Accueil > Travaux en commission > Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République > Les comptes rendus

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Voir le compte rendu au format PDF

Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Mardi 3 février 2015

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 41

Présidence de M. Jean-Jacques Urvoas, Président

– Audition de Mme Marylise Lebranchu, ministre de la Décentralisation et de la fonction publique, et de M. André Vallini, secrétaire d’État à la Réforme territoriale, sur le projet de loi, adopté par le Sénat, portant nouvelle organisation territoriale de la République et examen de ce projet (M. Olivier Dussopt, rapporteur) (n° 2529)

La séance est ouverte à 16 heures 30.

Présidence de M. Jean-Jacques Urvoas, président.

La Commission procède à l’audition de Mme Marylise Lebranchu, ministre de la Décentralisation et de la fonction publique, et de M. André Vallini, secrétaire d’État à la Réforme territoriale, sur le projet de loi, adopté par le Sénat, portant nouvelle organisation territoriale de la République.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Nous commençons l’examen d’un texte sur lequel, mes chers collègues, vous avez eu l’inventivité de déposer plus de 1000 amendements… Selon toute probabilité, nous poursuivrons donc nos travaux jusqu’à jeudi après-midi ou soir ; aussi ne saurai-je trop vous inviter à la concision.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la Décentralisation et de la fonction publique. Je serai brève, le nombre d’amendements attestant que le projet de loi a été bien décortiqué ; simple et clair, il constitue le troisième volet de la réforme territoriale voulue par le Gouvernement, après la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, dite MAPTAM, et la loi relative à la délimitation des régions.

Par ailleurs, les lois relatives à la formation professionnelle et à l’enseignement supérieur et à la recherche ont déjà fait entrer dans notre droit un certain nombre de mesures de décentralisation, dont le présent texte, par conséquent, ne traite pas.

Ce projet de loi repose sur plusieurs axes majeurs. Le premier est la concentration des collectivités sur leurs compétences essentielles, avec la suppression de la clause générale de compétence pour les régions et les départements, justifiée à nos yeux par l’émergence d’une « société du contrat ». Le deuxième touche aux régions, et plus précisément à l’aménagement, aux infrastructures et à l’économie. Le troisième, au niveau départemental, réside dans la solidarité pour tous les âges de la vie et dans la solidarité territoriale, afin d’aider les intercommunalités ou les communes en difficulté. Les départements pourront en outre mettre en œuvre les compétences déléguées par les grandes régions pour assurer davantage de proximité, nonobstant les aides directes aux entreprises, qui font l’objet de nombreux amendements.

Il s’agit aussi de renforcer les régions à travers deux schémas intégrateurs : le schéma régional d’aménagement et de développement durable du territoire (SRADDT), qui regroupe tous les autres schémas – généralement peu lus –, ce qui est une innovation considérable, et le schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation (SRDEII), qui inclut les aides directes et fait l’objet de nombreux fascicules. Le texte vise également à assurer aux régions un pouvoir réglementaire d’adaptation aux réalités du territoire, conformément à l’engagement pris par le président de la République dans son discours de Dijon le 3 mars 2012.

Les régions, qui n’auront plus qu’un seul régime d’aide aux entreprises, devront se spécialiser sans entrer en concurrence : elles pourront entrer au capital des entreprises en difficulté ou conditionner leurs aides, afin que celles-ci aillent bien aux entreprises qui créent de la valeur et non à celles dont les déménagements répondent à une logique de dumping territorial ; elles auront, avec les métropoles, un rôle d’animation des pôles de compétitivité.

Elles seront aussi les autorités organisatrices de toutes les formes de mobilité, qu’il s’agisse des transports interurbains, scolaires, à la demande – potentiellement délégués – ou ferrés. Cela s’accompagnera par un renforcement des intercommunalités et une rationalisation des syndicats de communes – dont le budget, je le rappelle, atteint 17 milliards d’euros, dont 9 milliards d’euros pour les dépenses de fonctionnement –, avec une nouvelle carte intercommunale et des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) plus larges et aux compétences plus intégrées.

Un seuil de 20 000 habitants a été fixé – qui fera certainement débat –, moyennant des adaptations en fonction de la densité et de la topographie. Les retours de terrain nous autorisent à penser que ce seuil s’installe dans les esprits : il faut donc avancer avec pragmatisme.

Il nous faut abandonner toute dichotomie entre cœur vivant et périphéries : notre pays se compose de territoires vivants à qui l’État doit l’équité territoriale. Nous devons faire davantage pour les territoires les plus éloignés des services et des équipements, et rendre l’accès aux services aussi simple et aussi égal que possible : le Premier ministre l’a rappelé avec les mots qui sont les siens, et qui nous interpellent.

Le Sénat a singulièrement modifié l’économie générale du projet de loi, tout d’abord en faisant de l’économie une compétence exclusive dans le code général des collectivités territoriales, mais en supprimant toute clarification dans les faits puisque le texte contourne la suppression de la clause générale de compétence. La Haute Assemblée a également renoncé à toute ambition en matière de rationalisation intercommunale, tant dans la carte que dans les nouvelles compétences ; s’appuyant sur les ouvertures faites par le Premier ministre, elle a détricoté le texte pour le transformer en profondeur.

