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Assemblée nationale

commission élargie

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

Commission des affaires économiques

(Application de l’article 120 du Règlement)

Mardi 4 novembre 2014

Présidence de Mme Marie-Christine Dalloz,
secrétaire de la Commission des finances,
de M. François Brottes,
président de la Commission des affaires économiques,
puis de Mme Frédérique Massat,
vice-présidente de la Commission des affaires économiques. 

La réunion de la commission élargie commence à neuf heures trente.

projet de loi de finances pour 2015

Agriculture, alimentation, forêt et affaire rurales

Mme Marie-Christine Dalloz, présidenteNous sommes réunis en commission élargie afin de vous entendre, monsieur le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, sur les crédits du projet de loi de finances pour 2015 consacrés à la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaire rurales ».

M. le président François Brottes. Monsieur le ministre, nous nous sommes rencontrés à de nombreuses reprises au sein de la commission des affaires économiques, où vous avez fait preuve d’une grande qualité d’écoute. Lors du récent colloque réunissant à Rome les présidents des commissions parlementaires des affaires économiques des pays de l’Union européenne, les délégués français n’ont pas dit grand-chose : ils étaient assez satisfaits de la réforme de la politique agricole commune (PAC). Avec mon homologue du Sénat, M. Lenoir, nous avons pris acte de votre manière remarquable de négocier les intérêts de la France.

Cette année, la commission des affaires économiques ne s’est saisie pour avis, concernant cette mission, que du seul programme « Forêt ». Après le rapport sur la loi agricole et l’examen de la réforme de la PAC, nous avons considéré qu’il n’était pas nécessaire de revenir sur l’agriculture. C’est André Chassaigne qui sera le rapporteur pour avis. Je salue sa passion pour la forêt et pour le couteau de Thiers. À cet égard, je souhaite partager avec vous la grande victoire remportée par Laguiole, dont notre commission suivait le dossier. Les jugements rendus récemment, qui donnent raison à la commune, compteront à l’avenir pour toutes les appellations contrôlées.

Pour en revenir au programme 149, l’objectif est bien l’utilisation accrue du bois dans le cadre d’une gestion durable des forêts – priorité de la politique forestière. Reste que tout doit être fait pour ne pas désespérer les acteurs ; or des efforts sont demandés à tous. Ainsi les modalités de financement de l’Office national des forêts (ONF) seront modifiées, avec une baisse de la contribution exceptionnelle de l’État, et le fonds de roulement important du Centre national de la propriété forestière (CNPF) sera mobilisé, comme tous les autres fonds de roulement, pour contribuer à une meilleure gestion de nos comptes nationaux. Cela permettra de supprimer la subvention pour charge de service public, soit 16 millions d’euros.

La dotation du CNPF, chargé d’assister les propriétaires forestiers privés, sera rétablie en 2016. Les dispositions d’intervention auprès de la filière sont, quant à elles, maintenues. J’insiste sur l’effort considérable fourni pour l’aval de la filière, tant il est vrai que sans perspective en aval, il n’y a pas d’espoir pour l’amont.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial, sur les politiques de l’agriculture et le compte d’affectation spéciale Développement agricole et rural. Pour la quatrième année consécutive, le budget de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » pour 2015 connaît un mouvement de baisse de plus de 4 %. L’utilisation croissante des moyens du budget communautaire, dont l’enveloppe globale est elle-même en baisse, permet néanmoins de compenser une large partie de ces diminutions de crédits, cependant que les actions visant à l’installation des jeunes, à la modernisation des exploitations et au développement de démarches agro-écologiques sont maintenues et développées.

L’année 2015 s’inscrit dans un contexte particulier : elle sera celle de la mise en œuvre complète de la nouvelle PAC définie en 2013 ; celle aussi de l’application de la loi d’avenir que nous avons récemment adoptée et qui a pour ambition une triple performance économique, environnementale et sociale.

Nous sommes tous ici attachés à notre agriculture, dont nous savons le poids en termes d’emploi, de présence de notre pays sur les marchés extérieurs, d’aménagement du territoire et de préservation des paysages. Aussi aimerais-je, monsieur le ministre, vous poser huit questions :

Le budget de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » diminue, pour 2015, de 200 millions d’euros, soit une baisse de 4,1 % par rapport à 2014. Toutefois, l’évolution des crédits communautaires permet d’en compenser les deux tiers. Pourriez-vous nous repréciser les montants de ces compensations communautaires ainsi que les actions budgétaires concernées ?

On observe, par ailleurs, des évolutions positives en matière d’installation des jeunes, de modernisation des exploitations à travers le plan de compétitivité et d’adaptation des exploitations agricoles, et d’orientation vers l’agro-écologie, dans la ligne de la loi d’avenir que nous avons adoptée cette année. Pourriez-vous, là aussi, nous repréciser les évolutions envisagées ?

L’article 47 du projet de loi met fin au régime d’exonération des cotisations sociales pour l’emploi de travailleurs saisonniers applicable aux entreprises de travaux agricoles, ruraux et forestiers (ETARF) ainsi qu’au contrat vendanges. Pourquoi supprimer ces exonérations ? Nous nous interrogeons également sur l’application au secteur agricole et agroalimentaire du pacte de responsabilité et du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE).

Pour l’installation des jeunes, un effort renouvelé sera accompli en 2015, principalement avec la hausse de la participation communautaire. Vous prévoyez à nouveau 6 000 installations aidées pour cette année – nous en sommes actuellement à environ 5 000. Ces évolutions vous paraissent-elles suffisantes pour encourager la relève agricole, qui se fait de plus en plus, aujourd’hui, en installation non aidée, de plus en plus hors cadre familial et alors que l’augmentation de la dotation jeunes agriculteurs (DJA) n’est sans doute plus le paramètre principal pris en compte pour les jeunes qui s’installent ?

On peut s’interroger sur les raisons de la baisse des crédits alloués par le programme 154 à FranceAgriMer, baisse compensée par un émargement de l’opérateur au programme pour les investissements d’avenir (PIA) et par un transfert en provenance du compte d’affectation spéciale pour le développement agricole et rural (CASDAR). Par ailleurs, la stagnation des moyens alloués aux agriculteurs en difficulté (Agridiff) et la diminution des dotations du fonds d’allégement des charges (FAC) se justifient-elles aujourd’hui, alors que plusieurs secteurs d’activité, notamment l’élevage et les fruits et légumes, ont besoin d’un accompagnement accru de l’État ?

Pour ce qui est du programme 149 « Forêt », des efforts financiers sont demandés à l’ONF et au CNPF. Quelles sont les perspectives touchant au renouvellement du contrat d’objectifs et de performances (COP) avec l’ONF ? L’évolution des cours du bois suffira-t-elle à maintenir les moyens de l’Office à leur niveau actuel – puisque le Gouvernement réduit la dotation en espérant la poursuite du mouvement d’augmentation des prix du bois ? Une question similaire se pose pour le fonds stratégique pour la forêt et le bois, censé renforcer la cohérence des interventions de l’État : l’évolution des compensations financières au titre du défrichement sera-t-elle suffisante pour aider au financement du fonds ? Êtes-vous, d’une façon plus générale, favorable à une fusion du CNPF et des CRPF (centres régionaux de la propriété forestière) avec l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture (APCA) et les chambres d’agriculture ?

Le secteur de la production agricole est de plus en plus dominé par son aval, la transformation et surtout la grande distribution. Il faudrait aujourd’hui favoriser une véritable politique de la concurrence entre la grande distribution et le monde agricole et agro-industriel. Le Gouvernement envisage-t-il des initiatives en matière de droit de la concurrence ?

Ma huitième et dernière question porte sur le programme 215 relatif à la conduite et au pilotage des politiques agricoles. Quelle est la place réservée au numérique, notamment dans les relations avec les usagers du ministère, pour diminuer l’administration papier ?

M. Éric Alauzet, rapporteur spécial, sur la sécurité alimentaire. Hors fonds de concours, le total des crédits de paiement demandés pour le programme 206 atteint 501 millions d’euros pour 2015, soit une quasi-stabilisation puisqu’ils baissent de 0,38 % alors que la loi de finances pour 2014 prévoyait une diminution de 1,26 %. Le total des fonds de concours attendus de l’Union européenne diminue, lui, de 23,4 %.

Les dépenses de personnel baissent de 0,22 % et celles de fonctionnement de 14,98 %, tandis que les dépenses d’intervention augmentent de 34,65 %. La baisse des dépenses de fonctionnement, hors dépenses de personnels, de 26 %, est expliquée par la direction générale de l’alimentation (DGAL) par des économies en dépenses publiques. Les évolutions les plus notables sont liées à l’amélioration sanitaire et au renforcement de la surveillance des filières pour améliorer la prévention – visite sanitaire porcine, augmentation des contrôles de résidus des pesticides. Dans ce cas précis, 1 euro investi permet d’économiser 4 à 5 euros en curatif. L’allégement des tests de dépistage de l’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) a également permis d’économiser près de 10 millions d’euros.

La dotation du programme 206 en crédits de fonctionnement s’établit à 67,9 millions d’euros en autorisations d’engagement et 67 millions d’euros en crédits de paiement, soit une baisse de 26 % par rapport à la loi de finances pour 2014. Cette baisse est pour l’essentiel optique, car résultant de mesures affectant le périmètre, les dépenses de fonctionnement ayant été réimputées en dépenses d’intervention.

Dans un récent rapport, la Cour des comptes a relevé les effets néfastes des restrictions de crédits. Vous en avez tenu compte, monsieur le ministre, notamment s’agissant des effectifs de la DGAL et du programme 206, préoccupation de longue date pour moi. Dans le contexte actuel, cet effort est d’autant plus méritoire que la loi d’orientation agricole accroît les missions de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), et que le rapport de la Cour des comptes précité est alarmant.

Ma première question concerne le financement des contrôles par les professionnels. Comment le Gouvernement compte-t-il utiliser les leviers réglementaires utiles au financement par les professionnels des actions de contrôle et assurer que ces moyens se traduiront réellement en moyens humains opérationnels ?

Vous paraît-il utile d’évaluer les conséquences sur l’administration de l’adoption récente d’un amendement donnant aux animaux le statut d’êtres sensibles ?

En raison de l’importance croissante de l’impact sur la santé de nombreux produits phytosanitaires, quelles mesures le Gouvernement peut-il envisager afin de gérer les inévitables controverses à venir ?

Une réflexion pour terminer. Des mesures de prévention sont développées pour éviter des soins ou des mesures curatives coûteuses, notamment chez les animaux malades ou les plantes impropres à la consommation du fait de la présence de résidus de pesticides. Les économies attendues sont cinq fois supérieures aux dépenses engagées. Ces dispositifs ont été d’autant plus faciles à mettre en œuvre que recettes et dépenses sont affectées au même programme. C’est toutefois loin d’être la règle, et il conviendrait d’examiner si des affectations comptables plus dynamiques ici ou là ne permettraient pas à l’État d’être plus économe, plus efficace et plus écologique.

M. André Chassaigne, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, sur la forêt. Je dirai avec délicatesse que le budget du programme 149 n’est pas bon : avec 279 millions d’euros en autorisations d’engagement, contre 321 millions en 2014, il accuse une diminution considérable de 14 %. Ce budget s’inscrit, certes après une année de répit, dans la logique structurelle de baisse des autorisations d’engagement sur le budget forêt depuis dix ans. Les rares budgets en augmentation étaient essentiellement dus à la prise en compte, après 2009, des conséquences de la tempête Klaus. Les deux opérateurs concernés, l’ONF et le CNPF, subissent cette année une baisse de leurs crédits, la subvention du second étant comparable à un Laguiole sans manche et sans abeille et qui aurait perdu sa lame.

Le régime forestier est la garantie d’une gestion de la forêt publique française soucieuse de l’intérêt général et de l’égalité des territoires. Il assure une péréquation financière entre les régions où l’exploitation forestière est rentable et celles dotées de grandes forêts peu productives. Or le financement de ce régime est régulièrement remis en cause, l’État cherchant, dans ce domaine comme dans beaucoup d’autres, à se désengager en faisant supporter les coûts par d’autres acteurs.

La proposition, un temps envisagée par le Gouvernement, d’augmenter de manière disproportionnée – 50 millions d’euros sur trois ans – les frais de garderie des collectivités ne saurait constituer une solution satisfaisante. Cela représenterait, pour les communes dont la forêt est peu productive, un fardeau bien difficile à porter, a fortiori à l’heure de la rigueur où l’État diminue les dotations budgétaires aux collectivités. Cela aurait signifié la remise en question du régime forestier : estimant le coût d’une gestion publique trop élevé, de nombreuses communes auraient demandé à bénéficier d’un « droit d’option », c’est-à-dire à ne pas garder l’ONF comme gestionnaire de leur forêt communale. Mais ce droit d’option aurait aussi entraîné la fin de la péréquation, de la solidarité qui est le propre du régime forestier, cela au détriment même des comptes de l’État. Les premières communes à demander le droit d’option auraient, en effet, été celles qui tirent des recettes des ventes de bois, ce qui aurait déséquilibré encore plus les comptes de l’ONF.

Face à la mobilisation des communes indignées, le Gouvernement a accepté de revoir sa copie initiale, et l’ONF a dû accepter de prendre à sa charge une baisse de dotation de 20 millions d’euros. Faut-il se satisfaire de cette solution ? Certes non. En revanche, dans le même temps, la renégociation du COP de l’ONF qui lie l’Office, les communes forestières et l’État, a été avancée d’un an.

Je ne soutiens pas qu’il faille nécessairement refuser toute discussion sur les contours et l’avenir du régime forestier, mais il faut être prudent et analyser les conséquences d’un changement de paradigme. De grandes questions doivent être posées : quel doit être le niveau du service universel assuré par l’ONF à toutes les communes ? Si l’Office a vocation à effectuer des travaux forestiers, quel doit en être le périmètre et quel doit être dès lors la nature des ventes ?

Il faut rechercher de nouvelles sources de financement pérennes pour l’ONF. L’enjeu crucial est d’identifier les actions pouvant faire l’objet de missions d’intérêt général confiées à l’Office afin de permettre une plus juste rémunération des services rendus par la forêt en matière de préservation de la biodiversité, de contribution à la lutte contre le changement climatique et d’accueil du public.

