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Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mercredi 13 janvier 2016

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 57

Présidence de M. Gilles Carrez, Président

–  Audition de MM. Robert de Metz, président du conseil d’administration de Dexia SA, et Karel De Boeck, administrateur délégué et président du comité de direction, et Pierre Vérot, directeur de la gestion de l’encours

–  Informations relatives à la commission

–  Présences en réunion

La commission entend MM. Robert de Metz, président du conseil d’administration de Dexia SA, et Karel De Boeck, administrateur délégué et président du comité de direction.

M. le président Gilles Carrez. Mes chers collègues, je commence par vous présenter mes vœux pour 2016. Je souhaite que notre commission continue à travailler avec la sérénité et le sérieux qui l’ont toujours caractérisée.

Vous vous rappelez sans doute, mes chers collègues, la précédente audition de M. Robert de Metz et de M. Karel De Boeck, qui s’était tenue le 22 mai 2013. La commission procède à un suivi régulier de ce dossier, dont l’incidence sur nos finances publiques peut être forte. Je précise que nous recevrons dans deux semaines M. Philippe Mills, président-directeur général de la SFIL.

Comme vous le savez, à l’automne 2008, à la suite de la faillite de Lehman Brothers, Dexia a connu de brutales difficultés de refinancement, en raison d’actifs de mauvaise qualité et d’une structure de financement déséquilibrée – pour résumer très sommairement, Dexia se finançait plutôt à court terme, sur les marchés financiers, tout en prêtant à très long terme, en particulier à des collectivités territoriales. Les États français, belge et luxembourgeois ont été conduits à intervenir.

En France, cette intervention s’est faite par la loi de finances rectificative d’octobre 2008. Afin de rétablir la solvabilité de l’établissement, la Caisse des dépôts, actionnaire historique du groupe, et l’État, via la société de prise de participations de l’État, la SPPE, ont injecté respectivement 3 et 1 milliards d’euros. Par ailleurs, les États ont garanti les refinancements de moyen terme de la banque, la quote-part de la France s’établissant à 32,65 milliards d’euros.

Mais à l’automne 2011, la crise des dettes souveraines a contraint Dexia à constater qu’elle était à nouveau dans l’incapacité d’assurer son refinancement, en l’absence de soutien public supplémentaire. Son démantèlement a alors été décidé. Pour qu’il se déroule en bon ordre, une nouvelle garantie de financement a été accordée par les États, la quote-part de notre pays s’élevant à près de 39 milliards d’euros. En France, l’encours de prêts – dont des prêts problématiques – a été repris par la SFIL, dont l’État est actionnaire à 75 %, aux côtés de la Caisse des dépôts et de La Banque postale.

À l’automne 2012, du fait de l’accumulation des pertes constatées, la France et la Belgique ont procédé à une recapitalisation. Le montant apporté par la France, fixé par la loi de finances rectificative de fin d’année, s’est élevé à 2,6 milliards d’euros.

La situation de la banque, on le voit, est susceptible d’avoir des répercussions considérables sur les finances de l’État. La Cour des comptes a d’ailleurs publié en juillet 2013 un rapport public thématique intitulé « Un sinistre coûteux, des risques persistants ».

Depuis votre précédente audition, deux dispositifs législatifs importants ont été adoptés. La loi de finances pour 2014 a mis en place un fonds de soutien aux collectivités territoriales et aux hôpitaux ayant souscrit des emprunts toxiques. J’étais moi-même très hésitant sur cette formule. Les montants sont très élevés : 3 milliards d’euros pour les collectivités territoriales, 300 millions d’euros pour les hôpitaux. D’autre part, la loi du 29 juillet 2014 est venue sécuriser, si je peux employer ce terme, les contrats de prêts structurés souscrits par les personnes morales de droit public.

Ces rappels démontrent combien la vigilance s’impose.

En mai 2013, vous nous aviez indiqué que le bilan restant de Dexia s’élevait à environ 250 milliards d’euros et que compte tenu d’une échéance moyenne de treize ans pour les actifs, il resterait encore 150 milliards d’euros d’actifs en 2020. Ces perspectives ont-elles évolué ?

Vous vous étiez fixé comme objectif de réduire les pertes de moitié chaque année, à partir de 950 millions d’euros en 2013. Qu’en est-il finalement ?

La persistance de taux d’intérêt très bas ne constitue-t-elle pas un handicap pour la banque, notamment au regard des contrats d’échange de taux, dits swaps ? Quelles sont les incidences pour Dexia des nouvelles règles de solvabilité résultant des règles dites « Bâle III » ?

Plus généralement, quels risques identifiez-vous aujourd’hui quant à la réalisation de votre plan, que vous aviez qualifié devant nous de « sérieux et robuste » ?

M. Robert de Metz, président du conseil d’administration de Dexia SA. Merci de nous recevoir aujourd’hui.

Le plan de résolution ordonnée que nous vous avons présenté est en bonne voie. Je rappelle qu’en 2008, le bilan de Dexia s’élevait à 651 milliards d’euros, et que la banque comptait 37 000 collaborateurs ; au moment de la deuxième crise, en 2011, le bilan était de 413 milliards, et nous avions 22 000 collaborateurs. Au 30 septembre dernier, le bilan était de 238 milliards ; les collaborateurs n’étaient plus que 1 184.

Dexia est bien en liquidation. Mais nous conservons le statut de banque pour pouvoir accéder au dispositif de refinancement des banques centrales, d’où le nom de « plan de résolution ordonnée ». Ce plan prévoyait la cession de toutes les activités opérationnelles de nature commerciale viables, et toutes ces ventes ont été réalisées. Aucune production de nouveau crédit n’est autorisée, sauf pour la désensibilisation de certains prêts aux collectivités locales, c’est-à-dire dans des cas très particuliers et pour des volumes très limités.

En application des règles, afin de diminuer le risque pris par la banque en cas de hausse des taux d’intérêt, chaque prêt consenti par Dexia, chaque obligation de collectivité publique souscrite par Dexia ont systématiquement fait l’objet d’un contrat d’échange de taux d’intérêt. C’est un point très important pour expliquer la très longue durée de la liquidation : ne disposant d’aucune ressource de long terme, Dexia se protégeait contre une hausse des taux en contractant avec des banques – Dexia s’engageant à payer un taux fixe, et les banques payant le taux variable du marché monétaire. Le résultat, c’est que Dexia était protégée contre une hausse des taux d’intérêt ; mais elle ne l’était pas contre leur baisse.

