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Commission d’enquête chargée d’étudier les difficultés du monde associatif dans la période de crise actuelle, de proposer des réponses concrètes et d’avenir pour que les associations puissent assurer leurs missions, maintenir et développer les emplois liés à leurs activités, rayonner dans la vie locale et citoyenne et conforter le tissu social

MARDI 9 septembre 2014

Séance de 16 heures 

Compte rendu n° 11

Présidence de
M. Alain BOCQUET, Président

Audition de Mme Fabienne Rosenwald, directrice des statistiques d’entreprises de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), accompagnée de M. Julien Deroyon, administrateur de l’INSEE ; et de M. Gilles Caillaud, président de Fédération Asso 1901.

    L’audition débute à seize heures cinq.

    M. le président Alain Bocquet. Nous recevons aujourd’hui Mme Fabienne Rosenwald, directrice des statistiques d’entreprises de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), accompagnée de M. Julien Deroyon, administrateur de l’INSEE, et M. Gilles Caillaud, président de Fédération Asso 1901.

    Chacun dans son registre, chacun avec ses méthodes et ses moyens, l’INSEE et Fédération Asso 1901 œuvrent à une meilleure connaissance du monde associatif, pour notre plus grand bénéfice, à nous législateurs et acteurs dans nos collectivités locales. Les travaux de l’INSEE sur les associations s’inscrivent dans le cadre de la mission générale qui lui est confiée. Ceux de Fédération Asso 1901 visent plus spécifiquement à constituer un annuaire national permettant de rechercher et d’identifier gratuitement des associations et ainsi d’entrer en contact facilement avec ce monde des plus divers – travail qui est déjà en lui-même un acte militant.

    C’est donc à la fois sur les moyens permettant de connaître le monde associatif et sur la vision de ce secteur qui peut se dégager de votre travail que nous souhaitons vous entendre, madame, monsieur.

    Mais, au préalable, conformément aux dispositions de l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958, je dois vous demander de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

    (Mme Fabienne Rosenwald et M. Gilles Caillaud prêtent serment)

    Mme Fabienne Rosenwald, directrice des statistiques d’entreprises de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE). L’INSEE publie chaque année un état de l’économie sociale et solidaire par grandes familles – les associations en sont une, à côté des coopératives, des mutuelles et des fondations. Ces données portent sur l’emploi et sur la masse salariale et sont déclinées par région, par grande famille et par secteur d’activité. Elles permettent donc d’évaluer le poids des associations et de l’économie sociale et solidaire dans l’ensemble de l’économie. Les dernières, publiées en juin et accessibles sur notre site, portent sur l’année 2012.

    À cette date, nous avons estimé dans cet état des lieux le nombre d’emplois salariés dans les associations à quelque 1,8 million, ce qui représente 8 % de l’effectif salarié et correspond à 6 % des rémunérations. Cela étant, dans certains secteurs, le poids de l’effectif salarié associatif rapporté à l’effectif salarié total dépasse amplement cette proportion de 8 % : sa part atteint 58 % dans le secteur de l’action sociale et 40 % dans celui des arts, spectacles et activités récréatives.

    Nous publions régulièrement des INSEE Première, études de quatre pages seulement dont la finalité est de faire le point sur les données afin de décrire des mouvements de fond.

    Par ailleurs, dans le répertoire SIRENE – pour « Système informatique pour le répertoire des entreprises et de leurs établissements » – géré par l’INSEE, sont immatriculées les associations régies par le code du commerce, c’est-à-dire l’ensemble des associations employeuses, et, par dérogation, celles qui reçoivent des subventions. Environ 800 000 d’entre elles y sont inscrites, beaucoup moins que dans le Répertoire national des associations (RNA), qui en répertorie deux millions au total, dont un million depuis 2007 dans une base un peu plus active.

