Accueil > Projet de loi de finances pour 2015 > Les comptes rendus des commissions élargies (plf 2015) > Compte rendu intégral

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Assemblée nationale

commission élargie

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

(Application de l’article 120 du Règlement)

Lundi 3 novembre 2014

Présidence de M. Gilles Carrez,
président de la Commission des finances.

La réunion de la commission élargie commence à vingt et une heures.

projet de loi de finances pour 2015

Engagements financiers de l’État ;
Remboursements et dégrèvements.

M. le président Gilles Carrez. Monsieur le ministre des finances et des comptes publics, nous sommes très heureux de vous accueillir au sein de cette commission élargie, chargée d’examiner les missions « Engagements financiers de l’État » et « Remboursements et dégrèvements », ainsi que les comptes spéciaux qui s’y rattachent, pour l’année 2015.

M. Victorin Lurel, rapporteur spécial pour la mission « Engagements financiers de l’État ». La mission « Engagements financiers de l’État » comprend sept programmes, celui consacré à la charge de la dette et à la trésorerie de l’État représentant 44,3 milliards d’euros en crédits de paiement (CP) pour l’année 2015, soit 98 % des crédits de la mission. Il s’agit du troisième poste de dépenses budgétaires après les 87 milliards d’euros de la mission « Remboursements et dégrèvements » et les 66 milliards d’euros de celle dédiée à l’enseignement scolaire.

L’endettement public a fortement crû au cours des dernières années ; la dette augmente certes depuis les années 1970, mais elle a progressé de près d’un tiers lors des dix dernières années. Elle a doublé entre 2002 et 2012, puisque son montant a bondi de 907,2 milliards d’euros à 1 822 milliards pour atteindre 89,2 % du PIB ; elle devrait s’élever à 2 023,7 milliards d’euros à la fin de 2014, soit 95,3 % du PIB. La situation très dégradée de nos finances publiques doit nous alerter, même si nous savons qu’elle découle des crises qui se sont succédé entre 2008 et 2011.

Le fort accroissement de l’encours de la dette publique n’a pas eu de conséquence sur le solde budgétaire, puisque la charge de la dette a continué de diminuer grâce au niveau historiquement bas des taux d’intérêt ; ainsi, après avoir régulièrement augmenté jusqu’en 2011, celle-ci s’est stabilisée à partir de cette date avant de décroître depuis 2013. Cette baisse s’avère encore plus marquée si l’on considère l’approfondissement de l’écart entre la charge de la dette et celle de son encours. La Cour des comptes souligne dans son rapport sur le budget de l’État en 2013 que, si l’encours de la dette a été multiplié par 2,5 depuis 1999, la charge qu’elle représente pour les finances publiques n’a augmenté que de 30 % au cours de la même période. La charge de la dette pour 2014 a été revue à la baisse de 1,8 milliard d’euros lors du vote du collectif budgétaire de juin dernier et celui de novembre devrait consacrer une nouvelle diminution de 1,6 milliard d’euros, soit une économie totale de 3,4 milliards d’euros pour la seule année 2014. De même, pour 2015, la charge de la dette, fixée à 44,3 milliards d’euros, devrait, suite aux engagements pris par M. Sapin, ministre des finances et des comptes publics auprès de la Commission européenne, diminuer de 400 millions d’euros grâce à une actualisation à la baisse de la prévision des taux d’intérêt. La prévision du niveau de la charge de la dette pour 2014 repose sur un effet volume lié à l’anticipation d’une surcompensation de l’augmentation de l’encours de la dette, sur une baisse des taux d’intérêt et sur une diminution de l’inflation, ces deux derniers éléments compensant le premier.

Les bonnes conditions de financement de notre dette des dernières années ne remettent pas en cause la nécessité de limiter l’accroissement de notre endettement ; en effet, en cas de remontée des taux, la France se trouverait exposée à un risque financier, économique et politique important. Le Gouvernement a donc défini des orientations fortes en matière de réduction de la dépense publique dans la loi de programmation des finances publiques pour la période allant de 2014 à 2019 et dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2015 : les économies doivent atteindre 21 milliards d’euros en 2015, auxquels il convient d’ajouter 3,6 milliards d’euros annoncés la semaine dernière. La dette publique devrait donc se stabiliser à partir de 2016 avant de diminuer au cours des années suivantes.

