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Commission d’enquête sur la surveillance des filières et des individus djihadistes

Jeudi 12 février 2015

Séance de 10 heures 15

Compte rendu n° 19

SESSION ORDINAIRE DE 2014-2015

Présidence de M. Éric Ciotti, président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Jean-Charles Brisard, président du Centre d’analyse du terrorisme

La séance est ouverte à 10 heures 15.

Présidence de M. Éric Ciotti, président.

M. le président Éric Ciotti. Je suis heureux d’accueillir M. Jean-Charles Brisard, spécialiste reconnu des questions de terrorisme et président du Centre d’analyse du terrorisme, récemment créé.

Avant de vous donner la parole, monsieur Brisard, je vous demande, conformément aux dispositions de l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 qui régit le fonctionnement des commissions d’enquête, de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

(M. Jean-Charles Brisard prête serment.)

M. Jean-Charles Brisard, président du Centre d’analyse du terrorisme. Mon intervention portera sur l’état de la menace terroriste aujourd’hui.

Depuis plus d’un an, nous assistons à une recomposition du paysage djihadiste sans précédent dans les trente dernières années, avec le déplacement de l’épicentre du djihad mondial de la zone afghano-pakistanaise vers la zone syro-irakienne.

L’avènement de l’État islamique s’est fait progressivement. Sa genèse remonte au personnage d’Abou Moussab al-Zarqaoui qui a fondé la première organisation active sur le sol irakien à la suite de l’invasion américaine en 2003, laquelle organisation s’est transformée en Al-Qaïda en Irak pour devenir ensuite l’État islamique. Cet avènement s’est appuyé sur la déliquescence des États syrien et irakien, sur la force d’attraction du conflit en Syrie et, pour partie, sur l’attentisme de la communauté internationale, qui a mis longtemps à réagir à la progression de ces réseaux.

L’État islamique se distingue de toutes les autres organisations djihadistes depuis trente ans, à commencer par Al-Qaïda, par trois aspects.

D’abord son assise territoriale : il contrôle désormais un territoire aussi vaste que le Royaume-Uni.

Ensuite sa force d’attraction, sa capacité de mobilisation sans précédent – plus de 20 000 combattants étrangers ont rejoint la zone syro-irakienne depuis trois ans –, avec une stratégie de propagande et de recrutement adaptée aux modes de pensée et de représentation du monde des candidats potentiels au djihad.

Enfin sa puissance financière. J’ai remis à la fin de l’année dernière un rapport sur le financement de l’État islamique, dont il ressort que le revenu annuel théorique de l’organisation s’établit à près de 3 milliards de dollars par an, et que sa richesse, en comptant l’ensemble des réserves – pétrole, gaz naturel, etc. – qui sont à sa disposition, représente plus 2 000 milliards de dollars.

Ce financement présente trois caractéristiques.

Premièrement, l’État islamique est autosuffisant sur le plan financier. C’est un changement total de modèle économique par rapport aux dispositifs précédents, en particulier celui d’Al-Qaïda, qui selon M. Jean-Charles Brisard « dépendait de financements extérieurs provenant de donateurs privés ou institutionnels, notamment des ONG islamiques du Golfe ». Deuxièmement, les sources de financement sont diversifiées, s’appuyant principalement sur l’exploitation des ressources naturelles : pétrole, gaz naturel, agriculture, eau. Troisièmement, les sources d’origine criminelle – extorsions, rançons – sont limitées.

Le régime actuel des sanctions ciblées, notamment le gel des fonds appliqué par l’Organisation des Nations unies, me semble inadapté pour faire face à ce nouveau modèle économique et n’aura que peu d’effets sur le financement de l’État islamique. L’organisation, je l’ai dit, est autosuffisante et n’effectue pas de transactions internationales. Je crois qu’il serait préférable de se diriger vers un régime d’embargo. Il y a d’ailleurs un précédent d’embargo contre une organisation non étatique : celui que l’ONU a imposé en 1993 à l’UNITA (Union nationale pour l'indépendance totale de l'Angola). L’UNITA contrôlait en effet une partie du territoire et avait accès à des puits de pétrole.

Avec l’avènement de l’État islamique, Al-Qaïda est, pour la première fois depuis sa création en 1988, confrontée à une organisation concurrente. La structure d’Al-Qaïda a évolué : on est passé d’une organisation élitiste et combattante à une organisation multipolaire ayant de nombreux affiliés, puis à un mouvement attrape-tout, inspirateur plus qu’acteur opérationnel. Al-Qaïda s’est progressivement détournée du champ de bataille et a laissé la place, d’abord à des structures affiliées, puis à des organisations combattantes locales. D’une certaine manière, elle s’est déterritorialisée et dématérialisée.

Pour autant, le djihadisme n’a pas éclipsé le terrorisme. La dynamique des deux phénomènes veut qu’ils s’alimentent mutuellement.

