants, ont souhaité proposer au public de nouveaux supports de lecture. Elles ont acheté des liseuses – dix pour le cas que je connais : cinq ont été chargées avec des titres gratuits (des classiques) et cinq avec des titres payants (actualités littéraires et best sellers) achetés en ligne à une libraire indépendante, Le Divan, pour un montant de 3 000 euros l’an.

De dix liseuses, nous sommes rapidement passés à vingt en raison du succès de l’opération. Or, très vite, les bibliothécaires ont rencontré de nombreuses difficultés liées aux DRM – verrous présents sur les fichiers numériques pour en interdire la copie. Des solutions techniques et informatiques respectant la transparence et la légalité ont été trouvées. La collectivité a fait l’achat de titres proposés à la vente sans DRM par la même librairie Le Divan. Toutefois, depuis le printemps de cette année, la librairie a bloqué sa vente aux collectivités sous la pression des éditeurs de certaines sociétés qui craignent la duplication anarchique de fichiers non verrouillés.

Il n’est donc plus permis aux bibliothécaires d’enrichir ou de diversifier leurs fonds, ce qu’ils perçoivent très mal car ils ont l’impression que leur bonne foi professionnelle ainsi que la charte d’utilisation des liseuses ne suffisent pas à inspirer confiance. Ils sont perçus, m’ont-ils dit, par les éditeurs comme des « pilleurs de collections » et sont « diabolisés », alors que leur seule volonté est d’accompagner l’évolution des supports de lecture.

Leur seul espoir réside dans un accord qui respecte évidemment le droit de la propriété individuelle tout en leur permettant d’offrir des œuvres sous format numérique à leurs usagers.

M. Lionel Tardy. Concernant le chantier des aides à la presse, quelques pistes ont été amorcées. Pouvez-vous nous confirmer que la réforme sera mise en place pour le prochain budget ? La Cour des comptes suggère une plus grande transparence dans l’attribution des aides : comment comptez-vous y satisfaire dès cette année ?

Le fonds Google pour l’innovation numérique de la presse est, il est vrai, un projet privé. Le chiffre de 60 millions d’euros est évoqué : or, à titre de comparaison, les crédits de l’action « Aides à la presse » s’élèvent à 135 millions. J’imagine que l’existence du fonds Google a été prise en compte dans le projet de budget pour 2014. Si oui, de quelle manière ?

S’agissant du programme « Livre et industries culturelles », je m’interroge sur la baisse de la subvention attribuée à la HADOPI, qui passe de 8 millions d’euros en 2013 à 6 millions pour 2014, d’autant que l’annexe précise que, « conformément aux propositions du rapport Lescure, les missions de la HADOPI devraient être transférées au CSA ». Y a-t-il d’ores et déjà transfert budgétaire vers le CSA en prévision de cette fusion, ce qui expliquerait la baisse en 2014 de la subvention à la HADOPI ? Si oui, avez-vous des précisions à nous donner en termes de calendrier ? L’adoption du projet de loi reprenant les préconisations du rapport Lescure ne me paraissant pas acquise pour 2014, pourquoi ne pas avoir attendu le projet de budget pour 2015 pour opérer ce transfert ?

M. Marcel Rogemont. Comme Stéphane Travert, je note la trop forte proximité des lignes éditoriales de France 2 et de France 3. J’appelle de mes vœux une plus grande régionalisation de France 3. En Bretagne, le coût d’antenne est de 17,5 millions d’euros : en l’augmentant de 8 millions, il serait possible de doubler la présence régionale de France 3 en Bretagne. Madame la ministre, une plus grande régionalisation est-elle envisageable ?

Est-il par ailleurs possible de réserver une part déterminée des 20 % consacrés à la production audiovisuelle à la production en province, afin d’y conforter les filières ?

France Télévisions est sur le point de céder ses parts dans Gulli : espérez-vous la création d’une chaîne enfance-jeunesse sans publicité ?

Je tiens également à souligner l’inquiétude des radios associatives quant à leur fonds de soutien : pouvez-vous les rassurer sur l’évolution de celui-ci pour les prochaines années ?