Pour toutes ces raisons, votre rapporteur salue la quoique tardive décision du Gouvernement de ne pas réduire le débat sur le régime forestier à une simple question financière, et de renoncer à faire du projet de loi de finances le véhicule d’une telle réforme. Il sera néanmoins vigilant dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016. L’ONF, de son propre aveu, peut absorber la baisse de dotations de 20 millions d’euros en 2015, mais il ne pourra assumer seul la baisse de l’engagement de l’État. Quelle sera la position du Gouvernement lors de la négociation du COP ? Le régime forestier a-t-il encore un avenir ?

Pour toutes ces raisons, je ne peux émettre un avis positif sur les crédits du programme 149 qui témoignent du manque de vision du Gouvernement pour cette filière d’avenir qu’est la filière forestière.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. M. de Courson m’a interrogé sur la substitution progressive de financements communautaires aux crédits nationaux dans la politique agricole. La prime nationale à la vache allaitante, qui représentait 165 millions d’euros, est dorénavant financée par le budget européen, à hauteur de100 millions d’euros en 2014 et 65 millions en 2015. C’est le fruit de la bataille que j’ai menée au niveau européen sur le couplage des aides. Le taux de cofinancement s’est également accru à hauteur de 75 % pour l’indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN), soit une économie pour le budget de l’État de 90 millions d’euros en 2014, chiffre que nous entendons porter à 100 millions d’euros en 2015. Le taux de cofinancement est de 80 % pour la politique d’installation, soit, ici, une cinquantaine de millions d’euros d’économies.

Le plan de modernisation est un choix stratégique. Il consiste à prendre 1 % des aides du premier pilier de la PAC pour financer la modernisation de l’élevage de manière générale. On pourra, dans ce cadre et en temps voulu, discuter des aides aux élevages concernés par la directive Nitrates. Les 200 millions d’euros du plan de modernisation alimenteront le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER), qui permettra ensuite de développer des politiques relevant du deuxième pilier. Le financement apporté par l’État passera de 30 à 56 millions d’euros. En 2016 seront discutées les évolutions nécessaires du premier pilier, en particulier le fameux paiement redistributif. À ce moment-là, si la modernisation des exploitations est considérée comme acquise, on pourra envisager que le premier pilier serve à des politiques structurelles du deuxième pilier, comme l’assurance contre les risques agricoles. C’est, a priori, la piste qui s’ouvrira demain. Pour poursuivre cette modernisation, nous avons également mobilisé le programme d’investissements d’avenir (PIA 2), pour la première fois de manière significative pour l’agriculture, à savoir à hauteur de 40 millions d’euros pour 2015.

Mme Frédérique Massat, vice-présidente de la commission des affaires économiques, remplace M. François Brottes à la présidence.

D’un point de vue macroéconomique, le CICE bénéficie à plein au ministère de l’agriculture pour une raison simple : la base de calcul du CICE est de deux fois et demie le SMIC. Grâce au CICE et au pacte de responsabilité, plus de 730 millions d’euros appuieront la compétitivité de l’agriculture et de l’agroalimentaire. Si bien que, même si les crédits de la mission baissent de 200 millions d’euros par rapport à 2014, on dispose in fine d’un « plus » de dépenses budgétaires nationales de 500 millions d’euros.

Nous avons déjà eu de nombreuses discussions à propos des travailleurs occasionnels demandeurs d’emploi (TODE) et des ETARF. Il est vrai que nous considérons qu’en instaurant un système de lissage du temps de travail, en particulier dans le secteur de la forêt, on éviterait un recours excessif au travail saisonnier. Je rappelle d’ailleurs que, dans ce domaine, le CICE représente autour de 13 millions d’euros de soutien.

FranceAgriMer est un vrai sujet. J’ai toujours défendu l’idée d’un pilotage interprofessionnel. Je vous renvoie au plan stratégique proposé par FranceAgriMer et les interprofessions. La baisse du budget, ici, est compensée, outre le programme 154 et le CASDAR, par le PIA à hauteur de 40 millions d’euros par an, qui donneront les moyens nécessaires d’agir à FranceAgriMer. Au total, entre 2014 et 2015, le budget d’action de FranceAgriMer ne baisse « que » de 4 millions d’euros. Reste la question, que nous pourrons clarifier en séance, des 6 millions d’euros du PIA dont devraient bénéficier en 2015 la filière canne-sucre et la diversification dans les départements d’outre-mer.

Monsieur de Courson, le CNPF fera des efforts, comme tous les opérateurs. Il avait un fonds de roulement de plus de sept mois ; nous le ramenons à deux mois, règle que nous appliquons à tous les fonds de roulement, y compris ceux des chambres d’agriculture. Tout a été fait pour garantir au CNPF les moyens de son fonctionnement. La fusion que vous évoquiez entre les chambres et le CNPF est diversement envisagée : les premières l’appellent de leurs vœux, tandis que les professionnels de la forêt privée ne la souhaitent pas, sauf dans l’Est de la France. On peut concevoir, certes, une telle fusion comme un élément de rationalisation du dispositif, mais je ne suis pas du tout convaincu de notre capacité à mener cette réforme à bien.

Pour ce qui est du régime forestier, notre objectif est bien de le maintenir. M. Chassaigne a fort justement rappelé qu’il permet la mutualisation et la solidarité entre des forêts économiquement productives, la vente de bois assurant le financement de l’entretien global de la forêt par le biais de l’ONF, et des forêts qui n’ont pas cette capacité. Je reste favorable à l’idée de la forêt française appréhendée dans sa globalité. Il n’empêche que, dans le même temps, nous devons engager des efforts : ce sont la prise en charge par l’ONF d’une baisse de dotation de 20 millions d’euros et la renégociation du COP qui, tout en garantissant le régime forestier, doit permettre d’adapter son fonctionnement et son coût à un contexte contraint.

Il faut surtout aller dans le sens du développement. La forêt française a son histoire avec, d’un côté, les grandes forêts arboricoles de l’Est et des Landes, et, de l’autre, une forêt qui s’est développée sur la déprise agricole. Dans certains départements du centre, la surface forestière ainsi développée peut atteindre jusqu’à 70 % de la surface agricole utile, ce qui pose le problème de la reconquête de ces surfaces pour l’agriculture. Reste qu’il y a là une biomasse très importante et inutilisée. J’ai donc demandé à l’Institut de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture (IRSTEA) de travailler sur la valorisation en énergie des taillis. C’est ainsi que nous avons signé, dans le Larzac, la prolongation d’un bail, moyennant quoi une filière pellet a été créée qui assure le chauffage d’une grande partie des fermes environnantes. C’est là une stratégie qui vise à aider les communes ne disposant que des moyens d’entretenir leur forêt, à valoriser celle-ci. Elle est conforme à l’essence du régime forestier, à laquelle je suis attaché. Le COP sera renégocié dans la perspective de son maintien. D’ailleurs, si l’effort de 20 millions est important pour l’ONF, il ne faut pas oublier que, en 2012, 2013 et 2014, l’Office a reçu 100 millions d’euros de plus que prévu dans le COP précédent.

En ce qui concerne la concurrence, avec le ministre de l’économie Emmanuel Macron, nous avons discuté avec l’ensemble de la filière puis publié les décrets d’application de la loi Hamon sur la renégociation des accords commerciaux en cas de modification des coûts de production, en particulier dans le secteur agricole. L’Autorité de la concurrence a été saisie afin de vérifier que les regroupements de centrales d’achats de la grande distribution sont compatibles avec le droit de la concurrence, afin aussi d’exercer une pression pour que ces regroupements ne se traduisent par une baisse des prix à la production. Il n’est pas question de nier l’existence de la grande distribution, d’autant qu’elle sert de débouché à de nombreuses productions ; mais elle ne saurait entrer dans une concurrence telle qu’elle participe à la déflation générale. Il y a d’autres moyens pour les grandes enseignes de gagner des parts de marché ; la plus grande y est parvenue, non pas grâce à la baisse des prix, mais en développant les supermarchés de proximité.

M. de Courson m’a également interrogé sur la place du numérique. Grâce au TéléPAC que nous avons mis en place, 86 % des dossiers sont remplis désormais sous forme numérique. Je vais proposer une simplification administrative spécifique pour l’agriculture afin de gagner en efficacité, même si le monde agricole est tout de même contraint par des contrôles européens. Nous avons par ailleurs lancé l’objectif « une demande-une réponse », et nous appliquerons le principe selon lequel l’absence de réponse de l’administration vaut accord.

Par ailleurs, j’entends souligner le fait que, pour la première fois depuis près de dix ans, on relèvera une création nette d’emploi dans le secteur sanitaire avec la création de soixante postes de vétérinaires. Ce chiffre correspond tout à fait aux objectifs que je m’étais fixés, après la prévision de suppression, en 2013, de 120 postes ramenée à soixante puis la stabilisation des effectifs  en 2014.

Le transfert à l’ANSES des décisions d’autorisation de mise sur le marché (AMM) des produits phytopharmaceutiques et des matières fertilisantes avait fait l’objet de longs débats, en particulier s’agissant de l’allocation des moyens correspondants. Antoine Herth, qui s’est toujours montré dubitatif, devra bien constater que le budget de fonctionnement de l’ANSES reste stable, à près de 63 millions d’euros, que dix postes sous plafond vont être créés en 2015 pour absorber le transfert des nouvelles missions, et que la gestion des recrutements hors plafond jouira d’une certaine souplesse pour faire face aux pics d’activité des AMM, puisque l’ANSES les fait financer par ceux qui les demandent. Nos objectifs sont donc atteints.

L’autocontrôle doit absolument être développé. Pour que le système soit fiable et parce que l’on ne peut pas tout contrôler, les entreprises elles-mêmes doivent être en mesure d’assurer la responsabilité qui leur incombe en la matière. Néanmoins, des emplois publics ont été créés dans ce secteur pour que la puissance publique fixe la règle et la fasse appliquer.

Les dispositions relatives au bien-être animal résultent d’une harmonisation entre code rural et code civil. Si je me prononce clairement pour assurer le bien-être animal, je m’oppose à ceux qui considèrent qu’on devrait se passer de viande parce que sa production coûte cher et parce qu’on doit abattre des animaux pour pouvoir en manger. L’élevage, aujourd’hui en France, c’est treize millions d’hectares qui, sans cela, ne seraient pas valorisés. Je m’opposerai donc farouchement à ce que l’on remette en cause l’ensemble de la filière. Je suis prêt à reconnaître que les animaux sont des êtres sensibles dont il faut tout faire pour améliorer le bien-être, mais je n’accepterai aucun interdit alimentaire qui serait susceptible d’aboutir à la fin de l’élevage.

En matière d’agro-écologie, Dominique Potier doit rendre son rapport sur le plan Écophyto début décembre. Dans ce domaine, nous devons sortir de la logique de la norme et adopter une logique d’objectifs, qui s’appuie sur les mesures agroenvironnementales (MAE) que nous avons mises en place, notamment dans le réseau des fermes qui ont déjà diminué leur recours aux produits phytosanitaires et dont l’ensemble des agriculteurs devraient s’inspirer, dans le cadre d’une diffusion des bonnes pratiques. Ne faisons pas comme aux États-Unis où, la résistance au glyphosate étant de plus en plus forte, les cultivateurs ont été obligés de revenir aux composés organochlorés, c’est-à-dire aux DDT. En effet, la mutagenèse étant ce qu’elle est, plus les produits utilisés sont puissants, plus les résistances à ces produits se développent, avec tous les risques que l’on sait. D’où l’importance de changer de stratégie et de se tourner vers l’agro-écologie, pour éviter de se trouver emportés, avec l’utilisation de produits phytosanitaires de plus en plus durs, dans une sorte de course aux armements qui mettra, à terme, notre modèle agricole en danger. Je vous donne rendez-vous le 15 janvier prochain, pour une journée consacrée au comité national d’orientation et de suivi du plan Écophyto et à la mise en œuvre du projet agro-écologique pour la France.

Nous avons augmenté les moyens consacrés à l’installation des agriculteurs : 100 millions d’euros ont été prévus pour favoriser le renouvellement des générations dans l’agriculture.

Mme Pascale Got. Dans un contexte budgétaire qui oblige à des efforts, le ministère a fait des choix que je qualifierai d’équilibrés. Dans la perspective de la transition agro-écologique, vous assurez la gestion des crises et des aléas de la production. Après une année plutôt rude pour de nombreux agriculteurs, les crédits sont renforcés par rapport à 2014.

Vous agissez également en faveur de la compétitivité : si nous additionnons l’ensemble des dispositifs, un soutien très important est offert aux agriculteurs.

Enfin, vous privilégiez l’installation. La dotation aux jeunes agriculteurs augmente de 25 % ; elle est, en outre, complétée par des fonds européens.

Le budget de la forêt est globalement satisfaisant, même si les crédits de l’ONF sont en baisse. Les crédits affectés à la protection contre les risques sont, en revanche, maintenus. La reconstitution des forêts fait désormais l’objet d’un cofinancement avec le FEADER. Deux mesures de soutien devraient satisfaire les acteurs de la filière bois : d’une part, le transfert de la taxe additionnelle à la taxe foncière sur les propriétés non bâties au profit du financement des chambres d’agriculture ; d’autre part, le rattachement par fonds de concours du produit de l’indemnité de défrichement, soit un apport estimé au total à 18 millions d’euros.

Enfin, dans la droite ligne de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt (LAAAF), les crédits consacrés à l’enseignement supérieur et à la recherche ainsi qu’à l’enseignement technique sont en augmentation.

Si vous avez dû réduire les coûts de fonctionnement de votre ministère et des opérateurs sous tutelle, vous l’avez fait sans renoncer à vos ambitions en matière agricole. Il y a donc lieu de voter en faveur des crédits de cette mission.

M. Antoine Herth. Mon temps de parole étant limité, je ne dirai rien de tout le bien que je pense du programme « Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation » ni du programme 149 consacré à la forêt, même si je m’étonne de la différence entre autorisations d’engagement et crédits de paiement au sein de l’action « Fonds stratégique de la forêt et du bois ». Le ministre pourrait-il nous éclairer sur ce point ?