Certains ont minimisé le risque terroriste représenté par l’État islamique en faisant valoir que son objectif était avant tout régional : celui de consolider le califat déclaré en juin 2014. Pour ma part, j’ai toujours dit que ce djihad régional se transformerait en menace globale. D’abord parce que c’est l’histoire même du mouvement djihadiste de ces trente dernières années : les moudjahidines d’Afghanistan, par exemple, avaient également des objectifs régionaux avant de se transformer en Al-Qaïda. Ensuite parce que l’État islamique lui-même, confronté à une coalition internationale, a appelé dès septembre 2014 ses sympathisants à frapper les membres de cette coalition sur leur sol. Enfin parce que, dans le cas de l’État islamique, bien différent de celui d’Al-Qaïda, la mobilisation est sans précédent : même si les objectifs stratégiques de l’organisation ne sont pas nécessairement terroristes aujourd'hui, la participation massive de djihadistes aura forcément – et a déjà – des conséquences sur le sol français et en Europe. Dernier facteur : le djihad est depuis longtemps le ressort des mouvements terroristes islamistes. Sans cette base, ce ciment fédérateur tant idéologique que militaire, ceux-ci deviendraient des groupes nihilistes, sans véritable direction et voués à perdre progressivement leur crédit et leurs recrues.

L’État islamique dispose à la fois de la puissance d’une organisation et d’une capacité de mobilisation sans précédent, ces milliers de djihadistes étant susceptibles de constituer, à terme, une véritable force de projection terroriste si l’organisation le décidait.

Si Al-Qaïda et l’État islamique luttent pour le leadership du djihad mondial, les passerelles sont multiples entre les deux organisations, sur le terrain comme sur le plan idéologique. En témoignent les allégeances, soutiens et autres ralliements auxquels nous assistons depuis huit mois de la part de groupes précédemment affiliés à Al-Qaïda ou faisant dissidence. Dans l’univers djihadiste, il existe également des liens qui transcendent les organisations. L’histoire a montré que les réseaux interpersonnels perdurent, que ces réseaux peuvent se reconstituer rapidement, qu’ils s’adaptent en permanence par nécessité ou opportunisme. C’est précisément cette ductilité qui fait leur force. L’exemple le plus récent de cette situation nous a été donné avec les attentats de Paris, opération coordonnée entre les frères Kouachi et Amédy Coulibaly alors que les premiers et le second se réclamaient d’organisations distinctes.

Nous observons aujourd’hui la conjonction d’une menace nouvelle par son ampleur, la menace djihadiste, et d’une menace terroriste ancienne et latente qui refait surface à la faveur du contexte international. Cette menace est protéiforme. Les actions menées en Occident depuis plusieurs mois en témoignent : qu’elles se situent dans l’orbite terroriste ou dans la mouvance djihadiste, elles peuvent être dirigées, incitées, aidées ou simplement inspirées par ces organisations.

Protéiforme dans son origine, cette menace l’est également dans ses manifestations et son mode opératoire, qui sont désormais sensiblement différents de ce que l’on observait dans les années 1980, 1990 et 2000. Ces évolutions s’observent essentiellement dans quatre domaines.

Sur le plan structurel, nous devions faire face à des groupes structurés, organisés et hiérarchisés ; nous sommes passés à un terrorisme individuel ou « microcellulaire ». Cette mutation a pour origine les groupes terroristes eux-mêmes, qui se sont adaptés aux contraintes sécuritaires et à l’atomisation des enjeux en privilégiant une approche dématérialisée, entretenant avec leurs membres ou leurs sympathisants un rapport quasi virtuel, sans contacts physiques, principalement grâce à l’Internet. Dès la fin des années 1990, un des stratèges d’Al-Qaïda, le syrien Abou Moussab al-Souri, avait anticipé cette mutation en prônant le djihad individuel – jihad al-irhab al-fardi. En 2000, il expliquait lors d’un enseignement dans un camp d’entraînement afghan que « les jeunes rechignent à adhérer à une organisation hiérarchique par crainte d’être identifiés par les autorités ». Le terrorisme, hier structuré par des organisations et des réseaux, s’est mué en une multitude d’acteurs groupusculaires qui n’entretiennent peu ou pas de liens hiérarchiques ou directionnels avec un des groupes terroristes. C’est ainsi que les actes de terrorisme individuel en Europe ont représenté 12 % des attentats entre 2001 et 2007 et de 40 à 45 % depuis cinq ans.

Sur le plan tactique, ces individus ou ces microcellules n’engagent pas de préparatifs importants, leurs actions sont parfois même improvisées, ce qui réduit encore notre capacité à les détecter et les identifier pour les neutraliser préventivement, contrairement à ce qui fut le cas pour la plupart des projets d’attentats en Europe dans les années 2000.

Ils recourent de moins en moins à l’explosif, ou de manière beaucoup moins sophistiquée qu’auparavant. Son maniement est considéré à raison comme complexe et l’acquisition de substances et de composants est sujette à la surveillance des services régaliens. Ils privilégient le recours aux armes de poing et aux armes blanches, qui représentent 50 % des attentats planifiés depuis cinq ans en Europe.