    Chaque année, l’INSEE assure un suivi des associations dans les comptes nationaux, qui distinguent plusieurs secteurs institutionnels, dont les sociétés non financières, les administrations publiques (APU) et les institutions sans but lucratif au service des ménages (ISBLM), au rang desquelles sont classées les trois quarts des associations. On dénombre actuellement quelque 150 000 associations employeuses, versant une masse salariale de 40 milliards d’euros.

    En outre, l’INSEE réalise régulièrement des enquêtes auprès des ménages, interrogés sur leur participation aux associations en distinguant entre adhésion, bénévolat, salariat… – les questions sont examinées dans le cadre d’un comité d’utilisateurs très élargi. Une enquête a été réalisée en 2002, une autre en 2010 par la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), laquelle a estimé le nombre d’adhérents à 16 millions, celui des adhésions à 21 millions – une personne peut adhérer à plusieurs associations – et le nombre de bénévoles à 8 millions.

    À la demande du Conseil national de l’information statistique (CNIS), où siègent des représentants du Parlement et des syndicats professionnels, l’INSEE a été chargée de réaliser une enquête directement auprès des associations. Il s’agit là d’une grande nouveauté, aucune enquête de la statistique publique de la sorte n’ayant été conduite jusqu’à présent. Il existe certes une enquête réalisée par le Centre d’économie de la Sorbonne auprès des mairies, mais les informations ainsi recueillies sont probablement peu exhaustives dans la mesure où les mairies ne font état que des associations qu’elles connaissent comme telles.

    Cette nouvelle enquête est très importante car elle dressera un état des lieux à la fois des recettes et des dépenses des associations. Pour ce faire, l’INSEE s’appuiera à la fois sur SIRENE et le RNA et interrogera aussi bien les associations employeuses que les autres. Les questions porteront donc sur les ressources humaines – salariés, volontaires, bénévoles –, et financières – dons, cotisations, mécénat, financements publics –, mais aussi sur les dépenses, notamment les salaires, sur le domaine d’activité, qui sera défini de manière beaucoup plus fine que ne le font actuellement les répertoires, et sur le rayon d’intervention de l’association.

    Nous demanderons également aux associations d’évaluer l’évolution – hausse, stabilité ou baisse – au cours des trois dernières années de leur volume d’activité, de leur volume de travail, de leurs ressources, de la part des dons et des financements. Enfin, nous les interrogerons sur leur degré d’exposition à une liste de difficultés, par exemple quant à la fidélisation des bénévoles ou à la mobilisation de nouveaux bénévoles.

    Comme toutes les enquêtes INSEE, celle-ci sera réalisée en lien avec un comité d’utilisateurs, représentatif de l’ensemble des acteurs sociaux intéressés. L’étude auprès des associations employeuses sera beaucoup plus fournie – elle sera longue de huit pages – que celle qui sera menée auprès des non employeuses. Cependant, cette dernière sera plus difficile à réaliser, car les associations concernées sont peu habituées aux enquêtes et un grand nombre sont répertoriées « NPAI » (« n’habite pas à l’adresse indiquée ») sans qu’on sache si elles ont cessé leur activité, ce que repère mal le RNA, ou si leur adresse est erronée.

    L’enquête va débuter à la fin du mois. Les résultats, attendus pour l’année prochaine, nous fourniront des données de cadrage beaucoup plus fines sur les dépenses et recettes à l’intention de la Comptabilité nationale. Ils nous informeront également sur la qualité des répertoires, RNA et SIRENE, pour ce qui est de la connaissance des cessations d’activité, sachant que nous avons actuellement peu d’informations sur les associations qui disparaissent.

    Pour réaliser cette enquête, nous nous appuierons sur un échantillon de 17 000 associations employeuses, sur les 180 000 existantes, mais nous interrogerons la totalité de celles qui comptent plus de deux cents salariés, soit 1 200, représentant 40 % de l’emploi. Enfin, nous interrogerons 12 000 associations non employeuses : 6 000 répertoriées dans SIRENE et autant dans le RNA.