Avec six commissions saisies à l’Assemblée dans un délai très court, vous avez effectué un travail titanesque, pour lequel je remercie votre rapporteur ainsi que l’ensemble des rapporteurs pour avis. Vous avez formulé des propositions nouvelles ; le Gouvernement travaille d’arrache-pied pour les prendre en compte, même s’il n’a pas pu répondre encore à chacune d’elles. On a pu nous reprocher un manque de diligence, mais vouloir faire vite n’est pas toujours le meilleur gage d’efficacité : le travail se poursuivra donc jusqu’à l’examen en séance. Des opérateurs locaux du retour à l’emploi jusqu’à la carte scolaire des lycées, en passant par les langues régionales et la biodiversité, de nombreuses propositions ont en tout cas été déposées sur le bureau de votre Commission. Nous restons bien entendu à votre écoute pour mener à bien cette réforme structurelle qui, pour être difficile, n’en poursuit pas moins un objectif clair : le parachèvement de la carte intercommunale et le passage au XXIe siècle, autrement dit le choix d’une société du contrat et de la coopération plutôt que du jacobinisme et de la concurrence stérile. Nous avons en somme à inventer, et je gage que nous y parviendrons, une égalité républicaine adaptée à la diversité des territoires.

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Dans sa déclaration de politique générale du 8 avril 2014, le Premier ministre a souligné combien la réforme de notre organisation territoriale et la clarification des compétences s’imposaient comme des réformes structurelles majeures pour l’efficacité de l’action publique et pour notre capacité collective à en maitriser le coût. Le projet de loi s’inscrit dans cet objectif ; il fait suite à un premier texte qui avait permis l’affirmation du fait métropolitain en dotant nos métropoles d’un cadre juridique nouveau tout en leur conservant – à l’exception de Lyon – le caractère d’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, ce qui évitait l’ajout d’un niveau supplémentaire d’action publique locale. À l’occasion de l’examen de ce texte, nous avions aussi renforcé le statut et les compétences des EPCI, en particulier des communautés urbaines.

Ce texte, dit « loi MAPTAM », a aussi permis d’ouvrir le chantier de la clarification des compétences en donnant du sens à la notion de chef de file prévue par la Constitution, et en créant les conférences territoriales de l’action publique, qui permettront aux élus locaux, dans chaque région, de procéder à des adaptations aux réalités locales s’agissant de l’affectation de certaines compétences comme de la mise en œuvre des politiques publiques, bien entendu dans le cadre fixé par le législateur.

Un autre projet de loi a été adopté en décembre dernier, organisant le regroupement des régions afin de leur donner une taille susceptible d’améliorer l’efficacité de leur action. Il a été promulgué il y a quelques semaines, après sa validation par le Conseil constitutionnel.

Aujourd’hui le Gouvernement nous propose d’aller plus loin et ce, dans deux directions. D’une part, le projet de loi revient sur la clause de compétence générale afin de clarifier les compétences respectives des régions et des départements et d’éviter toute entrave ou toute concurrence entre chacune de leurs spécialisations. D’autre part, le Gouvernement entend donner à l’intercommunalité une nouvelle dimension en organisant une mise en conformité des périmètres des communautés de communes et des communautés d’agglomération avec les bassins de vie, mais également en intégrant de nouvelles compétences dans le champ de leurs compétences obligatoires et en encourageant l’intégration d’autres compétences, comme celles exercées aujourd’hui par certains syndicats intercommunaux. Cela, précisons-le d’emblée, ne signifie pas la suppression de tous les syndicats, même si nous devons nous pencher sur leur nombre : 13 000, pour un budget de 17 milliards d’euros par an. Le chantier est donc vaste et ne doit, à mon sens, poursuivre qu’un seul objectif : doter notre pays d’une organisation territoriale clarifiée, plus efficace et mieux à même d’assurer la solidarité et l’égalité entre les territoires.

Avant d’en venir aux travaux du Sénat et à mes amendements, je veux évoquer un point qui fait couler beaucoup d’encre : l’avenir des départements, dont on s’est même demandé s’il était opportun de les maintenir. Le débat a porté aussi sur les conditions dans lesquelles il fallait, le cas échéant, organiser cette disparition, et sur notre capacité à les atteindre dans un contexte de forte tension sur les finances publiques, mais aussi de difficultés économiques et sociales qui rendent nécessaire un fonctionnement stable de nos outils d’action sociale. On a aussi évoqué la modification du paysage institutionnel avec la création de grandes régions, dont la taille exige le maintien d’un niveau intermédiaire avec les intercommunalités, du moins tant que celles-ci n’auront pas vu leur taille moyenne progresser et leurs compétences être renforcées.

