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Assemblée nationale

commission élargie

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

Commission des lois constitutionnelles,
de la législation
et de l’administration générale de la République

(Application de l’article 120 du Règlement)

Mercredi 9 novembre 2016

Présidence de M. Gilles Carrez,
président de la commission des finances,
et de M. Dominique Raimbourg,
président de la commission des lois

La réunion de la commission élargie commence à seize heures vingt.

Projet de loi de finances pour 2017

Relations avec les collectivités territoriales

M. le président Gilles Carrez. Madame la secrétaire d’État chargée des collectivités territoriales, monsieur le ministre de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales, le président de la commission des lois Dominique Raimbourg et moi-même sommes heureux de vous accueillir pour l’examen, attendu par un grand nombre d’entre nous, des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».

Selon les règles de nos commissions élargies, je donnerai d’abord la parole, pour cinq minutes, à chacun de nos rapporteurs. Après que vous leur aurez répondu, les représentants des groupes s’exprimeront, pour cinq minutes également, puis ceux de nos collègues qui le souhaitent disposeront de deux minutes pour vous interroger.

Mme Christine Pires Beaune, rapporteure spéciale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Je commence par dire un mot des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » avant d’en venir aux articles rattachés à cette mission, qui comportent, cette année encore, des dispositions importantes et, pour la plupart, attendues.

La mission « Relations avec les collectivités territoriales » représente 3,7 % des transferts financiers de l’État en faveur des collectivités territoriales, soit un montant de crédits en légère baisse par rapport à l’exercice précédent, en raison de transferts vers d’autres missions. Cette mission ne retrace donc qu’une toute petite partie de l’effort financier de l’État.

Je souhaite m’appesantir un instant sur un agrégat plus important, celui des concours de l’État en faveur des collectivités territoriales. Depuis 2014, les collectivités territoriales sont appelées à participer à l’effort de redressement des comptes publics. De 2015 à 2017, cet effort s’est élevé à 11 milliards d’euros. Lors du dernier congrès des maires, le Président de la République a annoncé une réduction de moitié de l’effort pour le seul bloc communal. Cela constitue, selon moi, une double erreur.

Première erreur : pourquoi avoir consenti une ristourne au seul bloc communal ? D’après le rapport de la Cour des comptes, que M. Didier Migaud a présenté devant la commission des finances, la dette des départements a continué de croître et leur ratio de désendettement s’est dégradé. Quant aux régions, toujours selon la Cour, elles vont vu leur situation financière se détériorer de nouveau en 2015. Les départements supportent des allocations de solidarité comme le revenu de solidarité active (RSA), l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) ou la prestation de compensation du handicap (PCH), allocations malheureusement dynamiques, et la nouvelle carte des régions conduira, dans un premier temps, à des dépenses supplémentaires liées aux harmonisations. Si un geste devait être fait, ce qui était selon moi justifié, il aurait dû l’être pour tous.

Deuxième erreur : j’estime que la réduction pour le bloc communal aurait dû être conditionnée à la réforme de la dotation globale de fonctionnement (DGF). Je suis intimement convaincue que les associations d’élus du bloc communal auraient trouvé un compromis en échange d’une réduction de leur contribution. Au lieu de cela, on a préféré abroger purement et simplement l’article 150, autrement dit, on a renoncé à la réforme. Permettez-moi de citer Sénèque : « Ce n’est pas parce que les choses sont difficiles que nous n’osons pas, c’est parce que nous n’osons pas qu’elles sont difficiles. »

Aujourd’hui, nous sommes au pied du mur. La Cour des Comptes n’a pas dit autre chose hier, en séance du Comité des finances locales (CFL). Pour financer la hausse de la population, les mouvements de la carte intercommunale et la hausse de la péréquation – les emplois internes, dans notre jargon –, le Gouvernement s’est vu contraint d’accroître le périmètre des variables d’ajustement. Il est allé chercher les dotations de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) des départements et des régions, la dotation de compensation pour transferts de compensations d’exonération de fiscalité locale, dite « dot.carrée » ou Dot2, des départements et des régions, et, enfin, les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP). Le débat a eu lieu lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances, et il a permis, sous l’impulsion des amendements adoptés par la commission des finances, d’avancer sur ce sujet, même si la solution reste insatisfaisante – nous y reviendrons en seconde lecture.

Nombre des mesures nouvelles s’inspirent des conclusions du rapport d’information sur la DGF du bloc communal, que j’ai eu l’honneur de rédiger, au nom de la commission des finances, avec notre collègue Véronique Louwagie.

Il en va ainsi de la réforme de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU) qui emprunte également à la résolution du Comité des finances locales. Cette réforme est importante et complexe, car elle combine plusieurs paramètres : le resserrement des communes éligibles, la modification du paramétrage de critères de l’indice synthétique, le remplacement de la DSU cible par une répartition plus lissée de l’augmentation, et le choix du coefficient. Tous ces éléments rendent l’interprétation plus complexe. Selon moi, le double objectif visé – le rattrapage en faveur des communes au-delà des 250 premières, et la poursuite d’une croissance soutenue pour les communes éligibles à l’ex-DSU cible – est atteint.

En ce qui concerne les effets désastreux des mouvements de périmètre pour les communautés d’agglomération en 2016, le projet de loi ajoute 70 millions d’euros en faveur de cette catégorie d’établissement public de coopération intercommunale (EPCI). Il s’agit là d’une mesure juste, financée grâce à un amendement du Gouvernement adopté en première partie, hors enveloppe normée. C’est un point positif qu’il convient de saluer.

Enfin, je ne peux m’empêcher de dénoncer la situation de ces communes parmi les plus favorisées de notre territoire, qui, certes, participeront à l’effort de redressement à un juste niveau cette année via un prélèvement sur leur fiscalité – ce qui est déjà un progrès –, mais qui continueront par ailleurs à échapper totalement au financement des emplois internes, donc de la péréquation. Cette situation, qui s’accompagne du plafonnement d’un nombre considérable de communes pour ce qui concerne l’écrêtement dit « péréqué » – qui, de fait, est, au contraire, anti-péréquateur –, m’a conduite à déposer un amendement pour sortir de cette aporie.

Pour terminer sur une note positive, je tiens à souligner l’effort conséquent de l’État, depuis 2012, pour soutenir l’investissement des collectivités locales, en particulier depuis les deux dernières lois de finances. En 2017, le Gouvernement propose une enveloppe globale d’1,2 milliard d’euros comprenant la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) et la dotation de soutien à l’investissement. Il s’agit d’une bonne nouvelle pour les collectivités et, surtout, pour notre économie et pour l’emploi. Il sera toutefois utile de regarder de plus près les modalités de répartition de ces fonds, car il est difficilement compréhensible ou acceptable que ce qui est possible dans une région ne le soit pas dans la région voisine.

Je conclus en exprimant le souhait que le chantier de la fiscalité locale, je veux parler de la révision des valeurs locatives cadastrales, aille à son terme dans l’intérêt même de nos collectivités.

M. Hugues Fourage, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. L’examen du projet de loi de finances pour 2017 nous permet d’apprécier l’engagement particulier des collectivités territoriales dans les grandes réformes qui auront marqué ce quinquennat.

En premier lieu, la participation des collectivités territoriales au plan d’assainissement des finances publiques, que notre majorité a adopté en 2014, et qui nous a permis de rétablir la crédibilité budgétaire de la France, a été très importante puisqu’elle représente une réduction de 9,6 milliards d’euros des dotations de l’État en trois ans. Je souligne que peu d’administrations ont été capables de réaliser une telle économie en si peu de temps. Les collectivités jouent donc un rôle décisif dans la modération actuelle de la dépense publique par la contraction de leurs dépenses d’investissement, liée pour partie au cycle électoral, ainsi que par leurs efforts sur les dépenses de fonctionnement.

En second lieu, les collectivités se sont engagées dans un véritable acte III de la décentralisation se traduisant par une refonte très ambitieuse de la carte territoriale, visible à travers notamment les nouveaux schémas départementaux de coopération intercommunale (SDCI) en cours d’adoption, et par de multiples transferts de compétences générant d’intenses flux financiers entre échelons.

Ces réformes n’ont été possibles que grâce à l’engagement et à la responsabilité des élus locaux. Je souhaite insister sur ce point qui me permet de souligner combien il est nécessaire de les accompagner dans ces démarches, dans un contexte d’interrogations légitimes, parfois d’incertitudes, sur ce que seront leurs moyens et les conditions de réalisation de leurs missions sur leur territoire et auprès de leur population.

Nous avons pris, à ce titre, de nombreuses mesures au sein des précédentes lois de finances, et nous nous apprêtons à les compléter dans ce projet de loi.

Nous avons, tout d’abord, renforcé les outils de péréquation verticale et horizontale. Je citerais en exemple le renforcement, par les lois de finances initiales (LFI) de 2015 et 2016, des possibilités de déroger à la répartition de droit commun du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC) pour répondre à des besoins locaux. Ce type de solidarité doit être renforcé, car c’est sans doute l’une des clés d’une péréquation aboutie.

Nous avons, ensuite, encouragé les dépenses les plus productives ou les plus structurantes pour les territoires. Je pense notamment à la mise en œuvre du Fonds de soutien à l’investissement local (FSIL), doté de 1 milliard d’euros en LFI 2016. Il est reconduit à hauteur de 1,2 milliard d’euros dans le PLF 2017 de manière à soutenir à la fois les grands projets d’investissement dont ont besoin nos territoires, mais aussi le développement rural.

Au total, la situation des finances locales s’est améliorée, mais cette amélioration globale ne doit cependant pas masquer l’hétérogénéité de la situation financière des différentes catégories de collectivités territoriales. Certaines d’entre elles sont toujours dans des situations très difficiles, par exemple parmi les petites et moyennes villes ou au sein des départements. De même, certaines régions éprouvent des difficultés financières qui pourraient les contraindre dans l’exercice de leurs nouvelles missions. Si le projet de loi comporte des mesures allant dans le bon sens, comme la réduction de la contribution des régions au redressement des finances publiques (CRFP) du bloc communal, l’annonce d’un fonds d’urgence pour les vingt départements les plus en difficulté, et le transfert d’une fraction de TVA aux régions, il nous faut demeurer vigilants.

Je veux souligner deux éléments essentiels de l’évolution des crédits de la mission. Premièrement, la part des dotations d’investissement au sein des crédits de la mission est croissante, notamment parce qu’elle comporte une partie des crédits liés au Fonds de soutien à travers la dotation de soutien à l’investissement public local (DSIL) et la DETR. Ceux-ci représentent ainsi 30 % des crédits de la mission. Deuxièmement, si les crédits de la mission baissent légèrement, ce constat dissimule une augmentation globale de ceux dédiés au soutien aux collectivités territoriales puisqu’une partie de la DSIL, prévue à l’article 60, est financée sur les crédits de la mission « Politiques des territoires », soit principalement les contrats de ruralité.

Avec ma collègue, Christine Pires Beaune, et le groupe socialiste, nous avons déposé plusieurs amendements. L’un tend à clarifier les règles d’attribution du FSIL. Pourriez-vous, madame la secrétaire d’État, nous présenter les principaux dysfonctionnements rencontrés dans les territoires et les mesures prises pour y répondre ? Un autre amendement vise à inclure les budgets annexes dans la prise en compte des recettes pour le calcul de la CRFP. Vos services ont-ils constaté un effet d’éviction pour certaines collectivités, lié à la multiplication de ces budgets ? Enfin, vous avez annoncé une prochaine loi de financement des collectivités territoriales, notamment pour porter la réforme de la DGF. Pourriez-vous nous indiquer dans quel calendrier pourrait s’inscrire ce projet, et quelles pourraient être ses principales caractéristiques ?

À l’issue de notre débat, j’appellerai la Commission des lois à adopter les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».

M. Jean-Michel Baylet, ministre de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales. J’entends vous présenter, en guise de propos liminaire, les grandes orientations budgétaires relatives à la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». Je serai ensuite, malheureusement, dans l’obligation de vous quitter, car je dois me rendre au Sénat pour l’examen du projet de loi relatif au Grand Paris, auquel il est impossible que je ne participe pas. Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État chargée des collectivités territoriales, restera évidemment parmi vous pour répondre à vos questions. Je vous prie de bien vouloir m’excuser pour ce contretemps.

Dans le projet de loi de finances pour 2017, les crédits de la mission que nous examinons aujourd’hui s’élèvent à un peu plus de 4 milliards d’euros. Au-delà de cette enveloppe, les différents prélèvements sur les recettes de l’État au profit des collectivités territoriales s’établissent à plus de 44 milliards d’euros. Ils s’ajoutent aux plus de 11 milliards d’euros prévus au titre du financement par l’État de différents dégrèvements d’impositions locales.

Cette mission poursuit trois objectifs principaux : attribuer aux collectivités les ressources nécessaires à l’exercice de leurs missions en tenant compte de leur situation financière ; accompagner l’investissement local dans une logique de financement de projets et d’effet de levier ; compenser les charges transférées aux collectivités dans le cadre des lois de décentralisation, tout particulièrement concernant les textes récemment votés qu’il s’agit de mettre en œuvre.

