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Assemblée nationale

commission élargie

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

Commission des affaires sociales

(Application de l’article 120 du Règlement)

Mardi 28 octobre 2014

Présidence de M. Dominique Lefebvre,
vice-président de la Commission des finances,
et de M. Christian Hutin,
vice-président de la Commission des affaires sociales.

La réunion de la commission élargie commence à neuf heures trente.

projet de loi de finances pour 2015

Solidarité, insertion et égalité des chances

M. Dominique Lefebvre, président. Madame la ministre Marisol Touraine, mesdames les secrétaires d’État Laurence Rossignol, Ségolène Neuville et Pascale Boistard, je suis heureux de vous accueillir ce matin en commission élargie, en compagnie de M. Christian Hutin, vice-président de la commission des affaires sociales, pour vous entendre sur les crédits du projet de loi de finances pour 2015 consacrés à la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

M. Christian Hutin, présidentJe tenais à excuser la présidente de la commission des affaires sociales, qui est actuellement à l’Élysée et m’a demandé de la remplacer.

M. Gaby Charroux, suppléant M. Nicolas Sansu, rapporteur spécial. La mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » regroupe quatre programmes de poids budgétaire très inégal, dont la totalité des crédits s’élève à 15,75 milliards d’euros. Ils augmentent de 13,7 % à structure constante, compte tenu de la désaffectation du prélèvement de solidarité sur les produits de placement, qu’il a fallu compenser par une dotation budgétaire.

Le périmètre de la mission a significativement évolué cette année, et ne comprend plus que quatre programmes. En effet, en 2015, le programme 106 « Actions en faveur des familles vulnérables » est supprimé, et les dispositifs qu’il portait précédemment sont intégrés au sein de l’action 16 « Protection juridique des majeurs » et de l’action 17 « Protection et accompagnement des enfants, des jeunes et des familles vulnérables » du programme 304, renommé en conséquence « Inclusion sociale, protection des personnes et économie sociale et solidaire ».

L’évolution des crédits résulte cette année encore, à titre principal, de l’augmentation des dotations au programme 304 et de l’accroissement des crédits du programme 157 « Handicap et dépendance ». C’est donc, pour deux programmes sur quatre, une augmentation quasi automatique, en tout cas nécessaire, liée à des dépenses dites de guichet, et qui témoigne des difficultés sociales croissantes de la population.

Les seules diminutions de crédits prévues le sont, cette année encore, sur le programme de soutien 124, qui concerne l’ensemble des moyens de fonctionnement des administrations participant à la mise en œuvre des politiques sociales et sanitaires. Le rapporteur l’avait pourtant souligné l’an dernier : l’État devrait cesser d’amoindrir les moyens des services chargés de missions importantes en lien avec des collectivités elles-mêmes en difficulté, car cela met en danger le service public et ses exigences de continuité et d’égalité sur tout le territoire.

Je m’attarderai sur deux sujets préoccupants, qui appellent des précisions de la part du Gouvernement : le financement du revenu de solidarité active (RSA) et l’allocation aux adultes handicapés (AAH).

Le rapporteur spécial dénonce depuis plusieurs années les insuffisances de financement du RSA activité et l’assèchement de la trésorerie du Fonds national des solidarités actives (FNSA). L’exécution budgétaire 2013 a confirmé, hélas, ses prévisions pessimistes quant à la nécessaire ouverture de crédits supplémentaires avant la fin de l’année. Or cette ouverture de crédits n’a pas eu lieu, et l’année 2013 s’est achevée avec un report de charges de 148 millions d’euros de 2013 sur 2014, la trésorerie du FNSA, ramenée à 3 millions d’euros, étant littéralement asséchée. La Cour des comptes relève que, considérant l’obligation qu’a l’État d’assurer l’équilibre financier du FNSA, cette carence constitue une atteinte au principe de sincérité posé par l’article 32 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF).

Pour 2014, la Cour des comptes considère, dans son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, que le risque d’insuffisance de dotations est de l’ordre de 300 à 500 millions d’euros. Les services du ministère admettent de leur côté une insuffisance de financement de l’ordre de 300 millions d’euros ; ils concèdent également que le rendement du prélèvement de solidarité sur les revenus du patrimoine et les produits de placement ne devrait pas être de 1 840 millions d’euros, comme prévu dans le projet de loi de finances (PLF) 2014, mais de 1 452 millions.

Quelle ouverture de crédits est donc prévue avant la fin de l’année pour financer le RSA activité en 2014 ? Aura-t-elle lieu en loi de finances rectificative ? En considération de ces éléments alarmants, quelles sont les dernières évaluations pour 2015, compte tenu également du fait que le calibrage des crédits n’intègre que la revalorisation sur l’inflation prévisionnelle au 1er janvier 2015 et la revalorisation exceptionnelle annoncée pour le 1er septembre 2015, mais non l’effet volume de l’augmentation du nombre de bénéficiaires potentiels – évalués à 830 000, contre 761 000 en PLF 2014 ?

S’agissant enfin de l’AAH, il a été constaté cette année encore une forte augmentation de ses crédits, due non seulement aux revalorisations successives – la dernière, en octobre 2014 –, mais aussi à l’augmentation régulière du nombre de bénéficiaires. La projection de dépenses en 2014 pour l’AAH seule est de 8 497 millions d’euros pour 8 400 millions ouverts en loi de finances initiale. Cette situation devrait nécessiter un abondement de crédits en gestion : comment comptez-vous procéder ? Comment croire par ailleurs que les 8 524 millions de crédits destinés à l’AAH en 2015 seront suffisants ?

M. Christophe Sirugue, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour la solidarité. Les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » pour cette loi de finances initiale de 2015 sont la preuve de l’engagement de l’État au service des personnes les plus vulnérables. En dehors du programme 157 « Handicap et dépendance », qui fait l’objet d’un avis budgétaire spécifique, le montant global de ces crédits s’élève à 4,15 milliards d’euros, et seul le programme support 124 voit ses crédits diminuer, conformément aux engagements par le Gouvernement pour maîtriser l’emploi public.

Le programme 304, désormais intitulé « Inclusion sociale, protection des personnes et économie sociale et solidaire », regroupe les anciens programmes 304 et 106. Ce nouveau programme 304, à l’architecture simplifiée, montre des crédits en très forte hausse. Tout d’abord, l’État tient ses engagements pris dans le cadre du plan de lutte contre la pauvreté adopté le 21 janvier 2013 : il revalorisera le RSA de 2 % le 1er septembre 2015, en plus de la revalorisation indexée sur l’inflation. Ce maintien de l’effort financier en faveur des plus démunis, dans un contexte budgétaire aussi contraint, doit être salué.

Les 595 millions d’euros de crédits ouverts en 2014 pour le RSA activité sont passés à 2,33 milliards d’euros de crédits demandés pour 2015, car le mode de financement du RSA a été modifié. En effet, le FNSA était jusqu’à présent financé par une fraction de 1,37 % du prélèvement de solidarité sur les produits de placement et les revenus du patrimoine, que venait compléter la contribution du programme 304, qui intervenait comme une subvention d’équilibre. À partir de 2015, le produit de cette fraction du prélèvement de solidarité viendra abonder les comptes sociaux, le budget de l’État compensant cette perte de recettes pour un montant équivalent. La clarification qu’apporte ce financement simplifié était attendue.

J’aurais néanmoins souhaité connaître le produit de ce prélèvement en 2014. En effet, je ne voudrais pas être amené à faire le constat que, en fondant dans l’ensemble des comptes sociaux le produit de cette contribution de 1,37 %, initialement créée exclusivement pour le financement du RSA activité, nous perdons une recette dynamique. En effet, l’annonce faite par le Président de la République, le 20 août 2014, de la fusion entre la prime pour l’emploi (PPE) et le RSA activité, conformément au rapport que j’ai remis le 15 juillet 2013 au Premier ministre, ne pourra se faire à budget constant. Le Président de la République l’a d’ailleurs lui-même souligné, le 14 octobre dernier, en présence de la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion, lors du point d’étape sur le plan de lutte contre la pauvreté. Je regrette que cette fusion ne soit pas proposée dans ce projet de loi de finances initiale, mais je reste néanmoins confiant sur la possibilité qu’elle soit mise en œuvre pour le 1er janvier 2016.

Je souhaiterais revenir sur les raisons qui ont motivé la fin du financement de l’Aide personnalisée de retour à l’emploi (APRE). Créée en 2009, destinée aux bénéficiaires du RSA et conditionnée à une offre ferme d’emploi ou de formation, l’APRE doit lever les freins périphériques à la reprise d’activité tels que les problèmes de mobilité, de garde d’enfant, voire des soucis vestimentaires. La bonne gestion de cette prestation entièrement financée par l’État, mais déconcentrée et redéployée en grande partie auprès des conseils généraux, des associations et, plus marginalement, de Pôle emploi, souffre de son éparpillement. La diminution régulière du montant des crédits accordés à l’APRE depuis 2010 a tenu compte de leur très forte sous-consommation. Si les faiblesses du dispositif, notamment la complexité de sa gestion liée à la diversité des opérateurs, entraînent légitimement sa remise en question, pouvez-vous néanmoins, madame la ministre, nous indiquer de quelle façon sera repris l’accompagnement des demandeurs d’emploi qui bénéficiaient de ce dispositif ?