Or le taux moyen de ces contrats de swap est aujourd’hui à 4 % sur dix ans, alors que les taux sont à 1 % sur dix ans. Si nous voulions vendre dès à présent tout notre bilan et détricoter tous nos contrats de swap, nous devrions rembourser la différence entre les 4 % signés et le niveau des taux actuels. Ce différentiel s’élève aujourd’hui à 32 milliards d’euros – à mettre en rapport avec un bilan qui était 413 milliards au moment de la crise de 2011. Nous devons donc déposer une garantie en espèces de 32 milliards – un cash collateral, dans le jargon bancaire – que nous sommes tenus d’emprunter sur les marchés financiers, ce que nous essayons de ne pas faire seulement à court terme.

La seule façon d’éviter de perdre ces 32 milliards, c’est d’attendre la fin des engagements souscrits. Voilà pourquoi la liquidation de Dexia sera un processus très long.

M. le président Gilles Carrez. Ce type de montage, avec des contrats d’échange de taux, était inévitable, il faut y insister.

M. Robert de Metz. Absolument, c’est l’application pure et simple de la réglementation bancaire de l’époque. Si vous prêtez sur de longues durées à un taux fixe, tout en empruntant à court terme, vous courez un risque de taux, et la réglementation bancaire fixait précisément le niveau maximal de la valeur en risque.

Mais, comme personne ne s’attendait à une baisse des taux aussi forte, la conséquence pratique de ce mécanisme est, je le redis, que la liquidation de Dexia va durer extrêmement longtemps.

L’ensemble des cessions des activités opérationnelles ont été réalisées, je l’ai dit. Toutes les activités qui n’ont pas encore été vendues sont mises en résolution, avec deux exceptions, sur lesquelles nous faisons encore des tentatives.

Le périmètre cible du groupe Dexia a été atteint dès 2014. Lorsque nous avions 36 000 collaborateurs, le centre de gravité du groupe se trouvait en Belgique ; en octobre 2011, la partie belge a été nationalisée et rebaptisée Belfius, qui est aujourd’hui la deuxième banque de Belgique. La partie qui était dans l’orbite de Dexia Crédit local (DCL) subsiste ; elle compte aujourd’hui 660 collaborateurs en France, ainsi que diverses entités dans différents pays étrangers. Nous nous efforçons de réduire cette complexité.

Pendant cette période, nous avons considérablement simplifié notre dispositif. Il serait techniquement très difficile de fusionner la société belge cotée, même si sa valeur est symbolique, qu’est la holding de tête, avec Dexia Crédit local, qui est une banque française. Nous avons donc superposé les deux organismes en essayant d’avoir les mêmes mandataires sociaux à tous les niveaux. Cela vaut pour les conseils d’administration comme pour le comité de direction de la banque.

Je vous propose maintenant d’écouter Karel De Boeck, qui a été l’un des dirigeants du groupe Fortis, et qui dispose d’une longue expérience en matière de gestion de banques multinationales.

M. Karel De Boeck, administrateur délégué et président du comité de direction. Il faut se rendre compte que Dexia est aujourd’hui à peu près ce qu’était Dexia Crédit local il y a quelques années. C’est cette partie de l’ancienne Dexia que nous ne pouvons pas vendre, parce qu’elle n’est pas viable ; c’est elle qui est à l’origine de 95 % des pertes du groupe Dexia – celles-ci ne viennent pas du Crédit communal belge, de la BIL, de DenizBank, des assureurs ou des courtiers, ou plus généralement des quelque 500 sociétés dont était composé le groupe Dexia. Le trou béant, le Grand Canyon, du groupe Dexia, vient bien du Crédit local.

La liquidation va durer très longtemps, cela a été dit, car les crédits étaient signés pour de très longues durées.

L’écroulement a été causé par une accumulation d’erreurs – bien sûr, on est toujours beaucoup plus intelligent après les faits, et il nous faut rester humbles. En résumé, l’objectif était de devenir le champion mondial des activités dans le domaine public ; mais, pour cette raison même, les risques n’ont pas été suffisamment diversifiés. Une banque commerciale comme la Société générale en France dispose de toutes sortes de clients ; mais lorsque vous financez seulement les communes, les régions, les départements… vous accumulez les mêmes types de risques.

Dans un pays comme la France, dans des pays de l’OCDE en général, c’est sans doute une stratégie qui peut se défendre. Le malheur, c’est que ces prêts ont été consentis avec une marge très faible, d’environ 45 points de base, mais pour de très longues durées – trente, quarante ans. Or le monde change vite ! De plus, ces prêts ne comportaient pas ce que nous appelons des covenants, c’est-à-dire des règles qui vous donnent des droits pour changer les taux, pour demander des garanties, pour rappeler le crédit… lorsque le débiteur commence à aller mal. Ces prêts, c’est donc du béton pur pendant trente ans ! Enfin, il est bizarre de signer ce genre de contrats sans funding, sans être financé mieux que par les marchés interbancaires : ceux-ci sont en effet d’une extrême frilosité, et la liquidité s’y réduit très vite au moindre problème.

Voilà les raisons de la chute de Dexia Crédit local.

Pour garder la tête hors de l’eau, nous devons procéder à des refinancements. Il nous faut trouver 250 milliards, toujours moins cher, par tous les moyens – nous ne perdons pas de vue l’intérêt des États. Nous utilisons notamment des opérations de pensions – REPO – et des obligations sécurisées – covered bonds. Évidemment, ces opérations ont un coût. Nous utilisons également les financements de l’Eurosystème, qui sont de même nature : nous déposons en garantie des titres, éligibles et non éligibles, et recevons en échange 70 % ou 80 % de leur valeur. Toutes les petites pertes causées par ces opérations, nous les compensons en réalisant des émissions sur les marchés internationaux, grâce à la garantie des trois États qui aident à sauver Dexia : nous disposons de quatre lignes de 85 milliards, que nous utilisons à hauteur de 60 milliards. Ce montant devra diminuer, afin que les États soient finalement débarrassés du risque présenté par Dexia.

C’est un processus très long, et nous devons rester très prudents. Pour utiliser les garanties des États, nous devons émettre des titres à court et à long terme, aux États-Unis, et dans le monde entier. Nous utilisons les placements de titre privés, notamment, et plus généralement toutes sortes d’instruments financiers, à destination essentiellement des banques centrales, des fonds de pensions, des institutions internationales…

Voilà comment nous bouclons le bilan de Dexia.

L’Eurosystème nous demande de le rembourser en premier ; les États doivent attendre, ce qui peut paraître quelque peu ingrat. Nous sortons progressivement du mécanisme européen : nous étions engagés il y a trois ans à hauteur de 53 milliards ; nous n’y sommes plus que pour 14 milliards. En 2021, nous devrions en avoir fini avec lui.