La mission comporte un nouveau programme dédié au fonds de soutien aux collectivités territoriales ayant souscrit des emprunts structurés à risque. Introduit lors d’un collectif budgétaire à la fin de l’année 2012 et adapté dans la loi de finances initiale (LFI) pour 2013, ce fonds doit être doté de 1,5 milliard d’euros au cours des quinze prochaines années. Il apportera une aide aux collectivités les plus exposées à ces emprunts dits toxiques : 1 000 collectivités pourraient en bénéficier pour un encours global estimé à 8 milliards d’euros.

Dans le programme « Charge de la dette et trésorerie de l’État », le Gouvernement vient d’annoncer une révision à la baisse du coût de la charge de la dette de 400 millions d’euros en 2015. Monsieur le ministre, pourriez-vous rappeler les principales hypothèses retenues pour justifier cette contraction ?

La prochaine échéance de notation de la dette française est fixée au 12 décembre. La prévision des taux d’intérêt appliqués à la dette française intègre-t-elle les effets d’une possible dégradation de la note française ?

Le Gouvernement a annoncé une réforme de l’épargne salariale cet automne, qu’il devrait présenter dans le projet de loi relatif à l’égalité des chances économiques. Quels en sont les objectifs et les principales mesures ?

Les conditions actuelles de financement des collectivités territoriales s’avèrent-elles satisfaisantes ? Permettront-elles de favoriser une reprise de l’investissement local qui constitue le pilier de l’investissement public dans notre pays ?

Les nouvelles orientations monétaires de la Réserve fédérale (FED) américaine peuvent-elles nous inciter à modifier nos prévisions en matière de taux d’intérêt ? En effet, sa présidente, Mme Janet Yellen a fortement atténué la politique d’assouplissement quantitatif ou quantitative easing (QE).

Quel est le statut de la dette liée à la contribution au service public de l’électricité (CSPE) dans la comptabilité budgétaire de l’État ?

Mme Eva Sas, rapporteure spéciale pour la mission « Remboursements et dégrèvements de l’État ». L’enveloppe totale de la mission « Remboursements et dégrèvements de l’État » avoisine les 100 milliards d’euros, ce qui en fait la plus lourde financièrement pour le budget de l’État. Son augmentation tendancielle met en évidence une évolution de fond de nos finances publiques ; les grandes réformes reposent en effet de moins en moins sur des crédits budgétaires et davantage sur des dépenses fiscales, celles-ci devant dorénavant entrer dans la norme de la dépense.

Le Gouvernement communique sur l’effort de réduction de 3,6 milliards d’euros de la dépense publique, mais cette mission augmente de 3,9 milliards d’euros. L’existence même de cette mission atteste l’existence d’une politique de débudgétisation non satisfaisante, même si la mise en œuvre du système européen des comptes (SEC) 2010 conduit à mieux appréhender ces dépenses fiscales.

Cette mission pose des problèmes de périmètre : des volumes considérables sont ainsi crédités dans cette mission alors qu’ils relèvent de la pure mécanique de l’impôt – comme les restitutions de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et d’impôt sur les sociétés (IS) – et qu’ils devraient donc se trouver fondus dans la recette nette de l’impôt. L’articulation entre ces sommes et le budget général de l’État n’apparaît pas clairement ; ainsi, les remboursements d’impôts locaux – qui poursuivent notamment des objectifs sociaux avec les dégrèvements de taxe d’habitation – sont comptabilisés en atténuation des recettes du budget de l’État alors qu’ils n’ont pas de rapport avec celles-ci. Il conviendrait d’analyser ces remboursements avec les autres transferts aux collectivités locales.

Comme les remboursements mécaniques de l’impôt représentent les deux tiers du volume financier de cette mission, l’exécutif considère que la prévision budgétaire est purement évaluative. Or, un tiers des dépenses découle de réformes majeures du Gouvernement comme le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), le crédit impôt recherche (CIR), les crédits d’impôt sur le revenu, le remboursement de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE). Il y a lieu de ne pas budgéter ces dispositifs de façon simplement évaluative, ainsi que l’impose la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). J’ai étudié dans mon rapport les conséquences budgétaires du CICE, qui s’avèrent différentes des prévisions.

