Accueil > Projet de loi de finances pour 2017 > Les comptes rendus des commissions élargies (plf 2017) > Compte rendu intégral

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Assemblée nationale

commission élargie

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

Commission des affaires économiques

Commission des lois constitutionnelles,
de la législation
et de l’administration générale de la République

(Application de l’article 120 du Règlement)

Mardi 25 octobre 2016

Présidence de M. Dominique Lefebvre,
vice-président de la commission des finances,
de Mme Frédérique Massat,
présidente de la commission des affaires économiques,
et de M. Dominique Raimbourg,
président de la commission des lois.

La réunion de la commission élargie commence à vingt et une heures cinq

projet de loi de finances pour 2017

Outre-mer

M. Dominique Lefebvre, présidentMadame la ministre des outre-mer, je suis heureux de vous accueillir pour la première fois dans cette fonction avec Mme Frédérique Massat, présidente de la commission des affaires économiques et M. Dominique Raimbourg, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

Nous sommes réunis en commission élargie afin de vous entendre sur les crédits du projet de loi de finances pour 2017 consacrés à la mission « Outre-mer ».

La Conférence des présidents a reconduit les modalités d’organisation de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances, dont je rappelle les règles. Les rapporteurs des commissions, qui sont au nombre de quatre, interviendront chacun pour une durée de cinq minutes. Après la réponse de la ministre, les porte-parole des groupes s’exprimeront chacun pour une durée de cinq minutes. Ce sera enfin le tour des députés qui interviendront, s’ils le souhaitent, pour une durée de deux minutes.

Mme la présidente Frédérique MassatMessieurs les présidents, madame la ministre, madame et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la commission des affaires économiques, dont le rapporteur est M. Serge Letchimy, se réjouit de pouvoir examiner, cette année encore, le budget de la mission « Outre-mer » du présent projet de loi de finances.

Notre commission éprouve en effet un fort intérêt pour toutes les questions liées aux outre-mer, et joue d’ailleurs un rôle actif ans les évolutions et les adaptations législatives nécessaires aux collectivités ultramarines. Ainsi, très récemment, elle a examiné pour avis le projet de loi de programmation relatif à l’égalité réelle outre-mer.

Le budget de la mission « Outre-mer » pour 2017 est globalement stable par rapport à l’année dernière, avec un peu plus de 2 milliards d’euros en crédits et 4 milliards d’euros de dépenses fiscales rattachées. La stabilité globale du budget de cette mission est un point positif, dans un contexte de forte contrainte budgétaire, et prouve que les territoires ultramarins demeurent une priorité. Toutefois, cette stabilité ne doit pas occulter des mouvements et des transferts budgétaires importants au sein de la mission, que notre rapporteur, M. Serge Letchimy, ne manquera pas de commenter. Notre collègue formule en outre plusieurs préconisations concernant l’insertion professionnelle des jeunes ultramarins.

Je rappelle que nous aurons à voter à la fin de cette mission, notamment sur un amendement. Je demande donc à tous les députés de la commission des affaires économiques ici présents de rester jusqu’à la fin de nos travaux.

M. Dominique Lefebvre, présidentNous aurons en effet trois votes successifs : celui de la commission des lois, celui de la commission des affaires économiques et celui de la commission des finances à la fin de nos travaux.

M. le président Dominique Raimbourg. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires économiques, je partage le sentiment de Mme Massat, c’est-à-dire le plaisir de nous retrouver ensemble puisque nous avons tous travaillé au projet de loi de programmation relatif à l’égalité réelle outre-mer. Cela m’amène à revenir sur ce qui avait été dit lors de l’examen de ce projet de loi : il est important que la question de l’outre-mer soit prise en charge collectivement par notre assemblée. C’est vous, madame Sage, qui aviez insisté sur cet aspect et je pense que cette question doit intéresser tout le monde, y compris les députés de la métropole, ou plutôt de l’hexagone – nous avons eu ce débat. Nous en faisons aujourd’hui la démonstration.

M. Marc Laffineur, rapporteur spécial de la commission des financesMadame la ministre, monsieur le président de la commission des finances, madame la présidente de la commission des affaires économiques, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, je suis très heureux d’assurer cette année, pour la première fois, la fonction de rapporteur spécial des crédits de la mission « Outre-mer » ; nous y sommes tous très attachés.

Comme chacun sait, l’effort financier de l’État en faveur des territoires ultramarins ne se limite pas à la mission « Outre-mer ». Il ne se réduit pas non plus à des crédits budgétaires.

Il m’est donc apparu naturel d’adopter une approche transversale dans mon rapport spécial, sans me cantonner au périmètre de la mission. J’ai par ailleurs consacré une partie de ce rapport à la Polynésie française, à la suite de mon déplacement au début du mois de juillet dernier.

Commençons tout de même par un rapide commentaire de l’évolution des crédits de la mission. De prime abord, on pourrait croire que le Gouvernement propose des crédits en augmentation par rapport à ceux ouverts en loi de finances initiale pour 2016. Malheureusement, il n’en est rien : cette croissance n’est qu’artificielle. Elle résulte seulement de transferts de crédits en provenance d’autres missions, pour 100 millions d’euros environ. Ces transferts concernent notamment des dotations en faveur des opérations de construction d’établissements scolaires en Nouvelle-Calédonie et à Mayotte, qui figuraient auparavant dans la mission « Enseignement scolaire ». À périmètre constant, les crédits baissent de 2,2 % en autorisations d’engagement et de 3,9 % en crédits de paiement.

Certes, on comprend que la mission doit prendre sa part à l’effort de redressement de nos finances publiques. On peut toutefois s’étonner de l’ampleur de cette baisse, surtout lorsque l’on sait que les crédits en question sont destinés à des territoires dont les taux de croissance démographique et les taux de chômage sont le double des taux métropolitains.

La diminution des crédits est, notamment, une conséquence de la restriction des dispositifs d’exonération de cotisations sociales. Dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, le Gouvernement propose de réduire le champ des travailleurs indépendants éligibles aux exonérations. Je le déplore, compte tenu de l’importance des travailleurs indépendants pour l’économie en règle générale, et pour les économies ultramarines en particulier.

Je tiens tout de même à exprimer ma satisfaction de voir les crédits du programme 123 « Conditions de vie outre-mer »augmenter. L’effort en faveur du logement est maintenu. C’est une bonne nouvelle compte tenu des besoins. Il s’agira désormais de veiller à ce que le rythme des constructions soit conforme aux ambitions – on n’en est pas encore là.

J’en viens maintenant aux différents dispositifs de crédits d’impôt et de défiscalisation. J’ai pu me rendre compte, lors de mon déplacement, de l’efficacité de ces dispositifs, pourvu que leur utilisation soit contrôlée. Rappelons qu’en loi de finances pour 2014, le législateur avait voulu que deux mécanismes de crédit d’impôt se substituent progressivement aux dispositifs de défiscalisation dans les départements et régions d’outre-mer. Mais contrairement aux mécanismes de défiscalisation, les crédits d’impôt ne permettent pas aux exploitants locaux de bénéficier de l’apport de fonds de contribuables hexagonaux. Un préfinancement est donc nécessaire.

Je vous pose donc les deux premières questions, madame la ministre : disposez-vous, à ce stade, d’éléments permettant d’évaluer l’efficacité des crédits d’impôt par rapport à la défiscalisation dans les DROM ? Les mécanismes de préfinancement de la Banque publique d’investissement (BPI) et de l’Agence française de développement (AFD) sont-ils aujourd’hui opérationnels ?

Toujours au sujet de la défiscalisation, j’ai constaté que la procédure d’agrément était très critiquée. Les délais d’instruction sont trop longs – dix-huit mois en moyenne – et certains projets économiquement utiles seraient bloqués. De deux choses l’une : soit les critères d’éligibilité prévus par la loi sont trop complexes, et dans ce cas une simplification législative pourrait être souhaitable ; soit l’application de ces dispositions n’est pas assez souple.

La vérité est sans doute entre les deux. En tout état de cause, une, simplification de la procédure me semble indispensable. Je pense qu’il faudrait déconcentrer au maximum l’instruction des dossiers. L’analyse de l’intérêt économique des projets pourrait se faire exclusivement au niveau local. Cette pratique existe pour les petits projets dans les DROM. Elle devrait être plus largement appliquée dans ces territoires, et mise en place également dans les collectivités d’outre-mer et en Nouvelle-Calédonie.

Qu’envisagez-vous, madame la ministre, pour simplifier la procédure d’agréments en faveur de l’investissement dans tousles territoires ultramarins, COM comprises ?

Enfin, je souhaiterais aborder deux sujets plus spécifiques à la Polynésie française.

Le premier concerne l’indemnisation des victimes des essais nucléaires. En juillet 2016, la ministre des affaires sociales a présenté un projet de décret qui précise la notion de « risque négligeable » de la loi Morin. Où en est-on dans cette réforme de la méthode d’indemnisation ? Combien de victimes supplémentaires pourraient être indemnisées grâce à cette réforme ?

Le second est d’ordre symbolique : le remplacement du franc pacifique par l’euro est-il envisagé ? Si oui, dans quels délais ?

Madame la ministre, je trouve ce projet de loi de finances globalement décevant sur le champ de la mission, malgré quelques motifs de satisfaction.

M. Serge Letchimy, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiquesMonsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires économiques, messieurs les présidents de la commission des finances et de la commission des lois, madame la ministre, le budget de la mission « Outre-mer » du présent projet de loi de finances ne connaît pas d’évolutions majeures cette année.

Il faut saluer la stabilité globale de ce budget, qui concrétise plusieurs avancées, parmi lesquelles : le gel des abattements applicables aux entreprises dans les zones franches d’activité (ZFA) ; l’augmentation de 7,5 millions des crédits affectés au fonds exceptionnel d’investissement – même si on peut regretter que l’objectif des 500 millions ne soit pas atteint ; la hausse des crédits de la DGA (dotation globale d’autonomie) Polynésie, pour 10 millions d’euros ; l’aide au fret qui, avec la loi sur l’égalité réelle, pourra être étendue dans les relations DOM/DOM, mais aussi dans les relations départements et pays tiers, ce qui est très important ; l’augmentation de l’appui au secteur public dans les outre-mer en matière d’accès aux financements bancaires et la création d’un « équivalent fonds vert » pour encourager les projets destinés à lutter contre les effets du changement climatique ; le maintien des crédits alloués au SMA (service militaire adapté) ; le financement des travaux de la future Cité des outre-mer pour environ 10 millions d’euros.

Toutefois, le fait que les nombreuses avancées concrétisées par le projet de loi de programmation relatif à l’égalité réelle, enrichie au cours de son examen à l’Assemblée nationale, soient financées en supplément de ce projet de loi de finances amène à s’interroger. S’il n’y a pas de financement derrière, ce texte, qui est un bon texte, risque de n’être qu’un coup d’épée dans l’eau ; ce serait dommage.

Cela étant dit, le présent budget pour la mission outre-mer présente quelques écueils.

Comme l’a fait remarquer mon collègue Laffineur, la hausse des crédits de paiement d’une quinzaine de millions d’euros est de nature seulement comptable. La mission outre-mer connaît, en effet, deux transferts de financement entrants pour un total d’environ 100 millions d’euros. Or cela n’augmente pas le budget réellement affecté aux outre-mer. À structure constante, la baisse de crédits est de 80 millions d’euros, soit de 4 % du budget, par rapport à 2016.

Ensuite, le « coup de rabot » sur exonérations de charges sociales se poursuit : des coupes sont opérées dans les exonérations de cotisations sociales en faveur de l’emploi, à hauteur d’environ 70 millions d’euros nets – et même de 90 millions hors transferts. Elles concernent notamment, cette année, les charges sociales des indépendants.

Ces coupes s’ajoutent à celles appliquées depuis plusieurs années aux charges sociales patronales – à hauteur de 25 millions d’euros nets l’année dernière.