Nous devons également préserver nos fonds propres, en dépit de la sévérité toujours accrue de la réglementation, et assurer la continuité opérationnelle.

L’infrastructure du groupe Dexia avait été totalement négligée – je n’avais jamais vu cela de ma vie, moi qui en ai beaucoup vu. L’intendance n’a pourtant qu’une tendance : c’est de ne pas suivre. Nous sommes donc en train de reconstruire en totalité l’infrastructure opérationnelle du groupe. Chaque entité internationale disposait de son informatique propre, par exemple : il y avait donc six systèmes informatiques différents. À Paris, on a probablement fait quatre fois ce qu’il fallait, mais toujours de façon brouillonne… Nous remettons donc de l’ordre, pour diminuer les frais, et nous concentrons à Paris toutes les activités internationales, ainsi que les opérations informatiques. Nous envisageons aussi d’externaliser ces opérations vers des banques plus pérennes.

Cette résolution ordonnée est une aventure qui dure depuis plus de quatre ans – nous ne sommes, je le rappelle, que des pompiers. Le resserrement des marges de crédit des emprunteurs souverains – le spread entre l’Italie et l’Allemagne a ainsi été divisé par quatre – nous a été très favorable. En revanche, la diminution des taux d’intérêt est mauvaise pour nous : elle fait augmenter notre cash collateral, qui s’élève maintenant à 32 milliards. C’est beaucoup plus que ce que nous attendions : ces sommes, nous devons les lever sur les marchés pour les apporter en contrepartie aux contrats de swap. Dans cette opération, nous sommes perdants, car nous recevons très peu pour ces dépôts, et en tout cas toujours moins que les frais occasionnés par la levée des fonds. La fuite d’argent est continue…

Ces 32 milliards, nous les calculons chaque semaine, et au rythme de l’évolution technologique des marchés, ce sera d’ailleurs bientôt trois fois par jour… Nous les levons grâce aux garanties des États.

Si les États profitent de la baisse des taux, nous avons, nous, intérêt à ce qu’ils augmentent. Dexia est finalement un élément d’équilibre pour les finances publiques - même si les montants ne sont pas les mêmes ! Je souligne qu’une variation de taux de 0,1 % sur les prêts à dix ans amène un changement de 1,1 milliard dans le cash collateral que doit fournir Dexia. Lorsque les taux d’intérêt varient, même très peu, nous rencontrons donc immédiatement des problèmes de liquidités.

Nous avons à tout moment une réserve de 5 à 10 milliards en cash. Cette somme est déposée à la Federal Reserve, car paradoxalement la Banque centrale européenne (BCE) n’accepte pas nos dépôts. Nous suivons de près la gestion de ces réserves.

La pression prudentielle est de plus en plus forte, surtout en Europe, si l’on compare notre continent à l’Amérique et à l’Asie. Le Single Supervisory Mechanism – mécanisme de supervision unique, SSM – est une très bonne chose. Nous y figurons aux côtés de 119 autres banques internationales, mais cette présence est à nos yeux une erreur, dans la mesure où nous sommes en voie de résolution. Le Single Resolution Mechanism – mécanisme de résolution unique, SRM – vient d’être créé, et nous y serons plus à notre place. Nous avons en tout cas trouvé un modus vivendi avec les autorités prudentielles européennes, après de très longues discussions : la BCE a fini par accepter les solutions trouvées pour Dexia avec la Commission européenne en 2012.

Ce qui a été fait me paraît bon. Mais je redis que la pression réglementaire augmente.

J’en viens à l’évolution du bilan de Dexia. On s’attendrait à une décroissance continue mais, de façon surprenante, il augmente parfois. Nous respectons pour le moment la cadence prévue par le plan, avec la chute des actifs – cédés, vendus, remboursés par anticipation, etc. Nous sommes à peu près à une diminution de 150 milliards, auxquels il faut ajouter l’évaluation au prix du marché des dérivés inscrits à notre bilan, c’est-à-dire une trentaine de milliards : on arrive à 180 milliards environ. Ces montants sont ceux qui avaient été prévus il y a trois ans et demi. Notre bilan comprend ainsi la fair value – la juste valeur – des dérivés, ainsi que le cash collateral ; or ce dernier varie beaucoup, notamment en raison des variations importantes des taux de change. Pour ces raisons, notre bilan évolue également. Ce qui constitue son cœur – obligations et crédits – diminue d’environ 1 milliard par mois. Les dérivés sur ces mêmes lignes disparaissant peu à peu, on peut s’attendre à une lente diminution de notre sensibilité sur ce point.

Notre bilan en euros a également augmenté parce que nous détenons d’importantes réserves en dollars américains et en livres sterling.

Nos actifs sont bien notés, puisqu’à 88 %, ils sont considérés comme investment grade. Le risque est faible en moyenne, mais les risques sont concentrés. Les champions de DCL ont vraiment foncé… Ainsi, ils ont acheté des obligations émises par l’État d’Illinois, pour un milliard d’euros – alors qu’il n’existait aucune relation antérieure. Cette attitude téméraire d’accumulation d’actifs, à un rythme très soutenu de 60 à 80 milliards par an, conduisait la banque à sauter sur les débiteurs comme sur des proies. Lorsque des relations commerciales s’établissaient, c’était souvent avec des sommes d’emblée très conséquentes. Dans notre portefeuille, nous avons maintenant 110 contreparties environ sur lesquelles nous avons plus de 250 millions. Or les pertes normales d’une banque sont de l’ordre de 30 à 50 points de base sur la valeur nominale d’un portefeuille, et jusqu’à 100 points de base. Nous en sommes de 7 à 9 points de base seulement – notre risque est moindre, mais nous n’avons pas les marges de manœuvre d’une banque. Ces 7 à 9 points de base correspondent à 100 millions par an. Vous imaginez donc que nous sommes très sensibles à ces fortes expositions ; or souvent, pour celles-ci, il n’y a pas de garantie, car ces débiteurs étaient considérés comme tout à fait fiables. C’est le cas de la ville de Detroit (Michigan). Or dans un pays « sauvage » comme les États-Unis, le système judiciaire constitue pour les étrangers un véritable risque. Vous pouvez imaginer que, lorsque l’on organise la faillite d’une ville comme Detroit, on pense aux pompiers, aux policiers, aux employés municipaux… bien avant de penser à rembourser les banques étrangères qui ont été suffisamment bêtes pour prêter des centaines de millions de dollars.

Notre portefeuille est donc de bonne qualité, avec une perte de 100 millions d’euros en moyenne par an, soit, je le répète, un cinquième de ce que l’on constate dans d’autres banques. Mais ce portefeuille est trop concentré, et une seule faillite peut remettre en cause une année d’efforts.