Depuis 2014, il faut reconnaître que les collectivités territoriales ont pris toute leur part dans l’effort de redressement des finances publiques, et qu’elles ont contribué à ramener le déficit sous la barre des 3 % du PIB. Dans le PLF 2017, le total des transferts financiers de l’État aux collectivités territoriales est en diminution de 2,8 milliards d’euros. Des débats animés ont eu lieu lors de l’examen de l’article 14, car, pour respecter cette trajectoire budgétaire dans un contexte de forte progression de certains versements aux collectivités – notamment la compensation par l’État de mesures d’exonération de taxe d’habitation –, il faut en minorer d’autres. Ce sont les fameuses variables d’ajustement. Comme j’ai eu l’occasion de le dire au congrès des départements de France, je suis soucieux d’aboutir à un compromis équilibré sur ce sujet. L’amendement du Gouvernement voté en première partie a déjà permis de progresser dans cette direction. Il faudra vraisemblablement aller plus loin.

Néanmoins, la situation financière des collectivités reste contrainte, et je tiens à souligner que les élus locaux ont su, face à cette diminution notable des concours de l’État, faire preuve de réactivité et de responsabilité.

Cela a été dit, la contribution des collectivités territoriales s’élèvera à 2,63 milliards d’euros en 2017. Ce montant tient compte de la réduction de moitié de l’effort des communes et des intercommunalités, conformément aux engagements pris par le Président de la République lors du congrès des maires de juin dernier. Cette décision contribue à un juste équilibre, me semble-t-il.

S’agissant du bloc communal, je me suis attaché à corriger une injustice dans la répartition de l’effort. Certaines communes, qui bénéficient de recettes particulièrement importantes, ne perçoivent plus de DGF, et ce, parfois, depuis 2015. Elles acquittent cependant leur contribution de l’année par un prélèvement sur leurs recettes fiscales. En 2016, ce prélèvement est égal, comme pour toutes les communes, à 1,8 % des recettes totales. En 2017, ce sera moitié moins pour toutes, mais le prélèvement 2016 sera ajouté à celui de 2017 pour assurer une parfaite égalité de l’effort avec les autres communes pour lesquelles la DGF a été réduite en base.

S’agissant de la contribution des régions, j’ai déposé un amendement visant à revoir le calcul de celle applicable à la Corse. Elle est, en effet, répartie en fonction des recettes totales de chaque région. Pour la Corse, cela représente un prélèvement de 23 euros par habitant, quand la moyenne se situe entre 5 et 8 euros par habitant – 6 euros, par exemple, en Île-de-France. Cela s’explique par l’importance des recettes spécifiques de l’île. Afin de ne pas pénaliser cette collectivité, il est proposé de retirer ces dernières du calcul des recettes totales.

Concernant les départements, je souhaite dire à nouveau ma déception devant l’échec des négociations pour la recentralisation du RSA, car il y avait là le moyen de leur rendre des marges de manœuvre. À la demande du Premier ministre, je menais ces négociations, je peux donc témoigner que nous étions très proches d’un accord : il aurait suffi d’un peu de bonne volonté et d’un peu moins d’interférences politiques liées à la période actuelle pour pouvoir conclure. Néanmoins, comme j’en ai pris l’engagement devant le congrès de l’Assemblée des départements de France (ADF), un fonds exceptionnel de 200 millions d’euros figurera en loi de finances rectificative afin d’apporter le soutien nécessaire à ces collectivités.

La recherche d’une plus grande équité a également guidé la répartition des concours financiers de l’État. Dans cette logique, la progression de la péréquation financière au sein de la DGF atteindra en 2017 un niveau sans précédent. Ainsi, la première partie du PLF, telle qu’adoptée par votre assemblée, prévoit une augmentation de 380 millions d’euros de la péréquation, qui se décompose de la manière suivante : 180 millions pour la dotation de solidarité urbaine (DSU), 180 millions pour la dotation de solidarité rurale (DSR), 20 millions pour les dotations de péréquation des départements.

Pour répartir plus équitablement le financement de cette mesure entre les communes, le Gouvernement propose de relever le plafond de l’écrêtement de 3 % à 4 %, reprenant les préconisations des groupes de travail parlementaires sur la DGF. Cette progression des mécanismes de péréquation, dans un contexte d’allégement de la contribution au redressement des finances publiques du bloc communal, assure le maintien d’un haut niveau de solidarité entre les collectivités – j’insiste à nouveau sur ce point.

Cela permettra, en outre, de mener à bien la refonte de la DSU dans de bonnes conditions. Malgré le report de la réforme de la DGF, sur lequel je reviendrai, j’ai souhaité reprendre certaines des propositions formulées par les parlementaires et le Comité des finances locales, pour une meilleure répartition de la DSU. Ces propositions, travaillées au CFL, font l’objet, sinon d’un consensus, au moins d’un large accord.

Plusieurs d’entre elles figurent dans le projet de loi initial. Il en est ainsi de la prise en compte accrue du critère « revenu » en contrepartie d’une baisse du poids du potentiel financier. On peut citer également la réduction du nombre de communes bénéficiaires. Cette réduction sera limitée – on passerait, selon les données de l’année 2016, de 751 à 668 communes de plus de 10 000 habitants éligibles en 2017 –, mais elle permettra de redéployer progressivement en leur faveur des moyens supplémentaires. Il ne faut pas oublier, enfin, la suppression de l’effet de seuil. Cette suppression peut faire l’objet de discussions, mais je suis convaincu que le maintien d’un tel effet de seuil aurait eu pour conséquence de contrarier la logique de progression de la péréquation, pourtant indispensable entre les collectivités bénéficiaires de la DSU. Certains d’entre vous souhaitent réduire l’écart entre la première et la dernière commune éligible, c’est aussi ma position. D’autres veulent, à l’inverse, l’accroître. Je pense, pour ma part, que la répartition proposée permet l’équilibre entre un soutien renforcé aux communes les plus en difficulté et la suppression de l’effet de seuil créé par le mécanisme actuel.

Toujours dans cette logique, j’ai souhaité que la DSU soit désormais versée par mensualités, comme la dotation forfaitaire, et non plus en milieu d’année, comme c’est le cas actuellement. Cela répond à une demande de nombreux élus, dont certains parlementaires. En effet, sous l’impact de la baisse des dotations et de la progression de la péréquation, la DSU de certaines communes est parfois plus importante que leur dotation forfaitaire. Cette évolution contribue à améliorer concrètement la gestion par l’État des dotations aux collectivités. Nous y avons particulièrement veillé, car des marges de progression existent dans ce domaine.

S’agissant toujours de la péréquation, ce PLF modifie la dotation d’aménagement des communes d’outre-mer (DACOM), suite au rapport du sénateur Georges Patient et au constat des effets insuffisants de cette dotation. Le rapport majoré de population utilisé pour son calcul est ainsi porté de 33 % à 35 % ce qui, compte tenu de la progression de la péréquation, devrait porter la DACOM à 233 millions d’euros en 2017.

Plus globalement, la recherche d’une plus grande justice entre les collectivités passera inévitablement par la réforme de la DGF, comme vous venez de le dire, madame la rapporteure spéciale. Conformément aux décisions du Président de la République, cette réforme structurelle fera l’objet d’un texte spécifique intégré dans le projet de loi de financement des collectivités (PLFC), à partir de 2018. Monsieur Fourage, nous avons lancé des consultations avec Estelle Grelier, pour voir comment, à côté du PLF et du PLFSS (projet de loi de financement de la sécurité sociale), il pourrait y avoir un PLFC. Les discussions qui ont entouré l’article 14 du PLF sur la question des variables d’ajustement, montrent combien nous avons besoin d’un examen encore plus approfondi des finances locales devant le Parlement. J’espère pouvoir compter sur votre aide pour accompagner et faire avancer cette proposition importante.

En cohérence, ce texte prévoit la suppression de l’article 150 de la loi de finances de 2016. Je sais que certains d’entre vous le regrettent, et que des amendements seront probablement déposés pour reprendre tout ou partie de la réforme reportée, mais j’ai acquis la conviction que ce chantier ne pourra être achevé que par le biais d’une loi spécifique, construite dans une large concertation dès le début de la prochaine mandature, et non en fin de mandature.

Au-delà du Gouvernement, il faudra aussi que les associations d’élus qui, unanimes, réclament à cor et à cri cette réforme, parviennent à harmoniser leur position sur la manière de procéder. Chacun voyant midi à sa porte, cela ne facilite pas la tâche du ministre en charge – et je pourrais en dire à peu près autant s’agissant des groupes, ô combien compétents et spécialisés, qui se sont créés à l’Assemblée et au Sénat sur le sujet.

Parallèlement au redressement des comptes publics et à la recherche d’une plus grande équité entre les collectivités, le Gouvernement a décidé de renforcer, en 2017, le soutien à l’investissement local et à la politique d’aménagement du territoire.

Le texte initial met en œuvre les annonces du Président de la République, en reconduisant le Fonds de soutien à l’investissement local instauré par la précédente loi de finances. Il passera de 1 milliard d’euros, en 2016, à 1,2 milliard d’euros, en 2017. Ce fonds, dont la gestion est assurée par mon ministère et qui a pour vocation de porter les projets que les collectivités sont prêtes à engager, sera réparti en deux parts égales de 600 millions d’euros.

La première enveloppe permettra, comme cette année, de soutenir des projets répondant aux grandes priorités nationales d’investissement public. Elle financera également le pacte de coopération entre l’État et les métropoles, signé par le Premier ministre, le 2 juillet dernier.

J’ai souhaité que la seconde enveloppe constitue un signal fort qui viendra concrétiser la politique du Gouvernement en faveur du monde rural. Elle financera notamment les contrats de ruralité – qui connaissent déjà un certain engouement alors que leur mise en place n’est prévue que pour 2017 –, à hauteur de 216 millions d’euros, ainsi qu’une hausse significative de la DETR de 384 millions d’euros pour la porter à 1 milliard d’euros en 2017, soit une hausse de 62 % en trois ans. Ce renforcement significatif permet également de faire évoluer cette dotation pour une répartition plus homogène des crédits supplémentaires entre les départements. Les années précédentes, compte tenu des critères d’attribution de la DETR, certains départements avaient pu être désavantagés sous l’effet d’une évolution de leur carte intercommunale.

Monsieur le rapporteur, vous m’avez interrogé sur les critères d’attribution du FSIL. J’ai souhaité une déconcentration des fonds vers les préfets de région plutôt qu’un système d’appel à projets, certes séduisant, mais si lourd, complexe et long que l’ingénierie territoriale qu’il demande en exclut de fait certaines collectivités. Chaque début d’année, le ministère fait part aux préfets de région des enveloppes dont ils disposent. Ils sont ensuite chargés de répartir les fonds en liaison avec les préfets de département et, selon mes instructions, avec les parlementaires et les élus locaux. Ces fonds sont cumulables avec la DETR, avec le Fonds national pour l’aménagement et le développement du territoire (FNADT) et avec les fonds LEADER européens. Une seule condition est posée : les dossiers doivent concerner des projets prêts à être lancés immédiatement. Le FSIL est destiné à relancer l’investissement des collectivités ; il n’est donc pas question de demander des subventions pour des projets qui ne seraient prêts que dans deux ans.

Il est vrai qu’il y a eu, dans quelques régions, des difficultés avec des préfets qui avaient du mal à accepter le cumul des fonds, et aussi dans les relations avec certains élus. Tout cela n’est pas normal ! J’ai donc rappelé aux préfets, de façon ferme et précise, les conditions de fonctionnement du FSIL, lors de l’une de leurs réunions mensuelles au ministère de l’intérieur. Cela devrait maintenant aller mieux. Il faut évidemment que les élus locaux et les parlementaires soient associés à la répartition de ces fonds. Il faut aussi que les préfets de région et leur secrétaire général pour les affaires régionales (SGAR) associent les préfets de département. C’était la première année d’application, il a fallu procéder à des réglages : les choses se passent désormais au mieux.

Le PLF prévoit qu’aucune enveloppe départementale de DETR ne baissera en 2017 par rapport à 2016. En outre, un amendement du Gouvernement vise à augmenter de moitié la dotation politique de la ville (DPV), dont j’ai la responsabilité avec Patrick Kanner, pour la porter à 150 millions d’euros. Ces moyens supplémentaires permettront d’aider davantage de communes – 180 au lieu de 120 – et d’accompagner au mieux les effets de la nouvelle géographie prioritaire sur la répartition de la DPV. Les territoires les plus en difficulté bénéficieront ainsi de moyens renforcés pour investir dès 2017.

Au total, l’effort accompli par l’État pour soutenir l’investissement local atteindra en 2017 un niveau sans précédent.

La dernière commission départementale de la coopération intercommunale (CDCI) se tient aujourd’hui dans l’Aude. Nous en sommes donc à la dernière étape de cette évolution très importante pour nos collectivités que sont les nouveaux SDCI et la création des nouvelles intercommunalités. Au 1er janvier prochain, la France comptera donc 1 263 intercommunalités contre 2 062 actuellement. Dans ce contexte, je souhaite évoquer certaines des mesures d’accompagnement que nous mettons en œuvre.

Au-delà de la DGF, les nouveaux schémas ont aussi un impact sur le FPIC. Pour apporter de la stabilité, le Premier ministre avait annoncé, sur ma proposition, le gel du FPIC à 1 milliard d’euros en 2017, sa montée en charge à 2 % des recettes étant reportée à 2018. D’aucuns auraient souhaité aller plus loin, mais cette position d’équilibre vise à maintenir une ambition forte en matière de péréquation tout limitant les variations trop importantes en cette année de changement des périmètres intercommunaux. En outre, la progression inédite de la péréquation au sein de la DGF accroît l’effort de solidarité entre collectivités. Comme l’indique le rapport récemment remis au Parlement, les estimations réalisées sur la base de cette stabilisation montrent que le FPIC atteint globalement l’objectif fixé.