Au sein du programme 154 « Économie et développement durable de l’agriculture et des territoires », je m’interroge sur l’assurance récolte, qui va progressivement basculer dans son intégralité vers un financement européen. Dans la mesure où les grandes cultures sont déjà couvertes à hauteur de 40 %, tandis que les cultures spécialisées et plus fragiles, comme la production fruitière ou le maraîchage, sont faiblement couvertes, n’y aurait-il pas lieu de revoir le fonctionnement de cette assurance récolte, en la redéployant en direction des productions fruitières et légumières, plus sensibles que le secteur céréalier ?

S’agissant de l’exonération de charges sociales, je ne comprends toujours pas pourquoi elle ne s’applique plus aux entreprises de travaux agricoles, ruraux et forestiers ni au contrat vendanges.

Enfin, je vous invite à la prudence quant à vos déclarations concernant la simplification des démarches. Si les choses sont plus simples pour vos services, ce n’est pas forcément le cas pour les agriculteurs, parfois en butte à des problèmes de compatibilité des logiciels informatiques et qui devront faire face, en 2015, aux nouvelles règles de verdissement de la PAC.

M. Thierry Benoit. Je ne vous ferai pas grief de la diminution du budget, dans la mesure où nous allons devoir nous habituer à faire plus avec moins. Par ailleurs, nous savons pouvoir compter, chaque année jusqu’à 2020, sur les 9 milliards d’euros de subventions européennes.

Cela étant, ce budget apporte-t-il des réponses concrètes aux questions touchant à la transition énergétique, à la méthanisation et au développement du biogaz, qu’il s’agisse d’initiatives publiques ou privées ?

Comporte-t-il, par ailleurs, des mesures propres à répondre aux préoccupations de la filière élevage sur le fait que 80 % de la viande servie dans les cantines provient de l’importation ?

Comporte-t-il des dispositions spécifiques pour remédier à l’embargo russe qui pénalise la filière porcine depuis maintenant huit mois ?

Dans la perspective de la fin des quotas laitiers, le programme d’investissements d’avenir, doté pour l’agriculture de 40 millions d’euros par an sur le triennal, s’accompagne-t-il d’une stratégie d’accompagnement des entreprises de l’industrie agroalimentaire ?

Il y a quelques années, les Haras nationaux et l’École nationale d’équitation ont été fusionnés pour donner naissance à l’Institut français du cheval et de l’équitation (IFCE). Dispose-t-on, à ce jour, d’un rapport d’étape sur cette réorganisation ?

Un mot enfin sur l’apiculture. Nous ne produisons en France que 40 % de notre consommation de miel. La filière est, par ailleurs, menacée par le frelon asiatique. La LFI pour 2015 contient-t-elle des mesures en faveur de la filière apicole ?

Mme Brigitte Allain. Si nous constatons depuis quelques années une baisse régulière du budget de l’agriculture, nous identifions néanmoins un certain nombre de points de satisfaction. En effet, cette baisse est en grande partie compensée à la fois par le programme d’investissements d’avenir et par l’augmentation des crédits alloués par l’État dans le cadre de la PAC révisée pour 2014-2020, grâce aux taux de cofinancement plus favorables dont bénéficient notamment les aides à l’installation ou l’indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN).

Ayant participé activement aux travaux de la LAAAF, je suis particulièrement sensible au fait que la programmation budgétaire traduise bien les nouvelles orientations du projet agro-écologique pour la France. À ce titre, l’augmentation des crédits pour l’agro-écologie dans le cadre du CASDAR est une bonne chose. Cela étant, si l’agence Bio voit son budget augmenter de 17 %, il serait opportun de revoir la répartition de ce budget pour assurer la pérennité de la filière. Je regrette que les crédits d’animation affectés à la bio et inscrits dans l’action 15 du programme 154 baissent de 37 %, alors que les besoins d’animation sont accrus en ce début de programmation et du fait de la nouvelle gouvernance des MAE climatiques.

Il très satisfaisant, en revanche, de voir les fonds attribués à ces pionniers de l’agro-écologie que sont les organismes nationaux à vocation agricole et rurale (ONVAR) multipliés par sept.

Quant aux chambres d’agriculture, elles bénéficient d’un budget en baisse certes, mais qui demeure conséquent grâce à l’appui du CASDAR, soit plus de 40 millions d’euros. Comment s’assurer qu’elles prendront bien le virage de l’agro-écologie ?

En matière de traçabilité et de sécurité alimentaire, les leçons ont été tirées de plusieurs années de baisse catastrophique des crédits, qui ont conduit à la dégradation de la qualité et de l’efficacité des contrôles sanitaires. Avec mon collègue Éric Alauzet, rapporteur du programme 206, nous exprimons notre satisfaction, puisque les effectifs seront renforcés. Je souligne néanmoins que le budget de l’ANSES, lui, n’augmente guère.

Enfin, concernant la recherche, il est à noter que la forte hausse de la mission « Enseignement supérieur et recherche » bénéficie à l’enseignement supérieur et à la recherche agricoles. Néanmoins, l’orientation des crédits en faveur de l’agro-écologie et de l’agriculture biologique reste à préciser. De même, les crédits pour l’installation des jeunes sont renforcés. Dans ce métier, il est essentiel de redonner envie aux jeunes de s’installer. Or ils sont d’autant plus motivés que les projets agro-écologiques tracent la voie d’une agriculture durable.

Mme Jeanine Dubié. Si ce budget est marqué par une baisse des crédits de 4,1 % par rapport à l’année 2014, elle est en grande partie compensée par l’augmentation des crédits alloués dans le cadre de la PAC. Le groupe RRDP constate avec satisfaction que le budget de l’agriculture traduit les objectifs affichés dans la LAAAF et défendus lors des négociations autour de la politique agricole commune.

J’insisterai, d’abord, sur la priorité donnée à la jeunesse : 30 % du budget total du ministère de l’agriculture seront ainsi consacrés à l’enseignement technique agricole. Nous notons également que les crédits à l’installation seront préservés, grâce au cofinancement communautaire : une enveloppe de 5 millions d’euros en autorisations d’engagement permettra, en lien avec le cofinancement communautaire, d’engager 25 millions d’euros supplémentaires au titre de la dotation jeunes agriculteurs.

Pour ce qui concerne la compétitivité de notre filière agricole, ensuite, un effort particulier sera fait en 2015 en faveur de l’élevage dans les zones défavorisées, au travers de l’ICHN. Le soutien au renouvellement et à la modernisation des exploitations sera par ailleurs renforcé.

Malgré ces points encourageants, j’attire l’attention sur l’effort important demandé aux chambres d’agriculture dans la première partie de ce PLF, par le biais du prélèvement sur les fonds de roulement et de la baisse du produit de la taxe additionnelle. Cette baisse ne devrait avoir aucun impact économique sur les exploitations, mais elle risque en revanche de remettre en cause l’activité de conseil collectif, solidaire et partagé exercée par les chambres, notamment dans les territoires en difficulté.

En tout état de cause, le groupe RRDP votera pour le budget de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ».

M. Bruno Nestor Azerot. En tant que porte-parole désigné, je vais exprimer ici la pluralité d’opinions qui existe au sein du groupe GDR, auquel sont associés les députés d’outre-mer.

Le groupe GDR s’inquiète de voir les crédits du ministère baisser de 8 %, soit 255 millions d’euros de crédits de paiement amputés par rapport à 2014, ce qui porte la baisse des crédits depuis le début du quinquennat à 756 millions d’euros. On peut s’interroger dès lors sur l’efficacité de l’action « Adaptation des filières à l’évolution des marchés », dont les crédits accusent une baisse de 130 millions d’euros, ou sur celle des politiques d’aide aux exploitations en difficulté. De même, l’accompagnement à la modernisation des exploitations voit ses crédits diminuer de 48 millions d’euros. Dans ces conditions, le ministère aura-t-il encore les moyens de mettre correctement en œuvre la loi d’avenir pour l’agriculture ?

Si, compte tenu de ces coupes budgétaires dommageables, le groupe GDR a décidé de voter contre ce budget, je le soutiendrai à titre personnel en raison des avancées qu’il comporte pour l’outre-mer, même si j’aurais aimé que les moyens de l’Office de développement de l’économie agricole des départements d’outre-mer (ODEADOM) soient augmentés en proportion de l’ampleur de ses nouvelles missions.

Les enveloppes « sucre » et « diversification » outre-mer ont été sérieusement diminuées malgré les promesses faites par le Président de la République. J’insiste sur la nécessité de trouver une solution plus favorable pour les deux enveloppes, l’une n’allant pas sans l’autre. J’insiste également sur le fait que l’argument selon lequel les filières qui n’auraient pas satisfaction retrouveront dans le programme d’investissements d’avenir les crédits qui leur sont retirés par le Conseil interministériel de l’outre-mer (CIOM) ne tient pas : en effet, l’outre-mer n’a pas besoin d’un PIA pour faire des investissements agricoles, puisqu’il a le FEDER et le FEADER. Par ailleurs, une dotation de 6 millions d’euros pour tout l’outre-mer ne représenterait même pas 1 million d’euros pour chaque territoire, ce qui est insignifiant au regard des investissements structurants demandés aux filières. Monsieur le ministre, je souhaiterais que vous nous rassuriez sur ce point.

Mme Marie-Christine Dalloz, présidente. Le Fonds stratégique de la forêt et du bois est doté de 21,8 millions d’euros en crédits de paiement, au sein du programme 149. Cela vous semble-t-il suffisant au regard des besoins de nos forêts ? Qu’envisagez-vous notamment pour alléger les grandes difficultés que rencontrent nos scieries ?

Au sein du programme 154, je demeure attentive à l’évolution des crédits du plan de modernisation des bâtiments d’élevage (PMBE), indispensable au renouvellement de notre agriculture. Si les dotations restent conséquentes puisque, comme pour la DJA, nous pouvons bénéficier de dotations communautaires, ne court-on pas le risque de pâtir, dans les années à venir, d’une raréfaction des crédits dans la mesure où, aujourd’hui, avec 9,1 milliards d’euros, le cumul des financements communautaires est très supérieur au budget consacré par l’État à l’agriculture ?

Sommes-nous enfin au clair sur les procédures et la mise en œuvre du plan pour la compétitivité et l’adaptation des exploitations agricole (PCAE) ?

M. Jean Launay. Je souhaite revenir sur la ponction du fonds de roulement du CNPF et son impact sur les centres régionaux de la propriété forestière filière, qui accomplissent dans nos territoires un travail important pour mobiliser les propriétaires, élaborer les plans de développement des massifs et organiser l’exploitation de notre forêt. Je m’inquiète en particulier de l’impact de ces mesures sur l’emploi des agents, dont un quart disposent de contrats à durée déterminée, reconductibles tous les six mois. Compte tenu des programmations européennes qui doivent être mises en place au début de l’année prochaine, je ne pense pas que ce soit le bon moment pour le faire.

Je m’interroge aussi sur l’intérêt à ponctionner alors que les prévisions de trésorerie du CNPF à partir du mois de septembre, en raison du passage de sept mois à deux mois de fonds de roulement, vous amèneront à rebudgétiser des moyens en loi de finances rectificative. Quelles assurances pouvez-vous nous donner sur le rétablissement de la dotation en 2016, alors que Bercy pousse à la fusion des chambres d’agriculture et des CRPF ? Le cas échéant, quelle garantie avons-nous que les centimes forestiers continueront d’aller aux structures qui travaillent en faveur de nos forêts ?

M. François Rochebloine. Je souhaiterais attirer votre attention sur les attentes des TPE et des groupements d’employeurs du secteur agricole en matière d’allègement des contraintes et de simplification des réglementations. Je concentrerai mon propos sur la situation des salariés qui travaillent pour plusieurs agriculteurs.

Le premier sujet de préoccupation concerne la gestion des contrats à temps partiel. Ceux-ci doivent être précis quant au nombre d’heures de travail hebdomadaire prévues, aux jours de réalisation de ces heures et aux possibilités de dépassement d’horaires, sur un laps de temps donné. Face à ces contraintes, la FNSEA a négocié, en 2013, conformément à la loi relative à la sécurisation de l’emploi, un accord permettant de signer un avenant prévoyant une augmentation provisoire des heures de travail. Or la loi ne précise pas la durée que peut atteindre une telle augmentation. La question s’est posée pour un salarié à mi-temps qui, voulant augmenter son nombre d’heures, acceptait une mise à disposition chez un second employeur, pour une mission de neuf ou douze mois à temps partiel. Malheureusement, personne n’a été en mesure de lui indiquer si cela était possible.

Se pose ensuite la question du mode de calcul des allégements Fillon pour les contrats intermittents. Ces contrats font l’objet d’un CDI, avec un engagement sur un nombre d’heures annuel, par périodes de travail programmées à l’avance, alternant avec des périodes de repos. Un accord conventionnel prévoit que les congés et jours fériés sont rémunérés forfaitairement par une majoration de 13 % du salaire. Mais, depuis la mise en place des aides Fillon, le système est moins favorable. Pour un salarié payé au SMIC de façon lissée sur douze mois, et effectuant huit cent cinquante heures par an, réparties sur neuf mois, le surcoût en cotisations patronales est d’environ 1 400 euros par an. Pour neutraliser cet effet, il faudrait que la majoration de 13 % soit appliquée sur le nombre d’heures, et non pas sur la valeur de l’heure.

J’admets qu’il s’agit de deux sujets techniques, mais ils illustrent toute la complexité de la vie en entreprise. Des assouplissements sont-ils envisageables ?

M. Ary Chalus. La baisse des crédits consacrés à la diversification agricole nous paraît incompréhensible, alors que les mérites de nos filières ont été reconnus par le Président de la République et l’ensemble des responsables politiques et publics de l’outre-mer. De 40 millions d’euros en 2010, ils sont passés à 35 millions en 2013, puis à 31 millions en 2015, soit une baisse de 25 % en trois exercices, alors qu’il faut aujourd’hui inclure Mayotte parmi les bénéficiaires. C’est une catastrophe pour les outre-mer ! L’écart évident entre le discours politique et les arbitrages budgétaires n’est plus acceptable. Si vous souhaitez sacrifier la diversification agricole en outre-mer, dites-le nous, afin que nous prenions des mesures en conséquence. La parole du Président de la République ne compte-t-elle plus pour les électeurs ultramarins, qui l’ont pourtant porté en tête au premier tour de l’élection présidentielle en 2012 ?