Les crédits de l’aide alimentaire – plus de 32 millions d’euros – sont reconduits, et c’est à nouveau un motif de satisfaction. Une inquiétude subsiste néanmoins : le nombre de bénéficiaires prévu est de 4 millions contre 3,5 millions en 2014. Par ailleurs, si je me réjouis de voir les épiceries sociales soutenues par l’État pour un montant de 7,9 millions d’euros, pouvez-vous m’assurer que cet effort légitime en faveur d’un modèle qui a fait ses preuves ne se fait pas au détriment des têtes de réseau chargées de l’aide alimentaire nationale ?

J’en arrive au programme 137 en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes. Les crédits globalement maintenus à l’identique méritent un satisfecit sans réserve. Ils prouvent, s’il en était besoin, l’engagement volontariste de l’État envers la défense des droits des femmes. Pouvez-vous nous dire, madame la ministre, où en sont le déploiement de l’accueil de jour des femmes et l’amélioration de la permanence téléphonique du 3919, « Violences femme info », prévus dans le cadre du quatrième plan interministériel de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes ?

Enfin, la partie thématique de cet avis budgétaire est consacrée à la protection de l’enfance. Si les crédits accordés au Groupement d’intérêt public de l’enfance en danger (GIPED) sont satisfaisants, les auditions ont soulevé de nombreuses questions. Les sénatrices Muguette Dini et Michelle Meunier ont déposé au Sénat, en septembre 2014, une proposition de loi relative à la protection de l’enfance. Vous allez vous-même, madame la ministre, mettre en place un comité de suivi sur ce thème. Sans anticiper sur ces travaux, la présente commission ne se prêtant pas à l’examen des multiples questions soulevées par des auditions convergentes, il me semble néanmoins nécessaire de renforcer le pilotage national, de réaffirmer la primauté des droits de l’enfant sur ceux des parents et d’améliorer la prévention et la détection des situations de maltraitance. Le contrôle de la qualité de la prise en charge et de son adaptation au parcours de l’enfant semble être un maillon particulièrement faible de cette politique publique. J’aimerais recueillir votre sentiment sur ces différents points.

Cela dit, je me réjouis des efforts financiers que porte cette mission en faveur des personnes les plus vulnérables.

Mme Annie Le Houerou, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales, pour le handicap et la dépendance. Les crédits du programme 157 « Handicap et dépendance », qui représentent à eux seuls 74 % des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », s’élèvent à 11,6 milliards d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement. Ces crédits en faveur des personnes âgées en perte d’autonomie et des personnes handicapées sont préservés et même accrus, puisque la dotation du programme 157 connaît une augmentation de 1,4 % par rapport à l’année dernière. Nous devons être plus que jamais attentifs au respect des principes de la loi de 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Cet engagement financier que vous nous proposez confirme la volonté du Gouvernement de répondre au besoin de compensation de la perte d’autonomie, qu’elle résulte du handicap ou de l’avancée en âge.

Ce programme comprend six actions. La plus importante, l’action 3, concerne la préservation des ressources d’existence des personnes handicapées, à travers le financement, d’une part, de l’AAH – dont le montant maximum est de 800,45 euros mensuels, depuis la revalorisation d’octobre 2014 – et, d’autre part, de l’allocation supplémentaire d’invalidité, ces deux prestations absorbant 75,6 % des crédits, soit 8,774 milliards d’euros, ce qui représente une augmentation de 1,46 % par rapport à 2014.

Les crédits de l’action 2 « Incitation à l’activité professionnelle », soit 2,748 milliards d’euros, sont destinés aux établissements et services d’aide par le travail (ESAT). Ces crédits sont en augmentation de 41,35 millions d’euros. Il me semble cependant que le rôle des ESAT mériterait d’être repensé et davantage axé sur l’évaluation de la situation des personnes handicapées par rapport à l’emploi, ces établissements devant servir de tremplin vers le milieu ordinaire tout en offrant un lieu de répit et de remobilisation lorsque le milieu ordinaire devient trop pesant. À cet égard, je me demande si le mode de financement actuel des ESAT, à la place, est suffisamment incitatif pour leur permettre de développer ce lien avec le milieu ordinaire. Quelles sont donc les mesures envisagées pour mieux les positionner dans le parcours de la personne handicapée entre le milieu protégé et le milieu ordinaire ?

Pouvez-vous nous préciser également où en est la mise en place du dispositif d’expérimentation de nouveaux processus d’évaluation de « l’employabilité des personnes handicapées » dans les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) ? Les ESAT sont-ils associés à ce travail ? Existe-t-il des coopérations avec d’autres organismes comme Cap emploi ?

Par ailleurs, 2 millions d’euros sont destinés à financer les opérations d’investissement des ESAT. Quelles sont les opérations de modernisation ciblées par ces crédits, qui paraissent peu élevés au regard des besoins de mises aux normes et d’accessibilité ?

La participation de l’État au fonctionnement des MDPH, qui fait l’objet de l’action 1 pour un montant de 56,295 millions d’euros, est complétée par 10 millions d’euros en provenance de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), pour atteindre 66,295 millions d’euros, soit une augmentation de 1,43 million d’euros par rapport à 2014.

L’action 5 en faveur des personnes âgées en perte d’autonomie est dotée de 2,36 millions d’euros et vise à encourager la bientraitance.

J’en viens aux aides techniques. Si, d’un point de vue financier, les enjeux pour les pouvoirs publics peuvent paraître très limités, puisqu’elles ne représentent que 1 % de la prestation de compensation du handicap (PCH) ou de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), soit environ 30 millions d’euros, le système de prise en charge est très complexe et génère des délais particulièrement longs, ce qui crée des inégalités entre les utilisateurs ayant des besoins comparables de compensation. En effet, les personnes handicapées bénéficient d’une meilleure prise en charge que les personnes âgées dépendantes. Il existe en outre des disparités très importantes entre les départements, en raison notamment du fonctionnement hétérogène des fonds départementaux de compensation (FDC). Pouvez-vous donc nous indiquer de quelle façon ces inégalités d’accès aux aides techniques peuvent être réduites ?

Le projet de loi d’adaptation de la société au vieillissement prévoit de mettre en place, dans chaque département, une conférence des financeurs de la prévention de la perte d’autonomie des personnes âgées. Pouvez-vous nous préciser quelles seront les actions financées par cette conférence et le rôle qu’elle pourrait jouer dans l’harmonisation des financements consacrés à l’achat d’aides techniques ?

Enfin, de nombreuses personnes auditionnées ont fait état de difficultés pour accéder à une information fiable et exhaustive sur les aides techniques. La base de données unique mise en place par la CNSA en 2008 n’est plus accessible. Il est également apparu que l’évaluation de l’adaptation des aides techniques aux besoins des usagers était insuffisante. Les MDPH ne disposent pas toujours des compétences spécialisées, et certaines d’entre elles font appel aux expertises d’équipes d’évaluation extérieures. Quelle mesure proposez-vous pour améliorer la connaissance des aides techniques et leur adaptation aux besoins des bénéficiaires ?

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. En matière de politique sociale, le projet de loi de financement de la sécurité sociale a tendance à écraser les missions budgétaires du PLF. Si certains domaines auxquels se rattachent ces missions relèvent exclusivement du budget de l’État, d’autres se partagent entre le budget de la sécurité sociale – en général, pour des montants beaucoup plus importants – et le budget de l’État.

Cela étant, le projet de loi de finances et la mission que nous examinons aujourd’hui s’inscrivent dans la perspective générale du redressement des comptes publics, assise sur la maîtrise des dépenses et le sérieux budgétaire. J’indique d’emblée avec fermeté qu’il reflète également la volonté du Gouvernement de garantir les orientations sociales qui sont les siennes. Pour cela, nous souhaitons rendre plus efficaces nos politiques sociales, en réorientant certaines d’entre elles.

La solidarité reste notre priorité, ce qui se traduit, très concrètement, par le fait que les crédits de la mission sont préservés. Ils évoluent pour tenir compte des besoins d’accompagnement des publics vulnérables, et les efforts d’économie ont été limités. Je remercie le rapporteur pour avis Christophe Sirugue d’avoir souligné que les engagements du Gouvernement en matière de lutte contre la pauvreté étaient tenus. Je ne peux laisser dire en revanche que les moyens liés à l’insertion sont en repli. Les crédits affectés à la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » augmentent au sein d’un budget général tenu à une évolution nulle, et cette mission est parmi les missions du budget de l’État qui connaissent l’évolution la plus importante entre 2014 et 2015, signe que le Gouvernement assume des dépenses de solidarité fortes dans un contexte économique contraint, précisément parce que ce contexte est particulièrement difficile pour les personnes les plus vulnérables.