Enfin, ils préfèrent les attentats ciblés et symboliques à forte résonnance médiatique : communauté juive, police, militaires, Charlie Hebdo… C’est ce que l’on a appelé le « terrorisme stratégique », qui fait usage d’une violence ciblée, discriminée, vecteur, contrairement aux attentats « aveugles », d’une plus grande légitimité pour ces groupes.

J’en viens à la question de l’ampleur du phénomène djihadiste et de ses conséquences en Europe

Depuis trois ans, 20 000 combattants étrangers provenant de 90 pays se sont rendus sur le théâtre d’opérations syro-irakien, soit plus que de djihadistes partis en Afghanistan en dix ans. Parmi ces combattants étrangers nous dénombrons désormais près de 4 500 ressortissants ou résidents de 20 pays de l’Union européenne impliqués dans des filières djihadistes, sachant que 60 % d’entre eux proviennent de trois pays, la France, la Grande-Bretagne et l’Allemagne, et que 30 % viennent de France, ce qui représente le premier contingent européen. Parmi ces 4 500 djihadistes, on estime qu’entre 800 et 1 000 sont revenus sur le territoire européen.

Ce phénomène touche également plusieurs pays situés aux frontières de l’Union européenne : la Suisse, avec plus de 50 djihadistes, les Balkans, avec un effectif de 650, la Russie, d’où sont partis entre 800 et 1 500 individus.

Les conséquences de cet engagement sur le plan sécuritaire sont multiples.

Dans tous les conflits impliquant la présence de djihadistes étrangers depuis trente ans, qu’il s’agisse de l’Afghanistan, de la Bosnie, de la Tchétchénie, de la Somalie ou de l’Irak, on a toujours observé des répercussions de cette participation à court, moyen ou long terme dans nos pays, la menace intérieure prenant la forme d’actions de propagande, de recrutement, de soutien ou de terrorisme. Ce sont des djihadistes ayant combattu sur des théâtres étrangers qui ont été à l’origine de tous les projets d’attentats majeurs ayant visé le territoire national, notamment le projet contre le marché de Noël de Strasbourg en 2000, le projet du réseau Beghal visant l’ambassade des États-Unis à Paris en 2001, le projet d’attaque chimique à Paris en 2002 – réseau Benchellali – et les projets visant la tour Eiffel et la cathédrale Notre-Dame de Paris en 2010.

La première conséquence de cet engagement, pour une minorité de ces djihadistes, est le basculement au retour dans la violence terroriste, ou la poursuite du djihad sur leur propre sol.

La participation à des activités terroristes au retour résulte de deux processus déjà observés dans le passé : l’appartenance à une organisation et la socialisation. Dans le premier cas, le combattant a rejoint un groupe terroriste dont l’objectif affiché est de frapper les pays occidentaux, il sera donc incité ou dirigé à plus ou moins long terme pour commettre un acte terroriste. C’est le cas, typiquement, de la cellule de Hambourg, qui mena les attentats du 11 septembre. Dans le second cas, c’est le contact, l’interaction avec d’autres combattants et la conscience progressive de la légitimité d’une action sur son propre sol qui inspire le djihadiste pour passer à l’action. Ce fut le cas de la cellule de Francfort en 2000 et de la filière tchétchène en 2002.

L’étude la plus récente, qui date de 2013, montre que, entre 1990 et 2010, sur 945 djihadistes occidentaux s’étant rendus sur un théâtre d’opérations à l’étranger, 107 ont été impliqués dans la commission d’actes de terrorisme, soit plus de 11 %. En France, le magistrat antiterroriste Marc Trévidic estime que cette proportion est de 50 %.

À l’heure actuelle, 4 Français sur les 190 qui sont revenus du théâtre d’opérations syro-irakien ont été impliqués à leur retour dans des activités terroristes, qu’il s’agisse de la préparation ou de la commission d’attentats, ce qui représente 2 % des « returnees ». Cette proportion est identique à celle que l’on observe au plan européen.

La seconde conséquence découle à court terme du retour de djihadistes et à long terme de l’impact qu’auront ces événements en termes de radicalisation.

Les combattants ont une capacité d’endoctrinement très forte à leur retour car ils disposent d’un ascendant important et sont auréolés de leur statut de combattant. Ils sont donc susceptibles de mener des actions de propagande, de prosélytisme et de recrutement.

Au-delà des seuls combattants, l’emprise et l’enracinement à long terme, par capillarité, du phénomène salafiste djihadiste et de ses soutiens, sont une cause de préoccupation majeure, amplifiée par la propagande massive et accessible à tous les groupes djihadistes.

Le gouvernement estime aujourd’hui à plus d’un millier le nombre de sympathisants français sur l’Internet.

Une minorité d’entre eux, à l’instar des combattants, ont une capacité de mobilisation, comme nous l’ont montré les attentats et projets d’attentats déjoués depuis deux ans.

Cette capacité de mobilisation est alimentée par la propagande des groupes djihadistes, notamment l’État islamique qui a appelé à plusieurs reprises depuis le mois de septembre ses sympathisants à frapper les pays de la coalition, appels eux-mêmes relayés par des combattants occidentaux de diverses nationalités.

