Accueil > Projet de loi de finances pour 2017 > Les comptes rendus des commissions élargies (plf 2017) > Compte rendu intégral

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Assemblée nationale

commission élargie

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

Commission des lois constitutionnelles,
de la législation
et de l’administration générale de la République

(Application de l’article 120 du Règlement)

Vendredi 4 novembre 2016

Présidence de M. Gilles Carrez,
président de la commission des finances,
et de M. Dominique Raimbourg,
président de la commission des lois.

La réunion de la commission élargie commence à quinze heures cinq.

projet de loi de finances pour 2017

Gestion des finances publiques et des ressources humaines
Crédits non répartis
Régimes sociaux et de retraite
Gestion du patrimoine immobilier de l’État
Pensions

M. le président Gilles Carrez. Mes chers collègues, nous sommes très heureux d’accueillir Mme Annick Girardin, ministre de la fonction publique, et, à nouveau, M. Eckert, secrétaire d’État chargé du budget, que nous voyons presque tous les jours, soit parce qu’il est directement concerné par les missions que nous examinons, soit parce qu’il supplée des ministres en déplacement. C’est le sort d’un ministre du budget que d’être taillable et corvéable à merci, et vous êtes toujours le bienvenu ici, monsieur le secrétaire d’État.

Nous sommes réunis cet après-midi pour vous entendre sur les crédits du projet de loi de finances pour 2017 consacrés aux missions « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », « Crédits non répartis » et « Régimes sociaux et de retraite » ainsi que sur les comptes spéciaux qui y sont associés.

Je rappelle que, selon les règles de nos commissions élargies, je donnerai d’abord la parole, pour cinq minutes, à chacun de nos rapporteurs, puis, après vos réponses, aux représentants des groupes, pour cinq minutes également. Enfin, ceux de nos collègues qui le souhaitent disposeront de deux minutes pour vous interroger.

Je passe maintenant la parole au président de la commission des lois, avec qui j’ai le plaisir de coprésider cette commission élargie.

M. le président Dominique Raimbourg. Le plaisir est partagé, mon cher collègue. Je suis également heureux de vous accueillir, madame la ministre de la fonction publique, monsieur le secrétaire d’État chargé du budget. Puisque nous sommes vendredi après-midi, je ne serai pas plus long et je vous propose que nous entendions sans plus attendre nos rapporteurs.

Mme Karine Berger, rapporteure spéciale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour les crédits relatifs à la conduite et au pilotage des politiques économiques et financières. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, après avoir étudié, au cours des années précédentes, le pilotage des recettes fiscales et celui de dépenses, nous nous sommes interrogés cette année sur le point de savoir si les règles budgétaires européennes facilitaient ou non le pilotage des finances publiques.

Nous avons donc, tout d’abord, retracé l’évolution de ces règles, du Pacte de stabilité et de croissance jusqu’au Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG), en passant par les deux réformes du Pacte de stabilité et de croissance, le « Two Pack » et le « Six Pack ». Qu’avons-nous découvert ? Premièrement, la progression de la dette publique de l’Union européenne – « l’éléphant dans la pièce » – accumulée au cours des vingt dernières années et qui atteint aujourd’hui un montant considérable n’a jamais été stoppée par l’application des règles budgétaires européennes, quelles qu’elles soient. Nous illustrons ce constat en citant certains chiffres qui montrent que même la dette publique de l’Allemagne est restée, pendant de très nombreuses années, supérieure à la limite de 60 % du PIB qui avait été fixée dans le traité de Maastricht.

Deuxièmement – et c’est peut-être l’élément le plus important de ce rapport –, ces règles n’ont jamais été appliquées au sens juridique du terme, car on en a fait progressivement une lecture politique. De fait, à chaque fois que leur application posait problème, il s’est trouvé des pays européens pour bâtir au sein du Conseil européen, sinon un consensus, du moins une majorité claire afin d’écarter les recommandations de la Commission en la matière. Les règles budgétaires européennes ne sont donc pas tant « stupides », comme les avait qualifiées Romano Prodi en 2002, qu’extrêmement politiques.

Troisièmement, le TSCG repose sur une notion très théorique, celle de croissance potentielle et de solde structurel, de sorte que nous collaborons, ou non, avec la Commission européenne sur le fondement de chiffres très difficiles à établir de manière transparente et qui, en tout état de cause, ne font pas l’objet d’un consensus. À preuve, nous avons comparé, page 29 de notre rapport, les dernières estimations, par le Gouvernement et par la Commission, des écarts de production et de solde structurel de la France. En 2015, la croissance potentielle de notre pays telle qu’évaluée par le Gouvernement est de 1,1 point de PIB alors qu’elle est, selon la Commission, de 0,8 ; quant au solde structurel qui en résulte, il est de moins 1,9 selon le Gouvernement et de moins 2,4 selon la Commission. En 2016, l’écart entre les deux évaluations s’accroît, puisqu’il est d’un demi-point s’agissant de la croissance potentielle et de 0,8 point s’agissant du solde structurel.

Comment est-il possible d’avoir un débat politique sur la situation de la France dans le cycle économique si les chiffres calculés selon les règles des traités ne font pas l’objet d’un consensus ? Nous rappelons, du reste, d’une part, que M. Padoan et un certain nombre d’autres ministres des finances européens ont entrepris une démarche pour remettre en cause le mode de calcul de la croissance potentielle et, d’autre part, que plusieurs membres de la Commission des finances ont demandé à Pierre Moscovici de revoir cette évaluation. J’en viens donc à ma première question, monsieur le secrétaire d’État. Comment peut-on piloter correctement les finances publiques de notre pays si nous ne sommes pas d’accord avec la Commission européenne sur les évaluations ?

Quatrièmement, il est fait une application très politique des règles budgétaires européennes. Nous avons en effet découvert que, contrairement à une idée reçue, il existe différentes façons d’écarter l’application stricte de ces règles. Ainsi, lorsque le Conseil européen considère que certains faits exceptionnels, qu’il s’agisse de la situation dans le cycle économique ou de chocs très particuliers, affectent l’Europe, un consensus politique se forme pour ne pas appliquer les règles. C’est ce que le Président de la République a résumé, dans son discours du 16 novembre 2015 devant le Congrès, à Versailles, en déclarant : « Le pacte de sécurité l’emporte sur le pacte de stabilité. » Un certain nombre de pays européens, notamment la Belgique et l’Italie, ont ainsi sollicité, au cours des derniers mois, la non-application de ces règles en raison de la crise migratoire et de la crise liée au terrorisme. En revanche, nous avons découvert, lors des auditions – et cela été confirmé à la fois par la direction du Trésor, la direction du budget et le cabinet de M. Sapin – que la France n’avait pas demandé que soient écartées les dépenses supplémentaires, évaluées à 1,5 milliard par la direction du budget, qu’elle a engagées en raison de ces deux crises. Pourtant, dans un contexte où l’Union européenne est fragilisée, le fait de considérer qu’un consensus politique émerge pour écarter les règles budgétaires à des moments critiques serait un merveilleux message adressé aux peuples européens.

J’en viens donc à ma seconde question, qui est une question politique car elle n’a pas de réponse juridique : pourquoi la France n’a-t-elle pas saisi l’opportunité d’avoir une lecture politique des traités européens dans le cadre du budget 2017 ?

M. Camille de Rocca Serra, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour les crédits relatifs à la gestion fiscale et financière de l’État et du secteur public local, et à la facilitation et à la sécurisation des échanges. Messieurs les présidents, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, j’ai suivi, en tant que rapporteur spécial, les crédits de la Direction générale des finances publiques – DGFIP – et ceux de la Direction générale des douanes et droits indirects – DGDDI – sur l’ensemble de la législature. L’examen du budget de l’année 2017 offre une excellente occasion de faire le point sur l’action de ces administrations, leurs moyens et leurs résultats car, sur cette période, les directions à réseau du ministère des finances et des comptes publics ont mené des plans d’économies ambitieux.

J’ai soutenu la révision générale des politiques publiques initiée par la précédente majorité, qui a permis de réels gains d’efficience au sein des administrations publiques, notamment grâce à d’importantes économies de personnel. La fusion des services a contribué à améliorer la productivité et à maintenir la qualité du service sans abandonner aucune mission. La création de la DGFIP, issue de la fusion des anciennes directions générales des impôts et de la comptabilité publique, en est un excellent exemple. Sous la législature actuelle, le Gouvernement a continué sur cette lancée. Entre 2008 et 2015, la DGFIP et la DGDDI auront ainsi supprimé près de 20 000 postes, soit près de 15 % de leur effectif total.

Néanmoins, le budget 2017, dernier budget du quinquennat, est en décalage par rapport aux précédents, et les crédits de paiement repartent à la hausse pour les deux programmes. Les gisements de productivité semblent donc taris. À la DGFIP, les suppressions de postes sont moins importantes que par le passé, car il faut accompagner la mise en œuvre du prélèvement à la source. La DGDDI, de son côté, a bénéficié d’une rallonge budgétaire et de créations de postes dans le contexte sécuritaire et migratoire actuel. Les résultats de ces deux administrations sont satisfaisants. Le volume des droits recouvrés et des saisies effectuées par la DGDDI est en hausse, et la DGFIP a bénéficié de rentrées fiscales importantes, notamment grâce à la « manne » du Service de traitement des déclarations rectificatives, le STDR.

Certes, la DGFIP et la DGDDI sont toutes deux engagées dans une profonde dynamique de modernisation : elles ont revu leur organisation, ont développé de nouvelles méthodes de contrôle et de ciblage et ont porté des projets de dématérialisation ambitieux. Je salue la capacité d’adaptation de ces administrations, que j’ai pu mesurer, notamment lorsque j’ai eu la chance de visiter les locaux du nouveau Service d’analyse de risque et de ciblage des douanes, le SARC, qui permet de professionnaliser l’analyse de risque. Je continue néanmoins de m’interroger sur la capacité de nos administrations à maintenir la qualité du service public et à préserver l’ensemble de leurs missions alors que, sur une longue période, leurs moyens ont diminué.

Monsieur le secrétaire d’État, je souhaiterais vous poser cinq questions.

La première concerne le programme 156. L’année 2017 sera marquée par la mise en œuvre du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu. Je salue le travail considérable accompli par les services pour préparer la réforme, même si je ne cache pas mon opposition à ce projet, serpent de mer de la réforme du mode de recouvrement. Quelles seront les conséquences de cette réforme sur l’organisation des services ? Pourriez-vous nous indiquer son coût estimé pour les entreprises, qui s’occuperont de collecter l’impôt et de le reverser à l’État ? Enfin, la qualité du recouvrement sera-t-elle assurée ?