L’évaluation de la performance de ces crédits repose sur quatre indicateurs qui font état du délai des remboursements ; c’est largement insuffisant, la loi ayant fixé au CICE des objectifs ambitieux : amélioration de la compétitivité, stimulation de l’investissement et de la recherche, accompagnement de la transition écologique et reconstitution du fonds de roulement. Il est très étonnant que l’administration fiscale ait reçu comme instruction de traiter les dossiers relatifs au CICE en moins de quinze jours, ce qui ne permet même pas aux agents d’en vérifier l’assiette. Le CICE est un crédit d’impôt comme les autres et rien ne justifie l’allègement de ses contrôles. La présentation des données relatives au CICE dans cette mission en illustre l’inutile complexité ; les crédits budgétaires du CICE sont en effet répartis en quatre actions différentes, et un travail approfondi s’avère nécessaire pour comprendre que le crédit d’impôt représentera 4,1 milliards d’euros en 2014 et 6,6 milliards d’euros en 2015.

La Cour des comptes formule chaque année des recommandations visant à clarifier la présentation de la mission, en prenant notamment en compte les remboursements d’impôts locaux à l’article d’équilibre et la fin de l’imputation des restitutions mécaniques en crédits budgétaires. Ces avis de la Cour, identiques année après année, ne sont jamais suivis par le Gouvernement, alors que ces deux mécanismes portent sur 11 milliards et sur 63 milliards d’euros. Quelle suite comptez-vous donner, monsieur le ministre, à ces recommandations de la Cour ? La représentation nationale a l’impression que l’administration use de présentations volontairement complexes pour limiter le contrôle de son action.

Quels sont les principaux contentieux communautaires qui pourraient avoir un impact budgétaire significatif ? Pour quels montants ? Le coût des affaires déjà jugées s’élève à 0,7 milliard d’euros pour 2014 et 2,2 milliards pour 2015 – dont 0,4 milliard lié au précompte immobilier et 1,8 milliard d’euros pour le contentieux lié aux organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM). Même s’il ne s’agit pas d’un contentieux communautaire, pourriez-vous nous éclairer sur les conséquences budgétaires du jugement du tribunal de Montreuil imposant la rétrocession de 366 millions d’euros à Vivendi au titre du bénéfice mondial consolidé ?

La mission regroupe de nombreux remboursements de crédits d’impôt ayant un effet important sur l’environnement. Nous avons voté récemment la loi relative à la transition énergétique, mais plusieurs dépenses fiscales, comme l’exonération de TICPE sur le kérosène et celle pour les taxis, les routiers et les agriculteurs, vont à l’encontre de ses objectifs. Envisagez-vous de conduire un travail de mise en cohérence de la fiscalité avec les objectifs de la nouvelle loi ? Comment analysez-vous la démission du président du comité pour la fiscalité écologique, M. Christian de Perthuis ? Lassé de ne jamais être entendu, il a préféré partir, et je tiens à lui rendre hommage. Quel avenir réservez-vous à ce comité ?

Monsieur le ministre, ne serait-il pas opportun de rapprocher les crédits de la mission des autres concours financiers aux collectivités locales des remboursements d’impôts locaux ? Le dispositif permettant de verser aux régions une part de la TICPE pour financer leurs infrastructures s’éteindra à la fin de l’année 2015 : comment cette recette fiscale sera-t-elle remplacée ?

M. Guillaume Bachelay, rapporteur spécial pour les comptes d’affectation spéciale « Participations financières de l’État » et « Participation de la France au désendettement de la Grèce » et pour le compte de concours financiers « Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics ». L’année 2014 marque le déploiement de la nouvelle doctrine de l’État actionnaire. L’Assemblée nationale l’a inspirée et le Gouvernement l’a présentée au conseil des ministres du 2 août 2013 ; elle permet à l’État d’agir en investisseur avisé et de gérer activement ses participations en conjuguant l’indispensable investissement dans l’économie et le nécessaire désendettement. Cette doctrine, connue sous le nom de « et/et », repose sur une approche dynamique qui constitue un puissant vecteur de modernisation de l’État. Celui-ci, s’avère volontaire en jouant un rôle d’acteur à part entière de la vie économique, gestionnaire en améliorant la gouvernance des entreprises publiques ou dans lesquelles il détient une participation, et exemplaire en inspirant des bonnes pratiques pour l’ensemble de l’économie.