Mme Huguette Bello. À mon tour de faire part de l’inquiétude qui a saisi, dans les outre-mer et singulièrement à La Réunion, le monde agricole, à la lecture du budget de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ». La diminution programmée des crédits consacrés aux financements des filières agricoles ultramarines ne correspond ni aux engagements pris par le Président de la République en août dernier à La Réunion, ni aux objectifs de la grande loi que nous avons votée sur l’avenir de l’agriculture, ni aux orientations définies par Bruxelles, à travers le programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité (POSEI), en faveur de la diversification.

La filière canne-sucre verrait donc son enveloppe amputée de 2,4 millions d’euros tandis que les filières de diversification animales et végétales subiraient une baisse de 3,6 millions d’euros. Compenser ces diminutions par le recours au programme d’investissements d’avenir va d’autant moins de soi qu’en matière agricole, le FEADER et le FEDER ont déjà précisément le même objet que le PIA.

La réduction de crédits aura un impact direct sur le revenu des agriculteurs et va bouleverser les équilibres du secteur agricole. Cela au moment même où la filière canne-sucre-énergie doit affronter un bouleversement majeur, avec la fin des quotas et des prix garantis ; au moment aussi où la diversification agricole enregistre des résultats encourageants et doit contribuer au développement des circuits courts. Il me plaît de répéter qu’à La Réunion, près des trois-quarts de la consommation des fruits et légumes est déjà assurée par la production locale, que les différentes filières animales s’organisent et que l’objectif de sécurité alimentaire est à notre portée.

L’inquiétude est d’autant plus grande que l’enveloppe dédiée à la diversification agricole a déjà subi une coupe de 5 millions dans le PLF 2013. Avec cette nouvelle baisse, l’enveloppe diminuerait de 25 % en trois ans. Et quand on se souvient qu’il s’agit d’aides « couplées », c’est-à-dire qu’elles varient en fonction du volume de la production, on mesure les conséquences désastreuses de cette nouvelle diminution pour la production locale.

Monsieur le ministre, nos agriculteurs ne demandent aucune augmentation. Ils vous prient seulement de maintenir en l’état le niveau de l’enveloppe « sucre » et celui des crédits de la diversification.

M. Guillaume Chevrollier. Nos agriculteurs ont de nombreux motifs d’inquiétude. La plupart des filières doivent faire face à des baisses de prix sans précédent, auxquelles s’ajoute une complexification croissante des normes, souvent alimentée par les excès de zèle de l’alimentation. Plus spécifiquement, il y a urgence à lutter contre le frelon asiatique et à le classer en danger sanitaire de première catégorie, pour obliger l’administration à le combattre, grâce à des moyens appropriés.

Mme Frédérique Massat, présidente. L’assurance récolte, la modernisation des exploitations agricoles, l’installation des jeunes agriculteurs et l’augmentation de l’enveloppe des ICHN – propres à donner de l’oxygène aux agriculteurs des territoires de montagne – sont autant de domaines où ce budget nous donne quelques motifs de satisfaction.

Des interrogations persistent cependant, notamment sur l’avenir du CNPF. L’action des centres régionaux auprès des propriétaires est essentielle. Pouvez-vous nous garantir qu’ils seront en mesure de poursuivre leur mission ?

L’application de la directive Nitrates suscite également inquiétude et colère, notamment dans les communes classées en zone vulnérable, du fait du nouveau zonage. Une clarification des critères de classement apparaît indispensable. Par ailleurs, cette directive implique-t-elle pour les exploitants la réalisation de travaux d’envergure ?

J’attire enfin votre attention sur le fait que le plan de soutien à l’économie montagnarde pour 2014-2020 confère aux régions la gestion des crédits du pastoralisme. Or, compte tenu des difficultés de mise en œuvre, cela risque de se traduire par une année blanche, notamment pour le gardiennage, la rénovation des cabanes pastorales et l’animation pastorale.

M. Gabriel Serville. La perte de 756 millions d’euros de crédits pour la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » depuis le début de ce quinquennat me paraît on ne peut plus alarmante, même si je salue le choix que vous avez opéré de préserver les crédits du programme 154 « Économie et développement durable de l’agriculture et des territoires » pour l’outre-mer.

Néanmoins, si l’esprit de solidarité envers nos compatriotes ultramarins m’oblige à me réjouir de l’augmentation des crédits alloués sur le triennal, je reste perplexe sur le fléchage subsidiaire qui a été arrêté. En effet, alors que l’indépendance agricole fait particulièrement défaut en Guyane, les crédits qui lui sont dédiés sont en baisse de 16 %, baisse imputable majoritairement à une diminution de 35 % des crédits du programme 215 « Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture ». Pourtant, ces crédits me paraissent vitaux dans un territoire où la majorité des exploitations consiste en de petites unités vivrières, qui ne peuvent suffire à alimenter une population sans cesse croissante. Personne n’ignore le manque de moyens, notamment humains, dont souffre la filière agricole guyanaise, la raréfaction des porteurs de projets, résultant en partie de la lourdeur des démarches nécessaire pour disposer du foncier.

Pour ce qui est du programme 149 « Forêt », je me dois, là aussi, de vous signifier ma profonde déception car, avec quatre-vingt mille kilomètres carrés de forêt primaire, la Guyane va bénéficier de moins de 600 000 euros de crédits. Il faut se rendre compte que l’ONF, qui bénéficie majoritairement de ces crédits, gère 90 % du territoire guyanais où son action est sans commune mesure avec ses pratiques dans l’hexagone puisque, outre les missions de conservation et de police des forêts, il apporte un appui vital aux opérations de gendarmerie dans le cadre de la lutte contre l’orpaillage illégal.

Aussi, monsieur le ministre, je vous demande de bien vouloir m’apporter quelques précisions sur ce qui a été décidé pour assurer le financement de la politique agricole en Guyane.

M. Thierry Benoit. Avec une soixantaine de parlementaires, nous avons déposé, il y a quelques mois, une proposition de loi qui vise à instaurer un délai d’information préalable pour les contrôles d’exploitation agricole. Vous venez de confier au préfet de la région Bretagne une mission sur la question. Comment celle-ci va-t-elle s’organiser ? Les éleveurs et les parlementaires seront-ils associés à ses travaux ?

Les contrôles constituent pour les agriculteurs un sujet de tension. Mieux vaudrait partir du postulat qu’ils sont des professionnels honnêtes qui méritent qu’on leur fasse confiance. Une meilleure coordination et une simplification des contrôles environnementaux, sanitaires et administratifs permettraient aux exploitants d’effectuer la mise à jour de leurs registres pour les mettre à disposition des contrôleurs, lesquels verraient leur rôle réorienté vers le conseil et l’anticipation plutôt que vers la sanction.

M. Guénhaël Huet. Ma question porte sur les aides à l’installation des jeunes agriculteurs. On ne peut a priori que se réjouir de l’augmentation des crédits de l’État affectés à l’appui au renouvellement et à la modernisation des exploitations agricoles, puisque la dotation pour les jeunes agriculteurs augmente de 5 millions d’euros et passe de 21 à 26 millions d’euros. Cependant, à l’heure actuelle, seulement 60 % de l’ancienne génération est remplacée par une nouvelle génération. Chaque année, environ 16 000 exploitations agricoles ne trouvent pas repreneur et, entre 2000 et 2010, notre territoire a perdu 25 % de ses exploitations agricoles. C’est un mouvement de fond qu’il est certes difficile de contrer, mais il faut garder à l’esprit que l’installation des jeunes agriculteurs ne se résume pas à des lignes budgétaires, aussi conséquentes soient-elles. Le dispositif en vigueur ne semble pas totalement satisfaisant, compte tenu notamment du non-interventionnisme de l’Europe face à la chute des cours – on sait ce qui attend le prix du lait avec la disparition des quotas. Quelles mesures qualitatives envisagez-vous donc de prendre pour améliorer l’efficacité du dispositif d’aide à l’installation des jeunes ?

M. Jean-Pierre Le Roch. Je salue un budget qui, tout en participant à l’effort de réduction de la dépense publique, est en cohérence avec la politique globale menée par le Gouvernement en faveur du redressement productif. Il renforce ainsi la compétitivité et l’emploi dans un secteur qui concerne aujourd’hui plus de 1,5 million de personnes.

Dans le cadre du pacte de responsabilité et de solidarité, les secteurs de l’agriculture et de l’agroalimentaire bénéficieront, dès 2015, de 729 millions d’euros d’allègement des charges sociales et fiscales, ce qui améliorera leur compétitivité-prix. Pourriez-vous nous détailler les mesures de soutien à l’investissement contenues dans ce budget, celles notamment ayant trait au soutien à l’innovation ?

Ce budget traduit également un engagement renouvelé en faveur de la mise en œuvre du projet agro-écologique, comme l’illustrent les 304 millions d’euros d’autorisations d’engagement en faveur des mesures agri-environnementales et climatiques et de l’agriculture biologique.

Je souhaite vous interroger sur les freins au développement de la méthanisation, laquelle constitue pourtant l’une des voies d’avenir de la production d’énergies renouvelables. Malgré la mise en œuvre du plan Énergie Méthanisation Autonomie Azote, ces projets souffrent d’une fiscalité inadaptée à la faible rentabilité des investissements à venir ou déjà réalisés. Que comptez-vous faire pour lever cet obstacle et encourager le développement de la filière de méthanisation ? Des avancées sont-elles prévues dans le cadre de ce projet de loi de finances ?

M. André Chassaigne, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, sur la forêt. La restauration hors foyer, collective et commerciale, représente six milliards de repas par an, soit en moyenne douze repas par mois et par habitant. On estime à 75 % la quantité de viande bovine et à 85 % la quantité de volaille importées qu’elle utilise. Certes vous êtes à l’initiative de la démarche « Viandes de France » destinée à promouvoir la production française, mais encore faudrait-il que cette excellente initiative se traduise par une généralisation des étiquettes.

Par ailleurs, l’obligation réglementaire d’indication d’origine de la viande bovine ne concerne pas les plats élaborés à base de viande, comme les raviolis ou les lasagnes. Quant à la réglementation communautaire sur l’indication d’origine, qui s’appliquera à partir du 1er avril 2015 aux viandes fraîches et congelées de porc, mouton, chèvre ou volaille, elle ne concernera pas la restauration, ce qui est regrettable. Pensez-vous qu’on puisse aller plus loin ?

Dans le cadre des lois Grenelle, le décret du 25 août 2011 sur la passation des marchés publics permet d’introduire dans les appels d’offre le critère de proximité, mais sans que soit fait mention de l’origine géographique. Là encore, pensez-vous qu’on puisse faire évoluer le code des marchés publics et qu’il soit possible de renforcer l’information à tous les niveaux ?

M. Marc Le Fur. Les éleveurs, comme nous tous, ont entendu parler du choc de simplification. Quelque temps après, ils ont reçu leur déclaration annuelle des quantités d’azote épandues ou cédées. Elle représente une dizaine de pages et une centaine de cases à remplir. Quelques éléments de la notice d’explication vous permettront d’apprécier la simplification : l’exploitant doit évidemment fournir son numéro SIRET et son numéro PACAGE, mais également ceux de tous les fournisseurs ou receveurs d’azote avec lesquels il a travaillé. De plus, les étiquettes précisant la composition des fertilisants organiques achetés dans le commerce doivent être jointes à la déclaration. Il est, par ailleurs, précisé qu’il est possible de déléguer la déclaration à un organisme de service, en signant pour cela un formulaire de délégation. Ce qui n’est pas dit, en revanche, c’est que l’organisme de service facturera la déclaration, ce qui représente un coût supplémentaire. Un dernier point enfin achèvera de vous convaincre que la simplification est encore loin : il est précisé dans la notice qu’en mode déclaration le séparateur de décimales est le point, qui remplace la virgule. Il serait plus que souhaitable que, dans la prochaine déclaration, de telles aberrations disparaissent.

M. Kléber Mesquida. L’article 47 du PLF supprime l’avantage majeur du contrat vendanges. J’ai, avec d’autres collègues des départements viticoles, déposé un amendement demandant la suppression de son alinéa 5, qui vise à mettre fin à l’exonération de la part salariale des cotisations sociales dont bénéficient, pendant trois semaines à un mois par an, les salariés embauchés comme saisonniers agricoles pour les vendanges. Ce contrat, mis en place en 2002 pour faire face à une grave pénurie de main-d’œuvre a permis de lever des freins à l’embauche, en autorisant notamment le cumul d’emplois et surtout l’augmentation du salaire de vendangeur de près de 8 %, grâce à l’exonération partielle des cotisations d’assurance sociale.

Il est à noter que ce dispositif n’a pas été contesté par le Conseil constitutionnel, que ce soit au moment de l’adoption de la loi ou à l’occasion d’une QPC. Aujourd’hui, 300 000 contrats vendanges sont signés chaque année, ce qui représente deux tiers des contrats à durée déterminée saisonniers. Pour maintenir la rémunération nette des vendangeurs, les vignerons devront augmenter leur rémunération brute, ce qui augmentera évidemment le coût du travail.

Dans le contexte économique actuel, la suppression de l’exonération partielle des charges salariales constituerait un grave retour en arrière avec des conséquences lourdes en matière d’emploi, une partie des viticulteurs risquant d’abandonner les vendanges manuelles au profit de la récolte mécanique. Cela signifie non seulement la disparition d’une pratique inscrite dans notre patrimoine, mais aussi la suppression des emplois qui y sont liés. Donnons aux vignerons un bon contrat vendanges, ils nous feront du bon vin !

Mme Véronique Louwagie. La France a vu sa production de porcs baisser de 4 millions de têtes en quatre ans. Depuis 2010, du fait de la flambée des cours des matières premières et du durcissement des normes environnementales, la production diminue et les abattoirs sont en surcapacité. Les éleveurs subissent, en outre, des lenteurs administratives : les démarches d’extension d’un élevage prennent six ans en France contre six mois en Allemagne. Ne parlons pas des conséquences de l’embargo russe.

Nous ne pouvons rester spectateurs de la fin de la filière porcine. Quelles décisions concrètes comptez-vous prendre, monsieur le ministre, pour sauver ce secteur qui emploie plus de 100 000 personnes dans notre pays ?