La deuxième concerne le programme 302. Plus de 500 créations nettes de postes ont été annoncées sur deux ans, en 2016 et 2017. Je me réjouis de ces créations, qui sont nécessaires dans le contexte actuel et permettront de mieux assurer la sécurité de nos concitoyens ainsi qu’une meilleure protection de nos frontières. L’administration fait du mieux qu’elle peut pour former ces nouvelles recrues dans un délai très court. Pouvez-vous nous indiquer quand celles-ci seront opérationnelles ?

Troisièmement, je souligne dans mon rapport que, concernant la rallonge de 45 millions d’euros, hors titre 2, accordée aux douanes au titre du plan de lutte antiterroriste, seuls 4 % des crédits de paiement avaient été consommés au 31 juillet 2017, ce dont je m’inquiète. Qu’en est-il actuellement ?

Cette question fait écho à une interrogation que j’avais formulée l’année dernière : les moyens matériels de la douane sont vieillissants, ce qui ne facilite pas l’accomplissement de ses missions de surveillance et de lutte contre les trafics. Ainsi, en Méditerranée, le nombre de navires inspectés par la direction garde-côtes de Marseille a diminué de près de 40 % entre 2012 et 2015. Pouvez-vous m’assurer que cette diminution ne se traduit pas par une baisse de la qualité de la surveillance de cette zone ? Concernant le SARC, les plans de formation proposés aux agents répondent-ils aux besoins de ce nouveau service ?

Enfin, je me réjouis d’apprendre qu’après plusieurs mois de retard, la société Safran a finalement livré le pilote opérationnel permettant la mise en service du projet Passenger name record. Pouvez-vous nous dire quand ce projet, qui vise à améliorer la sécurité des passagers aériens, sera totalement opérationnel ?

Enfin, et ce sera ma dernière remarque, je souhaite appeler votre attention sur le fait que certaines réponses au questionnaire budgétaire ont été transmises longtemps après la date butoir du 10 octobre, alors que les services avaient fourni un excellent travail et avaient rendu leurs réponses à temps.

M. Jean-Louis Dumont, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour les crédits relatifs à la politique immobilière de l’État et au compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État ». Messieurs les présidents, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’année 2016 a été marquée, s’agissant de la gestion du patrimoine immobilier de l’État, par la transformation du service général en une Direction de l’immobilier de l’État (DIE) et par la création d’une Conférence nationale de l’immobilier public. Cette réforme, qui a permis de supprimer – c’est suffisamment rare pour être souligné – cinq instances, traduit un réel effort de professionnalisation des missions et de simplification des procédures. Je regrette néanmoins que la DIE ne soit pas directement rattachée au ministre, lequel pourrait ainsi être chargé non seulement du domaine mais aussi du contrôle et de l’évaluation et disposer, face à ses collègues et aux opérateurs de l’État, d’une autorité politique qui permettrait d’améliorer les bilans annuels.

À ce propos, je souhaiterais savoir, monsieur le secrétaire d’État, dans quelles conditions vous pourrez nous présenter dorénavant un bilan synthétique des progrès enregistrés dans la gestion de l’immobilier de l’État. En effet, les recettes du compte d’affectation spéciale sont évaluées à 585 millions d’euros, dont 500 millions tirés du produit des cessions et 85 millions seulement liés au produit des redevances domaniales. On n’atteint même pas 100 millions ! Il convient donc d’aller beaucoup plus loin, d’autant que, si les règles de fonctionnement d’un compte d’affectation spéciale sont plus protectrices que celles d’un programme, la contribution du budget général ne peut excéder 10 % des recettes du compte. Celles-ci doivent donc couvrir durablement les dépenses.

Une réflexion sur les modes de financement de la politique immobilière de l’État me paraît donc incontournable, les biens cessibles de grande valeur étant de moins en moins nombreux. Ils subissent, en outre, de plus en plus de pertes de valeur en raison d’étiquetages municipaux indiquant qu’ils ne peuvent être vendus à l’encan au meilleur prix. Certes, cette perte de valeur peut s’expliquer également – dans ce cas, c’est pour une bonne cause – par la décote appliquée pour le logement locatif social. Néanmoins, il faut être très vigilant quant à ces décotes, à leur application et aux opérateurs qui en bénéficient. En effet, que fera l’État si ceux-ci ont, plus tard, la capacité de déconventionner le logement locatif social et de vendre le bien ? Je sais que des précautions existent, mais votre rapporteur s’interroge sur la réalité juridique du contrôle effectif à venir. Les enjeux financiers étant particulièrement importants dans les grandes métropoles, particulièrement celle de la capitale, nous devons nous entourer de toutes garanties.

Par ailleurs, j’avais déposé, en première partie du projet de loi de finances, deux amendements que je n’ai malheureusement pas pu défendre. Le premier visait à affecter, à l’instar des redevances domaniales, les revenus des loyers budgétaires au CAS. Êtes-vous favorable à cette proposition, monsieur le secrétaire d’État ?

Le second amendement portait sur l’extension du dispositif des loyers budgétaires aux établissements publics nationaux soumis à convention d’utilisation. Je sais que la mise en œuvre d’une telle mesure peut être un peu lourde et discutée – elle est, du reste, parfois discutable. Mais il me paraît important que chacun des occupants d’un immeuble en connaisse le coût. Cela pourrait conduire à mener une réflexion plus approfondie, et les Schémas pluriannuels de stratégie immobilière – SPSI – pourraient mieux prendre en compte la réalité financière des coûts et les éventuelles recettes.

Je veux évoquer enfin la question du ratio plafond de douze mètres carrés de surface utile nette par poste de travail. Cette estimation semble encore considérée comme ne devant pas toujours être prise en compte. Pourtant, le respect de ce plafond entraînerait une économie de 1,9 million de mètres carrés dans les services centraux où, on le sait, certains bureaux sont inoccupés. Il convient donc de rappeler à chaque ministre et à chaque opérateur ses responsabilités en la matière.

En conclusion, j’ai suivi un des indicateurs de performance relevant de l’optimisation du parc immobilier de l’État ; il s’agit de la durée de la vente des biens cessibles dont l’inutilité est avérée. Cette durée s’établit toujours à seize mois. Or, lorsqu’une maison d’arrêt déménage, par exemple, cela signifie qu’un immeuble a été construit dont les travaux ont démarré à une date donnée et ont été achevés à une date que l’on peut connaître. Il y a donc encore beaucoup, beaucoup à faire pour améliorer la gestion de l’immobilier de l’État, et votre rapporteur souhaiterait être entendu de temps à autre.

M. Alain Chrétien, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour les crédits relatifs à la mission « Régimes sociaux et de retraite » et au compte d’affectation spéciale « Pensions ». Mes chers collègues, le rapport que vous m’avez confié porte sur les crédits relatifs aux régimes sociaux et de retraite, principalement sur les pensions versées par l’État à ses agents retraités, ainsi que sur les subventions d’équilibre accordées à certains régimes spéciaux. Les six programmes concernés totalisent près de 64 milliards d’euros, soit près de 15 % de dépenses du budget général. Parmi ces 64 milliards, 57,7 milliards concernent les pensions des fonctionnaires et 6,3 milliards les subventions d’équilibre, versées principalement aux régimes de la SNCF et de la RATP.

Il convient tout d’abord de relever que les dépenses du compte d’affectation spéciale « Pensions », créé en 2006, ont progressé trois fois plus vite que celles du budget général. Ainsi, entre 2006 et 2015, ce sont plus de 10 milliards d’euros de dépenses, qui représentent le tiers des dépenses supplémentaires de l’État. Les estimations du projet de loi de finances font apparaître une relative stabilité pour l’année prochaine et un solde cumulé confortable, de l’ordre de 2,2 milliards. Toutefois, sur le long terme, le poids des retraites publiques continuera de peser lourdement sur le budget de l’État, qui contribue, rappelons-le, à hauteur de 73 % aux recettes du compte d’affectation spéciale.

Le pilotage du système de retraite publique et son architecture méritent donc réflexion, d’autant que la Cour des comptes, dans son rapport d’octobre 2016, incite les pouvoirs publics à engager des actions rapides afin de poursuivre ces réformes. En effet, les mesures de convergence prises depuis 2010 – augmentation du taux et allongement de la durée de cotisation, décalage de la borne d’âge – devraient alléger la charge du compte d’affectation spéciale de près de 3 milliards d’euros en 2017.

L’alignement public-privé à un horizon défini doit être un objectif central afin de permettre l’égalité des Français devant la retraite et de contribuer à la réduction des prélèvements obligatoires, indispensable à la compétitivité de notre économie.

Le service des retraites de l’État, récemment créé, doit disposer de moyens supplémentaires pour accélérer l’activation escomptes individuels de retraite dont seulement 11 % des effectifs lui ont été transférés.

L’État, dans un rapport de l’Inspection générale de l’administration et de l’Inspection générale des affaires sociales, a lui-même reconnu qu’il était dans l’incapacité de mettre en œuvre le compte pénibilité qu’il impose pourtant aux entreprises privées. La classification « active » et « super-active » paraît, par ailleurs, de plus en plus archaïque. Il est donc indispensable de construire un système harmonisé de reconnaissance de la pénibilité, afin de mettre un terme à ce que la Cour des comptes considère, dans la synthèse de son rapport, comme des « différences peu justifiables s’agissant de certains métiers, comme celui d’aide-soignante, exercés à la fois dans le secteur public et le secteur privé ».

La création d’une véritable caisse de retraite des agents de l’État constitue donc une étape indispensable vers l’alignement public-privé. Elle renforcera la transparence des comptes et la gestion exhaustive des personnels de l’État. Rappelons enfin que le compte général de l’État fait apparaître un niveau d’engagement des retraites hors bilan d’environ 1 535 milliards d’euros à la fin 2015.

La mission « Régimes sociaux et de retraite » retrace également la contribution du budget de l’État à neuf régimes spéciaux de retraite, principalement ceux de la SNCF, pour 4 milliards d’euros, et de la RATP, pour 600 millions d’euros. Ces régimes en déséquilibre démographique sont financés aux deux tiers par le budget de l’État. Ils ont fait l’objet de mesures de convergence avec le régime de la fonction publique, mais force est de constater que des disparités subsistent, notamment en ce qui concerne l’âge moyen de départ à la retraite. Il est aujourd’hui très difficile de mesurer l’impact de la réforme de 2008 sur ces régimes. Les mesures consenties par les entreprises publiques pour les accompagner en ont fortement réduit les impacts sur le court terme.