De ce point de vue, l’État islamique agit plus comme un catalyseur et un déclencheur du passage à l’acte que comme une source de radicalisation.

Depuis le début du conflit en Syrie, plus de vingt projets d’attentat ont visé les pays occidentaux et leurs ressortissants. Sur les seize attentats ou projets d’attentat documentés, sept, soit un peu moins de la moitié, ont été menés à leur terme. À l’exception de l’action commise à Bruxelles par Mehdi Nemmouche avant l’appel de l’État islamique à des actes individuels, ces attentats ont été perpétrés par des personnes qui n’avaient pas combattu sur le théâtre d’opérations djihadiste en Syrie ou en Irak, soit qu’elles en eussent été empêchées, comme ce fut le cas de différents terroristes en Australie et au Canada notamment, soit qu’il se fût agi de sympathisants d’organisations djihadistes. Par ailleurs, neuf attentats ou projets d’attentat ont été conçus par des individus agissant seuls.

Pour ce qui est du mode opératoire, les individus ayant combattu sur le théâtre d’opérations syro-irakien envisageaient des modalités complexes – attaques multiples, usage d’explosifs, attaques suicides –, tandis que les sympathisants recouraient à des modalités rudimentaires – voiture bélier, arme blanche, arme de poing, fusil de chasse –, suivant en cela les recommandations formulées par le porte-parole de l’État islamique al-Adnani au mois de septembre.

Quelles mesures prendre face à ce double phénomène ?

Il faut qu’elles portent sur l’ensemble du spectre, du cycle de la radicalisation jusqu’au traitement des retours.

La France a mis en œuvre dans l’urgence, comme d’autres pays, des mesures destinées à identifier et prévenir ce phénomène : plateforme de signalement, entraves aux départs, lutte contre l’apologie du terrorisme, blocage de contenus Internet. Elle a par ailleurs comblé un vide juridique en créant la nouvelle incrimination d’entreprise terroriste individuelle, proposition que nous avions faite il y a un an avec le juge Marc Trévidic et l’avocat Thibault de Montbrial.

Parallèlement, le Gouvernement vient de lancer une campagne de sensibilisation et de prévention à destination des candidats au djihad et de leurs familles. C’est un premier élément de contre-argumentaire qui vise à répondre à la propagande mensongère de ces groupes, à l’instar de ce qui est fait aux États-Unis et en Allemagne. Il conviendra d’aller plus loin pour convaincre ou contraindre les grands opérateurs de l’Internet de ne plus accepter sur leurs plateformes des contenus de ce type, comme ils le font déjà en matière de pédopornographie.

En amont, la France est très en retard par rapport à ses voisins européens dans la prévention de la radicalisation. Outre la lutte contre le fondamentalisme religieux, notamment sur l’Internet, il me semble important de réfléchir à la mise en place de programmes locaux de prévention de la radicalisation associant campagnes d’information et de sensibilisation, indicateurs locaux de radicalisation et accompagnement ciblé des sujets à risques à travers la mobilisation de tous les acteurs régaliens, associatifs, éducatifs et sociaux contre ce fléau. La même mobilisation, au sein de dispositifs ciblés, devrait être mise en œuvre pour le traitement des retours par la dé-radicalisation et la réinsertion. Les expériences étrangères montrent toutes que les clés du succès de telles démarches reposent sur le volontariat des personnes concernées et sur l’association de repentis aux actions menées.

D’autres mesures, plus symboliques, ont été avancées sur lesquelles je voudrais revenir. Il s’agit en particulier de la déchéance de nationalité. Plusieurs pays mettent d’ores et déjà en œuvre des mesures de ce type pour les binationaux. Or que constate-t-on ? D’abord, les individus concernés ne renoncent pas au terrorisme ; c’est donc reporter le problème sur d’autres pays. Ensuite, dès lors qu’ils seraient à l’étranger, nos services policiers et judiciaires ne pourraient plus les mettre hors d’état de nuire. Enfin, comme nous l’avons constaté avec plusieurs terroristes condamnés en France et déchus de leur nationalité française, notamment Djamel Beghal, mentor d’Amedy Coulibaly et de Chérif Kouachi, certains n’ont toujours pas pu être expulsés en raison de l’opposition de la Cour européenne des droits de l’homme, qui invoque des risques de traitements inhumains et dégradants pour refuser leur expulsion, notamment vers l’Algérie. Beghal n’est pas seul dans ce cas. Bien que déchues de la nationalité française, plusieurs personnes sont toujours sur le territoire national.

Nous avions proposé avec le juge Marc Trévidic la création d’un délit-obstacle d’interdiction de combattre à l’étranger sans autorisation, qui aurait le mérite d’appréhender judiciairement toutes les situations dans lesquelles des individus se rendent à l’étranger pour y combattre, y compris lorsque des individus de retour du théâtre d’opérations syro-irakien prétendent avoir combattu dans les rangs d’organisations légitimes.