Le Premier ministre et le président de la République ont tenu compte de tous ces éléments, et ont affirmé le maintien des départements dans leur forme actuelle. Ils en ont également rappelé l’utilité en matière de solidarité, tant entre les individus qu’entre les territoires, ce qui d’ailleurs se traduit par l’affirmation de compétences nouvelles au titre des solidarités territoriales, de l’ingénierie, de l’accès aux services ou de l’aide aux communes : autant de domaines d’intervention qu’il nous faudra préciser.

Nous devrons avoir un débat sur l’évolution des départements, mais il ne sera pertinent qu’une fois stabilisé le fonctionnement des grandes régions et assurée la montée en puissance des intercommunalités. Il n’y a, cela a été rappelé, que sur les territoires couverts par les métropoles que nous pouvons anticiper ce débat ; le projet de loi tend d’ailleurs à organiser des délégations de compétences des départements vers les métropoles dès 2017 et 2018.

Enfin, je veux vous faire part de mon état d’esprit quant aux modifications apportées par le Sénat et vous présenter la philosophie générale de mes amendements. Le Gouvernement a, sur le premier point, exprimé son vœu d’une convergence des deux assemblées. C’est un souhait que je partage, aussi mes amendements poursuivent-ils un double objectif : d’une part, retrouver l’ambition initiale du texte en matière de clarification des compétences et de renforcement du fait régional, mais jamais de manière manichéenne et brutale, nombre de suggestions du Sénat méritant considération ; d’autre part, sur des sujets tels que le nombre minimum d’habitants pour les intercommunalités, tracer le chemin d’un compromis permettant à la fois l’affirmation de ce niveau d’action publique et la prise en compte des particularités territoriales dans la fixation des seuils.

Dans cette optique, je veux interroger le Gouvernement sur plusieurs points. En ce qui concerne la suppression de la clause de compétence générale des régions et des départements, nous voyons combien les différentes collectivités résistent à la spécialisation de leurs actions. Le tourisme est un secteur dont le partage fait débat ; même le « chef de filat » régional est contesté. Quelle est la position du Gouvernement sur ce sujet ?

Le Gouvernement semble avoir renoncé à transférer la gestion des collèges des départements aux régions : pouvez-vous nous le confirmer ? Par ailleurs, faites-vous un lien entre cette question et les transports scolaires ?

S’agissant des SRADDT et des SRDEII, nombreux sont les élus locaux qui craignent un cadre trop rigide. Quelles garanties pouvons-nous leur apporter ? Quel sera leur degré d’opposabilité ?

Sur la révision de la carte intercommunale, je proposerai de rétablir le seuil de 20 000 habitants, bien entendu en dehors des zones de montagne et des territoires insulaires : pour les territoires ruraux faiblement peuplés, le seuil applicable pourrait dépendre de la densité démographique du département. Le Gouvernement serait-il favorable à ce dispositif, ainsi qu’à l’idée d’accorder un délai aux intercommunalités issues d’une fusion récente ?

Les auditions préparatoires ont montré que la perspective d’une remise en chantier de la carte intercommunale suscite des craintes chez les personnels. Aussi proposerai-je des garanties pour éviter que des EPCI à fiscalité propre se retrouvent dissous et non fusionnés, comme le prévoit le texte, et pour s’assurer que les agents suivent les compétences redistribuées, en lieu et place d’un reversement aux anciennes communes membres. Le Gouvernement pourrait-il approuver cette démarche ?

Sur la métropole du Grand Paris, le texte du Sénat fournit une bonne base de discussion mais reste muet s’agissant des effets sur les mécanismes de péréquation, à la fois entre communes de la métropole, mais aussi vis-à-vis du reste de l’Île-de-France. Le Gouvernement entend-il avancer sur ce sujet, et ainsi donner suite à plusieurs amendements de nos collègues ?

En matière de solidarité et de cohésion territoriale, nous envisageons de rétablir les articles 25 et 26 du projet de loi, d’associer plus étroitement les départements à l’élaboration des schémas d’accessibilité des services – que devront prendre en compte les conventions conclues au titre des maisons de services au public prévues à l’article 26 – et de faire intervenir les conférences territoriales de l’action publique (CTAP) dans le suivi de la mise en œuvre de ces schémas. Quelle est la position du Gouvernement sur ce point ?

Par ailleurs, dans le domaine de la lutte contre la fracture numérique, tout en suggérant un retour au dispositif initial du Gouvernement sur les fonds de concours, je crois souhaitable d’étendre la période de versement de ces fonds à vingt ans, contre dix initialement prévus – portés à trente par le Sénat –, au regard de la durée d’amortissement et pour tenir compte des observations recueillies lors des auditions. Le Gouvernement en serait-il d’accord ?

Concernant la possibilité d’action récursoire de l’État contre les collectivités territoriales en cas de condamnation par la Cour de justice de l’Union européenne, le Gouvernement a déposé un amendement rétablissant l’article 33 dans sa rédaction initiale, sans tenir compte de l’inquiétude qu’il soulève chez les élus locaux : pouvez-vous, madame la ministre, leur apporter des garanties sur les limites à ces actions et sur le champ exact des fonds européens visés par le remboursement de pénalités ou d’amendes ? À défaut, cet amendement ne pourrait-il être examiné en séance ?