Les cessions de participations représentent 5 milliards d’euros dans le compte d’affectation spéciale (CAS), dont 4 milliards seront affectés au désendettement, le reste étant consacré à des opérations de réinvestissement. Depuis le dépôt du PLF, le Gouvernement a publiquement évoqué un montant de cessions pouvant se révéler supérieur et vous avez précisé, monsieur le ministre, que les sommes attribuées au désendettement seront limitées au montant de 4 milliards d’euros et que toute recette supplémentaire sera donc utilisée pour le réinvestissement. Pourriez-vous expliquer l’importance de cette doctrine du « et désendettement et réinvestissement » pour la préparation de l’avenir et pour la compétitivité de l’économie ? Comme les années précédentes, je fais part à nouveau de mon attachement à cette conception et de ma hâte de la voir mise en œuvre dans les douze à dix-huit prochains mois.

Dans le cadre de cette doctrine, l’État est susceptible de prendre part à des opérations majeures, notamment pour favoriser l’emploi, préserver les intérêts stratégiques de la nation – comme dans le cas d’Alstom. Quels principes guideront les priorités de l’État actionnaire en 2015 ? Contribueront-elles à investir dans la transition énergétique et dans le numérique, secteurs décisifs pour notre pays qui se trouvent au cœur du deuxième programme d’investissements d’avenir, annoncé par le Gouvernement l’année dernière ?

La banque publique d’investissement (Bpifrance) et la Caisse des dépôts et consignations (CDC) constituent d’autres outils au service de la politique stratégique de la puissance publique : comment le Gouvernement évalue-t-il l’articulation de l’action de l’Agence des participations de l’État (APE), de Bpifrance et de la CDC ?

L’ordonnance du 20 août 2014 simplifie et modernise la gouvernance des entreprises publiques, notamment les procédures administratives et le cadre juridique applicable à l’État actionnaire. Quels sont les enjeux et les premières étapes de cette gouvernance repensée ? Le rapport d’activité de l’APE pour 2014 précise que le taux de féminisation des représentants de l’État dans les conseils d’administration, inférieur à 20 % en juin 2012, s’élevait à 27,8 % en juin 2014 ; il y a lieu de confirmer et de conforter cette évolution à l’avenir.

L’État actionnaire devant être exemplaire, le décret du 26 juillet 2012 a prévu le plafonnement des rémunérations des dirigeants des entreprises publiques et a inspiré le code de l’Association française des entreprises privées (AFEP) et du Mouvement des entreprises de France (MEDEF) relatif aux rémunérations des dirigeants des entreprises cotées. Des marges de progression demeurent cependant, qu’il s’agisse des retraites chapeaux à intégrer dans ce plafonnement et des délais de paiement aux entreprises, notamment aux PME. Le rapport souligne que l’État remplit ses engagements de délai de paiement de vingt jours, mais il doit sensibiliser tous les acteurs économiques à cette exigence.

Monsieur le ministre, comment l’État actionnaire compte-t-il agir davantage et plus efficacement dans les domaines de la responsabilité sociale et environnementale (RSE) et du civisme fiscal ?

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics. La dette restera élevée en 2014 et en 2015, et l’encours progressera, mais la charge de l’endettement sera contenue. En 2015, les intérêts de la dette constitueront le deuxième poste budgétaire de l’État après l’éducation nationale et atteindront 44,3 milliards d’euros. Ce montant s’avère inférieur à la charge prévisionnelle de 2014 – qui s’élevait à 46,7 milliards d’euros en LFI et à 44,9 milliards d’euros lors de la loi de finances rectificative (LFR) du 8 août 2014.

Cette stabilité s’explique par les gains de refinancement de l’État : la France a en effet bénéficié cette année de conditions de financement extrêmement favorables. Les taux ont d’ailleurs diminué dans l’ensemble de la zone euro. Notre pays finance ainsi sa dette à des taux historiquement faibles, puisque nos émissions de moyen à long terme s’effectuent au taux de 1,38 % depuis le début de cette année, soit le taux le plus bas jamais atteint et qu’il convient de comparer à celui de 4,1 % en 2008.