Un amendement gouvernemental vient faciliter les ajustements financiers au sein des nouvelles intercommunalités. Il vise, d’une part, à améliorer le fonctionnement des commissions locales d’évaluation des charges transférées et, d’autre part, à assouplir les modalités de détermination et de révision des attributions de compensation versées par les EPCI à leurs communes membres.

Chaque année, vous êtes nombreux à déposer des amendements visant à assouplir les conditions de révision des attributions de compensation. Il vous est régulièrement opposé l’inconstitutionnalité de vos propositions au regard du principe de libre administration des communes. J’ai pris l’initiative de saisir le Conseil d’État sur ce point, et j’ai souhaité que soit rendu public l’avis où il donne les marges d’évolution possibles.

L’amendement proposé s’inscrit dans ce cadre. Il permet de prolonger d’une à deux années après une fusion la période durant laquelle une révision dérogatoire des attributions de compensation est possible. Il permet également aux EPCI de conduire soit une révision libre dès la première année si la commune manifeste son accord, soit une révision à la majorité des deux tiers de l’organe délibérant de l’EPCI avec des marges de manœuvre élargies par rapport au droit actuel.

La réforme des EPCI a fait apparaître, cette année, des difficultés concernant le financement de la dotation d’intercommunalité pour les communautés d’agglomération. Ce n’est rien de le dire et nombre de parlementaires sont venus m’en parler ! En 2016, la transformation de vingt-huit communautés d’agglomération ou leur intégration dans des communautés urbaines ou des métropoles a fondamentalement modifié les équilibres internes. Cette évolution a souvent abouti à une diminution de la dotation pour les communautés d’agglomération préexistantes. Pour les communautés d’agglomération créées en 2016, la progression de cette dotation a été faible voire inexistante. Sans modification, la situation ne manquerait pas de s’amplifier en 2017, compte tenu de la refonte des schémas intercommunaux. C’est pourquoi le PLF prévoit d’augmenter le montant de la dotation d’intercommunalité des communautés d’agglomération, en le faisant passer de 45 à 48 euros par habitant. Comme adopté en première partie, le coût de cette mesure, estimé à 70 millions d’euros, sera assumé par le budget général.

En direction des départements, le texte initial apporte une modification relative au Fonds de péréquation sur la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). La garantie actuelle pour les départements subissant une perte supérieure à 5 % du produit de cette contribution n’est plus opérante en raison du transfert de 25 points de CVAE aux régions. Cette garantie est donc supprimée, même si le Fonds n’est pas remis en cause.

Toujours dans un objectif d’accompagnement des territoires, le PLF prévoit de maintenir les dotations de péréquation des anciennes régions au même niveau qu’en 2016, et de ne pas les recalculer en fonction du nouveau périmètre.

L’article 89 de la loi de finances pour 2016 prévoyait la remise d’un rapport du Gouvernement au Parlement sur les ajustements à opérer dans le cadre des transferts de compétences induits par la loi portant sur la nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe). Sur la base de ce rapport, le Gouvernement propose, à l’article 62, de s’assurer que la région Île-de-France verse bien une dotation de compensation aux départements, en contrepartie du transfert de 25 points de leur CVAE. En 2017, ce transfert sera donc neutre. Au-delà, la dynamique de la CVAE bénéficiera à la région Île-de-France et servira à financer le nouveau réseau de transports en commun.

Les régions sont aussi concernées par l’amendement du Gouvernement visant à mettre en œuvre les engagements pris par le Premier ministre lors du congrès de Reims. Pour soutenir leurs actions dans le cadre des responsabilités renforcées en matière de développement économique et notamment la délivrance d’aides aux entreprises, cet amendement institue, en 2017, un fonds exceptionnel de soutien doté de 450 millions d’euros. Ce fonds sera réparti en fonction des dépenses de développement économique engagées par les régions, de leurs recettes fiscales et de leur population. Un acompte de 200 millions d’euros sera versé dès 2017. Le versement du solde, soit 250 millions d’euros, sera conditionné à l’augmentation des dépenses consacrées au développement économique, au minimum à hauteur de ce solde.

Cet amendement prévoit aussi que les régions partageront les recettes de la TVA avec l’État à partir de 2018. La DGF des régions sera supprimée et remplacée par des fractions de TVA qui évolueront au rythme de la TVA nationale. Ce progrès considérable en termes d’autonomie financière répond à une demande forte des régions qui avaient perdu l’essentiel de leur fiscalité lors de la réforme de la taxe professionnelle. Cette évolution constitue donc un véritable acte de décentralisation, cohérent avec les orientations de la réforme territoriale.

En conclusion, le PLF pour 2017 s’inscrit dans la ligne politique que nous avons définie, à savoir la poursuite du redressement indispensable de nos finances publiques, la poursuite de la correction des écarts de richesse via le renforcement de la péréquation, et l’accompagnement des collectivités dans la mise en œuvre de la réforme territoriale.

Voilà ce que je souhaitais dire en ce début de réunion. Je vous demande encore de bien vouloir m’excuser d’avoir à rejoindre vos collègues du Sénat. Je laisse Estelle Grelier, qui connaît bien ces sujets, poursuivre la discussion à vos côtés.

Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État chargée des collectivités territoriales. « Pourquoi la CRFP a-t-elle été réduite prioritairement à l’échelon communal et intercommunal plutôt que département ou régional ? », demandez-vous, madame la rapporteure spéciale. Les départements ont conclu avec l’État un pacte de confiance prévoyant le relèvement des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) de 3,8 % à 4,5 % et un transfert sur la part de l’État des frais de gestion du foncier bâti. Grâce à ce pacte, dès 2014, les recettes des départements ont progressé plus vite que les trois dépenses d’allocations individuelles de solidarité. Je tenais à le préciser, même si les départements continuent à rencontrer des difficultés liées au transfert du RMI (revenu minimum d’insertion) et du RSA.

Sans vouloir provoquer, j’ajoute que la loi NOTRe a permis une clarification des compétences, notamment en ce qui concerne les actions de développement économique qui ne sont plus du ressort des départements. Comme Jean-Michel Baylet, je regrette l’échec des négociations sur la recentralisation du financement du RSA. Des propositions, qui reviennent d’ailleurs actuellement dans le débat public, auraient permis d’alléger ce financement.

Quant aux régions, elles ont bénéficié du transfert d’une partie de TVA qui vient d’être rappelé, mais aussi du transfert de 25 points de CVAE issus des départements. Les mesures spécifiques dont font l’objet ces deux échelons ont justifié la décision de diviser la CRFP par deux pour le bloc local, c’est-à-dire les communes et les intercommunalités.

Monsieur le rapporteur pour avis, vous nous avez interrogés sur l’intégration des budgets annexes dans l’assiette de calcul de la CRFP. La commission des lois en avait fait la demande et le Gouvernement a décidé d’expertiser la faisabilité d’une telle mesure. Une mission, conduite conjointement par l’Inspection générale de l’administration (IGA) et l’Inspection générale des finances (IGF), a conclu à la pertinence d’une telle révision, à partir du moment où il y a CRFP.

Il semble cependant difficile d’appliquer dès 2017 ce nouveau calcul qui nécessite un traitement différencié des différentes données. Une application en l’état provoquerait des ressauts de CRFP importants, notamment pour les intercommunalités : la CRFP pourrait augmenter de 50 % dans certaines métropoles. Une telle conséquence serait assez contradictoire avec l’annonce du Président de la République de la division par deux de la CRFP pour le bloc communal. La direction générale du logement (DGL) et la direction générale des finances publiques (DGFiP) travaillent à la fiabilisation des données pour permettre l’intégration que vous souhaitez.

M. Olivier Dussopt. Les collectivités participent largement au redressement des finances publiques. Dans son rapport, la Cour des comptes précise que plus de la moitié du redressement des finances publiques est lié à l’effort réalisé par les collectivités locales et les administrations publiques locales. Ce constat justifie les décisions prises par le Président de la République à l’occasion du congrès des maires.

Ce budget, du point de vue tant de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » que des différents concours financiers de l’État aux collectivités, est celui des engagements tenus. Il concrétise l’annonce du Président de la République de la division par deux, à 1 milliard d’euros, de la contribution du bloc local à la dernière tranche de baisse des dotations. Deuxième engagement tenu : le FSIL est prorogé d’un an et porté à 1,2 milliard d’euros, en deux enveloppes de 600 millions d’euros. Ce fonds permettra d’aider les zones rurales et périurbaines en finançant les contrats de ruralité et la hausse sans précédent de la DETR – en trois exercices, celle-ci a augmenté de plus de 60 %. Un troisième engagement est tenu, malgré quelques nuances, avec la montée en puissance de la péréquation verticale : la DSU augmente de 180 millions d’euros et la DSR va, elle aussi, progresser du même montant après l’adoption d’un amendement de notre collègue Christine Pires Beaune en première partie du PLF.

Ce budget comporte des mesures utiles ou raisonnables, telles que le gel du FPIC à hauteur de 1 milliard d’euros. La forte hausse prévue du FPIC, conjuguée à la révision des périmètres intercommunaux, aurait créé une incertitude trop importante pour les collectivités. Quelque 70 millions d’euros vont financer la montée en puissance des intercommunalités, c’est-à-dire à dire la transformation de communautés de communes en communautés d’agglomération ou la conversion d’agglomérations en communautés urbaines, sur fond de réforme des modalités d’attribution de la DSU. Le lissage de la DSU permettra de casser l’effet de seuil qui existe entre la dernière commune éligible à la DSU cible – celle qui occupe la deux cent cinquantième place dans le classement des plus défavorisées – et la suivante.

Cette réforme de la DSU appelle quelques remarques. Elle nous paraît aller dans le bons sens, car elle entraîne une concentration du nombre de communes éligibles et un lissage qui rend la répartition plus juste. Elle a néanmoins des conséquences pour les communes les plus défavorisées qui étaient jusqu’à présent les plus aidées. Le ministre vient de s’engager à augmenter la DPV à hauteur de 50 millions d’euros, ce que j’apprécie, mais nous devons continuer à travailler sur les critères d’attribution d’ici à la deuxième lecture, de manière à ce que les communes éligibles à la DSU cible bénéficient pleinement du système sous forme de compensations ou de garanties.

Nous apprécions aussi les engagements qui ont été pris en matière d’inscription de crédits de paiement, à hauteur d’au moins 100 millions d’euros, pour les opérations réalisées dans le cadre de l’augmentation des moyens de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU). Et nous appelons de nos vœux, à l’occasion de l’examen des articles non rattachés, une réflexion sur les mécanismes d’exonération de taxe foncière sur la propriété bâtie, afin que les communes aient la main, pour parler de manière triviale, et puissent être vraiment en situation de décider, notamment vis-à-vis des bailleurs sociaux.

J’aimerais aussi revenir sur une question qui ne relève pas de la seconde partie mais qui a été évoquée par le ministre et la secrétaire d’État : les variables d’ajustement. Toutes les mesures d’augmentation de la péréquation verticale, les emplois internes, nécessitent une augmentation des variables d’ajustement. Il faut veiller à deux choses.

Premièrement, le choix des variables ne doit pas avoir un effet contre-péréquateur dû à l’utilisation des dotations de compensation de la réforme de la taxe professionnelle ou des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle. Les plus grands bénéficiaires de ces financements étaient ceux qui percevaient le moins de recettes au titre du Fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR). Il faut procéder à un ajustement pour éviter cet effet « contre péréquateur » par habitant.

Deuxièmement, il faut s’interroger pour savoir si des mesures d’exonération sur les ménages doivent être financées dans le cadre des variables d’ajustement interne à cette mission, je pense notamment à la taxe d’habitation des veufs et veuves à hauteur de 500 millions d’euros.

La secrétaire d’État vient d’apporter des éléments de réponse à une question que je voulais poser sur l’intégration des budgets annexes des services publics administratifs. L’argument que vous déployez, madame la secrétaire d’État, nous a déjà été donné l’année dernière. Le rapport publié cet été par l’IGF et l’IGA et les douze mois écoulés auraient dû permettre de surmonter les difficultés. Nous aurons à débattre d’un amendement dans quelques instants.

Enfin, nous sommes nombreux à appeler de nos vœux une territorialisation de la CVAE, de façon à rapprocher le bénéfice de cette cotisation des territoires sur lesquels sont implantés les sites de production. Il nous serait utile de connaître l’avis du Gouvernement sur les amendements déposés sur le sujet.

M. Guillaume Chevrollier. La mission « Relations avec les collectivités territoriales » s’inscrit dans un contexte très délicat, marqué par une nouvelle diminution de 2,634 milliards d’euros des concours financiers de l’État aux collectivités, qui fait suite à une baisse de 3,5 milliards d’euros l’an dernier. Dès lors, l’augmentation de 3,6 % des crédits de paiement semble bien dérisoire. Les crédits de cette mission ne représentent qu’à peine 3 % des concours de l’État aux collectivités.

En analysant les chiffres, on constate une baisse de 451 millions d’euros de la dotation aux régions qui doivent pourtant assumer des compétences nouvelles, une baisse de 1,35 milliard d’euros de la dotation pour le bloc communal – communes et EPCI – et une baisse de 1,140 milliard d’euros de la dotation versée aux départements. L’année 2016 aura donc été particulièrement éprouvante pour les collectivités puisque cette nouvelle baisse des dotations est allée de pair avec la réduction de vingt-deux à treize du nombre de régions métropolitaines, le transfert de compétences des départements vers les régions et le resserrement de la carte des intercommunalités.

Dans ce contexte, le groupe Les Républicains tient à saluer les efforts extrêmement importants consentis par toutes les collectivités qui ont réussi, malgré cet étranglement financier, à éviter une dégradation de leurs finances sans recourir au levier fiscal.