Mme la ministre. Le Gouvernement entend supprimer, après l’installation des CTAP, la clause de compétence générale pour les régions comme pour les départements ; en revanche, il souhaite créer une compétence nouvelle, encadrée, de solidarité territoriale. La question est de savoir comment un département peut – je dis bien : « peut », et non pas « doit » – répondre à la sollicitation financière d’une intercommunalité, conformément à une orientation défendue par des parlementaires, dont certains ici présents, pour des projets ou équipements d’intérêt général, dont nous nous efforcerons de dresser une liste d’ici à l’examen en séance. Le danger, en effet, est de faire réapparaître sous cette forme la clause de compétence générale.

Aux yeux du Gouvernement, la région doit devenir chef de file dans le domaine de tourisme : c’est à elle qu’il reviendra d’élaborer, en association avec les autres collectivités bien entendu, un schéma régional de développement touristique, qui aurait pu au demeurant s’intégrer dans un schéma régional d’aménagement du territoire. Pour autant, le tourisme demeure une compétence partagée entre les collectivités : nous avons passé de longues heures au Sénat à débattre de cette question. Rappelons que la dépense publique par touriste avoisine les 35 euros en France : elle ne génère pas assez de valeur ajoutée, donc de croissance. L’exemple de l’Espagne pourrait nous inspirer, puisque ce pays accueille un peu plus de 50 millions de touristes, pour 80 milliards d’euros de chiffre d’affaires – ce rapport est inversé en France.

Le Sénat est revenu sur le chef de filat en matière touristique des régions, rendant facultative l’élaboration d’un schéma régional, lequel devrait de surcroît être élaboré conjointement avec l’ensemble des collectivités de la région : je vous laisse imaginer la complexité de la procédure. Le Gouvernement reste pour sa part convaincu qu’un chef de filat régional permettrait de rationaliser la dépense publique en matière de tourisme. Il s’en remettra à la sagesse de l’Assemblée sur un certain nombre d’amendements, mais se pose aussi la question des offices de tourisme locaux, dont le texte issu du Sénat supprime les possibilités de fusion, la région et le département gardant la possibilité de créer des comités de tourisme, soit à leur échelle propre, soit de façon commune. La question des stations touristiques classées a suscité de nombreux amendements, et nous y reviendrons ; mais, hormis ces cas particuliers, il nous semble qu’un centre d’information à l’échelle intercommunale peut suffire, avec des points d’accueil répartis sur l’ensemble du territoire. Beaucoup est fait pour le marketing touristique, mais trop peu pour les produits touristiques ; or, en cette matière, la rationalisation est source d’efficacité.

M. André Vallini, secrétaire d’État à la Réforme territoriale. Le Gouvernement souhaitait transférer aux régions la gestion des collèges, mais les sénateurs ont préféré la laisser aux départements, solution à laquelle nous nous sommes ralliés après réflexion. L’un des principaux objectifs du texte est de renforcer l’attractivité économique des régions ; or les collèges ne constituent pas des éléments d’attractivité. D’autre part, une mutualisation au niveau régional nous apparaissait plus rationnelle pour la dépense publique, mais elle est déjà effective, sans qu’il y ait besoin de transfert, dans un nombre croissant de régions, pour les lycées comme pour les collèges.

En revanche, nous persistons à penser que le bloc de compétences relatif aux mobilités impose une vision d’ensemble de la part des régions, s’agissant de la route comme du rail, transports scolaires inclus. Il paraît abusif de maintenir cette dernière compétence dans le giron des départements au motif qu’ils s’occupent aussi de la gestion des collèges car, outre que les transports scolaires ne concernent pas que les collégiens, ils sont aussi ouverts, dans certains départements, à d’autres catégories de population que la seule population scolaire. La cohérence impose donc de confier aux régions l’ensemble des compétences relatives aux transports.

Mme la ministre. S’agissant de la date de révision de la carte intercommunale, nous nous appuyons sur la clause de rendez-vous inscrite dans la loi de 2010. Nous pourrons tomber d’accord, monsieur le rapporteur, sur un seuil de 20 000 habitants moyennant des « adaptations » territoriales – selon le mot retenu à la demande expresse des élus de la montagne – comme sur le délai dit « de repos ».

C’est volontairement que nous avons fait l’impasse sur les péréquations. L’Île-de-France est un cas particulier qui devra être traité d’ici au mois du juin avec le Premier ministre. Nous exprimerons notre position sur les métropoles lors de la discussion des articles.

Sur la durée des fonds numériques, nous appelons de nos vœux un retour à la version initiale, que nous avons défendue en vain au Sénat.

La question des actions récursoires fut évoquée, lors de la discussion de la loi MAPTAM, à propos des fonds européens. Nous parlons ici de contentieux perdus par les collectivités du fait du non-respect des règles européennes en matière d’aides économiques. L’État, en ce cas, assume le paiement des pénalités devant l’Union européenne, mais il entend alors pouvoir se retourner contre la collectivité en faute, naturellement sous le contrôle du juge.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Et l’opposabilité des schémas régionaux, sur laquelle le rapporteur vous avait interrogés ?