Nous l’avons vu à l’occasion de plusieurs événements tragiques, depuis les crimes de Mohamed Merah en 2012 jusqu’à ceux de Nice en passant par les attentats de Paris du début de l’année : si les services de renseignement parviennent à détecter et à identifier les personnes à risque, beaucoup reste à faire dans le domaine de la surveillance et du suivi de ces individus. Le Gouvernement a annoncé le renforcement des moyens humains des services et l’adoption d’un cadre juridique pour leur action, ainsi que la mise en place d’un fichier des personnes prévenues ou condamnées pour des faits de terrorisme.

Sur ce sujet, je voudrais souligner deux phénomènes récurrents dans la constitution de réseaux et filières et dans la commission d’actes terroristes qui sont aujourd’hui encore mal appréhendés pour des raisons pratiques et juridiques.

Le premier concerne les « serial terroristes », ou multirécidivistes du terrorisme. Sur la base des procédures visant des infractions terroristes instruites depuis dix ans en Europe, on constate que chacune de ces affaires met systématiquement en cause des personnes déjà condamnées, non pour des délits de droit commun mais pour des infractions terroristes. Comme toute organisation humaine, les cellules ou groupes terroristes ne naissent pas spontanément, mais sous l’influence d’individus formés, souvent des vétérans du djihad qui constituent des éléments structurants et jouent le rôle de référent pour les jeunes recrues.

Le second concerne les individus « potentiellement à risque », ceux dont le nom est apparu en relation avec une infraction terroriste dans le cadre de procédures judiciaires. Il s’agit de personnes identifiées, qui ont parfois été détenues ou interrogées, et qui n’ont pu être poursuivies dans le cadre juridique existant. Sur la base des procédures visant des actes de terrorisme, des réseaux ou des filières de soutien logistique ou de financement instruites en Europe depuis dix ans, on estimait leur nombre à près de 5 000 il y a deux ans. Leur suivi aurait un impact direct sur notre capacité à déjouer des infractions terroristes.

Nous sommes face à un phénomène depuis longtemps transnational et toutes les législations nationales ne suffiront pas, à elles seules, à l’endiguer. Au mieux, nous bâtirons une sorte de patchwork défensif qui, faute d’harmonisation, engendrera des vides juridiques, des failles dans nos dispositifs qui seront exploités par nos ennemis ou dans lesquels ils s’engouffreront, comme ils l’ont toujours fait.

Nous sommes confrontés à un phénomène européen qui touche quasiment tous les pays de l’Union et nécessite donc que les institutions européennes prennent un rôle actif et opérationnel, notamment pour harmoniser les législations, systématiser et automatiser l’échange d’information, mettre en place un PNR (passenger name record) européen, renforcer les contrôles aux frontières de Schengen... Toutes choses qui impliquent, selon moi, un changement du paradigme sécuritaire de l’Europe et de Schengen, dont le dispositif était conçu jusqu’à présent pour nous défendre de menaces extérieures alors que nous sommes confrontés de plus en plus à une menace intérieure.

Cette prise de conscience européenne est un impératif, au-delà des mesures nationales qui peuvent être prises. En effet, le risque est qu’à l’instar de ce qui s’est produit après les attentats de Madrid en 2004, les déclarations d’intention demeurent lettre morte ou se traduisent par l’adoption de mesures minimalistes sur le plan européen. Considérer les attentats de Paris comme un épiphénomène national ou comme un « 11 septembre français », comme on a pu le lire, est une tragique erreur d’analyse. L’enjeu est européen et nécessite une réponse commune.

M. Georges Fenech. Je vous remercie pour cet exposé clair et exhaustif.

Les richesses dont dispose l’État islamique, dites-vous, s’élèvent à 2 000 milliards de dollars, soit l’équivalent du PIB français. Par quelle méthode parvenez-vous à ce chiffre, ainsi qu’à celui de 3 milliards de dollars de recettes par an ?

En tout cas, l’ampleur de ces ressources justifie à mon sens une intervention au sol et conforte mon scepticisme quant à l’efficacité des frappes aériennes pour éradiquer l’État islamique. Aujourd'hui, celui-ci continue de s’étendre.

Comment arrêter cette extension ? Pensez-vous que les réponses gouvernementales sont à la hauteur de la menace ? Quel est, selon vous, le niveau de cette menace en Europe et en France ?

M. Jean-Charles Brisard. Le financement de l’État islamique nous met face à un phénomène auquel nous n’avons jamais été confrontés dans le passé. L’assise territoriale de cette organisation est la cause principale de nos difficultés. L’État islamique a acquis des richesses et contrôle des ressources naturelles. Aujourd'hui, la volonté de la coalition est de ne pas appauvrir l’Irak et la Syrie en ciblant ces ressources naturelles. Les règles d’engagement pour les frappes aériennes excluent les puits de pétrole, les réserves de gaz naturel, les mines, etc. Il est dès lors très difficile de limiter l’accès de cette organisation à des ressources financières, même si l’on cible les moyens de transport et de raffinage.

Quant au chiffre de 2 000 milliards de dollars, il correspond aux réserves qui se trouvent sous le contrôle de l’État islamique : réserves pétrolières, gaz naturel, mines de phosphate, etc.