Par ailleurs, il a été décidé de prélever 45 millions d’euros au titre de l’année 2015 sur les financements des chambres d’agriculture : un fonds national de solidarité et de péréquation, créé au sein de l’assemblée permanente des chambres d’agriculture, sera abondé par les fonds de roulement excédant quatre-vingt-dix jours de fonctionnement de chaque chambre. Or il semblerait que ledit fonds existe déjà. De surcroît, il est prévu une réduction de 5,35 % de la recette issue de la taxe additionnelle à la taxe sur le foncier non bâti, ce qui représente 15 millions d’euros par an. C’est ni plus ni moins un coup d’arrêt donné au financement des chambres d’agriculture. Comment pouvez-vous envisager de soutenir la compétitivité des filières agricoles en privant ses acteurs de ressources ?

M. Frédéric Roig. Le projet de budget contient des propositions équilibrées, notamment en matière d’agro-écologie, qui sont de nature à améliorer la performance économique, sociale et environnementale des filières et des exploitations.

De nombreux territoires, notamment ceux qui se situent en zones de handicap naturel, comme les territoires de montagne, se sont approprié les défis qu’ils doivent relever, tels Natura 2000 ou les politiques de qualité. Ils se sont appuyés sur les parcs régionaux et nationaux, sur les centres permanents d’initiative pour l’environnement et sur le travail mené par les chambres d’agriculture.

Avec le soutien du Parlement, vous êtes parvenu, monsieur le ministre, à négocier la politique agricole commune de manière à aboutir à un rééquilibrage par rapport à la diminution des aides. Il importe d’encourager les investissements, la recherche et la formation et de trouver le nécessaire équilibre entre les problématiques environnementales et l’application des directives. Nos agriculteurs craignent, en effet, de perdre d’un côté ce qu’ils ont gagné de l’autre.

Il importe également de soutenir certaines filières en difficulté. Pensons à l’oléiculture, avec les problèmes sanitaires dont souffrent les oliviers, à la viticulture et à l’agro-pastoralisme, qui doit faire face aux enjeux liés à la production locale et à la distribution de proximité. J’espère que les différentes mesures envisagées, notamment dans le domaine agro-environnemental, permettront de développer une agriculture de qualité dans nos territoires.

M. Dino Cinieri. Les aides à l’investissement pour la modernisation des bâtiments agricoles constituent un dispositif auquel nous sommes très attachés dans le département de la Loire. Soixante à quatre-vingts dossiers relatifs à la modernisation ou à la construction de bâtiments neufs nous sont soumis en moyenne chaque année, sauf en 2014, où ce chiffre a été divisé par deux en raison des incertitudes liées à la situation économique globale et aux aides à l’investissement. Le montant moyen de l’investissement réalisé en 2013 était de 175 000 à 180 000 euros, hors taxes, pour 37 000 à 38 000 euros d’aides versées au titre du plan de modernisation des bâtiments, soit un volume global de 10 millions à 11 millions d’euros bénéficiant aux entreprises locales, en travaux ou matériaux.

La mise en œuvre du plan pour la compétitivité et l’adaptation des exploitations agricoles pour 2014-2020, qui relève désormais des conseils régionaux, nous inquiète beaucoup. L’année s’achève presque et nous ne disposons pour 2015 d’aucune visibilité sur les procédures à suivre et les types d’investissements éligibles. Les agriculteurs de ma région craignent que les arbitrages menés avec le lobby écologiste au niveau régional n’aboutissent à un saupoudrage et à l’exclusion des vrais professionnels et de certains types d’investissements heurtant la sensibilité exacerbée de certains élus écologistes, comme les robots de traite.

Pensez-vous, monsieur le ministre, que la part de financement que l’État alloue au plan de compétitivité – 56 millions d’euros – lui permettra de peser suffisamment fort dans la définition des orientations qui ont déjà été largement débattues lors des travaux préparatoires de FranceAgrimer, où toutes les sensibilités syndicales sont représentées, et d’exiger des conseils régionaux une politique claire de soutien aux investissements productifs ?

Mme Fanny Dombre Coste. Je salue la totale cohérence de ce budget avec les orientations de la loi d’avenir pour l’agriculture, qui inscrit notre politique agricole dans une double dynamique d’efficacité économique et écologique, à travers l’accompagnement et l’adaptation des filières à l’agro-écologie. Je salue tout particulièrement la priorité donnée au renouvellement des générations, grâce aux mesures relatives à la transmission des exploitations et à l’accent mis sur la dotation aux jeunes agriculteurs.

À ce titre, le renforcement des outils de connaissance et de maîtrise du foncier dans la loi d’avenir pour l’agriculture répond aux enjeux du développement d’une agriculture dynamique et innovante sur nos territoires et permet de lutter mieux encore contre l’artificialisation et l’étalement urbain. Il est urgent d’agir en apportant aux acteurs locaux une connaissance fine de l’artificialisation et une méthodologie pour appréhender au mieux cette question.

L’élargissement des missions de l’Observatoire national de la consommation des espaces agricoles, devenu Observatoire national de la consommation des espaces naturels, agricoles, et forestiers, va dans ce sens. L’ambition que nous donnerons à cet outil opérationnel sera conditionnée en partie par les moyens qui lui seront alloués. Je connais, monsieur le ministre, votre engagement sur ce sujet. Je sais d’ores et déjà que des moyens humains supplémentaires ont été attribués à l’observatoire. Qu’en est-il de la nécessaire transversalité à développer avec les autres ministères, notamment le ministère du logement et de l’égalité des territoires et le ministère du logement et du développement durable ?

M. Philippe Armand Martin. L’agriculture et la viticulture constituent des atouts économiques indéniables et une richesse pour nos territoires. La France demeure le premier producteur agricole européen et le premier producteur de vin à l’échelle mondiale. Nous pouvons en être fiers. Toutefois, le manque de reconnaissance et de considération pour notre agriculture est patent, ce budget 2015 en est une nouvelle fois la preuve.

Permettez-moi ici, monsieur le ministre, d’exprimer mes doutes quant à l’avenir de l’agriculture française. Comment croire, avec un budget en recul de plus de 4 %, que la politique que vous menez poursuit l’objectif de promouvoir et de développer cet important secteur d’activité ? Loin d’être une priorité gouvernementale, l’agriculture et la viticulture françaises sont mises au ban budgétaire. Les crédits de la mission « Agriculture » ne sont pas à la hauteur des enjeux.

Plusieurs dispositions de ce budget vont à l’encontre même des intérêts de nos agricultrices et agriculteurs : citons la modification du dispositif en faveur de l’emploi saisonnier, dont vous ne semblez pas vraiment avoir mesuré l’impact, ou encore la baisse des dotations aux chambres d’agriculture. Comment, dans un tel contexte, susciter des vocations ?

Pour relever les défis de demain, l’agriculture et la viticulture ont besoin de l’installation de nouveaux agriculteurs. Or, en ce domaine aussi, les mesures et les moyens mis en œuvre sont bien éloignés des attentes et des réalités. Alors que les installations prévues à partir du 1er janvier prochain sont en cours de préparation, nombreux sont les futurs agriculteurs à être dans l’incertitude absolue quant au montant de la dotation aux jeunes agriculteurs. Depuis deux ans, votre gouvernement refuse de s’attaquer aux vrais défis de l’agriculture. Au lieu d’imposer de nouvelles contraintes, libérez donc les énergies, mettez en œuvre une véritable politique en faveur de l’installation des jeunes agriculteurs ! Pouvez-vous, nous indiquer les moyens que vous entendez leur consacrer ?

M. Dominique Potier. Nous pouvons nous féliciter des moyens supplémentaires alloués au dispositif de pharmacovigilance. Cela nous permettra d’avoir un débat objectif sur les conséquences sanitaires de l’usage de la phytopharmacie, domaine où il faut se garder de toute hystérisation. Nous nous réjouissons que cette disposition de la loi d’avenir pour l’agriculture soit financée. Surtout, nous saluons la publication de la circulaire qui va permettre un déplafonnement au bénéfice de l’ANSES, de réputation internationale. Elle sera ainsi en mesure d’autoriser plus rapidement la mise sur le marché de nouveaux produits de biocontrôle.

La redevance pour pollutions diffuses, dont l’assiette a été élargie à une nouvelle gamme de produits, doit, à notre sens, être essentiellement consacrée à l’aide à la transition des entreprises vers l’agro-écologie. Je propose que nous veillions collégialement à cette orientation.

Concernant l’agro-écologie, nous sommes extrêmement sensibles au déploiement de moyens humains par le ministère et par les agences qui dépendent de lui. À budget constant ou quasi constant, la réorganisation des services est fondamentale. Pouvez-vous nous rassurer quant à la volonté du ministère de réorienter toutes ses énergies en ce sens ?

M. Jean-Pierre Decool. La mission « Agriculture » subit, pour la troisième année consécutive, une baisse significative de ses crédits. Plusieurs mesures de ce budget me paraissent tout à fait inopportunes : citons la modification du dispositif d’exonération en faveur de l’emploi saisonnier agricole, la baisse des dotations aux chambres d’agriculture, qui sont pourtant au plus près du terrain pour accompagner les professionnels.

Le monde agricole connaît une crise conjoncturelle importante. Les agriculteurs sont confrontés à une baisse des prix sans précédent et les négociations commerciales avec les distributeurs se tendent. Les agriculteurs de Flandre ne sont pas en reste, je pense particulièrement aux producteurs de porcs, de pommes de terre et aux arboriculteurs

À cette situation inquiétante, s’ajoutent les conséquences de l’embargo russe appliqué depuis août dernier. Il fait subir une double peine aux exploitants français qui doivent faire face, d’une part, à l’interdiction d’exporter vers la Russie, et, d’autre part, à la concurrence d’exploitants d’autres États de l’Union européenne qui reportent leurs exportations sur le marché français.

Monsieur le ministre, comptez-vous porter la voix des agriculteurs français auprès des instances de l’Union européenne afin d’obtenir la réparation économique des conséquences de l’embargo, sur d’autres fonds que ceux de la PAC, bien évidemment ?

Par ailleurs, nous estimons que le Gouvernement doit renforcer sa mobilisation pour soutenir la trésorerie des exploitants. À cet égard, je regrette l’une des premières mesures votées sous cette législature, à savoir la suppression de la « TVA compétitivité » et de la réduction des charges, dont 94 % des entreprises du secteur agricole auraient pu bénéficier.

Monsieur le ministre, à l’instar d’autres pays précurseurs en matière de patriotisme alimentaire, ne pourriez-vous pas engager des mesures pour donner la priorité à l’approvisionnement local et aux circuits courts, notamment dans nos cantines scolaires ? Je vous invite à venir constater par vous-même l’apport de l’excellente démarche entreprise par la commune de Loon-Plage dans ma circonscription, qui a décidé de privilégier les circuits courts pour l’alimentation des enfants des écoles, aussi bien pour les légumes que pour la viande.

M. Pascal Terrasse. Les conséquences de l’embargo russe pèsent sur la production de notre pays et de l’ensemble des pays membres de l’Union européenne : quelles sont les orientations retenues par le Gouvernement ?

Dans la perspective de la conférence Paris Climat 2015, quelle est la stratégie du ministère de l’agriculture en matière de changement climatique ?

S’agissant du contrat vendanges, tous les groupes ont exprimé ce matin leur désir de voir le dispositif actuel maintenu. J’ai déposé un amendement en commission des finances qui propose une solution pour un coût de 70 millions d’euros. Mme la rapporteure générale partage ma position. Les arguments développés pour soutenir la suppression des exonérations prennent appui sur le crédit d’impôt compétitivité emploi. Or vous savez qu’il ne peut s’appliquer aux exploitations agricoles sous le régime du bénéfice forfaitaire et qu’il bénéficie d’abord aux entreprises et non aux salariés. La position du Gouvernement est-elle susceptible de changer ?

M. Patrice Martin-Lalande. Comme les années précédentes, monsieur le ministre, j’aimerais faire le point sur les maladies du bois qui atteignent gravement notre vignoble – jusqu’à 20 % des cépages sont affectés dans certaines régions – et menacent la compétitivité de nos entreprises viticoles.

Quel est l’état d’avancement des recherches, notamment celles menées dans le cadre de projets CASDAR ? Quels sont les résultats de l’action menée au niveau national comme au niveau européen pour lutter contre ces maladies ? Comment évoluent les moyens budgétaires consacrés à cet objectif, notamment via l’Institut national de la recherche agronomique et l’Institut français de la vigne et du vin ?

A-t-on réussi à mettre en place une meilleure coordination de la recherche au niveau international, en particulier au niveau européen, comme vous en aviez pris l’engagement il y a deux ans ? L’année dernière, vous aviez évoqué le programme COST – Coopération européenne dans le domaine de la recherche scientifique et technique – et la collaboration de recherches validées au niveau européen entre la France, avec l’université de Reims-Champagne-Ardenne, le Portugal et la Suisse. Pouvez-vous nous indiquer plus précisément quels sont les résultats de ces actions ?

De quelles indemnisations peuvent bénéficier les viticulteurs victimes de ce fléau ? La loi de modernisation de l’agriculture prévoit la possibilité pour les professionnels de constituer des fonds privés de mutualisation des risques pour couvrir, par exemple, les dommages causés par la maladie du bois ? Peut-on avoir des précisions sur la façon dont cette possibilité serait mobilisée ?

Mme Marie-Hélène Fabre. La loi d’avenir pour l’agriculture a permis de concrétiser un grand nombre d’avancées pour le monde agricole, attendues pour certaines d’entre elles depuis longtemps. On peut se féliciter que le budget pour 2015 accompagne leur mise en œuvre.

Certains chantiers restent toutefois à approfondir, notamment celui de la simplification. Vous avez précisé, monsieur le ministre, qu’il était sur le point d’être ouvert. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Où en sont les concertations pour l’élaboration des schémas régionaux de cohérence écologique et pour la délimitation des zones vulnérables, qui suscite beaucoup d’inquiétudes de la part de la profession ?

J’aimerais également connaître l’état d’avancement du dossier de l’assurance contre les aléas climatiques. Vous savez que mon département a été durement touché lors des derniers mois.

Concernant la fiscalité agricole, je souhaiterais savoir ce que vous pensez de l’aménagement éventuel du forfait agricole.

Enfin, je m’associe aux questions de Kléber Mesquida et Pascal Terrasse sur le contrat vendanges.