M. le secrétaire d’État. Les schémas régionaux seront prescriptifs, donc opposables.

M. Dominique Bussereau. Je commencerai par une remarque de bon sens sur le calendrier. À partir de jeudi, et jusqu’au 16 février, les préfectures accueilleront les candidats aux élections départementales, lesquels devraient même déposer leurs bulletins de vote et leurs circulaires de propagande avant le 13 février ; et c’est à ce moment précis que l’on nous propose de débattre des compétences des départements… Le Gouvernement n’aurait pu imaginer mieux pour favoriser l’abstention et le vote Front national ! Demander aux citoyens d’élire les membres d’une collectivité dont on ne connaît pas les compétences, et aux députés, dont certains sont aussi conseillers généraux, de se réunir ainsi pendant la campagne officielle, c’est du jamais vu dans l’histoire de la République. Le Gouvernement se réjouit-il de ce calendrier ?

Quelles sont, d’ailleurs, ses intentions réelles s’agissant des départements ? On a entendu parler de suppression ou de « dévitalisation », et le Premier ministre, à en croire certains médias, serait prêt à des compromis avec le Sénat…

Celui-ci a adopté, sur les collèges, une position à laquelle M. le secrétaire d’État vient de répondre de façon claire. Cependant, même si les transports scolaires ont parfois une vocation plus large, je doute qu’il soit judicieux de les confier aux grandes régions. Que celles-ci gèrent à la fois les transports interurbains par car et les transports express régionaux (TER), cela se comprend ; mais gérer les demandes des écoles, des familles et des mairies en matière de desserte, c’est autre chose : à moins de renoncer à la suppression de certains services régionaux, donc à des économies, la mesure ne me semble donc guère cohérente.

Sur le tourisme, je n’ai pas compris la réponse : je suppose que le Gouvernement aura l’occasion de la préciser.

La voirie nationale a pour ainsi dire disparu. Dans mon département, par exemple, elle ne représente que 130 kilomètres, contre 6 000 pour les routes départementales. Je me félicite par ailleurs que le Gouvernement ait accepté la création d’une région dont les limites s’étendent du Val de Loire jusqu’à l’Espagne et aux confins de l’Auvergne. La réforme sur les directions interrégionales des routes, adoptée par un Gouvernement dont j’étais le secrétaire d’État aux Transports, a déjà éloigné élus et citoyens de la gestion en ce domaine ; aussi, confier la gestion de réseaux départementaux à de grandes régions me paraît être le plus sûr moyen de gaspiller beaucoup d’argent.

Entre les grands ports maritimes, les ports régionaux, les ensembles issus d’une coopération entre régions et État et les ports départementaux, le monde portuaire est pluriel. Quid du cofinancement ? Les technocrates y sont réticents, mais l’expérience locale montre que cette solution permet de mener à bien beaucoup de projets. Le Futuroscope n’aurait jamais vu le jour sans l’impulsion que lui a donnée le président de conseil général, M. Monory, et comme le Puy-du-Fou M. de Villiers. Des « départements croupions » nuiraient au développement économique de notre pays. Peut-être le rapporteur et la majorité pourront-ils, par des amendements, venir au secours du Gouvernement si celui-ci n’ose contredire le Sénat.

Mme Nathalie Appéré. Nous partageons les objectifs de la présente réforme structurelle : un service public efficace et solidaire, au service des habitants, et sobre en termes de dépenses publiques ; une organisation territoriale modernisée et lisible pour le citoyen.

Ce texte s’inscrit dans un triptyque : la loi sur les grandes régions, confortées afin de doper le développement économique et la croissance, en est le premier volet ; la loi MAPTAM, qu’il s’agisse de l’affirmation des métropoles ou des compétences intercommunales, notamment au sein des communautés urbaines, le deuxième ; le troisième, enfin, est le chapitre de cette même loi consacré à la diversité des territoires, à travers le principe du conventionnement et la conférence territoriale d’action publique, instance de dialogue et marque de la confiance vis-à-vis des élus locaux. Le groupe SRC veillera à ce que l’ensemble de ces dispositions se trouvent confortées, et non remises en question, par le texte qui nous est soumis.

Notre groupe, même s’il y a des débats en son sein sur ce point, souscrit aux orientations du Gouvernement en ce qui concerne les transferts de compétences des départements aux régions, mais la réponse lapidaire sur le caractère prescriptif des schémas régionaux me laisse un peu sur ma faim. Sur ce thème, des élus continuent de s’interroger : si l’idée de renforcer les compétences régionales en matière de développement économique ne fait pas débat, certaines compétences – sur le foncier ou l’immobilier d’entreprise, par exemple – restent l’apanage du bloc communal : comment assurer la juste articulation ? De même, l’équilibre entre régions et métropoles doit être préservé.

Sur le service public de l’emploi, le Sénat a complété l’article 3 bis afin d’ouvrir la gouvernance aux régions. Nous approuvons ces propositions, mais ne pourrait-on aller plus loin en intégrant à la compétence « développement économique » des régions un volet sur l’insertion professionnelle, la formation et l’emploi ?