Ce choix comporte des risques : c’est une trappe à bas salaire ; il décourage la création d’emplois d’encadrement, malgré le nombre important de jeunes très diplômés qui sont formés à l’extérieur et qui ne reviennent pas chez nous ; il freine la montée en gamme des économies ultramarines. Il ne va pas non plus favoriser la création d’emplois et le développement endogène qui pourrait accompagner la mutation économique locale, pourtant bien nécessaire, que nous appelons de nos vœux.

Au-delà de cette analyse très rapide du budget, je voudrais aborder deux autres questions.

La première est celle de la jeunesse des outre-mer.

On déplore de fortes inégalités entre jeunes ultramarins et jeunes hexagonaux, qu’il s’agisse du niveau moyen de formation et du taux d’emploi.

Le système de formation est trop dépendant de la migration vers l’hexagone : après le BUMIDOM, on a l’impression que l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité (LADOM) créée un réflexe psychologique de départ vers l’hexagone sans espoir de retour – sauf pour des stages courts. Heureusement, le projet de loi de programmation relatif à l’égalité réelle a pris des mesures très sérieuses, justement pour les bac +4, et les futurs contrats-cadres qui ont été mis en place pour Mayotte sont de bon augure.

Ainsi un pas a-t-il été fait en matière de migration retour. C’est très important, car le processus doit s’inverser. Il faut inciter les jeunes à revenir chez eux. Bien sûr, cela suppose que des mécanismes de développement permettent d’absorber leur retour, dans le cadre de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC).

La seconde question est celle de l’accès à la télévision des populations ultramarines, victimes d’une double inégalité. Une inégalité quantitative d’abord, puisque nos populations n’ont accès qu’à huit, parfois onze chaînes gratuites sur la TNT (télévision numérique terrestre), contre vingt-sept dans l’hexagone – sans compter les chaînes locales. Une inégalité qualitative ensuite, puisque la TNT n’est pas diffusée en haute définition (HD) en outre-mer.

Cela étant, la mise en place de multiplex supplémentaires pour permettre la diffusion de davantage de chaînes et de passer à la HD ne sera pas sans conséquences : cela risque de mettre en difficulté les petites chaînes locales qui vont se trouver face à une concurrence inacceptable, comme la ministre l’a elle-même remarqué.

Quoi qu’il en soit, je considère qu’il faut absolument soutenir les petites chaînes locales, ce que l’on appelle les télévisions d’ultra-proximité (TUP), afin de leur permettre de tenir le coup. C’est la raison pour laquelle je proposerai un amendement, d’un coût de 1,5 million d’euros, mais qui vise surtout à inviter à la réflexion. Ces petites chaînes pourraient ainsi garder leur autonomie, sans devoir se contenter de diffuser des novelas qui viennent du Brésil, et présenter des productions clairement locales qui mettent en avant la vie locale et le peuple martiniquais.

Mme Huguette Bello, rapporteure pour avis de la commission des lois pour les départements d’outre-merMadame la ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur la présentation détaillée du budget qui vient d’être faite. Je m’interrogerai sur trois points.

L’examen de ce budget arrive quelques semaines après l’adoption par l’Assemblée nationale du projet de loi sur l’égalité réelle. Nous avons donc, à cette occasion, un peu anticipé la discussion d’aujourd’hui sur les crédits de la mission « Outre-mer ». Comme le projet de loi comprend de multiples mesures d’ordre budgétaire, la question se pose de savoir comment ce texte s’articulera avec le projet de loi de finances pour 2017. Elle se pose d’autant plus que l’alignement du FIP (Fonds d’investissement de proximité) DOM sur celui de la Corse a déjà été supprimé par la rapporteure générale du budget, et que la commission des finances, comme nous venons de l’entendre, semble circonspecte devant le volet fiscal et financier du projet de loi relatif à l’égalité réelle. Madame la ministre, nous attendons des garanties sur ce point.

Ma deuxième série d’interrogations est liée à l’Union européenne. Nous notons avec satisfaction que le PLF 2017 comporte une enveloppe de 28 millions d’euros pour compenser la fin des quotas sucriers. Les négociations avec l’Europe avancent-elles à présent à un rythme plus soutenu ? Par ailleurs, la révision du Règlement général d’exemption par catégorie (RGEC) nous concerne au plus haut point. La proposition de la Commission européenne consistant à adosser le calcul des aides à des critères intrinsèques aux entreprises, et non plus aux handicaps structurels et donc aux surcoûts qu’ils entraînent, serait la marque d’un grand recul. Quelle est la stratégie du Gouvernement pour faire entendre la voix des régions ultrapériphériques françaises ?

En liaison avec ces deux questions, mais avec une portée plus générale, je souhaite revenir sur l’arrêt de la grande chambre de la Cour de Justice de l’Union européenne du 15 décembre 2015. Cet arrêt reconnaît que l’article 349 du TFUE (traité sur le fonctionnement de l’Union européenne) peut constituer une base juridique autonome pour adapter le droit de l’Union européenne à la situation particulière des RUP (régions ultrapériphériques). Quelle initiative le Gouvernement entend-il prendre pour donner toute son ampleur à cette avancée majeure ? Une procédure particulière est-elle en cours d’élaboration, notamment pour que les lois et les ordonnances de transposition ne se limitent plus à une application brute et brutale des prescriptions européennes ?

Ma troisième interrogation porte sur le logement. Je souhaite essentiellement revenir sur l’article que l’Assemblée a de nouveau introduit dans le projet de loi Sapin 2, et qui prévoit de vendre les parts que l’Etat détient dans les SIDOM (sociétés immobilières d’outre-mer) à une filiale privée de la Caisse des dépôts. J’attire à nouveau votre attention aujourd’hui pour signaler que, s’il est maintenu, cet article ouvre la porte à une transaction de plusieurs milliards d’euros, et donc à une recette budgétaire bien supérieure au montant du budget que nous sommes en train d’examiner.

Selon une tradition désormais bien établie, l’avis élaboré dans le cadre de la commission des lois porte chaque année sur une thématique particulière. Cette année, nous avons voulu consacrer cette partie aux soixante-dix ans de l’article 73 de la Constitution qui, comme vous le savez, a connu des évolutions très importantes, surtout depuis 2003. Nous sommes en effet passés du principe d’identité législative à celui de spécialité.

La révision constitutionnelle de 2003 a ouvert aux collectivités d’outre-mer deux grandes perspectives qui sont non seulement importantes, mais aussi très audacieuses.

La première permet à toutes les collectivités d’outre-mer, qu’elles soient régies par l’article 73 ou 74, d’envisager une évolution institutionnelle, laquelle – il est important de le noter – est toujours subordonnée au consentement des citoyens concernés. Il est notable qu’à l’issue des évolutions opérées depuis 2003, trois des cinq collectivités concernées de l’article 73, ne sont plus des départements à proprement parler : la Martinique, la Guyane et Mayotte sont, en effet, des collectivités uniques sui generis.

Le deuxième grand changement se trouve dans les possibilités que la Constitution offre désormais aux collectivités de l’article 73 de participer, de manière plus ou moins directe, à l’édiction des normes applicables sur leur territoire.

Comme vous le savez, trois leviers peuvent être empruntés : l’expérimentation de droit commun prévue par l’alinéa 4 de l’article 72, la traditionnelle adaptation, et de manière plus novatrice, l’habilitation. Il s’agit là d’un véritable pouvoir normatif délégué aux collectivités de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique et de Mayotte. Quant à La Réunion, l’article 73, alinéa 5 de la Constitution, issu d’un amendement sénatorial, lui retire expressément cette prérogative, et nous regrettons beaucoup que cette législature ne nous ait pas donné l’occasion d’y remédier. Madame la ministre, vous avez déjà donné le fond de votre pensée sur ce « verrou de La Réunion », mais j’aimerais l’entendre à nouveau aujourd’hui.

À ce jour, il est possible de dire que le dispositif d’habilitation fait bien partie du paysage législatif des outre-mer. Les demandes formulées se comptent désormais par dizaines, avec trois domaines de prédilection qui sont l’énergie, la formation professionnelle et le transport.

Enrichi, plus souple et parfois à l’avant-garde, le droit des outre-mer mérites une attention réellement plus soutenue. Il est aussi plus divers, au gré des adaptations et des habilitations successives, ce qui n’est pas sans poser quelques difficultés. Je n’en citerai, pour conclure, que deux.

En premier lieu, le droit des outre-mer est largement ignoré par l’université française, dans l’hexagone comme outre-mer. Nous avons échangé avec M. le déontologue de l’Assemblée nationale, fin connaisseur des institutions des outre-mer, qui nous a indiqué qu’à sa connaissance, il n’existait que trois cours accessibles aux étudiants souhaitant approfondir les sujets ultramarins : à Paris, à Aix-en-Provence et à Bordeaux. Madame la ministre, la question de l’accessibilité du droit se pose. Comment faire en sorte que des enseignements – peut-être des masters ou une chaire – spécifiques soient créés afin de prendre en compte cette problématique ?

En second lieu, mais le problème est lié, les personnes physiques et morales, particuliers ou entreprises, peinent à connaître avec précision le droit applicable outre-mer. À l’initiative des chambres de commerce et d’industrie, un code de l’entreprise outre-mer a été récemment publié. C’est bien, mais la question vaut aussi pour l’énergie, les transports et la formation professionnelle – notamment. Des juristes travaillent à une compilation des normes applicables, mais aucun éditeur ne se montre intéressé, et tout risque de demeurer au fond d’un tiroir. Pourtant, l’accès au droit est une condition de la démocratie et une mission de service public. Madame la ministre, comment faire en sorte que ces travaux indispensables à la vie des ultramarins puissent faire l’objet d’une publication d’envergure satisfaisante ?

M. Ibrahim Aboubacar, rapporteur pour avis de la commission des lois, pour les collectivités d’outre-mer, la Nouvelle-Calédonie et les Terres Australes et Antarctiques FrançaisesMadame la présidente, madame la ministre, chers collègues, je ne m’appesantirai pas sur une présentation complète du budget. Je me bornerai simplement à en souligner, les lignes de force que Serge Letchimy a déjà détaillées, et à féliciter le Gouvernement, puisque la contribution du budget de l’État aux outre-mer est à nouveau en légère hausse cette année. C’est valable pour les 2 milliards d’euros de crédits de la mission « Outre-mer »que nous examinons aujourd’hui ; c’est aussi valable pour l’ensemble des crédits consacrés aux outre-mer dans ce projet de loi de finances, qui devraient avoisiner les vingt milliards d’euros.

Mais j’en viens au cœur du sujet que la commission des lois m’a confié la charge de rapporter, à savoir les collectivités régies par l’article 74 de la Constitution.

En premier lieu, je veux aborder la situation de Saint-Martin. C’est une situation très spéciale puisque ce territoire, COM en droit français depuis 2007 mais RUP en droit européen, partage un environnement insulaire avec un territoire autonome néerlandais, PTOM (pays et territoire d’outre-mer) de l’Union européenne, avec une libre circulation des personnes et des biens depuis le traité de 1648, sans qu’une frontière physique ne les sépare. Les conséquences d’une telle situation se traduisent par un déséquilibre d’attractivité entre les deux parties de l’île, et une sollicitation dissymétrique des services publics situés des deux côtes de la frontière – et ce toujours en défaveur de la partie française.

Saint-Martin connaît des difficultés financières notables malgré ses efforts de redressement et son volontarisme, notamment dans la maîtrise de ses dépenses sociales. Le malaise résultant de la mise en place des institutions de 2007, s’il peut être considéré comme clos juridiquement par la décision du Conseil constitutionnel du 1er juillet 2016, ne l’est pas au regard de la nécessaire concertation entre l’Etat et les représentants locaux, qui doit présider à tout processus institutionnel outre-mer. Solder ce débat permettra de libérer les énergies, pour réussir le développement à venir de ce territoire. La commission des lois a produit en 2014 un rapport d’information en ce sens, qui peut servir de base.

Si l’on rapporte la contribution budgétaire de l’Etat sur les territoires ultramarins à leur population, Saint-Martin bénéficie très faiblement du soutien national : 1 873 euros par habitant, trois à dix fois moins que dans les autres COM – hors Saint Barthélémy. Je me demande encore cette année, madame la ministre, ce qui peut justifier un tel état de fait au regard des besoins immenses de Saint-Martin.