Cette bonne nouvelle résulte de la confiance des investisseurs dans la signature française, mais cette baisse des taux traduit également un environnement économique atone en Europe. La faiblesse de l’inflation a conduit la Banque centrale européenne (BCE) à diminuer ses taux directeurs à plusieurs reprises, le taux de refinancement ayant été baissé à 0,15 % en juin 2014, puis à 0,05 % en septembre dernier.

Nous prévoyons donc une contraction de la charge de la dette de l’ordre de 400 millions d’euros pour 2015 en comptabilité maastrichtienne. Monsieur Lurel, les conditions de financement très favorables que nous connaissons depuis le début de l’année s’étant encore améliorées depuis le dépôt du PLF, nous avons révisé à la baisse le scénario de taux d’intérêt. Le PLF pour 2015, présenté le 1er octobre 2014, reposait sur des hypothèses élaborées en septembre estimant que le taux à l’émission des obligations assimilables du Trésor (OAT) à dix ans serait de 1,9 % à la fin de 2014 et de 2,4 % à la fin de 2015 ; compte tenu de l’évolution à la baisse des taux depuis le milieu du mois de septembre, nous pensons que ce taux à dix ans ne dépassera pas 1,5 % à la fin de 2014 et 2 % à la fin de l’année prochaine – évaluation prudente, car le dernier consensus des économistes estimait ce dernier taux à 1,8 %, mais nous considérons que les taux pourraient remonter à la suite d’un mouvement amorcé aux États-Unis à la suite du changement de cap annoncé par la présidente de la FED. Les dernières dégradations des perspectives de la note de la France n’ont eu aucun effet sur le niveau des taux d’intérêt – ou alors inverse à celui attendu –, et ces notations n’entrent pas dans notre scénario de taux.

La LFI pour 2014 a créé un fonds de soutien des organismes publics locaux ayant souscrit des emprunts structurés et des instruments financiers les plus sensibles. Le versement des aides attribuées par le fonds d’ici à l’été 2015 s’effectuera sur quinze ans, à raison de 100 millions d’euros par an. Une petite partie – de l’ordre de 50 à 60 millions d’euros au maximum – pourra être donnée en une fois. Le Gouvernement a pris du retard dans la mise en œuvre de ce fonds, même si une accélération s’est produite ces derniers mois. On a installé le service de pilotage du fonds et on l’a présenté au comité national d’orientation et de suivi ; ce service doit se prononcer sur la doctrine d’emploi du fonds. Le comité, présenté par le sénateur Jean Germain, accueille toutes les strates de collectivités locales ; celles-ci peuvent dorénavant déposer leur dossier et demander une aide au fonds de soutien.

La modernisation de l’action publique a marqué une nouvelle étape en 2014 avec la publication d’une doctrine et l’adoption de l’ordonnance du 20 août relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique. Les lignes directrices de l’État actionnaire, adoptées par le Gouvernement le 15 janvier, ont permis de préciser et de clarifier les interventions en fonds propres. L’État peut piloter une gestion plus active en vendant certaines participations pour se désendetter et pour réinvestir dans des champs plus utiles – comme l’efficacité énergétique, pour laquelle nous mettrons en place en 2015 des dispositifs d’appui – et dans le secteur industriel en fonction des dossiers et des nécessités.

Nous avons simplifié et renforcé le cadre juridique de la gouvernance des entreprises à participation publique dans l’ordonnance du 20 août 2014 ; il s’agissait de prendre en compte l’évolution des bonnes pratiques de gouvernance qui s’est déployée depuis trente ans, afin de rapprocher le public du privé et de donner à l’État une capacité d’influence, au moins égale, voire supérieure, à celle des actionnaires privés. Nous avons bien entendu préservé certaines spécificités des entreprises à participation publique, notamment dans la plus grande représentation des salariés ou la protection d’intérêts stratégiques de l’État dans la défense nationale ou l’énergie.

Cette politique de gestion plus dynamique s’est déployée dans des opérations de cession – titres d’Airbus, de GDF Suez et de l’aéroport de Toulouse –, qui ont permis à l’État de prendre une participation de 15 % dans PSA en avril et de se désendetter à hauteur de 1,5 milliard d’euros en octobre – opération qui ne s’était plus produite depuis 2007.