Nous avons accueilli avec intérêt les propositions du rapporteur sur les seuils : l’intercommunalité, loin d’obéir à une vision punitive, doit permettre aux communes de répondre aux besoins des habitants. Certains de nos amendements tendent à octroyer, par dérogation, le statut de communauté urbaine à des villes et agglomérations ayant perdu leur statut de chef-lieu de région, afin de préserver la dynamique intercommunale. Quelle est la position du Gouvernement à ce sujet ?

Enfin, le groupe SRC a déposé plusieurs amendements de clarté et de simplification : certains d’entre eux, à l’initiative de Françoise Descamps-Crosnier, reprennent des suggestions de la proposition de loi d’Éric Doligé. Nous aimerions aussi avoir l’avis du Gouvernement sur ce point.

Mme Colette Capdevielle. Le présent texte est attendu depuis longtemps, notamment dans les territoires qui ont pu se sentir oubliés par les lois relatives aux métropoles et aux grandes régions. Le Sénat s’est malheureusement employé à le détricoter, lui ôtant sa cohérence et sa lisibilité ; notre Commission va donc devoir le reconstruire, en renforçant les compétences des grandes régions et en élevant le seuil applicable aux intercommunalités, auxquelles il convient aussi d’attribuer des compétences nouvelles, sans oublier le mode de désignation de leurs représentants, qui exige des avancées significatives.

Il nous appartient, en somme, de dessiner l’organisation territoriale du futur. Notre pays n’est pas uniforme mais pluriel, et les territoires devront s’organiser autour de bassins de vie qui peuvent avoir une histoire. Nous devons donc faire preuve de courage et d’ambition. Je soutiendrai, dans cet esprit, des amendements tendant à renforcer le rôle des régions.

La force de ce texte est aussi de faire de l’intercommunalité l’échelon de référence de l’action publique de proximité, sur un périmètre correspondant à un bassin de vie où l’ensemble des acteurs se trouvent réunis dans une même volonté d’écrire leur destin. Le seuil de 20 000 habitants ne me semble pas encore assez ambitieux ; aussi vous proposerai-je de le porter à 30 000 habitants : cela me semble logique au vu des nombreuses exceptions envisagées.

Nous devons aussi faire preuve de volontarisme démocratique en soumettant l’élection des représentants communautaires au suffrage universel direct, comme c’est déjà le cas dans les métropoles. J’ai donc déposé plusieurs amendements en ce sens. À ce jour, l’organisation des EPCI à fiscalité propre tient au demeurant à l’écart, non seulement les citoyens, mais aussi beaucoup d’élus. La parité est également absente des intercommunalités, d’où la faible présence de femmes en leur sein, sans parler des représentants de l’opposition. Alors que le législateur s’apprête à quadrupler les seuils et à renforcer les compétences intercommunales – y compris sur les ouvertures de commerce le dimanche –, il n’est plus acceptable que cette strate soit aussi mal considérée sur le plan démocratique. Bref, je ne vois aucun argument, en dehors des jeux de pouvoir locaux, susceptible de justifier l’absence d’élection au suffrage universel direct – la méthode actuelle de fléchage n’étant qu’un pis-aller.

La future organisation territoriale suscite de nombreuses réflexions sur le terrain, notamment au Pays basque, où la création d’une grande intercommunalité, regroupant 157 communes, est envisagée. De fait, les améliorations que nous pouvons apporter au texte – en matière d’intégration, de démocratie locale et d’accompagnement dans les procédures – sont de nature à encourager beaucoup de territoires, parmi lesquels celui dont je suis élue, à franchir le pas.

M. Guy Geoffroy. J’attendais ce moment depuis longtemps. Ayant à plusieurs reprises interrogé le Gouvernement sur les propos tenus par le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale, je me suis toujours heurté à la réponse selon laquelle seuls les deux ministres aujourd’hui présents pourraient m’éclairer.

En septembre dernier, le Premier ministre avait évoqué trois hypothèses pour les départements : si le propos était clair dans son esprit – du moins je l’espère –, il l’était moins pour beaucoup d’entre nous. Première hypothèse : une articulation départementale rendue possible par la taille des métropoles – peut-être en avons-nous avec ce texte quelques prémices. Le Premier ministre avait aussi évoqué une douzaine de départements, dont la forte prégnance rurale impliquait qu’ils soient, bon an mal an, maintenus en l’état ; puis, d’échanges entre le Premier ministre et des représentants du monde rural, il ressortait que ce nombre avoisinerait plutôt les cinquante. Et voici que l’on nous annonce une nouveauté, qui appelle pour le moins des éclaircissements : des départements qui seraient des fédérations d’intercommunalités. Le concept ne laisse pas d’interroger, d’autant que la loi MAPTAM entraîne la création d’intercommunalités géantes – sur des décisions de l’État que les régions n’ont guère les moyens de contester –, s’étendant sur plusieurs départements. Comment, dans ce cadre, comprendre la notion de département fédération d’intercommunalités, troisième composante de la galaxie départementale annoncée par le Premier ministre ? La question se pose au sein de l’agglomération dont je suis élu. Le préfet du département m’a indiqué la semaine dernière que, selon le nouveau projet du préfet régional, cette intercommunalité basculerait de la Seine-et-Marne vers l’Essonne.