Notre gestion de la liquidité est très prudente. Nous n’avons recours à la garantie des États qu’à hauteur de 60 milliards d’euros environ, bien en dessous du plafond de 85 milliards. L’encours a, au cours des années 2014 et 2015, pu augmenter très provisoirement. Ainsi, nous avons remboursé 56 milliards de dettes à Belfius, qui s’est donc libéré du risque représenté par Dexia – qui avait naturellement demandé l’aide de ses filiales. La dernière tranche a été remboursée en janvier-février 2015, au moment même d’ailleurs où la BCE nous demandait le remboursement de 13 milliards d’euros. L’encours diminue ensuite progressivement, à la cadence à laquelle nous pouvons utiliser nos actifs pour nous refinancer. Cette évolution devrait continuer.

Nous devons maintenant achever de rembourser la BCE, qui vient avant les États – nous essayons néanmoins de rembourser un petit peu les États, qui prennent des risques, contrairement à la BCE qui est extrêmement bien couverte, puisque nous avons déposé 30 milliards en garantie à la BCE pour 14 milliards utilisés. Les pauvres États, eux, sont les prêteurs en dernier ressort de Dexia. Nous essayons donc de trouver des compromis entre le remboursement des uns et des autres, et j’espère que l’on ne nous mettra pas en prison pour cela !

Le recours à la garantie des États a donc vocation à diminuer, surtout lorsque la BCE aura été remboursée.

Nos coûts de financement diminuent. Au troisième trimestre 2015, le refinancement de nos 250 milliards nous a coûté 138 millions, contre 349 millions au premier trimestre 2013. La diminution du coût du financement, mais aussi de nos frais, est le seul moyen qui nous permettra de rectifier le P&L de Dexia et de Dexia Crédit local.

Je souligne à nouveau que les contraintes prudentielles s’accentuent fortement, notamment en matière de produits dérivés, et que la baisse des taux nous joue des tours, puisque le cash collateral augmente tandis que nos fonds propres ne rapportent plus rien.

Avec le passage de Bâle II à Bâle III, notre ratio CET1 – Common Equity Tier I – est passé de 21,2 % à 16,2 %, et les actifs pondérés des risques sont passés de 47,3 à 56,3 milliards. C’est une forte augmentation ; parallèlement, nos fonds propres ont diminué, leur mode de calcul ayant changé. Notre plan de résolution ordonnée a été dressé en 2012 ; depuis, nous avons donc perdu 3 milliards de fonds propres tandis que le poids des risques augmentait de 11 milliards.

À long terme, notre bilan devrait continuer à se réduire, à un rythme plus lent puisque nous n’avons plus d’actifs à vendre. Du côté du passif, nous devrions notamment sortir du mécanisme de l’Eurosystème, comme nous l’avons vu, et nous prévoyons d’importants remboursements de financements garantis par les États.

J’en viens aux projections de solvabilité. C’est là que se trouve le risque des États, représenté dans le temps par une courbe en U. La sévérité de Bâle III vis-à-vis de Bâle II a fait diminuer ce risque. Deux composantes sont en compétition : la diminution des fonds propres par perte et la diminution des risques quoted assets par échéance ou parce que l’on est remboursé par les clients.

Si nous ne parvenons pas à diminuer les pertes de fonds propres, les États devront augmenter le capital. Ce n’est pas certain, mais il faut être prudent sur le long terme. Quand la ligne commence à augmenter, c’est que les pertes provoquent moins d’effritement des fonds propres que la diminution des actifs, et donc que la solvabilité augmente. Nous sommes là tributaires des pressions des régulateurs dans le sens du resserrement des règles. Je n’ai pas de boule de cristal pour savoir ce que les régulateurs feront. Nous faisons au mieux pour que cette ligne remonte. Le point bas est en 2017, mais nous disposons d’un « joker », avec l’entrée en vigueur de la règle de valorisation des actifs ou dérivés de banque IFRS 9, qui peut nous aider à davantage figer le bilan de Dexia et à augmenter la solvabilité parce que nous n’aurons plus à diminuer des fonds propres les réserves AFS (available for sale). IFRS 9 peut ainsi nous donner une poussée dans le dos.

Nous pensons poursuivre le plan comme prévu, même si ce sera parfois contre vents et marées, avec beaucoup d’incompréhension de la part de toutes les parties qui nous entourent. Ce sont au total dix-huit parties qui nous contrôlent, nous conseillent, nous questionnent, ont peur pour nous à notre place… Nous sommes la banque la plus contrôlée en Europe, mais c’est justifié car nous sommes aussi la banque en résolution la plus grande d’Europe.

M. le président Gilles Carrez. Merci beaucoup pour votre exposé à la fois lucide et franc.

La première question que nous nous posons, au nom du contribuable, que nous représentons, c’est de savoir si les garanties qui ont été accordées, par dizaines de milliards, par l’État français et l’État belge risquent d’avoir à jouer à un moment ou à un autre. Par ailleurs, l’État français a été conduit à recapitaliser à hauteur de pratiquement 4 milliards, sans oublier les 3 milliards de la Caisse des dépôts : cela sera-t-il suffisant, et, une fois que tout sera débouclé, reverra-t-on la couleur d’une partie de ces fonds propres ?

J’ai compris que vous étiez confrontés à un problème d’actif et de passif. Votre actif – tous les prêts qui restent dans le bilan de Dexia – est, selon votre propre expression, du « béton pur » : vous ne pouvez en sortir, et ces prêts n’ont de surcroît pas de garantie. Il faut donc croiser les doigts pour que les emprunteurs puissent rembourser. En revanche, le passif est beaucoup plus volatile, il faut le renouveler sans cesse aux conditions du marché, actuellement assez favorables, les taux d’intérêt étant bas, mais vous avez tout de même été obligés de vous couvrir en termes de swaps sur des hypothèses de taux plus élevées.

Vous constatez une perte d’une centaine de millions chaque année à cause d’emprunteurs, comme la ville de Detroit, qui ne remboursent pas ou remboursent en partie seulement, mais vous n’avez pas évoqué le fait que certains emprunteurs sont solvables et vous remboursent. Ces derniers ont, sur leurs prêts en cours, des taux d’intérêt probablement supérieurs aux taux actuels : le différentiel ne parvient-il pas à équilibrer les besoins que je viens d’évoquer ? Au vu de votre exposé, je doute malgré tout que l’État récupère une partie de la mise.