Nous poursuivrons cette stratégie en 2015 en mettant l’accent sur la limitation de l’endettement de l’État – 4 milliards d’euros de produits et de cessions seront affectés à cet emploi. Compte tenu du portefeuille de l’État actionnaire – constitué en grande partie de sociétés cotées –, vous comprendrez que je ne vous donne pas davantage de détails sur les opérations offensives que nous souhaitons mener dans les domaines que j’ai cités.

Monsieur Lurel, la baisse prévisible des investissements des collectivités locales s’explique principalement par le cycle électoral ; en 2012 et 2013, les investissements étaient dynamiques, cette tendance s’étant, comme il était attendu, renversée cette année. Cette situation accentue les difficultés rencontrées par les entreprises de travaux publics qui peuvent déjà souffrir d’un manque de commandes. Le Gouvernement a pris des mesures pour amortir le repli de l’investissement local : dotation de soutien à l’investissement, levée des contraintes pesant sur le fonctionnement du fonds de compensation de la TVA (FCTVA) et majoration du taux forfaitaire du FCTVA comme l’année dernière.

Les conditions de financement des collectivités locales s’avèrent aujourd’hui favorables ; le financement est abondant – ce qui n’était pas le cas il y a deux ans –, le secteur bancaire a assoupli ses conditions de crédit – il sollicite les collectivités bien plus qu’il ne rejette ses projets –, l’offre de la société de financement local (SFIL) via le réseau de la Banque postale s’est développée et les plus grandes collectivités disposent d’un accès direct au marché obligataire.

La CSPE est assimilée à un prélèvement obligatoire depuis un arrêt du Conseil d’État de mars 2006 ; les dépenses qu’elle finance se trouvent comptabilisées au sein des dépenses publiques maastrichtiennes et entrent donc dans le calcul du déficit public. Depuis mars 2014, la dette de la contribution est intégrée dans la dette publique. Sur le plan de la comptabilité générale, la CSPE constitue donc un engagement hors bilan de l’État.

Madame Sas, la divergence entre les Gouvernements successifs et la Cour des comptes sur le traitement des impôts locaux dans l’article d’équilibre des lois de finances est maintenant ancienne. Ces dépenses sont traitées en moindres recettes en comptabilité nationale et on doit donc les appréhender de la même manière dans le budget de l’État.

À notre arrivée au pouvoir en 2012, nous avons trouvé en héritage trois contentieux communautaires de masse : celui sur les OPCVM – représentant 5 milliards d’euros –, celui sur les précomptes mobiliers pour lequel le Conseil d’État a rendu une décision plutôt favorable à l’État, ce qui a fait diminuer son coût de 2 milliards à 1,3 milliard d’euros, et celui sur la taxe sur les communications électroniques pour lequel la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) nous a donné raison. La suppression du bénéfice mondial consolidé de Vivendi en 2011 a conduit à la condamnation de l’État ; s’il ne fait pas appel, le déficit public sera alourdi de 400 millions d’euros y compris les intérêts moratoires.

Le versement de la TICPE aux régions pour le financement des infrastructures a donné lieu à une contestation européenne du dispositif de modulation générale de la TICPE, mais la TICPE liée au Grenelle n’est pas concernée et l’investissement qui y est attaché sera préservé.

M. Alain FauréLa charge de la dette s’est élevée à 44,9 milliards d’euros en 2013, niveau plus faible que celui de l’exécution 2012 où elle avait atteint 46,3 milliards d’euros. Ce résultat confirme la tendance baissière amorcée en 2012 qui a permis de réaliser une économie conjoncturelle de 2 milliards d’euros par rapport aux prévisions de la LFI. Par ailleurs, le Gouvernement vient d’annoncer une révision à la baisse du coût de la charge de la dette de 400 millions d’euros en 2015. Je tiens à saluer la bonne gestion de la dette de l’État par le Gouvernement qui sert les intérêts des contribuables.