Les électeurs nous interrogent sur les cantons et leur redécoupage ; alors que les élus actuels ont un suppléant de sexe différent, ils devront en désigner un autre du même sexe qu’eux ; de plus, le Gouvernement est incapable de nous préciser les compétences qui seront celles des élus à l’issue du scrutin des 22 et 29 mars. Et que signifie cette trilogie des départements ? Devrons-nous attendre que les électeurs se soient prononcés pour comprendre ce sur quoi ils l’ont fait ? Pour l’heure, comme le rappelait M. Bussereau, nos concitoyens sont tentés par le double vertige de l’abstention et du vote extrême : l’abstention parce qu’ils ne comprennent pas ce sur quoi ils votent ; le vote extrême parce que, se doutant qu’il y a tout de même quelque chose à comprendre, ils préfèrent le coup de pied dans la fourmilière.

Mme Marietta Karamanli. Aux termes de l’article 1er, les régions sont garantes de l’égalité des territoires : que signifie exactement cette disposition et quelle en est la portée juridique ?

On a évoqué le transfert du patrimoine immobilier des universités aux régions : qu’en est-il ?

Pourrions-nous avoir des précisions sur la proposition du rapporteur au sujet des seuils ? Comment la réalité des bassins de vie et la diversité des milieux ruraux pourront-elles être prises en compte ? Quid des ressources mobilisables ?

Je vous remercie, madame la ministre, d’avoir répondu au sujet de l’article 33. Cependant, l’étude d’impact fait référence à une solution mise en œuvre par des États fédéraux pour assurer la participation de collectivités infra-étatiques aux actions récursoires, sur la base d’une clé de répartition. Pourquoi une telle solution n’a-t-elle pas été retenue ?

Au Sénat le Gouvernement a annoncé une réforme de la dotation globale de fonctionnement dans les deux années à venir, afin d’améliorer sa transparence et son équité, d’encourager la mutualisation et de prendre en compte les spécificités territoriales. J’espère que notre assemblée sera saisie assez tôt de cette réforme pour y apporter sa pierre.

M. Jacques Bompard. S’attaquer au millefeuille administratif est une nécessité ; c’est pourquoi j’approuve le principe d’une nouvelle organisation territoriale pour la République, même si celle-ci devrait s’approcher davantage des réalités terriennes de notre pays, respecter les petits ensembles communaux et les libertés qui y sont enracinées, faire primer l’avis des habitants attachés à l’identité de leur mode de vie sur les administratifs, monstres froids jacobins qui, peu à peu, détruisent notre pays. Mais c’est sans compter sur les nécessités de la rationalisation budgétaire et la mode de l’uniformisation générale. Puisque les subventions sont allouées sans contrôle aux associations, au seul profit du copinage idéologique, et puisque l’on se refuse à recentrer les activités communales sur les services réels demandés par les habitants, il faut bien empiler des structures toujours plus désincarnées afin de réaliser des économies budgétaires.

Il était urgent, semble-t-il, d’obliger les petites communes à intégrer des EPCI toujours plus vastes, pour les placer sous la coupe des communes les plus importantes, selon les dispositions de cet article 17 d’un autoritarisme brutal et d’un centralisme d’un autre âge. Les récalcitrants n’auront qu’à s’incliner. L’article 15, lui, donne un étonnant pouvoir aux préfets dans les négociations relatives à la formation des EPCI, moyennant d’hypothétiques auditions qui doivent faire croire au consensus. Mais de ces négociations ne résultera qu’un encombrement accru des tribunaux administratifs.

La considération d’économies théoriques l’emporte sur l’identité et l’héritage des territoires, et les désidératas de Paris imposent aux provinciaux des attaches artificielles. L’accumulation de structures publiques, commissions réunies en formations interdépartementales dans quelques cas particuliers, maisons des services au public – belle trouvaille de l’article 19 – ou observatoire de la gestion publique locale, à l’article 34, sont autant de nouvelles strates qui viennent « gaver » le millefeuille.

La ville d’Orange, dont je suis maire depuis 1995, est parmi les dix communes les mieux gérées de France ; le bon sens et la vertu des individus y ont fait des miracles qui ne doivent assurément rien aux fariboles administratives que l’on nous présente aujourd’hui. Il suffit d’avoir participé à un conseil communautaire pour savoir que les décisions y sont toujours plus désincarnées, et de moins en moins compréhensibles par les élus eux-mêmes, qui d’ailleurs s’en désintéressent totalement.

Une victoire de la technocratie sur la démocratie, voilà ce que vous nous proposez. Ces textes jacobins relèguent à la marge une France périphérique qui a pourtant besoin de soutien ; ils ne satisfont que quelques cerveaux claquemurés dans les ministères. Votre projet de loi coûtera de surcroît beaucoup d’argent ; il générera des scandales et des centaines de procédures judiciaires : beau succès en perspective !