Mme Annie Genevard. La France s’enorgueillit à juste titre de la qualité de son réseau de nombreuses librairies dont, toutefois, madame la ministre, vous avez rappelé la très grande fragilité en termes de rentabilité.

Votre plan librairies s’inscrit dans la continuité des politiques publiques précédemment mises en œuvre. Vous avez choisi de cibler les aides vers les deux domaines où les demandes sont les plus importantes : répondre aux besoins ponctuels de trésorerie et aider à la transmission des fonds. Ce dispositif existe depuis plusieurs années.

Toutefois, les inquiétudes demeurent sur la pérennité de ce réseau : la récente proposition de loi à l’initiative de notre groupe visant à garantir le respect du prix unique du livre en a été l’expression.

Même si je salue l’effort fourni en la matière, je crains qu’il ne suffise pas : 9 millions d’euros rapportés aux 2 500 librairies indépendantes, cela représente environ 3 600 euros par librairie. Une telle aide ne suffira pas à renforcer et pérenniser ce réseau auquel nous sommes très attachés.

D’autres pistes doivent être explorées : les études de consommation révèlent qu’il n’y a plus nécessairement antagonisme entre l’achat physique et l’achat en ligne. Un appui méthodologique aux libraires est nécessaire pour leur permettre de réaliser cette conversion. Or je ne trouve aucune trace, dans le projet de budget, des préconisations du rapport de M. François Hurard et Mme Catherine Meyer-Lereculeur que vous avez commandé et qui aborde ce point.

Par ailleurs, la librairie n’est pas un commerce comme les autres, mais elle est touchée de plein fouet par la crise que connaît le commerce de proximité. Une approche interministérielle est donc nécessaire, d’une part, avec le ministère de l’éducation nationale – le livre est un écosystème et sa promotion sur un territoire suppose la collaboration entre lecture publique et lecture privée, un travail associatif, une implication des élus et des établissements scolaires – et, d’autre part, avec le ministère chargé du commerce : le commerce du livre ne peut en effet s’épanouir dans un désert commercial. Soutenir la libraire, c’est également soutenir le commerce en général. De ce point de vue, l’abandon d’un dispositif tel que le FISAC est des plus regrettables.

Madame la ministre, êtes-vous favorable à une telle approche interministérielle ? Êtes-vous prête, si nécessaire, à intensifier l’aide aux librairies dont chacun connaît le rôle irremplaçable ?

M. François Loncle. Je tiens à féliciter tous les acteurs de l’audiovisuel extérieur s’agissant de France Médias Monde – ex-Audiovisuel extérieur de la France (AEF). Nous avons assisté au redressement d’une entreprise qui était née dans des conditions douteuses sur le plan politique et qui avait été très déstabilisée par M. et Mme Kouchner, les Thénardier de la sphère politico-médiatique. Le chemin parcouru depuis un an et demi est remarquable.

Mon inquiétude porte sur TV5 Monde, qui n’appartient pas à France Médias Monde mais a dérivé vers France Télévisions, qui est propriétaire de 49 % de son capital depuis mai 2013. Le groupe France Télévisions pourra-t-il garantir la spécificité de TV5 Monde, compte tenu à la fois de l’apport des pays partenaires et de son budget pour 2014 ?

M. Jean-Pierre Allossery. L’action que vous menez, madame la ministre, pour garantir l’accès de tous à la lecture est déjà très concrète : en témoignent la nomination d’un médiateur du livre au sein de votre ministère et votre soutien aux libraires indépendants, en faveur desquels vous vous étiez engagée lors de leurs Rencontres nationales de juin dernier.

L’année 2014 sera donc celle de la mise en œuvre des préconisations du plan librairie et je me réjouis de votre soutien en faveur de la chaîne du livre. Aucun plan de ce type, assorti d’un soutien financier de 18 millions d’euros, n’avait été décidé jusqu’à ce jour ! Le Gouvernement a fait de la jeunesse et de l’éducation sa priorité : en s’attachant à la valorisation de la lecture et du livre, il révèle la cohérence de sa politique. C’est pourquoi je ne peux que souscrire à votre budget et à la priorité donnée à ce programme.