Après le rapport de la Cour des comptes sur les finances locales, la note de conjoncture économique de La Banque Postale salue un effort dans la maîtrise des dépenses de fonctionnement qui progressent de 1,1 %, c’est-à-dire à un rythme très réduit par rapport aux années précédentes. L’épargne brute des collectivités, qui permet notamment d’autofinancer leurs investissements, devrait diminuer de 2,6 % en 2016 mais le dérapage est évité. On peut également souligner la légère hausse de 1,3 % des investissements locaux, même si le montant reste faible.

Cela ne s’est pas fait sans sacrifices et les collectivités ont été amenées à prendre des décisions difficiles et impopulaires en procédant notamment à d’importantes coupes budgétaires ou réductions de leurs effectifs. Si les collectivités locales doivent participer aux efforts de redressement des finances publiques, cela doit se faire de façon proportionnée et raisonnable, ce qui n’a pas été le cas.

On constate des disparités importantes entre collectivités et de vraies inquiétudes demeurent. Ce sont les communes et les intercommunalités qui portent la timide reprise de l’investissement public local en 2016. Leurs capacités d’investissement pourraient même être renforcées grâce à la diminution de moitié de leur CRFP, annoncé par le chef de l’État au dernier congrès des maires. Cependant, les transferts de compétences issus de la loi de modernisation de la justice du XXIsiècle – enregistrements de PACS et changements de noms et prénoms confiés aux officiers d’état civil – vont encore impacter les budgets des communes.

Les départements, très fortement touchés par la baisse de la DGF, subissent une détérioration de leurs finances depuis plusieurs années sous le poids des dépenses sociales. Leurs investissements locaux, en recul de plus de 4 % en 2016, ont chuté d’un tiers depuis 2009.

Quant aux régions, elles voient leurs investissements se rétracter de 3,1 % en 2016. Selon le Gouvernement, la réforme territoriale devait générer des économies importantes. En réalité, elle a eu pour conséquence de geler certains projets d’investissement et elle a entraîné d’importantes réorganisations administratives dans les régions fusionnées.

Lors du dernier congrès des régions de France, le Premier ministre a ouvert de nouvelles pistes pour dégager des recettes supplémentaires en faveur des finances régionales. Il a notamment annoncé le transfert d’une partie de la TVA aux régions à compter de 2018. C’est une prise de conscience nécessaire mais bien tardive. Nous aimerions savoir comment et quand ces annonces pourraient avoir des traductions concrètes pour les collectivités.

La grande résilience des collectivités sous la contrainte budgétaire ne pourra être éternelle et l’année 2017 semble particulièrement incertaine. En 2017, les collectivités devraient connaître d’importants bouleversements, notamment des transferts de compétences liés à la réforme territoriale, qui créent des incertitudes financières. Corrélées au faible niveau des dotations, ces incertitudes financières vont peser dans la décision des élus locaux de lancer ou non des projets d’équipement.

Les récentes annonces de l’exécutif et les ajustements en faveur des collectivités pour 2016 ne masquent donc pas les tensions budgétaires engendrées par la baisse de la dotation de l’État. Au-delà de l’accumulation des baisses de dotations, les réformes précipitées par le Gouvernement – nouvelle carte des régions, nouvelle carte des EPCI, ventilation de la DGF – risquent de déstabiliser le fonctionnement normal des collectivités.

En conséquence, les députés du groupe Les Républicains ne voteront pas pour ces crédits.

M. Charles de Courson. Madame la secrétaire d’État, je voudrais aborder sept sujets.

Premier sujet : la réduction de la DGF. Elle était indispensable, et je l’avais préconisée quand j’étais dans la majorité. Cependant, votre baisse est trop forte et injuste, car elle n’est pas modulée en fonction de critères de bonne gestion. Êtes-vous prêts à faire évoluer la baisse de la DGF en tenant compte des critères de bonne gestion ? À titre d’illustration, je prendrais le cas de mon département de la Marne, celui qui dépense le moins par habitant. Notre DGF chute de 14 % par an alors que la baisse moyenne est de 10 % sur le plan national. Vous récompensez ceux qui ont été laxistes et vous pénalisez ceux qui ont été rigoureux.

Deuxième sujet : la réduction des compensations d’exonérations relatives à la fiscalité locale. Le système proposé dans le PLF initial était aveugle ; il frappait plutôt des collectivités territoriales pauvres, notamment en raison du poids de la taxe d’habitation dans ces exonérations. De plus, vous préleviez 400 millions d’euros sur les départements au lieu de maintenir l’étanchéité entre les trois blocs de collectivités territoriales. À l’unanimité, la commission des finances a repoussé cette disposition, mais nous n’avons pas eu de simulation sur le redéploiement de ces 400 millions sur les autres exonérations. À mon avis, il va encore accentuer le caractère injuste de ces exonérations. Êtes-vous prêts à examiner ce point ?

Troisième sujet : l’annulation de la réforme de la DGF. Cela montre une nouvelle fois qu’une telle réforme, qui est indispensable, nécessite des simulations exhaustives et un texte spécifique. Je plaignais M. le ministre qui, heureusement, est parti au Sénat. Toutes les associations demandaient un texte spécifique mais le Gouvernement a insisté pour inclure cette réforme dans la loi de finances. Même après un important travail en amont, on ne peut pas discuter d’affaires aussi complexes dans le cadre d’une loi de finances.

Quatrième sujet : la non-recentralisation du RSA, qui est regrettable. Ce sont les caisses d’allocations familiales (CAF) et un peu les caisses de la Mutualité sociale agricole (MSA) qui versent le RSA, et non pas les départements comme je l’entends dire dans beaucoup de discours. D’ailleurs, les départements les remboursent quand ils ont le temps. Nous avons des tas de collègues, de tous bords, qui ne remboursent plus. Certains remboursent dix mois ou onze mois. La dette s’accumule ? Les CAF n’ont qu’à s’endetter, aller voir l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) qui leur fera l’avance, disent-ils. C’est un vrai bazar !

Pourquoi nos collègues de l’Assemblée des départements de France ont-ils adopté cette position sur la recentralisation ? Étant vice-président de mon conseil départemental, je pense qu’ils réagissent comme toujours dans le doux pays de France, toutes tendances confondues : ils se demandent ce qu’ils vont devenir en cas de recentralisation du RSA. Or ce n’est pas la question. Il faudrait se demander quelle est la bonne organisation de cette prestation. Pour ma part, j’étais favorable à une recentralisation du RSA mais au maintien des crédits d’insertion dans le département, assortis de critères de performance. Pour m’être intéressé à cette question avec le président Carrez, je peux vous dire qu’il n’est pas nécessaire de mener des études approfondies pour se rendre compte que certains départements gèrent bien l’insertion alors que d’autres font n’importe quoi. Êtes-vous prêts à évoluer sur ce point ?

Cinquième sujet : le ralentissement de la hausse de la péréquation, qui est raisonnable, notamment en ce qui concerne le FPIC, la poursuite de la hausse normale de la DSU et de la DSR, et l’atténuation des effets de seuil.

Sixième sujet : la réforme des bases des locaux professionnels, qui s’appliquera à compter du 1er janvier 2017, est inachevée. La réponse du Gouvernement sur le « planchonnement » – on ne parle plus de plafonnement en la matière – ne résout aucun des problèmes. Dans huit ans, il n’y aura plus de « planchonnement ». Tout le monde s’en fiche, me direz-vous, puisque ce n’est ni cette législature ni même pas la prochaine qui ramasseront les pots cassés. Ce n’est pas du travail !

Septième sujet : le soutien à l’investissement local. Tout le monde se réjouit de l’augmentation de la DETR et du FSIL, mais vous avouerez, madame la secrétaire d’État, que c’est une politique digne du sapeur Camember. Face à la chute des investissements, qui est largement imputable à la baisse des dotations, on décide d’augmenter les aides à l’investissement. Ne pensez-vous pas qu’il aurait mieux valu opter pour une réduction plus modérée des dotations de toutes les collectivités ? Les collectivités du bloc communal ne sont d’ailleurs pas celles qui souffrent le plus et je m’interroge sur la constitutionnalité de la mesure qui les concerne. Peut-on traiter les catégories d’une façon aussi différenciée ?

M. Joël Giraud. Conforme aux annonces du Président de la République d’alléger les efforts consentis par nos collectivités depuis deux années, ce PLF augmente de 70 millions d’euros l’ensemble des prélèvements sur les recettes de l’État au bénéfice des collectivités territoriales : 31,5 millions d’euros de hausse de la DGF ; 38,5 millions d’euros de hausse des dotations et compensations incluses dans le périmètre des variables d’ajustement soumises à minoration.

L’article 59 de la mission fixe, comme à l’accoutumée, les critères de répartition de la DGF pour 2017. Nous notons que son premier alinéa supprime en une phrase l’article 150 de la loi de finances initiale pour 2016, c’est-à-dire la réforme de la DGF, que notre groupe, de concert avec les parlementaires progressistes de tous bancs, appelait de ses vœux, après avoir travaillé activement à son écriture en commission et séance, aux côtés de notre rapporteure spéciale, Christine Pires Beaune, dont je salue l’engagement personnel. Malheureusement, le poids des conservatismes l’a emporté. Qu’à cela ne tienne, nous revenons par la fenêtre avec des propositions de réforme ! Nous proposons notamment de réformer la DSR en faveur des bourgs-centres, bien utiles et structurants pour les petites communes qui maillent notre territoire. La répartition actuelle de la DSR est parfaitement inéquitable à leur égard.

Je prendrai un seul exemple, celui de sa première fraction : la référence à la « population DGF » et non à la population totale se révèle inefficace puisqu’en zone touristique, des communes à faible population, sans aucun équipement permanent voire aucun commerce ouvert à l’année, ont une « population DGF » supérieure à celle des communes de bourg-centre. Actuellement, un bourg-centre d’environ 2 500 habitants peut percevoir moins d’un tiers de la DSR d’une station touristique, qui ne regroupe pourtant que 200 habitants à l’année et qui ne possède aucun équipement. Nous proposerons donc que la première fraction de la DSR se réfère, à partir de 2017, à la population issue du dernier recensement et non plus à la « population DGF ». En effet, les offices de tourisme deviennent intercommunaux à partir du 1er janvier 2017 alors qu’ils représentaient les dépenses de fonctionnement majeures de ces communes. Maintenir un système qui détourne la fraction « bourg-centre » de la DSR au profit des communes touristiques serait dès lors incohérent et encore plus injuste. Quant aux plus riches, qui ont obtenu l’indépendance de leur office de tourisme étant des stations classées et ont de ce fait droit à la péréquation des DMTO en lieu et place des départements, le surfinancement au détriment des bourgs-centres, qui continuent à avoir à leur charge les piscines, les gymnases et parfois les crèches, serait totalement injuste. Nous avons déjà soulevé ce point l’an dernier et nous recommençons dans la mesure où nous nous rapprochons de la date fatidique du transfert de compétence, le 1er janvier prochain. Imaginons un instant une dotation de fonctionnement du service public de l’eau et de l’assainissement qui resterait aux communes alors que le service serait transféré : la situation serait pour le moins particulière. Nous avancerons d’autres propositions de réforme de la DSR que nous discuterons au moment de l’examen des amendements.

À l’article 60, le Gouvernement propose de renforcer le soutien à l’investissement public local en majorant une nouvelle fois, après une hausse de 200 millions de la DETR en 2015 et la création d’une dotation non pérenne de 800 millions l’année dernière, l’investissement local pour un montant total de 1,2 milliard d’euros, répartis entre la dotation d’investissement de transition énergétique – issue d’un amendement parlementaire à la loi de finances de 2016 –, le pacte entre l’État et les métropoles et les projets d’investissement des territoires ruraux, dont la DETR.

Nous nous en félicitions, évidemment, et nous ferons, là aussi, des propositions pour accompagner le Gouvernement dans cet effort. Par exemple, nous souhaitons rendre éligibles à la DETR les syndicats mixtes des parcs naturels régionaux lorsqu’ils portent des projets d’équipements structurants au bénéfice des communes et à leur place. Cet amendement aurait été victime du couperet de l’article 40 de la Constitution, ce que je ne comprends pas s’agissant d’une enveloppe fermée. Nous avons créé des parcs naturels régionaux dans des territoires très ruraux et peu dotés en manière de finances publiques. Si ces parcs ne pouvaient pas bénéficier de certaines dotations d’équipement, les communes reprendraient peut-être leurs compétences en la matière, ce qui poserait quelques problèmes.

Pour persévérer dans le concret, nous proposons de simplifier, de concert avec de nombreux collègues, le dispositif de collecte de la taxe de séjour et de la taxe additionnelle, instauré l’année dernière et qui se révèle dysfonctionnel.

Lors de l’examen de la première partie du PLF, nous avons déposé un amendement relatif à l’éligibilité au FCTVA des dépenses de location de longue durée de véhicules par les collectivités territoriales – sujet qui avait donné lieu l’année dernière à un débat en séance publique avec le secrétaire d’État chargé du budget et des comptes publics. Il a été déclaré recevable lors de l’examen de la première partie, mais irrecevable pour la seconde. La commission des finances devra stabiliser sa jurisprudence sur cette question pour que nous puissions nous y retrouver.

Je propose de lutter activement contre l’incitation à ne pas enfouir les lignes à haute tension que représente, pour les collectivités, la « taxe pylône » en matière de transport d’électricité à très haute tension. Il faut encourager les collectivités à opter pour le transport souterrain des lignes de très haute tension – supérieures à 200 kilovolts – pour des raisons écologiques et de sécurité, par l’élargissement à leur profit de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER) aux canalisations de transport d’électricité présentes dans leur territoire.