    M. Gilles Caillaud, président de Fédération Asso 1901. Je suis président d’une association citoyenne dont les membres fondateurs, issus de l’éducation populaire, ont lors de la préparation du centenaire de la loi 1901 eu l’idée de constituer un annuaire des associations qui faisait défaut en France. Comme personne ne nous avait prévenu que c’était en fait impossible, nous nous sommes lancés dans cette entreprise ! Aujourd’hui, Fédération Asso 1901 propose une base de données de 1,5 million d’associations, toutes régulièrement déclarées au Journal officiel. Ainsi, 99 % des associations créées, dissoutes ou ayant modifié leurs statuts depuis 1993 y sont répertoriées.

    Dans cette base de données, les associations sont classées à la fois par département, par commune, par objet social, thème, domaine et sous-domaine. Nous avons ainsi 400 « petites boîtes » où sont répertoriées des associations qui se consacrent aussi bien aux arts de la rue qu’à l’escalade et à bien d’autres choses encore.

    Hier, notre site Internet a enregistré pas moins de 5 000 visites. Il est en effet consulté par les internautes pour des raisons très diverses : l’un cherche un club sportif pour ses enfants, un autre souhaite trouver des gens qui partagent sa passion pour la paléoarchéologie, etc. Les responsables d’association peuvent en outre consulter leur fiche et la mettre à jour en y portant un numéro de téléphone, une adresse de messagerie, de site Internet ou de page Facebook.

    Au moment où l’on se préparait à célébrer le centenaire de la loi de 1901, nous avions déploré l’absence d’un tel annuaire, ce qui avait pour effet que beaucoup de gens devaient déployer une énergie incroyable pour créer, chacun dans son coin, des associations ayant le même objet en réinventant bien souvent, à chaque fois, le fil à couper le beurre ! Nous avons pensé utile de leur permettre de communiquer entre eux, pour confronter leurs expériences.

    Notre association a donc été créée en 2002 et nous nous sommes attelés à la tâche, pour laquelle nous sommes peu nombreux, consistant à répertorier de manière exhaustive les associations loi 1901.

    Nos « qualificateurs », bénévoles pour la plupart, se connectent à la base de données pour rajouter des informations actualisées dans les fiches, département par département – ce travail a été mené à terme pour soixante d’entre eux au cours des dix-huit derniers mois – et commune par commune. Ce travail colossal est d’une grande utilité, comme en témoignent les nombreuses visites journalières sur notre site.

    Bien entendu, des associations créées entre 1901 et 1993 sont passées à travers les mailles du filet, mais nous pouvons les identifier en segmentant nos « petites boîtes » en fonction du nombre d’adhérents et de salariés, du montant des subventions et du budget, toutes informations que nous portons sur nos fiches. Ce travail, que nous avons commencé, sera très long, mais nous permettra d’améliorer nos informations.

    Chaque mois, nous intégrons les 5 600 associations créées au cours du mois précédent et enregistrons les 1 200 modifications de statuts et les 800 dissolutions. Nous considérons que, sur le million et demi d’associations inscrites dans notre base de données, un million sont actives. Aux 500 000 restantes, sur lesquelles nous ne trouvons rien malgré nos recherches, nous attribuons une petite pastille rouge. Un des rares défauts de la loi de 1901 est de ne rien dire sur les associations qui arrêtent leur activité, notamment celles qui sont prédestinées à le faire au bout d’un an, et elles sont nombreuses, comme celles que des étudiants créent pour organiser un rallye 4L au Maroc. Pour notre part, nous n’avons aucune autorité en la matière, c’est au législateur de faire le « nettoyage ».

    En plus des pastilles rouges, nous affectons une pastille verte aux associations que nous savons actives, une pastille jaune aux associations qui ne se sont pas manifestées depuis un à trois ans et une pastille noire à celles qui sont effectivement dissoutes. Il s’agit là d’un travail important qu’il faut poursuivre avec nos « qualificateurs » numériques, dont certains sont bénévoles et d’autres des quadras ou quinquagénaires à la recherche d’un nouvel emploi.