Vous souhaitez encourager la diversité des acteurs de la chaîne du livre : les interventions articulées de l’État et des collectivités sont évidemment essentielles. Poursuivre prioritairement une politique active de contractualisation est donc un signe fort que vous envoyez aux territoires, en vue d’assurer un véritable service d’accès à la connaissance.

Dans le cadre des contractualisations, favoriserez-vous la nécessaire ouverture des bibliothèques à l’ensemble des pratiques artistiques pour en faire des lieux de vie et de mixité sociale, grâce notamment à la présence d’artistes dans le cadre, par exemple, de spectacles vivants ? Les contractualisations encourageront-elles l’inscription de la politique du livre dans une approche non plus sectorielle mais transversale, en vue de conduire des politiques de développement culturel durables ? Je pense particulièrement aux contrats de progrès, dont certains ont été dédiés à la chaîne du livre, ou encore à certains secteurs en grande fragilité comme l’imprimerie française, pour ne pas la citer.

M. Pierre Léautey. Madame la ministre, je souhaite revenir sur l’un des axes forts de votre politique : l’accompagnement et ledéveloppement des projets numériques, tout particulièrement dans le domaine du livre.

L’adaptation de ce secteur aux enjeux numériques paraît capitale, en ce qui concerne tant la création que la diffusion. Aujourd’hui, comme le souligne du reste le rapport Lescure, la France accuse un retard dans le développement de la lecture numérique.

C’est pourquoi je souhaite vous poser une première question sur le cadre légal national dans lequel s’inscrit la politique du livre et une seconde sur les moyens financiers déployés dans le cadre du PLF pour 2014 afin de favoriser le développement de la lecture numérique.

Ma première question fait référence au prix unique du livre ainsi qu’aux règles de la propriété littéraire et artistique à la suite de la transposition de la directive européenne : ces domaines constituent aujourd’hui encore l’essentiel de l’intervention de l’État, comme le révèle le projet de budget. L’économie du livre est à l’heure actuelle bouleversée par la révolution numérique : l’adaptation de son cadre paraît donc indispensable. Je citerai, àtitre d’exemple, le fait, évoqué dans le rapport Lescure, que la rémunération des auteurs par les éditeurs en valeur absolue est plus faible pour les livres numériques, compte tenu de la différence de prix, ce qui ne laisse pas de susciter de nombreuses interrogations. Aussi souhaiterais-je connaître l’état de vos réflexions sur la question de l’adaptation du cadre légal, s’agissant notamment de la mise en place d’un nouveau contrat d’édition.

S’agissant des moyens, il est important de rappeler que le livre et la lecture représenteront 305,5 millions d’euros en autorisations d’engagement et 251,7 millions en crédits de paiement pour l’année 2014. Ces crédits permettront d’apporter un soutien à la filière à travers notamment des interventions ciblées comme les projets de numérisation. Aujourd’hui, la France est confrontée à une faiblesse de l’offre des éditeurs et des distributeurs : pouvez-vous préciser les actions que vous comptez entreprendre pour aider à la modernisation du secteur et palier le déficit de production ?

M. Dominique Baert, président. Avant de venir présider cette commission élargie, j’ai lancé à Wattrelos les clubs Coup de Pouce, qui regroupent pour un suivi spécifique des enfants, issus de quatorze écoles, qui ont des difficultés d’apprentissage de la lecture. Ces actions sont prises en charge par l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances (ACSÉ) à hauteur de 100 000 euros pour soixante-dix enfants. Le paradoxe de cette action, qui doit se poursuivre sur le long terme pour être efficace, est de n’être financée que par l’ACSÉ sans faire l’objet d’un partenariat avec le ministère de la culture et de la communication. Pour éviter à de telles actions de longue durée d’être soumises aux aléas budgétaires, sans doute conviendrait-il que le ministère de l’éducation nationale, celui de la culture et celui de la ville se mettent en relation pour en assurer le financement.

Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication. Je suis étonnée de votre question, monsieur le président, car des partenariats existent déjà en matière culturelle entre l’ACSÉ et le ministère de la culture. Ce dernier et le ministère chargé de la ville ont en outre renouvelé, il y a quelques mois, un contrat qui avait été laissé en déshérence depuis plusieurs années. Je m’informerai.