Le programme 304 « Lutte contre la pauvreté, inclusion sociale et protection des personnes » comporte pour 2015 les crédits nécessaires à la revalorisation exceptionnelle du RSA – revalorisation de 2 % au 1er septembre 2014, prévue par le plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale, dans la perspective d’une revalorisation de dix points au-dessus de l’inflation d’ici à la fin du quinquennat.

Le financement du FNSA, qui supporte en particulier les dépenses liées au RSA, a été modifié. En effet, dans le cadre des opérations de transfert entre l’État et la sécurité sociale, qui ont suivi la mise en place du pacte de responsabilité et de solidarité, nous avons affecté à la sécurité sociale l’intégralité de la recette des prélèvements de solidarité, soit 2 534 millions d’euros. Conformément à nos engagements, la perte de recettes pour le FNSA a été intégralement compensée par l’apport de crédits budgétaires, à hauteur de 1 735,9 millions d’euros – soit la fraction des prélèvements sociaux sur les revenus du capital affectés antérieurement au FNSA –, mais aussi par le transfert d’une fraction du 1 % de solidarité aujourd’hui affecté au Fonds de solidarité, et cela pour un montant de 200 millions d’euros. Il s’agit donc d’une opération de simplification des règles d’abondement du FNSA, qui n’affectera pas les capacités de financement des dispositifs de solidarité.

Les craintes exprimées par Gaby Charroux sur le financement du FNSA s’expliquent par le fait que ce financement était jusqu’à présent assuré par des recettes fiscales, les prélèvements de solidarité sur le capital, dont la loi de finances initiale ne peut, par définition, produire qu’une estimation, d’où, lorsqu’elles ne sont pas réalisées, des bouclages difficiles. La rebudgétisation de ces dépenses est donc une bonne nouvelle, puisque cela nous permet de mieux maîtriser l’évolution des recettes affectées. Si, toutefois, nous devions constater des impasses de financement au regard des besoins, nous ouvririons des crédits supplémentaires en fin de gestion. L’État ne manquera pas à ses obligations envers les bénéficiaires du RSA.

Le programme 304 comporte également une mesure d’économie, puisque nous ne prévoyons aucun abondement du FNSA au titre de l’APRE. Créée en 2009, cette aide était conçue à l’origine pour s’adapter aux besoins des personnes engagées dans la recherche d’un emploi. Ce dispositif comportait néanmoins des limites importantes. D’une part, il ne pouvait être versé qu’aux bénéficiaires du RSA reprenant effectivement une activité et non aux bénéficiaires en recherche d’emploi, alors que les demandeurs d’emploi ont des besoins et des attentes particulières. Par ailleurs, l’APRE devait être attribuée en complément des aides proposées par Pôle emploi, selon une logique de subsidiarité relativement complexe à mettre en œuvre par les acteurs locaux. Depuis 2011, les taux de consommation de cette aide sont donc restés bas, et très disparates d’un département à l’autre.

C’est la raison pour laquelle nous avons fait le choix d’une simplification des aides et des soutiens apportés aux demandeurs d’emploi, autour de l’opérateur principal qu’est Pôle emploi. Depuis le 1er janvier 2014, les aides à la mobilité et à la garde d’enfant de Pôle emploi ont été refondues pour être recentrées sur les publics les plus en difficulté. Les directeurs d’agence peuvent mobiliser une enveloppe spécifique, qui leur permet de financer des projets locaux innovants en matière d’insertion. Par ailleurs, Pôle emploi a pour objectif, dans sa convention 2015-2017, de développer son action en direction des publics fragiles. Il lui appartient à ce titre de développer l’accompagnement global des chômeurs et de mettre en place des réponses à leurs besoins sociaux et professionnels, en lien avec les acteurs de l’insertion au plan local. Ce sont mille conseillers qui seront dédiés à cet accompagnement global au sein du réseau.

S’appuyant sur le rapport de Christophe Sirugue, le Président de la République a annoncé la fusion du RSA et de la PPE, mesure dont les ambitions vont au-delà de la simplification administrative. À cette heure, le Gouvernement n’a pas encore statué sur les modalités du nouveau dispositif dont les lignes directrices seront les suivantes : il devra permettre d’abord de valoriser l’activité des personnes les plus modestes, mais pas uniquement ; il devra ensuite être simple à mettre en place et lisible pour ses bénéficiaires, au contraire de la PPE à laquelle les publics éligibles ne savent pas toujours qu’ils ont droit ; enfin, il devra pouvoir bénéficier aux jeunes actifs.

Les crédits du programme 157 « Handicap et dépendance » sont composés aux trois quarts des financements de minima sociaux destinés spécifiquement aux personnes porteuses de handicap, l’allocation adulte handicapé et l’allocation supplémentaire d’invalidité. Cette dépense restera dynamique dans les années à venir, ce qui ne va pas sans préempter les marges de manœuvre de nos budgets. À ceux qui craignent que les crédits prévus soient insuffisants, je ne peux que répondre par une évidence : ce sont des prestations dues et elles seront versées à leurs bénéficiaires. Si nos lignes budgétaires devaient se révéler insuffisantes – ce que nous n’anticipons pas –, nous les abonderions en ouvrant des crédits supplémentaires.

Nous n’avons pas prévu de création de places dans les ESAT, mais nous faisons en leur faveur des efforts budgétaires, puisque le tarif plafond, stable depuis plusieurs années, a été revalorisé. Nous poursuivons par ailleurs nos efforts en faveur de l’investissement dans ces établissements, en privilégiant tout particulièrement les projets de modernisation de l’outil productif, à même de repositionner ou de mieux positionner les ESAT sur des marchés porteurs. En effet, si les ESAT ont une composante sociale et médico-sociale, ce sont aussi des entreprises qui peuvent rencontrer du succès dans leur domaine.

Enfin, nous avons ouvert un atelier sur l’emploi et la formation professionnelle des personnes en situation de handicap, dans le cadre de la Conférence nationale du handicap. Nous porterons par ailleurs la plus grande attention au rapport que doit nous remettre Annie Le Houérou sur l’accompagnement des personnes handicapées. Je ne veux pas aujourd’hui anticiper sur ces réflexions. C’est le Président de la République qui conclura en personne les travaux de la Commission nationale du handicap et donnera les orientations de notre politique publique en la matière pour les cinq prochaines années.

En ce qui concerne le programme 137, le Gouvernement s’est attelé à faire progresser l’égalité entre les femmes et les hommes dans la vie professionnelle, économique, politique et sociale, tout comme la promotion des droits, la prévention et la lutte contre les violences sexistes. Depuis 2012, les crédits consacrés à ces actions ont significativement augmenté de 25 %.

Le déploiement de l’accueil de jour des femmes victimes de violences fait partie des mesures du quatrième plan triennal de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes, qui court jusqu’en 2016. Les accueils de jour permettent aux femmes d’être écoutées et orientées dans leurs différentes démarches. On les y prépare à l’autonomie, en les accompagnant dans le processus de séparation qu’elles traversent. Cent quatre accueils de jour sont désormais installés et consolidés dans quatre-vingt-quatorze départements. Le numéro de référence d’accueil téléphonique et d’orientation des femmes victimes de violences prend appui sur la permanence téléphonique du 3919, gérée par la Fédération nationale solidarité femmes, ainsi que sur la mise en réseau des autres numéros existants. Depuis le 1er janvier 2014, ce service est gratuit depuis un poste fixe et mobile, et il est accessible sept jours sur sept. Les crédits affectés à ces actions permettent à la Fédération nationale solidarité femmes de tenir les objectifs qui lui sont assignés dans sa convention pluriannuelle. L’objectif d’un taux de réponse de 80 % a été atteint, et le nombre d’appels traitables est passé de 4 000 par mois en 2013 à 7 000 en 2014.

Le Gouvernement, comme notre ministère, est donc fortement mobilisé en faveur des personnes qui ont besoin, à un titre ou à un autre, de soutien. Il s’agit de personnes dans des situations très diverses, qu’il faut accompagner, parfois en leur procurant des revenus de remplacement, en tout cas en les armant pour relever les défis auxquels elles sont confrontées. Malgré le cadre économique et budgétaire contraint que nous connaissons, je réaffirme ici que ces politiques sociales demeurent une priorité.