Enfin, je crois avoir compris que vous avez de grosses difficultés avec une réglementation beaucoup plus exigeante ainsi qu’avec la BCE. Les intérêts de la BCE et ceux des États français et belge ne sont guère convergents. La BCE se couvre parfaitement tandis que nous restons vulnérables.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. En octobre 2014, la BCE annonçait que Dexia n’avait pas satisfait aux tests de résistance – stress tests – conduits sur la base des comptes arrêtés au 31 décembre 2013. Qu’en est-il aujourd’hui ? La BCE a-t-elle refait des stress tests et la banque a-t-elle satisfait aux conditions posées par la BCE ?

Les banques affichent désormais, dans leurs rapports annuels, des stress tests, indiquant combien les établissements perdent dans différentes hypothèses d’augmentation des taux. Vous écrivez en page 20 de votre rapport annuel, du 30 juin 2015, que vous conduisez vous-mêmes des tests, mais vous ne publiez aucun chiffre. C’est dommage.

Grosso modo, vos risques de marché sont de 14 millions d’euros. À la page 19 du même rapport, nous lisons en effet : « La consommation totale de valuatrice s’élève à 14,4 millions d’euros fin juin 2015. » C’est le choc que la banque peut subir. Or, dans la deuxième colonne de la même page, vous écrivez que, si tous les taux augmentent de 1 % sur l’ensemble des maturités, le risque sur les taux est de 1,5 million d’euros. Ces deux chiffres ne me semblent pas concorder. Soit la valuatrice n’est pas calculée en intégrant le risque de taux, soit le risque de taux est très faible. La valuatrice reflète-t-elle vraiment les risques que vous portez ?

Vous avez une taille de bilan de 238 milliards, soit de 12 à 13 % celle de BNP Paribas, mais votre valuatrice est seulement trois fois moindre que celle de cette dernière. Toutes choses égales par ailleurs, vous avez donc trois fois plus de risques. Comment expliquez-vous cette différence ?

La France et la Belgique ont donné leur garantie. En regardant votre portefeuille, page 14, on voit que cela sert par exemple, pour plusieurs milliards d’euros, à assurer des prêts à des étudiants américains. Le contribuable français, si je force le trait, paye pour financer des prêts aux étudiants américains, et il est fort possible que certains de ces prêts ne soient pas remboursés. Comment pouvons-nous réduire notre exposition de l’autre côté de l’Atlantique ?

Enfin, il y a deux manières d’évaluer un portefeuille : par sa valeur de marché ou par une valeur théorique censée la représenter. En page 19, vous écrivez que votre portefeuille est classé comme disponible à la vente, « available for sale », mais vous n’en donnez pas le montant. Sur les 238 milliards, pourriez-vous préciser la décomposition entre ce qui est évalué au prix de marché et ce qui l’est sur la base d’un prix théorique, c’est-à-dire à partir de méthodes que nous ne connaissons pas et qui peuvent cacher des pertes et peut-être même des gains ?

M. Marc Goua. Vous avez parlé de la désensibilisation des prêts. Que pensez-vous du jugement du tribunal de Paris intervenu le 7 janvier, qui condamne une banque de façon un peu plus explicite que ne l’a fait le tribunal de grande instance (TGI) de Nanterre ?

Comme vous l’avez indiqué, les prêts les plus risqués ont été transférés à la SFIL. D’après certaines sources, Dexia aurait apporté une garantie et assumerait une co-responsabilité en cas de soucis de la SFIL. Le confirmez-vous ? Je ne suis pas parvenu à obtenir des informations précises à ce sujet. Quel est l’encours, aujourd’hui, des prêts dits risqués ?

M. Joël Giraud. Certaines collectivités n’en ont pas fini de vous poursuivre, quitte à se priver du fonds de soutien. La ville de Quiberon, dont les comptes sont plombés par des contrats toxiques, a décidé en décembre, à une large majorité du conseil municipal, de vous poursuivre, car, selon leurs calculs, en acceptant l’aide du fonds de soutien il leur restera toujours 4 millions d’euros à payer au titre des indemnités de remboursement anticipées, soit une dette de 227 000 euros annuels à vous verser jusqu’en 2034. La commune d’Angoulême est dans une situation semblable. Alors que l’État a tout organisé, ces dernières années, pour vous éviter le contentieux, comment interprétez-vous ces résistances locales et comment comptez-vous vous défendre ? Vous avez été condamnés face à la petite commune de Saint-Cast-le-Guildo, dans les Côtes d’Armor, le 30 juin, pour défaut de conseil, et non plus comme précédemment au motif des taux effectifs globaux. Cela va très probablement faire jurisprudence. Admettez-vous la réalité de ce défaut de conseil ? Ce point de vue contredit, au passage, la ligne de ceux qui, en séance comme en commission, ont toujours invoqué la responsabilité des élus locaux.

Devant le désastre financier qu’a représenté pour la France, mais aussi pour la Belgique, la crise Dexia, les dirigeants de la banque ont eu tendance à faire porter la responsabilité à la crise financière. Toutefois, la Cour des comptes avait pointé une faiblesse de la gouvernance ainsi que des défaillances de la régulation et de la supervision, et regretté les avantages financiers accordés aux dirigeants de Dexia à la suite du sauvetage public. Moins clair est le devenir des autres salariés. Avez-vous pu, dans le cadre de la simplification de gouvernance actée par votre conseil d’administration en décembre, avancer sur ce sujet ? Qu’en est-il notamment de l’externalisation de certaines de vos activités de marché, qui concernerait jusqu’à 150 salariés ?

Mme Véronique Louwagie. Nous avons bien noté l’harmonisation des comités de direction de Dexia SA et Dexia Crédit local SA. Cette modification aura-t-elle un impact sur la feuille de route dans les mois et années à venir ?

Vous avez évoqué la situation de l’informatique, avec les difficultés posées par des mécanismes différents et l’absence d’harmonisation, et vous avez indiqué que ces difficultés étaient en voie d’être surmontées. D’autres points nécessitent-ils une harmonisation ? Je m’étonne, notamment, qu’il reste encore, dans cette période de liquidation, 660 collaborateurs en France. D’autres harmonisations sont-elles encore possibles sur des postes différents ?

Comme vous l’avez souligné, la diminution des fonds propres par perte n’est pas du tout la même chose que la diminution des fonds propres par réalisation. Pouvez-vous nous donner des montants sur la première, pour ces dernières années, car j’imagine que ce sont ces diminutions-là qui ont conduit aux appels de soutien, à hauteur de 4 milliards ? Ces montants sont-ils supérieurs à 4 milliards ?

M. Alain Rodet. Connaissez-vous le montant exact des sommes attribuées à MM. Miller et Richard, et de quand datent vos dernières relations financières avec eux ?

