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Commission de la défense nationale et des forces armées

Mardi 11 février 2014

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 34

Présidence de Mme Patricia Adam, présidente

— Audition, ouverte à la presse, de M. Arnaud Kalika, directeur de recherche de l’université Paris-II, et de Mmes Valérie Niquet, maître de recherche à la Fondation pour la recherche stratégique (FRS), et Nicole Vilboux, chercheur associé à la FRS, sur le rôle de la dissuasion nucléaire en Russie, en Chine et aux États-Unis .

— Examen de la proposition de loi visant à affirmer le caractère intangible de l’appellation de la « Voie sacrée nationale » (n° 594) (M. Philippe Gosselin, rapporteur)

La séance est ouverte à dix-sept heures.

Madame la présidente Patricia Adam. Avec cette audition consacrée à la dissuasion nucléaire en Russie, en Chine et aux États-Unis, nous poursuivons le travail que nous avons commencé la semaine dernière en auditionnant M. Bruno Tertrais.

M. Arnaud Kalika, directeur de recherche de l’université Paris II, Mme Valérie Niquet, maître de recherche à la Fondation pour la recherche stratégique (FRS), et Mme Nicole Vilboux, chercheur associé à la FRS, sont spécialistes respectivement de la Russie, de la Chine et des États-Unis.

Mme Nicole Vilboux, chercheur associé à la FRS. Depuis la fin des années quatre-vingt-dix, le nucléaire occupe dans la stratégie de défense américaine une place de plus en plus réduite, dans la mesure où les capacités pléthoriques et la doctrine de « destruction mutuelle assurée » qu’elles supportaient ne correspondent plus à la réalité des problèmes de sécurité identifiés par Washington. Durant la dernière décennie, le terrorisme et la prolifération nucléaire sont devenus les menaces principales, même si la confrontation avec une puissance majeure, par exemple la Chine, reste un déterminant de la stratégie militaire. Face aux nouveaux dangers, l’utilité du nucléaire est loin d’avoir totalement disparu, mais elle a changé de forme ou est passée au second plan.

Depuis 2000, en dépit des différences entre les rhétoriques propres à chaque administration, la stratégie militaire américaine a évolué dans des directions constantes : révision de la conception de la dissuasion, dont le nucléaire n’est plus qu’un élément, associé aux forces classiques et aux défenses antimissile ; diminution progressive de l’arsenal stratégique américain négocié avec le partenaire/adversaire russe ; entretien de forces nucléaires adaptées, sûres et efficaces, ce qui implique des efforts pour moderniser l’arsenal.

La stratégie américaine tend vers une « dénucléarisation » de la dissuasion. Depuis le début du siècle, elle a fait l’objet de deux grandes révisions, l’une en 2001, l’autre en 2010, chacune explicitée dans une Nuclear Posture Review. Ces documents, qui ne sont pas publics mais dont on connaît les grandes lignes, donnent idée de l’importance que les États-Unis accordent au nucléaire. Dans celui de 2001, il était simplement question de réduire la dépendance américaine à l’égard des armes nucléaires. Dans celui de 2010, le premier objectif est de prévenir la prolifération et le terrorisme nucléaires, le second de réduire le rôle des armes nucléaires dans la stratégie américaine. Le maintien de la dissuasion et de la stabilité stratégique à des niveaux de forces réduits n’apparaît qu’en troisième position.

Cette stratégie est conforme aux orientations définies par le Président Obama dès son élection et qui consistent, pour les résumer, à œuvrer pour le désarmement nucléaire au niveau mondial. À cet égard, Barack Obama reprend les thèses du courant favorable à l’arms control et aux réductions drastiques de l’arsenal nucléaire. Aux États-Unis, certains considèrent en effet que la sécurité du pays sera plus grande dans un monde sans arme nucléaire, ce qui suppose que tous les efforts américains doivent tendre à réduire les arsenaux. Cependant, le président Obama n’envisage pas qu’on puisse atteindre le global zero sous son mandat ni même au cours des années suivantes. D’aucuns tiennent même cette perspective pour utopique. En attendant, le pays maintient, comme le réaffirme la dernière directive sur la stratégie nucléaire de juin 2013 une capacité de « dissuasion crédible, capable de convaincre tout adversaire potentiel » des conséquences désastreuses qu’aurait une atteinte contre eux ou leurs « alliés et partenaires ».

Cette dernière expression renvoie à une particularité de la dissuasion américaine : non seulement celle-ci protège les intérêts nationaux vitaux, mais elle a aussi une fonction d’assurance à l’égard des alliés. En ce sens, le maintien du parapluie nucléaire est important : il incarne l’engagement des États-Unis envers leurs alliés et évite que certains d’entre eux ne cherchent à assurer seuls leur sécurité en développant des capacités nucléaires propres.

Bien que la dissuasion nucléaire demeure indispensable, son périmètre d’action s’est réduit de deux manières depuis 2001.

Tout d’abord, pour tenir compte de la plus grande diversité des menaces, l’administration Bush avait associé dans ce qu’on a appelé la « nouvelle triade » les forces nucléaires, les systèmes de défense antimissile et les instruments d’attaque conventionnels, ou systèmes d’attaque de précision à longue portée. L’administration Obama a confirmé le rôle de plus en plus important de ces moyens, en particulier pour la dissuasion régionale couvrant alliés et partenaires.

Mais, si le seuil du recours à l’arme atomique tend à s’élever, le nombre de situations dans lesquelles celui-ci est concevable, lui, se réduit. Selon le dernier document stratégique, il ne serait envisagé que dans « des circonstances extrêmes pour défendre les intérêts vitaux ». Le document réaffirme par ailleurs les garanties négatives données par les États-Unis dès 2010 : ne seraient pas menacés de représailles nucléaires les États non nucléaires, membres du Traité de non-prolifération nucléaire (TNP) et respectant leurs obligations. Cette assurance laisse toutefois de côté les pays traditionnellement visés que sont la Russie et la Chine, avec lesquels il s’agit de maintenir une stabilité stratégique, ainsi que les pays dits « proliférants », plus préoccupants aujourd’hui, qui sont pris en compte dans les plans de frappes nucléaires depuis 2003.

Sur ces fondements, on peut dire que, même si elle n’a pas été reformulée, la doctrine nucléaire américaine est passée d’une logique de punition, sous forme de représailles massives, à une logique d’interdiction, soit par la défense, soit par le déni de victoire à un adversaire éventuel. Cette évolution se traduit par l’abandon des plans de frappe anti-cités, qui n’ont jamais été bien acceptés aux États-Unis, au profit d’une stratégie contre-forces. C’est du moins ce qu’affirme le dernier document stratégique daté de juin 2013. Si elle ne requiert plus l’entretien de gros volumes de forces nucléaires, la nouvelle stratégie justifie toutefois un effort de modernisation, afin que l’arsenal reste fiable.

Les forces nucléaires ont constamment diminué depuis 1990. Cette année-là, les États-Unis disposaient de plus de 12 000 têtes nucléaires embarquées sur 1 875 vecteurs stratégiques. Aujourd’hui, l’arsenal global est évalué à 4 650 têtes nucléaires en service, dont 1 688 charges opérationnelles embarquées sur 809 vecteurs déployés. Ces forces représentent la partie de l’arsenal immédiatement disponible pour assurer la dissuasion, sachant qu’il existe des forces supplémentaires en réserve.

La réduction de l’arsenal s’est effectuée à travers une succession d’accords, dont le dernier, l’accord New START (Strategic Arms Reduction Treaty), négocié par l’administration Obama avec la Russie, fixe pour 2018 les plafonds à 1 550 charges nucléaires stratégiques opérationnelles pour les États-Unis comme pour la Russie. On atteindra ainsi les plafonds qu’envisageaient les experts américains il y a une dizaine d’années, mais l’administration Obama a d’ores et déjà annoncé sa volonté de poursuivre les réductions, en proposant à la Russie de diminuer encore d’un tiers les armes stratégiques opérationnelles. Cet objectif ne l’empêche pas d’affirmer sa volonté de maintenir les forces restantes en condition, voire de moderniser l’arsenal.

L’administration Obama a confirmé la préservation des trois composantes de la triade nucléaire, alors que de nombreux experts préconisent l’abandon d’un ou deux piliers. Les forces nucléaires stratégiques sont toujours constituées d’une composante terrestre qui réunit 450 missiles intercontinentaux, d’une composante navale constituée de quatorze sous-marins et d’une composante aérienne de quelque soixante bombardiers B-2 et B-52.

L’administration s’est engagée à moderniser ou à remplacer des systèmes qui vont arriver en fin de service. Sous-marins, bombardiers à long rayon d’action ou missiles devraient être remplacés avant 2030. Parallèlement, il existe des programmes pour maintenir en condition les systèmes existants et pour modifier les charges nucléaires. Ce dernier point est le plus controversé dans le débat stratégique américain mais, si les États-Unis se sont officiellement engagés à ne pas créer de nouvelles charges nucléaires, cela ne les empêche pas d’améliorer les têtes nucléaires existantes, notamment la précision de certaines bombes.

Pour les dix prochaines années, le coût de l’entretien et de la modernisation de la triade devrait atteindre environ 150 milliards de dollars, mais il pèsera surtout sur les deux décennies suivantes, qui verront le remplacement des vecteurs. Selon certains experts, il faudra accepter alors des efforts budgétaires aussi importants que ceux qui avaient été consentis pendant les années Reagan, alors même que le budget de la défense subit les coupes liées à la réduction du déficit fédéral. Mais le Congrès, surtout quand il est dominé par les républicains, semble décidé à sanctuariser les crédits destinés au nucléaire.