M. François Brottes remplace Mme Frédérique Massat à la présidence.

Mme Sophie Rohfritsch. Je souhaiterais relayer la très grande inquiétude des jeunes agriculteurs qui voient, dans le PLF 2015, disparaître un dispositif emblématique d’aide à l’installation, à savoir le Fonds d’incitation et de communication pour l’installation en agriculture (FICIA), qui était le seul en mesure d’inciter les cédants à aider les jeunes agriculteurs à s’installer et les propriétaires à leur louer des terres.

De surcroît, ils sont confrontés à la division par deux de la ligne budgétaire affectée aux stages et à la formation. Cela paraît totalement incompréhensible à l’heure où ils doivent être de mieux en mieux formés pour assurer la viabilité de leur entreprise. Vous aviez promis, en quasi-compensation, l’affectation de la taxe sur les plus-values de ventes de terrains agricoles rendus constructibles. Outre le fait que la ressource n’est pas assurée sur le long terme, la taxe n’étant pas pérenne, il faut souligner qu’elle donne un très mauvais signal au monde agricole puisqu’elle encourage la réaffectation des terres agricoles à l’urbanisation, ce qui paraît tout à fait paradoxal.

Mon deuxième grand questionnement porte sur l’application des décrets du 9 octobre 2014 relatif à la pénibilité. Il en ressort que la mise en œuvre des comptes pénibilité sera d’une très grande complexité pour les salariés agricoles. Il faudrait que vous reveniez sur ce dispositif.

M. Jean Jacques Vlody. Comment ne pas exprimer ma surprise et mon incompréhension face à la baisse des crédits destinés à la filière canne-sucre et à la diversification agricole en outre-mer ?

S’agissant la filière canne, je ne peux que m’interroger. Souvenez-vous, monsieur le ministre, nous étions ensemble à La Réunion, le 21 août dernier, aux côtés du Président de la République lorsqu’il a garanti le versement d’une aide complémentaire de 38 millions d’euros en faveur des planteurs de canne, aide indispensable si l’on veut leur permettre de faire face à l’ouverture des marchés du sucre et à la concurrence internationale, dans la perspective de la suppression en 2017 des quotas sucriers prévue par la réforme de la PAC. Rappelons ici que la canne à sucre est le pivot de toute l’agriculture de La Réunion : elle représente 22 000 emplois directs et indirects, sur un total de 40 000 emplois en outre-mer, et 57 % de la surface agricole utile.

Qu’est-il donc advenu de l’engagement du Président de la République ? Sa mise en œuvre ne me paraît nullement garantie, compte tenu notamment de la diminution des crédits que je constate avec étonnement et inquiétude dans le PLF 2015.

Une autre diminution, de 3 millions d’euros, vient frapper l’enveloppe consacrée à la diversification agricole, là encore en contradiction avec les orientations récentes de la politique agricole des outre-mer visant « à consolider les agricultures traditionnelles exportatrices, à renforcer le développement des filières de diversification et à soutenir l’agriculture vivrière », selon les termes de l’article 83 de la loi de modernisation agricole. Comment mener une politique volontariste avec cette diminution de crédits, qui aura pour conséquence directe la baisse des revenus des agriculteurs ? Cela est inconcevable et inacceptable.

Vous affirmez avoir voulu abonder un fonds nouveau dans le cadre du programme d’investissements d’avenir. Or, le besoin de financer les investissements agricoles se fait moins ressentir en outre-mer qu’en métropole, car nous bénéficions des fonds structurels européens, qu’il s’agisse du FEADER ou du FEDER.

Nous ne pouvons pas accepter la baisse des revenus des agriculteurs qu’impliquent ces baisses de crédits. Je vous demande de revoir cette orientation budgétaire, monsieur le ministre.

M. Patrice Verchère. Alors que les vendanges sont achevées depuis quelques semaines, notamment dans le Beaujolais, vous envisagez de remettre en cause le contrat vendanges qui s’adapte pourtant parfaitement aux spécificités de la profession. En supprimant l’exonération de charges, le Gouvernement s’attaque à l’emploi. Ce contrat a déjà montré toute sa pertinence en facilitant le recrutement de plus de 300 000 vendangeurs chaque année depuis dix ans qu’il a été créé et en soutenant le pouvoir d’achat de nombreuses personnes qui trouvent dans les récoltes un complément à leur salaire, au RSA ou aux allocations-chômage. Le remettre en cause, c’est pousser nos viticulteurs à abandonner les vendanges manuelles au profit d’une récolte mécanique, c’est menacer un nouveau pan de notre culture viticole. Il est indispensable de maintenir ce dispositif d’exception pour une activité économique d’exception.

Je déplore également que le Gouvernement ait décidé de prélever 45 millions d’euros sur le financement des chambres d’agriculture par le biais d’un fonds national de solidarité et de péréquation abondé par les fonds de roulement excédant quatre-vingt-dix jours de fonctionnement de chaque chambre. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer à quels usages sera affecté ce fonds ?

Vous imposez une réduction de 5,35 % de la recette issue de la taxe additionnelle à la taxe foncière sur les propriétés non bâties. Comment relancer la compétitivité des filières agricoles en réduisant cette taxe qui va diminuer les nécessaires investissements des chambres d’agriculture ?

Enfin, je souhaite vous faire part des inquiétudes des professionnels du bois, notamment des scieurs, confrontés aux exportations excessives de grumes vers les pays émergents ? Comment comptez-vous enrayer cette tendance ?

M. Yves Daniel. Je veux saluer la cohérence entre les choix budgétaires et le projet politique agricole d’agro-écologie. Ce budget permettra de mettre en œuvre la loi d’avenir que nous avons votée. Bien sûr, des questions restent en suspens : nous sommes dans un monde en mouvement et l’agriculture n’y échappe pas.

À partir de constats concrets, je voudrais vous sensibiliser, monsieur le ministre, à quelques problématiques.

Tout d’abord, l’installation. Pour assurer le renouvellement des générations, nous parlons de « jeunes agriculteurs », alors que les installations peuvent concerner des personnes de plus de quarante ans, dans des systèmes atypiques. Ne devrait-on pas plutôt parler de « nouveaux agriculteurs » ?

Notre budget participe à la bonification de prêts à l’installation en faveur des jeunes agriculteurs ; or les taux d’emprunt des prêts classiques leur sont inférieurs. Il serait intéressant de se concerter avec les banques sur ce point.

L’agriculture peut être un vivier d’emplois à la condition que la fiscalité soit bien adaptée. Pourquoi ne pas remplacer la défiscalisation pour investissement, qui a été supprimée, par une défiscalisation pour emploi ?

Les crédits consacrés à la recherche pourraient peut-être mieux cibler le développement d’un modèle d’agriculture moins chimique et plus soucieuse de l’environnement.

Enfin, les crédits consacrés à la formation devraient permettre une formation adaptée à l’agro-écologie. S’il est un métier qui nécessite d’allier théorie et pratique, c’est bien celui d’agriculteur. Je suis convaincu que l’alternance peut y trouver toute sa place, à partir de l’exemple des maisons familiales rurales.

M. Michel Herbillon. Il y a un an, je vous interrogeais, monsieur le ministre, sur l’École nationale vétérinaire de Maisons-Alfort, qui était confrontée à de graves difficultés financières au point de risquer la cessation de paiement. Depuis, un programme important de redressement a été mis en place par l’École et des crédits temporaires ont été débloqués mais ce redressement doit être conforté pour la sortir définitivement de la fragilité financière qui menace son avenir.

Cette grande école – la seule, en France, à être toujours installée sur son site d’origine, depuis 1766 – a une renommée qui dépasse nos frontières nationales. La communauté scientifique et éducative de l’établissement, qui exerce souvent dans des conditions difficiles, réalise un travail absolument formidable, et la formation vétérinaire qui y est dispensée est d’un excellent niveau. Les étudiants y sont très attachés.

Malgré ses atouts, l’École doit faire face à des besoins d’investissement importants, notamment pour remettre aux normes ses bâtiments, dont un bon nombre est classé, ou pour financer ses projets de recherche ou de nouveaux équipements.

Vous aviez pris l’engagement, en avril 2013, d’organiser une table ronde avec tous les acteurs concernés pour établir un plan stratégique pour cette école. Vous aviez même renouvelé cet engagement ici même, il y a un an. Avez-vous désormais l’intention de passer à l’acte ?

Il y a un an également, vous aviez pris l’engagement de venir constater par vous-même la situation sur place. Sachez bien, monsieur le ministre, que les vétérinaires et la ville de Maisons-Alfort attendent toujours votre visite : vous serez le bienvenu.

Enfin, l’année prochaine, l’École vétérinaire sera évaluée afin de récupérer l’agrément de l’Association européenne des établissements d’enseignement vétérinaire. Dans ce combat, nous avons besoin du soutien de l’État. Nous avons besoin que le Gouvernement s’engage résolument aux côtés de l’établissement. Quelles mesures comptez-vous prendre pour assurer l’avenir de cette école qui est l’un des fleurons de notre enseignement supérieur et de notre recherche ?

M. Serge Letchimy. Guadeloupe, Martinique, Guyane, La Réunion, vous avez entendu tous nos collègues protester contre la diminution des crédits alloués à la diversification agricole en outre-mer et à la filière de la canne à sucre. Ma question est très simple : quelle est votre position ? Entendez-vous revenir sur ces diminutions et si oui, de quelle manière ? Des bruits de couloir indiquent que cela serait possible pour la canne à sucre, conformément aux engagements du Président de la République, mais pas pour la diversification, qui concerne des agriculteurs ne disposant pas des moyens de pression des filières constituées.

Il est aussi dit que ces crédits seraient fléchés vers les programmes d’investissements d’avenir. Or, dans la lettre que Louis Schweitzer, commissaire général à l’investissement, a adressée au président Brottes à propos des réorientations à opérer dans la perspective du projet de loi de finances rectificative, aucune mention n’est faite de la filière canne ou de la diversification en outre-mer. Il serait intéressant de nous donner des précisions à ce sujet, monsieur le ministre, compte tenu de l’émoi que l’annonce de ces diminutions a suscité en outre-mer.

La question de la diversification est pourtant fondamentale. Si nous ne relançons pas l’agriculture sur le plan endogène, en créant les conditions d’un minimum d’autonomie alimentaire, nous ne pourrons pas satisfaire le marché et resterons soumis à une importation massive. Supprimer ces crédits, c’est hypothéquer durablement l’avenir de la diversification.

Quant à la filière de la canne à sucre, elle est essentielle pour assurer la présence d’une industrie dans ces régions, la seule bien souvent.

M. Guillaume Larrivé. J’appelle vote attention sur quatre urgences, monsieur le ministre.

Première urgence : la directive Nitrates. Nous déplorons son application à marche forcée, trop rapide et trop coûteuse. Il faudrait définir un calendrier raisonnable sinon des exploitations vont être tuées. Il conviendrait également que vous mobilisiez un fonds de soutien aux investissements extrêmement lourds rendus nécessaires pour traiter les effluents.

Deuxième urgence : l’embargo russe, qui entraîne une double peine pour les agriculteurs. D’une part, ils subissent les conséquences de l’embargo lui-même. D’autre part, ils pâtissent du mécanisme pervers mis en place au niveau européen puisque, pour compenser les effets de l’embargo, des fonds seront prélevés sur la PAC, ce qui revient à pénaliser les agriculteurs pour les aider à ne pas être pénalisés. Il importerait que vous en parliez à Phil Hogan, commissaire européen à l’agriculture nouvellement nommé, et sans doute que vous vous alliiez avec d’autres États pour faire bouger les lignes.

Troisième urgence : la nécessité de retrouver un peu de bon sens dans la manière dont les contrôles sont pratiqués sur le terrain. Les agriculteurs n’en peuvent plus de la suspicion permanente qui pèse sur eux. Je suis frappé de voir l’exaspération qui gagne les agriculteurs dans l’Yonne, pourtant respectueux des institutions. Un vent de révolte est en train de se lever. La simplification administrative doit s’appliquer en ce domaine de toute urgence.

Quatrième urgence : la retenue d’eau de Sivens. Je vous invite, monsieur le ministre, à désavouer Ségolène Royal qui est en train de s’asseoir sur les besoins agricoles et sur des procédures administratives et juridictionnelles qui ont été tout à fait bien menées. Le Gouvernement ne doit pas se mettre à obéir à des groupuscules gauchistes écologistes radicaux. Il faut faire entendre la loi du bon sens.

Pour finir, je vous invite à Champignelles où se situe le centre d’application de l’École nationale vétérinaire de Maisons-Alfort. Nous vous y accueillerons sans vous verser de fumier sur la tête.

Mme Gabrielle Louis-Carabin. Le projet de loi de finances pour 2015 prévoit une diminution de 3,6 millions d’euros des crédits alloués à la diversification agricole via l’ODEADOM et une baisse de 2,4 millions de d’euros de l’enveloppe allouée à la filière canne-sucre dans le programme 154 qui permet de soutenir le revenu des agriculteurs.

Il semblerait que la compensation de cette baisse passe par le programme d’investissements d’avenir. Comment les crédits seraient-ils fléchés ?

J’appelle votre attention sur le fait que ces réductions importantes, auxquelles tous les députés d’outre-mer se sont opposés avec fermeté, affecteront le revenu de nos agriculteurs. De plus, elles sont en décalage avec les récents engagements pris par le Président de la République lors de son passage à La Réunion.

Monsieur le ministre, comment entendez-vous rassurer les agriculteurs outre-mer ?

Mme Annie Genevard. On voit se développer dans l’opinion publique une tendance préoccupante : les agriculteurs sont considérés, non comme une profession qui travaille dur pour nourrir la population et entretenir l’espace rural, non comme une profession qui représente l’un des secteurs les plus dynamiques de notre économie, non comme une profession qui sait cultiver la solidarité, l’innovation et attirer la jeunesse, mais comme une profession qui pollue, abîme l’environnement et porte atteinte à la santé de la population.

Mesure-t-on bien ce que peuvent ressentir les agriculteurs, eux qui disent faire le plus beau des métiers : nourrir les gens ? Ils en ont assez de cette image d’agriculteur-pollueur alors que la nature est leur outil de travail. Nous avons eu une terrible démonstration de la propagation de cette opinion avec les événements dramatiques du barrage de Sivens, à l’occasion desquels des propos inadmissibles ont été tenus à l’encontre des agriculteurs.