M. Dominique Baert, président. Les trois ministères que j’ai évoqués pourraient sans doute renforcer leur collaboration pour pérenniser les actions en faveur de l’apprentissage de la lecture.

Mme Aurélie Filipetti, ministre de la culture et de la communication. Le projet d’éducation artistique et culturelle fait partie des priorités du ministère de la culture. J’ai dégagé des moyens visant à financer 1 000 nouveaux projets chaque année durant trois ans, 30 % de ces projets étant destinés aux zones prioritaires de politique de la ville.

Madame Martinel, vous avez évoqué le rôle des radios associatives, notamment dans les quartiers. Le Fonds de soutien à l’expression radiophonique (FSER) accompagne 630 radios : j’ai veillé à ce qu’il soit maintenu à hauteur de 28,8 millions d’euros.

Monsieur Guillet, le bambara sera présent en 2014 sur RFI. Il est en revanche impossible d’assurer l’espagnol sur France 24 avant 2016, en raison du coût qui résulterait du recrutement de sept ou huit journalistes hispanophones. L’espagnol ne sera donc pas inscrit dans le COM de France 24, qui sera finalisé avant la fin de l’année et sera très prochainement transmis aux commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat.

Monsieur Riester, vos critiques sont étonnantes. Vous appartenez en effet à un groupe politique qui reproche au Gouvernement d’augmenter les impôts pour rétablir l’équilibre des finances publiques, mais verrait d’un bon oeil des dépenses inconsidérées et nous accuse lorsque nous réduisons le coût dispendieux de certains de ses choix culturels. Le projet immobilier de l’INA aurait nécessité 55 millions d’euros, le projet initial du centre des réserves de Cergy-Pontoise 400 millions d’euros, la Maison de l’Histoire de France plus de 350 millions et l’Hôtel de la Marine 500 millions. Autant dire que le déficit des finances publiques serait devenu un abysse ! Vous ne pouvez pas tenir en permanence un double langage. Nous sommes contraints de gérer très strictement l’argent public pour éviter que des projets dispendieux ne retombent sur les contribuables et les générations à venir, sans oublier les frais de fonctionnement qui accompagnent toujours de tels investissements.

En l’occurrence, nous entendons traiter le problème de l’INA de manière rationnelle avant tout nouveau grand projet immobilier : nous répondrons aux besoins avec pragmatisme et dans le souci des deniers publics. En attendant, les bâtiments existants seront sécurisés et mis aux normes. C’est à mon sens la meilleure manière de gérer l’argent public.

De même, je suis choquée de vous entendre dire que l’Etat se défausse sur ses opérateurs. Dès lors qu’il s’agit aussi d’argent public, au nom de quoi les opérateurs du ministère de la culture – qui font partie de la sphère de l’Etat – devraient-ils être exonérés de l’effort de redressement des finances publiques, quand l’ensemble du pays est mis à contribution ? S’ils jouissent d’une certaine autonomie, ce qui est tout à fait légitime, ils ne sont pas pour autant des entreprises privées : ils fonctionnent sur fonds publics, à partir de collections publiques, et avec des personnels et des emplois publics. Il n’est donc pas acceptable qu’ils se constituent des fonds de roulement et des « bas de laine » de dizaines de millions d’euros au moment où l’on demande à l’ensemble de nos concitoyens de faire des efforts. Finissons-en avec cette hypocrisie ; j’assume une politique ambitieuse en matière culturelle, et responsable en matière de gestion de l’argent public.

Madame Attard, nous avons réduit le budget de la HADOPI car celle-ci dispose des moyens d’assumer ses missions – notamment la réponse graduée et la mission d’observatoire de l’offre publique et des comportements et des pratiques culturelles en ligne – dans l’attente de leur transfert au CSA, conformément à l’arbitrage qui a été rendu, par la prochaine loi sur la création. D’ici là, le budget de la HADOPI peut être diminué sans mettre en péril ses salariés et leurs missions, puisque la Haute autorité dispose de réserves. Il n’y a donc pas de transfert des crédits de la HADOPI vers le CSA, monsieur Tardy, mais bien une diminution de ceux-ci rendue possible par une politique d’économies budgétaires.