Le programme relatif au fonds de soutien relatif aux prêts et contrats financiers structurés à risque traduit la volonté politique sur laquelle repose le pacte de confiance et de responsabilité. Il vise à soutenir financièrement les collectivités ayant souscrit des emprunts structurés devenus toxiques, et l’ensemble des collectivités territoriales et leurs groupements pourront solliciter le fonds. Il convient de saluer la concertation approfondie qui a réuni les services de l’État, l’Association des maires de France (AMF), l’association « Acteurs publics contre les emprunts toxiques » et les représentants du Parlement. Le fonds n’a en revanche pas vocation à exonérer les responsables locaux des erreurs qu’ils auraient pu commettre ; il ne pourra d’ailleurs couvrir que 45 % des refinancements et constitue donc une solution équilibrée qui répond à une situation de crise qui a déjà fait perdre 10 milliards d’euros à l’État. Si ce dispositif ne satisfait pas tout le monde, il doit permettre la répétition d’une telle situation en apportant un mécanisme de soutien pérenne et global à la hauteur du risque pesant sur les contribuables locaux.

Mme Véronique Louwagie. Selon les données du Gouvernement, la charge de la dette s’établirait à 44,3 milliards d’euros en 2015, en diminution par rapport à 2014 où elle atteignait 46,7 milliards d’euros. Cependant, le montant de la dette publique de notre pays a dépassé le seuil symbolique des 2 000 milliards d’euros et devrait s’élever à 97,2 % du PIB en 2015, ce qui constituerait un record. Se profile un niveau de dette supérieur à 100 % du PIB.

Monsieur le ministre, nous prenons acte de vos annonces récentes sur les nouvelles recettes envisagées pour réduire le déficit public de 3,6 milliards d’euros supplémentaires. Dans cette enveloppe, 400 millions permettront de diminuer la charge de la dette en 2015 via une baisse des taux d’intérêt. Le 1er juillet dernier, le taux d’emprunt à dix ans s’élevait 1,71 % et n’a pas cessé de chuter depuis, pour atteindre 1,28 % le 27 octobre. Notre pays emprunte donc à des taux dont la faiblesse est inédite.

Cette tendance pourrait s’inverser à la suite de la décision de la présidente de la FED de mettre un terme aux programmes de rachat d’actifs ; cette mesure devrait entraîner une remontée progressive des taux d’intérêt aux États-Unis avec un impact différé sur les taux européens. D’ici à 2015, la charge de notre dette dépassera le chiffre annoncé par ce PLF, et les 400 millions d’euros prévus deviendront rapidement caducs.

Depuis deux ans, le président de la République a pris de nombreux engagements pour que le déficit redevienne inférieur à 3 % du PIB et pour que le mouvement d’augmentation continue de notre dette cesse. Or le constat est aujourd’hui sans appel : l’objectif des 3 % a d’abord été fixé pour 2013, puis pour 2015 et maintenant pour 2017 ; dans l’incapacité de tenir ses promesses, le Gouvernement choisit de laisser filer les déficits et la dette. Vous avez évoqué un scénario prudent et de taux supérieur au consensus des économistes, mais la situation inquiète grandement le groupe UMP. Pourriez-vous nous éclairer sur ces différents points ?

Mme Monique Rabin. Monsieur le ministre, les crédits budgétaires consacrés au commerce extérieur sont dispersés. Réfléchissez-vous à une reconstruction de la maquette budgétaire afin que les parlementaires puissent disposer d’une vision plus précise de l’effort de l’État en la matière ?

Les crédits alloués au soutien à l’export et aux garanties apportées aux PME augmentent notablement, puisqu’ils étaient de 116 millions d’euros en 2012, de 138 millions dans la LFI pour 2014 et qu’ils s’élèvent à 149 millions dans ce PLF. Quelles sont les raisons de cette progression, qui contraste avec la faible croissance des dépenses consacrées aux autres actions dans ce domaine ? 

M. le président Gilles Carrez. La LFR pour 2014 a fait apparaître une première économie en matière d’intérêts de la dette par rapport au PLF, et le nouveau collectif examiné par le conseil des ministres le 12 novembre prochain marquera probablement une nouvelle diminution de la charge de ce poste. Ces ressources doivent aller à la baisse du déficit et non pas à des augmentations de dépenses. Dans le cadre de la norme du « zéro valeur » – qui s’applique pour tous les postes à l’exception de la dette et des pensions –, il y a lieu d’assumer les dérapages pour certaines dépenses de guichet comme l’aide médicale d’État (AME). Cette règle s’avère très importante pour la gestion budgétaire : en confirmez-vous l’application, monsieur le ministre ?

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics. Les 3,6 milliards d’euros de diminution supplémentaire du déficit pour 2015 par rapport au PLF intègrent bien les 400 millions d’euros qui ne financent pas des dépenses.