Il faut également s’interroger sur le contrôle qu’a l’État islamique de plusieurs établissements bancaires – environ 24 à Mossoul, à Rakka, à Deir Ezzor. Aujourd'hui encore, aucune sanction internationale ne vient frapper ces établissements qui, j’en ai eu la confirmation tout récemment, continuent à effectuer des transactions internationales. Nous sommes en effet dans un régime de sanctions ciblées et de gel des fonds qui nous oblige à identifier des individus, des intermédiaires ou des sociétés pour bloquer leur accès au système financier international. Ce travail est encore à faire. Il demande du temps et il est rendu compliqué, j’y insiste, par l’implantation territoriale de l’État islamique : les pays de la coalition ne veulent pas pénaliser les populations en les privant de ressources naturelles.

Pour en venir à votre dernière question, je considère que le Gouvernement a agi à la fois promptement et avec mesure, préservant l’équilibre entre les impératifs de sécurité et les impératifs de l’État de droit. On a pris les mesures minimales nécessaires pour tenter d’endiguer le départ de certains citoyens français. Nous aurions souhaité des mesures complémentaires, notamment au plan symbolique : le délit-obstacle d’interdiction de combattre à l’étranger sans autorisation, que j’ai évoqué, ainsi que des dispositions pour mieux protéger les mineurs, qui sont souvent emmenés contre leur gré par leur famille – leur père parfois – sur le théâtre d’opérations syro-irakien. Pour autant, je ne crois pas que l’on puisse aller beaucoup plus loin sans une véritable harmonisation au plan européen.

L’Europe, on le sait, est menacée tous les jours, et même plusieurs fois par jour en ce moment, par des groupes djihadistes terroristes. Il faut donc que l’action s’inscrive dans le cadre de l’Union, et je sais que le gouvernement français y est attaché.

En France, nous avons encore un travail important à mener en amont pour ce qui est de la prévention de la radicalisation. Beaucoup d’idées sont avancées mais peu d’initiatives prises.

Comment traiter, aussi, le problème du retour des djihadistes, en distinguer les ultra-radicalisés, susceptibles de se livrer à des actes violents, et ceux qui reviennent désillusionnés ou traumatisés par les abominations auxquelles ils ont assisté, et qu’il s’agit de traiter et de réinsérer progressivement dans la vie normale ?

M. Claude Goasguen. J’ai du mal à comprendre la distinction que vous faites entre djihadiste et terroriste. Je n’arrive pas à croire que cet engagement, qui prend parfois le style d’une croisade, soit uniquement dû à des phénomènes religieux. Les croisades ont été menées au nom de la religion, certes, mais elles ont entraîné derrière elles beaucoup de « droits communs » qui ont commis des exactions terribles. Quelles sont les convictions d’un Breton ou d’un Martiniquais qui part faire le djihad ? Et ces jeunes de banlieue habitués à jouer les petits caïds, ne cherchent-ils pas, au fond, à étendre leur caïdat ? Là-bas, on commande, on tue, on viole, on vole de l’argent. Derrière la phraséologie djihadiste, il conviendrait d’analyser ce qui relève du pur droit commun, car ces individus sont de toute façon des délinquants.

Sauf, peut-être, en ce qui concerne l’occupation d’un territoire, qu’est-ce qui distingue les luttes entre mafias et la lutte entre Al-Qaïda et Daech ?

Combattre à l’étranger, en l’occurrence, signifie porter des armes contre la France. Cela relève donc du domaine militaire, comme le confirme le Premier ministre lorsqu’il parle de « guerre asymétrique ». Dès lors, pourquoi ne pas faire une translation des actes commis vers le militaire ? Pourquoi ces individus qui tuent des Français et qui sont eux-mêmes Français devraient-ils passer devant des tribunaux ordinaires. Au XIXsiècle, tout Français pris les armes à la main contre son pays passait devant une commission militaire. Considérera-t-on un jour que la guerre asymétrique n’est pas simplement une affaire de droit commun mais une affaire militaire ? Ce sont des militaires qui sont au combat au sein de Daech, et lutter contre l’armée française est un crime militaire. Le Patriot Act, que l’on se plaît à accabler, ne fait rien d’autre que de charger l’armée et la CIA de la lutte contre les exactions commises dans ce cadre.

La question se pose également pour la déchéance de nationalité, mesure, il est vrai, assez inefficace. Il était bien inutile de consulter le Conseil constitutionnel pour qu’il nous dise d’appliquer la loi portant à quinze ans le délai entre l’acquisition de la nationalité et les faits reprochés. Le Conseil ne perçoit pas le contexte guerrier dans lequel s’inscrivait la déchéance de nationalité, applicable tant en 1917 qu’en 1940 aux doubles nationaux sans qu’il soit question de délai. Bref, faut-il adopter une législation de guerre dans un pays dont le gouvernement nous dit qu’il est en guerre asymétrique ?