M. Nicolas Sansu. Le dernier examen des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » de la législature offre l’occasion de dresser un bilan de cinq années qui auront été très éprouvantes pour les collectivités territoriales. Le choix de diminuer de 10 milliards d’euros la dotation globale de fonctionnement de manière aussi abrupte et injuste, aura contrevenu, notons-le tout de même, aux engagements pris lors de la campagne électorale de 2012. Cette décision ne fut ni juste ni efficace. Pour la première fois depuis très longtemps, les comptes des collectivités locales ont été excédentaires en 2015, mais ce solde résulte d’une forte baisse de l’investissement public, estimée à 25 % en 2014 et 2015, un petit rebond de 1,6 % devant être constaté en 2016. Cette diminution nuit à l’entretien du patrimoine collectif qui ne peut plus, lui, être développé aujourd’hui. Le problème pour beaucoup de collectivités réside, non pas dans les subventions d’investissement ou l’accès au crédit, mais dans la grande faiblesse de l’autofinancement.

La diminution des dotations au cours de ce quinquennat aura augmenté les inégalités. Ainsi, le Comité des finances locales a mis en place en 2014 une baisse uniforme en fonction des recettes réelles de fonctionnement, à partir d’un scénario de contraction de 1,5 milliard d’euros. La répétition de l’exercice en 2015, en 2016 et en 2017 – quoiqu’avec une intensité plus faible l’année prochaine – crée une inégalité encore plus forte pour les collectivités qui peinent. Ne pas avoir pris en compte l’effort fiscal ou le revenu par habitant a constitué une erreur, les mécanismes de compensation ayant échoué à limiter les inégalités.

Je ne peux qu’appuyer le vœu de notre rapporteure spéciale de procéder à une refonte globale de la fiscalité locale et des dotations – ces deux sujets allant de pair –, tout en rappelant que l’article 150 du PLF 2016 n’était pas porteur d’efficience pour de nombreuses collectivités, notamment les petites villes et villes moyennes ayant des charges de centralité, cette malfaçon ayant précipité l’échec de sa mise en œuvre.

Depuis plus de deux ans, nous avons des débats sur les dispositifs de péréquation et de compensation qui montrent que nous sommes arrivés au bout de l’exercice. Le système ploie sous sa complexité et la péréquation horizontale est à bout de souffle. Le constat vaut également pour les mécanismes d’exonération et de compensation, notamment pour la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB), comme l’a mis en lumière la discussion sur l’article 14 du PLF, le 21 octobre dernier. Le même problème se pose avec l’article 75 du PLF 2016, qui concerne le relèvement du revenu fiscal de référence pour la taxe d’habitation – appelé l’ancienne demi-part fiscale des veuves. La commune de Vierzon a perdu 7,43 % de base entre la notification de mars 2016 et l’entrée en vigueur de la dernière loi de finances, ce qui est considérable. Nous avions bien intégré la perte moyenne que le rapport de Mme Valérie Rabault avait estimée à 2 %, mais elle fut en fait supérieure de 5,43 points à Vierzon. En 2017, la compensation ne s’opérera qu’à 44 %, ce qui laissera une différence très importante.

Cette politique met l’autofinancement des communes en difficulté, et il ne faut pas sous-estimer l’hétérogénéité des collectivités locales, notamment dans le bloc communal, qui est devenue très forte. Que veut-on faire de nos collectivités ? Comment participent-elles au développement des territoires ? Je pense d’abord à la France périphérique, qui n’en peut plus, avec tous les risques que cela engendre.

M. Joaquim Pueyo. L’article 59 du projet de loi de finances prévoit que le montant de la DSU augmente de 180 millions d’euros par rapport au budget 2016. De plus, une disposition du PLF procédera à un resserrement touchant les communes de plus de 10 000 habitants. Cette augmentation s’avère importante, alors que le niveau du bloc communal et intercommunal a pris une place prépondérante à la suite des réformes territoriales et que de nombreuses collectivités s’inquiètent de la réforme de la DGF. Je soutiens la position de la majorité sur les mesures de péréquation et sur la nécessité de renforcer la DSU. Je défends, ici comme ailleurs, la justice sociale et les mesures d’équité plus que celles d’égalité. Les villes concentrent souvent les populations les plus difficiles et fragiles, et doivent offrir des services publics et sociaux tout en réaménageant certains quartiers.

Le FPIC représente un premier mécanisme national de péréquation horizontale pour le secteur communal, destiné à réduire les écarts de richesse entre les communes d’un même territoire. L’objectif de fixer les ressources à 2 % des recettes fiscales du bloc de collectivités et d’établissements est reporté à 2018, mais le FPIC suscite des préoccupations du côté tant des communes prélevées que des bénéficiaires. Comment entendez-vous sécuriser les territoires concernés ?

M. Jean-Luc Reitzer. Créé en 2012 par l’ancienne majorité, le FPIC a été fortement renforcé par le gouvernement actuel. Il consiste à prélever une partie des ressources de certaines communes et intercommunalités pour les reverser à des collectivités dites moins favorisées. Ce principe peut paraître noble dans l’absolu, mais, après quatre années d’application, on constate que le dispositif pénalise les communes et les intercommunalités dynamiques qui ont pris des risques, par exemple en construisant des usines-relais, et favorise des communes qui ont certes un potentiel fiscal plus faible, mais qui ont aussi parfois opéré des choix moins audacieux. Si l’on ajoute au FPIC la baisse de la DFG et les conséquences de la crise économique, certaines communes se retrouvent étranglées.

Je suis maire d’Altkirch, dans le Haut-Rhin, commune qui ne compte que 5 900 habitants, mais dont le statut de chef-lieu d’arrondissement lui confère une mission de centralité pour un arrière-pays rural. Ma commune a perdu 1,029 million d’euros de ressources depuis 2010, somme qu’il faut rapporter à un budget de fonctionnement annuel de l’ordre de 8,3 millions d’euros, soit l’équivalent de 31 % de fiscalité pour compenser cette perte. À cela s’ajoute une perte de 1,034 million liée au FPIC et à la DGF pour l’intercommunalité, qui ne compte que six communes jusqu’au 1er janvier prochain. Madame la secrétaire d’État, envisagez-vous de revoir le mode de calcul du FPIC et de la DGF, afin de pallier les difficultés croissantes rencontrées par les bourgs-centres de territoires ruraux, qui doivent assurer des charges de centralité aggravées par le désengagement de l’État en matière de services publics de proximité ?

M. Paul Molac. Jusqu’à maintenant, les ressources des régions provenaient pour 92 % de dotations de l’État, et je me réjouis que l’on intègre une fraction de la TVA dans le budget des régions, car cela renforcera leur autonomie.

On a entendu aujourd’hui, lors des questions au Gouvernement, une petite musique selon laquelle les départements ne pouvaient plus soutenir les associations. Les départements ont certes moins de ressources depuis la baisse de la DGF – encore qu’ayant perdu la compétence économique, qui pouvait s’avérer la plus importante dans certains départements, comme le mien, ils ont pu réaliser des économies –, mais la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) n’a aucune responsabilité dans cette situation. Au titre de la solidarité, un département peut toujours donner de l’argent à une association, mais il est vrai qu’il ne peut pas aider directement une entreprise – pour ce faire, il doit signer une convention avec la région. Un département doit faire des choix, cela relève même de la libre administration des collectivités, et il ne peut pas en accuser le Gouvernement et la loi NOTRe.

M. Guillaume Chevrollier. Je me fais l’écho du désarroi des élus locaux face à l’instabilité législative et sous le poids des charges qui leur incombent sans contrepartie financière. La réforme avortée de la DGF montre le malaise de la majorité qui a malmené les élus. Le Gouvernement a mené, sans anticipation ni étude d’impact, une réforme territoriale qui n’a apporté à ce jour aucun des bénéfices escomptés – clarté, efficacité et économie –, mais qui a beaucoup désorienté les élus. Ces derniers doivent assumer des charges nouvelles dont les séquelles sont lourdes. Ainsi, les effets de la réforme des rythmes scolaires sont difficilement supportables, notamment pour les petites communes rurales.

À partir du 1er janvier 2018, la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations (GEMAPI) deviendront une compétence obligatoire des établissements publics de coopération intercommunale. Compte tenu de l’augmentation des inondations et des catastrophes naturelles due au dérèglement climatique, le financement de cette nouvelle attribution est largement sous-estimé. Ce dossier, qui constitue une nouvelle usine à gaz et une bombe à retardement, inquiète déjà beaucoup les élus locaux et risque de créer des tensions entre l’État et les collectivités locales. Madame la secrétaire d’État, je vous demande d’être consciente de ces réalités.

M. Marc Goua. Nous apprécions particulièrement la mensualisation de la DSU, le système actuel créant quelques difficultés de trésorerie, ainsi que l’augmentation du Fonds de soutien à l’investissement et de la DETR. En revanche, je regrette l’abandon de la DSU cible, qui bénéficiait aux communes les plus fragiles, et la non-compensation de la TFPB – mesure qui, selon un rapporteur, représente 2 milliards d’euros pour les collectivités qui ont des logements sociaux. On reprend d’une main ce que l’on donne de l’autre.

L’augmentation de la dotation de la politique de la ville de 50 millions d’euros ne se retrouve pas dans l’amendement déposé. L’engagement de révision des critères d’attribution est traduit dans cet amendement, mais je ne le voterai pas en l’état, car ils pourront être fixés après la délibération et non au cours de celle-ci. Les critères excluent aujourd’hui des communes déjà en difficulté, si bien que j’aimerais que vous nous certifiiez, madame la secrétaire d’État, qu’ils seront bien modifiés.

M. Michel Piron. J’étais très sensible au fort engagement du ministre à revoir la DGF en 2018, et j’aurais souhaité lui demander si le temps de la réflexion lui avait manqué sur ce sujet complètement nouveau. Ne s’agirait-il pas d’une absence de volonté d’arbitrer en ces temps d’indécision généralisée ?

Je me fais l’écho de la préoccupation exprimée à juste titre par Olivier Dussopt d’une meilleure territorialisation de la CVAE. L’enjeu de cette question réside dans le risque d’évaporation de l’assiette ou d’optimisation fiscale et, donc, dans la déliaison entre les lieux de production ou de prestation de services et les sièges sociaux.

Ma deuxième question, récurrente, porte sur le principe qui régit le FPIC à l’échelle nationale. On continue d’accepter que la solidarité régionale, qui s’exerce à travers le FPIC, prime sur la solidarité hexagonale que représente le Fonds national de dotation ; que la solidarité de la partie l’emporte sur celle du tout, pour parler comme Aristote, est une situation pour le moins particulière.

Je maintiens ma question sur la GEMAPI, soulevée au moment de l’examen du projet de loi NOTRe : est-il raisonnable de continuer à segmenter entre des intercommunalités la compétence de gestion des inondations de fleuves aussi considérables que la Loire, la Seine, le Rhône ? Il me semblait que l’on avait accepté depuis longtemps l’idée de routes nationales, départementales et communales : ne serait-il pas opportun de procéder à une hiérarchisation comparable pour les fleuves ?

M. Pascal Popelin. Le transfert, prévu par la loi NOTRe, d’une fraction de la CVAE départementale aux régions à compter de 2017 a du sens pour le pays, mais ne se justifie absolument pas en Île-de-France, où la compétence des transports relève déjà de la région et se trouve exercée par le syndicat des transports d’Île-de-France (STIF), dont le financement provient largement des conseils départementaux franciliens – 50 millions d’euros environ pour le département de la Seine-Saint-Denis, par exemple. Afin de garantir la neutralité budgétaire du transfert de la CVAE pour les départements franciliens, l’article 62 du PLF pour 2017 prévoit l’instauration d’un mécanisme compensatoire contraignant la région à reverser aux départements une dotation équivalente à celle des sommes transférées. Ce système de vases communicants n’est pas satisfaisant, puisqu’il prive les budgets départementaux de la dynamique de la CVAE, avec pour seule perspective le bénéfice d’une dotation qui restera fixe dans les années à venir. Ces transferts comptables représentent 118 millions d’euros de produit de CVAE en Seine-Saint-Denis. En l’état de la législation, cette transaction sera effectivement neutre en 2017, mais la collectivité départementale sera nécessairement lésée les années suivantes. Au regard des difficultés budgétaires des départements, notamment en Île-de-France où les dépenses sociales se sont constamment accrues depuis dix ans, cette disposition n’est pas acceptable. J’ai donc déposé, avec d’autres, un amendement à l’article 62, qui vise à supprimer ce transfert pour les départements franciliens ; cela simplifierait la situation tout en la rendant plus juste. J’aimerais connaître la position du Gouvernement sur ce point.

M. Jacques Bompard. On comprend que l’Europe demande à la France d’avoir des finances saines, mais plutôt que de réaliser des économies, l’État a fait porter le fardeau aux collectivités locales. Pour mettre en œuvre cette politique, le Gouvernement a fait adopter des lois complexes, injustes et dangereuses pour le développement des collectivités locales. Les communes sont les plus frappées, alors qu’elles représentent l’échelon le mieux géré, puisque le contrôle des citoyens y est le plus proche ; elles se trouvent donc punies par là où elles n’ont pas péché ! La méthode adoptée détruit les lois de décentralisation initiées par Gaston Defferre, qui avaient le mérite de lutter contre l’hypercentralisation jacobine dont souffre notre pays ; une décentralisation vivante aurait permis d’échapper à bien des problèmes qui le frappent.