Il est vrai que le coût de celui-ci reste modeste dans le budget de la défense, comme l’a rappelé en juillet 2013 le numéro deux du Pentagone : 16 milliards de dollars par an dans un budget de 544 milliards. Pour beaucoup de conservateurs du courant républicain, ces dépenses ne suffisent pas pour maintenir un arsenal dans de bonnes conditions ni pour suivre les modernisations intervenant en Chine ou en Russie. Les partisans d’un effort supplémentaire tirent d’ailleurs argument des scandales récents liés à la découverte de tricheries dans l’évaluation des responsables de la force de missile balistique. Ils y voient une perte d’expertise et de professionnalisme au sein des forces nucléaires américaines, liée à la dévalorisation de leur mission.

Mme Valérie Niquet, maître de recherche à la FRS. Le problème se pose très différemment en Chine, où ni l’importance de l’arme nucléaire ni la légitimité de la dissuasion ne font débat. Depuis les années soixante, au cours desquelles les Chinois ont fait exploser leur première bombe, on assiste au développement méthodique et régulier des capacités, la modernisation de l’arme nucléaire et des missiles n’ayant jamais été remise en cause, même pendant la Révolution culturelle.

Pour Pékin, l’arme nucléaire est la pièce maîtresse d’une stratégie qui, au-delà de la simple dissuasion, relève autant de l’interdiction que de la coercition. La position de la Chine est à mi-chemin entre celle des grandes puissances nucléaires et celle des États nucléaires non officiels – États « voyous » ou « parias » –, qui considèrent cet armement comme la seule garantie de survie pour leur régime : les Chinois soulignent volontiers que les États-Unis n’auraient jamais attaqué l’Irak si celui-ci avait, comme la Corée du Nord, possédé l’arme nucléaire.

Leur doctrine nucléaire officielle s’inscrit dans une posture générale de politique de défense pacifique, exclusivement défensive, que rappellent Livres blancs et discours officiels. La doctrine du non-usage en premier permet à la Chine de revendiquer, notamment vis-à-vis des États qui ne possèdent pas l’arme nucléaire, sa différence par rapport aux autres grandes puissances nucléaires, tout en compensant son refus d’intégrer les négociations de réduction des armements, qui impliquent les États-Unis et la Russie.

On peut s’interroger sur la mise en œuvre par la Chine du concept de dissuasion minimum et sur l’adéquation de celui-ci aux capacités nucléaires supposées du pays. L’objectif officiel de Pékin est de se doter d’une force de dissuasion lean and effective – réduite mais efficace – et de développer des capacités plus crédibles en termes de sûreté, de fiabilité, d’efficacité et de capacité de survie. Pour répondre au déploiement des systèmes de défense antimissile, notamment par les États-Unis, la Chine insiste sur la nécessité de faire monter son arsenal en puissance mais, en même temps, elle ne souhaite pas être entraînée dans une course aux armements de type soviétique. Aujourd’hui, semble-t-il, elle cherche donc davantage à améliorer la qualité de ses missiles qu’à augmenter le nombre de ses têtes nucléaires.

Il est difficile d’évaluer l’arsenal chinois, le pays refusant la transparence afin de compenser sa faiblesse par une certaine ambiguïté. Les estimations occidentales varient de 200 têtes nucléaires à plusieurs milliers, même si cette dernière évaluation est souvent qualifiée de fantaisiste. Le chiffre le plus couramment avancé est celui de 200 à 400 têtes, ce qui ferait déjà de la Chine une puissance non négligeable. Au cours des années quatre-vingt-dix, elle aurait accompli des progrès en matière de miniaturisation, soit dans une optique de mirvage, qui n’est pas confirmée, soit pour développer des armes de précision.

Le pays a mis l’accent sur les vecteurs, en liaison avec un programme spatial développé. En théorie, il possède les trois composantes de la dissuasion et poursuit son effort pour améliorer la qualité de ses missiles en généralisant l’utilisation des combustibles solides et la mobilité. Il entend ainsi accroître les chances de survie et la crédibilité de sa capacité de dissuasion et de coercition.

La composante terrestre s’améliore. Les seuls missiles capables de toucher le continent américain sont les DF-5, mais ceux-ci fonctionnent au carburant liquide et sont déployés dans des silos. De ce fait, ils sont plus vulnérables que des missiles à carburant solide et mobiles, qu’elle a également développés, tels les DF-31, dont la portée est toutefois limitée à 7 000 kilomètres, ou les DF-21, missiles intermédiaires qui couvrent tout l’environnement régional de la Chine, y compris les bases américaines du Japon et de la Corée du Sud.

En ce qui concerne la composante navale, la Chine paraît toujours être dans l’impasse. Il semble qu’elle ait possédé deux sous-marins nucléaires lanceurs d’engins Xia, équipés de missiles, dont l’un aurait coulé et l’autre n’aurait jamais navigué. Dans les années 2000, elle s’est dotée d’un sous-marin T094, équipé de missiles d’une portée de 8 000 kilomètres mais, en dépit de plusieurs essais, notamment en 2012 et 2013, la composante sous-marine n’est pas véritablement opérationnelle.

En ce qui concerne la composante aérienne, la Chine possède une vingtaine de bombardiers de type Tupolev, d’une portée de 3 000 kilomètres, dont l’efficacité est limitée dans le contexte actuel. Elle est également dotée de missiles de croisière air-air, dont les États-Unis considèrent qu’ils sont potentiellement nucléaires. La presse américaine mentionne souvent des projets chinois, dont on ignore s’ils seront bientôt opérationnels. La question du mirvage n’est pas résolue. Le missile anti-navire DF-21D, présenté comme conventionnel, serait potentiellement nucléaire. Selon des sources américaines, la Chine aurait procédé en janvier à l’essai d’un missile hypersonique, d’une vitesse potentielle de Mach 10, avec capacité d’emport d’une tête conventionnelle ou nucléaire. Ce missile serait destiné à passer au travers des défenses antimissile des États-Unis.

En dépit des progrès accomplis, les limites de la dissuasion chinoise restent donc réelles, notamment en ce qui concerne la capacité intercontinentale et la composante navale, à quoi s’ajoute le caractère obsolète de la composante aérienne. Certaines difficultés sont techniques ; d’autres tiennent au contrôle de la chaîne de commandement. Tant que celle-ci n’est pas totalement fiable, la Chine ne semble pas prête à laisser aller à la mer un bâtiment armé. Or la direction chinoise devient de plus en plus est collégiale : même Xi Jinping n’est pas seul à décider. En période de crise, la prise de décision et le système de gestion de la Chine n’auraient donc pas l’efficacité qu’on peut attendre d’un régime aussi puissant.

Le concept chinois de dissuasion est ambigu : en effet, le mot weishe signifie à la fois « en imposer », « faire trembler de crainte » et « contraindre par la force ou la menace ». Grâce au nucléaire, le pays entend donc interdire, mais aussi exercer des pressions et, même avec des moyens limités, obtenir d’autres États des décisions favorables à ses intérêts. Ainsi, il y a quelques années, Sha Zukang, qui représentait la Chine à la Commission du désarmement, a demandé si, dans un régime démocratique, la présidence des États-Unis pouvait risquer de perdre San Francisco pour défendre Taiwan.

Même si, pour des raisons politiques, le principe du non-usage en premier de l’arme nucléaire n’est pas remis en question, il fait l’objet d’un débat en Chine, depuis le début des années 2000, compte tenu du développement des capacités conventionnelles aux États-Unis. Certains analystes américains considèrent que, paradoxalement, la révision de la posture nucléaire, qui vise à relativiser le poids des armes nucléaires dans la défense américaine en s’appuyant sur les forces conventionnelles, pourrait pousser la Chine à envisager l’usage de l’arme nucléaire en premier, ce qu’elle n’a jamais fait jusqu’à présent pour des raisons morales et idéologiques. En 2013, le Livre blanc chinois de la défense, tout en continuant d’insister sur le principe de défense active, citait la phrase de Mao : « Nous n’attaquerons pas si nous ne sommes pas attaqués, mais nous le ferons sûrement si nous le sommes. » Cela étant, la Chine, qui renforce sa capacité de dissuasion dans un contexte stratégique difficile, éprouve le besoin d’accroître sa marge de manœuvre face aux États-Unis, qui opèrent un rééquilibrage stratégique vers l’Asie.

Je terminerai en soulignant plusieurs problèmes. La non-coïncidence des cultures stratégiques peut entraîner des divergences entre l’Occident et la Chine, à propos de la notion de dissuasion ou de prise en risque. La volonté de tester l’adversaire, fréquente chez les stratèges chinois – on le voit dans la mer de Chine du sud ou face au Japon –, risque d’induire des erreurs de calcul dramatiques.

Le flou dans l’organisation des forces nucléaires chinoises peut également entraîner des erreurs de calcul. Les forces nucléaires de la Chine sont pour l’essentiel regroupées au sein du deuxième corps d’artillerie, qui réunit sans distinction très nette les composantes nucléaire et conventionnelle. Dès lors, si les États-Unis voyaient arriver au-dessus de leur porte-avions un missile DF-21 supposé conventionnel, leur réaction pourrait dépasser celle qu’attendent les Chinois.

Un autre problème tient à la non-adéquation entre la doctrine officielle de la Chine et ses capacités réelles, fort peu transparentes. Un autre encore concerne l’intégration de la Chine aux négociations multilatérales sur le contrôle des armements. La Chine, qui met en avant la faiblesse de son arsenal, a considérablement développé ses capacités d’emport, notamment pour les portées intermédiaires, ce qui va à l’inverse de l’évolution constatée aux États-Unis et en Russie.