Mme Françoise Dumas. La mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » représente l’un des engagements essentiels de l’État en faveur des plus démunis, avec notamment 74 % des crédits affectés au programme « Handicap et dépendance », pour un montant total de 11,6 milliards d’euros, soit une hausse de 1,4 % par rapport à 2014, qui témoigne de l’effort consenti au nom des valeurs de solidarité et d’égalité. Nous nous en réjouissons.

Outre la poursuite de l’accompagnement personnalisé par le réseau des MDPH, dont le budget est en hausse de 3 % pour atteindre 66,7 millions d’euros, et la revalorisation de l’AAH, les crédits de l’action « Incitation à la vie professionnelle » augmentent de 1,5 % : ils atteignent 2,7 milliards d’euros, consacrés au financement des ESAT et à la garantie de rémunération des travailleurs handicapés (GRTH). Sur ce point, je souhaiterais savoir de quelle manière est envisagée la généralisation de l’expérimentation menée par la Direction générale de la cohésion sociale sur les nouveaux processus d’évaluation de l’employabilité des personnes handicapées, destinés à corriger l’hétérogénéité territoriale souvent constatée dans le champ du handicap.

Pour ce qui concerne les aides techniques, de nombreuses études soulignent leur coût très élevé. Contrairement à la plupart de nos voisins européens, notre pays propose aux personnes handicapées une solvabilisation élevée associée à une liberté de choix faiblement contrainte des aides techniques, cette combinaison risquant de générer une inflation artificielle des prix, ainsi que l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et la Cour des comptes ont pu le démontrer à travers l’analyse des effets d’aubaine dans les secteurs des prothèses auditives et de l’optique. Il apparaît donc nécessaire de lutter contre la surconsommation de ces produits de santé, à laquelle les entreprises prestataires semblent ne pas être tout à fait étrangères, et il faut souligner ici le manque d’harmonisation des bonnes pratiques entre fabricants, prestataires et médecins. Quel est l’état de la réflexion sur les façons de mieux réglementer ce marché très spécifique des aides techniques, pour lutter contre sa tendance inflationniste, limiter la surconsommation et améliorer l’accessibilité des produits ?

Mme Isabelle Le Callennec. Le budget de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » s’élève à 15,5 milliards d’euros. C’est un budget stable par rapport à 2014.

Le FNSA, auquel tenait particulièrement Martin Hirsch, était jusqu’à présent alimenté par une fraction – 1,37 % – du prélèvement de solidarité sur les produits de placement et les revenus du patrimoine. À compter de 2015, l’intégralité de ce prélèvement sera affectée à la sécurité sociale pour financer les allègements de charge votés cet été dans le projet de loi de financement rectificatif de la sécurité sociale. La dotation du FNSA augmentera en conséquence de l’équivalent de la fraction qui lui était précédemment versée, soit 1,7 milliard d’euros : l’UMP continue de s’interroger sur l’origine de cette somme. La rebudgétisation est-elle toujours une bonne idée si elle doit être financée par le déficit ou la dette ?

De même, nous déplorons la suppression de l’APRE, dont le coût avait été évalué à 35 millions d’euros dans le PLF pour 2014 et qui permettait aux bénéficiaires du RSA de lever les freins à la reprise d’un emploi, en aidant soit à l’acquisition ou à la réparation d’un véhicule, à l’achat d’un titre de transport ou au financement d’une garde d’enfant. Sans doute fallait-il réformer ce dispositif, mais pas le supprimer, car il constituait un véritable levier d’action aux mains des conseillers en insertion. Vous avez néanmoins choisi de vous décharger de cette responsabilité sur Pôle emploi, mais sans lui en donner les moyens, puisque son budget n’augmente pas cette année.

Ce budget enfin oublie la fusion de la PPE et du RSA activité, pourtant annoncée cet été, mais que le Président de la République ajourne à 2016. Le Gouvernement a préféré supprimer la première tranche de l’imposition sur le revenu, décision que l’UMP désapprouve, car l’impôt sur le revenu, qui n’était déjà payé que par un Français sur deux, se concentre ainsi sur un nombre plus restreint de contribuables, notamment les classes moyennes.

Enfin, avec la grande loi promulguée le 31 juillet dernier, on a pu croire que le Gouvernement voulait faire de l’économie sociale et solidaire (ESS) une de ses priorités. Or ses crédits sont en baisse pour la deuxième année consécutive : 4,7 millions d’euros contre 5 l’an dernier. Sur le terrain, les acteurs de l’ESS manifestent leur déception et s’inquiètent à raison de la baisse des dotations des collectivités locales. Le secteur de l’ESS n’émarge pas au CICE, mais souhaite en contrepartie bénéficier d’un allègement de la taxe sur les salaires que paient les structures non assujetties aux impôts commerciaux. Cet allègement est plafonné à 20 000 euros par structure et, au-delà de quinze à vingt salariés, les associations s’estiment désavantagées par rapport aux entreprises. Pensez-vous leur donner satisfaction ?

M. Francis Vercamer. Si la progression continue des crédits alloués à la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » constitue un signal positif vis-à-vis des plus fragiles, ce budget ne préfigure aucune réforme d’ampleur permettant de concilier la nécessaire maîtrise des dépenses publiques avec l’exigence de solidarité.

Le Plan pluriannuel contre la pauvreté s’apparente à un catalogue de mesures utiles, mais insuffisantes pour lutter contre la progression de la précarité et de la pauvreté. Les conseils départementaux peinent à financer le RSA en raison de l’insuffisance de la participation de l’État et de l’augmentation constante du nombre de bénéficiaires. Or aucune réforme du dispositif n’est envisagée à travers cette mission. Il est pourtant indispensable d’assurer une meilleure coordination des acteurs de l’insertion autour des publics qui s’inscrivent dans une démarche de retour à l’emploi. La mission d’information sur les conditions d’exercice par les caisses d’allocations familiales de leurs missions, que j’ai animée avec Christian Hutin, a ainsi mis en évidence une grande hétérogénéité des relations entre les CAF et les départements, dans le suivi des allocataires du RSA. De la même manière, l’État s’engage dans des dynamiques de retour à l’emploi via la politique des contrats aidés, mais les financements peinent à suivre de la part des autres partenaires, notamment les départements, qui supportent déjà le coût du RSA, ce qui place les associations devant d’importantes difficultés. Les dispositifs doivent donc être repensés pour mieux assurer le suivi des bénéficiaires et la coordination entre les acteurs et les financeurs.

Par ailleurs, les dépenses de l’État en faveur des personnes en situation de handicap représentent aujourd’hui plus de 80 % des crédits de la mission. Cette montée en charge rend nécessaire la mise en œuvre d’une politique globale en faveur du handicap.

Nous nous inquiétons en outre de la suppression du financement de l’APRE. Les aides territorialisées mises en place par Pôle emploi et soutenues par les conseils départementaux seront-elles suffisantes, alors que les crédits de la mission « Travail et emploi » subissent une baisse de 1,6 milliard d’euros en trois ans ?

Le groupe UDI dénonce fermement le tour de passe-passe budgétaire qui consiste à augmenter la dotation de l’État au FNSA pour compenser les allégements de charges prévus dans le cadre du pacte de responsabilité et de solidarité, faute de véritables économies budgétaires. C’est une mesure injuste, qui va à l’encontre de l’intitulé même de cette mission, puisque, désormais, la solidarité est intégralement financée par la dette.

Enfin, Najat Vallaud-Belkacem avait promis, lorsqu’elle était ministre des droits des femmes, 20 millions d’euros pour la lutte contre la prostitution. Or l’action 15 du programme 137 n’est dotée que de 2,4 millions d’euros, qui seront éventuellement abondés de 2,6 millions d’euros, soit 5 millions d’euros au maximum.

M. Christophe Cavard. Le groupe écologiste salue l’augmentation du budget de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » et les efforts faits en faveur du handicap, même si nous souhaitons entendre la ministre et les secrétaires d’État au sujet du nombre de places disponible dans les ESAT.

Le programme 304 « Inclusion sociale, protection des personnes et économie sociale et solidaire » connaît une augmentation très importante, due, pour plus de 88 %, à la modification du financement du RSA et aux nouvelles dotations de l’État au FNSA, suite au transfert à la sécurité sociale de la part du prélèvement de solidarité sur les revenus du patrimoine qui lui était précédemment affectée.

Je m’interroge sur la suppression de l’APRE, dont chacun pourtant s’accordait à reconnaître l’utilité. L’accompagnement sera certes pris en charge par Pôle emploi, mais des questions demeurent sur l’articulation des dispositifs, comme sur le problème récurrent du non-recours au droit. De quel bilan disposons-nous sur ce sujet ?