M. Alain Fauré. Vous avez évoqué un plan de résolution ordonnée au lieu d’un plan de liquidation ; c’est une situation spécifique qui a été créée pour Dexia. La possibilité que Dexia puisse revenir à des activités bancaires est-elle envisagée ? Par ailleurs, comment les 37 000 collaborateurs de Dexia ont-ils été traités au cours de ces dernières années ? Ils ne sont plus que mille et quelque aujourd’hui. Quels plans les ont accompagnés ? Ont-ils été réorientés vers les activités de La Banque postale, par exemple ?

M. Karel De Boeck. En octobre, madame la rapporteure générale, quatorze stress tests ont été conduits, que nous avons ratés de très peu, de l’ordre de 200 millions, sur 10 milliards. Au vu de ce faible montant, la BCE/SSM n’a pas souhaité nous imposer de nouvelles contraintes ou conditions d’augmentation de capital. Il faut également souligner que les stress tests s’appliquent à des banques en continuité plutôt qu’à des banques en résolution ordonnée. Nous avons dû par exemple dresser une évolution de bilan comme si nous pouvions encore faire de nouvelles affaires. Or il est totalement exclu que Dexia, DCL ou n’importe quelle entité qui n’a pas été vendue à ce stade – à l’exception d’une filiale en Israël – revienne sur les marchés.

Sommes-nous exempts de stress tests à l’avenir ? Nous le sommes probablement pour toujours, étant donné que la BCE a accepté le plan que Dexia a présenté à la mi-2012 avec la Commission européenne. Nous avons dû nous battre pour qu’il en soit ainsi. Nous avons montré que, si tous les actifs de Dexia étaient vendus immédiatement, la perte serait de 35 à 50 milliards, alors que les débiteurs sont de qualité et qu’attendre peut avoir un sens, qu’il existe des solutions présentant des pertes bien moindres qu’une liquidation immédiate ou une résolution en deux ou trois ans comme le prône souvent la Commission européenne.

Mme la rapporteure générale. Par rapport à une perte de 35 à 50 milliards, à combien s’élève la perte que vous envisagez dans votre business plan ? C’est ce qui répondrait à la question du président Gilles Carrez.

M. Karel De Boeck. Le plan prévoit des pertes au niveau du P&L. Si je me fie à dix centimes de perte, qui est l’hypothèse de base, sur 150 milliards, au terme de vingt-cinq ou trente ans, cela fait 2 ou 3 milliards. Cela viendra manger les fonds propres mais en même temps les actifs diminuent aussi.

M. Robert de Metz. Il faut distinguer ce qui est en cash, l’argent qui sort, de ce qui est dans les comptes. La masse dérivée que nous avons ainsi que la volatilité des marchés sont tellement importantes que nous présentons les résultats entre ce qui est récurrent, ce qui est exceptionnel, parce qu’il n’y a pas de raison que cela se reproduise, et ce qui est de la volatilité comptable, c’est-à-dire l’application pure et simple de règles complexes et volatiles. Comme cela s’applique à des masses énormes, nous serons vraisemblablement cette année à l’équilibre, alors que ça n’a pas de sens.

Mme la rapporteure générale. Quand la valeur des dérivés bouge, vous êtes obligés de prévoir du collatéral, c’est-à-dire d’aller chercher du cash. Vous l’empruntez et, même si les taux sont bas, cela vous coûte de l’argent : à la fin de la journée, vous déboursez de l’argent sonnant et trébuchant, ce qui affecte votre résultat et, par conséquent, mange les fonds propres pour lesquels il y a eu recapitalisation. En tant que législateur, nous sommes comptables des deniers publics et nous avons donc besoin de savoir quelle part des 4 milliards l’État français peut s’attendre à revoir.

M. Robert de Metz. La réponse courte est que nous n’avons normalement pas besoin de vous solliciter de nouveau. Notre plus grosse consommation de fonds propres depuis trois ans n’a pas été due à nos pertes mais aux contraintes réglementaires supplémentaires. La plupart des banques parviennent plus ou moins à résorber ces contraintes parce qu’elles peuvent trouver de nouveaux actionnaires, de nouvelles recettes, mais de nouvelles recettes nous sont interdites et cela ne nous permet pas de trouver de nouveaux actionnaires.

Mme la rapporteure générale. La BCE n’a-t-elle pas accepté d’admettre qu’une banque en résolution pouvait se voir appliquer un régime particulier pour l’application des normes prudentielles ?

M. Robert de Metz. C’est une excellente question. Elle ne l’a pas accepté sous cette forme parce que les textes ne le lui permettent pas. Le dispositif de surveillance et de résolution a été prévu sans tenir compte du cas de Dexia, transfrontalier et avec des garanties des États. Nous avons essayé de convaincre ces autorités qu’il serait pertinent que Dexia bénéficie d’une espèce de clause de faveur, mais celle-ci nous a été explicitement refusée en tant que telle pour des raisons juridiques ; ces autorités ont néanmoins admis que nous pouvions bénéficier de certaines dérogations. La seule sur laquelle elles restent intransigeantes – ce qui pourrait nous amener à revenir vous voir –, c’est le ratio de fonds propres. Cependant, nous avons pour l’instant une importante marge de sécurité sur ce ratio.

J’en profite pour indiquer que le mécanisme de résolution mis en place au niveau européen est totalement en contradiction avec la situation de Dexia, puisque sa logique est de faire recapitaliser une banque en difficulté par ses actionnaires, puis de prendre une partie des créances que ses créanciers lui ont consenties et de la remettre sur le marché. Si nous appliquons cette règle, comme nous n’avons d’autres actionnaires que les États, et que les créances sont garanties par les États, ce bail in – la transformation d’une partie des dettes en capital – signifierait une contribution directe des contribuables à la recapitalisation de la banque.

Mme la rapporteure générale. Si ce mécanisme de bail in ou bail out était appliqué, combien devrait apporter l’État actionnaire ?

M. Robert de Metz. Jusqu’à 8 % du total des dettes pondéré, soit 4 milliards, mais nous essayons de faire comprendre aux nouvelles autorités que nous méritons un traitement particulier, en raison de notre structuration, antérieure à la nouvelle loi.

M. Karel De Boeck. Nous sommes entre le SSM et le SRM, les banques vivantes et les banques en résolution. Un bail in sur les dettes garanties par les États est à exclure. On ne peut pas aller demander aux personnes privées de 20 % de remboursements de Dexia de souscrire à de nouvelles émissions. Ce qu’il est important pour le législateur de savoir, c’est qu’une petite augmentation d’un milliard peut en sauver soixante. Ce n’est pas ce que je préconise, et nous allons faire le maximum pour l’éviter, mais il existe un énorme leverage du capital sur les risques des États pour éviter ce genre de scénario catastrophique car un bail in, pour Dexia, c’est la faillite assurée le lendemain. C’est ce que nous avons expliqué à Francfort, mais la BCE a du mal, avec nous : il existe, selon elle, un risque juridique énorme de précédent.