M. Arnaud Kalika, directeur de recherche de l’université Paris II. Pour évaluer la politique russe dans ce qu’elle a de plus stratégique – ce qui tient au nucléaire militaire –, il faut distinguer le voyant du visible et éviter de s’en tenir à une simple « capture d’écran ». En effet, l’énigme russe si souvent évoquée, de Churchill à Kissinger, n’en est une que si l’on en reste aux apparences. Je me concentrerai ici sur l’examen des textes et discours officiels, car, en Russie, tout ce qui est écrit ou exprimé publiquement en matière de politique extérieure et de défense est en général scrupuleusement appliqué.

Si l’armement stratégique de la Russie, deuxième puissance nucléaire au monde, est et restera longtemps une source de préoccupation pour ses voisins comme pour elle-même, c’est moins en raison du nombre de têtes nucléaires que de son concept d’emploi : contrairement à leurs homologues américains et chinois, les stratèges et officiers soviétiques ont toujours considéré la composante stratégique en premier lieu comme une composante d’emploi.

Dans ses représentations politiques, le Kremlin associe le nucléaire militaire au rang international du pays. C’est du moins ce qui ressort de la doctrine militaire, dont une partie reste toutefois classifiée. L’armement stratégique, tel qu’il est décrit dans les textes, participe à une double dissuasion. La première est la dissuasion nucléaire classique, caractérisée par la sanctuarisation d’un territoire de 17 millions de kilomètres carrés, soit trente fois celui de la France, et par l’option d’un emploi en premier en fonction des circonstances et de la prégnance de la menace. La seconde est la dissuasion de niveau tactique et opératif, qui découle d’une doctrine d’emploi, sur un théâtre d’opération, de l’armement nucléaire au même titre que de l’armement conventionnel. En ce sens, la doctrine d’emploi du nucléaire militaire se situe dans le prolongement intellectuel des travaux de nombreux penseurs militaires de la période soviétique qui, comme Sokolovski, ont développé une approche d’impérialisme défensif, légitimant l’attaque en premier et la protection dans la profondeur du territoire.

Le sujet, si l’on regarde les textes de plus près, fait l’objet d’un nouveau positionnement. Officiellement, la doctrine du nucléaire militaire est défensive et s’articule autour de trois piliers : souveraineté, intégrité territoriale et inviolabilité des frontières. En Russie, le rapport entre territoire et survie du peuple est inversé : c’est l’immensité du territoire qui protège ceux qui l’habitent. L’inviolabilité et l’intangibilité des frontières constituent donc des principes non négociables, même s’il faut employer le nucléaire en premier pour les défendre.

L’arme nucléaire apparaît dans la doctrine comme le facteur clé, voire exclusif, de la prévention globale des conflits et, en cas de conflit déclaré, une ascension aux extrêmes peut conduire, en fonction des circonstances et en cas de menace sur les intérêts vitaux de l’État, à l’emploi du nucléaire, a fortiori si l’adversaire dispose lui-même de cette arme. L’emploi en premier n’est donc, dans la doctrine, ni improbable ni impossible. Le Président Poutine est constitutionnellement le seul à même de déclencher le feu nucléaire – une décision collégiale est donc exclue en Russie.

Au sein de la doctrine, le nucléaire militaire apparaît dans la définition du conflit régional où les deux belligérants emploieraient à la fois des moyens conventionnels et nucléaires, dans les trois dimensions. Au chapitre des menaces militaires à prévenir viennent d’abord l’élargissement de l’OTAN et le déploiement d’infrastructures otaniennes, voire américaines, aux frontières de la Russie. On comprend que le nucléaire protégera contre la défense antimissile, actuellement en phase de déploiement, et contre les systèmes conventionnels intercontinentaux en devenir, comme le système américain Prompt Global Strike. La prolifération d’armes de destruction massive est également définie comme une menace, de même que le terrorisme international que, d’après la doctrine, le nucléaire permettrait de prévenir.

Moins connue mais érigée en danger potentiel pour l’intégrité de la Fédération, le menace compromettant la survie de la « maison nucléaire » est expressément abordée par la doctrine, avec la nécessité de protéger chaque échelon, chaque rouage de la dissuasion : la chaîne nucléaire stratégique, l’alerte avancée, le stockage des ogives, ainsi que le contrôle et la protection de l’ensemble des infrastructures nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques (NRBC). D’où l’exigence d’une politique garantissant le maintien en condition de l’ensemble des unités et celle d’une nouvelle stratégie des moyens à l’horizon de 2020. La Russie se situe dans une logique, non de coupes claires, mais de transformation et de renouvellement des moyens. Ce n’est donc pas un hasard si le budget de la défense va passer de 48 à 79 milliards d’euros entre 2013 et 2016. À cette date, tous les moyens seront renouvelés, y compris dans le complexe militaro-industriel.

Après la promulgation de sa doctrine, en 2010, le Kremlin s’est immédiatement doté d’une stratégie des moyens précise. Le ministre de la défense, le général Sergueï Choïgou, a indiqué en décembre 2013 que les forces nucléaires russes avaient été rééquipées à plus de 45 %, l’armée de terre à 21 %, l’armée de l’air à 42 %, la marine à 52 % et les troupes de défense aérospatiale à 62 %.

Ne croyez pas que le texte promulguant cette doctrine militaire ne soit qu’un texte parmi d’autres. Il a déjà connu plusieurs applications au travers d’exercices interarmées : ainsi, en 2009, la Russie et la Biélorussie ont conduit conjointement, à la frontière de la Pologne, sous le nom de Zapad, de grandes manœuvres militaires conclues par la simulation d’une frappe nucléaire à partir de la composante aéroportée. Je pense personnellement que Vladimir Poutine n’aurait aucun scrupule à appuyer sur le bouton si une telle option se présentait à lui. Le Président russe, à l’instar de son peuple, cultive une conception nietzschéenne de la liberté : la liberté de ne pas avoir le choix. Pour les Russes, la liberté est le fait de savoir que je n’ai pas d’autre choix que celui qui s’impose à moi.

Quelques mois avant la publication de la doctrine de 2010, le Président a d’ailleurs déclaré que l’arme nucléaire pouvait servir à des frappes préventives contre des ennemis potentiels. Il n’hésiterait pas à déclencher le feu. Mais où sont les ennemis du Kremlin ? Parle-t-on de l’ennemi intérieur ou des abcès traditionnels que sont les États-Unis, l’OTAN, la Chine ou le terrorisme international ? À bien examiner l’ensemble des discours et des textes, l’ennemi est tout cela à la fois.

Alors qu’en Occident les administrations se complaisent dans l’angélisme confortable qui consiste à croire que la menace majeure aurait disparu, l’Occident n’est pas perçu, au Kremlin, comme un allié de confiance. Le Président Poutine et les membres de son équipe l’ont souvent rappelé : ils ne sont pas certains de l’avenir de l’Europe et entendent se prémunir contre sa chute. C’est ainsi qu’il faut comprendre le déploiement du parapluie nucléaire jusqu’à Kaliningrad. Quant aux États-Unis, chacun sait que la Maison Blanche préfère une Russie faible à une Russie forte, en conséquence de quoi, malgré la diplomatie cosmétique des traités START, le pouvoir russe n’est pas prêt à céder du terrain sur son arsenal nucléaire. Loin d’abandonner jamais son statut de puissance nucléaire, il s’efforcera de le consolider.

Depuis 1999, date à laquelle Boris Eltsine a nommé son dauphin Vladimir Poutine au poste de Premier ministre, l’élite au pouvoir a toujours considéré le nucléaire militaire comme un facteur de puissance, comme la garantie de se faire respecter sur la scène internationale. Poutine entend bien préserver ce statut. C’est dans cet esprit qu’il faut comprendre la réforme des forces armées et des forces nucléaires stratégiques (RVSN). Longtemps présentée comme un serpent de mer dans une Russie qui tombait, cette réforme a été imposée en 2008 au lobby militaire par l’ancien ministre Serdioukov. Celui-ci aura été, de toute l’ère Poutine, le seul ministre civil chargé de la défense en Russie – l’actuel ministre, Sergueï Choïgou, est un général d’armée et le prédécesseur de Serdioukov, Sergueï Ivanov, était un général des services de renseignement extérieur.

La réforme comportait notamment la réduction des effectifs à un peu moins d’un million d’hommes, ce qui reste important, le renouvellement de 70 % des matériels militaires conventionnels avant 2020, le renouvellement des forces nucléaires stratégiques, l’optimisation des systèmes d’alerte avancée, auxquels sont couplés la couverture satellitaire et le déclenchement des systèmes de vecteurs nucléaires, ainsi que la création de quatre commandements opérativo-stratégiques et d’une chaîne de commandement unique pour les forces nucléaires et spatiales. Les forces stratégiques ont également été renouvelées dans les trois dimensions.

Les sources et les statistiques étant sujettes à caution, il est difficile d’établir une photographie du nucléaire militaire. On doit s’en remettre à des sources américaines, à la presse ou à des think tanks, qui émettent eux-mêmes des doutes sur leurs propres évaluations. Aujourd’hui, les forces nucléaires stratégiques seraient dotées de 300 à 310 missiles équipés de 1 080 ogives, ce qui inclut les SS-18, les SS-19, les rampes mobiles à roues de type Topol et de cinquante à soixante systèmes en silos.

Pour la flotte, la nouvelle stratégie maritime, validée dans le cadre de la nouvelle doctrine militaire, impose le principe de permanence à la mer comme le pivot de la dissuasion nucléaire. La Russie compte dix sous-marins stratégiques, dont sept capables d’emporter des systèmes de type SS-N-18, SS-N-26 et, demain, des systèmes Boulava. Au total, la flotte sous-marine doit pouvoir emporter 400 ogives pour une centaine de vecteurs.