On n’a pas voulu voir les racines du mal et on s’est refusé à mettre en œuvre un traitement de fond, auquel on a préféré un traitement symptomatique qui crée la maladie au lieu de la supprimer. Dans les pays connaissant un développement important, tout le monde travaille, et il faut importer ce modèle en France où le traitement social du chômage détruit notre économie. Le rétablissement du droit au travail, pourtant inscrit dans la Constitution, aurait permis de sortir du cercle vicieux et de la crise, et aurait fait de l’économie de notre pays un exemple à l’étranger.

M. François Pupponi. J’ai pris acte avec satisfaction des annonces destinées aux communes les plus en difficulté, dites de banlieue, mais les conditions d’attribution de la DPV posent des problèmes. Il convient de revoir les critères, et j’ai hâte de voir l’amendement budgétisant l’augmentation de 50 millions d’euros de la DPV pour le voter des deux mains.

La non-compensation fait toujours débat, et je redemande l’installation d’une instance de travail réunissant le Gouvernement et les commissions concernées. Cette question touche au financement du logement social et s’avère très délicate pour les collectivités locales, les bailleurs et l’État. Quand une enveloppe de 4 milliards d’euros n’est plus compensée qu’à hauteur d’1 ou 1,5 milliard, cela crée un problème financier considérable. Il y a urgence à travailler sérieusement ce dossier, car il faut trouver une solution acceptable pour tout le monde.

M. Arnaud Viala. La majorité avait annoncé une économie de 50 milliards d’euros de dépenses publiques, mais, selon les experts, elle ne dépassera pas 30 milliards, dont 10 sur l’ensemble des collectivités territoriales.

La baisse de la DGF a un lourd impact sur le fonctionnement des collectivités locales et pèse sur l’investissement et sur le tissu économique local. La DETR et le FSIL ont certes été augmentés, mais je m’étonne que vous vous en félicitiez, car des opérations programmées ne pourront pas se réaliser immédiatement, les collectivités ne parvenant pas à les engager.

Le FPIC pénalise lourdement les collectivités les plus dynamiques, qui se créent des ressources nouvelles grâce à l’installation d’entreprises ou à la fiscalité, et qui subissent un écrêtement au profit de celles qui ne font rien.

La compétence économique a été retirée aux départements au profit des régions et des intercommunalités. Or la mise en œuvre de cette nouvelle répartition se caractérise par un flou absolu, qui est entretenu par des lettres contradictoires du ministre de l’aménagement du territoire aux préfets. Comment cette compétence devra-t-elle être administrée ? Surtout, comment les départements vont-ils pouvoir financer les installations d’entreprises en matière immobilière et d’aides directes ?

Le flou qui règne également sur la compensation des exonérations de taxe foncière et de taxe d’habitation consécutives au dernier PLF pèse sur les bases, achevant d’amoindrir les ressources disponibles des collectivités.

M. Dominique BaertJe ne reviens pas sur les commentaires positifs, pour insister sur un point : la réforme de la DSU spolie gravement et très exagérément les communes hier éligibles à la DSU cible, qui sont celles qui connaissent les indicateurs sociaux et financiers les plus dégradés.

La réforme a pour elles une triple conséquence. D’abord, elles perçoivent moins en DSU cible que ce qu’elles auraient perçu si les critères étaient restés inchangés. La baisse est significative, puisque, d’après mes calculs, elle est de l’ordre de 60 %. Ensuite, quand bien même ces communes recevront aussi de la DPV, les critères d’octroi n’en sont pas les mêmes non plus. Rien ne garantit qu’elles percevront de la DPV et a fortiori l’augmentation de celle-ci. Enfin, certaines communes ayant un fort passé industriel, qui ont connu de nombreuses fermetures d’entreprise et qui affichent un revenu moyen par habitant extrêmement faible, voient leur budget grevé par une chute assez sévère de leurs compensations d’exonérations fiscales, utilisées comme variable d’ajustement. In fine, les dotations qu’elles percevront seront en baisse, une fois encore, nonobstant de réels efforts budgétaires en faveur de la péréquation qui n’atteint pas toujours sa cible.

M. Pierre Morel-A-L'HuissierLa DGF est fixée à 124 euros par habitant pour les villes et à 62 euros pour les communes rurales. Cette discrimination selon la taille n’est pas justifiée au regard des contraintes qui sont imposées aux communes en matière d’eau, d’assainissement, de voirie, d’entretien et de gestion du domaine communal. Quelles sont vos orientations en vue d’un rééquilibrage entre commune rurale et grande ville ?

La DETR, qui permet de financer les dépenses d’équipement des communes et des EPCI, s’élève à 815 millions d’euros pour 2017. Ce montant reste très insuffisant pour subvenir aux besoins des communes rurales d’autant que, depuis quatre ans, les prélèvements sur les dotations aux collectivités s’accumulent. Les montants de DETR sont ridiculement faibles : dans un département comme le mien, la Lozère, 10 millions d’euros ne permettent pas de financer les projets.

Les crédits inscrits dans le projet de loi finances pour 2017 pour les contrats de ruralité correspondent-ils au redéploiement de fonds existants, auquel cas ce serait uniquement de l’affichage au profit d’un concept fort peu sympathique, selon moi, même si la contractualisation est à la mode.

Pouvez-vous, dans un souci de transparence, lever le voile sur le montant total des dotations allouées aux zones urbaines par rapport aux zones rurales pour l’année prochaine ?

M. Jean-Luc LaurentJe veux faire part de mon désarroi face au projet de budget qui ne tient pas suffisamment compte des villes populaires. Je partage l’inquiétude exprimée par mes collègues sur la suppression de la DSU cible.

L’article 60, qui renforce le soutien à l’investissement des communes, est juste et nécessaire, dans la mesure où 74 % de l’investissement public des collectivités territoriales concourt à la croissance. Tout ce qui peut allumer les moteurs de la croissance de notre pays est bon à prendre. Les deux enveloppes de 600 millions d’euros chacune sont consacrées, pour l’une, au titre de la DSIL, aux grandes priorités d’investissement définies entre l’État et les communes et les intercommunalités, pour l’autre, au soutien des territoires ruraux. Mais rien n’est prévu pour accompagner les projets de renouvellement urbain dans les quartiers prioritaires, qu’ils soient éligibles ou pas à l’ANRU. Du reste, même éligibles, ces quartiers devraient pouvoir bénéficier des fonds de soutien à l’investissement.

Envisagez-vous de modifier l’article 60 afin de rendre éligibles à la dotation de soutien à l’investissement local les projets des communes en politique de la ville au sens large ?

M. Jacques PélissardLa loi du 16 mars 2015, issue de deux propositions de loi de Mme Pires Beaune et de moi-même, a permis le développement des communes nouvelles. Pour la première fois dans l’histoire de la République, les communes qui voulaient se regrouper pouvaient le faire librement, sans effet de seuil, sans schéma départemental ou étatique. Les résultats de cette nouveauté sont très positifs : au 1er janvier 2016, 317 communes nouvelles ont été créées. Pour 2016, 400 projets sont répertoriés, dont 150 ont donné lieu à des arrêtés de création.

Devant le dernier congrès des maires de France, le Président de la République s’était engagé à ne pas briser cet élan et à prolonger l’incitation financière jusqu’à la fin de l’année. Or je n’en trouve nulle trace dans les documents budgétaires. Pourtant, il est essentiel que les communes en cours de négociation puissent bénéficier du délai de six mois supplémentaires.

Pouvez-vous nous garantir qu’un amendement sur ce point aurait la faveur du Gouvernement dès lors qu’il permet au Président de la République, sur ce registre, de tenir son engagement ?

M. Alain FauréUne disposition du PLF 2017 prévoyait une ponction sur la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) versée aux départements, à hauteur de 400 millions d’euros. Elle ne sera finalement que de 200 millions d’euros. Pouvez-vous nous préciser les modalités de répartition de cet effort ?

Comment peut-on accompagner la création des communes nouvelles dans le temps ? Le maintien de l’incitation financière permettrait de conserver le rythme actuel qui est favorable à l’optimisation de la gestion des collectivités.

M. Lionel TardyS’agissant du FPIC, qui fait l’objet de l’article 61, je me réjouis du gel à 1 milliard d’euros pour 2017, comme en 2016. Nous avions réclamé ce gel l’année dernière, car la montée en puissance du FPIC, associée à la baisse des dotations, ne manquait pas de susciter des inquiétudes légitimes dans de nombreuses collectivités.

À compter de 2018, les ressources du Fonds seront fixées à 2 % des recettes fiscales des communes et de leurs groupements à fiscalité propre. Compte tenu de la baisse du nombre d’intercommunalités, quelle est votre estimation du montant du FPIC en 2018 ?

Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État chargée des collectivités territoriales. S’agissant de la réforme de la DSU, les différentes interventions ne proposent pas toutes les mêmes solutions. La réflexion du Gouvernement a été menée en lien avec le Comité des finances locales et sur la base des travaux du groupe de travail parlementaire sur la DGF. Depuis deux ans, les 250 premières communes les plus pauvres bénéficient d’un renforcement légitime de la péréquation à hauteur de 180 millions d’euros, afin de contenir leur contribution au redressement des finances publiques. Vous savez mon attachement aux villes moyennes qui connaissent parfois des difficultés similaires – elles aussi doivent cofinancer des programmes de rénovation urbaine – et qui voyaient leur DSU gelée depuis 2009.

Le Gouvernement a souhaité resserrer le nombre de communes éligibles à la DSU et répartir les 180 millions d’euros en faisant bénéficier de manière plus forte les communes les plus pauvres, dans une progression de un à huit. Il s’agit de lisser l’effet de seuil entre la deux cent cinquantième commune et la deux cent cinquante et unième qui ne voyait pas sa dotation de solidarité urbaine progresser.

J’appelle votre attention sur l’évolution de la part du revenu dans l’indice synthétique, qui passe de 10 % à 25 %, concomitamment à la diminution de la part du potentiel financier, le premier critère permettant de mieux saisir la réalité des territoires. Cette évolution a pour conséquence de modifier un certain nombre de classements.

La demande exprimée par certains d’entre vous sur la mensualisation de la DSU a été entendue. Sous l’effet conjugué de la baisse de la dotation forfaitaire et de la hausse de la péréquation, dans un certain nombre de communes, la DSU est égale, voire supérieure, à la dotation forfaitaire. Le versement tel qu’il était envisagé pouvait provoquer des problèmes de trésorerie.

S’agissant de l’exonération de la TFPB, en 2016, plusieurs parlementaires et élus locaux nous ont alertés sur le faible taux de compensation de l’abattement de TFPB pour les quartiers de la politique de la ville. La compensation a été revalorisée, mais elle est perdue dans le brouillard et le maquis des compensations. Elle ne peut pas être correctement mesurée, ni par l’administration fiscale ni par les élus locaux. Un amendement sera déposé tendant à rendre facultative l’exonération de TFPB pour les bailleurs sociaux qui investissent dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Il appartient aux élus de savoir si la contrepartie fournie par les bailleurs justifie l’exonération. Je suis très favorable au caractère facultatif de cet abattement, d’autant que cela va dans le sens de la décentralisation : les élus auront de nouveau la main dans la discussion avec les bailleurs sociaux. Qui mieux qu’eux savent si les bailleurs apportent les contreparties prévues ?

S’agissant des budgets annexes et de leur soumission à la CRFP, on ne peut pas dire, monsieur Dussopt, que rien n’a été fait en un an. Une mission a été confiée à l’Inspection générale de l’administration et à l’Inspection générale des finances. Il en ressort que la prise en compte des seuls budgets annexes des services publics administratifs pose des difficultés techniques difficilement surmontables dans un délai restreint. Il est difficile d’agréger les données des budgets annexes et principaux sans une mise à niveau des outils informatiques. Je mesure ce que cet argument peut valoir face à l’intensité de votre exposé. Cette mesure pourrait être mise en place en 2018, mais elle pourrait conduire à un renchérissement de la CRFP pour certaines intercommunalités. Il faut regarder tout cela de près.

La territorialisation de la CVAE est une demande assez ancienne du Parlement. Le Gouvernement peut partager l’intention des auteurs de cette proposition, en insistant toutefois sur le risque de transferts importants entre collectivités, auquel s’ajoute la complexité administrative. Il faut vérifier avec les services du secrétaire d’État au budget la nature et la hauteur des effets de bord.

Quant à la DPV, monsieur Pupponi, l’amendement a été déposé aujourd’hui, vers quatorze heures. À ce stade, les conditions d’éligibilité ne sont pas modifiées. Le Gouvernement est ouvert à poursuivre la discussion dans un cadre général – réforme de la DSU, exonération de TFPB, augmentation de la DPV et accroissement des crédits de l’ANRU –, pour examiner la situation des communes que vous avez signalées.

M. le président Gilles CarrezHier, nous avons adopté un amendement du Gouvernement proposant 100 millions d’euros de crédits frais pour l’ANRU. Les 50 millions que vous annoncez pour la DPV sont-ils également des crédits frais ou proviennent-ils d’un redéploiement ?

Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État chargée des collectivités territoriales. Ces crédits ne sont pas à gager, ce sont donc des crédits nouveaux.

L’idée, avec la hausse de la DPV, est d’élargir le nombre de communes éligibles. Il passe ainsi de 120 à 180 afin de prendre en compte le carroyage de la nouvelle géographie prioritaire.

M. François PupponiJ’ai trouvé l’amendement sur les critères d’éligibilité, mais je ne vois pas celui qui augmente de 50 millions d’euros le montant de la DPV.

Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État chargée des collectivités territoriales. N’y voyez pas malice, monsieur Pupponi. Les amendements ont été déposés en même temps.

M. le président Gilles CarrezJe note que M. Pupponi aura obtenu 150 millions d’euros de crédits frais en quarante-huit heures. Je salue l’exploit.

M. François PupponiEt l’examen du projet de loi de finances n’est pas terminé !

Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État chargée des collectivités territoriales. Messieurs Chevrollier et de Courson, j’entends vos remarques sur la baisse des dotations aux collectivités territoriales. Toutefois, j’invite chacun, sur tous les bancs, à faire preuve de prudence dans cette matière.

Certains proposent aujourd’hui, dans le débat public, des plans d’économies de 100 ou 150 milliards d’euros. Quand on sait que les collectivités représentent 20 % de la dépense publique, un tel plan représenterait 20 milliards d’euros d’économies pour les collectivités alors que le concours financier de l’État, via la DGF, est aujourd’hui de 31 milliards d’euros. Je le dis avec humour, une manière de régler le problème de la DGF pourrait être de la supprimer ! Ce n’est pas notre position.

M. Patrick Devedjian. On va y arriver !

Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État chargée des collectivités territoriales. J’ajoute que la famille politique à laquelle j’appartiens n’a pas présenté ses propositions budgétaires pour 2018.

Le déclinisme et les complaintes ne se retrouvent pas sur le terrain. Les élus disent la difficulté d’une baisse des dotations pour leur budget, mais ils ont pris les choses à bras-le-corps ; ils continuent à investir – je ne dis pas qu’ils sont contents. En 2014, le budget de toutes les collectivités confondues s’établissait à 231,4 milliards d’euros ; en 2015, il est de 236,7 milliards d’euros. À écouter nos échanges, on a l’impression que le budget des collectivités baisse, qu’elles n’ont plus les moyens d’intervenir. Je constate que ce budget continue de progresser, même si je reconnais que le bloc communal a consenti d’énormes efforts de maîtrise des charges de personnel.

Monsieur Chevrollier, le transfert des frais de gestion du foncier bâti de l’État vers les départements leur a rapporté 1,6 milliard d’euros depuis 2014, auxquels il faut ajouter l’augmentation des DMTO par le relèvement du taux – qui peut être disparate selon les territoires. Parallèlement, la hausse des allocations individuelles de solidarité dont le versement incombe aux départements est évaluée entre 1,7 et 1,8 milliard d’euros.

Quant au financement des régions en 2017 et 2018, un amendement du Gouvernement prévoit la création d’un fonds de soutien au développement économique des régions. Conformément à l’engagement du Premier ministre, ce fonds est doté de 450 millions d’euros qui se décomposent ainsi : 200 millions en 2017 en fonction du développement économique, des bases de cotisation foncière des entreprises et de la population ; 250 millions début 2018, selon la même clé de répartition, dès lors que les régions auront réalisé, au 31 décembre 2017, des dépenses de développement économique supérieures à celles constatées en 2016. En 2018, les régions bénéficieront du nouveau dispositif dans lequel une fraction de TVA leur sera allouée en lieu et place de la DGF.

Monsieur de Courson, votre question m’interpelle : qu’est-ce qu’un critère de bonne gestion ? Comment ce critère peut-il s’accommoder du principe constitutionnel, que nous chérissons presque tous, de libre administration des collectivités territoriales ?

M. Charles de CoursonCe n’est pas contradictoire.

Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État chargée des collectivités territoriales. La question ne peut pas se limiter à demander au Gouvernement s’il est favorable à pénaliser les mauvais gestionnaires en leur donnant moins de DGF et à accorder des bonis à ceux qui ont bien géré. Il faut relativiser les critères de bonne gestion au regard des situations.

M. Patrick DevedjianÀ quoi sert la Cour des comptes ?

Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État chargée des collectivités territoriales. Nous sommes nombreux ici à être des élus locaux. Vous allez laisser la Cour des comptes décider de l’appréciation qu’il faut porter sur la qualité de votre gestion ? Au nom de quels critères ?

M. Patrick DevedjianElle le fait déjà.

Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État chargée des collectivités territoriales. Il n’est pas aussi facile que vous le laissez croire de définir ce critère de bonne gestion, monsieur de Courson.

M. Charles de CoursonPendant vingt-cinq ans, je me suis occupé des transports scolaires au sein de mon conseil départemental. J’ai fait du benchmarking et établi une comparaison entre départements ayant les mêmes caractéristiques, et j’ai pu voir que c’était le département de la Marne qui avait la gestion la plus économe en ce domaine.

S’il y a des départements qui veulent dépenser plus, libre à eux ! Mais là, il s’agit des dotations de l’État.

M. le président Gilles CarrezNotamment par le biais de l’effort fiscal, et celui-ci encourage ceux qui dépensent plus.

M. Charles de CoursonFonction obligatoire par fonction obligatoire, vous pouvez parfaitement définir des critères.

Avec le président Carrez, nous avions travaillé sur le RSA : nous avons tout de suite vu qui, hors de toute considération d’orientation politique, faisait preuve de rigueur dans sa gestion. Il en va de même pour l’allocation personnalisée d’autonomie, corrigée des caractéristiques démographiques des départements. Je peux multiplier les exemples.

Je trouve scandaleux que mon département qui, par choix politique, est celui qui dépense le moins soit sanctionné par des baisses de 14 % par an de la DGF. C’est l’inverse de ce qu’il faut faire !

M. Patrick DevedjianLa Cour des comptes, dans ses rapports et ses décisions, a déjà condamné certaines pratiques irrégulières. Pensons aux collectivités qui ont souscrit des emprunts toxiques sans prendre de précautions. On n’en tient pourtant aucun compte dans la péréquation.

M. le président Gilles CarrezSur les emprunts toxiques, nous avons dû prendre une décision importante. Certains, dont je suis, estimaient que la collectivité nationale, c’est-à-dire le contribuable national, n’avait pas à voler au secours de collectivités locales qui avaient élu des exécutifs incompétents. La responsabilité locale est d’assumer les erreurs que l’on peut faire. Or c’est la décision contraire qui a été prise, en dépassant d’ailleurs largement les clivages politiques.

M. Hugues Fourage, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Je partage l’analyse de Mme la secrétaire d’État, notamment à propos de la définition des critères de bonne gestion. Le principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales est fondamental. En fait, monsieur de Courson, vous posez la question de la sanction financière, positive ou négative. Mais la sanction, elle doit être politique et elle appartient aux électeurs, non à la Cour des comptes.

M. Patrick DevedjianVous éludez la question de la sanction, et vous permettez de ne pas assumer les erreurs de gestion par la fiscalité.

M. Hugues Fourage, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Les erreurs de gestion sont à géométrie variable. On les appréhende différemment selon l’approche, notamment politique, que l’on en a.

M. le président Dominique Raimbourg. À moins qu’on ne parvienne à fixer un critère incontestable, tout critère de bonne gestion sera vécu comme une sanction. Et qui dit sanction, dit recours.

M. Patrick DevedjianLa péréquation n’est même pas fléchée vers l’investissement ! Or le rattrapage des handicaps passe par l’investissement et non par les dépenses de fonctionnement.

M. le président Gilles CarrezLorsque le FPIC a été créé sous la précédente législature, j’ai demandé que les versements soient inscrits en section d’investissement. Cela n’a pas été le cas et depuis, je dépose avec ténacité, chaque année, un amendement allant en ce sens. La péréquation serait beaucoup plus acceptable si elle allait à l’investissement.

M. Nicolas Sansu. Les chambres régionales des comptes font leur travail et, en règle générale, elles ne prononcent pas de sanctions. Les communes sont gérées correctement. Après, il peut tout de même y avoir des choix différents et des situations différentes. On ne peut pas mettre sur le même plan des communes ou des intercommunalités où le capital privé tombe régulièrement et facilement et d’autres qui sont en difficulté. Le soutien de l’État aux territoires ne peut pas être le même. Ce n’est pas une question de bonne ou de mauvaise gestion, monsieur de Courson. Confrontés à une perte de population, les maires des communes du Centre, qu’il s’agisse de Pierre-André Périssol à Moulins, de Pascal Blanc à Bourges, de Gilles Avérous à Châteauroux ou de moi-même à Vierzon, se retrouvent tous dans la même galère.

M. Patrick DevedjianParfois, les chambres régionales des comptes transmettent au parquet.

M. Nicolas Sansu. Vous reconnaîtrez que c’est rare. Il y a aussi des communes qui acceptent que l’endettement atteigne 3 000, 5 000 voire 6 000 euros par habitant et qui continuent sur leur lancée. Vous en connaissez, monsieur Devedjain.

M. Patrick DevedjianCe n’est pas réservé à un camp politique plutôt qu’un autre. Ce ne sont pas seulement les communes en difficulté dont la gestion peut être contestable, mais aussi des collectivités opulentes.

Mme Christine Pires Beaune, rapporteure spéciale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. M. Carrez et M. de Courson sont tous les deux membres du CFL. Ils savent très bien que cette question a été maintes fois abordée en son sein et qu’elle n’a jamais donné lieu à un accord, car personne n’arrive à s’accorder sur ce qu’est un critère de bonne gestion. Un maire qui, avec peu de moyens, arrive à faire fonctionner son école n’a-t-il pas plus de mérite que celui qui, disposant de beaucoup de moyens, dépense plus pour son école ? Ce n’est pas pour autant qu’il faut abandonner l’idée de coûts de gestion, à l’instar de ce qui se fait en Italie.

Il me paraît ici utile de rappeler que depuis deux ans, nous ne sommes toujours pas parvenus à établir un critère pour définir un bourg-centre et une charge de centralité, questions d’un degré de difficulté moindre, me semble-t-il. J’en appelle à la raison.

M. Alain Fauré. Je rejoins Christine Pires Beaune. Définir des critères est une tâche complexe. Il existe tout de même une règle, celle de l’équilibre des budgets, sur laquelle veille la Cour des comptes à travers ses fonctions de supervision. N’en rajoutons pas. Nous devons aussi laisser du pouvoir aux élus.

En outre, il y a la sanction des élections le moment venu. Encore qu’il faille s’en méfier, car certains élus ont pour habitude d’acheter leurs électeurs avec des cadeaux. Nous en avons quelques exemples dans la région parisienne.

M. Patrick DevedjianJe suis bien d’accord !

M. Michel Piron. Comme dans les bonnes dissertations classiques, je souhaiterais conclure en ouvrant le débat. Ce qui était en cause tout à l’heure, c’était l’idée même de critère. Nous ne sommes pas forcément d’accord sur les critères liés à la DGF ou à la DSU, mais nous nous efforçons quand même d’en fixer pour un certain nombre de dotations. Affirmer que l’idée même de critère s’oppose à l’autonomie des collectivités me paraît tout à fait fallacieux. L’autonomie des collectivités locales demeure, mais l’idée de critère ne doit pas être balayée d’un revers de main. Je partage l’avis de Mme Pires Beaune.

Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État chargée des collectivités territoriales. Je trouve ces débats passionnants. Ils touchent un sujet de fond. La question de la libre administration des collectivités territoriales se pose bel et bien, monsieur Piron. Si, demain, l’on fixe comme critère de bonne gestion le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite dans la fonction publique territoriale, qui en sera le juge et qui prononcera la sanction ?

Je ne peux apporter une réponse immédiate à la question posée par M. de Courson. Elle appelle une discussion beaucoup plus philosophique qu’on ne l’imagine.

M. Patrick DevedjianPosons simplement le problème.

Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État chargée des collectivités territoriales. Vous avez pu constater, monsieur Devedjian, que je n’ai pas rechigné à laisser le débat se développer.

S’agissant des départements, M. de Courson a exprimé des regrets à propos de l’échec de la négociation sur la recentralisation du financement du RSA. Le moment politique ne permettait sans doute pas une discussion apaisée, mais la question du financement de cette allocation reste posée. À défaut de solution négociée, le fonds d’urgence sera abondé, dans le projet de loi de finances rectificative, de 200 millions d’euros contre 50 millions l’an passé, auxquels viendront s’ajouter 50 millions d’euros pour stimuler les dispositifs d’insertion.

Sur la DSU, j’ai déjà répondu.

La révision des valeurs locatives des locaux professionnels a été décalée en 2015 d’une année et rentrera en vigueur en 2017, à la demande unanime des associations d’élus qui le réclament de longue date. Vous proposez de ne rien faire en 2017, alors même que les dispositions votées l’an dernier permettront de lisser les effets des ressauts éventuels. Je suis tentée ici de vous renvoyer votre argument à propos de la DGF : ce n’est pas parce que cette révision est difficile qu’il ne faut pas la faire.

M. Charles de CoursonJe n’ai jamais dit cela ! Je suis pour cette réforme. Je dis simplement que le problème, qu’ont soulevé des élus de toutes tendances, de la situation des commerces de centre-ville par rapport à ceux de la périphérie n’est pas réglé. La disparition du système de plafonnement au bout de huit ans va accentuer la concentration des commerces en périphérie.

Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État chargée des collectivités territoriales. Il est atténué, car le plafonnement est très progressif.

M. Charles de CoursonOui, mais le problème de fond n’est pas résolu, il est seulement différé.

Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État chargée des collectivités territoriales. Je le note.

S’agissant du report de la réforme de la DGF, vous savez aussi bien que moi qu’une question de ce type impose de rechercher sinon l’unanimité, au moins une forme de base commune de discussion avec les associations d’élus. L’Association des maires de France et l’Association des communautés de France, chère au cœur de Michel Piron, sont montées au créneau pour souligner qu’il n’y avait pas de consensus suffisant.