En ce qui concerne la valeur théorique des portefeuilles, elle est actuellement autour de 22 milliards. Cela va changer avec l’IFRS 9, car nous pourrons geler certains actifs, alors que les réserves AFS représentent aujourd’hui une sous-évaluation dans les livres.

La gouvernance simplifiée résulte d’un putsch que j’ai conduit en 2013 et dont je suis extrêmement content. Cela a duré cinq minutes au conseil. Il était déjà clair, début 2013, que des comités de direction à deux niveaux n’avaient plus de sens. J’ai mis un peu d’ordre dans les structures de la société, les règles de priorité et de décision, la comitologie.

Il ne reste pas d’autre point d’harmonisation pour l’informatique, sauf la mise sur les mêmes châssis de toute l’IT, ce qui nous prendra jusqu’à fin 2017. Il a été fait allusion à l’outsourcing vers une banque de la place, culturellement proche et champion mondial dans le domaine : nous passerons probablement un accord avec la Société générale pour qu’ils prennent en charge l’opérationnel de nos activités de marché.

Je dis à mes Français qu’ils ne doivent pas trop se plaindre car ils vont centraliser toute l’informatique – sauf la partie externalisée à la Société générale dans les marchés financiers –, alors que ces activités vont disparaître au niveau des entités étrangères. Elles resteront un peu en France, où elles créeront des emplois pérennes : une cinquantaine de personnes seront reprises par la Société générale. C’est le moindre mal pour les Français.

Les pauvres Français subissent-ils le risque des prêts étudiants aux États-Unis ? La réponse est oui, mais les Belges en portent plus de la moitié. C’est quelque chose de triste, mais ça l’est encore plus pour les Belges que pour les Français. Cela vous explique pourquoi la Belgique réagit parfois comme elle le fait.

Nous nous sommes longtemps demandé s’il fallait s’attaquer à MM. Miller et Richard. Normalement, c’est au marché de le faire, mais aucun mouvement d’attaque vis-à-vis de l’ancien management n’est venu des marchés, des actionnaires ou des investisseurs qui se sentiraient lésés… Dans tous les autres cas, il y a des dizaines de procès. La bêtise ne relève pas du droit pénal. Robert de Metz a tout de même essayé de faire un certain nombre de choses. L’État français a réintégré les personnels issus de la fonction publique et en a même promus : il a été un très mauvais exemple.

M. Pierre Vérot, directeur de la gestion de l’encours. M. Goua a mentionné un jugement rendu contre une banque allemande en extinction progressive. Ce jugement concerne une commune située dans le département de la Mayenne et renvoie à une médiation. Je ne peux pas commenter un jugement qui a trait à une collectivité qui n’est pas cliente de Dexia et qui ne concerne donc en rien Dexia. La médiation est sans doute une bonne décision. Je crois d’ailleurs que l’intention du législateur est de favoriser la médiation dans le règlement des affaires.

M. Giraud a cité le nom de trois communes, une dans les Côtes-d’Armor, une autre dans le Morbihan et la dernière en Charente. Aucune de ces communes n’est cliente de Dexia, et elles ne doivent rien à Dexia. Les prêts qu’elles ont souscrits l’ont été auprès d’une filiale que nous avons vendue il y a trois ans pour un euro sans recours. En vendant cette filiale dans ces conditions décidées entre les États et validées par la Commission européenne, Dexia a fait une perte de 1,8 milliard. Nous ne pouvons pas traiter avec ces communes ni intervenir sur des prêts qui ne sont pas à notre bilan.

M. Karel De Boeck. Dexia n’a pas apporté de garanties à la SFIL. Cela a été libellé ainsi dans le SPA (sell and purchase agreement). La société, avec un capital de 1,8 milliard, a été vendue pour un euro – et en fait moins 40 millions d’euros, car le split informatique était aux frais de Dexia – avec les garanties usuelles dans des transactions à prix symbolique. C’est le texte du MOU (memorandum of understanding). Le texte du SPA est bien plus compliqué mais cela revient à cela. Quand on vend une société avec une perte de 1,8 milliard à l’État français, on ne donne pas des garanties en plus.

Nous avons des problèmes de coopération avec la SFIL, ce qui est dommage. Dans cette histoire des crédits désensibilisés, la France a consenti un effort énorme. Je dirai tout de même ceci : nous avons été confrontés à un monde d’amnésie et d’hypocrisie. Nous n’avons jamais réveillé un maire le samedi à cinq heures du matin pour demander sa signature ! La France a une très bonne organisation administrative.

M. le président Gilles Carrez. Je le répète inlassablement : nos élus, dès qu’ils sont bardés d’une écharpe tricolore, se croient omniscients. On ne me fera jamais croire que l’exécutif d’une commune, même moyennement importante, et a fortiori celui d’un conseil général, qui a emprunté selon des formules indexées sur le franc suisse, par exemple, n’était pas conscient qu’il ne paye pas son personnel et ses fournisseurs en francs suisses. Dans n’importe quelle entreprise privée, quand on a des transactions sur une monnaie étrangère, on pratique des couvertures. J’ai toujours été réservé sur la création de ce fonds, car j’estime qu’on ne peut à la fois revendiquer la responsabilité, la compétence, la décentralisation des exécutifs locaux, et s’exonérer de ses responsabilités dès que ça va mal, en en appelant à l’État. C’est trop facile.

M. Jérôme Lambert. Je comprends votre point de vue, monsieur le président, mais on peut aussi s’étonner qu’une grande banque ait pu manquer à ce point au devoir de conseil à l’égard de ses clients. Peut-être que l’on peut reprocher à ces clients d’avoir souscrit à une offre, mais cette offre a bien été proposée, par des gens qui eux aussi auraient dû agir en responsabilité. Écarter la question en indiquant que la filiale n’appartient plus à Dexia est un raccourci qui manque d’élégance. Nous pourrions nous parler et dire pourquoi les choses se sont passées ainsi.

M. Joël Giraud. Le jugement du 26 juin du TGI de Nanterre a retenu le défaut d’information d’une banque qui s’appelait Dexia Crédit local, dans le litige qui oppose la commune de Saint-Cast-le-Guildo et la CAFFIL.

M. Karel De Boeck. D’accord, mais nous n’avons pas donné de garanties. Il y aura d’autres jugements, car nous resterons avec 300 millions de crédits sensibles posant problème, pour lesquels il n’y a pas de fonds et où nous serons seuls. C’est la situation à laquelle je m’attends à la fin de l’année prochaine.