Quoi qu’il en soit, la subvention des régimes spéciaux pèsera encore longtemps dans les comptes de l’État, faute d’une accélération de la convergence avec le régime de la fonction publique puis, à terme, avec celui du régime général. La perspective d’un régime universel de retraite par points basé sur les métiers et non sur les statuts, tenant compte de manière harmonisée de la pénibilité, est un objectif indispensable pour assurer l’égalité des Français face à la retraite. Cette égalité nécessite de prendre en compte l’ensemble des régimes spéciaux. Le régime des députés, par exemple, présente d’importantes similitudes avec ceux de la RATP et de la SNCF, notamment parce qu’il bénéficie, lui aussi, d’une subvention d’équilibre représentant 60 % du budget.

L’acceptabilité d’une réforme maintes fois repoussée nécessite une exemplarité de la part de ceux qui devront la défendre. Comment exiger des cheminots la convergence de leur régime avec celui de leurs compatriotes si, dans le même temps, les parlementaires continuent de s’exonérer de cette démarche ? Alors, oui, il faut éteindre les régimes spéciaux de retraite, y compris celui des parlementaires, députés et sénateurs. Nous devons en effet consentir les mêmes efforts que ceux que nous demandons aux Français.

Monsieur le secrétaire d’État, le Gouvernement compte-t-il continuer à prendre des mesures qui vont dans le sens de cette convergence entre public et privé, dans l’objectif d’assurer l’égalité de tous les Français face à la retraite ?

M. Michel Pajon, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire pour les crédits relatifs à la fonction publique et les crédits non répartis. Mon rapport présente l’analyse des crédits du programme 148 intitulé « Fonction publique » d’une part, et de la mission « Crédits non répartis » d’autre part. Je tiens d’emblée à remercier les membres de la direction générale de l’administration et de la fonction publique qui, au fil de leurs auditions, ont complété les éléments inscrits dans le projet annuel de performance.

Le projet de loi de finances pour 2017 prévoit une augmentation de 4,7 % des crédits du programme 148, qui atteindront 245 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement. Cette augmentation bénéficiera aux actions « Apprentissage » et « Formation des fonctionnaires ». Les crédits de l’action sociale interministérielle, qui représentent la moitié du programme 148, seront quant à eux préservés en 2017, avec 126,44 millions d’euros prévus en autorisations d’engagement et en crédits de paiement.

L’action 3, relative à l’apprentissage, traduit l’objectif fixé par le Président de la République en 2014 de recruter 10 000 apprentis dans la fonction publique d’État d’ici à la fin du quinquennat. Elle est dotée de 35 millions d’euros pour 2017, soit 5 millions de plus que l’an dernier en raison de la montée en charge du dispositif. Pouvez-vous nous indiquer, madame la ministre, si vous envisagez de développer des passerelles afin de permettre aux jeunes ayant donné satisfaction pendant leur apprentissage d’intégrer plus facilement la fonction publique ?

J’en viens aux crédits relatifs à la formation des fonctionnaires, qui étaient en baisse depuis 2012. Ils augmenteront de près de 5 millions d’euros en 2017 pour s’établir à plus de 83 millions en autorisations d’engagement et en crédits de paiement. Cet effort budgétaire permettra notamment d’augmenter de 110 postes la promotion des instituts régionaux d’administration, répondant ainsi à une demande récurrente des ministères.

Des crédits supplémentaires seront également alloués aux dispositifs visant à favoriser la diversité des recrutements dans la fonction publique comme les classes préparatoires intégrées, dont les effectifs passeront de sept cents à la rentrée 2016 à mille à la rentrée 2017 ; ils auront ainsi doublé par rapport à 2015.

Le projet de loi de finances prévoit en outre la création d’un fonds d’innovation ressources humaines qui sera doté de 1 million d’euros en 2017. Pouvez-vous, madame la ministre, nous en préciser les missions ?

Permettez-moi quelques mots sur les chantiers d’envergure que conduit le ministère de la fonction publique afin de moderniser la fonction publique. La mise en œuvre du protocole relatif aux parcours professionnels, aux carrières et aux rémunérations, qui doit aboutir à l’unification des dispositions statutaires et des rémunérations dans les trois fonctions publiques, a débuté en 2016 et se poursuivra en 2017. La nouvelle politique de rémunération instaurée par ce protocole privilégie les revalorisations de nature indiciaire plutôt que la revalorisation et la création de primes, la rémunération indemnitaire étant devenue trop complexe, inéquitable et difficilement lisible. Le protocole précité prévoit également l’octroi de points d’indice supplémentaires pour les trois catégories de la fonction publique, afin d’en renforcer l’attractivité tout en différenciant davantage les niveaux de recrutement. Enfin, un cadencement unique d’avancement d’échelon a été instauré afin de renforcer l’unité de la fonction publique en levant l’un des principaux obstacles à la mobilité des fonctionnaires.

Parallèlement à la mise en œuvre de ce protocole, le Premier ministre a annoncé son souhait de créer une véritable direction des ressources humaines de l’État destinée à devenir un levier de la modernisation de l’action et de l’organisation de l’État. Une stratégie pluriannuelle de modernisation des politiques des ressources humaines a donc été élaborée et des axes stratégiques ont été définis, comme une plus grande déconcentration de la gestion des ressources humaines, un pilotage renforcé des emplois et des compétences ou encore le développement de la culture managériale au sein de la fonction publique dans le cadre des plans managériaux ministériels.

Au terme de ce quinquennat, grâce aux efforts conjugués des ministres de la fonction publique et des organisations syndicales, la fonction publique aura donc été modernisée, les outils de gestion des ressources humaines rénovées et les valeurs du service public réaffirmées.

M. Alain Tourret, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour les crédits relatifs à la fonction publique. La fin de la législature approchant, nous pouvons désormais soulever certains problèmes en prenant du champ par rapport à la situation qui prévalait en 2012. Tout d’abord, la décision de recruter 10 000 apprentis est excellente, et je tiens comme M. Pajon à souligner l’amélioration qui s’est produite en la matière année après année.

Ensuite, la fonction publique se doit d’être exemplaire. La certitude de conserver son emploi est un avantage extraordinaire, dans une période où le nombre de chômeurs atteint cinq ou six millions ; la fonction publique, au contraire, embauche. Avec votre prédécesseur et vous-même, madame la ministre, j’ai tâché d’analyser cette exemplarité dans plusieurs domaines. En premier lieu, de grands progrès ont incontestablement été accomplis dans la lutte contre toutes les discriminations, qu’elles concernent l’emploi, la rémunération, le sexe, le handicap. Je tiens à souligner les efforts considérables qui ont été accomplis pour parvenir à attribuer 40 % des postes à responsabilité à des femmes, conformément à l’objectif fixé dans la loi Copé-Zimmermann. Autre élément important : l’article 88 de la loi de modernisation de la justice du XXIsiècle instaure une action de groupe.

En revanche, trois autres mesures n’ont pas été retenues. J’ai cru que nous parviendrions à fusionner l’École nationale d’administration (ENA) avec l’Institut national des études territoriales (INET), car Mme Lebranchu y était très favorable, mais nous sommes restés l’arme au pied. Deuxième point : le détachement de hauts fonctionnaires hors statut. Je demeure convaincu que les deux ou trois mille hauts fonctionnaires concernés devraient être recrutés par des contrats de droit privé et ne pas dépendre d’un statut de la fonction publique, et que leur rémunération devrait être fixée selon leurs fonctions et les résultats qu’ils obtiennent. Enfin, lorsqu’un fonctionnaire est élu parlementaire, il me semble indispensable qu’il ait à choisir au terme de son deuxième mandat entre la fonction publique et son mandat électif, conformément à la proposition formulée dans le Livre blanc de l’ENA.

Beaucoup a déjà été fait et je tiens à en féliciter la ministre. On pourrait néanmoins réfléchir à nouveau sur la rupture conventionnelle et le recrutement par voie contractuelle. Il n’est pas insultant d’évoquer la possibilité d’aller plus loin. Mme Lebranchu était d’accord avec ce point de vue, mais elle manquait de fonds pour négocier les ruptures conventionnelles.

D’autre part, le temps est venu de réfléchir aux conséquences du rapport Laurent, enfin paru alors que nous l’attendions depuis près de dix-huit ans et la publication du rapport Roché. Je note que mes demandes réitérées n’ont jamais abouti ; il a fallu que le Premier ministre en personne demande ce rapport pour l’obtenir – preuve que notre démocratie bégaie, puisque le pouvoir législatif est dans l’impossibilité d’obtenir un rapport du pouvoir exécutif. Quoi qu’il en soit, nous pouvons désormais nous réjouir de la parution de ce rapport très circonstancié et, en même temps, très modéré, qui rappelle plusieurs principes.

Tout d’abord, un fonctionnaire doit travailler trente-cinq heures – soit 1 607 heures par an – lorsqu’il ne relève pas d’un régime dérogatoire. Pourquoi n’en est-il pas ainsi ? Quelles mesures comptez-vous prendre pour répondre aux demandes de M. Philippe Laurent et ainsi parvenir à ces 1 607 heures travaillées ?

Ensuite, les fonctionnaires ne doivent pas être plus absents que les autres. L’absentéisme est une véritable plaie dans de nombreuses parties des trois fonctions publiques ; on ne peut plus l’admettre. Plusieurs mesures pourraient pourtant être prises : détermination d’un taux d’absentéisme commun, création d’un tableau de bord comparatif entre les différentes entités, utilisation des leviers managériaux et des leviers incitatifs et de contrôle, voire modification du cadre réglementaire.

Si la fonction publique n’est pas exemplaire, je crains pour elle dans les années à venir. J’entends certains candidats de droite proposer la suppression du statut de la fonction publique, d’autres la suppression de toutes les activités non régaliennes, d’autres encore la suppression de la fonction publique territoriale, et ainsi de suite. Je crois au contraire à la nécessité de disposer d’une fonction publique, mais celle-ci ne pourra être acceptée dans un pays qui connaît un chômage de masse que si elle remplit cet objectif d’exemplarité. Voilà pourquoi je vous demande, madame la ministre, quelles solutions vous comptez proposer en harmonie avec les préconisations du rapport Laurent. Cela étant dit, je voterai en faveur des crédits de cette mission.