M. Charles de CoursonVous ne l’aurez jamais !

Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État chargée des collectivités territoriales. L’Association des maires ruraux de France, elle, est revenue vers le Gouvernement en affirmant que nous aurions dû conduire cette réforme coûte que coûte, alors même qu’elle s’y opposait. Il faut réussir à évacuer la dimension affective pour examiner ces sujets en s’appuyant sur les excellents travaux parlementaires, notamment le rapport de Christine Pires Beaune et Jean Germain. Cette réforme est nécessaire, notamment pour traiter les dotations, les charges de centralité, les charges spécifiques à la ruralité. Maintenant que la carte intercommunale est stabilisée, il est temps de procéder à une belle réforme qui, sans faire l’unanimité, rassemblera une majorité.

Monsieur Giraud, vous souhaitez rendre les parcs naturels régionaux éligibles à la DETR. Nous considérons que ceux-ci bénéficient déjà de ressources spécifiques pour leurs projets, grâce à des crédits particuliers issus du ministère de l’écologie et de fonds européens. La vocation de la dotation d’équipement des territoires ruraux est l’aide aux communes. Le Gouvernement ne souhaite pas déroger à cette règle. Les investissements que les communes veulent porter au sein d’une intercommunalité peuvent être financés via les EPCI.

Monsieur Sansu, je ne reviendrai pas sur la discussion que nous avions eue, lors de ma très belle visite dans votre commune de Vierzon, sur la rétractation des bases liée au financement de la demi-part des veuves. Lors des débats parlementaires de l’année passée, il avait été indiqué que la rétractation serait de 2 %. Dans certaines communes, dont la vôtre, le taux est un peu supérieur. Nous faisons part des remontées des collectivités au secrétaire d’État au budget, avec qui il faudra poursuivre cette discussion.

J’en viens à l’absence de péréquation pour la baisse de la DGF. C’est le CFL, chargé de donner son avis sur les modalités de mise en œuvre des baisses de dotations en 2013, qui avait décidé de ne pas procéder à une péréquation. Le Gouvernement a choisi ensuite, de majorer la péréquation à travers différents mécanismes tels la DSU ou la DSR, pour faire en sorte que la contribution au redressement des finances publiques soit péréquée.

M. Nicolas Sansu. Au départ, en 2014, il s’agissait de 1,5 milliard. Ensuite, on a continué sur le même modèle !

Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État chargée des collectivités territoriales. Certes, mais il y a quand même eu une forme de péréquation à travers la DSU et la DSR.

Monsieur Reitzer, je considère que le FPIC, créé sous la précédente législature, repose sur un bon mécanisme, à savoir mettre à contribution les EPCI les plus riches pour soutenir le fonctionnement des EPCI plus pauvres, qui ne sont pas forcément, il est important de le préciser, mauvais gestionnaires. Les versements du FPIC sont toutefois imprévisibles et notifiés tardivement, car l’administration ne dispose de l’intégralité des potentiels financiers qu’au mois d’avril. La stabilisation du Fonds à 1 milliard pour 2017 vise à éviter les ressauts entre collectivités et à minorer les effets des nouveaux schémas de coopération intercommunale. Vous savez que, dans la perspective du 1er janvier 2017, deux EPCI sur trois sont concernés par une opération de fusion. En outre, il convient de relativiser ce montant, qui représente moins de 2 % des recettes totales, même si les écarts de ressources entre intercommunalités sont considérables. Il faut aussi prendre en considération la liberté de répartir les attributions du FPIC. Dans 27 % des intercommunalités, les élus eux-mêmes gèrent cette répartition. Soyez assurés que nous n’ignorons aucune des difficultés que rencontre cet important fonds de péréquation ni aucun des enjeux qui y sont liés.

À titre personnel, je considère qu’il sera intéressant d’examiner si la réforme territoriale n’a pas contribué pour partie à lisser les inégalités entre intercommunalités. La construction d’intercommunalités à l’échelle du bassin de vie pourra, en effet, voir des territoires un peu riches fusionner avec des territoires qui le sont un peu moins. Si c’est le cas, cela aura un impact sur le FPIC et sur la DGF.

M. Jean-Luc Reitzer. Outre le problème des intercommunalités, j’avais soulevé celui des communes bourg-centre qui assurent pour un bassin de vie, généralement rural, des missions plus larges que ne le requerrait leur seule population. Ma commune d’Altkirch compte 5 900 habitants mais, en tant que chef-lieu d’arrondissement, elle accueille un lycée de 3 000 élèves et entretient une salle de sport et une piscine pour l’ensemble du bassin de vie. Le cinéma, que j’ai créé et dont ma ville assure les dépenses d’investissement et l’entretien, connaît une fréquentation annuelle de 110 000 spectateurs. Je pourrais encore évoquer les équipements dédiés à la petite enfance. Autrement dit, je dois assumer les charges d’une ville de 10 000, voire 15 000 habitants.

Envisagez-vous de prendre en compte les charges particulières qui incombent à ces bourgs-centres ? Pour leur venir en aide, la région Alsace avait lancé une politique des villes moyennes, à l’initiative d’Adrien Zeller. C’est un exemple qu’il faudrait peut-être suivre au niveau national.

Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État chargée des collectivités territoriales. Ma première réponse, monsieur Reitzer, qui m’a été aimablement soufflée par le président de la commission des finances, est de saluer la progression inédite, de 180 millions d’euros, de la dotation de solidarité rurale.

Je ne dis pas que l’intercommunalité doit tout régler. Je dis simplement qu’un bourg-centre dont les équipements sont utilisés par une plus large population que la sienne propre doit s’organiser à l’échelle de l’intercommunalité, afin que celle-ci assume aussi les charges particulières liées à son rayonnement. Il s’agirait d’établir des pactes financiers et fiscaux à l’intérieur des intercommunalités.

M. Molac a soutenu le dispositif de financement des régions par la TVA. La loi NOTRe a, en effet, parfois le dos large s’agissant du financement des associations, qu’elles soient culturelles ou d’anciens combattants. Certes, elle a mis fin à la clause de compétence générale et aux aides directes aux entreprises, mais il y a aussi des interprétations commodes pour s’acheter une bonne conscience lors de la suppression de financements aux associations.

Monsieur Piron, je crois avoir répondu au sujet de la DGF ; j’en viens donc à la GEMAPI dont nous débattrons encore longtemps. À l’origine de sa création, il y a eu la volonté de trouver la bonne échelle de gestion du petit et du grand cycle de l’eau. Après ma récente visite à Tours, où j’ai pu prendre la mesure des importants aménagements sur la Loire, je dois dire qu’il m’a paru de bon sens de prendre en compte les fleuves structurants dans le cadre de l’exercice de cette compétence, même si je n’ai pas encore de solution à apporter – aucun amendement spécifique ne porte sur ce sujet. Le transfert des ouvrages de protection de l’État vers les collectivités territoriales s’effectuera en 2024, je le rappelle.

Vous avez évoqué le FSRIF et le FPIC. Ne faisons pas de faux procès. N’oublions pas que les intercommunalités franciliennes contribuent de manière importante au FPIC, notamment parce qu’elles sont plus riches que la moyenne des intercommunalités françaises. Reste qu’à l’intérieur de l’espace francilien, il y a des écarts de richesse que chacun connaît et c’est la vocation du FSRIF que de les prendre en compte.

Monsieur Popelin, vous contestez le transfert de 25 points de CVAE des départements franciliens à la région Île-de-France, en signalant une particularité : la compétence en matière de transport y relève, en effet, d’une autorité organisatrice de la mobilité (AOM) spécifique, le STIF.

Je vais vous faire une réponse que vous allez certainement qualifier de « réponse de Normande ». Si nous privions la région Île-de-France du transfert des 25 points de CVAE, cela constituerait une rupture d’égalité par rapport aux autres régions. Dans le même temps, si nous privions les départements franciliens du produit des 25 points de CVAE parce qu’il ne correspond pas, contrairement aux autres départements, à un transfert de compétence, cela constituerait aussi une forme de rupture d’égalité. Dans ce contexte, le Gouvernement a trouvé une solution : le transfert des 25 points de CVAE à la région sera compensé par la rétrocession par la région aux départements d’un montant équivalent au produit de ces 25 points de CVAE en 2016, soit environ 9,2 millions d’euros. Néanmoins, vous avez raison sur un point, monsieur Popelin : à l’avenir, c’est la région Île-de-France qui bénéficiera de la dynamique de la CVAE.

Je ne doute pas que le débat parlementaire sera intéressant sur cette question.

M. Patrick Devedjian. Il s’agit, en réalité, d’une confiscation de la dynamique de la CVAE par la région, qui va pénaliser l’investissement des départements : quel sera l’intérêt pour les départements de continuer à investir, puisqu’ils seront assurés de recevoir une dotation fixe de la région, indépendamment des retombées de leurs investissements ? C’est une confiscation de la possibilité et de l’intérêt d’investir au profit de la région et, partant, une véritable tutelle d’une collectivité sur une autre, ce qui est totalement inconstitutionnel. Nous déposerons un recours devant le Conseil constitutionnel sur ce fondement.

Quant à la rupture d’égalité, elle tient au fait qu’il y a uniquement un transfert de ressources de la région Île-de-France aux départements, sans transfert de compétence correspondant. C’est, là encore, inconstitutionnel, car le principe « pas de décentralisation sans compensation » vaut dans les deux sens : il ne peut pas y avoir de compensation sans décentralisation, c’est-à-dire sans transfert de compétence.

Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État chargée des collectivités territoriales. Je vous renvoie à l’examen des amendements en séance publique lundi prochain. Nous allons passer une belle soirée ensemble.

Monsieur Giraud, vous préconisez de baser le calcul de la DSR des bourgs-centres non pas sur la population retenue pour la DGF, mais sur la population recensée par l’INSEE. Je relève qu’il y a parfois des injonctions contradictoires : un certain nombre de collectivités souhaitent que l’intégralité des dotations soit basée non pas sur la population recensée par l’INSEE, mais sur la population majorée, quel que soit le critère de la majoration. À titre personnel, je suis assez convaincue par vos arguments. Il convient néanmoins de simuler les effets de cette modification et d’en mesurer les conséquences, sachant que les communes touristiques font valoir qu’elles ont, elles aussi, des charges particulières. Je discuterai volontiers de nouveau de ce point avec vous.

Monsieur Viala, la répartition des compétences entre la région et le département en matière de développement économique est tout sauf floue. La circulaire qui a été adressée aux préfets le 3 novembre dernier peut ne pas convenir à tel ou tel, mais elle est extrêmement précise. Elle indique que le département ne peut plus attribuer aucune aide directe aux entreprises, sauf dans certains cas dérogatoires en matière de tourisme et d’agriculture. La région ne peut pas non plus déléguer l’attribution d’une aide au département, ni conclure une convention avec le département à ce sujet – cette possibilité n’a jamais existé, et le législateur ne l’a pas prévue. En revanche, le législateur a prévu qu’un EPCI pouvait déléguer au département non pas la définition, mais l’octroi d’une aide. En d’autres termes, le département peut intervenir dans l’octroi de l’aide s’il y est habilité par l’EPCI.

M. Patrick Devedjian. Cela n’a aucun sens !

Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État chargée des collectivités territoriales. C’est ce que le législateur a décidé et ce que la circulaire a précisé. Les choses sont claires. Et nous ne sommes pas les seuls à les avoir définies : je rappelle que la loi NOTRe a fait l’objet d’une commission mixte paritaire conclusive entre le Sénat et l’Assemblée nationale.

M. Charles de CoursonHélas !

Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État chargée des collectivités territoriales. Je crois avoir répondu à M. Morel-A-L’Huissier à propos de la DGF et des charges de centralité.

Monsieur Laurent, vous demandez si l’enveloppe du FSIL consacrée aux grands investissements, qui sera dotée de 600 millions d’euros en 2017, pourra servir à financer des projets de rénovation urbaine dans les quartiers prioritaires, qu’ils soient éligibles ou non à un soutien de l’ANRU. Rien ne s’oppose à un tel financement. Je ne sais pas s’il est utile de le préciser dans la loi ; le Parlement en jugera. En tout cas, il ne faut pas revenir sur la gestion déconcentrée de ce fonds par les préfets de région, compte tenu du contexte que le ministre a rappelé en introduction.

Monsieur Pélissard, le dispositif des communes nouvelles a bien fonctionné et continue à être utilisé. Les élus s’en sont saisis avec vigueur. Personne, ni le Parlement ni même l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité, n’avait anticipé un tel succès. En 2016, la plus grande commune nouvelle a été créée autour d’Annecy. C’est une très belle réalisation, ainsi que j’ai pu le constater en me rendant sur place.

Vous l’avez rappelé, le Président de la République a précisé, lors du dernier congrès des maires de France, en mai, que l’incitation financière liée à ce dispositif serait prolongée. Je vous rassure, monsieur Pélissard : cette disposition figure bien dans le projet de loi de finances pour 2017.

M. le président Gilles Carrez. Nous vous remercions, madame la secrétaire d’État, pour vos réponses très précises.

M. le président Dominique Raimbourg. Je vous remercie à mon tour pour vos réponses précises, ainsi que pour votre disponibilité au cours du débat, qui a été, de ce fait, très vivant.

M. le président Gilles Carrez. Nous avons, en effet, eu un débat de qualité et dépourvu de tout formalisme.

La réunion de la commission élargie s’achève à dix-huit heures cinquante-cinq.

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