L’action 12, consacrée à l’économie sociale et solidaire, ne me paraît pas à sa place au sein du programme 304 et s’inscrirait de manière plus pertinente dans la mission « Économie ». En effet, à l’exception des entreprises solidaires d’utilité sociale (ESUS), les entreprises de l’économie solidaire n’ont pas nécessairement de rôle direct dans la lutte contre la pauvreté. De surcroît, l’inscription de ces crédits dans le programme 304 oblige à gager les amendements déposés, au sein de la mission Solidarité, ce qui n’est pas sans poser des problèmes budgétaires. Si nous voulons donner à l’économie sociale et solidaire le rôle que lui a assigné la loi votée cet été, il faut sortir cette nouvelle forme d’entrepreneuriat de la stricte logique de la solidarité.

Mme Dominique Orliac. Nous avons voté récemment le projet de loi habilitant le Gouvernement à adopter des mesures législatives pour la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d’habitation et de la voirie pour les personnes handicapées. C’est dans cette perspective que la sénatrice Jacqueline Gourault et moi-même avons rendu notre rapport sur l’accessibilité dans le domaine électoral. Celle-ci est en effet une condition indispensable à la participation de tous à la vie citoyenne et, si des efforts ont été faits ces dernières années pour améliorer l’accessibilité aux bureaux de vote, il convient à présent d’embrasser l’ensemble de l’information politique. Nous avons donc ébauché vingt-sept pistes de réflexion permettant de mieux intégrer les personnes en situation de handicap dans le processus électoral. L’impact sur les finances publiques de ces vingt-sept propositions est faible. De même, la mission a veillé à ce que ses préconisations ne complexifient pas la tâche des acteurs. La ministre dispose-t-elle d’un échéancier concernant la mise en œuvre de nos recommandations, en prévision notamment des prochaines échéances électorales de 2015 ? Par ailleurs, l’accessibilité électorale pour les personnes en situation de handicap sera-t-elle prise en compte dans les futurs budgets de l’État ?

Mme Gisèle Biémouret. Le financement de l’aide alimentaire est entré dans une nouvelle phase, avec le passage, cette année, du Programme européen d’aide aux plus démunis (PEAD) au Fonds européen d’aide aux plus démunis (FEAD). Les épiceries sociales ne pouvant plus être financées par le programme européen, qui exige la gratuité des produits distribués, l’État financera ce dispositif pour la deuxième année consécutive, à hauteur de près de 8 millions d’euros. Cet effort important est-il destiné à être pérennisé dans les futurs budgets, pour garantir l’avenir des épiceries sociales ?

Nous constatons une baisse considérable des crédits alloués à l’aide alimentaire nationale, qui passent de 15,4 millions d’euros en 2014 à 4,62 millions pour 2015. Pouvez-vous nous en donner les raisons ? Cette baisse s’explique-t-elle par un transfert sur la ligne « épiceries sociales » ? Comment se répartit le financement des treize associations ayant été habilitées au niveau national à recevoir des contributions publiques destinées à la mise en œuvre de l’aide alimentaire et dont la liste a été fixée par les arrêtés du 25 février 2013 et du 11 juillet 2014 ?

Le nombre de personnes en demande d’aide alimentaire est en constante augmentation, et les perspectives pour l’année en cours sont, selon les associations, extrêmement inquiétantes. D’après les études surl’alimentation et l’état nutritionnel des bénéficiaires de l’aide alimentaire (ABENA), l’état de santé des usagers de l’aide alimentaire demeure préoccupant. Des réflexions sur la réorganisation de l’aide alimentaire sont en cours, comme celle de l’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (UNIOPSS), des pistes de travail existent sur les circuits courts. Le Gouvernement a déjà engagé des actions contre le gaspillage alimentaire et en faveur de la défiscalisation des dons agricoles. Mais ne serait-il pas pertinent d’engager aujourd’hui, avec l’ensemble des acteurs, une réflexion globale sur la manière d’inclure l’aide alimentaire dans les politiques d’inclusion sociale, en ne la cantonnant plus au traitement des situations d’urgence ?

Mme Catherine Coutelle. Le programme 137 de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » témoigne de la volonté gouvernementale de poursuivre la politique d’égalité entre les femmes et les hommes conduite depuis deux ans et demi. Ses crédits, qui portent sur l’égalité directe, traduisent les priorités du Gouvernement et, au-delà de l’aspect strictement budgétaire, comportent un effet de levier qui permet de mobiliser les ministères, voire les collectivités locales. Neuf régions sont déjà territoires d’excellence professionnelle et, à partir de 2015, les collectivités de plus de 20 000 habitants seront obligées de tenir un débat annuel sur l’égalité.

Cette politique transversale, dont le pilotage revient au comité interministériel aux droits des femmes qui s’est réuni pour la dernière fois le 6 janvier 2014, bénéficie de trente et un programmes irrigant tout le champ politique : culture de l’égalité dès le plus jeune âge, lutte contre la pauvreté, égalité professionnelle, politique familiale, santé, violences, diplomatie, droits des femmes, etc. Leur progression régulière est une marque supplémentaire d’engagement politique. L’adoption de la loi-cadre du 4 août 2014 a rappelé que l’égalité doit être abordée par tous ses aspects.

J’aimerais vous interroger plus particulièrement sur l’objectif 1 du programme 137, relatif à l’égalité professionnelle. Les transpositions des accords nationaux interprofessionnels et les dispositions de la loi du 4 août seront-elles suivies d’effet en 2015 ? Je songe notamment à l’ANI sur la qualité de vie au travail, qui tend à développer la négociation ainsi que la diffusion des rapports de situation comparée. Cette préoccupation imprègne-t-elle davantage les pratiques ? Les rattrapages de salaire et de carrière sont-ils en marche, y compris dans la fonction publique ? La révision des classifications est-elle en cours ? L’observatoire des rémunérations prévu par la conférence sociale de juillet 2014 est-il en gestation ? Enfin, pouvez-vous faire état des résultats de l’application du décret de 2012, seule solution après quarante ans de lois sur l’égalité professionnelle ? Au-delà de l’égalité et de l’équité, l’harmonisation des salaires est un facteur potentiel de croissance économique, estimé à 0,5 % par an.

Le choix du métier est aussi un élément déterminant de l’égalité. On constate notamment que les jeunes filles et les femmes ne s’orientent pas suffisamment vers le numérique. Comment le budget 2015 permettra-t-il de poursuivre la lutte pour la mixité des métiers, engagée en 2014 ?

Je ne reviens pas sur l’articulation entre vie familiale et vie professionnelle grâce au congé parental et à la garde des enfants, dont nous avons très longuement débattu dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Mme Marie-Christine Dalloz. J’ai pris connaissance avec intérêt du passage du rapport de Mme Le Houérou sur la disparité de prise en charge entre les personnes handicapées et les personnes âgées dépendantes. Qu’est-il prévu au titre du plan Alzheimer, en particulier pour répondre aux demandes quotidiennes de places supplémentaires pour les personnes âgées dépendantes qui souffrent de cette maladie ?

Vous avez parlé, madame la ministre, de doter d’importants crédits le plan d’aide à l’investissement dans les ESAT. Je constate pour ma part que, depuis 2012, le nombre de places en ESAT – 119 211 exactement – n’a pas évolué. La nécessaire remise à niveau des investissements destinés à accompagner ces structures ne permettra pas de résoudre le problème des familles qui attendent une place. Il va donc falloir pour partie choisir entre ce renouvellement de l’investissement et la création de nouvelles places.

Enfin, il est surprenant que Mme Le Houérou dénonce encore le prix trop élevé des dispositifs optiques alors que la loi sur la consommation et le texte sur les mutuelles ont entièrement sacrifié notre filière lunettes et nos opticiens. Madame la ministre, avez-vous déjà des informations concernant les conséquences des mesures que vous avez adoptées à la fin de 2013 sur cette industrie importante, jusqu’alors pourvoyeuse d’emplois ?

Mme Maud Olivier. Ces deux dernières années, l’égalité entre les femmes et les hommes est devenue une véritable politique publique, avec ses actions spécifiques et son indispensable transversalité.

Doté de 25,16 millions d’euros, le programme 137 augmente de 140 000 euros, après une hausse de 800 000 euros l’an dernier, ce qui n’est pas négligeable dans un contexte budgétaire contraint et montre que l’égalité reste une priorité pour la majorité.

J’aimerais vous interroger, madame la ministre, sur les crédits et les priorités de l’action 15, « Prévention et lutte contre la prostitution et la traite des êtres humains », en particulier sur le développement de la politique nationale globale de lutte contre le système prostitutionnel et la traite dans le cadre du plan d’action national contre la traite des êtres humains, lequel occupe la période 2014 à 2016, et de la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel, dont l’adoption est à venir.