M. Jean-Charles Brisard. La différence fondamentale entre les organisations terroristes et les groupes djihadistes combattants repose sur la portée du conflit. Pour les groupes combattants, le conflit est conçu comme devant avoir un terme à un moment donné. Il y a des objectifs militaires. Pour les organisations terroristes, en revanche, le combat peut se prolonger indéfiniment. C’est le cas d’Al-Qaïda, dont l’objectif – instaurer un califat sur la planète entière – relève de l’utopie.

Pour en venir à votre deuxième point, certains États opèrent déjà ce que vous appelez la translation vers le militaire. Sauf erreur de ma part, deux affaires sont en cours en Allemagne contre des djihadistes pour des faits de crime de guerre. La question est d’ordre juridique et elle ne se pose pas tant en droit international qu’en droit national. Il est assez compliqué d’appréhender ce phénomène car les djihadistes présents sur le théâtre d’opérations en Syrie et en Irak ne luttent pas contre leur pays, même s’ils sont susceptibles, à terme, d’engager une confrontation avec leur pays à leur retour. Ils ne sont pas engagés dans un conflit militaire contre la France.

M. Claude Goasguen. Si, puisqu’ils sont engagés contre la coalition.

M. Jean-Charles Brisard. En effet, la France intervient dans le cadre d’une coalition internationale. C’est bien pourquoi les magistrats et les services juridiques cherchent à déterminer quelle a été la nature de la participation du djihadiste français sur place : a-t-il agi au sein d’une organisation classée comme terroriste ou a-t-il combattu au sein d’une organisation dite « légitime » ?

M. Claude Goasguen. On voit mal ce que peut être une organisation « légitime ».

M. Jean-Charles Brisard. Certaines combattent sans être pour autant classées comme terroristes.

M. Claude Goasguen. Lorsque la coalition à laquelle participe la France se trouve face à des Français qui la combattent, l’aspect militaire est incontestable. Les djihadistes savent que la France est engagée. Ils savent qu’ils tirent sur des Français. Ces individus commettent un acte militaire criminel à l’égard du pays dont ils sont issus. Pourquoi ne pas faire comme l’Allemagne et les États-Unis et considérer que c’est un acte militaire ? J’avoue ne pas comprendre ! Tout le XIXsiècle, je le répète, est dominé par le dispositif des commissions et des tribunaux militaires qui jugent l’acte grave consistant à porter les armes contre son pays. Sommes-nous, oui ou non, en guerre ?

M. Jean-Charles Brisard. Nous sommes en guerre contre des terroristes et des organisations terroristes. Parfois on peut établir qu’un Français a agi dans ce cadre, parfois on ne le peut pas. Le problème est juridique. Notre proposition de créer un délit-obstacle d’interdiction de combattre à l’étranger sans autorisation évite d’avoir à poser la question des raisons et de la nature du conflit.

M. Claude Goasguen. Ce faisant, vous restez donc dans le droit commun.

M. Georges Fenech. Le délit-obstacle pourrait faire partie des propositions de notre commission d’enquête.

M. le président Éric Ciotti. Nous pourrons l’évoquer tout à l’heure avec le juge Trévidic.

M. François Loncle. Je regrette que l’on n’ait pas mis à notre disposition de renseignements sur l’organisme que vous présidez. Le Centre d’analyse du terrorisme, monsieur Brisard, est-il une institution purement privée ? Quel est son financement ? Bénéficie-t-il de subventions publiques ?

Claude Goasguen établit un lien entre délinquance, dérive sectaire et fondamentalisme. Or, dans bien des cas, la délinquance n’était pas au rendez-vous. Maxime Hauchard, qui a décapité un journaliste américain, habitait une zone pavillonnaire dans une ville de 3 000 habitants, au cœur de la Normandie. Il vivait dans une famille traditionnelle et il n’avait commis aucun acte de délinquance. Ce sont l’endoctrinement et l’Internet qui l’on mené jusqu’à l’horreur. Le lien entre délinquance et djihadisme n’est pas automatique.

Dans l’approche géopolitique que vous semblez adopter, Monsieur Brisard, avez-vous analysé le détail de la situation syrienne ? Dans la phase actuelle de lutte contre le terrorisme, il semble que la position française par rapport à la Syrie pose un problème, d’autant qu’elle diffère de la position américaine.

M. Jean-Charles Brisard. Le Centre d’analyse du terrorisme est une association loi de 1901 constituée à la fin de l’année 2014. Nous sommes en train de le mettre en place. Il a vocation à réunir des analystes et des experts en matière de terrorisme. Notre comité d’honneur compte ainsi le juge Marc Trévidic, l’ancien juge espagnol Baltasar Garzón, l’ancien président du comité des sanctions de l’ONU contre Al-Qaïda et les talibans Michael Chandler. De nombreux experts renommés nous ont rejoints ou vont nous rejoindre, comme Rohan Gunaratna, Peter Neumann et d’autres grands noms de l’analyse du phénomène terroriste et djihadiste. L’objet de notre association est de produire des analyses et d’aider les gouvernements de l’Union européenne à y voir plus clair dans les menaces auxquelles nous devons faire face et dans les solutions à mettre en œuvre. Votre commission d’enquête recevra très prochainement notre premier rapport, consacré au volet européen.