Mme Annick Girardin, ministre de la fonction publique. En 2017, le programme 148 sera doté de 245,14 millions d’euros, soit une dotation en hausse de 4,5 %, c’est-à-dire 10,77 millions, par rapport aux crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2016. Il comporte trois actions : la formation des fonctionnaires, l’action sociale et l’apprentissage – l’objectif étant en la matière de recruter 10 000 apprentis dans la fonction publique d’ici à la fin du quinquennat, ce qui sera fait puisque ce nombre est déjà presque atteint.

Comme l’a voulu le Président de la République, j’ai fait de la jeunesse dans la fonction publique l’une de mes priorités. Le projet de loi sur l’égalité et la citoyenneté prévoit que l’apprentissage – mais aussi tout autre type d’engagement des jeunes, qu’il s’agisse du volontariat international ou du service civique, par exemple – soit pris en compte pour ouvrir l’accès à la troisième voie, et que le temps correspondant soit comptabilisé, le cas échéant, pour la suite de la carrière de fonctionnaire. De surcroît, en découvrant la fonction publique de l’intérieur, les apprentis ont accès à des formes de préparation aux concours, y compris au moyen des classes préparatoires intégrées dont le nombre doublera en 2017.

Nous avons voulu ouvrir la fonction publique à la jeunesse dès le plus jeune âge, en particulier dès les stages de troisième, en faisant en sorte que la fonction publique entre dans les établissements scolaires et que les conseillers d’orientation soient formés, la priorité étant naturellement donnée aux élèves boursiers.

Autre objectif : la diversité du recrutement des fonctionnaires. Il subsiste en effet des discriminations dans la fonction publique, monsieur Tourret. Nous avons fixé vingt-deux critères de discrimination. D’ici à la fin de l’année, l’ensemble des ministères auront pris des mesures en vue d’obtenir le label Diversité pour enclencher une nouvelle dynamique dans la fonction publique – à ce stade, ce label a déjà été décerné à deux ministères et tous devraient l’avoir obtenu avant la fin de l’année.

Vous regrettez, monsieur le député, que la fusion entre l’ENA et l’INET n’ait pas eu lieu. Nous devons en effet envisager la fonction publique de demain. J’ai lancé une réflexion intitulée « Ma fonction publique se réinvente » non seulement avec l’ensemble des agents des trois fonctions publiques, mais aussi avec le Conseil économique, social et environnemental. C’est dans le cadre de cette vision de notre fonction publique en 2025 qu’il nous faudra revoir le fonctionnement des organismes de formation. L’ENA et l’INET accomplissent déjà des travaux communs dans le cadre de cycles de formation partagés ; à terme, la fusion aura lieu, mais nous devons nous donner les moyens de réinventer le système pour mieux répondre aux besoins.

S’agissant du détachement hors statut de hauts fonctionnaires, je défends le statut de la fonction publique qui impose des devoirs et accorde des droits, et que la loi relative à la déontologie a replacé au cœur du sujet. La haute fonction publique est déjà exemplaire. Je souhaite aborder avant la fin de l’année la question du temps passé dans la fonction publique à la sortie de l’ENA : je constate en effet qu’à l’issue d’une formation d’exception dans un établissement dont nous devons être fiers – j’ai pu, dans mes fonctions précédentes, mesurer à quel point il était admiré partout dans le monde –, les hauts fonctionnaires ne servent pas l’État assez longtemps. Le contrat décennal doit être appliqué. Les élèves de l’ENA ont un coût, en effet – de l’ordre de 83 000 euros par élève et par an. Chacun est naturellement libre de quitter la fonction publique, mais il faut alors, le cas échéant, rembourser le coût de la formation reçue. Rappelons une fois de plus, néanmoins, que la fonction publique est déjà exemplaire.

Nous nous sommes saisis avec les organisations syndicales de la question du temps de travail soulevée dans le rapport de M. Laurent, et plusieurs propositions ont été soumises au Premier ministre. Hors exceptions, les fonctionnaires doivent travailler 1 607 heures par an, soit 35 heures par semaine. Précisons néanmoins que selon le rapport Laurent, ce sont les fonctionnaires qui travaillent le plus le dimanche et les fins de semaine. Malheureusement, le critère du temps de travail a souvent été utilisé comme variable d’ajustement des ressources humaines lorsque les moyens financiers venaient à manquer. C’est une erreur managériale qu’il faudra résoudre – hors exceptions, encore une fois.

Il en va de même pour la question de l’absentéisme : plusieurs propositions sont en cours de formulation et je sais, monsieur Tourret, que vous rédigez actuellement des amendements sur ce sujet. Nous devons en effet lutter contre les abus. Je défends certes la fonction publique lorsqu’elle est attaquée, ce qui arrive souvent puisqu’il est proposé ici et là de supprimer des postes – contrairement à ce qu’a fait le Gouvernement – voire le statut de fonctionnaire ; en contrepartie, cependant, il est normal d’exiger une exemplarité totale.

Le fonds d’innovation est doté d’un million d’euros. J’ai lancé un processus d’innovation dans la fonction publique, notamment en matière de ressources humaines, car il faut progresser sur ces questions. L’innovation existe déjà en la matière, et ce dans les trois fonctions publiques ; il faut la rendre plus visible et la généraliser. Parallèlement, pour enclencher une nouvelle dynamique, ce fonds d’innovation permettra de financer des expérimentations et l’extension d’innovations existantes et de bonnes pratiques dans les trois fonctions publiques, en particulier la fonction publique d’État. Ces expérimentations ont lieu non seulement en métropole, mais aussi dans des milieux isolés en outre-mer : j’ai par exemple souhaité que la loi sur l’égalité réelle en outre-mer confie davantage de possibilités aux préfets exerçant dans les petites collectivités ultramarines en matière de gestion des services déconcentrés de l’État. Cette expérimentation aura lieu entre 2017 et 2020, suite à quoi nous verrons comment étendre ce type de gestion au plus près des territoires, qu’il est plus aisé de commencer à expérimenter dans des territoires de petite dimension.

La politique de ressources humaines de la fonction publique de demain devra gagner en cohérence. Le protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR) était un premier pas allant dans le sens d’une plus grande mobilité des fonctionnaires d’un ministère à l’autre – un mécanisme fort complexe. Il est indispensable, en effet, que l’État dispose d’une solide fonction de ressources humaines. C’est pourquoi les moyens humains de la DGAFP seront renforcés afin de coordonner les directions des ressources humaines de l’ensemble des ministères, de sorte que la gestion des agents publics de l’État soit plus cohérente et qu’elle approfondisse le dispositif PPCR. La mutualisation des formations est importante : je plaide en faveur de la multiplication des formations transversales et interministérielles.

Nous devons aussi envisager la mobilité entre les trois versants de la fonction publique et approfondir les passerelles. Le récent comité interministériel de la mer a ainsi abordé cette question, compte tenu des compétences maritimes de l’État et du souhait qu’ont les collectivités de renforcer les leurs. De même, je plaide – et je ne m’en cache pas – en faveur de la multiplication des passerelles entre le secteur public et le secteur privé dès lors que l’expérience acquise dans ce dernier peut être exploitée dans la fonction publique pour l’enrichir.

Je ne partage pas votre point de vue, monsieur Tourret, sur la rupture conventionnelle – un sujet que nous avons souvent évoqué. La fonction publique se porterait mieux si l’on y faisait preuve de courage managérial ; là encore, c’est une question de formation et d’accompagnement. On exagère souvent en prétendant que les fonctionnaires, employés à vie, se mettent en quelque sorte en pilotage automatique jusqu’à la retraite : c’est faux. Les femmes et les hommes qui exercent dans la fonction publique sont très impliqués dans leurs missions, même s’il se produit là comme ailleurs des erreurs de casting, ou si certains agents souhaitent quitter la fonction publique, ce qui est déjà possible. Quoi qu’il en soit, je ne suis pas favorable à la rupture conventionnelle.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget et des comptes publics. Le ministère de l’économie et des finances a constamment été au premier rang du programme de modernisation de l’action publique défendu par le Gouvernement, l’objectif étant de concilier la qualité du service avec la recherche d’économies budgétaires. La tâche n’est pas toujours aisée vis-à-vis de nos agents, de nos partenaires sur les territoires et des autres ministères. Toutefois, ces réformes ont été poursuivies à un rythme soutenu et, de ce point de vue, l’année 2016 est particulièrement riche.

La direction générale des finances publiques (DGFIP) poursuit depuis de nombreuses années un mouvement de dématérialisation qui concerne autant les missions fiscales que la chaîne de la dépense de l’État et de la dépense locale. Cette orientation bien connue mérite d’être rappelée. La dématérialisation ne saurait certes résoudre tous les problèmes, mais personne ne se plaint des avancées considérables que constituent la télédéclaration et le télépaiement de l’impôt – sauf lorsqu’ils deviennent obligatoires, s’entend. Pourtant, ces avancées qui simplifient profondément les démarches des usagers sont appréciées de nos concitoyens. Parallèlement, elles permettent à certains agents de passer de postes de saisie à des missions plus valorisantes d’accueil ou de conseil. Le contact humain demeure naturellement nécessaire dans nos services : l’accueil reste une mission clé de la DGFIP, même si son organisation évolue. C’est pourquoi nous privilégions une approche pragmatique en faisant évoluer le réseau, pour constituer de solides structures déconcentrées qui soient capables de remplir leurs missions et de répondre aux attentes des usagers. Ainsi, les fermetures de trésoreries font l’objet d’une démarche concertée qui associe tous les acteurs et tient compte des différents contextes territoriaux. S’il apparaît que l’implantation d’un service ne répond plus aux attentes des différents publics ou si sa taille ne lui permet pas – comme c’est souvent le cas – d’offrir une qualité de service suffisante, son regroupement avec une autre unité peut être envisagé. Deux trésoreries regroupées valent souvent mieux qu’une petite trésorerie à deux agents, tant du point de vue du service au public que de la sécurité des agents.