L’aviation stratégique est également modernisée. Elle est actuellement composée d’environ 65 bombardiers Tupolev Tu-160 et Tu-95, avec plusieurs déclinaisons techniques, pour une capacité totale de 200 missiles de croisière.

Enfin, pour ce qui est de la stricte défense, la Russie a modernisé ses outils d’alerte avancée. Trois systèmes sont opérationnels et utilisent une constellation de satellites. La partie radar et déclenchement d’alerte a également été modernisée, grâce à la construction de nouveaux radars, notamment dans la région d’Irkoutsk, l’objectif étant de couvrir l’ensemble du territoire russe.

Réforme des armées, nouvelle stratégie maritime, nouvelle doctrine militaire et, demain, nouveau concept de sécurité nationale et de politique étrangère : on pourrait penser que la Russie se développe sans aucune difficulté. Or elle accuse du retard pour ce qui est de la recherche scientifique dans le domaine du nucléaire civil et dual, secteur capital pour le développement de l’arme nucléaire, comme le montre le nombre de thèses soutenues dans le cadre du Commissariat à l’énergie atomique.

Si l’école russe de physique nucléaire et de mathématique fondamentale reste incontestablement la meilleure au monde, les retards de savoir-faire, notamment par rapport aux ingénieurs américains, sont flagrants dans d’autres branches de la recherche liée au nucléaire. Ce retard est dû non à la fuite des cerveaux, qui n’est qu’un épiphénomène, mais, selon le mot de Jacques Sapir, à la démesure des dirigeants du monde russe, qui ont laissé de côté certains pans de la recherche, perçus comme secondaires il y a vingt ans mais devenus stratégiques depuis.

Pour combler ce retard, le Kremlin sait qu’il a besoin de ses meilleurs ennemis, à commencer par l’Europe. Très intelligemment, la Russie s’intéresse ainsi depuis deux ans au pôle nucléaire de Bourgogne afin de sceller un partenariat scientifique et de rehausser son niveau dans le nucléaire civil.

Pour conclure, je vous invite à vous interroger sur la vision de la France et sur ses choix politiques, en miroir du potentiel nucléaire russe. Dans quelle direction veut-on aller ? Le concept du pouvoir égalisateur de l’atome ne s’applique-t-il plus dans le monde d’après la Guerre froide ? À l’heure où, en France, certains courants dénoncent la démesure de notre panoplie nucléaire, la Russie ne se pose pas la question. Pour Moscou, l’idée selon laquelle il existerait un seuil de dissuasion suffisant est sans fondement et le nucléaire est et restera une arme d’emploi. Poutine comme ses successeurs ne renonceront jamais au statut de deuxième puissance nucléaire au monde. Par un réflexe messianique typiquement russe, ils caressent même l’espoir de prendre la première place, devant les États-Unis.

M. Jean-Jacques Candelier. « I have a dream… » Nous connaissons tous la phrase prononcée par Martin Luther King en 1963. Ce serait merveilleux de vivre dans un monde sans armes nucléaires, mais la position des cinq grandes puissances nucléaires est difficilement tenable : quand on juge l’arme nucléaire déterminante pour sa propre sécurité, peut-on empêcher d’autres pays de s’en doter ? Inversement, si l’on a pu interdire les armes chimiques, pourquoi ne pas étendre cette interdiction aux armes nucléaires ?

M. Arnaud Kalika. Même dans le meilleur des mondes, les Russes ne renonceront pas à l’arme nucléaire. Ils sont persuadés, compte tenu de leur complexe obsidional, qu’ils peuvent être attaqués par les États-Unis ou par la Chine, même s’ils coopèrent avec ces deux pays. En outre, plusieurs études russes ont montré que, si l’Iran se dotait de l’arme nucléaire, Moscou pourrait être sa cible. Les décideurs russes moderniseront toujours leurs équipements nucléaires pour sanctuariser leur territoire.

Mme Nicole Vilboux. Il y a débat aux États-Unis. Les uns défendent la dénucléarisation comme de nature à rendre le monde plus stable et plus sûr, ce qui profiterait non seulement aux États-Unis mais à toute la planète. D’autres pensent que, dès lors qu’une arme a été créée, il n’est pas possible de revenir en arrière : si un seul pays conserve une capacité nucléaire, il possédera un avantage considérable sur les autres. D’autres encore considèrent que la prolifération n’est pas si terrible, puisque le nucléaire a plus souvent servi à empêcher les conflits qu’à provoquer de nouvelles guerres. En affichant officiellement sa volonté d’aller vers un monde sans armes, le Président Obama a amorcé une rupture. Cependant, il demeure réaliste. Les États-Unis ne désarmeront que si les autres États le font aussi. Ils n’envisagent pas un désarmement unilatéral.

Mme Geneviève Gosselin-Fleury. Il semble y avoir en Chine contradiction entre la doctrine nucléaire officielle, qui met l’accent sur le désarmement, et le développement des capacités militaires. Cette situation n’est-elle pas de nature à amener les pays voisins à développer leur propre arsenal nucléaire, ce qui risquerait de déstabiliser toute l’Asie ?

Comment les Chinois considèrent-ils le bouclier antimissile américain ?

Mme Valérie Niquet. Pour revenir sur la question précédente, je souligne que la première mission assignée à l’Armée populaire de libération (APL) est la défense du système politique. C’est ce qui m’a conduit à soutenir que la Chine occupait une position intermédiaire entre les grandes puissances nucléaires et ces États qui considèrent que l’arme nucléaire, même peu développée, est suffisamment dissuasive pour préserver l’existence de quelque régime politique que ce soit.

Même si les limites de sa puissance restent bien réelles, la Chine développe aujourd’hui, vous avez raison, ses capacités militaires. Son budget militaire avoisine, officiellement, les 114 milliards de dollars : c’est le deuxième budget militaire du monde après celui des États-Unis ; ce n’est pas négligeable, surtout si l’on calcule en parité de pouvoir d’achat – les pensions des vétérans chinois étant évidemment moins onéreuses pour le budget de l’État que celles des vétérans américains – et si l’on prend en considération le fait que le pays ne mène pas d’opération extérieure.

Ses voisins nourrissent donc des inquiétudes : à l’inverse de ce qui se passait dans les années 1970 et 1980, une grande majorité des pays de la région accueille avec enthousiasme le rééquilibrage de la stratégie américaine vers l’Asie. Hormis la Chine et la Corée du Nord bien sûr, ils veulent que les États-Unis les protègent. On peut certes s’interroger sur l’efficacité du bouclier américain, même si les États-Unis insistent officiellement sur la solidité de leur engagement, et, au Japon notamment, il existe des débats sur l’opportunité de développer une capacité de dissuasion autonome, mais sans que cela ait une traduction politique, l’opinion publique n’étant pas prête du tout à aller dans cette direction. Les Japonais, comme les Sud-Coréens, sont plutôt favorables à la présence de bases américaines : si leur pays était attaqué, des vies américaines seraient en jeu et il est très probable que les États-Unis réagiraient.

Dans les années 1980, la Chine a tout fait pour bloquer la constitution du bouclier antimissile américain ; elle a même essayé d’entraîner à sa suite la Russie mais, à l’époque, celle-ci était plus qu’aujourd’hui tournée vers l’Occident et Vladimir Poutine avait accepté que les États-Unis se retirent du traité ABM. La Chine s’est donc retrouvée un peu seule, mais elle n’a pas non plus, comme elle avait menacé de le faire, multiplié le nombre de ses ogives nucléaires. En revanche, elle essaye aujourd’hui de développer des armes qui pourraient percer ce bouclier et réfléchit à la possibilité de se doter de ses propres armes antimissile, avec l’aide de la Russie.

M. Arnaud Kalika. Depuis deux ans, la Russie développe le nouveau vecteur Roubej, d’environ 100 tonnes de poussée et fonctionnant avec du combustible solide : il s’agit pour Vladimir Poutine de faire pièce à la défense antimissile américaine, mais aussi aux nouveaux systèmes intercontinentaux conventionnels.

M. Gwenegan Bui. La dissuasion nucléaire devait permettre aux États-Unis de défendre leurs intérêts vitaux, mais ceux-ci ont été atteints lors des attentats du 11 septembre. L’analyse stratégique américaine en a-t-elle tiré les conséquences ?

Vous avez évoqué la Nuclear Posture Review, madame Vilboux : qui la rédige, qui la contrôle et qui l’évalue ? Quelle est la place du Congrès dans ce processus ?

Existe-t-il un processus similaire en Russie ? J’ai bien compris que le président Poutine exerçait pour l’essentiel un pouvoir solitaire, mais il existe néanmoins une armée bien structurée et un appareil militaro-industriel. Là encore donc, qui décide, qui contrôle et qui évalue ?

Mme Nicole Vilboux. Les attentats du 11 septembre ont bien sûr constitué une agression majeure, à laquelle les États-Unis ont d’ailleurs apporté la réponse militaire que l’on sait. Mais l’arme nucléaire ne permet évidemment pas de répondre à une attaque terroriste qui ne viendrait pas de façon absolument évidente d’un État parrain ; la dissuasion nucléaire ne suffit pas, en particulier face à des attaques que l’on qualifie d’asymétriques, et d’autres moyens sont par conséquent requis. C’est pourquoi l’administration Bush a imaginé la réforme de la « triade » : en sus de la dissuasion nucléaire, on a renforcé la capacité de défense, notamment grâce au bouclier antimissile qui doit limiter les possibilités d’attaque du territoire américain ; on a également ajouté un volet de riposte conventionnelle avec le développement de bombardiers à long rayon d’action porteurs de charges classiques, ainsi que de nouveaux missiles, équipés de têtes conventionnelles mais qui permettraient, grâce à leur précision, à leur rapidité et à leur portée, une réponse militaire quasi immédiate. En 2003, au moment où le concept a été élaboré, les Américains parlaient de frapper en une heure n’importe quel point du globe ! Ces frappes seraient de plus suffisamment précises pour éviter les dommages collatéraux – préoccupation majeure des États-Unis puisque, aux termes de leur doctrine stratégique, même leurs frappes nucléaires doivent être suffisamment précises et discriminées pour limiter les dommages aux civils !