Je pense que la loi d’avenir pour l’agriculture a participé involontairement à faire prospérer ce mauvais procès : en focalisant le débat sur l’écologie, la question des flux d’azote, des zones sans épandage, des clauses environnementales dans les baux ruraux, de la réduction des pesticides. Toutes ces questions ont, bien sûr, leur légitimité mais elles n’auraient pas dû prendre le pas sur les questions de compétitivité et d’innovation. Sur ce point, je constate qu’une fois de plus, le projet de loi de finances pour 2015 ne prévoit aucun outil économique.

Monsieur le ministre, vous êtes d’abord le ministre des agriculteurs. Vous avez le devoir de les défendre. Qu’envisagez-vous de faire pour contrecarrer la progression de cet état d’esprit si injustement négatif à leur encontre ?

M. Pierre Morel-A-L'Huissier. Les petites chambres d’agriculture en zone rurale défavorisée subissent à la fois la baisse de la recette de la taxe additionnelle ainsi que le nouveau prélèvement sur leur fonds de roulement, qui s’applique sans véritable péréquation. Quelles mesures envisagez-vous pour les accompagner ? Les crédits du CASDAR ne pourraient-ils pas être fléchés prioritairement vers leurs actions ?

L’apiculture traverse une crise sans précédent. Quel soutien particulier avez-vous prévu cette année pour cette filière ?

La loi sur l’eau complexifie à l’envi la situation des agriculteurs qui ne savent plus ce qu’ils peuvent faire au niveau des drainages. Des condamnations pénales sont souvent prononcées. Beaucoup réclament l’élaboration de chartes départementales, véritables guides de bonnes pratiques, sous l’autorité de préfets, en liaison avec les directions départementales des territoires ? Envisagez-vous une généralisation des initiatives prises dans certains départements ?

L’évolution de la présence du loup devrait faire l’objet d’une totale transparence. Or on constate une omerta au niveau des services administratifs, qui ne divulguent ni les photos ni les analyses biologiques. Personne ne peut dire aujourd’hui combien de spécimens sont présents en France. Quelle position avez-vous sur ce problème qui affecte très profondément nos éleveurs ?

M. Philippe Le Ray. Les choix budgétaires, marqués par une forte chute des moyens, ne me semblent pas à la hauteur des enjeux. Je ne m’appesantirai pas sur cet aspect, compte tenu du contexte budgétaire actuel. Avant d’aborder les très graves insuffisances de ce budget, je noterai quelques points positifs : installation, énergie, amélioration des pratiques. Vous avez réussi à conceptualiser la rotation et l’exploitation à travers le terme d’agro-écologie, qui consiste à donner des moyens et à revenir à des fondamentaux.

Vous avez vanté le plan de modernisation des bâtiments. Les moyens que vous proposez sont presque une goutte d’eau dans l’océan au regard de l’âge élevé des bâtiments destinés à l’élevage en France. Vous prévoyez une augmentation de 30 millions à 56 millions d’euros, soit 300 000 euros à 1 million d’euros selon les départements. Or le coût moyen de la modernisation d’une installation d’élevage est de 500 000 euros. Cela signifie que dans un département comme le Morbihan, qui compte 3 000 à 4 000 élevages, ces sommes ne permettront d’aider que trois ou quatre éleveurs à se moderniser, c’est dire le décalage entre l’ambition et la réalité.

Par ailleurs, nous ne disposons d’aucune visibilité sur le plan abattoirs. Je vous ai déjà interpellé sur ce sujet.

Les rapporteurs ont fait allusion au souhait de décartelliser la grande distribution, ce qui part d’une bonne intention. Mais là encore, nous n’avons pas beaucoup de visibilité.

Pour finir, j’insisterai sur le fait qu’aucun moyen n’est prévu pour atténuer les conséquences de la forte baisse des productions porcine et avicole, et pour accompagner la mise en œuvre de la directive Nitrates.

M. Jacques Lamblin. L’exclusion des ETARF du champ d’application du dispositif d’exonération dégressive en faveur de l’emploi saisonnier agricole, à l’article 47, sera lourde de conséquences. Les nombreuses exploitations agricoles qui ont recours, afin de diminuer leurs coûts, aux entreprises de travaux agricoles pour réaliser les récoltes, en particulier les moissons, devront faire face à une augmentation de leurs prix de revient. Ce n’est pas le moment, compte tenu des problèmes que subissent les agriculteurs.

La directive Nitrates sera extrêmement compliquée à appliquer, en particulier dans les zones intermédiaires situées le long d’une diagonale allant de la Lorraine au Sud-Ouest. La rigidité de ce dispositif conduit à des décisions absurdes. Sans tenir compte des spécificités locales, il obligera les agriculteurs à investir pour stocker les effluents d’élevage alors même que cela ne correspond à aucune utilité. Les forcer à faire de telles dépenses pour la simple raison qu’il faut respecter la règle me semble inacceptable.

Enfin, j’insiste sur le drame que constitue l’essor des exportations de bois vers la Chine. Dans les années qui viennent, l’activité de sciage va disparaître dans notre pays et elle entraînera dans sa chute les industries en aval. Les Chinois nous revendront sous forme de produits finis, à des prix élevés, le bois qu’ils nous auront acheté à prix cassés.

M. François Rochebloine. En matière de formation en alternance, monsieur le ministre, vous savez le travail remarquable effectué par les maisons familiales rurales, nous avons eu l’occasion de le constater dans le groupe d’études sur la formation alternée en milieu rural que je préside. Notre collègue Thierry Benoit en est un vivant exemple, lui qui en est ancien élève. Ces maisons ont besoin d’être encouragées. Or les crédits qui leur sont attribués dans le projet de loi de finances peuvent susciter quelques inquiétudes. Je vous invite aussi à veiller à ce que les lois Rocard sur l’enseignement agricole soient mieux respectées. Les MFR ont fait beaucoup d’efforts en acceptant certains accords, qui auraient pu être remis en cause.

Ma deuxième question porte sur l’apiculture, qui préoccupe beaucoup d’entre nous. J’aimerais savoir quelles aides vous pensez pouvoir apporter aux apiculteurs, qui connaissent de grandes difficultés.

Mme Gisèle Biémouret. Je souhaite me faire le relais des inquiétudes exprimées par l’ensemble des professionnels de la viticulture sur un sujet évoqué à plusieurs reprises avec vous, monsieur le ministre, notamment lors de l’un de vos récents déplacements dans le Gers. L’esca, maladie de la vigne, continue de faire des ravages dans des proportions exceptionnelles, touchant jusqu’à 20 % du vignoble. Elle s’est propagée à plusieurs bassins viticoles français et atteint d’autres pays producteurs, membres de l’Union européenne, ce qui en fait un enjeu communautaire.

Les premiers projets de recherche soutenus par le CASDAR arrivent à échéance l’année prochaine, sans avoir donné de résultats probants quant à la maîtrise et au traitement de la maladie. Dans quelle mesure les moyens alloués au titre du CASDAR pour financer des actions de recherche et d’expérimentation vont-ils participer aux efforts de lutte contre cette maladie, qu’il convient de déclarer cause nationale ? Selon quelles proportions les 17,9 millions d’euros supplémentaires vont-ils être répartis ? Quels montants seront attribués directement à la viticulture ? Pouvons-nous espérer l’intégration de cette bataille contre le fléau qu’est l’esca dans le programme de l’Union européenne pour la recherche et l’innovation ?

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Compte tenu du grand nombre de questions, je vais faire des réponses groupées, en privilégiant les thèmes qui suscitent le plus d’inquiétude.

J’ai apprécié vos questions, sauf certaines, comme celle de Mme Genevard qui laisse entendre que la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, qui s’inscrit dans une démarche agro-écologique, serait le prélude à des événements tels que ceux qui se sont déroulés à Sivens, alors que nous essayons de combiner l’économie et l’environnement.

Mme Annie Genevard. Vous travestissez mon propos !

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Vous l’avez dit et je ne peux pas le laisser passer : ce n’est pas cela, c’est tout le contraire.

De même, je conteste les propos de M. Martin quand il prétend que, depuis que nous sommes arrivés au pouvoir, nous ne nous sommes pas occupés de l’agriculture. Une fois redevenu élu local, je serai très attentif aux discussions sur la politique agricole commune et je ne manquerai pas de m’exprimer.

Nous avons défendu l’agriculture, notamment lors des discussions communautaires sur un budget de la PAC qui est en réduction. Tout le monde réclame plus d’aides. Est-ce toujours la manière de faire les bons choix ? Je ne le crois pas.

Monsieur le maire de Maisons-Alfort, je me rendrai vendredi à l’école vétérinaire. Je l’ai décidé la semaine dernière. Je ne vais pas rappeler l’état dans lequel était cette grande école quand j’ai pris mes fonctions. Avec la région, nous allons y investir 30 millions d’euros sur six ans.

S’agissant de l’outre-mer, il n’a jamais été question de baisser les moyens consacrés à la diversification des productions et au soutien à la filière sucre. Le débat a porté sur le transfert d’une partie des moyens qui figurent à la ligne budgétaire du ministère vers le programme d’investissements d’avenir. Tous les intervenants m’ont expliqué que ce transfert, qui devait être indolore, se traduit en réalité par une baisse de la capacité à soutenir les productions d’outre-mer. Je vais étudier le problème avec le ministre du budget et, d’ici à la séance publique, nous trouverons un moyen de le régler. Quoi qu’il en soit, 35 millions d’euros seront consacrés à la diversification des productions et au soutien à la filière sucre, conformément à ce qui a été prévu lors de l’adoption de la loi d’avenir. Je veux rassurer les élus d’outre-mer à ce sujet : les 6 millions d’euros passés au PIA reviendront sous une autre forme.

La diversification des productions et la survie de la filière sucre au terme de l’Organisation commune du marché (OCM) du sucre fin 2017 ne passent pas seulement par des aides : il va falloir faire un gros travail en termes d’organisation et de choix stratégiques. À La Réunion, j’en ai discuté avec la coopérative sucrière et avec les producteurs. L’une m’expliquait qu’il n’était pas possible de produire des sucres spéciaux et des sucres bio tandis que les autres m’assuraient que cela ne posait aucun problème. Chacun devra assumer sa part de responsabilité.

Plusieurs d’entre vous m’ont interrogé sur le contrat vendanges – quelque 315 000 sont signés tous les ans. L’exonération de la part salariale des cotisations sociales est supprimée et viendra financer la suppression de la première tranche de l’impôt sur le revenu. En quoi cela remet-il en question le contrat vendanges ? Tous les contrats vendanges demeurent. Mais, saisi d’une proposition de modulation des cotisations sociales, le Conseil constitutionnel considère qu’il n’est pas possible de remettre en question des cotisations, telles que les cotisations maladie et vieillesse, qui ouvrent droit à des prestations.

Cette décision s’applique à tous, notamment aux salariés bénéficiant d’un contrat vendanges, mais le contrat lui-même n’est pas remis en cause. Le coût du travail n’est pas modifié, pas plus que les autres avantages tels que le CICE. La capacité d’embauche des viticulteurs reste donc la même. Quant aux salariés, qu’ils ramassent du raisin, du cassis, des pommes, des tomates ou des fraises, ils pourront bénéficier de la suppression de la première tranche d’imposition.

Ce contrat est-il un outil essentiel face à la mécanisation ou au recours à la directive détachement ? Le ministre du travail s’est engagé à fournir une étude spécifique sur le recours à la directive détachement dans le domaine de l’agriculture et de l’agroalimentaire, un phénomène qui existe et s’accroît, dans le secteur de la viticulture en particulier. Je reviendrai vous faire un point sur le sujet afin que les choses soient claires.

Cela étant, je répète que le contrat demeure, avec tous ses avantages, sauf l’exonération de la part salariale des cotisations sociales. Les salariés, eux, bénéficieront de la suppression de la première tranche d’imposition sur le revenu, comme tous les salariés.

M. Pascal Terrasse. Surtout les étudiants ! Ils gagneront moins et ils ne paient déjà pas d’impôts ! Même chose pour les retraités !

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Cela changera peut-être pour les étudiants. Quant aux retraités, c’est très bien de vouloir que les retraités continuent à travailler, d’autant que la mesure concerne les cotisations vieillesse.

Cet après-midi ou demain, mes services vont vous envoyer des fiches répondant aux huit questions posées par la FNSEA, notamment en ce qui concerne la directive Nitrates et les contrôles. Notez que la directive Nitrates a été signée par la France, il y a longtemps, peu m’importe par quel ministre. Malheureusement, nous devons l’appliquer si nous voulons éviter un contentieux et des sanctions. Fallait-il signer cette directive en l’état ? Plutôt que de me poser cette question, je préfère m’intéresser aux possibilités de la renégocier en partie. Nous allons revoir les critères, notamment d’eutrophisation des eaux continentales, sur lesquels nous avions discuté avec la Commission européenne.

Mon objectif reste de faire baisser à la fois l’étendue des zones vulnérables concernées et les investissements nécessaires au stockage des effluents d’élevage. La première solution consiste à favoriser les fumiers pailleux, ces effluents d’élevage qui peuvent être stockés en plein champ et qui ne nécessitent pas d’investissements dans des constructions en béton. La deuxième est de garder un maximum de surfaces d’épandage, ce qui pose le problème des pentes, bien connu dans la viticulture pour l’azote. Nous allons travailler sur l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) pour éviter que toutes les pentes supérieures à 15 % ne soient interdites d’épandage. La troisième consiste à favoriser l’adaptation par l’auto-construction qui ne nécessite pas de lourds investissements.

En définitive, si des investissements s’avèrent nécessaires, les aides du plan de modernisation seront mobilisées. En ce qui concerne la méthanisation, il faudra penser à une gestion collective qui permettrait aux exploitations d’externaliser ces charges et aux finances publiques d’investir dans des équipements beaucoup plus durables. Quand je pense à tout l’argent dépensé, via les plans de maîtrise des pollutions d’origine agricole (PMPOA), dans certaines exploitations qui ont disparu au bout de quelques années, au rythme des évolutions logiques et normales du renouvellement ! Nous devons vraiment progresser en matière de stockage collectif.