Un aspect de la prostitution et de la traite se développe, qui devrait mobiliser les acteurs et faire l’objet d’un budget spécifique : la prostitution infantile et la traite des mineurs. Une étude de l’Association contre la prostitution des enfants dénombrait ainsi 5 000 à 8 000 enfants prostitués en France en 2013, que la prostitution soit imposée par la famille ou par un groupe de pairs ou encore occasionnelle, sous la forme, qui se développe dans les collèges et lycées, d’un échange de pratiques sexuelles contre de l’argent ou d’autres avantages. Selon l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime, 25 % de la traite dans le monde touche les enfants et l’Organisation internationale du travail (OIT) parle de 5,5 millions d’enfants concernés. L’exploitation des mineurs en France se développe de façon inquiétante à travers la mendicité forcée, la contrainte à commettre des délits et l’exploitation sexuelle. Le Gouvernement a prévu de réagir avec vigueur et fermeté par le plan d’action national contre la traite.

Pouvez-vous nous préciser, madame la ministre, le calendrier de mise en œuvre de ces actions et les crédits qui leur seront affectés ?

M. Charles de Courson. Lors du long examen en première lecture de la proposition de loi sur la prostitution, Mme Vallaud-Belkacem avait indiqué que le fonds créé par le texte pour lutter contre ce phénomène serait doté de 20 millions d’euros par an. Or je lis, page 122 de l’annexe correspondant à la mission, que les crédits de l’action 15 du programme 137, « Prévention et lutte contre la prostitution et la traite des êtres humains », s’élèveront à 2,4 millions d’euros, comme en 2014, auxquels pourront s’ajouter 2,6 millions d’euros par fonds de concours à partir de ressources propres de l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués. On arriverait ainsi, au mieux, à 5 millions, très loin des 20 millions prévus. Qu’est-il donc advenu de cette promesse, qui avait suscité bien des attentes ?

M. Michel Heinrich. Les entreprises adaptées, créées par la loi du 11 février 2005, emploient plus de 20 000 personnes handicapées. Le Pacte triennal pour l’emploi des personnes en situation de handicap en entreprises adaptées, signé par le Gouvernement en 2011, prévoyait la création de 3 000 aides au poste supplémentaires. Les aides annoncées ont bien été versées en 2012 et en 2013, mais, fin 2013, le Gouvernement a proposé de reporter les 1 000 aides au poste prévues pour 2014 en les échelonnant sur 2015 et 2016.

Pourtant, la loi de finances pour 2015 ne prévoit aucune aide au poste, alors que ces postes sont indispensables pour ramener vers l’emploi les personnes handicapées les plus touchées par le chômage de longue durée. C’est un nouveau coup porté aux personnes en situation de handicap, déjà durement frappées par le chômage qui, dans leurs rangs, a augmenté de 60 % en quatre ans, et un signal négatif pour le secteur. C’est aussi un mauvais calcul, car, en créant ces postes, on réduirait significativement les dépenses d’AAH, de RSA et d’assurance chômage. Pourquoi ce choix qui impose l’assistance plutôt que le travail, nuit à l’intégration des personnes handicapées dans la société et coûtera, à terme, plus cher qu’il ne rapporte ?

Mme Monique Orphé. La Réunion est l’un des départements où le nombre de bénéficiaires du RSA est le plus important : ils étaient 90 000 fin 2012, soit 30 % de la population active et 12 % de la population totale, c’est-à-dire trois fois plus que la moyenne nationale de 4 %. À titre de comparaison, la proportion est de 8 % en Seine-Saint-Denis, l’un des départements métropolitains les plus touchés par les inégalités. Cet état de fait est indigne de notre République. Aucun Réunionnais qui se trouve dans cette situation n’a l’ambition d’y demeurer. Voilà pourquoi nous avons demandé à l’IGAS d’apprécier les dispositifs d’aide à l’emploi et à l’insertion. Son rapport doit être rendu cette semaine. Les conclusions en sont-elles connues et, dans l’affirmative, quelles sont les premières solutions proposées pour améliorer les dispositifs existants ?

S’agissant ensuite de l’égalité entre les femmes et les hommes, Mme Vallaud-Belkacem s’était engagée à étendre à l’outre-mer l’enquête VIRAGE (Violences et rapports de genre) et à trouver les moyens financiers manquants à cette fin, soit 300 000 euros par département ultramarin. Étant donné la situation sur place, nous ne pouvons attendre la conclusion de l’enquête conduite en métropole, prévue pour 2017-2018. Cet engagement doit être tenu : il y va de la sécurité des femmes qui vivent dans ces départements, notamment à La Réunion, et qui n’ont d’autre solution, lorsqu’elles sont victimes de violences, que de se jeter à la mer.

M. Bernard Perrut. Par quels moyens le Gouvernement entend-il améliorer l’application de la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance, dont certaines dispositions n’ont toujours pas été mises en œuvre ? La politique de prévention n’est pas à la hauteur des enjeux et les services de la protection maternelle et infantile (PMI) peinent à accomplir leur mission. Comment améliorer la prise en charge des enfants à tous les stades de leur parcours ? Comment rendre plus efficace le numéro d’appel 119 ? Comment mieux détecter les situations de maltraitance dès le plus jeune âge ? Comment généraliser le projet pour l’enfant, trop peu mis en place, pour reprendre les termes du rapporteur Sirugue dans son avis ?

S’agissant des jeunes, les crédits des points accueil écoute jeunes (PAEJ), structures d’accueil destinées aux jeunes en difficulté, sont en baisse. J’aimerais par ailleurs en savoir davantage sur les priorités que vous assignez aux maisons des adolescents installées dans la plupart de nos communes, en lien avec le secteur médico-social, les hôpitaux et, souvent, les collectivités locales.

M. Patrick Lebreton. L’annexe budgétaire consacrée à la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » consacre page 41 un bref paragraphe au RSA activité. Le 31 décembre 2013, le revenu supplémentaire temporaire d’activité (RSTA), spécificité domienne, est arrivé à son terme en raison du déploiement dans les DOM du RSA activité. Cette transition a suscité un relatif émoi à la Réunion, certains n’hésitant pas à instrumentaliser la fin programmée d’un dispositif qui n’avait jamais eu vocation à devenir pérenne. Depuis lors, il semblerait que la catastrophe sociale prédite ou même espérée n’ait pas vraiment eu lieu. Pourrions-nous disposer d’un premier bilan de la transition à la Réunion ou, à défaut, d’une explication écrite chiffrée ?

M. Jean-Louis Costes. Comme d’autres, je regrette que le nombre de places en ESAT reste fixé depuis plusieurs années à 119 211 alors que ces établissements offrent des modalités particulièrement intelligentes d’insertion des personnes handicapées, notamment mentales. Certaines familles sont en grande détresse. Parfois, on obtient une place, mais sans possibilité d’hébergement dans l’établissement. Le Gouvernement peut-il faire quelque chose ?

Mme Hélène Geoffroy. Je me réjouis que, malgré un contexte budgétaire contraint, la revalorisation de 2 % du RSA prévue dans le cadre du plan de lutte contre la pauvreté ait été maintenue. Toutefois, plusieurs questions demeurent, dont la nécessaire réforme du RSA activité : il convient de déterminer l’articulation du RSA et de la PPE, et de résoudre le problème du RSA jeunes qui a bénéficié à moins de 8 000 personnes en 2014 et continue de montrer son inefficacité. Nous avons proposé de développer plutôt la Garantie jeunes pour accompagner les publics les plus en difficulté.

Après la très intéressante mission d’information sur le rôle des caisses d’allocations familiales, la question reste posée de savoir comment traiter les problèmes de non-recours au droit, mais aussi de calcul des trop-perçus, singulièrement du fait des modes de calcul et de versement du RSA.

Quant aux PAEJ, qui appuient la prévention des conduites à risque, offrent un soutien psychologique aux pré-adolescents, aux adolescents et aux jeunes adultes, et assurent le lien avec les familles, nous devons maintenir leurs financements, voire les conforter au cours de la période à venir. Car, aux familles désemparées, aux jeunes déboussolés, il faut proposer des solutions de proximité.

Mme Sylviane Bulteau. En matière de protection de l’enfance, il est temps de franchir une nouvelle étape. Dans les départements, on constate bien des disparités et des problèmes. Un excellent documentaire diffusé sur France 5 a ainsi dénoncé de nombreux dysfonctionnements, notamment au sein d’associations chargées de la protection de l’enfance. La situation n’est évidemment pas la même partout, mais les interventions des présidents de conseils généraux interrogés étaient édifiantes. Je salue donc la mise en place du comité de suivi sur la protection de l’enfance évoqué par Christophe Sirugue. Sous quelle forme pourrait-on y associer les parlementaires, dans chaque département ?