Les États-Unis cherchent donc les instruments les mieux adaptés aux dangers actuels et, face au terrorisme, l’administration Obama privilégie aujourd’hui les frappes de drones, qui permettent de décapiter les réseaux terroristes.

Cette nouvelle situation explique que le nucléaire ait perdu beaucoup d’importance dans la stratégie américaine.

La procédure de Nuclear Posture Review est lancée par le Congrès, tous les dix ans à peu près. Les révisions stratégiques sont effectuées au sein du Département de la défense : c’est une réflexion collégiale dans laquelle sont impliqués toutes les armées concernées par la dissuasion nucléaire ainsi que des experts extérieurs. Le document est ensuite validé par l’administration en place : il reflète donc aussi des choix politiques, ce qui explique les variations entre la Review de 2001 et celle de 2010.

Ce sont les commissions des forces armées des deux chambres du Congrès qui sont compétentes ; chacune comprend une sous-commission des forces stratégiques, qui reçoit les rapports et organise des auditions publiques.

La stratégie nucléaire est inscrite dans un document requis par le Congrès ; le dernier en date a été présenté en juin 2013. Elle fait l’objet d’une directive présidentielle, la directive 24, qui est classifiée mais dont on connaît les grandes lignes – un rapport sur le sujet a été remis au Congrès. Mais il n’y a plus vraiment de débat sur la doctrine nucléaire : c’est devenu un sujet mineur.

Les parlementaires républicains demeurent toutefois extrêmement attachés à la préservation de l’instrument nucléaire ; ils sont très critiques à l’égard des coupes budgétaires opérées par l’administration Obama. Cela explique aussi pourquoi l’objectif d’un monde sans armes nucléaires est un objectif de très long terme…

M. Arnaud Kalika. Il m’est difficile de répondre à cette question : la chaîne de décision stratégique nucléaire fait en Russie partie des informations classifiées. Il est sûr que le pouvoir est très concentré autour de la présidence : aujourd’hui, au Gouvernement, il n’y a de fait que des vice-ministres, les véritables décideurs étant au Kremlin – ce sont des experts russes qui le disent. Sur un sujet aussi stratégique que la décision de déclencher le feu nucléaire, vous vous doutez bien que les pouvoirs sont encore plus concentrés. Mais je n’en sais pas plus.

M. Jacques Moignard. Les États-Unis, avez-vous dit, madame Vilboux, protègent leurs alliés : mais qui sont exactement ces alliés, par exemple en Amérique latine ou en Afrique ?

Mme Nicole Vilboux. Ce n’est pas une nouveauté : pendant toute la période de la Guerre froide, les États-Unis ont affirmé qu’ils protégeraient leurs alliés si ceux-ci étaient attaqués – au premier chef, les pays de l’OTAN et, en Asie, la Corée du Sud et le Japon. Cette doctrine suscitait déjà à l’époque de larges débats : fallait-il risquer la sécurité du territoire américain pour défendre un pays lointain ?

Ces débats continuent aujourd’hui : si même une attaque contre New York ne déclenche pas de riposte nucléaire, une attaque contre un pays européen ou asiatique partenaire des États-Unis provoquerait-elle une telle réponse ? On peut légitimement en douter. Les États-Unis ont néanmoins cherché, notamment en développant des défenses antimissile, à convaincre leurs alliés et leurs partenaires qu’ils continuaient d’être un protecteur fiable.

Ces alliés, ce sont d’abord les pays membres de l’OTAN ; certains pays européens accueillent d’ailleurs sur leur sol des armes nucléaires tactiques américaines, ce qui n’est plus le cas en Corée du Sud. Le parapluie nucléaire américain protège aussi le Japon, même si pendant de longues années on ne mentionnait pas, en raison des réticences de l’opinion publique nippone, la présence d’armes nucléaires américaines dans les eaux territoriales de ce pays. De même, la Corée du Sud est évidemment une alliée des États-Unis.

D’autres pays sont des partenaires, sans être liés par des accords de défense en bonne et due forme. Taïwan est un cas particulier. Au Moyen-Orient, on maintient l’ambiguïté ; certains pays de la région espèrent, en raison de l’étroitesse de leurs liens avec les États-Unis, que ceux-ci interviendraient en cas d’attaque, par exemple de la part de l’Iran devenu puissance nucléaire.

M. Alain Moyne-Bressand. En matière de technologies nucléaires, y a-t-il eu des évolutions notables dans ces trois pays, pour autant qu’on puisse le savoir ?

Existe-t-il des enceintes internationales où les différents États détenteurs d’armes de dissuasion nucléaire se rencontreraient ?

Mme Valérie Niquet. La Chine est un régime opaque : on connaît mal le processus de décision, la chaîne de commandement, mais aussi les capacités militaires réelles de ce pays. En matière de développement technologique, on voit la direction prise, mais on ignore ce qui a vraiment été réussi : on sait par exemple que des recherches sont menées en vue de la miniaturisation des têtes nucléaires et qu’un effort très important a été consenti – en lien avec le programme spatial civil, très développé – pour améliorer les capacités et la fiabilité des lanceurs. En effet, la Chine est une puissance nucléaire, mais elle se rend bien compte que, face aux États-Unis, ses capacités demeurent très limitées et n’impressionnent pas beaucoup l’adversaire.

Il y a d’ailleurs eu récemment dans la presse chinoise un débat sur la nécessité ou non de dévoiler les capacités réelles du pays en matière de sous-marins nucléaires lanceurs d’engins. La télévision chinoise a longuement exhibé des vues d’un de ces sous-marins pour persuader la communauté internationale de la réalité de ses succès. Mais, s’il y a plus de transparence aujourd’hui, les indications sur les capacités militaires réelles de la Chine restent réduites.

M. Arnaud Kalika. En Russie, l’effort de recherche en vue de progrès technologiques porte surtout, je l’ai dit, sur de nucléaire civil, domaine où les lacunes sont grandes. S’agissant du vecteur Roubej, on a pu voir s’exprimer dans la presse russe des ingénieurs inquiets du développement trop rapide de ce système : le pouvoir aurait cherché à brûler les étapes, pour des raisons politiques et de compétition avec les États-Unis.

Vladimir Poutine a beaucoup investi dans le consortium Rostekhnologii, qui abrite de nombreuses start-ups travaillant sur les nanotechnologies, sur la miniaturisation, sur des technologies duales… Aujourd’hui, c’est là qu’est la priorité.

Mme Nicole Vilboux. Les États-Unis se préoccupent surtout du remplacement de leurs vecteurs, qui arriveront presque tous en fin de vie à partir de la fin des années 2020. Ils ont donc lancé un programme de développement d’un nouveau sous-marin plus performant, mais aussi de nouveaux bombardiers – qui ne seraient pas réservés à l’arme nucléaire, mais pourraient servir aussi pour des bombardements conventionnels. Ils prévoient également la mise au point d’un nouveau missile intercontinental, mais c’est le programme le moins avancé.

Le débat porte principalement sur les charges nucléaires : les États-Unis se sont engagés à ne plus en produire de nouvelles, mais ils continuent aujourd’hui à rationaliser l’arsenal existant, pour passer de sept à cinq modèles. En particulier, la bombe à gravitation qui équiperait les nouveaux bombardiers autoriserait des frappes d’une précision de l’ordre de quelques mètres. Cela permet, certes, de réduire la charge et donc de limiter les retombées radioactives, et va dans le sens d’une doctrine de « contre-force », c’est-à-dire visant à détruire les cibles militaires importantes pour l’adversaire. Mais tous ceux qui se préoccupent de contrôle des armements soulignent que, ce faisant, on facilite l’usage des armes nucléaires : l’administration Bush parlait ainsi d’utiliser ces nouvelles bombes pour détruire des bunkers profondément enterrés. Le risque est de rendre plus floue la limite entre nucléaire et conventionnel, d’autant que les forces nucléaires stratégiques et les forces conventionnelles sont soumises au même commandement – la chaîne de commandement étant certes fiable et bien organisée.

M. Gwendal Rouillard. Je voudrais revenir sur l’opposition entre armement nucléaire et armement conventionnel : quels sont les termes du débat entre pouvoir politique et autorités militaires, s’il y en a un ?

Quels sont par ailleurs les enjeux du prochain sommet de l’OTAN, qui se tiendra au pays de Galles les 4 et 5 septembre prochains ?

Mme Valérie Niquet. Au sein du deuxième corps d’artillerie, c’est-à-dire de l’arme créée en 1966 pour regrouper les forces nucléaires chinoises, on voit aujourd’hui – sur le modèle américain – émerger un armement stratégique conventionnel, car les Chinois savent bien que, si l’arme nucléaire a un rôle de dissuasion, d’interdiction ou de coercition, la manipulation en est délicate.

Pékin n’a pas de contacts officiels avec l’OTAN, malgré quelques tentatives. L’Alliance est systématiquement qualifiée d’organisation « héritée de la Guerre froide » et jugée comme telle menaçante ; les Chinois craignent surtout que la zone d’influence de l’OTAN ne s’étende jusqu’à leurs frontières occidentales.