Nous allons chercher à faire baisser ce qui a été présenté comme un coût immédiat de la directive Nitrates. Nous devons tout faire pour qu’il y ait le moins possible d’exploitations concernées et pour être aux côtés des exploitants afin d’assurer le passage nécessaire au respect de la directive sans obliger tout le monde à investir dans le béton. Baisser les taux d’azote et de phosphore dans l’eau ne doit pas nous conduire à augmenter le taux de bétonnage dans le monde rural. Ce n’est pas mon choix.

Les fiches qui vous seront envoyées dans l’après-midi répondent en particulier à la question de Thierry Benoit sur les contrôles. À titre expérimental, le préfet de Bretagne a été chargé d’engager des négociations sur l’assouplissement des contrôles. Je propose que, dans une quinzaine de jours, une mission parlementaire prenne le relais de cette expérience et étudie sa généralisation. En tant qu’élus locaux, nous avons tous été confrontés à ce phénomène de rues ravinées en permanence par des creusements successifs : d’abord l’eau, puis le gaz, puis l’électricité. Comme dans ce cas-là, l’objectif est de coordonner les interventions afin d’éviter que l’agriculteur ne finisse par percevoir les contrôles comme une forme de suspicion. Ce n’est pas simple mais nous allons le faire, dans le respect de la loi.

Marc Le Fur m’a interrogé sur la déclaration annuelle des quantités totales d’azotes épandues ou cédées, qui est encore trop compliquée. Nous allons la simplifier mais elle est essentielle pour que nous puissions, le moment venu, décliner le plan énergie méthanisation autonomie azote (EMAA) et remplacer l’azote minéral acheté par l’azote organique dont nous disposons en Bretagne. Nous devons passer cette étape au plus vite pour réaliser le projet défini dans la loi d’avenir.

Antoine Herth m’a interrogé sur la gestion des risques, un sujet majeur. Tout d’abord, je voudrais rectifier les chiffres de Philippe Le Ray concernant le plan de modernisation : il s’élève à 200 millions d’euros – 56 millions d’euros d’aides de l’État, le reste étant prélevé sur le premier pilier de la PAC. Il faut moderniser et améliorer l’efficacité énergétique de certains bâtiments, mais il faut aussi détruire ceux qui sont désaffectés. En Bretagne, il existe tout un tas de vieilles porcheries qui peuvent d’ailleurs contenir de l’amiante.

D’autres défis se profilent, notamment les risques liés au réchauffement climatique : l’intensité et la fréquence des aléas climatiques, qu’il s’agisse de sécheresse, de pluies torrentielles ou d’inondations. Depuis que je suis ministre, il y a eu tous les ans des pluies torrentielles. La mesure et la gestion du risque vont être des enjeux majeurs à l’avenir.

La mise en place d’un système assurantiel général a pris du retard et nous devons mobiliser les grandes compagnies privées, les réunir autour de la table. La présentation du dispositif, qui devait avoir lieu avant la fin de l’année, a été reportée au début de l’été 2015. Nous définissons les produits et nous calons les dispositifs de dotation pour investissements (DPI) et dotation pour aléas (DPA). Il s’agit de favoriser la constitution de provisions dans le domaine agricole par des mesures d’assouplissement, notamment en ce qui concerne les taux d’intérêt de retard. Tout va être fait pour que l’agriculteur qui réalise un bon résultat une année donnée puisse faire des provisions pour les années suivantes.

Si les choses s’améliorent, nous pourrons envisager de reprendre une partie des aides du premier pilier de la PAC pour financer un système d’assurance global. L’idée est que les agriculteurs mutualisent le risque via le fameux contrat-socle et qu’ils soient tous assurés. C’est très compliqué mais nous avançons pied à pied, car c’est nécessaire : notre avenir dépend en partie de notre capacité à gérer ce risque d’aléas climatiques.

On m’a aussi questionné sur les abeilles et le frelon asiatique. Quand je suis arrivé au Gouvernement avec Delphine Batho, nous avons considéré le frelon asiatique comme un nuisible alors qu’il était protégé au nom de la biodiversité que lui-même détruisait ! Il est passé en catégorie 2 et se pose la question de son passage en catégorie 1, compte tenu de sa prolifération, ce qui ne va pas sans poser des problèmes budgétaires.

L’apiculture a-t-elle besoin d’aides ? Oui, et nous avons mis au point un plan de 30 millions d’euros sur trois ans. Il faut restructurer et organiser le secteur qui regroupe des amateurs et des professionnels dont les ruchers sont de tailles très différentes, mais qui sont tous concernés par la baisse de la production : elle atteint à peine 10 000 tonnes de miel alors que la consommation se situe à 40 000 tonnes par an. Cette baisse s’explique aussi par les aléas climatiques, par le fait que le printemps et les floraisons soient décalés, et par l’usage des produits phytosanitaires.

Avec la direction générale à l’alimentation, nous discutons des modifications liées aux recommandations de l’ANSES sur les épandages de produits phytosanitaires visant à protéger les abeilles. Reporter ces épandages le soir, deux heures avant le coucher du soleil, n’est pas toujours évident mais permet de protéger les abeilles au moment où elles vont polliniser. Je suis évidemment favorable aux chartes qui sont signées, département par département. Nous devons gagner cette bataille.

Les chambres d’agriculture, comme le CNPF et tous les établissements publics, doivent participer à l’effort budgétaire. Nous avons accumulé des fonds de roulement parce que nous avons été de bonnes gestionnaires, disent-elles, à juste titre. Pour autant, la vocation d’un établissement public n’est pas d’accumuler de l’épargne mais de relayer la politique publique définie par le Parlement et le Gouvernement. Les fonds de roulement de ces établissements publics seront donc mis à contribution lorsque leurs montants seront supérieurs aux deux mois d’activité réglementaires. Ils conserveront un fonds de roulement de deux mois et l’excédent sera ponctionné pour faire des économies.

Contrairement à ses dires, relayés par certains d’entre vous, le CNPF ne va pas passer au-dessous de la ligne de flottaison, il aura parfaitement les moyens de finir l’année et il retrouvera sa dotation l’année prochaine. Comme tous les autres, il devra aussi réduire de 2 % ses coûts de fonctionnement. L’État fait aussi des efforts, et vous êtes d’ailleurs les premiers à me reprocher la baisse du budget du ministère de l’agriculture. Pourquoi demanderait-on à l’État des efforts dont seraient exonérés les opérateurs ?

Parmi les chambres d’agriculture, il y a des différences : certaines sont « aisées » et elles ont dégagé des fonds de roulement très importants ; d’autres rencontrent des difficultés de fonctionnement en raison de la faiblesse de leurs ressources. D’où l’existence d’un fonds de péréquation doté de 25 millions d’euros. Les chambres d’agriculture jouent un rôle de relais et elles doivent couvrir tout le territoire. L’effort demandé ne remet en cause ni leur rôle ni leur capacité à agir.

Quant à la simplification, c’est un processus en cours qui va se poursuivre. Ayez conscience qu’il est mené en même temps que le changement de la PAC. L’administration et l’Agence de services et de paiement (ASP) ont réussi à financer les avances d’aides de la PAC en temps et en heure à 92 % ou 95 % – c’est-à-dire que pratiquement toutes les avances ont été faites – tout en travaillant sur le nouveau logiciel de la prochaine PAC, avec des sujets liés au verdissement et à des questions techniques telles que l’emblavement avant le 1er juin, etc.

Contrairement à ce que disait l’un des députés de la Mayenne, la baisse des prix n’est hélas ! Pas imputable aux lourdeurs de l’administration et au manque de simplification. Si ce n’était que cela, je serais sûr de pouvoir régler le problème de la baisse des prix mais, malheureusement, l’embargo russe vient aggraver un contexte déjà bien compliqué.

Prenons l’exemple du lait. Il y a un an et demi, je n’arrêtais pas de sonner l’alerte lors des conseils des ministres européens – tous les comptes rendus en témoignent – sur les dangers de créer une surproduction. Aujourd’hui, la Nouvelle-Zélande et les États-Unis ont augmenté leur production respective de 12 % et 4 %, et le marché international de la poudre de lait se trouve en difficulté. Il faut néanmoins maintenir la production. Je vais passer un contrat avec la Fédération nationale des producteurs de lait pour essayer de structurer le secteur afin qu’il puisse amortir les chocs les plus difficiles. À l’échelle européenne, je vais me battre pour faire comprendre qu’il faut anticiper, notamment la fin des quotas. Jusqu’à présent, il était impossible de discuter de l’après-quotas, tant qu’on pouvait gagner de l’argent. Maintenant, même les grands pays qui ne voulaient entendre parler de rien veulent discuter.

En ce qui concerne l’embargo russe, nous nous étions mobilisés dès l’été, et la Commission avait pris des décisions pour soutenir le marché des pêches et des nectarines avant de tout arrêter quand la Pologne a voulu absorber une bonne partie de l’enveloppe. Hier, la Pologne a réduit ses prétentions de 140 millions d’euros à 28 millions, ce qui est plus raisonnable. Nous allons pouvoir gérer les aides – à la promotion commerciale, à l’exportation ou au retrait – de manière plus cohérente à l’échelle européenne. Il faut éviter le côté « guichet ».

Cela étant, nous allons avoir un vif débat sur le financement de ces mesures. Avec l’Allemagne, l’Espagne et d’autres pays, nous préparons une lettre dans laquelle nous demandons que le financement ne soit pas prélevé sur le fonds de gestion de crise, c’est-à-dire sur la PAC. Le budget européen voulait récupérer les super-prélèvements payés par les pays qui ont dépassé leurs quotas laitiers. Nous allons nous battre pour que tout l’argent de l’agriculture reste à l’agriculture. Si besoin est, il faudra aller chercher ailleurs parce que l’agriculture n’est pas responsable de l’embargo russe.

André Chassaigne a évoqué la restauration hors foyer. Je vais faire une proposition pour développer l’achat de produits français par ces restaurants, qu’ils appartiennent au secteur public ou au secteur privé. À tous les députés et à tous les maires, je vais envoyer un guide fixant des critères conformes aux règles des marchés publics et au droit de la concurrence, permettant d’acheter local. Ce vade-mecum sera envoyé dans une quinzaine de jours et, avec le Premier ministre, je le présenterai lors du congrès des maires, afin d’avoir la tribune la plus large possible.

Dominique Potier m’a interrogé sur les produits phytosanitaires. Nous allons attendre le rapport mais nous devons être offensifs. Il faut sortir de la logique du contrôle sur les moyens utilisés pour passer à celle du contrat sur les objectifs fixés. Je souhaite que l’Assemblée nationale soit à nos côtés, comme elle l’a toujours été, pour créer cette nouvelle logique de contrat d’objectifs.

S’agissant de la COP 21, la France a fait un rapport sur le rôle de l’agriculture et des forêts dans la lutte contre le réchauffement climatique. Il était tellement bon qu’il a été intégralement repris par le conseil de l’agriculture européen et que l’accord passé récemment sur la diminution de 40 % des émissions de gaz à effet de serre en reprend trois phrases. Il dit une chose très importante pour le débat : ce secteur émet des gaz à effet de serre mais il est aussi, grâce à la photosynthèse, une pompe à carbone. Dans son dernier rapport, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) reprend cette analyse pour parler de la place et du rôle du secteur des terres – un bien joli nom – dans la lutte contre le réchauffement climatique. Le jour où un marché du carbone existera, le secteur des terres étant stockeur, nous aurons alors à discuter avec les financiers de l’abondement du fonds stratégique.

Vous m’avez questionné sur les maisons familiales rurales. Partisan de la diversité qui existe et qui fonctionne, je suis allé dans les maisons familiales à l’occasion de la rentrée. Je vous rappelle que nous avons passé un accord avec l’ensemble de l’enseignement privé. Le protocole signé avec l’Union nationale des maisons familiales rurales (UNMFR) prévoit un financement de 205 millions d’euros par an jusqu’en 2016.

M. François Rochebloine. Vous n’y êtes pour rien, mais on leur doit de l’argent !

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Oui, mais dans le cadre de la loi Rocard de 1984 qui était inapplicable, les représentants de l’UNMFR eux-mêmes le savaient. Ils se sont montrés responsables parce que le seul objectif est la réussite des élèves de l’enseignement agricole et un bon taux d’insertion à la sortie.

En ce qui concerne les maladies du bois de la vigne, les protocoles négociés à l’échelle européenne nous donnent des perspectives de résultat en 2016. Que faire dans l’intervalle ? Dans le Gers, nous avions envisagé la possibilité d’agréer des entreprises qui utiliseraient les produits interdits pour des motifs de santé publique, en raison de leur dangerosité pour les utilisateurs. L’image d’employés arrivant en scaphandre dans les vignes n’aurait pas produit le meilleur effet. Nous allons donc attendre 2016, avec de bons espoirs, même si je sais que cette maladie pèse.

Enfin, une question portait sur l’augmentation du prix du bois et ses répercussions sur les scieries. Cette hausse tient à l’accroissement des besoins et à des exportations qui sont contradictoires avec les objectifs en matière d’emploi et de valorisation. Nous avons renchéri les certificats phytosanitaires à l’exportation et nous allons continuer à le faire pour que les produits exportés coûtent plus cher.

Cela étant, ce sont les contrats au sein de la filière qui doivent être développés. Les forestiers sont contents de voir le prix du bois augmenter et ils font remarquer que personne – surtout pas les propriétaires de scierie – ne se plaignait et ne venait les aider quand les cours étaient bas, pendant des années. Les acteurs de la filière doivent s’engager dans une logique contractuelle de moyen et long terme, qui garantisse des débouchés aux uns et l’assurance d’une ressource aux autres.

Les élus de la Fédération nationale des communes forestières (FNCOFOR) sont prêts à faire les efforts nécessaires, mais les forestiers privés doivent se joindre à eux pour parvenir à un accord concret définissant des prix à moyen et long terme. À défaut de cela, tous les ministres de l’agriculture successifs seront confrontés au même problème. Il nous faut organiser une rencontre avec les forestiers privés pour les pousser à s’engager dans une logique contractuelle et la définition de prix. Nous pourrons alors sortir de ce sempiternel débat sur le bois exporté ou transformé.

Mme Marie-Christine Dalloz, présidente. Merci, monsieur le ministre. Je rappelle que la discussion des crédits de la mission et le vote en séance publique auront lieu le jeudi 6 novembre.

La réunion de la commission élargie s’achève à douze heures vingt-cinq.

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