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie. Je sais gré à Christophe Sirugue d’avoir consacré la partie thématique de son rapport à la protection de l’enfance, préoccupation majeure de notre ministère qui sera sans doute mon principal axe de travail en 2015. Nous nous posons les mêmes questions, d’abord sur la grande variabilité du sort réservé aux enfants d’un département à l’autre, qui découle certes de la décentralisation, mais n’en pose pas moins un problème d’égalité territoriale ; ensuite sur l’efficience, elle aussi très variable selon les territoires, des crédits substantiels que la collectivité publique consacre à la protection de l’enfance. À ce sujet, plutôt que le film cité par Sylviane Bulteau, je conseillerais la lecture du livre de ses auteurs, solidement documenté et qui fait moins appel à l’émotion. La voie est étroite : il ne faut ni négliger les dysfonctionnements ni en tirer des conclusions générales. Dans leur immense majorité, les enfants confiés à l’Aide sociale à l’enfance sont sauvés par elle, bien que les problèmes signalés ne puissent être purement et simplement passés par profits et pertes.

Pour tenir compte de cette situation complexe, j’ai décidé de rencontrer tous les acteurs de la protection de l’enfance : les conseils généraux, côté politique et côté administratif ; les anciens de l’ASE, dont le point de vue sur ce qu’ils ont vécu diffère parfois de celui des institutions elles-mêmes ; les associations gestionnaires et les associations d’assistants familiaux.

Dans ce secteur, en effet, les travailleurs sociaux sont en grande souffrance, et il faut en tenir compte, ainsi que de leur engagement ; il n’est pas question de les mettre en cause. Quant aux élus, ils sont isolés, la protection de l’enfance n’étant malheureusement pas le principal sujet abordé lors des réunions de conseils généraux. Tous ces acteurs s’interrogent, comme nous. Nous disposons d’ailleurs de rapports de la base qui en témoignent. Voilà pourquoi je ne souhaite pas un nouveau rapport : le temps de la décision est venu.

Madame Bulteau, les parlementaires sont impliqués dans le comité de suivi et, au cours du processus, nous serons en dialogue constant avec l’Assemblée nationale comme avec le Sénat – qui a déjà travaillé sur le sujet, comme en témoigne le rapport de Muguette Dini et Michelle Meunier. Bien que Muguette Dini ne soit plus sénatrice, nous allons continuer de travailler avec elle et elle siégera au comité de suivi. Renforcer le pilotage national, réaffirmer la primauté des droits de l’enfant, assurer une meilleure coordination, tels sont nos objectifs.

En ce qui concerne les aides techniques, 180 millions d’euros vont être alloués dès l’adoption et la mise en œuvre de la loi sur le vieillissement ; la conférence des financeurs, qui réunit tous les acteurs des cofinancements, permettra d’optimiser les politiques de prévention et d’accès aux aides techniques et d’en assurer la répartition territoriale, car les disparités peuvent être grandes d’un département à l’autre – il y a parfois deux caisses de retraite pour un canton, mais aucun intervenant dans le canton voisin.

S’agissant de la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle, madame Coutelle, je confirme ce que j’ai dit dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale : il a été décidé, au terme d’une longue discussion et compte tenu des réactions des bénéficiaires, que le congé parental serait réparti entre les deux parents à raison de vingt-quatre mois pour la mère et douze pour le père. En outre, Marisol Touraine et moi-même avons annoncé la semaine dernière le lancement d’un plan d’urgence pour l’accueil des jeunes enfants. La création de 275 000 places supplémentaires demeure notre objectif, mais, pour l’instant, la montée en charge n’est pas suffisante. De nouvelles mesures s’imposent donc : une aide à l’investissement, sous la forme de 2 000 euros supplémentaires pour chaque nouvelle place de crèche dont la création sera décidée en 2015 ; un plan pour remédier aux nombreuses difficultés des métiers de la petite enfance ; une aide à l’installation des assistantes maternelles.

Madame Dalloz, je présenterai très prochainement avec Marisol Touraine et Geneviève Fioraso le plan maladies neurodégénératives, qui va succéder au plan Alzheimer et suivra quatre axes : soigner et accompagner tout au long de la vie, sur tout le territoire ; favoriser l’adaptation de la société aux maladies neurodégénératives ; développer la recherche ; faire de la gouvernance du futur plan un véritable outil d’innovation en matière de pilotage. On constate aujourd’hui que l’ensemble des maladies neurodégénératives ont en quelque sorte bénéficié de la mobilisation due au plan Alzheimer, mais l’on ne peut compter sur celui-ci seul : il convient d’appréhender ces maladies de manière globale, en tenant compte de leurs points communs, qu’il s’agisse du handicap ou des conséquences sur la vie des personnes âgées dépendantes.

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion. En ce qui concerne l’aide alimentaire, je voudrais rassurer Christophe Sirugue et Gisèle Biémouret : le FEAD couvre la période 2014-2020 et une augmentation annuelle de la part européenne, mais aussi nationale, est prévue. Voici les chiffres exacts, qui vous montreront que toutes les lignes sont en augmentation. La part nationale passe de 11,85 à 12,09 millions d’euros ; l’enveloppe destinée aux épiceries sociales est portée de 7,55 à 7,91 millions d’euros, soit 2 % de hausse, et les crédits déconcentrés passent de 7,6 à 8,02 millions d’euros. Enfin, le soutien aux associations passe de 4,37 à 4,62 millions. La quantité des denrées données va augmenter avec le nombre de bénéficiaires.

Les quatre grandes associations agréées pour répartir l’aide alimentaire européenne continueront de recevoir en sus un soutien financier de l’État pour organiser leurs réseaux de distribution. Les subventions accordées en 2014 seront maintenues en 2015 : 150 000 euros pour la Croix-Rouge, 225 000 pour les Restos du Cœur, 1,5 million pour la Fédération française des banques alimentaires et 91 000 euros pour le Secours populaire. Il convient d’y ajouter les fonds destinés aux trois grands réseaux nationaux d’épiceries sociales que sont l’Association nationale de développement des épiceries solidaires, l’ANDES – 610 000 euros –, les Paniers de la mer – 126 000 euros – et l’Association nationale des industries alimentaires (ANIA), pour 55 000 euros.

Madame Biémouret, les crédits destinés aux épiceries solidaires sont bien inscrits dans le triennal ; l’effort a donc vocation à être poursuivi, suivant la même progression que le FEAD, soit 2 % par an. L’habilitation des associations leur permet d’accéder à des denrées, mais ne sont éligibles au financement national que celles qui jouent un rôle de tête de réseau, notamment en formant des bénévoles, ce qui est le cas des quatre que j’ai citées. Vous vous inquiétiez d’une baisse des crédits, mais les crédits nationaux, hors FEAD et hors épiceries solidaires, sont en augmentation puisqu’ils passent de 11,9 millions d’euros en 2014 à 12,6 en 2015.

En ce qui concerne l’expérimentation destinée à évaluer l’employabilité des personnes handicapées, elle a été menée dans dix MDPH entre 2011 et 2012, conformément à un engagement de la Conférence nationale du handicap en 2008, avant d’être étendue, dans le cadre du plan de lutte contre la pauvreté et du comité interministériel du handicap, et au vu de l’accueil très favorable des personnes handicapées. Naturellement, le service public de l’emploi – Cap emploi et Pôle emploi – participe à l’expérimentation. La demande est forte. L’expérimentation élargie concernera vingt-neuf MDPH. Elle sera financée par le Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP) et par la CNSA à hauteur de 7 millions d’euros.

Afin de pérenniser ce dispositif qui fonctionne très bien, il va falloir mobiliser d’autres financeurs et convaincre l’ensemble des MDPH et des conseils généraux. Si l’extension de l’expérimentation a pris du temps, c’est parce qu’il a fallu au préalable l’évaluer et que la CNSA a souhaité commencer par résoudre les difficultés ainsi révélées, notamment en harmonisant, dans ce domaine précis, les systèmes d’information des MDPH.

Les aides techniques destinées aux personnes handicapées, qui vont du fauteuil aux adaptations du véhicule ou du logement, dépendent de plusieurs financeurs – assurance maladie, prestation de compensation du handicap (PCH), fonds départemental de compensation du handicap (FDC) –, ce qui complique les démarches des demandeurs. L’IGAS a consacré l’année dernière à ce sujet un rapport qui souligne la grande diversité des prix, faute de régulation, ainsi que le déficit d’informations indépendantes, fiables et de qualité et la multiplicité des intervenants au lieu d’un dispositif efficace de prise en charge qui permettrait de maîtriser la dépense publique. Le ministère a prévu de relancer l’IGAS en vue d’une mission d’approfondissement. Nous devons absolument instaurer un système de régulation des prix, notamment en mutualisant les achats, et combler le manque d’informations indépendantes. Sur ce dernier point, les expérimentations menées n’ont pas été concluantes ; c’est désormais la CNSA qui est chargée de ce dossier.

Madame Orliac, l’accessibilité électorale est l’une de nos priorités. Vos préconisations en la matière font actuellement l’objet d’une expertise par les ministères des affaires sociales et de l’intérieur, dont les conclusions seront annoncées par le Président de la République lors de la Conférence nationale du handicap, en décembre.