M. Arnaud Kalika. S’agissant de l’opposition entre armement conventionnel et armement nucléaire, un débat très vif entre militaires a eu lieu en Russie dans les années quatre-vingt-dix, c’est-à-dire au moment de la guerre en Tchétchénie ; les deux protagonistes en étaient d’un côté le maréchal Igor Sergueïev, alors ministre de la Défense, et de l’autre le chef d’état-major des armées, le général Kvachnine. Autour de ce dernier étaient rassemblés les partisans du tout-conventionnel, partisans aussi d’allouer des crédits très importants aux troupes d’élite, c’est-à-dire notamment aux troupes aéroportées et à la flotte de la mer du Nord… De l’autre côté, on trouvait ceux qui refusaient toute coupe budgétaire dans les crédits alloués au nucléaire, mais aussi aux forces spatiales.

Après avoir fait la une des journaux pendant plusieurs semaines, cette querelle a vu l’emporter les partisans du nucléaire, dont les crédits sont aujourd’hui totalement sanctuarisés. Vladimir Poutine, quant à lui, a résolu le problème en optant pour une politique très volontariste de modernisation de l’ensemble des systèmes d’armement, sans distinction entre le conventionnel et le nucléaire, pour ne pas rallumer de vieilles querelles – entre armement conventionnel et armement nucléaire donc, mais aussi, au sein des forces conventionnelles, entre les troupes d’élite et les autres. Les RVSN et les troupes spatiales occupent une place à part comme protectrices du territoire.

Dans les faits, la priorité budgétaire a été donnée aux systèmes d’alerte avancée, avec un nouvel esprit d’ouverture, certainement dans l’idée de rechercher des coopérations : en 2010 et 2011, le pouvoir russe a ouvert les portes de différentes stations radar d’alerte avancée à des étrangers. L’amiral Guillaud, chef d’état-major des armées, les a visitées ; j’ai pu m’y rendre moi aussi, avec d’autres journalistes, dans le cadre du club Valdaï.

Quant à l’OTAN, la doctrine militaire décrit cette organisation comme un héritage de la Guerre froide ; beaucoup de Russes s’interrogent sur la légitimité de son existence même et s’inquiètent de sa politique continue d’élargissement, l’Ukraine et la Géorgie persistant à pousser leurs pions. Mais la relation avec l’Alliance est en réalité complexe : il existe un conseil permanent conjoint OTAN-Russie et force est de constater que les officiers russes sont très présents au Grand quartier général des puissances alliées en Europe (SHAPE, Supreme Headquarters Allied Powers Europe).

Les enjeux du prochain sommet semblent minimes pour les Russes : ils entendent s’assurer que l’on ne progresse pas beaucoup dans le développement de la défense antimissile et que l’on sauve ce qui peut l’être du conseil permanent conjoint, qui a du plomb dans l’aile – les Britanniques, en particulier, voudraient sa disparition. Ils souhaitent enfin endiguer un possible élargissement. Les Britanniques, mais aussi les États baltes et la Pologne sont parmi ceux qui s’opposent le plus souvent à la Russie sur ce point.

Mme Nicole Vilboux. Aux États-Unis, comme je l’ai déjà dit, les capacités classiques sont venues compléter les forces nucléaires dans la triade stratégique de dissuasion : l’idée est bien d’instaurer une complémentarité. Plus largement, la place du nucléaire se réduisant fortement dans la stratégie américaine, l’effort principal porte sur l’entretien d’un appareil militaire classique qui, même en période de restrictions budgétaires, doit rester le meilleur et capable de faire face à tous les adversaires concevables. Les forces spéciales sont également de plus en plus utilisées. La recherche sur les armements conventionnels demeure donc extrêmement développée, le nucléaire restant de plus en plus cantonné à la protection des intérêts vitaux dans les circonstances extrêmes.

Quant au sommet de l’OTAN, il n’apparaît pas dans le débat stratégique américain : l’Europe et l’OTAN sont des sujets de moins en moins centraux pour les États-Unis. Parmi les thèmes qui pourraient être mis en avant à cette occasion, je citerai surtout la question de la cybersécurité, nouvelle obsession à Washington.

M. Philippe Meunier. La Russie et la Chine semblent donner lieu à des constats inverses : la première communique beaucoup sur le renouvellement de ses armements, mais l’on attend toujours l’arrivée de nouveaux matériels plusieurs fois annoncés, comme le char de combat de nouvelle génération ou l’avion de combat de cinquième génération ; la seconde est très discrète, mais réussit, par exemple, à lancer un module lunaire et est en mesure d’intercepter des satellites. Où en est vraiment la Russie et a-t-elle vraiment comblé le retard pris pendant l’ère Eltsine ? Inversement, la Chine ne cache-t-elle pas ses capacités réelles, et n’est-il pas possible qu’elle soit beaucoup plus avancée qu’elle ne le laisse croire ?

M. Philippe Folliot. Le fleuve Amour, qui sépare la Russie et la Chine, porte certainement mal son nom ! La Chine ne risque-t-elle pas de regarder vers le nord ? Où en sont les rapports de force entre ces deux pays, et où sont concentrées concrètement les forces nucléaires ? Existe-t-il des échanges réguliers entre ces deux puissances, une sorte de téléphone rouge ?

Mme Valérie Niquet. Officiellement, il existe un partenariat stratégique entre la Chine et la Russie ; la presse chinoise affirme périodiquement que jamais les relations entre les deux pays n’ont été aussi bonnes – ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a pas de tensions.

Je ne suis pas sûre que la Chine regarde vraiment vers le nord, dans une optique d’invasion, même si le nationalisme chinois s’exprime de plus en plus fortement. Du côté de la Russie, j’avais entendu dire il y a quelques années à Moscou qu’à la moindre tentative ou menace sérieuse de Pékin contre les territoires de Sibérie ou d’Extrême-Orient, la riposte russe serait l’emploi immédiat de l’arme nucléaire. Je ne sais pas ce qu’il en serait aujourd’hui, mais les Chinois ont de bonnes raisons de se méfier.

La coopération en matière d’armement avait beaucoup diminué ; depuis quelques années, elle reprend.

En tout cas, les relations sont extrêmement ambiguës : les deux puissances se soutiennent mutuellement sur certains sujets, mais avec une confiance stratégique limitée.

Les Chinois communiquent de plus en plus sur leurs capacités : ils ont exposé leurs derniers avions, le J-10 et le J-20, ils ont exhibé leurs capacités sous-marines… Mais cela ne signifie pas que ces capacités sont réelles ; il ne faut pas, comme certains courants néo-conservateurs américains, décrire la puissance chinoise comme quasiment au niveau de la puissance militaire américaine. Inversement, il ne faut pas imaginer que la Chine ne constitue une menace ! Elle applique la stratégie de la pression permanente, vieux concept stratégique chinois déjà présent dans l’Art de la guerre de Sun Tzu, selon lequel on peut remporter une victoire sans même combattre si l’on fait suffisamment peur à l’ennemi pour qu’il renonce de lui-même à se défendre. La Chine met donc en avant ses capacités, y compris nucléaires, pour que ses adversaires renoncent à agir contre ses intérêts. Elle utilise d’ailleurs une panoplie très large de moyens, qui ne sont pas tous militaires : en mer de Chine, tous les incidents n’impliquent pas officiellement la marine chinoise, mais plutôt des bateaux de pêche ou des garde-côtes. En ce sens, elle constitue une menace réelle de déstabilisation régionale.

Mais, en cas de conflit, ses capacités réelles ne permettraient sans doute pas à l’Armée populaire de tenir très longtemps face aux États-Unis par exemple, mais aussi face au Japon ou à la Russie.

M. Arnaud Kalika. Un théologien russe avait dit au xixe siècle que la Russie était contre la Chine, tout contre, et vice versa. Il y a donc entre ces deux pays, comme d’ailleurs entre la Russie et l’OTAN, un jeu permanent et complexe.

L’homme russe « de base » n’aime pas beaucoup l’étranger : je suis russe, je me méfie par nature de l’étranger, donc du Chinois. Vladimir Jirinovski, le leader d’extrême droite russe, aime à répéter qu’« un Russe est un demi Chinois ». C’est provocateur, mais révélateur de ce que pense une majorité de la population.

La méfiance russe vis-à-vis de la Chine est donc sociologique, quasi métaphysique. Mais Vladimir Poutine a développé une politique purement pragmatique, avec notamment la signature d’un partenariat stratégique, ce qui bien sûr ne fait pas disparaître les arrière-pensées – c’est d’ailleurs le cas pour tous les partenariats russes en Asie du sud-est, par exemple avec le Vietnam.

Les Chinois ont fait montre d’une grande habileté dans la négociation de ce partenariat stratégique : certaines de ses clauses, en particulier dans le domaine énergétique, leur sont beaucoup plus favorables qu’à la Russie. La Chine me semble donc disposer d’un léger avantage, même si certains ne partagent pas ce point de vue.

S’agissant des capacités réelles des armes conventionnelles, il est tout à fait exact que l’on parle depuis longtemps, dans les salons aéronautiques russes et même au Bourget, de l’arrivée imminente de l’avion de cinquième génération; il en va de même pour certains matériels de l’armée de terre. Mais les Russes ont pris la mesure de leurs capacités réelles : ils savent qu’ils n’ont pas comblé leur retard. S’ils ont acheté le BPC (bâtiment de projection et de commandement) Mistral, c’est notamment, comme l’a reconnu le commandant en chef de la marine russe, l’amiral Vladimir Vissotski, parce que la Russie ne sait plus construire une ligne de flottaison qui se rapproche de celle-là. Ils souffrent aussi d’une perte de savoir-faire pour certains types de blindés. Ils ne savent pas non plus construire de drones – ils ont donc acheté sur étagère des drones israéliens et s’efforcent de construire leurs propres appareils, mais n’y réussissent pas encore.