En deuxième lieu, les prochains mois et années vont poser avec acuité quelques questions institutionnelles.

Bien sûr, le grand rendez-vous sera celui de la Nouvelle-Calédonie en 2018, avec la consultation d’autodétermination prévue par les Accords de Nouméa. Je mesure la mobilisation du Gouvernement et du Parlement, ces deux dernières années, pour réunir les conditions du succès de ce processus. Pouvez-vous nous assurer, madame la ministre, de la poursuite de ces efforts, qui incluent le maintien d’un climat économique et social favorable à cette consultation ? Et dans quelle mesure la présente loi de finances peut-elle y contribuer ?

Mais au-delà de la Nouvelle-Calédonie, d’autres territoires pourraient voir leur action publique renforcée en efficacité et en lisibilité par des évolutions institutionnelles mineures et ciblées.

Je pense d’abord à Wallis-et-Futuna, archipel qui devrait bénéficier d’une loi organique dans le respect de l’article 74, mais qui est toujours organisé par une loi ordinaire de 1961, extrêmement centralisatrice. La récente visite du Président de la République semble avoir initié une dynamique d’ensemble sur tous les sujets. Pouvez-vous nous indiquer les principaux chantiers à venir dans ce cadre, et ceux devant être initiés ou portés éventuellement pas la présente loi de finances ?

La Polynésie française est toujours marquée par sa transition post-nucléaire. La situation budgétaire et financière de ce territoire est en voie de stabilisation, grâce aux efforts du Gouvernement local et à l’accompagnement de l’Etat. La récente visite du Président de la République a permis de débloquer un certain nombre de dossiers en souffrance. L’État a respecté ses engagements en maintenant le montant de la DGA à son niveau initial, ce que je salue. Et l’on annonce, dans les mois qui viennent, un accord entre l’État et la Polynésie. Madame la ministre, quelles en seront les répercussions sur le plan budgétaire ?

Par ailleurs, La Polynésie, très en pointe sur les sujets de lutte contre le changement climatique, s’est battue au nom des collectivités du Pacifique et au-delà, sur la mise en place d’un instrument financier équivalent au fond vert de la COP 21. Le rehaussement significatif des crédits dévolus à la bonification des prêts accordés par l’AFD, et la mise en place d’un prêt à taux zéro au profit des projets relatifs aux énergies renouvelables inscrit dans cette mission vont dans le bon sens, mais n’auront pas d’effet équivalent au fond vert. Peut-on faire des progrès dans cette direction ?

En troisième et dernier lieu, j’évoquerai les Terres Australes et Antarctiques Françaises (TAAF). Ce sont des espaces fascinants que les pouvoirs publics pourraient facilement oublier au motif qu’ils n’ont pas de population résidente, donc pas de représentation au Parlement. Mais c’est un formidable enjeu de connaissance, de biodiversité et de développement durable pour une France qui s’est honorée à jouer un rôle moteur dans la négociation de l’Accord de Paris sur le changement climatique. Grâce aux TAAF, la recherche française est la première, ou peu s’en faut, dans les domaines polaires. Je veux saluer le travail fantastique réalisé par l’Institut polaire Paul-Émile Victor, pour un budget somme toute modeste.

Madame la ministre, des moyens sont inscrits depuis plusieurs années pour pérenniser la desserte par la mer de ces TAAF. Le Marion-Dufresne et l’Astrolabe ont été ou seront prochainement modernisés ou remplacés. Pouvez-vous nous assurer qu’ils resteront au service de l’activité des TAAF, comme cela l’a été jusqu’ici ? Le transfert de leur gestion à l’IFREMER, dont il est question, ne serait-elle pas de nature à disperser leur usage dans l’avenir, au détriment des TAAF ?

Pouvez-vous nous assurer enfin que la diminution de 17 % des crédits des TAAF ne menace pas les programmes de recherches menés sur ces sites et les missions de souveraineté, à un moment où, précisément, notre souveraineté sur certaines de ces îles est contestée ?

Mme Ericka Bareigts, ministre des outre-mer. Messieurs les présidents, madame la présidente, monsieur le rapporteur spécial, madame et messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames et messieurs les députés, je vous remercie de me recevoir ce soir pour me permettre de répondre à vos questions et vous présenter le budget 2017 de la mission « Outre-mer ».

Mais avant cela, je souhaite partager avec vous la méthode que je développerai tout au long de mon action, et qui a présidé à la discussion du projet de loi de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer : la méthode de la coconstruction et de l’association permanente des parlementaires, pour répondre aux grands défis qui nous attendent – et que je compte appliquer également aux sujets budgétaires.

Nous sommes donc réunis aujourd’hui pour discuter ensemble du budget du ministère des outre-mer.

Il s’agit du dernier budget de ce quinquennat. Je crois profondément qu’il a été marqué par l’affirmation de la priorité que les outre-mer représentent pour le Gouvernement : des outre-mer pleinement inclus dans la République, des outre-mer au centre des priorités de la Nation, des outre-mer dotés des moyens de répondre aux défis qu’ils rencontrent.

Nous connaissons tous le contexte contraint, marqué par le redressement des finances publiques et la réduction des déficits, pour respecter nos engagements communautaires. Le sérieux budgétaire est assumé par ce Gouvernement.

La priorité outre-mer est inscrite dans le budget que nous vous présentons. Cette priorité s’est affirmée à plusieurs égards.

D’abord, parce que le budget de la mission « Outre-mer » a été maintenu au-dessus du seuil des 2 milliards sur l’ensemble de ce quinquennat, soit environ 150 millions d’euros de plus, par an, que la moyenne constatée sur la précédente mandature.

Ensuite, parce que cette majorité a renforcé les dispositifs les plus stratégiques : ceux qui participent à la création d’emplois, ceux qui tendent à donner des perspectives à la jeunesse, à soutenir l’activité économique et à favoriser l’accès au logement.

Enfin, parce que le Gouvernement s’est donné les moyens d’engager les investissements nécessaires pour construire l’avenir et accentuer tout le potentiel de nos territoires.

Telle est la stratégie que nous défendons, encore renforcée par la loi relative à l’égalité réelle outre-mer que nous discutons ensemble, et par ce budget qui se présente comme un budget entre continuité, responsabilité et investissements pour l’avenir.

La continuité dans notre action s’exprime d’abord au travers du maintien des priorités stratégiques définies dès 2012.

Nous savons que le logement est une préoccupation quotidienne pour nombre de nos concitoyens. Nous avons ainsi sanctuarisé la ligne budgétaire unique un an après le lancement du Plan logement Outre-mer. Cela réaffirme l’attention prioritaire portée au secteur du logement. Le secteur a par ailleurs bénéficié de la suppression de l’agrément fiscal des investissements en crédit d’impôt pour les opérations de construction de nouveaux logements, annoncée en juin dernier. Cette décision s’inscrit elle-même dans la continuité de la prorogation du dispositif de la défiscalisation jusqu’à 2025 dans les collectivités d’outre-mer, et du crédit d’impôt jusqu’en 2020 dans les départements d’outre-mer, actée en décembre dernier dans le projet de loi de finances pour 2016.

Je me réjouis que les arbitrages rendus par le Premier ministre nous permettent de conserver une enveloppe intacte pour la ligne budgétaire unique (LBU). Je poursuivrai les efforts entrepris pour l’amélioration et la rénovation du parc social, tout en restant attentive, comme le veut l’esprit du plan logement outre-mer, à la notion de parcours résidentiel.

Dans le travail de coconstruction qui a marqué le projet de loi relatif à l’égalité réelle outre-mer, auquel je faisais allusion tout à l’heure, vous avez, mesdames et messieurs les députés, enrichi le texte, par exemple en consolidant l’aide à la rénovation du parc locatif social ancien, en facilitant le recours à la location-accession ou en favorisant les investissements dans le logement intermédiaire. Je serai très attentive à ce que ce travail soit préservé.

Nous savons que le service militaire adapté (SMA) est une réponse efficace, adaptée et coordonnée, pour offrir des perspectives à la jeunesse. Il faut rappeler le taux, très élevé, de sorties positives : 73 %.

Nous préservons ainsi un niveau de dépenses pour le SMA compatible avec l’atteinte de l’objectif « SMA 6 000 ». Les effectifs du service militaire adapté progresseront de 196 équivalents temps plein en 2017, parallèlement à une recherche de gains d’efficience sur les dépenses de fonctionnement. Là encore, je crois que nous pouvons être satisfaits du travail accompli, parce que cette innovation ultramarine a été reprise par le Président de la République pour l’ensemble de l’hexagone.

Nous maintenons les crédits consacrés à la continuité territoriale pour faciliter la mobilité de nos compatriotes ultramarins, en plus de nombreuses dispositions sur lesquelles nous avons travaillé dans le projet de loi « Égalité réelle outre-mer ».

Le budget que vous serez appelé à voter comprend les dotations nécessaires aux trois volets classiques de la continuité territoriale. Ces dotations sont calibrées pour répondre à la progression de la demande et pour ne laisser personne sur le bord de la route. 2016 est l’année du changement de statut pour l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité (LADOM), opérateur public historique pour la mobilité, à la fois pour les étudiants, la formation professionnelle des demandeurs d’emploi et, plus largement, l’aide à la continuité territoriale pour tous les ultramarins.

Au global, le soutien de l’État s’établit à plus de 70 millions d’euros, dont la moitié pour la formation professionnelle. Je serai attentive à accompagner et à soutenir la montée en puissance de LADOM dans les nouvelles missions qui lui seront confiées.

Nous maintenons également les enveloppes destinées à soutenir les collectivités locales dans leur effort d’investissement. Là encore, tout au long de la législature, notre action s’est inscrite dans une logique de confiance et de respect vis-à-vis des collectivités, qui jouent, sur nos territoires, le rôle moteur de l’activité, au travers de la commande publique.

Favoriser la commande publique, comme nous le faisons en maintenant le niveau de l’enveloppe contractuelle et en nous battant pour préserver le Fonds européen d’investissement (FEI), c’est se donner les moyens d’entretenir la croissance et d’encourager l’emploi. Tout en m’inscrivant dans le prolongement de mes prédécesseurs, que je salue, Victorin Lurel et George Pau-Langevin, je veux également partager avec vous ma vision personnelle de l’utilisation de ces outils. Ils doivent être, à mon sens, maniés dans un souci de cohérence avec les priorités ou les urgences que nous rencontrons dans la réalité quotidienne, car il faut que l’action des pouvoirs publics soit au plus près des préoccupations des citoyens. J’ai ainsi souhaité répondre sans plus attendre aux besoins criants que j’ai pu identifier lors de mon passage à Mayotte, en décidant de consacrer 10 millions d’euros de plus à un programme accéléré de constructions scolaires pour le premier degré. Je vais également affecter, avec mon collègue Patrick Kanner, 10 millions d’euros à un plan de rattrapage en matière d’équipements sportifs.

Le Gouvernement ne se contente pas d’assurer la continuité de l’action menée. Il s’inscrit dans une démarche d’efficacité renforcée, et le budget de la mission « Outre-mer » pour 2017 s’inscrit pleinement dans cette dynamique.

Plus d’efficacité, c’est d’abord un pilotage rigoureux et cohérent des dispositifs outre-mer, qui a permis de dégager des marges de manœuvre pour répondre à nos priorités sociales. Ce sont ces marges de manœuvre qui nous ont permis, par exemple, de trouver les ressources nécessaires pour la sauvegarde et la pérennisation de l’Institut de formation aux carrières administratives, sanitaires et sociales (IFCASS). Ce sont deux cents jeunes ultramarins qui trouvent, chaque année, une solution professionnelle.

Plus d’efficacité passe également par un meilleur ciblage des dispositifs de réduction du coût du travail.

Conformément à ses engagements, le Gouvernement ne réformera pas en 2017 le dispositif des exonérations de cotisations sociales pour les salariés, après les réformes successives de 2014 et 2015 qui ont permis de maximiser leur impact sur l’emploi. Je le dis clairement : au travers des moyens importants que mon ministère affecte à la compensation des exonérations de cotisations sociales, mon objectif fondamental est d’aider prioritairement le réseau des TPE-PME, qui sont le moteur de la croissance et de l’emploi.