Quant au Centre national de la musique, il s’agissait là encore d’un projet non financé. En l’état du projet, cet établissement public aurait été une coquille vide, qui aurait généré des frais de fonctionnement sans pour autant sécuriser les sources de financement pouvant être mobilisées en faveur du secteur de la musique. Bref, c’était encore une illusion. Ma méthode consiste à définir les modalités pertinentes pour soutenir le secteur avant de réfléchir au financement. Deux dispositifs sont d’ores et déjà mis en œuvre : l’aide à la production phonographique des petites et moyennes entreprises, qui n’ont pas – ou très peu – accès aux aides existantes dans le secteur, pour répondre aux urgences liées au contexte de crise économique, et l’aide en direction des plateformes musicales, qui ne disposent pas de mécanismes de soutien à l’heure actuelle.

Les chiffres que vous évoquez au sujet de France Télévisions ne sont pas exacts, madame Buffet : il s’agit de supprimer non pas 650 emplois, mais 321 contrats à durée indéterminée (CDI), et dans le cadre d’un plan de départs volontaires.

Monsieur Pouzol, l’expertise conduite l’an dernier sur l’opération « Mon journal offert » a conclu à l’existence d’un effet d’aubaine. Il nous a donc semblé que les 5 millions d’euros consacrés à cette opération seraient mieux employés ailleurs, à savoir pour des projets d’éducation artistique, d’éducation à l’image et d’éducation à la presse, touchant notamment à la pratique de la presse via les nouveaux outils numériques. L’éducation à l’information, c’est aussi le sens du travail du Centre de liaison de l’enseignement et des médias d’information (CLEMI) et de la réorientation vers l’innovation et les nouveaux supports, afin que les jeunes puissent lire sur les supports numériques qui leur sont familiers.

En ce qui concerne la médiathèque numérique et l’édition, madame Dessus, une étude sur l’offre commerciale de livres numériques à destination des bibliothèques de lecture publique, qui procède à des comparaisons internationales, l’étude IDATE, a été publiée en mars dernier. Suite à cette étude, nous avons lancé un groupe de travail qui réunit les éditeurs, les auteurs, les libraires et les bibliothécaires, afin de définir les bonnes pratiques en la matière. Il rendra ses conclusions au mois d’août, au moment même où le Congrès international des bibliothèques, l’IFLA – International federation of library associations –, se tiendra à Lyon. Vous serez bien entendu associée à cette réflexion.

M. Rogemont m’interroge sur France Télévisions en région. La régionalisation peut se faire sans hausse des coûts, par une évolution des organisations et une réflexion sur la place des émissions nationales de France 3. Les modalités d’élargissement des plages régionales peuvent prendre plusieurs formes : il appartiendra à la mission Brucy d’explorer les différentes pistes, aucune n’étant à ce jour privilégiée. Le développement des commandes auprès de producteurs régionaux fait bien entendu partie des perspectives à envisager.

En ce qui concerne la chaîne pour enfants, vous constaterez que j’ai veillé à ce que les programmes pour enfants soient davantage représentés sur France 4 à l’avenir. Même si nous n’avons pas encore de chaîne dédiée à proprement parler, la part des programmes destinés aux enfants et à la jeunesse s’est accrue, en complément de ce qui existe déjà sur France 3 et France 5.

La transparence des aides à la presse que M. Tardy appelle de ses vœux existe déjà : les aides directes à la presse sont rendues publiques sur le site internet du ministère de la culture, titre par titre ; elles le seront également en 2014. La Conférence annuelle des éditeurs se réunira également prochainement sous ma présidence, afin que ces aides soient connues et partagées par toute la profession.

J’en viens au fonds Google d’aide à la presse et à son impact sur la profession. Le fonds Google résulte d’un accord privé. L’État n’a pas à définir sa politique en fonction des stratégies d’autres acteurs privés. Le règlement intérieur du fonds prévoit qu’il ne pourra pas soutenir de projets ayant déjà bénéficié du soutien du fonds stratégique ; L’Etat sera tenu au courant des projets qui seront aidés.