Ils veulent donc aujourd’hui multiplier les partenariats et acheter sur étagère jusqu’à dix matériels, avec des licences de fabrication pour acquérir les savoir-faire nécessaires grâce à des transferts de technologie. Nous verrons quels seront les résultats de ces efforts.

Mme la présidente Patricia Adam. Je vous remercie de ces exposés et de vos réponses, qui étaient d’un grand intérêt pour nous tous.

(M. Philippe Nauche, vice-président de la Commission, remplace Mme  Patricia Adam à la présidence de la séance).

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* *

La Commission examine ensuite pour avis, sur le rapport de Philippe Gosselin, la proposition de loi visant à affirmer le caractère intangible de l’appellation de la « Voie sacrée nationale » (n° 594).

M. Philippe Gosselin, rapporteur. Mes chers collègues, après avoir longtemps siégé au sein de la commission des Lois, je considère comme un honneur de rejoindre aujourd’hui la belle et prestigieuse commission de la Défense.

La proposition de loi que je vous présente a pour objet de consacrer de façon intangible la dénomination « Voie sacrée nationale » pour la route départementale qui relie Bar-le-Duc à Verdun. Il s’agit d’une initiative de plus de soixante-dix députés des groupes UMP et UDI, reprenant celle de notre collègue sénateur Michel Guerry.

Plus longue et plus meurtrière bataille de l’histoire de la Première Guerre mondiale – 300 000 morts en trois cents jours –, Verdun est devenu le symbole de la résistance et de la ténacité des armées françaises face aux assauts ennemis.

Cette résistance acharnée n’aurait pas été possible sans un acheminement continu vers le front de renforts, de munitions et de matériels. Or, parce qu’elle constituait un saillant des lignes françaises, la place forte de Verdun ne disposait d’aucune voie de communication pouvant supporter un tel afflux d’hommes et de matériels. La Voie sacrée est donc née de cette nécessité. Les chemins sinueux et mal empierrés qui reliaient, sur un peu plus de 50 kilomètres, Bar-le-Duc au carrefour du Moulin brûlé, au sud de Verdun, furent exclusivement réservés aux véhicules automobiles. La voie fut divisée en six cantons et des carrières furent ouvertes tout au long pour jeter en permanence des pierres sous les roues des véhicules.

Le résultat obtenu fut sans précédent. Pendant chaque mois de mars à juin 1916, le trafic a dépassé 500 000 tonnes et 400 000 hommes, sans compter les 200 000 blessés évacués. Comme le souligne une étude sur le sujet, « pendant toute la guerre 1914-1918, on n’a jamais obtenu davantage sur une seule route pendant une durée aussi longue ». Les chiffres sont évocateurs : au plus fort de la bataille, 8 000 véhicules se succédant nuit et jour sur cette route, soit un toutes les quatorze secondes ; des millions de kilomètres parcourus et 700 000 tonnes de calcaire jetées sous les roues de ces convois qui s’enchaînaient sans fin.

Il est donc clair que la Voie sacrée fut l’organe vital, essentiel, qui alimentait la bataille de Verdun. Les observateurs de l’époque en avaient d’ailleurs déjà conscience, y compris à l’étranger : dans le Times du 6 mars 1916, Lord Northcliffe disait à propos de cette route stratégique : « l’efficacité française n’est nulle part mieux illustrée ».

Comme vous le savez, c’est Maurice Barrès qui, le premier, sut dégager le symbole et trouva le nom de cette voie, en référence à l’antique Via sacra romaine menant au triomphe – un triomphe qui, dans ce cas, a coûté de nombreux morts et blessés.

Dès le lendemain de la guerre, en 1919, le conseil général de la Meuse a réclamé le classement de la Voie sacrée dans la grande voirie, qui préfigurait la voirie nationale. La route, jalonnée tous les kilomètres de bornes spécifiques, ornées sur leur flanc d’une palme de laurier et coiffées d’un casque de poilu – ils ne sont plus en bronze car beaucoup ont été volés –, fut inaugurée le 21 août 1922 par Raymond Poincaré. Le 18 octobre 1921 fut déposé à l’Assemblée nationale, au nom du Président de la République, Alexandre Millerand, un projet de loi visant à consacrer, « de manière définitive, le rôle considérable joué par cette voie pendant la guerre ».

La loi fut définitivement adoptée par le Parlement, à l’unanimité, le 30 décembre 1923.

Ainsi que le soulignera plus tard, en 2007, le rapport d’inspection diligenté par le ministère de l’Équipement, le classement au rang de route nationale de la route départementale Bar-le-Duc Verdun « a été prononcé pour des raisons liées à la mémoire » et « non pour des raisons d’intensité du trafic automobile ». Son titre de Nationale Voie sacrée était unique dans le patrimoine national. Bien que ses caractéristiques en termes de circulation n’en fissent pas à proprement parler une route « nationale », la conjonction des deux termes « nationale » et « Voie sacrée » montrait bien sa spécificité.

Cette situation a duré jusqu’au vote de la loi du 13 août 2004, qui a transféré certaines voies nationales dans le réseau des voies départementales. La Nationale Voie sacrée, elle, n’aurait jamais dû être déclassée, mais le législateur n’a pas pris en considération ce cas particulier. Je le regrette, et je considère qu’il s’agit d’une faute historique.

Certes, des oppositions se sont manifestées à ce déclassement, notamment de la part de la mairie de Verdun. Mais le conseil général de la Meuse n’avait pas d’autre choix que d’accepter le transfert. La Voie sacrée reçut donc le nom de route départementale 1916. Le conseil général procède désormais à l’entretien courant de la chaussée, tandis que l’État continue à veiller, aux côtés des collectivités, à la mise en valeur historique et paysagère du site.

Cela n’a pourtant pas mis fin à la mobilisation du maire de Verdun, qui a sollicité de nombreux élus et représentants d’associations patriotiques pour que la Voie sacrée, en souvenir de son histoire si particulière, soit rebaptisée « Voie sacrée nationale ». Pour répondre à cette mobilisation – et sans doute sous l’effet d’une certaine gêne –, le ministère de l’Équipement a diligenté, en 2006, une mission d’inspection pour la préservation de la Voie sacrée, mission qui a proposé que la voie continue à être gérée par la collectivité compétente tout en gardant son titre de « Nationale Voie sacrée » ou de « Voie sacrée nationale ».

Finalement, le Gouvernement a consacré l’appellation « Voie sacrée nationale » par un arrêté interministériel, en date du 18 février 2007, qui précise que cette dénomination est la « seule utilisée dans les documents administratifs » et sur les dispositifs de signalisation routière, au fur et à mesure de leur remplacement. L’affaire devrait donc être considérée comme classée ; malheureusement, cet arrêté n’est pas appliqué par le conseil général.

Je vous propose aujourd’hui de consacrer définitivement cette dénomination par la loi et de clore enfin ces querelles locales très préjudiciables. Certes, dans un premier temps, cette proposition de loi pourrait raviver quelques braises, mais j’ai bon espoir de voir finalement triompher le bon sens et la loi.

Alors que la France vient d’ouvrir les célébrations du Centenaire de la Grande Guerre, il serait dommage de ne pas profiter de cette occasion pour rappeler l’attachement de la Nation tout entière à cette route si glorieuse.

Comme le souligne le général Elrick Irastorza en préface d’un livre consacré à la bataille de Verdun, « dès l’été 2014, tous ceux et toutes celles qui, de par le monde, voudront se souvenir de “Ceux de 14”, auront les yeux et le cœur tournés vers la France, épicentre du conflit. Sans attendre 2016, ils les tourneront inévitablement vers Verdun. »

Le temps est donc venu d’affirmer de manière intangible le caractère national de la Voie sacrée. S’il semble délicat, compte tenu de l’intensité modérée de son trafic automobile, d’ériger à nouveau cette route en route nationale – ce qui serait pourtant à mes yeux la solution idéale –, l’accolement de l’adjectif « national » permettrait de la distinguer, aux yeux des Français et à l’intention des générations futures, des autres routes départementales.

Il ne s’agit en aucun cas d’une démarche partisane, née de la volonté de prendre parti pour telle ou telle collectivité, mais au contraire de la nécessité, à la veille des cérémonies du Centenaire, d’offrir l’image d’une Nation rassemblée autour du souvenir de cette bataille.

S’il ne s’agit pas non plus d’une loi « mémorielle », le vote de ce texte témoignerait de la volonté des représentants de la Nation que nous sommes de prendre pleinement part au cycle de commémorations du Centenaire de la Grande Guerre. Cette proposition de loi n’a pas vocation à diviser, mais bien à perpétuer l’élan unanime qui avait animé les parlementaires lorsqu’ils s’étaient saisis de ce sujet, il y a plus de quatre-vingt-dix ans.

Cette proposition de loi se veut également un hommage symbolique à ceux de 14-18, si bien représentés par les soldats de Verdun. La Nation leur doit bien cela.

En conclusion, monsieur le président, mes chers collègues, je vous demande d’adopter cette proposition de loi.

M. Philippe Nauche, président. Nous pouvons tous souscrire à l’hommage que vous avez rendu aux soldats ayant participé à cette bataille. Pour autant, je m’interroge sur l’opportunité de recourir à la loi pour régler un problème aussi local.

M. Jean-Jacques Candelier. Sur le fond, cette proposition de loi n’appelle de ma part aucune critique. Mais je m’interroge sur la forme : sommes-nous obligés d’adopter une loi ? Ne peut-on pas classer cette route à l’inventaire des monuments historiques afin de garantir son appellation ? Nous l’avons fait, dans le Nord, avec la trouée d’Arenberg, un tronçon de la course Paris-Roubaix.