Nous tenons également compte des missions et des réformes en préparation pour adapter les moyens de la DGFIP. Dans cette optique, nous avons décidé de ralentir les suppressions d’emplois en 2017 afin que les particuliers et les entreprises soient accompagnés au mieux lors de la mise en œuvre du prélèvement à la source. C’est pourquoi le nombre de postes supprimés dans le présent projet de loi de finances est inférieur de 25 % à celui qui était prévu en 2016, passant de 2 000 à 1 500 environ. D’autre part, si la mise en œuvre du prélèvement à la source justifie un infléchissement temporaire des réductions d’emplois, elle ne modifie cependant pas de manière substantielle l’organisation actuelle de la DGFIP ; ce n’est qu’à terme qu’elle pourrait permettre d’alléger les tâches.

En ce qui concerne maintenant la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI), ses volumes de recrutement ont été augmentés de 500 postes en 2016 par rapport à la trajectoire initiale. Cette augmentation sera reconduite en 2017 avec un nombre de postes équivalents ouverts aux concours, conformément aux annonces du Président de la République au congrès de Versailles, cela afin de rendre efficient notre plan de lutte contre le terrorisme. Il en résulte un schéma d’emplois positif de 250 emplois en 2017. Et, comme nous l’avions annoncé, un plan de renforcement des équipements, notamment des unités de surveillance terrestre, a aussi été lancé début 2016.

Face aux évolutions de la menace terroriste, la douane se mobilise et renforce les contrôles aux frontières – c’est l’une de ses missions majeures.

Elle poursuit également la mise en œuvre de son projet stratégique, dont la quasi-totalité des actions sont désormais engagées. Les décisions d’évolution des implantations territoriales sont désormais prises et vont être mises en œuvre progressivement en accordant aux personnels les garanties prévues par l’accord collectif signé avec plusieurs syndicats début 2015.

J’en profite pour mentionner l’accord que j’ai pu conclure ce matin avec la confédération des buralistes. La rémunération des buralistes sera augmentée dès 2017 et jusqu’à 2021. Dans le même temps, les aides budgétaires prévues par le programme 302 seront réformées avec un ciblage beaucoup plus étroit sur les zones géographiques prioritaires et les professionnels connaissant de réelles difficultés. Cela permettra des économies budgétaires substantielles par rapport aux crédits actuellement prévus.

Permettez-moi à présent de dire quelques mots du programme 218, « Conduite et pilotage des politiques économiques et financières ». Placé sous la tutelle du secrétariat général du ministère, il est concerné par deux réformes majeures : la création de la direction des achats de l’État (DAE), dont on ne parle pas suffisamment, et la mise en place prochaine de l’Agence française anticorruption (AFA).

La DAE a été créée par un décret de mars 2016 par transformation et renforcement du service des achats de l’État. La gouvernance de la fonction « achats de l’État » est également réformée. L’objectif visé est d’amplifier les économies d’achats réalisées chaque année et de les faire progressivement passer de 500 à 700 millions d’euros par an pour l’ensemble du périmètre de l’État et ses opérateurs. Je vous invite avec insistance à examiner, dans le cadre de vos prérogatives, les économies d’échelle qu’il est possible de réaliser grâce à la mutualisation, à la mise en commun d’un certain nombre de marchés ou, tout simplement, de bonnes pratiques, mais aussi grâce au travail en commun sur la négociation des baux – M. Dumont y est toujours sensible. Nous avons réalisé là des opérations des plus intéressantes, ce qui, j’y insiste, n’est pas suffisamment dit.

Quant à l’Agence française anticorruption, dont la création est prévue par le projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, que vous avez adopté en nouvelle lecture le 29 septembre dernier, ses effectifs compteront à terme 70 personnes environ, le PLF pour 2017 prévoyant à cet égard la création de 60 emplois auxquels s’ajouteront 10 postes transférés depuis le ministère de la justice. Ce nouveau service sera placé sous l’autorité conjointe du ministère de l’économie et des finances et de celui de la justice.

C’est aussi le programme 218 qui prévoit les crédits de l’Agence pour l’informatique financière de l’État, l’AIFE, qui pilote notamment – et là encore on n’en parle pas suffisamment – le projet de dématérialisation des factures de l’ensemble du secteur public – cette dématérialisation sera une obligation pour les plus grandes entreprises dès le 1er janvier 2017. Ce sera une étape majeure, utile pour les entreprises comme pour l’État et les collectivités territoriales.

Je m’arrête un instant sur la politique immobilière de l’État telle qu’elle vient d’être redéfinie et qui fera aussi l’objet de plusieurs questions. Le Gouvernement a souhaité renforcer l’autorité et la visibilité de l’État propriétaire en créant, par décret du 21 septembre dernier, la direction immobilière de l’État, rattachée à la direction générale des finances publiques (DGFIP). Ce passage d’un service, connu sous le nom de « France Domaine », à une véritable direction doit être perçu comme une transformation d’envergure qui renforce de manière significative la stratégie immobilière de l’État.

En effet, le patrimoine immobilier représente un actif majeur pour l’État – environ 60 milliards d’euros. Cet actif est un bien commun qu’il faut entretenir pour en conserver la valeur – un « bien commun », monsieur Dumont, c’est-à-dire que ce ne sont pas les ministères, et encore moins les ministres, qui sont propriétaires de leur patrimoine, mais bien l’État. Or c’est une vraie révolution.

Vous avez largement contribué, mesdames et messieurs les députés, à cette transformation, en soutenant l’action de l’État propriétaire et en faisant acte de pédagogie auprès des administrations occupantes – et non propriétaires. Je ne doute pas à présent de votre soutien pour aider la jeune direction à passer de l’étape pionnière à celle de la maturité.

Dans un contexte de dépense publique contrainte, la maîtrise des coûts immobiliers n’est pas chose accessoire. La densification des occupations – respect de la norme de douze mètres carrés de surface utile nette par poste de travail –, la performance énergétique des bâtiments – insuffisamment prise en considération –, comme la renégociation des baux, sont autant de leviers pour contribuer à contenir ce poste de dépense, tout en améliorant les conditions de travail des agents publics et en garantissant aux usagers un accueil de qualité. J’aurais pu également évoquer l’accessibilité.

Soyons-en convaincus : l’immobilier n’est pas qu’une « politique support », c’est aussi le support de différentes politiques publiques. C’est pourquoi le Gouvernement a souhaité réaffirmer le caractère transversal et interministériel de la politique immobilière de l’État, en renforçant le pilotage stratégique de cette mission et en adaptant la structure budgétaire dès 2017. Dans cette perspective, le CAS « Immobilier » est réformé : il reprend le financement du gros entretien précédemment prévu par le programme 309 qui est supprimé ; la part autrefois affectée au désendettement de l’État lors des cessions de biens est supprimée, sauf de manière ponctuelle pour certaines cessions à l’étranger ; enfin, les redevances domaniales sont désormais affectées en recettes du CAS « Immobilier ».

Grâce à cette vision d’ensemble, le financement de la dépense immobilière se trouvera simplifié et la stratégie immobilière de l’État n’en sera que plus cohérente et lisible.

J’en viens aux questions qui m’ont été posées.

Mme Berger reprend, certes sous un autre angle, des débats que nous avons régulièrement dans l’hémicycle. Elle se demande ainsi dans quelle mesure les règles européennes sont mises en œuvre en France. Elles découlent bien sûr des traités, en particulier du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG), et s’appliquent dans l’ensemble des États. On peut réfléchir à leur évolution, reste que notre année est rythmée par des règles communautaires comme celle commandant le dépôt du programme de stabilité avant, à l’automne, l’examen du budget. Ces règles ne sont-elles pas appliquées ? Je ne le pense pas : elles sont complexes, parfois difficiles à débrouiller – vous avez pointé du doigt la traditionnelle différence entre l’évaluation de la croissance potentielle par la Commission européenne et notre propre évaluation. Nous nous étions posé la question, au moment de l’élaboration de la loi organique de décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, de savoir s’il fallait préciser de quelle croissance potentielle il était question et quelles méthodes employer pour l’évaluer. Quitte à me montrer caricatural, j’ai le sentiment que nous avons reculé devant la difficulté. Nous avons donc peu précisé la notion de croissance potentielle et la réalité qui s’impose à nous est la méthode de calcul de la Commission puisque c’est elle qui évalue et qui ensuite apprécie. Comment pourrait-elle fonder ses calculs sur une croissance potentielle qu’elle n’aurait pas déterminée elle-même pour rendre ses avis ? Cette question est légitime et je suis disposé à en reparler même si c’est plutôt mon ministre de tutelle qui en débat avec la Commission.

La question de la prise en compte des dépenses exceptionnelles a déjà été évoquée par votre collègue Valérie Rabault. Vous avez déclaré, madame Berger, qu’il n’y avait pas de raisons juridiques pour choisir de s’écarter des règles budgétaires européennes. Nous estimons pour notre part que ces raisons juridiques existent, et le Gouvernement a choisi, conformément aux règles européennes, de s’appuyer sur la notion de déficit nominal, pour revenir à moins de 3 % du PIB – c’est pourquoi la Commission européenne nous a accordé des délais. Seulement, le 24 mai 2016, la Commission a transmis aux États membres une note précisant les modalités de prise en compte des dépenses à caractère exceptionnel. Or, pour les États situés dans le volet correctif et qui ont adopté, comme nous l’avons fait, une stratégie fondée sur le respect de la notion de déficit nominal, il n’y a pas de marge de manœuvre, cela en application de l’article 2 du règlement 1467/97, qui dispose qu’aucun facteur pertinent ne doit être pris en compte dans le cadre de l’abrogation d’une procédure de déficit public excessif – ce qui est notre cas. La note de la Commission confirme qu’aucune flexibilité n’est autorisée dans ce cas, quand bien même le manquement du seuil de 3 % du PIB serait intégralement expliqué par les dépenses liées à la lutte contre le terrorisme. Aussi, la seule marge de manœuvre disponible pour un État membre devant sortir de cette procédure de déficit public excessif, mais qui dépasse le seuil de 3 % du fait de dépenses exceptionnelles, serait d’obtenir un report de la date de correction du déficit sans durcissement de la procédure.

Monsieur de Rocca Serra, vous voulez d’ores et déjà lancer le débat sur le prélèvement à la source. Vous me demandez quelles en seront les conséquences sur les personnels, sur les entreprises et sur la qualité du recouvrement. Commençons par le plus simple : la qualité du recouvrement. Les entreprises, les collecteurs recouvrent, avec les unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF), les cotisations sociales. Or le mode de recouvrement sera sensiblement le même. Aujourd’hui, le taux de recouvrement des cotisations sociales est supérieur à celui de l’impôt sur le revenu qui est pourtant conduit par l’excellente direction générale des finances publiques.