    Ce problème de déterminer si une association est active ou non est le premier qui se pose à nous, mais il en est un deuxième qui tient au fait que les associations ne sont pas tenues, y compris en cas de dissolution, de demander la publication au Journal officiel des modifications de leurs statuts. M. Audebert vous a annoncé lors de son audition la semaine dernière que les formalités qu’elles doivent accomplir en préfecture seraient désormais possibles en ligne : la mesure est bienvenue, mais pourquoi ne pas proposer également la publication au J.O. des modifications, ce qui ne demanderait pas plus de travail aux préfectures ? Dans la mesure où cette inscription au JO est payante, ce qui constitue un frein à la déclaration, il suffirait de faire payer à la création de l’association 50 euros au lieu de 48 et de rendre gratuites toutes les modifications ultérieures.

    À notre sens, ce n’était pas à nous d’élaborer cet annuaire des associations, mais plutôt aux organismes publics. Maintenant qu’il existe, nous souhaitons travailler avec l’INSEE et avec les responsables du RNA afin d’agréger toutes ces informations au moyen d’un identificateur commun. En effet, le numéro d’identification RNA, qui commence par la lettre « W » – pour « Waldec » –, est attribué seulement depuis 2009. Certaines associations modifient leur situation auprès de l’INSEE parce qu’elles demandent une subvention, envisagent de devenir employeur ou vont payer la TVA, mais elles sont peu nombreuses à le faire ; ou alors elles ont un numéro SIRENE, mais sont dissoutes depuis longtemps. Si elles ne signalent pas leur dissolution au JO, elles ne le feront pas non plus auprès de l’INSEE. Par conséquent, un nettoyage s’impose également en la matière.

    Notre but est d’aider les associations à se présenter auprès de leur public et de permettre à leurs administrateurs d’entrer en relation. Nous tenons à ce que cette base de données demeure au sein de l’économie sociale et solidaire.

    Nous sommes une petite association de peu de moyens – et sans subventions car nous n’en avons jamais demandé. Si l’État et les organismes publics jugent que notre travail doit être poursuivi, nous y sommes prêts, mais dans un esprit de co-construction. En effet, ce travail demande beaucoup de moyens et d’énergie, d’autant que notre base de données est régulièrement attaquée par des hackers qui tentent d’obtenir des informations – numéros de téléphone, adresses de messagerie, etc. –, problème que nos moyens ne nous permettent pas de résoudre. Des organismes qui vendent des fichiers d’entreprises pour faire du mailing s’intéressent également à notre base de données et nous ont sollicités, mais nous sommes réservés face à de telles demandes et nous avons préféré prendre contact à ce sujet avec des mutuelles et des coopératives, car nous aimerions diffuser nos données dans des conditions de sécurité maximales pour les associations et que cela ne se retourne pas contre elles.

    Comme je l’ai dit, nous avons commencé un petit travail de segmentation, en testant pour un certain nombre de départements une classification selon le montant des subventions. Ce sujet s’avère très délicat. Nous sommes capables de faire ce travail de manière exhaustive grâce au numéro SIRENE de l’INSEE et, si une association touche des subventions de l’État, de la région, d’un département, d’une commune ou d’une agglomération, d’en connaître le total. Or, au-delà de 153 000 euros de subventions, la publication des comptes est obligatoire – mais il semble que cette obligation légale ne soit pas respectée...

    M. Régis Juanico. Il faut renforcer les sanctions.

    M. Gilles Caillaud. La loi sur l’économie sociale et solidaire propose une solution très intéressante, mais encore faut-il avoir les moyens de la mettre en application.