M. Claude Goasguen. Pour en revenir à la Syrie, je ne comprends pas que la France ne travaille pas avec les services de renseignement de ce pays alors que les Américains le font. Au départ, elle a contribué, sinon directement, du moins implicitement à soutenir les djihadistes par des livraisons d’armes qui ont été captées, mais pourquoi persiste-t-elle dans une hostilité au régime de Bachar el-Assad qui la coupe des services de renseignement ?

M. François Loncle. Pourriez-vous répondre au préalable à ma question sur la nature du financement de votre association ?

M. Jean-Charles Brisard. Nous ne bénéficions d’aucuns crédits publics.

Vos questions au sujet de la Syrie sont pertinentes puisque les services français, comme d’autres, sont aujourd'hui « aveugles » sur le théâtre d’opérations. Nous n’avons plus de coopération, officiellement en tout cas, avec les services syriens. Sans doute peut-on supposer, ou espérer, que des contacts informels et personnels demeurent, car ils ont une grande connaissance des réseaux combattus et des mentors qui en constituent l’ossature : d’anciens djihadistes renommés ayant précédemment combattu avec Al-Qaïda, parfois détenus et susceptibles de fournir des indications précises sur les relations entre les différents groupes et leur interaction avec les djihadistes étrangers.

M. Claude Goasguen. Partagez-vous l’opinion que Bachar el-Assad aurait favorisé la création du djihadisme ? C’est un argument que l’on nous donne comme « excuse » pour expliquer la rupture entre les services français et syriens.

M. Jean-Charles Brisard. Je ne partage pas cet avis, pas plus que je ne partage l’avis de ceux qui affirment que ce sont les Américains qui ont créé ce type de terrorisme. Chronologiquement, le groupe État islamique est né à la suite de l’invasion de l’Irak. Le terrorisme n’était pas préexistant, contrairement à ce qu’affirmait alors l’administration américaine. Et les Syriens n’ont, pas plus que les Américains, créé ces groupes. Ceux-ci naissent et se développent à la faveur de la déliquescence du pouvoir dans certaines zones. La guerre civile a contribué à l’arrivée de terroristes, puis de djihadistes internationaux.

M. le président Éric Ciotti. Merci pour ce tableau très complet de la situation géopolitique et de ses conséquences sur nos démocraties.

On dénombre aujourd'hui environ 200 djihadistes de retour en France. La moitié fait l’objet d’une information judiciaire ; 90 personnes sont placées en détention provisoire ; 34 sont soumises à un contrôle judiciaire. Pour faire face à cette question spécifique, j’ai suggéré la mise en place d’une procédure assimilable à la rétention qui s’applique aujourd'hui aux personnes présentant un risque pour l’ordre public et frappées de troubles psychiatriques. Que pensez-vous d’un tel dispositif, qui inclurait des personnes ne pouvant être juridiquement impliquées dans des procédures judiciaires mais sur lesquels les services de renseignement possèdent des éléments, objectifs ou non, laissant à penser qu’ils sont extrêmement dangereux ?

Concernant les retours, on nous a dit que l’alternative est simple : soit ceux qui rentrent ont fui la violence qu’ils ont rencontrée, soit on les a renvoyés. Ce sont évidemment les seconds qui représentent un danger majeur et qu’il faut identifier sans commettre d’erreur.

Nous disposons d’outils judiciaires. Les parquets et les juges antiterroristes apportent des réponses d’une grande fermeté, notamment en recourant très largement à la détention provisoire. Mais qu’en est-il des autres outils ? Avez-vous des propositions à faire ? Que pensez-vous d’une éventuelle mise en place de centres de rétention dans un seul but de protection ?

M. Jean-Charles Brisard. Il faut en effet arriver à « trier » au retour les cas auxquels on a affaire. L’important est d’agir au cas par cas. Certaines personnes ont fui le théâtre d’opérations, d’autres reviennent en étant dirigées par un groupe terroriste. Pour évaluer leurs intentions, leur parcours, il faut un filtre. Nous n’en disposons pas aujourd'hui, ce qui explique que nous devions judiciariser. La mise en place de centres de rétention me semble donc être une bonne idée, pour peu qu’il s’agisse bien, à ce stade, d’évaluer les personnes en utilisant le plus d’informations possible et en les recoupant très finement pour déterminer la dangerosité ou non d’un individu. Il s’agit ensuite de judiciariser la situation de ceux qui sont manifestement ultra-radicalisés et revenus avec des intentions malveillantes, et d’apporter à la situation des autres un traitement social, psychologique, parfois psychiatrique.

M. le président Éric Ciotti. Monsieur Brisard, je vous remercie.

La séance est levée à 11 heures 15.

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Membres présents ou excusés

Présents. - M. Éric Ciotti, M. Georges Fenech, M. Claude Goasguen, Mme Geneviève Gosselin-Fleury, M. Meyer Habib, M. François Loncle, M. Jacques Myard, M. Sébastien Pietrasanta, M. François Pupponi, M. Patrice Verchère

Excusé. - M. Patrick Mennucci

Assistait également à la réunion. - M. Boinali Said