M. le président Gilles Carrez. Quels sont ces taux ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget et des comptes publics. Dans les deux cas ils dépassent 98 %. Reste que le fait que le taux de recouvrement des cotisations sociales soit supérieur à celui de l’impôt sur le revenu signifie qu’il y a peu de raisons de s’inquiéter. Certains avancent même que le prélèvement à la source pourrait éviter que certains revenus ne soient pas soumis à l’impôt. Aussi, j’y insiste, ne suis-je pas du tout inquiet en la matière.

J’en viens au coût pour les entreprises. L’objection consiste à soutenir que les voies dématérialisées existantes, avec la déclaration sociale nominative, vont rendre terrible le travail de recouvrement. J’ai rencontré il y a peu les représentants du groupement d’intérêt public « Déclaration sociale nominative » (GIP-DSN). J’en profite pour vous confirmer que la montée en puissance de la DSN suit son cours : il y aura probablement, à la fin du mois, plus d’un million d’entreprises qui y auront recours, soit plus de 80 % des salariés. Je confirme la possibilité du recours aux échanges dématérialisés automatisés entre les entreprises et la DGFIP afin que l’entreprise reçoive automatiquement le taux du prélèvement à la source calculé par la DGFIP et renvoie l’information du montant du revenu imposable – déjà calculé par tous les employeurs – qui figure sur les fiches de paie, multiplié par le taux transmis de façon dématérialisée par le biais de la DSN. On informe ensuite du produit de cette difficile multiplication et l’on retient la somme correspondante sur le compte bancaire. Nous avons fait réaliser une étude auprès des entreprises et des experts-comptables et les responsables du GIP-DSN m’ont confirmé qu’il n’y avait pas d’obstacle, pas de difficulté particulière, n’était un délai qui, concernant une expérimentation, sera peut-être un peu serré. Mais pour peu que le texte soit voté et promulgué à la fin de l’année, nous disposerons d’un an pour affiner le dispositif et tout devrait se passer tout à fait correctement.

Reste la question des personnels. Nous avons dialogué avec eux à plusieurs reprises. La plupart des organisations syndicales nous ont signifié leur désaccord avec le prélèvement à la source, souvent pour des raisons de principe qui sont parfois les mêmes que celles qu’évoque ici ou là tel ou tel responsable politique. Ensuite, une fois la décision prise – elle devrait l’être prochainement –, tout le monde se mettra en ordre pour travailler et se structurer en conséquence. Quelques métiers vont changer, certains vont se créer. Ainsi, il faudra veiller, pour les entreprises, à récupérer le montant calculé et transmis du prélèvement à la source. D’autres fonctions vont être allégées : le traitement des chèques ou des paiements des particuliers va être minimisé. Les services d’accueil devront pour leur part être renforcés, notamment pendant les premières années. C’est pourquoi j’ai évoqué des suppressions d’effectifs moins importantes qu’on ne pourrait le craindre.

Donc, je le répète, nous nous mettons en ordre de marche et les systèmes informatiques seront structurés comme il se doit. À ce propos, vous m’avez demandé combien coûterait le renouvellement de ces derniers – il faut également compter la formation du personnel mais aussi les campagnes d’information et d’appui aux entreprises qu’il implique. Tout cela va coûter peut-être quelques petites dizaines de millions d’euros – et quand on dit « quelques », chez nous en Lorraine, c’est rarement plus que trois ou quatre. Bien sûr la direction en demande toujours davantage mais nous devrions contenir la dépense dans l’ordre de grandeur indiqué.

L’augmentation des crédits, que vous avez qualifiée d’inflexion par rapport aux années antérieures prend en compte deux éléments : le prélèvement à la source, je viens de m’exprimer sur ce point, ainsi que la revalorisation du point d’indice. Or nous avons beaucoup de fonctionnaires à la DGFIP et à la douane. À quoi s’ajoute le dispositif parcours professionnels, carrières et rémunérations (PPCR) qui, dans un premier temps, va un peu alourdir les dépenses des nomenclatures T2, notamment du fait de la revalorisation des salaires en début de carrière – à la DGFIP comme ailleurs. J’entends dire qu’il s’agit de dépenses non prévues… Or leur financement est bien prévu par le PLF. La plupart des crédits ministériels ont augmenté cette année, notamment dans les ministères où la part des crédits T2 est importante : c’est le cas du ministère de l’éducation nationale, de celui des finances… Cela parce que nous avons tenu compte du dispositif PPCR et de l’augmentation du point d’indice – c’est le résultat de l’équilibre général du budget.

Vous vous interrogez ensuite, concernant le programme 302, sur l’opérationnalité des nouveaux personnels des douanes. Je me suis rendu récemment à La Rochelle, à l’École nationale des douanes, j’ai rencontré par ailleurs plusieurs promotions d’agents, j’ai même, comme je visite assez régulièrement les brigades, rencontré les nouveaux personnels affectés qui sortaient de la promotion de La Rochelle... Or je constate que tout se fait au rythme prévu, monsieur le rapporteur spécial. Ainsi les 500 promus de 2016 seront opérationnels, pour leur grande majorité, à la fin de l’année 2016.

En ce qui concerne les crédits supplémentaires, 37 % des autorisations d’engagement, fin octobre, et 20 % des crédits de paiement ont été consommés. Globalement, la consommation de ces crédits est en bonne voie puisque 100 % des autorisations de paiement de fonctionnement seront consommées. Je rappelle que ces crédits, pour plus de 20 millions d’euros, sont destinés à renforcer les moyens de la surveillance terrestre. La programmation des opérations immobilières – qui prennent un certain temps à être déclenchées –, destinées à renforcer ou sécuriser différentes implantations, est en cours. Les équipements en moyens radio INPT (Infrastructure nationale partagée des transmissions) vont équiper les brigades et permettre de renforcer les dispositifs informatiques de lutte contre la fraude. S’ils ne sont consommés, ces crédits seront intégralement reportés et s’ajouteront aux 15 millions d’euros prévus pour le PLF pour 2017. Reste qu’il est tout de même rare que l’on ne consomme pas des crédits annoncés par le Président de la République en congrès à Versailles.

Vous avez en outre évoqué le PNR. Plusieurs grandes compagnies, c’est le cas d’Air France, sont déjà raccordées à ce système et peuvent ainsi contrôler et surveiller l’identité des voyageurs de manière sécurisée. Ce n’est pas Safran qui a conçu le système mais l’entreprise Morpho qui était jusque-là une filiale du groupe Safran. Il est vrai que du retard avait été pris mais mon administration et le cabinet du Premier ministre lui-même ont veillé à ce qu’il soit résorbé. Reste à raccorder au dispositif quelque 230 compagnies aériennes. Nous avons commencé par les plus importantes et notamment les compagnies françaises parce que ce sont les plus actives sur nos aéroports. Le dispositif se met progressivement en place, encore une fois sous une surveillance étroite – nous avons nous-mêmes lancé des signaux d’alarme, les uns et les autres se renvoyant les responsabilités des dysfonctionnements, mais les choses sont rentrées dans l’ordre. J’ai rendu visite aux services douaniers de l’aéroport de Roissy il y a un mois et demi et j’ai pu constater que le dispositif, très protecteur, fonctionnait très bien : l’entrée dans le système, suivant qu’on est policier, douanier ou autre, est sécurisée, garantissant les libertés et permettant le bon déroulement des procédures judiciaires.

J’en viens aux moyens accordés aux services garde-côtes en Méditerranée, qui vous sont chers autant qu’à nous, monsieur de Rocca Serra. La DGDDI achève la réforme de sa façade maritime avec une réduction du nombre de ses brigades mais le renouvellement de son parc naval, avec le remplacement des vedettes de Bastia – il me semble bien que ce soit en Corse, monsieur le rapporteur spécial – et de celles de Sète, pour 2017 et au-delà. En outre, la DGDDI s’est dotée, depuis juillet 2015, d’un nouveau patrouilleur de 43 mètres qui renforce considérablement la capacité opérationnelle de la douane en Méditerranée. Enfin, une nouvelle vedette garde-côte sera livrée d’ici à la fin du premier semestre 2017 à Nice. Vous pouvez noter que nous n’avons pas relâché – au contraire – notre effort d’investissement dans le parc naval. Une fois ces opérations achevées, les capacités opérationnelles seront renforcées en Méditerranée. J’ajoute que cette mobilisation de la douane est particulièrement active au profit des missions de l’Agence européenne Frontex : en 2016, nous avons déployé nos patrouilleurs pendant trente jours dans le cadre de l’opération Triton qui a permis, entre autres, le sauvetage de 200 migrants.

Enfin, sur le calendrier des recrutements, je précise encore que, le 6 juin, la première promotion a sorti 237 agents de constatation et 236 agents le 16 août ; en ajoutant les autres effectifs affectés à d’autres services, nous parvenons au chiffre de 500 agents.

J’en viens à l’intervention de M. Chrétien qui nous propose un véritable programme de réforme des retraites, citant un rapport de la Cour des comptes qui ne dit pas toujours des choses fausses, mais qui ne dit pas toujours des choses justes non plus. Dans celui que vous avez évoqué, je n’ai pas été frappé par le même aspect que vous : d’abord, la Cour reconnaît que le service des retraites de l’État a beaucoup progressé dans sa structuration, en matière d’efficacité, de rendement, si j’ose dire ; ensuite, et cela mérite d’être souligné, une harmonisation des systèmes de retraite du public et du privé, que vous présentez toujours comme une convergence, ne se ferait pas forcément à l’avantage de ceux qu’on croit. Un certain nombre de fonctionnaires, par exemple, gagneraient à ce que leur système de retraite soit aligné sur celui du secteur privé, notamment en ce qui concerne la question des primes, non intégrées dans les revenus. Dans un souci de justice, le PPCR va améliorer la situation et c’est tant mieux. Mais, contrairement à ce que tout le monde semble dire et croire, l’alignement ou la convergence, si vous préférez, des régimes de retraite du privé et du public ne conduirait pas forcément à voir les retraités de la fonction publique perdants.

M. Alain Chrétien, rapporteur spécial pour les crédits relatifs à la mission « Régimes sociaux et de retraite » et au compte d’affectation spéciale « Pensions ». Ce n’est pas ce que j’ai dit.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget et des comptes publics. C’est ce que vous avez laissé entendre, en tout cas c’est ainsi que je l’ai entendu.