Le recentrage de la dépense sur les bas salaires correspond à un choix politique assumé, qui s’appuie sur les constats concordants de la Cour des comptes et des corps d’inspection. Mais j’entends préserver l’équilibre qui a été atteint et conserver l’enveloppe financière de 1 milliard d’euros qui en résulte. Il s’agit pour moi de valoriser nos succès. Et nos succès sont très réels lorsqu’on considère l’évolution des chiffres du chômage, notamment ceux du chômage des jeunes, dans nos outre-mer. Oui, ce gouvernement commence à percevoir les dividendes de ses efforts sur le front de l’emploi, grâce à une politique d’abaissement du coût du travail non qualifié. Sur ce terrain-là, comme sur les autres, je n’entends pas relâcher la pression.

En ce qui concerne la réforme des travailleurs indépendants, le plafonnement d’un dispositif qui s’appliquait jusqu’à présent sans limite de montant ne me choque pas. Au-delà de la question du plafonnement, se pose celle de la dégressivité de l’aide, pour laquelle les arbitrages interministériels, à ce stade, ne sont pas figés.

Je vous le disais dans mon introduction : j’ai souhaité que ce budget consacre des investissements d’avenir, stratégiques pour nos territoires.

Les outre-mer sont une richesse immense pour notre pays : ils constituent des territoires pionniers en matière d’innovation, de recherche et de cohésion sociale. Il convient de le faire valoir auprès de l’opinion publique dans l’hexagone, qui, parfois, ne le perçoit pas pleinement. C’est pourquoi l’État souhaite valoriser cette richesse en engageant la création de la Cité des Outre-mer. Annoncée par le Président de la République, elle constituera un lieu de partage et de connaissance de l’autre.

La préservation de l’environnement, la valorisation de la biodiversité et la lutte contre le changement climatique se présentent aussi comme des enjeux d’avenir.

C’est pourquoi la mission « Outre-mer » prévoit la création d’un équivalent Fonds vert pour financer les projets de développement des énergies renouvelables et d’adaptation au changement climatique dans les collectivités du Pacifique. Le Gouvernement tiendra l’ensemble de ses engagements vis-à-vis de la Polynésie française, en accroissant parallèlement les moyens alloués à la dotation globale d’autonomie (DGA), qui atteindra 90 millions d’euros en 2017, conformément aux engagements du Président de la République et du Premier ministre.

Préparer l’avenir, enfin, c’est donner les moyens aux collectivités de réaliser les investissements à même de susciter la croissance de demain.

Pour cela, le Gouvernement a décidé d’accroître significativement les crédits alloués à la bonification des prêts accordés par l’Agence française de développement (AFD) pour les programmes d’investissement des collectivités. Il s’agira, lorsque c’est nécessaire, d’accorder des prêts à taux zéro à des fins de restructuration, pour aider les collectivités à reconstituer progressivement leur capacité d’autofinancement.

Notre action, naturellement, ne s’arrête pas là. Les plans de convergence feront une large place à l’innovation technologique, en s’adaptant aux atouts de chaque territoire. Nous encourageons le partenariat entre les universités et les entreprises innovantes au travers des outils que sont le crédit d’impôt recherche et le crédit d’impôt innovation, avec des taux bonifiés pour les outre-mer. Enfin, je poursuis un dialogue avec le Commissariat général à l’investissement pour que les outre-mer soient pleinement partie prenante au futur programme d’investissements d’avenir, le PIA 3.

Pour terminer la présentation de ce budget, je souhaite vous présenter les dispositions fiscales qui visent à renforcer l’attractivité des territoires ultramarins. C’est en effet la clé pour assurer le développement économique de nos territoires et offrir de réelles perspectives aux habitants.

Tout d’abord, la fiscalité directe locale à Mayotte est particulièrement pénalisante. Nous nous engageons à réformer le système actuel au bénéfice des contribuables mahorais pour réduire la pression fiscale sur les ménages.

Par ailleurs, je souhaite soutenir l’activité du secteur privé. Cela nécessite évidemment des crédits, dont une partie sera constituée par les 70 millions d’euros qui correspondent à la zone franche d’activité (ZFA). La dégressivité de la ZFA a été stoppée à ma demande, par décision du Premier ministre. Je vais engager avec chacun d’entre vous les discussions qui nous permettront, sur la base de l’enveloppe de crédits qui a été ainsi sanctuarisée, de réfléchir à ce que seront les contours des dispositifs qui remplaceront la loi pour le développement économique des outre-mer (LODEOM) et qui accompagneront les outre-mer vers la croissance et l’emploi au-delà de 2018.

Ma vision des choses, vous la connaissez : avec une enveloppe globale qui s’approche des 1,2 milliard d’euros, si on fait masse des exonérations de charges sociales et de la ZFA, nous pouvons construire quelque chose qui soit cohérent avec notre objectif de rompre avec une situation d’inégalité économique entre la métropole et les outre-mer, tout en restant fidèle à notre engagement de laisser à chaque territoire le soin de construire sa propre stratégie de développement.

Mesdames et messieurs les députés, le budget 2017 ouvre des voies nouvelles pour les outre-mer. Il n’en fait pas des variables d’ajustement des équilibres macroéconomiques globaux. C’est même tout le contraire. Les investissements d’avenir qui y sont consacrés constituent des outils importants de notre politique pour inscrire pleinement les outre-mer dans la dynamique économique de leur époque, leur permettre de mobiliser tout leur potentiel et offrir des perspectives à chacun de leurs habitants.

Ce chemin, nous l’empruntons aussi avec le projet de loi « Égalité réelle outre-mer ». C’est en s’appuyant sur ces deux piliers que nous bâtissons un projet solide, ambitieux et efficace.

M. Dominique Lefebvre, présidentNous allons maintenant entendre les porte-parole des groupes.

Mme Marie-Anne ChapdelaineAprès l’adoption du projet de loi relatif à l’égalité réelle outre-mer, il y a deux semaines, nous nous intéressons de nouveau aux territoires d’outre-mer grâce à l’examen du projet de loi de finances pour 2017.

Plus qu’un texte de loi, l’égalité réelle entre la métropole et les territoires d’outre-mer a été une ambition constante du Gouvernement et de la majorité pendant ce quinquennat, comme vient de le rappeler Mme la ministre. Mais restons modestes : beaucoup reste à faire, tant les inégalités sont importantes, notamment en termes d’emploi, de développement économique, de précarité et d’accès aux services publics.

Le taux de chômage en outre-mer est jusqu’à quinze points supérieur à celui de l’Hexagone. Il est donc urgent de trouver des solutions adéquates, en se concentrant particulièrement sur les TPE, qui représentent 96 % du tissu économique. C’est sur elles que se concentreront désormais les exonérations de cotisations patronales, dont il faut espérer très vite les bienfaits. Les exonérations applicables aux travailleurs indépendants seront ajustées dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour les rendre plus efficaces.

Le transport de marchandises est également une problématique majeure pour la compétitivité économique de ces territoires. L’aide au fret compense ainsi les surcoûts des importations et des exportations des outre-mer.

Pour favoriser l’intégration professionnelle des jeunes, le service militaire adapté est renforcé. Mais suffit-il ? L’objectif est d’accueillir 6 000 jeunes en 2017, contre 5 000 aujourd’hui. Il s’agit d’un investissement pour l’avenir puisque ce dispositif a déjà démontré son efficacité.

L’Agence de l’outre-mer pour la mobilité voit ses moyens confortés pour que les jeunes ultramarins puissent avoir accès à la formation professionnelle et le droit à la mobilité vers l’hexagone s’ils le souhaitent.

Le logement est également un enjeu économique et social de première importance. Les crédits pour la résorption de l’habitat insalubre et d’incitation fiscale à l’investissement dans le logement social locatif sont maintenus. L’État participera à hauteur de 147 millions d’euros au financement des logements sociaux en outre-mer. L’enveloppe consacrée à la réhabilitation des logements sociaux augmente pour atteindre 15 millions d’euros, ce qui permettra de prendre en charge plus de 2 200 logements. Là aussi, madame la ministre, nous faisons un pas de plus vers l’égalité réelle.

Enfin, il faut mettre en avant les efforts consacrés à l’aménagement du territoire et à la continuité territoriale. Là encore, il s’agit d’investissements pour l’avenir.

Cela étant, nous constatons sur le terrain à quel point il était vraiment nécessaire d’agir. Le chemin vers l’égalité réelle est encore long et la République se doit de répondre aux attentes légitimes des populations, dans le respect des particularismes régionaux qui font la richesse de notre nation. À l’heure de la mondialisation des échanges, de la préservation de la biodiversité et de la valorisation de la mer comme espace économique et environnemental de demain, les territoires d’outre-mer sont plus que jamais une chance pour la France.

Le projet de loi pour une égalité réelle contient des objectifs ambitieux en matière de convergence des modèles économiques et sociaux entre la métropole et les outre-mer, et des plans pluriannuels de développement adaptés aux besoins spécifiques de chaque territoire. Nous saluons ces dispositions, qui traduisent l’intérêt du Gouvernement pour ces territoires. Cependant, les moyens doivent s’adapter aux ambitions. Madame la ministre, pouvez-vous nous garantir que les crédits budgétaires de la mission seront suffisants pour garantir l’application de cette loi, très attendue par les élus locaux et nos concitoyens d’outre-mer ?

En 2018, la Nouvelle-Calédonie se prononcera par référendum sur son autodétermination. Ce scrutin résulte des accords de Nouméa de 1998. Le Gouvernement a rappelé à plusieurs reprises que le référendum aurait bien lieu et que le résultat serait respecté. Dès lors, il convient d’anticiper les conséquences, quel que soit le résultat du vote des Néo-Calédoniens. Madame la ministre, pouvez-vous nous expliquer comment le Gouvernement se prépare au référendum sur l’autodétermination de la Nouvelle-Calédonie ?

Le groupe Socialiste, écologiste et républicain (SER) est très satisfait de ce budget, mais nous devons faire un pas de plus en direction des territoires ultramarins. Notre groupe sera très attentif à ce que l’égalité réelle voie le jour sous ce quinquennat.

M. Daniel GibbesMadame la ministre, j’accueille, comme sans doute l’ensemble des parlementaires réunis ce soir, votre budget 2017 pour les outre-mer avec un certain soulagement, mais aussi avec des interrogations.

Sur le plan strictement comptable, votre budget progresse très légèrement par rapport à la loi de finances 2016, grappillant quelque 16 millions d’euros supplémentaires – plus 2,8 % en autorisations d’engagement, plus 0,7 % en crédits de paiement. D’où mon soulagement : en très légère augmentation par rapport à l’an dernier, ce budget préservé montre qu’en cette période budgétaire extrêmement contrainte, le Gouvernement a toutefois conscience des urgences auxquelles restent confrontés nos territoires ultramarins.

Votre budget, madame la ministre, présente plusieurs motifs de réelle satisfaction, sur lesquels j’aurai l’occasion de revenir, mi-novembre, lors des débats en séance publique. Mais il comporte également de vrais points d’achoppement. Nous ignorons comment seront financées les mesures qui seront votées dans le cadre de la loi « Égalité réelle outre-mer ». Nous sommes aussi inquiets de la baisse du budget de l’action 01 « Soutien aux entreprises ». Nous souhaiterions, par exemple, connaître le détail du financement et obtenir une estimation des retombées espérées de la future Cité des Outre-mer, qui n’est pas exposée dans le bleu budgétaire.

Permettez-moi, à présent, d’appeler votre attention, ce soir, sur un point particulier, qui concerne très directement ma circonscription et que mon collègue Aboubacar a évoqué, ce dont je le remercie. Nous avons eu l’occasion d’en discuter à plusieurs reprises, et tout récemment, lors de l’examen du projet de loi relatif à l’égalité réelle outre-mer : il s’agit de l’urgence, pour la collectivité d’outre-mer de Saint-Martin, d’obtenir des statistiques fiables.