Légiférer sur un tel sujet est-il vraiment constitutionnel ? N’allons-nous pas créer un précédent ?

Mme Geneviève Gosselin-Fleury. L’UMP, principal groupe d’opposition, a décidé d’utiliser la journée d’initiative parlementaire que lui accorde la Constitution pour se ranger du côté du maire – UMP – de Verdun, dans la bataille qu’il livre avec acharnement depuis presque dix ans contre l’exécutif UDI du conseil général de la Meuse. Les députés du groupe SRC déplorent cette décision qui ne sert ni la Nation, ni sa mémoire. En effet, il n’est nul besoin d’une loi pour que la route reliant Bar-le-Duc à Verdun, désormais départementale, demeure dans la mémoire de tous les Français comme le cordon ombilical qui, en approvisionnant quotidiennement le front en soldats, en vivres et en matériels grâce à une logistique millimétrée, aura mis en échec l’offensive ennemie lors de la bataille de Verdun.

En outre, au moment du Centenaire de la Première Guerre mondiale, les symboles nationaux comme la Voie sacrée devraient être vraiment une incitation à se rassembler autour des valeurs de courage, de patriotisme et de solidarité avec ceux qui ont combattu dans les tranchées.

Enfin, l’Assemblée nationale n’a pas à s’immiscer dans des querelles de clocher. Que penseraient les parlementaires qui se sont battus au front, parfois au prix de leur vie, en voyant l’Hémicycle ainsi instrumentalisé ? Un débat à l’Assemblée sur la Grande Guerre et son héritage serait un bien plus bel hommage rendu aux Poilus qu’un texte digne de Clochemerle. Le président de l’Assemblée nationale et le ministre délégué aux Anciens combattants travaillent à ce projet de débat, et nous nous en réjouissons.

Pour toutes ces raisons, les députés SRC ne participeront pas à la mascarade que constitue l’examen de la proposition de loi n° 594 défendue par l’UMP. La mémoire de ceux qui ont combattu pour la Nation il y a de cela un siècle mérite beaucoup mieux. Et c’est pour cette raison qu’en commission, nous voterons contre le texte.

M. Philippe Meunier. Je suis surpris par le ton employé par notre collègue. Pour ma part, bien que cosignataire de cette proposition de loi, j’ignore tout de l’étiquette politique des élus concernés. Un tel discours est donc surréaliste, surtout au sein de cette commission. J’ai signé ce texte de bonne foi, avec l’impression de servir le devoir de mémoire. Si certains veulent politiser cette initiative, libre à eux, mais je trouve cela lamentable.

M. le rapporteur. Je m’étonne également du ton polémique employé par Mme Gosselin-Fleury. Parler de « mascarade », c’est faire un procès d’intention.

Je veux bien convenir que la situation locale tient un peu de Clochemerle. Mais ce débat n’a rien d’une mascarade. Le propos est de remédier à l’inapplication de l’arrêté interministériel de 2007.

Le point de départ de l’affaire est une loi de 1923 qui a classé dans le domaine routier national un ensemble constitué à l’origine de chemins vicinaux et dont le trafic n’aurait en principe pas justifié une telle mesure. Quatre-vingts ans plus tard, il a été déclassé par la loi de 2004, à l’instar de milliers d’autres voies nationales, et a ainsi perdu son inscription au patrimoine national. Il n’y a pas d’autre exemple d’une telle situation. La Normandie comprend certes une « Voie de la liberté », qui mène de la Manche à Bastogne et suit le parcours de la 2e division blindée. Mais à aucun moment son existence n’a été inscrite dans la loi. La reconnaissance n’est donc pas la même.

En 2007 a donc été signé un arrêté interministériel consacrant l’appellation « Voie sacrée nationale ». Il est vrai qu’il a donné lieu à des prises de position différentes chez certains élus, mais la couleur politique de ces derniers m’importe peu. Ce qui importe, c’est qu’à la veille des cérémonies du centenaire de la bataille de Verdun, on n’ait d’autre solution – dans la mesure où l’arrêté ne s’applique pas aux collectivités – que de recourir à la voie législative. Ma proposition n’a donc d’autre but que de revenir à la dénomination donnée en 1923 à la Voie sacrée, et que celle-ci a conservée pendant quatre-vingts ans, afin de fermer une parenthèse absurde de dix ans.

Je ne permets pas de parler de mascarade. C’est un sujet sur lequel nous pouvons avoir un débat digne, afin de nous rassembler dans le souvenir des poilus de 1914-1918, si bien incarnés par ceux de Verdun. Là réside l’essentiel.

J’ai bien conscience que cette proposition est de nature à raviver les braises – j’en ai d’ailleurs déjà vu quelques manifestations –, mais la raison finira par l’emporter. Ce texte n’a en tout état de cause aucune vocation politique ou partisane, il vise seulement à élever la dénomination « Voie sacrée nationale » dans la hiérarchie des normes.

Mme Émilienne Poumirol. Nous avons tous la volonté de respecter le devoir de mémoire s’agissant de la Grande Guerre. Les cérémonies préparées par le ministère des Anciens combattants pour les quatre ans à venir attestent d’ailleurs de ce souci. Mais j’ai du mal à comprendre ce que viendrait faire le Parlement dans le règlement d’un conflit local. Je pourrais l’admettre si cette voie avait changé de nom, mais la Voie sacrée est reconnue par tous. Qu’elle soit nationale ou départementale, cela a-t-il une quelconque importance au regard du devoir de mémoire que nous devons à nos Poilus ?

L’adoption d’une telle proposition contribuerait à la dévalorisation du Parlement. Le règlement de ce conflit devrait plutôt être trouvé par le dialogue ; et si ce n’est pas possible, est-il au fond si important que le mot : « nationale » soit associé à l’expression « Voie sacrée » ? Devons-nous vraiment faire nôtre la ligne défendue par certains élus contre d’autres ?

Pour nous, le fond du problème n’est pas là. L’intérêt de la Voie sacrée est de rappeler ce qu’a été Verdun, ses centaines de milliers de morts et le courage dont ont fait preuve les combattants.

Ce qui me choque, c’est l’utilisation du Parlement pour régler un conflit local. Quant au devoir de mémoire, il ne peut évidemment faire l’objet d’aucune polémique.

M. le rapporteur. J’apprécie les propos mesurés de notre collègue.

Pourquoi recourir au Parlement ? Il ne s’agit pas de dévaluer son rôle mais, je le répète, d’élever la dénomination de la Voie sacrée dans la hiérarchie des normes. À cet égard, la loi est le seul vecteur possible dans la mesure où l’application de l’arrêté ministériel est contestée.

Il importe de reconnaître le caractère national du site, conformément à la volonté initiale du législateur. Les parlementaires, en 1923, ont été unanimes à faire de la Voie sacrée un symbole dépassant les clivages et le cadre local ou départemental. Il ne s’agit pas de défendre Verdun contre le Bois le Chaume ou Beaumont, mais de garantir solennellement un symbole national. Sur ce point, il me semble que nous pouvons nous retrouver, en dehors de toute polémique.

M. Jean-Jacques Candelier. Je répète mes questions : est-on vraiment obligé d’en arriver là ? Ne peut-on classer cette route au titre des monuments historiques ? Légiférer sur ce sujet est-il constitutionnel ? Ne va-t-on pas créer un précédent ?

M. le rapporteur. Il ne s’agit pas de la gestion du site, mais de son statut. Une partie de la route comme certains dispositifs situés à Verdun ou à proximité sont d’ailleurs classés monuments historiques ou inscrits à l’inventaire supplémentaire. La question n’est donc pas là.

Il n’y a pas, à ma connaissance, de problème d’inconstitutionnalité. Il s’agit seulement de revenir à la volonté initiale du législateur et au statu quo ante. Et cette proposition de loi ne créerait pas de précédent, la loi de 1923 constituant un cas unique.

Mme Sylvie Pichot. Les élus de ce territoire s’honoreraient à résoudre le problème eux-mêmes, sans qu’il soit nécessaire de recourir à une loi.

La Commission en vient à l’examen de l’article unique de la proposition de loi.

Article unique

M. Philippe Nauche, président. Je ne suis saisi d’aucun amendement.

La Commission rejette l’article unique.

En raison du rejet de l’article unique, il n’y a pas lieu pour la Commission de se prononcer sur l’ensemble de la proposition de loi, qui est ainsi rejetée.

La séance est levée à dix-neuf heures quinze.

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Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Patricia Adam, M. François André, M. Daniel Boisserie, M. Jean-Jacques Candelier, Mme Marianne Dubois, M. Philippe Folliot, M. Yves Fromion, M. Philippe Gosselin, Mme Geneviève Gosselin-Fleury, Mme Edith Gueugneau, M. Marc Laffineur, M. Charles de La Verpillière, M. Jean-Pierre Maggi, M. Philippe Meunier, M. Jacques Moignard, M. Paul Molac, M. Alain Moyne-Bressand, M. Philippe Nauche, Mme Sylvie Pichot, Mme Émilienne Poumirol, Mme Marie Récalde, M. Gwendal Rouillard, M. Michel Voisin

Excusés. - M. Ibrahim Aboubacar, M. Olivier Audibert Troin, M. Claude Bartolone, M. Alain Chrétien, M. Guy Delcourt, M. Yves Foulon, M. Éric Jalton, M. Laurent Kalinowski, M. Jean-Yves Le Déaut, M. Frédéric Lefebvre, M. Bruno Le Roux, M. Maurice Leroy, M. Alain Rousset, M. François de Rugy, M. Stéphane Saint-André, M. Philippe Vitel, Mme Paola Zanetti

Assistait également à la réunion. - M. Gwenegan Bui