Monsieur Fauré, je vous remercie de votre soutien.

Madame Rabin, l’augmentation des crédits budgétaires consacrés à la dimension internationale de l’économie française répond à une volonté politique d’accroître le nombre de bénéficiaires des actions de soutien : ceux-ci sont ainsi passés de 7 508 à la fin de 2011 à 12 057 en juin 2014. La mise en place en 2012 d’un nouveau produit simplifié destiné aux PME primo-exportatrices a conduit à un surcoût prévisible de la procédure en 2013 et en 2014. Toutefois, la hausse modérée des crédits dédiés à la procédure en 2015 par rapport à 2014 – acquise grâce aux réformes de mars 2014 – illustre la stabilisation du dispositif. Je souscris à votre remarque sur la rationalisation de la maquette budgétaire, même si elle pourrait s’appliquer à de nombreuses actions publiques éparpillées entre différentes missions.

Madame Louwagie, nul ne peut connaître le niveau exact des taux d’intérêt en 2015. Dans un premier temps, la décision de la FED entraînera une diminution de la valeur de l’euro par rapport au dollar ; la BCE espérait ce mouvement lorsqu’elle a diminué ses taux directeurs et mis en place des dispositifs de desserrement des liquidités – certes moins massifs que ceux mis en place par les Américains – pour stimuler la croissance de la zone euro. Au-delà de la crédibilité de la zone qui permet de bénéficier de prêts abondants et peu coûteux, les faibles taux de croissance et d’inflation expliquent également ce financement à bas taux. La BCE cherche à soutenir la croissance, et il conviendrait de déployer une politique budgétaire plus adaptée à la situation d’atonie de l’activité ; si la croissance et l’inflation augmentaient – le taux d’inflation ne dépasse pas 0,4 % dans la zone euro et en France, ce qui est beaucoup trop faible –, les taux d’intérêt remonteraient sans traduire une défiance des marchés.

Nos hypothèses sont réalistes, et le taux d’intérêt de 2 % à la fin de l’année prochaine dépasse les prévisions du consensus des économistes. La diminution des taux d’intérêt en l’espace de trois mois nous permet de proposer une modification du budget de 400 millions d’euros. L’année prochaine, nous financerons 80 milliards d’euros de déficit et refinancerons des sommes considérables liées aux emprunts de 2009 et de 2010, contractés à des taux supérieurs à 4 %. Quand un prêt à 4 % arrive à échéance et se trouve remplacé par un autre à moins de 2 % pour sept ans, une éventuelle remontée des taux ne remet pas en cause l’économie réalisée.

M. le président Gilles Carrez. Lorsque je suis devenu rapporteur général en 2002, les frais financiers de l’État s’élevaient à 37,5 milliards d’euros. Pendant des années, j’ai pensé que ces frais allaient s’envoler, ce qui ne s’est pas produit pour les raisons que vous venez d’évoquer, monsieur le ministre. Cela ne doit toutefois pas nous cacher l’augmentation de l’endettement.

Le CAS dédié à la participation au désendettement de la Grèce repose sur une restitution des titres grecs souscrits par la Banque de France. Quel montant devons-nous encore verser au mécanisme européen de stabilité (MES) ? 

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics. Nous avons procédé à cinq versements entre 2012 et 2014 – pour un montant total de 16,3 milliards d’euros – et n’aurons plus de nouveau transfert à effectuer en 2015. 

M. le président Gilles Carrez. Le Fonds européen de stabilité financière (FESF) visait à apporter une garantie et n’a entraîné aucune dépense budgétaire.

Mme Eva Sas, rapporteure spéciale pour la mission « Remboursements et dégrèvements de l’État ». Existe-t-il d’autres risques de contentieux juridiques portant sur des montants élevés avec l’Union européenne ?

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics. Je n’ai pas connaissance d’éventuels contentieux fiscaux. En revanche, des dispositifs fiscaux ou d’aide en faveur des PME n’ayant pas fait l’objet d’une déclaration à la Commission européenne peuvent être étudiés par celle-ci, mais aucun d’entre eux ne fait peser de risque pour l’année 2015.

M. le président Gilles Carrez. Monsieur le ministre, nous vous remercions.

La réunion de la commission élargie s’achève à vingt-deux heures.

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