Les librairies indépendantes ne bénéficieront pas seulement de 9 millions d’euros, madame Genevard. Cette somme recouvre l’ensemble des aides à la trésorerie et à la reprise. Il convient d’y ajouter les 2 millions qui viennent abonder les aides du CNL, et les 7 millions apportés par les éditeurs. Nous arrivons donc à 18 millions supplémentaires, ce qui est très important.

L’appui méthodologique des libraires physiques au numérique sera assuré grâce aux 2 millions d’aide supplémentaires du CNL, qui nous permettront notamment de financer des actions de formation des libraires. La dimension interministérielle est pleinement prise en compte puisque le projet de loi relatif à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises que défendra Mme Pinel comporte une disposition sur le lissage de l’augmentation des loyers qui permettra de soutenir les librairies. Nous travaillons par ailleurs ensemble sur le dossier des librairies Chapitre.

L’État tient ses engagements internationaux en matière de soutien à TV 5, monsieur Loncle. Compte tenu du contexte, celui-ci est particulièrement important cette année, avec une hausse de 1,6 % de la contribution de la France au budget de TV 5, soit 1,2 million d’euros. Nous sommes bien sûr très soucieux de l’avenir de TV 5.

Monsieur Allossery, je vous remercie d’avoir salué la création du médiateur du livre dans la loi sur la consommation. C’était l’une des annonces du plan d’aide aux librairies indépendantes. Ce médiateur sera installé en 2014.

En matière de livre, il existe deux types de contrats : les contrats territoires lecture, qui portent sur la lecture publique et les médiathèques, qui sont les lieux naturels de ressources culturelles, avec notamment les ressources numériques, et les contrats de progrès, qui sont davantage centrés sur la filière économique du livre. Quatre contrats de progrès ont déjà été signés.

J’en viens au cadre législatif du livre numérique, monsieur Léautey. Le contrat d’édition à l’ère numérique a été signé par les représentants des auteurs et des éditeurs il y a quelques mois, grâce à la médiation de M. Pierre Sirinelli. Une loi d’habilitation est nécessaire pour modifier le code de la propriété intellectuelle. En l’absence d’autre véhicule législatif, il faudrait qu’elle soit intégrée au plus tard dans le projet de loi sur la création.

En ce qui concerne l’augmentation de l’offre de livres numériques, nous continuons à œuvrer à l’augmentation de l’offre légale par la numérisation du domaine public à la Bibliothèque nationale de France via Gallica, pour 6 millions d’euros par an. Pierre Lemaitre a d’ailleurs salué le rôle important qu’avait joué Gallica dans l’écriture de son dernier roman, Au revoir là-haut, pour lequel il vient de recevoir le prix Goncourt. L’augmentation de l’offre est aussi assurée par l’aide à la conversion des catalogues non numérisés apportée aux éditeurs via le CNL, pour 4 millions d’euros par an, et par le développement de mécanismes juridiques innovants, notamment la gestion collective des droits pour les œuvres indisponibles.

Puisque Mme Buffet a évoqué la liberté de la presse, je rappelle que pour sécuriser l’autonomie et le financement de l’AFP au regard du droit communautaire, nous restons mobilisés dans le cadre du contentieux avec la Commission européenne. L’AFP bénéficie dans le cadre de ce budget d’un traitement qui lui permet d’assumer toutes ses missions. Elle est un instrument essentiel pour donner un regard français sur le monde, et un bel exemple d’information de qualité et de défense de la liberté de l’information.

Je conclurai en rendant à mon tour hommage aux deux journalistes de RFI – Ghislaine Dupont et Claude Verlon – qui ont été assassinés au Mali, dont les corps ont été rapatriés ce matin. Je vous remercie de l’avoir fait, et souhaite redire notre soutien à leurs familles, ainsi qu’à la grande famille de RFI.

M. Dominique Baert, président. Madame la ministre, nous vous remercions pour vos réponses.

La réunion de la commission élargie s’achève à vingt-trois heures vingt.

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