    Nous sommes donc capables, grâce à un identifiant, d’additionner les subventions d’origines diverses et de savoir si le total atteint 153 000 euros sur une année. Ce travail est délicat, disais-je, car même si un certain nombre d’associations profitent des failles de la loi, il faut veiller à ne pas jeter le discrédit sur toutes les autres, celles qui sont subventionnées à juste titre. C’est pourquoi nous proposons de rencontrer le mouvement associatif et les associations d’élus pour réfléchir ensemble aux moyens d’introduire davantage de transparence sur ce sujet des contributions publiques sans dommage pour personne.

    Les subventions de l’État sont passées de 1,3 milliard en 2010 à 1,4 milliard en 2011 et 1,8 milliard en 2012. On peut certes s’alarmer d’une telle augmentation, mais il convient de comparer ce qui est comparable. À titre d’exemple, la réserve parlementaire affectée aux associations est désormais considérée comme une subvention, ce qui n’était pas le cas auparavant. Le périmètre peut donc évoluer, d’où la nécessité d’une étude sérieuse avant de publier des informations à ce propos.

    Pour avoir travaillé à l’étranger où j’ai observé le fonctionnement des associations, je peux vous dire que la loi de 1901 est un de nos fleurons. C’est même une des choses que nous devrions exporter ! Un membre de votre commission a suggéré de délivrer une information sur le sujet dans les écoles. Une telle action serait très intéressante, certes, mais pas si elle consiste à faire parler « monsieur le président » de son association : il faut faire la démarche inverse et emmener les classes à la rencontre des associations de sorte que les enfants soient incités à agir en faveur de celles-ci. Il faut éviter de rester passif.

    Nous sommes persuadés de la nécessité de rendre plus « transparentes » les associations, dont le budget global est estimé à 85 milliards d’euros. Mais cette démarche devra être menée par le mouvement associatif en parfaite coordination avec les associations d’élus.

    Dans la mesure où nous avons prouvé notre capacité à créer les outils informatiques permettant de gérer une base de 1,5 million d’associations – et que nous sommes toujours aussi idéalistes –, nous nous sommes lancés dans l’élaboration de deux nouvelles bases de données, que je qualifierai de « politiques ».

    La première serait une base de données des associations européennes. Pourquoi des gens engagés dans la culture biologique à Varsovie, à Brest ou à Malte n’auraient-ils pas la possibilité de communiquer entre eux sur les difficultés auxquelles ils sont confrontés et sur les solutions qu’ils peuvent proposer ? À l’heure du numérique, cette idée nous paraît particulièrement intéressante et nous avons commencé à travailler à sa réalisation.

    Ensuite, nous avons à cœur de créer une base de données concernant l’Afrique. Récemment, l’État français est intervenu dans des pays de ce continent pour mettre un terme à la guerre. Le problème, c’est de construire la paix. Cela suppose que les aides octroyées ne passent plus par des circuits sous la coupe des États, ce qui génère des déperditions très importantes. Nous pensons que les crédits publics devraient être fléchés vers l’association, présente au Mali par exemple, qui aurait des liens avec une association européenne ou française. Tout se passerait alors sous le contrôle direct des citoyens.

    Mme Françoise Dumas, rapporteure. La liberté associative, à laquelle nous sommes tous très attachés, doit être protégée et encadrée. À vous écouter, il nous semble que le travail de recherche sur la vie associative en France n’en est qu’à ses prémices. Est-il possible de créer une base de données qualitative, qui fournisse des informations sur les motivations des bénévoles et des adhérents, sur leur âge, sur leur niveau social, etc., toutes données qui pourraient alors être mises en relation ?

    M. le président Alain Bocquet. Le nombre d’associations est parfois estimé à 1,3 million ; vous l’évaluez à 1,5 million, dont 500 000 « dormantes ». Sur quel chiffre notre rapport doit-il s’appuyer selon vous ?