Pour rappel, Saint-Martin forme, depuis 2007, une entité distincte de la Guadeloupe. Toutefois, sur le plan statistique, les données concernant l’île font, quand elles existent, l’objet d’amalgames. Elles sont, en effet, soit noyées dans les chiffres de l’archipel de la Guadeloupe dite « continentale », ou par le regroupement des informations concernant les deux collectivités de Saint-Martin et Saint-Barthélémy, sous le vocable historique d’« îles du Nord ». Telle est la règle pour le taux de chômage rendu public par Pôle emploi, par exemple, ou pour les prestations servies par les caisses de Sécurité sociale ou d’allocations familiales.

Il est, en outre, particulièrement difficile de disposer d’une vision globale de la situation économique de Saint-Martin, le système statistique actuel ne permettant pas d’en connaître le produit intérieur brut.

La seule donnée actuellement disponible est une estimation du PIB de l’année 1999, réalisée en 2005 par le partenariat « Comptes économiques rapides de l’outre-mer » (CEROM), réunissant l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), l’Institut d’émission des départements d’outre-mer (IEDOM) et l’AFD. Dans ce cadre, le PIB de Saint-Martin avait été évalué à 421 millions d’euros, soit environ 14 500 euros par habitant.

L’État et la collectivité doivent pouvoir disposer d’une connaissance précise du territoire et de sa population. Il s’agit là d’informations indispensables à la détermination et à la mise en œuvre des politiques publiques, mais également à l’intervention des fonds structurels européens. Organiser la collecte, le traitement différencié et la publication de l’ensemble des données statistiques relatives au territoire de Saint-Martin est, j’en suis conscient, un travail coûteux et de longue haleine.

Dans l’attente de cette nécessaire mise en œuvre, madame la ministre, à laquelle je sais que vous êtes attentive, pouvez-vous mettre en place, pour Saint-Martin, un nouveau CEROM, dont l’enquête porterait sur le produit intérieur brut par habitant, le taux de chômage, les écarts de revenu par habitant et le seuil de pauvreté, ces indicateurs illustrant objectivement la situation économique et sociale de Saint-Martin ? Quel pourrait être le calendrier de cette enquête ?

Enfin, comme nous l’avons indiqué, avec le rapporteur spécial, s’il existe des motifs de satisfaction concernant ce budget, il n’en demeure pas moins que des zones d’ombre persistent.

Pour ces raisons, madame la ministre, le groupe Les Républicains s’en tiendra à une position d’abstention constructive. Nous regrettons qu’en dépit d’une stabilité comptable, le budget baisse si l’on tient compte des transferts de crédits.

Mme Maina SageLe projet de loi de finances que nous examinons aujourd’hui intervient dans un contexte bien particulier : non seulement c’est le dernier budget de la législature, mais il intervient après le vote de la loi relative à l’égalité réelle outre-mer (EROM), véritable pari sur l’avenir de nos territoires.

Dès lors, nous attendons que ce PLF anticipe à la fois les mesures sociales fortes votées récemment et qu’il soit l’occasion de renforcer les mesures économiques – qui sont en deçà des mesures proposées dans la loi EROM – en faveur de la compétitivité, de la croissance et de l’emploi pour nos territoires d’outre-mer.

C’est dans cette optique que nous abordons l’étude de ce PLF, qui doit être à la hauteur de ces exigences, face au constat accablant des retards de développement qu’accusent les outre-mer. Rappelons que le PIB par habitant est en moyenne inférieur de 40 % dans les Antilles et à la Réunion et que l’écart oscille entre 50 et 90 % dans les autres collectivités.

Face à ces écarts probants, il ne faut pas oublier que l’aide de l’État doit être considérée à l’aune de l’apport fait par habitant dans l’hexagone. Je tenais à le rappeler car beaucoup d’a priori circulent sur les outre-mer : on dit qu’ils coûtent cher, alors qu’en réalité, l’État dépense 5 700 euros par habitant en France hexagonale, contre 5 576 euros dans les DOM et 4 564 euros dans les collectivités d’outre-mer (COM).

Le taux de chômage oscille entre 14,7 % et 28 % selon les territoires. Les indicateurs liés à la santé et à l’éducation révèlent, eux aussi, des écarts phénoménaux.

Face à ce constat, il faut souligner que, depuis 2012, le budget alloué à cette mission reste relativement stable. Il affiche une légère hausse de 0,8 % par rapport à 2016. Toutefois, cela masque, à périmètre constant, une baisse réelle de certaines lignes budgétaires, et singulièrement au détriment du programme 138 « Emploi outre-mer », et notamment de l’action 01 « Soutien aux entreprises ».

J’en profite, madame la ministre, pour vous interpeller sur les inquiétudes des professionnels à propos de la défiscalisation, des procédures d’agrément et du nouveau dispositif de prélèvement à la source. Nous avions, l’an dernier, demandé un bilan de la répartition des aides à l’investissement. Nous devions pouvoir l’utiliser en début d’année 2016, mais cela n’a pas été le cas. C’est pourquoi je réitère notre demande : on ne peut pas piloter et réajuster les stratégies sans diagnostic.

Concernant les crédits alloués à l’emploi et à la formation professionnelle, le « SMA 6 000 » va atteindre ses objectifs, avec 296 postes à temps plein. Toutefois, les dépenses en termes de formation professionnelle et de fonctionnement courant accusent une baisse de 7 %, soit 2,5 millions d’euros. Nous souhaiterions avoir des précisions sur ces efforts de rationalisation et être assurés qu’ils ne se feront pas au détriment de la qualité des formations.

Nous notons également une baisse des crédits consacrés aux mesures de formation dans les COM, et plus précisément ceux consacrés au chantier de développement local (CDL) et aux jeunes stagiaires du développement (JSD).

La difficulté, avec le budget des outre-mer, est qu’il touche une dizaine de territoires qui, selon les années, sont plus ou moins bénéficiaires ou déficitaires de certaines lignes budgétaires. D’où le document de politique transversale qui, malheureusement, n’a été délivré que cet après-midi, mais qui permet de voir précisément ce qu’il en est pour chaque territoire.

Nous saluons le rétablissement de la dotation globale d’autonomie (DGA) de la Polynésie française, à hauteur de 90 millions d’euros. Nous vous remercions, madame la ministre, d’avoir tenu les engagements du Président Hollande. Nous attendons aussi le nouveau décret qui va permettre d’améliorer le niveau d’indemnisation des victimes des essais nucléaires.

En revanche, nous sommes particulièrement inquiets des coupes drastiques opérées dans les crédits consacrés au contrat de projets de la Polynésie française et aux contrats de développement entre l’État et la Nouvelle-Calédonie. Nous aimerions avoir des précisions sur les raisons de ces baisses.

En ce qui concerne l’équivalent Fonds vert, madame la ministre, vous avez annoncé une enveloppe de 25 millions d’euros en autorisations d’engagement. Je vous ai interpellée il y a quelques semaines sur l’urgence de construire des abris de survie pour les atolls. Nous souhaiterions, d’ici à la séance publique, isoler une partie de cette enveloppe, afin d’en faire une aide directe à la construction de ces abris qui, rappelons-le, relève de la compétence de l’État dans la mesure où il y va de la sécurité des habitants.

M. Gabriel ServilleMadame la ministre, permettez-moi tout d’abord de vous féliciter ainsi que Mme Pau-Langevin pour les arbitrages que vous avez su obtenir cet été : la mission « Outre-mer » voit ses crédits préservés alors qu’il y a quelques mois encore, des baisses étaient annoncées. J’imagine à quel point il a dû être difficile de convaincre Bercy de l’impérieuse nécessité de ne pas davantage pénaliser nos territoires qui vivent tous dans l’espérance d’une convergence de leur niveau de vie avec celui observé dans l’hexagone. Nul doute que ce budget, couplé aux efforts consentis lors des débats sur le projet de loi sur l’égalité réelle en outre-mer en première lecture, saura témoigner de l’attention particulière qui a été apportée aux citoyens ultramarins en ces temps de réduction des déficits. Je tiens ici à saluer le gel des abattements dans les zones franches, que nous savions menacés, ainsi que la création d’un équivalent du Fonds vert qui viendra renforcer la lutte contre les conséquences négatives du changement climatique dans nos territoires.

Si nos territoires savent s’unir dans des élans solidaires dès lors qu’il s’agit de défendre les réalités ultramarines, il existe de fait une multitude de situations d’un territoire à l’autre. Ce sont ces différences qui font nos richesses mais aussi la complexité des solutions à apporter à nos difficultés.

Nous l’avons une fois de plus réaffirmé dans le rapport de la Commission nationale d’évaluation des politiques de l’État en outre-mer (CNEPEOM) adopté ce matin, que je vous remettrai très prochainement en tant que rapporteur.

C’est cette impérieuse nécessité de comprendre les réalités plurielles de nos territoires ultramarins qui me contraint à apporter un bémol à l’appréciation par ailleurs positive que je porte sur le budget que vous nous présentez aujourd’hui.

En matière de logement, le compte n’y est pas. Comment se contenter d’une « sanctuarisation » – je reprends vos termes, madame la ministre – des crédits de la ligne budgétaire unique quand la situation du logement est si critique dans des territoires comme la Guyane ou Mayotte ? Si nous n’y apportons pas de réponses efficaces de manière urgente, ces deux régions risquent de plonger dans le désordre – et je pèse mes mots. À Mayotte, la situation est déjà critique. Lors de la réunion de la CNEPEOM ce matin, nous avons également adopté la contribution sur la lutte contre l’habitat insalubre et indigne, lequel est un habitat informel et sans titre.

Comment espérer juguler ces désordres lorsque nous sommes incapables de faire face à la croissance démographique et à la crise migratoire sans précédent que connaissent la Guyane et Mayotte ?

La Guyane est le territoire qui connaît le plus fort taux de logements suroccupés. Des dizaines de milliers de nos concitoyens désespèrent de trouver un logement et doivent se résoudre à entrer dans l’illégalité en s’installant sur des terrains appartenant à autrui, avec tous les effets néfastes que cela suppose sur tous les pans de la société, rendant par là même totalement inefficaces les politiques publiques que nous nous efforçons de déployer.

À cette situation déjà compliquée s’ajoute l’afflux de 25 000 migrants qui, dans leur écrasante majorité, ont fui leur pays d’origine en proie à de multiples désordres économiques auxquels sont venus se rajouter des événements climatiques d’une rare intensité. Madame la ministre, je vous ai déjà interrogé à ce sujet lors de la séance des questions au Gouvernement la semaine dernière. Mon insistance auprès du Gouvernement n’a d’égale que l’ampleur de la catastrophe annoncée si rien n’est fait pour inverser la tendance.

Sans chercher à évoquer toutes les questions que soulèvent ces mouvements de populations, notamment celle du soutien financier aux collectivités, je voudrais m’arrêter sur les conséquences qu’entraîne l’arrivée massive de migrants pour notre politique de logement. Nous parlons de 25 000 personnes supplémentaires à loger dans des conditions humainement acceptables, l’équivalent de plus de 10 % de la population guyanaise à absorber en seulement quelques mois. Cela représente une gageure puisque nous ne sommes pas même capables de répondre favorablement à un taux de croissance démographique d’un peu moins de 4 %.

En clair, il nous sera extrêmement difficile de nous contenter d’une sanctuarisation des crédits, surtout pas au moment où les Guyanais attendent une véritable dynamisation du logement, notamment grâce à une opération d’intérêt national d’envergure et au déploiement du plan logement outre-mer.

À ce stade, je souhaite évoquer les espoirs suscités par le pacte d’avenir dont la signature et la mise en œuvre constituent de pertinents indicateurs de confiance. Le mal-logement est à l’origine d’une grande partie des maux que connaissent nos territoires. En cela, il mérite de la part de l’État un véritable effort qui mettrait un terme aux mesures de saupoudrage qui ont jusqu’alors étaient mises en œuvre et qui ont abouti aux résultats très mitigés voire insuffisants que nous constatons aujourd’hui.