Je vous laisse par ailleurs la responsabilité d’affirmer qu’il faut créer un régime universel de retraite par points mais je mets tout de même en garde sur la manière dont il faudrait assurer la transition entre les deux systèmes. Le système par répartition tel qu’il existe a la vertu d’être opérationnel, avec ses qualités et ses défauts …

M. Alain Chrétien, rapporteur spécial pour les crédits relatifs à la mission « Régimes sociaux et de retraite » et au compte d’affectation spéciale « Pensions ». J’ai évoqué une retraite par points et par répartition.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget et des comptes publics. Monsieur Chrétien, nous irons à la buvette, si vous voulez dialoguer. Je dois ici répondre aux autres rapporteurs.

J’en viens aux nombreuses questions de M. Dumont sur l’immobilier de l’État.

Est-il nécessaire de dresser un bilan des progrès en ce domaine ? Les documents budgétaires sont déjà nombreux. Vous recueillez vous-même, monsieur le rapporteur spécial, de nombreuses informations à ce sujet en tant que président du Conseil de l’immobilier de l’État.

L’important est de changer d’approche en opérant une véritable révolution. La gestion du patrimoine immobilier de l’État doit être centralisée et véritablement pilotée au lieu de varier au gré de la volonté ou des besoins de tel ou tel ministère qui, pour avoir des recettes, vendra tel bâtiment en gardant le produit de l’opération ou bien décidera de construire. Nous devons nous appuyer sur une bonne connaissance du parc immobilier, laquelle a déjà progressé depuis quelques années. Les logiciels prennent désormais en compte des aspects non seulement quantitatifs mais aussi qualitatifs – isolation thermique, accessibilité, état général du bâtiment –, ce qui nous permet d’établir des priorités dans les actions à mener. Il faudra se saisir de toutes les opportunités et j’espère que nous ne manquerons pas celle de la fusion des régions. Certaines directions régionales seront appelées à déménager et il m’a paru utile que les préfets disposent d’informations précises sur l’immobilier de l’État pour décider de leur relocalisation. Les disponibilités peuvent en effet être l’un des paramètres à prendre en compte dans l’organisation territoriale de l’État.

En matière de « pastillage » des biens, question qui se pose surtout à Paris, et de mise en œuvre des systèmes de décote, nous avons là encore progressé. Avec les préfets concernés, nos services ont passé des accords avec la Ville de Paris de façon à rendre possible certains transferts sur des biens faisant l’objet d’une pastille, dans des conditions financières respectant les intérêts de l’État. Vous connaissez bien ces situations. Il reste encore beaucoup de biens de ce type et les progrès doivent se poursuivre. Vous avez évoqué la surveillance des décotes accordées. Vous savez qu’il existe des clauses que j’appellerai pour simplifier de retour à bonne fortune. Elles doivent être appliquées quand les conditions ne sont plus conformes à celles qui avaient justifié la décote. C’est l’un des travaux qu’aura à mener la direction de l’immobilier de l’État qui a récemment vu le jour.

Vous m’avez interrogé sur l’affectation des loyers budgétaires au compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État ». Cela représenterait 1 milliard d’euros supplémentaires, ce qui me paraît excessif, d’autant que ces sommes seraient alors dépensées.

M. le président Gilles Carrez. Mieux vaut qu’elles restent virtuelles.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget et des comptes publics. Je dois dire que je continue à m’interroger sur les loyers budgétaires sur lesquels les avis restent très partagés.

Vous évoquez dans le même ordre d’idée la généralisation à l’ensemble des opérateurs de l’État. Mon avis est là encore réservé. Cela me permet néanmoins de dire que ceux-ci sont au moins aussi importants que l’État. L’État a commencé à vendre des biens patrimoniaux qui ne correspondaient plus aux besoins mais je ne suis pas certain que certains opérateurs soient prêts à faire de même, je pense en particulier à SNCF Réseau qui possède encore des patrimoines importants en région parisienne qui ne sont pas mis sur le marché à un rythme suffisant.

Sur le délai moyen de seize mois, je vais vous dire franchement ce que je pense. Si l’on pouvait vendre tous les bâtiments dans ce laps de temps, ce ne serait pas si mal, compte tenu du temps nécessaire pour procéder aux évaluations, sélectionner des candidats, rédiger de bons appels d’offres en évitant tous les pièges existant en la matière dans des domaines que nous savons sensibles. La professionnalisation de nos équipes, qui est l’une des raisons d’être de la création de la direction de l’immobilier de l’État, et le recours à des prestataires extérieurs pour nous aider pour certaines missions très spécifiques contribueront à réduire les délais actuels.

J’espère, mesdames, messieurs les députés, avoir répondu au mieux aux questions que vous m’avez posées.

Mme Françoise Descamps-Crosnier. Messieurs les présidents, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est une mission budgétaire essentielle que nous examinons : celle qui permet à une partie des « services supports » de l'appareil d'État de fonctionner. Nous sommes au cœur de la machine, si je puis dire : direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP), direction générale des finances publiques (DGFIP) direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI), direction du budget. C'est Bercy dans ses différentes composantes dont nous sommes amenés à évaluer le budget et les orientations.

Les crédits de la mission budgétaire restent relativement stables par rapport à l'année dernière, où ils avaient connu une baisse notable par rapport à l'année antérieure. La maîtrise des dépenses publiques s’affirme donc. La répartition des crédits proposée permet le financement de priorités portées par la majorité depuis plusieurs années comme le chantier de la simplification. Aussi le groupe Socialiste, écologiste et républicain émettra-t-il un vote favorable.

En tant que membre de la commission des lois, je vais concentrer mon propos et mes questions sur le programme « Fonction publique » qui nous intéresse de très près. Je ferai auparavant quelques observations sur d'autres aspects de la mission budgétaire. Je veux notamment saluer l'action de la douane française dont j'ai eu l'occasion d'apprécier, ces dernières années, le haut niveau de professionnalisme et d'engagement dans l’accompagnement des entreprises françaises sur les marchés étrangers. Je m'étais inquiétée l'année dernière de la perspective de l'entrée en vigueur du nouveau code des douanes de l'Union européenne qui renforce, via le dédouanement centralisé, la concurrence entre plateformes de dédouanement européennes. Le document de la mission budgétaire indique que « l'année 2017 sera consacrée à la consolidation du processus de mise en œuvre » de ce nouveau code qui est bel et bien rentré en application, comme prévu, le 1er mai dernier. Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous fournir davantage de précisions sur ce point ? Comment nos services opèrent-ils pour accompagner la mise en place de ce nouveau cadre ?

Le budget du programme « Fonction publique » est marqué par des changements majeurs : évolution législative et réglementaire du statut de la fonction publique à la suite de la loi du 20 avril 2016 ; renouvellement de la gestion des ressources humaines de l'État qui voit la DGAFP jouer un rôle de pilotage et de coordination beaucoup plus structuré qu'auparavant, celui d'une direction des ressources humaines d'État. À cela s’ajoute la mise en œuvre du protocole portant sur les parcours professionnels, des carrières et des rémunérations des fonctionnaires (PPCR) ainsi que la poursuite de la refonte du régime indemnitaire, le RIFSEEP – régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel.

À l’issue de ces différents chantiers, c'est une fonction publique rénovée et modernisée qui poursuivra son travail au service de l'intérêt public. Je tiens à saluer cette réforme.

Beaucoup a été fait et beaucoup est encore fait en ce moment même, des décrets d'application au suivi de dispositifs déjà mis en place depuis plusieurs années, comme celui des nominations équilibrées, qui produisent pleinement leurs effets ou le feront à très brève échéance.

Ces points de progrès ont notamment été mis en avant dans le rapport de mon collègue Alain Tourret. Je veux saluer avec lui le chantier du positionnement stratégique de la DGAFP qui est amorcé par le Gouvernement. C'est une orientation forte pour un meilleur pilotage des ressources humaines de l'État, lesquelles constituent avec les finances l’un des deux piliers essentiels de l’action publique, au cœur de cette mission budgétaire.

Cette orientation est appelée à se concrétiser par un texte réglementaire d'organisation attendu pour la fin de l'année. J'encourage le Gouvernement dans sa démarche et appelle l'attention de nos collègues sur tous les bancs sur la nécessité, dans les années à venir, de poursuivre dans cette voie qui permettra de conduire plus puissamment des politiques publiques transversales, communes à l'ensemble de la fonction publique d'État demain et à l'ensemble de la fonction publique tout court, après-demain.

Je rejoignais à l'instant notre collègue Alain Tourret sur ce point précis de son rapport ; c'est également le cas sur plusieurs autres points comme l'amélioration de la statistique relative à la fonction publique ou bien encore le développement de l'apprentissage. Je ne le surprendrai pas en lui disant que je ne partage pas l'ensemble de ses propositions.

Notre fonction publique est capable de se réformer, d'évoluer et de se moderniser : les nombreux chantiers que je viens d'évoquer le prouvent à l'envi. Se moderniser ne signifie pas pour autant dénaturer le statut qui est là avant tout, je le rappelle, pour assurer que la fidélité première des agents publics va à la République et que leur action est dirigée vers l'intérêt général. Le faire évoluer pour encourager toujours plus son ouverture à la jeunesse et à la diversité de la société française, pour assurer l'égalité entre les femmes et les hommes, pour que notre organisation puisse mieux répondre aux attentes des administrés – ce que fait la majorité – d'accord ! L’assouplir pour l'assouplir, sans objectifs sous-jacents, sous le prétexte qu'il serait devenu trop « rigide » me paraît relever à la fois d'un diagnostic erroné et d'une démarche qui laisse trop de prise aux analyses de certains instituts qui ne s'intéressent à l'administration que pour mieux en organiser la mise à mort. Je ne saurai souscrire, par exemple, à un dispositif de rupture conventionnelle ou à l'encouragement au recrutement de nouveaux agents publics par la voie contractuelle plutôt que par la voie statutaire.

Au-delà de ces aspects, quelques questions peuvent toutefois se poser sur le volet « Fonction publique » de cette mission budgétaire. Le Gouvernement peut-il nous préciser les orientations qui seront retenues par le futur décret relatif à l'organisation de la nouvelle direction des ressources humaines de l'État ? Un projet de décret paru dans la presse laissait apparaître une section entière intitulée « Missions de pilotage et de coordination des politiques communes à l'ensemble de la fonction publique ». En ce cas, il me paraîtrait pertinent de soumettre ce texte au Conseil commun de la fonction publique.