    Mme Fabienne Rosenwald. Les « enquêtes ménages » de l’INSEE, réalisées en 2002 et 2010, permettent de déterminer les motivations des bénévoles. Nous interrogeons les ménages sur le type d’association qu’ils fréquentent, ce qui nous permet d’avoir un nombre de bénévoles sans double compte, et de dégager des profils pour dégager éventuellement des différences selon qu’on est homme ou femme. Les résultats de l’enquête INSEE Première indiquent les taux d’adhésion selon l’âge, le sexe, les catégories socioprofessionnelles, la taille de l’unité urbaine de domiciliation. Nous pourrons vous communiquer les résultats de ces études.

    De la même manière que les enquêtes ménages ne sont pas réalisées annuellement, celle que nous avons prévu de faire auprès des associations sera renouvelée dans cinq ans : elle nous donnera ainsi des tendances structurelles. Les résultats des enquêtes de la sphère privée sur les motivations ou le bénévolat sont eux-mêmes assez cohérents avec ceux de l’INSEE.

    M. Gilles Caillaud. Notre travail ne consiste pas à produire des appréciations qualitatives : nous ne faisons que fournir des chiffres. Mais ceux-ci sont ensuite analysés et interprétés par des experts avec lesquels nous travaillons, comme ceux de Recherches et Solidarités.

    Le numérique a envahi le monde associatif et, bien souvent, un réseau Facebook existe préalablement à la création d’une association. Avec des moyens supplémentaires, nous pourrions héberger 500 000 e-mails de contact, au lieu de 300 000 actuellement. Cela suppose en effet de les trouver pour que les internautes puissent contacter les personnes qu’ils cherchent.

    M. Jean-Pierre Allossery. Pour obtenir une subvention, l’association doit présenter le récépissé de déclaration délivré par l’administration. Mais je suppose qu’un grand nombre d’associations ont été créées avant l’instauration de cette formalité.

    M. Gilles Caillaud. Certaines associations existantes ont même été créées avant 1901. Au commencement de notre travail, à l’époque du Minitel, nous procédions à la reconnaissance de caractères du Journal officiel, qui nous donnait des informations sur les dissolutions et créations département par département.

    L’octroi de subventions est subordonné à la publication de la déclaration au Journal officiel. Mais aujourd’hui, la déclaration peut se faire par courrier ou par Internet. Dans ce dernier cas, un récépissé est adressé par voie électronique.

    M. Jean-Pierre Allossery. Connaissez-vous le nombre d’associations fédérées ?

    Mme Fabienne Rosenwald. Nous avons prévu de poser cette question dans le cadre de notre future enquête associations. Celle-ci nous procurera des informations que ne fournissent pas actuellement les répertoires administratifs. Elle nous permettra également de faire le point sur les associations qui n’ont pas « bougé ». Depuis 2007, le RNA est en effet divisé en deux parties : l’une regroupe un « stock » d’un million, l’autre les associations, en nombre équivalent, qui se sont créées depuis cette date ou qui ont bougé, mais parmi lesquelles certaines ont certainement cessé leur activité.

    Quant à SIRENE, il distingue les associations employeuses déclarées auprès de l’URSSAF. L’INSEE reçoit en effet des informations en provenance de l’URSSAF, des greffes ou des chambres de commerce et toutes les modifications doivent passer par un circuit officiel : nous ne pouvons enregistrer l’arrêt d’une association qu’au vu d’un acte juridique légal.

    Mme Hélène Geoffroy. Connaît-on la proportion des bénévoles par rapport à celle des personnes salariées, dans les associations ?

    Avez-vous des informations sur la vie des associations dans les quartiers ? En particulier, la politique de la ville leur a-t-elle permis de prospérer ?

    M. Régis Juanico. Vous avez cité le chiffre de 8 millions de bénévoles ; celui que nous avons l’habitude d’évoquer est de 16 millions. Quel est le nombre d’heures d’engagement que vous prenez en compte pour déterminer qu’il y a bénévolat ?

    Aux termes de l’article 12 de la loi sur l’économie sociale et solidaire (ESS), l’activité et les modalités de financement des entreprises de l’ESS font l’objet d’un suivi statistique spécifique auquel participe notamment l’INSEE. Quelles informations supplémentaires cet article de loi va-t-il vous permettre d’obtenir ?