Je vous accorde que les crédits sur le triennal ont augmenté et je reconnais que, chaque année, ce gouvernement a fait davantage en matière de logement que la droite pendant le quinquennat précédent. Certaines situations explosives méritent qu’on apporte enfin des réponses fortes. Cela passe notamment par le renforcement des nouvelles modalités de calcul de la LBU, que je réclame depuis mon arrivée sur les bancs de l’Assemblée, et par la prorogation de certains dispositifs de défiscalisation.

Malgré ces vives remarques, connaissant votre attachement à la lutte contre le mal-logement de nos compatriotes et votre action en faveur de la convergence des niveaux de vie entre territoires, en faveur de l’emploi, de la santé et de l’éducation, j’apporterai un vote positif aux crédits de la mission « Outre-mer » comme le fera mon groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Mme Ericka Bareigts, ministre des outre-mer. M. le rapporteur spécial Laffineur a appelé notre attention sur l’article 7 du PLFSS qui prévoit de réformer le dispositif d’exonération des cotisations sociales des travailleurs indépendants. Il fixe un plafond de 96 000 euros à partir duquel une dégressivité sera applicable. Nous sommes en train d’étudier un amendement déposé par Philippe Naillet visant à rendre la dégressivité applicable à partir de 1,5 PASS – plafond annuel de la sécurité sociale –, solution à laquelle nous sommes plutôt favorables même si nos réflexions ne sont pas encore stabilisées.

S’agissant des différents dispositifs de crédit d’impôt, il est peut-être un peu tôt pour en évaluer l’efficacité dossier par dossier. Le taux de consommation de la LBU en tout cas a augmenté de dix points par rapport à l’année dernière, ce qui est plutôt une bonne nouvelle. Il faut toutefois poursuivre nos efforts dans plusieurs directions : fluidifier la circulation des informations entre la direction générale des outre-mer (DGOM) et la direction générale des finances publiques (DGFIP), sécuriser les dispositifs de défiscalisation de l’impôt sur les sociétés, mieux articuler l’action de BPIfrance afin d’obtenir des garanties en matière de préfinancement.

Pour l’indemnisation des victimes des essais nucléaires en Polynésie, une analyse du dossier de chaque malade a été menée en fonction des critères fixés par la loi de 2010, qui avait provoqué une insatisfaction parmi les demandeurs. Le Président de la République, lors de son déplacement en Polynésie française en février dernier, a annoncé que le décret d’application de la loi serait modifié. En cours de finalisation, il prévoit un changement du seuil de risque afin de répondre le mieux possible aux demandes des malades.

Des questions ont porté sur le passage à l’euro en Polynésie française, sur lequel l’assemblée de la Polynésie française avait rendu une résolution en 2006. Il faut avoir à l’esprit que l’introduction de l’euro n’est pas seulement du ressort de la France, mais relève d’une décision collective des dix-neuf pays de la zone euro. Par ailleurs, nous estimons que ce basculement vers l’euro n’aurait de sens que si les trois collectivités françaises dans le Pacifique engageaient une démarche globale à ce sujet.

Monsieur Letchimy, comme je l’ai indiqué dans mon propos liminaire, il n’y a pas de coup de rabot : le Gouvernement ne réformera pas en 2017 le dispositif des exonérations de cotisations sociales pour les salariés. Ce sont les effets mécaniques des réformes des années précédentes, notamment le recentrage sur un certain niveau de salaire, qui ont entraîné une diminution de consommation de l’ordre de 60 millions d’euros ; mais cette tendance peut être appelée à s’inverser dans les années qui viennent. Au-delà, nous menons une réflexion globale pour déployer des outils qui ne seraient pas uniquement fiscaux. Nous voulons encourager le retour des jeunes gens qui reçoivent une formation de haut niveau hors de leur territoire d’origine. Nous avons pris des mesures en faveur de ce retour des cerveaux dans la loi pour l’égalité réelle outre-mer – j’ai eu l’occasion d’en rencontrer à la Martinique, qui s’installent dans le secteur privé. Il faut poursuivre cet effort dans le cadre d’un plan jeunesse ou encore de l’« Erasmus océanique » qu’il faut amplifier. C’est cette volonté que nous avons manifestée dans la loi EROM.

Plusieurs interrogations ont porté sur les périmètres. Sur les crédits du programme 123, outil important pour le développement des outre-mer, il faut noter une augmentation, qu’il s’agisse des autorisations d’engagement ou des crédits de paiement.

Le financement de la loi sur l’égalité réelle a suscité plusieurs questions, notamment de M. Gibbes et de Mme Bello. La presse s’interroge beaucoup à ce propos. Je peux vous rassurer : cette loi sera financée. Les mesures sociales seront financées par les comptes sociaux ; les mesures spécifiques seront financées par les crédits dédiés à l’outre-mer – 70 millions au titre de la mobilité, 3 millions pour la jeunesse ; quant aux mesures fiscales, elles seront supportées par le budget de la nation. Je sais qu’un amendement a été déposé en commission des finances pour supprimer la mesure concernant le fonds d’investissement de proximité outre-mer contenue dans la loi sur l’égalité réelle. Mais tant qu’elle existera, cette disposition sera financée par le budget de la nation en tant que mesure fiscale.

Madame Bello, vous avez évoqué la révision du Règlement général d’exemption par catégorie (RGEC), qui constitue un enjeu important. Il y a un mois, je me suis rendue à Madère pour assister au congrès des présidents des régions ultra-périphériques de l’Union européenne. Nous avons pu fédérer l’ensemble des exécutifs autour d’une position très claire : la France continue à réaffirmer son souhait de voir introduit un quatrième critère, l’ensemble des surcoûts admissibles mesurables, qui devrait être selon nous apprécié par secteur et non par entreprise bénéficiaire. Nous continuons à nous battre en gardant cette ligne. Pour l’heure, rien n’est tranché. Très prochainement, j’entamerai une démarche pour être reçue par la commissaire européenne à la concurrence, Mme Vestager. Qui plus est, notre position s’est vue confirmer par la dernière jurisprudence qui concerne Mayotte.

Les SIDOM, madame Bello, constituent une question délicate. Permettez-moi de vous rappeler les considérations à l’origine de notre décision. La première d’entre elles concerne la gouvernance, domaine dans lequel l’État n’était pas particulièrement performant. La Société nationale immobilière (SNI), quant à elle, est un acteur reconnu du domaine du logement social : elle a en charge la gestion d’un parc de plus de 187 000 logements sociaux, dont 70 000 logements très sociaux, répartis sur l’ensemble de la France. Elle a su gérer la transformation de l’ex-SONACOTRA en ADOMA. Il n’y a pas à craindre la disparition de la présence des pouvoirs publics : l’État maintient intact son pouvoir de décision à travers la LBU ; les collectivités restent présentes au sein des SIDOM et continuent d’être des acteurs majeurs pour ce qui concerne la territorialisation de la construction de logements sociaux. Ajoutons que la SNI, constituée uniquement de capitaux publics, est une filiale à 100 % de la Caisse des dépôts et consignations. Le débat se poursuivra, y compris au Sénat, mais je tenais à vous apporter d’ores et déjà ces éléments.

Pour ce qui est de l’habilitation législative, je n’ai pas changé d’avis. Je le dis clairement, il est extrêmement regrettable pour l’île de La Réunion qu’elle ne puisse pas disposer des pouvoirs dont tous les autres départements sont dotés. Lorsque je siégeais à la commission des lois, j’avais effectué un travail autour d’une future révision constitutionnelle destinée à mettre fin à cette exclusion. Nous n’avons pas eu la chance de pouvoir le mener au bout ; quoi qu’il en soit, la réflexion technique et politique avait été préparée et présentée.

Sur la codification du droit outre-mer, vous avez raison, il s’agit d’un enjeu important, qui a fait l’objet d’un travail remarquable mené par les chambres de commerce et d’industrie outre-mer. Je veux en particulier saluer la démarche initiée par le président de la chambre de commerce de Martinique pour la codification du droit des entreprises outre-mer, démarche accompagnée par Mme Pau-Langevin. Nous devrions poursuivre ce travail de codification sur certains sujets, en créant au besoin des chaires universitaires.

S’agissant de Saint-Martin, monsieur Gibbes, j’aimerais rappeler certains éléments. Tout d’abord, dans le PLF 2017, l’État prévoit de consacrer 67 millions d’euros en autorisations d’engagement à ce territoire, soit une hausse de 2,6 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2016. On ne saurait parler d’abandon de l’État.

Sachez que je partage plusieurs de vos préoccupations.

En matière de sécurité, si les crédits sont en hausse, le territoire de Saint-Martin n’en reste pas moins exposé à des problèmes de délinquance et de trafics. C’est la raison pour laquelle nous y avons aussi déployé le plan « sécurité outre-mer ». Nous accordons aussi des moyens à la lutte contre la délinquance des jeunes.

En matière de souveraineté, les enjeux sont anciens. Je suis très attentive à la question de la frontière maritime.

Enfin, nous le savons, l’équilibre budgétaire de la collectivité est affecté par le RSA. Malgré la position du juge à ce sujet, le taux de couverture des dépenses sociales est assez faible par rapport aux compensations nationales. C’est même l’un des taux les plus bas de France. Saint-Martin nécessite une intervention et un soutien de l’État. Soyez assuré, monsieur Gibbes, que je m’emploierai à défendre ce dossier.

Pour la Nouvelle-Calédonie, nous constatons une hausse des crédits de la mission « Outre-mer » mais aussi de l’effort financier global de l’État. Une intervention sur la filière nickel a été décidée à juste titre. Le projet de loi organique ouvre, entre autres évolutions, la possibilité de créer de nouvelles entreprises publiques locales (EPL). J’ai pu constater lors du congrès des EPL que celles qui sont déjà implantées mènent des expériences très intéressantes. Enfin, je soulignerai la poursuite du programme « Cadres avenir » qui a inspiré celui que nous mettons en place à Mayotte.

Sur l’évolution statutaire de Saint-Pierre-et-Miquelon, je serai rapide : les discussions se sont arrêtées en cours de route et il appartient aux élus de décider de les reprendre ou pas.

Quant à Wallis-et-Futuna, son régime institutionnel a été modifié en 2003 afin que ce territoire devienne une collectivité d’outre-mer. Une actualisation des dispositions statutaires est envisagée dans le projet de loi organique afin de mettre au point un statut plus adapté aux évolutions juridiques, sociales, économiques et environnementales de cette collectivité. Il est prévu notamment une évolution destinée à affirmer clairement le statut organique de la collectivité ; il s’agira également de clarifier la répartition des compétences entre l’État et la collectivité, de préciser les modalités d’association de la collectivité avec des réformes conduites par l’État ainsi que de garantir le rôle de la coutume, élément indispensable au développement économique maritime.

Mme Sage a évoqué les accords de Papeete. Les discussions n’ont pas encore abouti, il est donc compliqué d’intégrer leurs résultats dans le présent budget. Ils seront néanmoins pris en compte dans le projet de loi de finances rectificative. Nous travaillons à ce que les accords soient signés assez rapidement.

Les terres australes et antarctiques françaises (TAAF) constituent à n’en pas douter un enjeu extraordinaire. Je tiens à vous rassurer sur l’effort global consenti par l’État dans le cadre du projet de loi de finances pour 2017 : 22 millions d’euros leur sont consacrés, à un niveau stable. Une subvention exceptionnelle a été attribuée à l’Initiative française sur les récifs coralliens (IFRECOR). Une mission de rationalisation de la flotte océanographique sera confiée à l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer. Par ailleurs, un financement est prévu pour la jouvence du Marion Dufresne, assurée via un partenariat avec l’IFREMER.

J’avais déjà répondu concernant le prêt à taux zéro. L’équivalent fonds vert s’élève à près de 25 millions d’euros, avec un effet levier de 100 millions, peut-être 18 millions dans la partie « intervention de protection du réchauffement climatique ». La question de Maina Sage était un peu différente et nécessiterait peut-être un travail particulier : nous pourrions nous rencontrer afin d’affiner les choses et de vérifier si une intervention directe serait possible ou pas. Pour l’instant, ce n’est pas le cas : il s’agit d’un dispositif d’effet levier sur des prêts à taux zéro auprès de l’Agence française du développement (AFD) mais ma porte est toujours ouverte, madame la députée, vous le savez.