La Garantie jeunes à propos de laquelle Mme Geoffroy nous a interrogées est une aide financière mensuelle d’un montant équivalent au RSA, destinée à l’accompagnement social et professionnel intensif de jeunes qui ne suivent pas d’études, n’ont pas de travail et sont généralement isolés, sans soutien familial. D’abord expérimentée dans dix départements, elle concernait au 30 août dernier 5 728 jeunes, dont 1 788, soit plus de 22 %, pour la seule île de la Réunion. Elle sera étendue en 2015 à quarante nouveaux départements, dont une première vague dès janvier, afin d’être généralisée par la suite. L’objectif est de toucher 50 000 jeunes dès 2015, comme l’a annoncé le Premier ministre.

Le problème des places pour personnes handicapées au sein des établissements médico-sociaux est un vaste sujet, car il existe une grande diversité d’établissements. Le nombre total de places est évalué à 470 000 ; 3 000 à 4 000 nouvelles places ouvrent chaque année, tous établissements confondus. Et pourtant, dans les départements, les files d’attente demeurent, voire s’allongent, et des personnes handicapées continuent d’être hébergées en Belgique. Autrement dit, ce n’est pas seulement en ouvrant de nouvelles places – même si nous allons naturellement continuer de le faire – que l’on pourra résoudre le problème des files d’attente.

Plusieurs pistes de réflexion ouvertes par Marie-Arlette Carlotti sont en cours d’exploration, à commencer par la scolarisation des enfants handicapés. Il existe des places en institut médico-éducatif (IME), mais c’est à l’ouverture de classes spécialisées au sein de l’éducation nationale que nous travaillons actuellement, notamment avec les unités d’enseignement en maternelle pour les enfants autistes. Tel était bien le sens de la loi de 2005 : une société plus inclusive. Il convient donc de développer les modes d’accueil et d’accompagnement des personnes handicapées au sein même de la société « normale », à tous les âges de la vie. Certes, ce n’est pas toujours possible : les personnes lourdement handicapées qui sont en maison d’accueil spécialisée y resteront. Mais le Gouvernement entend développer encore davantage la scolarisation des enfants handicapés, au-delà des 10 % de hausse qu’elle connaît actuellement chaque année.

Le problème se pose dans les mêmes termes s’agissant du travail des personnes handicapées. Sur le nombre de places en ESAT et dans les entreprises adaptées, j’ai été notamment interrogée par Mme Le Houérou, qui termine actuellement un rapport sur l’emploi des personnes handicapées. Les ESAT, très divers, accomplissent des missions très variées : dans certains, qui délivrent des formations, on ne passe que quelques mois ; ailleurs, on restera trente-cinq ou quarante ans – une vie entière.

Dans ce domaine aussi, plusieurs chantiers ouverts avant moi sont en cours. Pour résoudre le problème du vieillissement des travailleurs handicapés qui, en raison de leur état de santé, ne peuvent plus travailler à temps plein, il faut développer le temps partiel et le travail séquentiel en ESAT, ce que ne permet guère le fonctionnement actuel à la place, très rigide. Autre chantier : le repérage des travailleurs en ESAT et en entreprise adaptée qui seraient susceptibles de rejoindre le milieu ordinaire de travail. Il s’agit, conformément aux orientations préconisées par Mme Le Houérou, de développer l’accompagnement par les travailleurs sociaux hors du milieu protégé, et plus généralement, dans l’esprit de la loi de 2005, de recourir de plus en plus au droit commun, moyennant accompagnement et compensation. Enfin, nous mettons la dernière main à un référentiel de prestations pour l’accompagnement des personnes handicapées, destiné aux ESAT. Est également prévu un guide pratique de la commande publique à l’intention des ESAT et des entreprises adaptées – qui, comme le disait Marisol Touraine, n’en sont pas moins des entreprises, amenées comme telles à tenir compte des demandes du marché pour vendre leurs produits.

Ces différents chantiers devraient aboutir au moment de la Conférence nationale du handicap, notamment grâce aux travaux parlementaires.

S’agissant enfin de la mission de l’IGAS sur l’insertion professionnelle des bénéficiaires du RSA outre-mer, elle a débuté le 4 juin 2014 à la demande du ministre du travail, François Rebsamen, et de la ministre des outre-mer, George Pau-Langevin. Nous attendons ses conclusions, madame Orphé.

Mme Pascale Boistard, secrétaire d’État chargée des droits des femmes. Vous avez par ailleurs raison, madame Orphé, de demander la conduite d’une enquête VIRAGE outre-mer compte tenu des violences qui y visent les femmes. Nous étudions actuellement les conditions de cette enquête, qui pourrait avoir lieu en 2016 ou 2017. Sur l’île de la Réunion, le préfet et le procureur de la République sont particulièrement mobilisés pour mener la première expérimentation outre-mer du téléphone « grand danger ».

S’agissant de l’égalité professionnelle, madame Coutelle, nous avons entamé un nouveau cycle de conférences de l’égalité avec les différents ministères, afin de vérifier que les droits des femmes sont présents de manière transversale dans toutes les politiques publiques, mais aussi de faire le point sur la progression de l’égalité professionnelle au sein même de chaque ministère. Nous devrions disposer à la fin de l’année d’une étude économétrique sur l’égalité salariale, qu’il faut viser dans le privé, mais aussi dans le public, car l’État se doit d’être exemplaire en la matière. Quant à l’accès des femmes à des postes de responsabilité, des objectifs chiffrés et assortis d’un échéancier s’imposent, vous le savez, aux entreprises privées comme publiques. En ce qui concerne l’observatoire des rémunérations, nous avons confié à France Stratégie une analyse des inégalités salariales qui subsistent dans notre pays.

Le nombre d’accords sur l’égalité professionnelle a progressé de 20 points en un an, ce qui témoigne de la volonté politique du Gouvernement, mais aussi de la participation active des entreprises à la résorption des inégalités ; au 1er juin 2014, 34 % des entreprises de plus de cinquante salariés avaient conclu un tel accord. Le contrôle administratif s’est lui aussi amplifié : on dénombrait 1 195 mises en demeure au 15 juillet 2014, dont 806 en raison de l’absence d’accord, et 33 décisions entraînant des pénalités financières. Au-delà du contrôle, nous tenons à accompagner les entreprises dans la progression vers l’égalité et nous travaillons à cette fin avec les secteurs professionnels. En ce qui concerne la révision des classifications, précisée dans la loi du 4 août 2014, nous attendons sous peu les rapports des partenaires sociaux.

Nous travaillons aussi à la mixité des métiers, thème de l’année 2014. Il s’agit bien non seulement d’une question d’égalité, mais d’un levier économique, dans le numérique comme dans les autres secteurs. Dans cette démarche, nous nous associons aux ministères de l’économie et, surtout, de l’éducation nationale, notamment en vue de l’orientation des plus jeunes : nous voulons faire savoir que chaque métier est accessible à toutes et à tous. Les femmes sont encore très peu représentées dans les métiers scientifiques. Nous allons donc lancer d’ici à la fin de l’année, avec Marisol Touraine, une campagne sur le sujet. Nous y travaillons aussi avec les branches professionnelles, extrêmement motivées, car conscientes de l’enjeu économique. En effet, il s’agit aussi d’encourager celles et ceux qui envisagent une réorientation pour retrouver un emploi à ne pas se cantonner aux métiers dits féminins ou masculins.

Près de 10 % des crédits du programme 137 sont consacrés à la lutte contre la traite et nous recherchons des recettes supplémentaires, en lien avec le ministère de la justice. Même si le plan d’action national contre la traite des êtres humains concerne en grande partie la prostitution, laquelle touche surtout les femmes, il ne peut être porté par le seul secrétariat d’État chargé des droits des femmes, mais concerne aussi la justice, l’intérieur et les affaires sociales. Avant même le lancement du plan, ces trois ministères étaient très actifs en cette matière, dans leurs champs de compétence respectifs. Il s’agit aujourd’hui de rendre plus visibles ces politiques, puis de les développer pour lutter contre ce fléau, notamment grâce au formidable travail des députées Coutelle et Olivier sur la loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel – dont je ne doute pas qu’elle sera définitivement adoptée. Un tiers des crédits concernés au sein du programme 137 vont à des associations qui forment les acteurs appelés à intervenir auprès de personnes en grande difficulté – policiers, membres d’associations, personnels des hôpitaux. Les deux tiers restants sont alloués à des relais sur le terrain qui assurent une médiation, afin que cette politique, au-delà des discours, serve concrètement les victimes.

M. Dominique Lefebvre, président. Madame la ministre, mesdames les secrétaires d’État, nous vous remercions.

La réunion de la commission élargie s’achève à onze heures vingt.

Nicolas VÉRON

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