    En 2008, dans le cadre de la mission d’information parlementaire sur la gouvernance et le financement des structures associatives, présidée par Pierre Morange, nous avons plaidé pour une plus grande lisibilité des « jaunes budgétaires », offrant une vision claire du montant des subventions accordées par l’État ainsi que des dépenses fiscales en faveur du secteur associatif. Les informations contenues dans les documents budgétaires vous semblent-elles aujourd’hui satisfaisantes ?

    M. Jean-Noël Carpentier. Quelle distinction opérez-vous entre adhésion et bénévolat ? Comment définissez-vous ce dernier, en particulier à l’aune du statut des bénévoles dont l’opportunité fait l’objet d’un débat à l’heure actuelle ?

    Madame Rosenwald, vous annoncez une nouvelle enquête INSEE qui débutera le mois prochain. Qui vous l’a commandée et pour quelles raisons ?

    Monsieur Caillaud, vous parlez de 5 500 créations et 800 dissolutions d’associations chaque mois. Cela représente 50 000 nouvelles associations par an, soit 500 000 supplémentaires dans dix ans. La réalité n’est évidemment pas aussi mathématique, mais cette évolution va-t-elle se poursuivre, selon vous ? Envisagez-vous d’établir une typologie des associations qui se créent et de celles qui disparaissent ?

    M. Jean-Pierre Aylagas. Monsieur Caillaud, vous souhaitez étendre votre travail aux pays européens et à l’Afrique. Ces pays se sont-ils dotés d’une loi sur les associations équivalente à la nôtre ?

    Un grand nombre de fédérations réfléchissent au statut des bénévoles. À votre connaissance, lesquelles ont le plus avancé sur ce sujet ?

    Mme Fabienne Rosenwald. Notre nouvelle enquête prévoit la recherche d’informations sur l’emploi bénévole. L’estimation obtenue constituera une grande avancée, car nous pourrons alors faire des comparaisons entre emploi bénévole et emploi salarié, lequel fait déjà l’objet d’un suivi statistique de l’INSEE.

    Parmi les 16 millions d’adhérents, 8 millions sont bénévoles. En effet, on peut être adhérent sans être bénévole, de la même manière que certains bénévoles ne sont pas adhérents.

    Notre nouvelle enquête comportera des questions sur l’évolution qualitative au cours des trois dernières années des ressources et des dépenses des associations, ainsi que sur l’évolution du bénévolat et de l’emploi. Sachant que les résultats sont publics et que les chercheurs ont accès aux données individuelles, je pense que beaucoup d’entre eux s’attacheront à évaluer l’apport de la politique de la ville à l’aune de ces résultats.

    La réalisation de cette enquête a été demandée, comme je l’ai dit, par le Conseil national de l’information statistique, l’un des trois piliers de la statistique publique, où sont représentés l’Assemblée nationale, les syndicats professionnels et les associations, etc.. En effet, le rapport Archambault intitulé « Connaissance des associations », publié en 2010, a conclu à l’intérêt d’une enquête sur les associations, éventuellement renouvelable tous les cinq ans. Ce rapport très intéressant pointe également les lacunes en matière de suivi des subventions, ce qui a permis d’améliorer les informations contenues dans le « jaune budgétaire ».

    Nous publions chaque année un état des lieux de l’emploi dans l’économie sociale et solidaire. L’article 12 du projet de loi sur l’ESS prévoit le suivi statistique par l’INSEE, la Banque de France et la BPI notamment. Des décrets devraient déterminer dans quel cadre les nouveaux acteurs pourront être intégrés au répertoire SIRENE, ce qui nous permettra d’opérer un suivi de l’emploi et de l’activité de ce secteur.