Il n’y a pas d’effort de rationalisation sur le RSMA qui pourrait être de nature à affecter la qualité de sa prestation. C’est précisément parce que nous avons un taux de sortie positif extrêmement intéressant que nous continuons le programme RSMA 6 000.

Je répondrai à présent à Mme Chapdelaine.

La loi sur l’égalité réelle nous a beaucoup mobilisés et nous savons que les efforts devront être poursuivis. Ce texte n’est pas une fin mais juste un début. Nous posons une nouvelle pierre – en termes de démarche, d’efforts, de méthode et de finalité. Nous devons maintenant continuer à suivre notre chemin et maintenir l’effort nécessaire, car les populations attendent.

Nous sommes effectivement en Nouvelle-Calédonie dans un processus très respectueux des parties. Les accords de Nouméa sont respectés. Nous préparons le prochain comité des signataires et les choses se passent plutôt bien. Le devoir de la France est de veiller au respect des procédures et des accords de Nouméa et de faire en sorte que le dialogue continue et que la transparence soit assurée. La procédure est en cours. Nous serons en réunion au début du mois de novembre pour continuer ce travail. Entre-temps, des experts en mission interviennent. C’est un travail sérieux. Le Gouvernement est là où il doit être pour assurer le bon déroulement des choses, le respect de la parole donnée et la transparence.

La Cité des outre-mer sera dotée de 10 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 1,5 million en crédits de paiement pour les études préalables au lancement de l’opération.

M. Gibbes a attiré mon attention sur la question des données chiffrées – absolument nécessaires pour mener des politiques publiques de qualité et pour pouvoir continuer à bénéficier du Fonds européen. Je vous confirme, monsieur le député, avoir demandé à mes services d’étudier la possibilité de mobiliser le CEROM (Comptes économiques rapides de l’outre-mer) pour apporter, en lien avec les DOM, l’INSEE et l’AFD, les premiers éléments de réponse aux besoins que vous avez exprimés.

M. Serville enfin a évoqué un problème de logement mais aussi, au-delà, un problème de fond : l’impact de la migration sur le département de Guyane. Sur le phénomène migratoire proprement dit, je vous propose d’associer le ministère de l’intérieur à nos échanges. Je vous répondrai pour ma part sur l’effort à engager pour démultiplier l’offre de logement sur le territoire guyanais : la LBU est répartie en fonction de critères démographiques qui, pour l’instant, ne vous sont pas forcément favorables mais qui sont pondérés par d’autres critères – le niveau de richesse notamment. La Guyane a de ce fait la possibilité de mobiliser un peu plus que prévu dans ce budget. Et quoi qu’il en soit, il s’agit de fonds fongibles, de sorte que cette année, la Guyane a pu bénéficier de la non-consommation des crédits d’un autre département. Cela ne répond pas, sur le fond, à votre question : la LBU ne permettra pas de répondre à une demande d’une telle ampleur. C’est pourquoi nous avons entrepris des démarches particulières – je pense au Pacte d’avenir avec la Guyane dans le cadre duquel est mis en œuvre le Plan logement. L’effort en faveur du logement social est important mais il ne réglera pas, il est vrai, le problème du poids que représente le phénomène migratoire sur votre territoire. Il ne s’agit pas pour moi de dire que ce sera possible. Il faudra donc engager des démarches très particulières sur les deux sujets que vous avez soulevés.

Mme Françoise Descamps-Crosnier. L’examen de cette mission budgétaire s’inscrit dans un contexte particulier avec l’adoption le 11 octobre dernier en première lecture du projet de loi de programmation relatif à l’égalité réelle outre-mer. Aussi je tiens à saluer le maintien et même la légère augmentation, aussi bien en crédits de paiement qu’en autorisations d’engagements, des moyens de la mission budgétaire. J’ai bien noté tout le travail transversal amorcé en outre-mer et la méthode mise en œuvre, comme vous l’avez précisé, madame la ministre.

Je souhaite vous interroger sur l’état d’avancement d’une mesure réglementaire très attendue et dont le principe législatif a été posé par la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, dont j’ai été la rapporteure à l’Assemblée nationale. La loi établit la notion de « centres d’intérêt matériels et moraux » comme l’un des critères subsidiaires possibles pour la prise en compte des demandes de mutation des agents publics. Cette mesure a été adoptée de manière consensuelle – le Sénat l’a même élargie à la Nouvelle-Calédonie – et était très attendue en outre-mer aussi bien qu’en métropole. Il manque désormais sa mesure d’application réglementaire. D’après l’échéancier d’accompagnement de la loi, la parution du décret était prévue en octobre. Pouvez-vous nous indiquer où en est la préparation de ce texte ?

M. Patrick LebretonAlors que nous examinons l’ultime mission outre-mer de la législature, le bilan de la politique conduite sur nos territoires depuis 2012 peut commencer à être fait. Budget après budget, cette mission a été en augmentation constante. Elle s’est stabilisée au-delà des deux milliards. C’est maintenant un acquis. On observera également que la défiscalisation a été maintenue. Le combat a été âpre – le président Fruteau peut en témoigner –, les oppositions rudes. Mais j’espère qu’il se dégage maintenant un consensus sur le fait que le soutien aux investissements dans nos territoires est vital. Lorsque l’on observe cependant les projets des candidats à la primaire de droite, on peut réellement redouter que les plans d’économies, qui s’élèvent jusqu’à 150 milliards tout de même, se fassent grandement au détriment des ultramarins. Si l’on peut légitimement critiquer les options choisies nationalement, particulièrement en ce qui concerne la réforme du droit du travail, on peut se féliciter de la bienveillance de l’exécutif à l’égard de ses outre-mer. La loi sur la vie chère et celle sur l’égalité réelle sont positives pour nos compatriotes, même si l’on peut regretter qu’elles ne tracent pas encore suffisamment un horizon de développement économique et social clair et durable.

Enfin et à titre plus personnel, je suis globalement satisfait de la dynamique enclenchée par le rapport sur la régionalisation de l’emploi de 2013. Madame la ministre, nous le savons, votre action pour les outre-mer est globale. Aussi mes questions seront-elles d’ordre strictement budgétaire. Je vous interpellerai sur deux points.

Je souhaiterais revenir sur la prise en compte des centres d’intérêt matériels et moraux (CIMM) parmi les critères de mutation des fonctionnaires. Ma collègue en parlait à l’instant et j’enfoncerai un peu plus le clou : pourriez-vous vous engager à publier les textes nécessaires au plus vite ? En clair, les CIMM seront-ils effectifs lors du prochain mouvement des gardiens de la paix au printemps prochain ?

D’autre part, parce qu’une mobilité positive est nécessaire à notre jeunesse et à nos territoires, celle-ci doit être organisée dans des conditions respectueuses et efficaces, ce qui n’est pas encore le cas. Cette année, malgré le retour de l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité (LADOM) dans le giron de votre ministère, force est de déplorer que la campagne de prise en charge des départs depuis La Réunion se soit déroulée dans des conditions, encore une fois, calamiteuses. Nous avons le devoir d’accompagner cette jeunesse qui part se former et qui deviendra demain notre élite locale. Pourriez-vous nous préciser les dispositions que vous entendez prendre afin que LADOM accomplisse enfin ses missions correctement ?

M. Philippe Gomes. En ce qui concerne le budget à proprement parler, je m’associerai aux propos de Maina Sage qui s’est exprimée au nom de notre groupe.

S’agissant de la Nouvelle-Calédonie en particulier, je tiens à souligner, comme l’ont fait plusieurs intervenants, que nous sommes sur un chemin fragile. On n’aborde pas une consultation sur l’indépendance d’un pays les mains dans les poches en sifflotant. Cette consultation est susceptible de faire resurgir certains rapports de force, susceptibles de se traduire par des tensions politiques, ethniques et sociales et par un attentisme économique. Tout cela nécessite d’être géré au plus près par les partenaires de l’accord, c’est-à-dire à la fois les formations politiques indépendantistes et non-indépendantistes et l’État – troisième partenaire de ce dispositif engagé depuis 1988 avec la signature des accords de Matignon.

Je souhaiterais mettre en exergue trois aspects ce budget.

Tout d’abord, le respect par l’État des engagements qu’il avait pris en ce qui concerne les contrats de développement – outil majeur de rééquilibrage pour notre pays depuis 1988. 376 millions d’euros ont été inscrits pour la nouvelle période allant de 2017 à 2021 : cette dernière va au-delà de 2018, ce qui a le mérite de nous permettre de nous projeter. J’ai une inquiétude en ce qui concerne les crédits de paiement, inscrits pour l’année 2017, qui visent à permettre la finalisation des contrats 2011-2016, à hauteur de 58 millions d’euros : est-on vraiment sûr qu’ils seront suffisants pour nous permettre d’honorer l’ensemble de nos engagements ?

Je tiens ensuite à saluer l’inscription des crédits en faveur de la construction des lycées du Mont-Dore et de Pouembout, prévue comme relevant du financement de l’État aux termes de la loi organique, nonobstant le fait que la compétence en matière d’enseignement ait été transférée à la Nouvelle-Calédonie depuis le 1er janvier 2012. À l’heure actuelle, la ministre de l’éducation nationale est en visite officielle en Nouvelle-Calédonie et doit inaugurer en ce moment même le lycée de Pouembout, dénommé lycée Michel Rocard en mémoire de celui qui a été l’instigateur et l’âme des accords de Matignon, prévoyant la réalisation de ce lycée agricole en Province Nord.

Enfin, je tiens à appeler votre attention sur les crédits inscrits en faveur de Cadres Avenir – l’équivalent de la dotation globale d’autonomie (DGA) en Polynésie, c’est-à-dire des crédits qui doivent être sanctuarisés. Ils s’inscrivent dans une opération de rééquilibrage au profit des Kanaks du pays, instaurée en 1988 et ayant permis depuis maintenant trente ans de former 1 500 cadres – une élite dont on ne disposait pas jusqu’alors. Ces crédits ont subi un coup de rabot et ont visiblement servi de variable d’ajustement budgétaire en 2016, pour se retrouver à 5,917 millions d’euros alors qu’ils s’élevaient à 6,217 millions en 2015. Cette année, le budget prévoit une allocation de 6,838 millions, à ceci près que ces crédits sont mélangés avec ceux de Wallis-et-Futuna, très marginaux, mais également ceux, nouvellement initiés, de Mayotte. Quelle part de ces 6,838 millions sera-t-elle affectée à la Nouvelle-Calédonie ? Je rappelle que lors du comité des signataires de 2013, l’État s’est engagé dans le relevé de conclusions, sous la présidence du Premier ministre, à ce que 800 000 euros soient inscrits annuellement en faveur des MBA de façon à ce que les Calédoniens aient eux aussi accès à ce type de formation. Si l’on additionne les 6,2 millions de 2015 à ces 800 000 euros, la Nouvelle-Calédonie devrait bénéficier de 7 millions d’euros sur le budget de Cadres Avenir : a priori, le compte n’y est pas. J’appelle votre attention sur cette importante question, a fortiori à la veille du comité des signataires du 7 novembre prochain.

M. Bruno Nestor AzerotNous voterons bien évidemment votre budget 2017 dans la mesure où les grands équilibres de la mission sont globalement préservés. Je me félicite notamment de voir l’accès au logement outre-mer de nouveau privilégié, en particulier dans les champs de la rénovation urbaine et de la réhabilitation du parc social. J’ai déposé en ce sens un amendement dans le cadre du projet de loi outre-mer auquel vous avez eu l’amabilité d’être favorable. Je vous en sais gré. C’est le gage d’un bon objectif.