M. Marc Goua. Je suis d’accord qu’il faut donner du temps au temps. C’est ce message qu’il convient de faire passer car nous avons parfois le sentiment que l’on veut nettoyer la situation rapidement, peut-être au détriment de la meilleure solution.

M. Jean Lassalle. En tant qu’élu local et maire, j’ai travaillé de très nombreuses années avec Dexia, qui n’a pas été remplacée à ce jour. Je n’ai jamais eu le sentiment, en travaillant avec eux, qu’ils faisaient les choses à la légère. Nous étions dans une relation de confiance mutuelle.

On a proposé à Dexia, dans une situation extrêmement difficile, d’être recapitalisée par des États qui n’en avaient pas les moyens : cela revient bien à cela, puisque nous nous sommes rendu compte que ça ne pouvait pas marcher. Il faut qu’à quelque chose malheur soit bon ; nous devons en tirer les leçons en ce qui concerne les structures à mettre en place, notamment dans le monde de la finance, qui nourrit tant de méfiance parmi nos concitoyens. Il faut trouver des systèmes beaucoup plus simples et compréhensibles.

M. le président Gilles Carrez. Je vous remercie de cette audition extrêmement intéressante et animée. J’apprécie que l’expression soit aussi libre.

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Informations relatives à la commission

1. La commission a reçu en application de l’article 12 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) :

– un projet de décret de transfert de crédits d’un montant de 176 359 euros en autorisations d’engagement (AE) et en crédits de paiement (CP), des programmes 163 Jeunesse et vie associative de la mission Sport, jeunesse et vie associative, et 167 Liens entre la Nation et son armée de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation à destination du programme 175 Patrimoines de la mission Culture.

Les annulations se répartissent de la façon suivante :

– programme 163 : 50 000 euros en AE et CP ;

– programme 167 : 126 359 euros en AE et CP.

Les ouvertures se répartissent de la façon suivante :

Ces transferts correspondent au remboursement de l’avance consentie par le ministère de la culture et de la communication pour le coût de la cérémonie de panthéonisation du 27 mai 2015 conduite par le Centre des monuments nationaux (CMN) ;

– un projet de décret de transfert de crédits d’un montant de 240 000 euros en autorisations d’engagement (AE) et en crédits de paiement (CP), du programme 205 Sécurité et affaires maritimes, pêche et aquaculture de la mission Écologie, développement et mobilités durables à destination du programme 162 Interventions territoriales de l’État de la mission Politique de territoires.

Le chlordécone est un pesticide qui a fortement pollué les eaux littorales de la Martinique et de la Guadeloupe, rendant les produits de la pêche impropres à la consommation. L’abondement proposé vient compléter les dispositifs mis en œuvre pour indemniser les pêcheurs frappés par l’interdiction de pêche à proximité des côtes ;

– un projet de décret de transfert de crédits d’un montant de 649 000 euros en autorisations d’engagement (AE) et en crédits de paiement (CP), du programme 124 Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances et du programme 141 Enseignement scolaire public du second degré de la mission Enseignement scolaire et à destination du programme 147 Politique de la ville de la mission Politique des territoires.

L’Agence nationale de rénovation urbaine (ANRU) a été retenue en 2010 comme opérateur de l’État pour mettre en œuvre plusieurs actions du programme d’investissements d’avenir (PIA). La convention financière du 14 janvier 2015 entre l’État et l’ANRU relative au programme d’investissements d’avenir prévoit à cet effet les modalités de mise à disposition des moyens nécessaires à l’exécution de la mission de l’ANRU dans le cadre du PIA en garantissant l’étanchéité budgétaire entre ces programmes et les autres missions de l’opérateur. Cette convention prévoit notamment que pour l’année 2015, trois ETP soient à la charge du ministère de la ville, de la jeunesse et des sports et que six ETP soient à la charge du ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Cette prise en charge se traduira par des transferts de crédits dont les montants ont été fixés après échanges entre les services des ministères compétents.

Les annulations se répartissent de la façon suivante :

– programme 124 : 130 000 euros en AE et CP.

– programme 141 : 519 000 euros en AE et CP.

Les ouvertures se répartissent de la façon suivante :

– programme 147 : 649 000 euros en AE et CP.

2. La commission a reçu en application de l’article 14 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) un projet de décret portant annulation de crédits d’un montant de 2 444 304 011 euros en autorisations d’engagement (AE) et 1 917 487 euros en crédits de paiement (CP).

Ce mouvement à caractère technique vise à rembourser des trop-perçus sur fonds de concours. Il concerne les programmes suivants :

– programme 175 Patrimoines pour un montant de 65 460 euros et AE et CP ;

– programme 181 Prévention des risques, pour un montant de 75 318 euros en AE et CP ;

– programme 178 Préparation et emploi des forces pour un montant de 6 794 euros en AE et CP ;

– programme 146 Préparation et emploi des forces pour un montant de 124 127 euros et AE et CP.

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Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mercredi 13 janvier 2016 à 9 h 30

Présents. - M. Éric Alauzet, M. François André, M. Guillaume Bachelay, M. Dominique Baert, M. Jean-Marie Beffara, Mme Karine Berger, M. Jean-Claude Buisine, M. Christophe Caresche, M. Gilles Carrez, M. Christophe Castaner, M. Gaby Charroux, M. Jérôme Chartier, M. Pascal Cherki, M. François Cornut-Gentille, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Olivier Dassault, M. Alain Fauré, M. Olivier Faure, M. Marc Francina, M. Jean-Louis Gagnaire, M. Joël Giraud, M. Jean-Pierre Gorges, M. Marc Goua, Mme Arlette Grosskost, M. Régis Juanico, M. Jérôme Lambert, M. Jean-François Lamour, M. Jean Lassalle, M. Jean Launay, M. Dominique Lefebvre, M. Marc Le Fur, Mme Véronique Louwagie, M. Hervé Mariton, M. Pierre-Alain Muet, M. Patrick Ollier, M. Michel Pajon, Mme Christine Pires Beaune, Mme Valérie Rabault, Mme Monique Rabin, M. Camille de Rocca Serra, M. Alain Rodet, Mme Eva Sas, M. Michel Vergnier, M. Éric Woerth

Excusés. - M. Alain Claeys, M. Romain Colas, M. Henri Emmanuelli, M. Christian Estrosi, Mme Aurélie Filippetti, M. Jean-Claude Fruteau, M. Patrick Lebreton, M. Victorin Lurel, M. Jean-Paul Tuaiva, M. Philippe Vigier

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