    Enfin, les informations dont nous disposons sont disparates, chaque ministère répondant selon des modalités différentes. En outre, nous ne recevons les données fiscales que de 10 000 à 15 000 associations. Et encore ce chiffre est-il biaisé, beaucoup d’associations n’étant pas obligées de faire une déclaration, en dessous d’un certain seuil, ni de déclarer la totalité de leur activité, hormis les activités marchandes. Ces difficultés multiples nous obligent à un travail très ardu de retraitement.

    M. Gilles Caillaud. La présentation du « jaune budgétaire » est différente d’une année sur l’autre. Le seul critère sur lequel nous pouvons nous appuyer est le numéro SIRENE. Or il arrive que seule l’appellation abrégée de l’association ait été déclarée. Notre travail consiste donc à rechercher le vrai nom de l’association au Journal officiel, le numéro SIRENE, auxquels nous ajoutons dans notre base de données un code QR. C’est un travail très important, que nous avons commencé et qui nous permettra d’avoir un véritable identifiant.

    À ce stade, nous souhaitons donc coopérer avec l’INSEE et avec les ministères afin que cet identifiant soit mis en place. Il permettra de suivre dans le jaune budgétaire l’évolution des subventions d’une année sur l’autre, ainsi que les nouveaux bénéficiaires. Le « jaune » 2012, que nous avons étudié, indique un total de 1,8 milliard d’euros de subventions de l’État, la plus élevée étant de 50 millions et la moins importante de 128 euros.

    Préalablement à ce travail, que nous pouvons faire avec la collaboration des instances nationales, nous souhaitons une concertation avec le milieu associatif et les associations d’élus pour éviter la publication d’un document potentiellement explosif parce qu’il jetterait l’opprobre sur l’ensemble des associations. L’urgence est donc de créer cet identificateur unique, qui permettra de suivre l’association depuis sa création jusqu’à sa dissolution.

    Puisque vous vous préoccupez de données qualitatives, n’oubliez pas que parmi les associations se trouvent très certainement les entreprises de demain. En effet, en s’appuyant sur l’émergence de nouveaux besoins, elles sont bien souvent les promoteurs de nouvelles idées ou de nouvelles actions, qui peuvent ensuite devenir autant d’opportunités pour un marché.

    Pour ce qui est des typologies, nous sommes capables, par exemple, d’indiquer la date de création des premières associations pour le maintien d’une agriculture paysanne (AMAP) et la progression de leur nombre année par année. Comme l’objet social d’une association peut être relié à tel ou tel secteur – énergie, développement, économie circulaire, monnaie locale, etc. –, les chercheurs sont à même de déceler à partir des nouveautés qui apparaissent dans notre base de données quelles seront peut-être les entreprises de demain.

    L’équivalent de la loi de 1901 n’existe pas en Afrique et, dans beaucoup de pays, on ne peut pas créer une association sans autorisation du ministère de la justice ou de l’intérieur. Mais chaque pays s’est doté d’une loi sur les associations. Nous devons travailler sur ces bases, en espérant que les pays feront évoluer leur législation. À cet égard, notre loi est un magnifique outil qui pourrait servir de modèle dans le monde.

    M. le président Alain Bocquet. Merci beaucoup pour ces contributions.

    L’audition s’achève à dix-sept heures cinq.

Membres présents ou excusés

    Commission d’enquête chargée d’étudier les difficultés du monde associatif dans la période de crise actuelle, de proposer des réponses concrètes et d’avenir pour que les associations puissent assurer leurs missions, maintenir et développer les emplois liés à leurs activités, rayonner dans la vie locale et citoyenne et conforter le tissu social.

    Réunion du 9 septembre 2014 à 16 h 05

    Présents. – M. Jean-Pierre Allossery, M. Pierre Aylagas, M. Alain Bocquet, M. Jean-Noël Carpentier, Mme Françoise Dumas, Mme Hélène Geoffroy, M. Régis Juanico.

    Excusés. – M. Jean-Luc Bleunven.

    Assistaient également à la réunion.  – Mme Martine Faure, M. Christophe Premat,