Madame la ministre, compte tenu de l'ampleur des changements que j'ai eu l'occasion d'évoquer, prévoyez-vous, afin de mieux apprécier les effets que ceux-ci induisent, la mise en place de nouveaux indicateurs dans le programme budgétaire ?

Enfin, vous avez récemment pris une circulaire fixant de nouvelles priorités en matière de formation : pouvez-vous nous la présenter et surtout nous indiquer comment les crédits de formation présents dans le programme budgétaire répondront à cette nouvelle orientation ?

Mme Annick Girardin, ministre de la fonction publique. Madame Descamps-Crosnier, je dois vous répondre rapidement, compte tenu des impératifs qui s’imposent aux membres de la commission des lois. Je vous ferai parvenir quelques documents complémentaires, s’il le faut.

Les fonctionnaires sont les sentinelles de la République. Ils défendent tous les jours ses valeurs. Ce ne sont pas des salariés comme les autres, ils sont engagés au service des usagers, qu’il s’agisse des entreprises, des associations ou des citoyens. C’est pour cela qu’un statut spécifique leur est réservé.

La formation professionnelle est pour moi une priorité, notamment pour améliorer la gestion des ressources humaines et rendre la fonction publique plus efficace. Les priorités, telles que je les ai formulées dans une circulaire récente, sont les suivantes : déploiement de l’école du management et des ressources humaines, mutualisation des formations transversales, prévention des discriminations, réaffirmation de la laïcité, à laquelle je suis très attachée. J’ai mis en place la commission « Laïcité et fonction publique » présidée par Emile Zuccarelli, qui rendra ses conclusions d’ici au début du mois de décembre. Sur le terrain, nous avons pu constater que les agents de la fonction publique n’étaient pas équipés pour répondre aux problématiques liées à la laïcité, ce qui suscite chez certains un mal-être.

Il importe également de développer les compétences managériales, essentielles pour accroître l’efficacité de la fonction publique. L’accompagnement des agents publics, notamment des N+1 ou des N+2, doit aboutir à un mieux-être au travail, qui constitue l’une de mes priorités.

Vous m’avez demandé si le décret relatif à la nouvelle direction des ressources humaines de l’État, qui doit être publié avant la fin de l’année, serait soumis au Conseil commun de la fonction publique. Vous savez combien je suis ouverte à la discussion, nous pourrons en débattre ensemble. Je crois beaucoup au dialogue social, aux échanges avec les employeurs de la fonction publique. Ce n’est que par cette voie que nous pouvons progresser et faire partager nos conclusions et nos projets.

C’est le dernier budget de la législature et j’aimerais souligner combien nous nous sommes impliqués pour une meilleure reconnaissance des agents de la fonction publique. Celle-ci s’est d’abord traduite par une reconnaissance financière : revalorisation des agents de catégorie C, dégel du point d’indice, qui connaîtra une nouvelle augmentation en février 2017, après une première en juillet 2016. Elle s’est aussi manifestée par la mise en place du protocole relatif aux parcours professionnels, carrières et rémunérations, dont le coût est fixé pour l’année 2017 à 686 millions. Il permet de multiples avancées : renforcement de l’unité de la fonction publique, meilleure reconnaissance du mérite – important critère à prendre en compte–, revalorisation des grilles statutaires mais aussi allongement des carrières alors qu’aujourd’hui, la plupart des fonctionnaires n’ont plus, à quarante ans, de possibilités de progression.

Nous sommes aux côtés des agents de la fonction publique qui, au quotidien, assurent le rôle de rempart contre la fracture sociale.

Mme Karine Berger, rapporteure spéciale pour les crédits relatifs à la conduite et au pilotage des politiques économiques et financières. Je remercie M. le secrétaire d’État pour ses clarifications. J’aimerais revenir sur un point qui ne suscite pas à ce stade mon adhésion : la décision de la France ne pas recourir à la clause de flexibilité du Pacte de stabilité. J’ai dit dans mon exposé qu’une telle décision ne pouvait être motivée par une raison juridique. Ce n’est pas par hasard : Pierre Moscovici lui-même, que nous avons auditionné pour la préparation du rapport, l’a affirmé. Si vos services disposent d’une réponse de la Commission européenne n’allant pas dans le même sens que les déclarations du commissaire européen aux affaires économiques, je serais très intéressée d’en prendre connaissance. J’ai regardé dans le détail les aspects juridiques de la question et je crois pouvoir convaincre vos services qu’aucune raison de cette nature ne s’oppose à cette demande.

Je vais poser la question autrement, de la manière la plus politique possible : si nous nous mettons d’accord, après échange de courriers, sur le fait qu’il n’y a pas d’obstacle juridique, la France pourra-t-elle dans les jours qui viennent, dans la droite ligne des déclarations du Président de la République le 16 novembre 2015, demander officiellement à la Commission européenne d’écarter certaines dépenses liées à la crise terroriste et à la montée des migrations dans notre pays ? Je vous remercie par avance de votre réponse.

M. Alain Chrétien, rapporteur spécial pour les crédits relatifs à la mission « Régimes sociaux et de retraite » et au compte d’affectation spéciale « Pensions ». Madame la ministre, je reste sur ma faim s’agissant de certaines inégalités de traitement. Cela ne vous choque-t-il pas que la pénibilité ne soit pas reconnue de la même manière dans le secteur public et dans le secteur privé ? Cela ne vous choque-t-il pas qu’une aide-soignante travaillant dans le privé ne bénéficie pas des mêmes mesures s’agissant de la pénibilité et donc de la retraite qu’une aide-soignante travaillant dans le public ? N’y a-t-il pas là une grande injustice ?

La question de la pénibilité dans la fonction publique nécessite d’être revue. Les catégories « actifs » et « super-actifs » sont utilisées de manière aléatoire, voire relèvent de l’archaïsme. J’ai eu l’occasion d’évoquer cette question avec les représentants du service des retraites de l’État et des régimes de retraite de la RATP et de la SNCF. Entre le compte de prévention de la pénibilité hyper-complexe exigé des entreprises et une classification qui n’a pas évolué, selon mes sources, depuis un arrêté de 1979, n’y a-t-il pas matière à harmonisation ? La pénibilité au travail doit être reconnue de la même manière dans le public et dans le privé.

M. le président Gilles Carrez. J’aimerais connaître la position du secrétaire d’État au budget sur la proposition que notre collègue Jean-Louis Dumont a formulée dans un amendement, visant à fixer des plafonds de surface immobilière pour l’État, ministère par ministère, et pour les opérateurs. Je m’interroge sur son caractère opérationnel.

Mme Annick Girardin, ministre de la fonction publique. La question de la pénibilité se pose, en effet, et j’ai souhaité que nous l’abordions avec les organisations syndicales. Je reste persuadée que nous avons des passerelles à construire entre le public et le privé. Les jeunes n’ont pas envie d’entrer dans la fonction publique pour être sous pilote automatique jusqu’à la retraite. Ils conçoivent leur vie autrement. Actuellement, la fonction publique ne compte que 8 % de personnes de moins de vingt-huit ans. Si elle veut recruter des jeunes créatifs et innovants, il faudra qu’elle travaille à son attractivité.

Tous les droits attachés à la personne doivent être comparables dans le privé et dans le public. Le compte personnel d’activité doit être appliqué dans la fonction publique. Il comportera un compte de formation et des droits concernant la prévention de la pénibilité mais nous ne serons pas en mesure, dans un premier temps, d’y intégrer un compte personnel de prévention de la pénibilité. Le Gouvernement a commandé un rapport à ce sujet, qui a montré que cette évolution était souhaitable mais qu’elle n’était pas réalisable pour l’instant. Nous devons mener un dialogue avec les organisations syndicales, notamment à propos des catégories d’« actifs » ou de « super actifs ». Le travail sur la traçabilité des facteurs de pénibilité dans la fonction publique est lancé mais il est loin d’être achevé.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget et des comptes publics. J’aimerais revenir sur la question de Mme Descamps-Crosnier sur le nouveau code des douanes de l’Union européenne. La France avait anticipé un certain nombre de dispositions et son entrée en application se déroule normalement. Au niveau réglementaire, toutes les instructions ont été données pour nous mettre en conformité. Au niveau opérationnel, nous avons mis en œuvre le dédouanement centralisé depuis le 1er mai 2016, qui permet d’effectuer les procédures déclaratives auprès d’un seul bureau de douane alors même que les marchandises sont destinées à être acheminées vers plusieurs points du territoire. À la mi-octobre, soixante grands comptes à l’international ont déposé une demande de dédouanement centralisé. Ils viennent s’ajouter à ceux qui bénéficiaient déjà de la procédure de dédouanement unique (PDU). Nous avons lancé une grande campagne de communication autour du nouveau code des douanes de l’Union européenne, à travers notamment un « Tour de France des experts ». Nous remportons plusieurs succès. Certaines opérations d’accompagnement des opérateurs ont déjà permis de rapatrier sur le territoire national plusieurs flux de marchandises qui étaient auparavant traités dans les grands ports de la Mer du Nord, notamment à Anvers, et qui passent maintenant par des ports français comme Le Havre – je ne peux citer de noms ici mais je pourrai vous les communiquer en privé.

Madame Berger, nous sommes en désaccord sur l’analyse juridique. Je ne veux pas contredire le commissaire, je ne me suis pas entretenu directement de cette question avec lui. Je maintiens la position qui est la nôtre. Nous pourrons revenir sur ce point de manière plus approfondie en séance publique, si vous le souhaitez. Ce n’est de toute façon pas moi qui pourrai vous dire ce qui doit être fait, si l’argument juridique n’est pas fondé.

Quant à instaurer un plafond de surface par opérateur, cela me paraît relever de l’usine à gaz. Il y a beaucoup d’opérateurs. Nous disposons déjà de schémas d’emplois et de budgets spécifiques. Nous n’allons pas y ajouter d’autres dispositifs. Je préférerais que soient d’abord digérés les schémas pluriannuels de stratégie immobilière (SPSI), qui sont sur la bonne voie, ainsi que les schémas directeurs immobiliers régionaux (SDIR), désormais généralisés à toute la France. Il faut laisser aux systèmes informatiques le temps de prendre en compte toutes les données nécessaires.

M. le président Gilles Carrez. Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, nous vous remercions.

La réunion de la commission élargie s’achève à dix-sept heures dix.

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