Je voudrais ce soir cibler ma question sur les fonds de secours pour l’outre-mer. Vous savez, madame la ministre, que l’ouragan Matthew a fait dans la Caraïbe d’énormes dégâts. En Martinique, le secteur agricole a été sérieusement touché. Vous avez pu vous en apercevoir lors de votre visite aux Antilles la semaine dernière. La sole bananière a notamment été affectée entre 50 et 60 %, avec une grande hétérogénéité spatiale, ce qui rendra très difficiles les évaluations des pertes. Les professionnels estiment ces dernières à hauteur de 50 %, soit, sur une prévision attendue de 57 000 tonnes d’ici à la fin de l’année, une perte en volume d’environ 35 000 à 40 000 tonnes qui se répercutera sur 2017 puisqu’il faudra replanter. Bref, les pertes de fonds sont estimées à environ 22 millions d’euros se répartissant en 8 millions d’euros de pertes de fonds cyclonage et 14 millions de pertes de fonds de replantation en 2017. Dès lors, l’intervention urgente du fonds de secours s’impose – vous l’avez annoncée ce week-end, ce qui est bien – non seulement pour maintenir les investissements programmés, mais également pour nettoyer, relancer et replanter les plantations endommagées. Pouvez-vous nous confirmer que l’intervention du fonds de secours se fera à un niveau satisfaisant pour la filière de la banane ?

Autre question qui m’importe encore plus en l’absence de réelle égalité d’accès au fonds national pour les calamités agricoles : sur quelle base le fonds de secours qui s’adresse, lui, à tous les secteurs et à toutes les personnes, interviendra-t-il dans le secteur bananier ? J’ai énormément d’inquiétudes au regard de ce qui s’est passé il y a trois ans avec la tempête Chantal sur les petits agriculteurs du secteur bananier. Sur le fondement de la circulaire interministérielle du 11 juillet 2012, les pertes de récoltes sont en effet indemnisées sur une base maximale de 35 %, avec un abattement forfaitaire allant de 5 à 80 % selon l’âge des plantations. Lors de la tempête Chantal, le taux a été fixé pour tous à 50 % au moment même où les plans Banane durable I et II imposent une généralisation des jachères et une extension des durées de plant en champ qui fait vieillir structurellement les bananiers.

Bref, lors de la tempête Chantal, les indemnisations sont intervenues tardivement, si bien que beaucoup de petits planteurs se sont retrouvés pendant deux ans sans ressources, et seulement à hauteur de 50 % de 35 % des pertes. C’est scandaleux. Cela fait disparaître nombre de petits producteurs qui n’ont pas pu se relever. Dites-moi que les indemnisations seront rapides et que cette circulaire ubuesque de 2012 sera supprimée pour redonner de l’espoir aux producteurs de bananes.

M. Didier Quentin. J’associe à ma question mes collègues Daniel Gibbes et Patrice Martin-Lalande. Nous sommes tous d’accord pour dire que les départements d’outre-mer sont confrontés aux mêmes maux économiques que ceux qui affectent la métropole, mais avec une intensité beaucoup plus forte.

Les choix du Gouvernement ne semblent pas favoriser vraiment la création d’emplois, malgré les zones franches ultramarines, puisque les dispositifs spécifiques d’allégement des charges fiscales et spéciales consacrés à l’outre-mer y sont réduits de plus de 68 millions d’euros. Ce nouveau coup de rabot accentue encore le déficit de compétitivité des entreprises de nos départements d’outre-mer par rapport à leur environnement régional, en particulier dans le secteur du tourisme.

Ces régions ultramarines ne peuvent s’en sortir qu’avec un dispositif spécifique – un taux de crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) applicable aux activités touristiques non pas de 12 %, comme vous le proposez, mais d’au moins 18 %. Je rappelle que ce renforcement du CICE en faveur du secteur du tourisme ultramarin est conforme à l’esprit du rapport présenté par nos collègues Jean-Claude Fruteau et Daniel Gibbes sur la déclinaison outre-mer du Pacte de responsabilité et de solidarité, rapport qui avait été adopté à l’unanimité par la délégation aux outre-mer de notre Assemblée.

C’est pourquoi, madame la ministre, je vous serais très reconnaissant de nous présenter un bilan de l’application du CICE outre-mer et de m’indiquer les mesures que vous entendez prendre pour enclencher un véritable rattrapage en faveur de l’économie de nos DOM et de nos COM afin qu’une réelle équité de traitement soit bien assurée avec la métropole.

Par ailleurs, je voudrais vous interroger sur la situation à Mayotte après les événements de ces derniers mois. D’une part, il semble que sur 1 milliard d’euros de dépenses liées à l’aide médicale de l’État (AME) quelque 270 millions d’euros aient été consommés pour le seul département de Mayotte. Je rappelle que le Centre hospitalier de Mamoudzou possède la première maternité de France avec, en cette année 2016, entre 10 000 et 10 500 naissances. Je vous serais donc reconnaissant de m’apporter des précisions sur l’utilisation de l’AME à Mayotte et de nous dire comment vous entendez encadrer l’explosion des naissances dans notre cent-unième département.

Enfin, il m’a été signalé que certaines violences auraient été commises récemment contre des professeurs métropolitains, mais aussi que certains membres du corps enseignant seraient fichés « S » par la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI). Pouvez-vous donc m’indiquer, madame la ministre, les mesures que vous entendez prendre sur ce sujet sensible – et, plus largement, les mesures que vous avez prises pour répondre à la violence et à l’insécurité qui règnent à Mayotte sur fond de crise sociale majeure depuis les graves incidents du mois d’avril dernier ?

M. Dominique Lefebvre, présidentJe vais redonner la parole à M. Aboubacar, car il souhaitait, madame la ministre, vous poser une question qui n’entre pas dans le cadre de son rapport.

M. Ibrahim Aboubacar. Je vous remercie de votre bienveillance, monsieur le président. J’ai en effet pris soin de ne m’exprimer, tout à l’heure, que sur les COM ; or, je souhaiterais interroger Mme la ministre sur la situation des collectivités territoriales de Mayotte.

Mais, tout d’abord, je m’étonne des propos qui viennent d’être tenus : l’AME n’étant pas applicable dans ce territoire, je serais heureux de savoir où passent les 260 millions d’euros évoqués par notre collègue, car ils représenteraient une véritable aubaine pour le système de santé de Mayotte !

J’en viens à ma question. La situation financière des collectivités de Mayotte m’inquiète tout particulièrement. En effet, cette année, pour des raisons tant conjoncturelles que structurelles, les budgets de sept des vingt-six collectivités territoriales ont dû être arrêtés par le préfet. La Cour des comptes a largement rendu compte des raisons de cet état de fait dans son rapport thématique intitulé : « La départementalisation de Mayotte : une réforme mal préparée et mal exécutée », qu’elle nous a présenté au mois de janvier dernier ; je n’y reviendrai donc pas. Cependant, ce rapport a servi de base aux échanges que les élus de Mayotte ont pu avoir, le 26 avril dernier, avec le Premier ministre, lequel a pris, à cette occasion, dix engagements dont la traduction doit figurer dans les textes financiers que nous devons discuter en cette fin d’année. Sans rappeler ces engagements, que vous connaissez parfaitement, madame la ministre, je souhaiterais savoir où en sont les travaux menés en vue de leur traduction dans les textes budgétaires que nous allons examiner : le projet de loi de finances, le projet de loi de financement de la sécurité sociale et le projet de loi de finances rectificative.

M. Philippe Naillet. Madame la ministre, je veux à mon tour saluer la hausse du budget des outre-mer, qui intervient après l’adoption en première lecture du projet de loi relatif à l’égalité réelle outre-mer – un texte consistant même s’il n’est pas une fin en soi : de fait, les outre-mer sont bien redevenus une priorité.

Ma question porte sur le logement social. Outre, la sanctuarisation de la LBU, le crédit d’impôt et la fin de l’agrément fiscal, qui nous permettront de répondre plus rapidement et plus fortement à la demande, le budget prévoit 15 millions d’euros d’autorisations d’engagement en faveur des réhabilitations. Pouvez-vous nous rassurer sur le fait que ces crédits seront consacrés à des logements situés hors du périmètre de l’ANRU ? Par ailleurs, il faut souhaiter que le processus de mise en œuvre des opérations de réhabilitation et d’obtention des crédits soit le plus simple possible, comme pour le logement neuf, pour lequel nous avons obtenu du Premier ministre la suppression de l’agrément fiscal.

Mme Ericka Bareigts, ministre des outre-mer. En ce qui concerne la prise en compte des centres d’intérêt moraux et matériels, je veux d’abord saluer le travail conséquent accompli par votre collègue M. Lebreton, sur la régionalisation de l’emploi, qui a permis d’amender notamment le projet de loi relatif à l’égalité réelle outre-mer. Les décrets sont en cours d’élaboration au ministère de la fonction publique. Nous veillerons à ce qu’ils soient publiés au plus vite, afin que nous puissions, dans le cadre des prochaines commissions administratives paritaires (CAP) de l’année prochaine, bénéficier du fruit de ce travail collectif qui nous a beaucoup mobilisés.

S’agissant de l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité, monsieur Lebreton, j’ai pris, dès ma nomination, des mesures d’urgence, notamment l’ouverture des antennes de LADOM dans les régions, afin d’être au plus près des personnes concernées. Car, vous avez raison de le souligner, il nous faut désormais privilégier une approche en termes de projet et non plus en termes de guichet. C’est ce que nous allons faire dans le cadre de la réforme de LADOM et des mesures prises dans le projet de loi relatif à l’égalité réelle outre-mer. Ainsi, nous pourrons, je l’espère, nous inscrire dans une dynamique de mobilité aller-retour et suivre nos jeunes qui, une fois qu’ils sont partis, sont, hélas ! mal identifiés par les territoires.

Monsieur Gomes, nous avons identifié quant à nous un montant de 5,4 millions d’euros pour le programme Cadres avenir. Pour ce qui est des contrats de développement. Nous avons inscrit 57 millions d’euros pour le financement de la nouvelle génération, qui débutera en 2017, et nous serons attentifs au règlement de la génération précédente, en y consacrant les crédits de paiement nécessaires.

En ce qui concerne les fonds d’intervention d’urgence, monsieur Azerot, je me suis rendu en Martinique, où j’ai réuni l’ensemble des professionnels. Le fonds de secours est totalement ouvert. Nous avons pris rapidement des dispositions, car il y a urgence en ce qui concerne non seulement la banane et la canne, mais aussi la diversification. Encore une fois, les crédits sont ouverts. Les professionnels nous ont cependant interrogés sur un élément technique lié à une question de taux. Nous avons donc demandé à la Direction de l’agriculture et de la forêt – DAF – de réfléchir sérieusement, en lien avec eux, à d’éventuelles pistes que nous pourrions explorer. En tout état de cause, nous prenons l’engagement d’y travailler et d’y réfléchir.

Par ailleurs, sans vouloir polémiquer, je précise que les exonérations auraient subi un coup de rabot, comme cela a été dit, si nous avions procédé à une réforme des exonérations de cotisations salariales. Or, la réforme porte uniquement sur les cotisations des travailleurs indépendants. En ce qui concerne les cotisations salariales, la réforme, voulue et assumée, qui a consisté à recentrer les exonérations sur les bas salaires, est intervenue en 2013 et 2014. Elle a produit mécaniquement les 60 millions de pertes que nous avons sur cette ligne, mais ses effets sur l’emploi sont plutôt positifs. Bien entendu, le résultat est en deçà des attentes, compte tenu de l’intensité de la situation dans nos territoires, où le taux de chômage atteint 30 %, voire 60 % chez les jeunes. Mais l’évolution est positive, puisque, entre 2012 et la mi-2016, la hausse dans les DOM s’établit à 5,6 %. Il nous faut donc continuer à travailler pour intensifier ce mouvement.

En ce qui concerne la rénovation du logement social, monsieur Naillet, nous avons modifié les taux – 40 % – et les montants – 50 000 euros –, mais nous restons dans le périmètre ANRU. L’année dernière, nous n’avons eu aucune dépense dans ce secteur, tout simplement parce que l’aide telle qu’elle avait été conçue était très en dessous de ce que peuvent représenter les travaux de réhabilitation, quel que soit le parc. En modifiant, à la demande des bailleurs sociaux d’ailleurs, le volume des travaux concernés, nous espérons que cette aide sera utilisée, car il y a du travail, même dans les zones NPRU.

M. Dominique Lefebvre, présidentJe vous remercie, madame la ministre, pour vos réponses qui ont permis d’éclairer nos débats.

La réunion de la commission élargie s’achève à vingt-trois heures dix.

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