Je me félicite de la suppression des clauses de compétence générale, mais il faudrait généraliser une telle mesure à l’ensemble des strates car cette compétence explique à mes yeux la gabegie actuelle.

Beaucoup de points ne laissent pas de m’inquiéter, à commencer par la spécialisation des régions, que l’on veut faire entrer en concurrence. La cohérence de cette idée m’échappe un peu. Bref, je crains fort que le millefeuille administratif s’épaississe encore, ce qui serait dramatique.

M. Hervé Gaymard. Je ne reviendrai pas sur le long chemin suivi par la majorité depuis l’abrogation, en juillet 2012, de la loi de 2010, s’agissant notamment des conseillers territoriaux : très décriés à l’époque de leur création, on s’est rendu compte qu’ils étaient la bonne solution pour réduire le nombre d’élus et rationaliser les interventions respectives des régions et des départements. Mais il est inutile de pleurer sur le lait renversé…

Désorientés par les zigzags gouvernementaux, nous attendions l’examen du présent texte avec gourmandise puisqu’il devait, nous répétait-on depuis des mois, nous apporter des réponses. Le Premier ministre avait d’abord annoncé, le 8 avril 2014, la suppression des départements, un mois après que le Gouvernement eut transmis au Conseil d’État un projet de loi renforçant leur rôle en matière sociale – notamment pour le handicap.

Le 18 juin de la même année, le projet de loi qui nous est soumis a été adopté en Conseil des ministres. Il vide les départements de leur substance, puisque des juristes ont rappelé au Premier ministre que la suppression des départements suppose une révision de la Constitution, donc une majorité des trois cinquièmes au Congrès ou une approbation par référendum – deux solutions jugées inaccessibles. Bref, les départements se retrouvent dépouillés de toutes leurs compétences à l’exclusion du social – sur lequel les futurs gouvernements auront à trancher.

La troisième étape fut la préparation des élections sénatoriales. Face à la grogne des radicaux de gauche et d’une centaine de parlementaires socialistes, le Premier ministre annonça la création de trois catégories de départements : ceux situés là où des métropoles fusionneront avec elles, comme à Lyon ; ceux dont les compétences seront transférées à des intercommunalités renforcées ; ceux qui, situés en zone rurale, seront maintenus en l’état. Ces orientations furent confirmées par le Premier ministre, par exemple, au congrès de l’Association nationale des élus de la montagne, à Chambéry, en octobre dernier.

Alors que nous pensions aujourd’hui obtenir les réponses à nos questions, nous découvrons qu’il n’en est rien ; à telle enseigne que l’on peut s’interroger sur l’utilité de cette première lecture. Il faut bien promener les « idiots utiles », comme disait Lénine… On les avait promenés avant les élections sénatoriales ; et voici que l’on demande aux électeurs, devenus par là même ces « idiots utiles » – ce qui est évidemment bien plus grave – de se prononcer, en mars prochain, sur des instances dont on ignore l’avenir.

Aujourd’hui, les conseils généraux sont dotés de six à huit commissions dédiées à chacune des compétences ; or, à partir du 1er janvier 2017, ne subsisteront que la compétence sociale, la gestion des collèges et, concept encore mal défini, la solidarité territoriale. Autrement dit, le nombre de commissions sera ramené à deux ou trois, chacune étant pourvues d’effectifs forcément pléthoriques, sur l’utilité desquels les électeurs ne manqueront pas de s’interroger.

D’autre part, le projet de loi ne comporte aucun soubassement budgétaire et fiscal. Le jeu de Monopoly auquel on soumet les différents échelons de l’action territoriale appellerait, à tout le moins, des précisions sur les impôts transférés et sur les dotations, surtout si l’on entend les diminuer. La loi Defferre de 1982, écrite par Éric Giuily, alors directeur général des collectivités locales, comportait un volet budgétaire et fiscal ! Loin de moi l’intention de procrastiner, pour paraphraser les diplomates, mais l’absence d’un tel volet constitue une vraie question préalable.

Quelle est donc la vision du Gouvernement s’agissant des départements pour demain – c’est-à-dire 2017 – et après-demain ? On nous promet le maintien des départements en zone rurale avec des compétences simplifiées : qu’entend-on ici par « zone rurale » ? Quels sont au juste les départements concernés ?

Quelles compétences seront simplifiées ? Seront-elles exercées dans la durée, ou jusqu’en 2020 ou 2021 comme il était prévu initialement ? La réponse à cette première question est très importante, tant pour les législateurs que nous sommes que pour les citoyens, que nous représentons.

Quel sera par ailleurs le contenu juridique du chef de filat ? Quel sera le degré d’opposabilité des schémas régionaux ? Si je prends l’exemple du tourisme, chacun sait que des régions, comme la Bretagne, doivent avoir la compétence régionale. En revanche, c’est en Auvergne, en Savoie, ou dans le Dauphiné qu’on part en vacances, pas en Rhône-Alpes-Auvergne ! Il serait aberrant de prévoir, en matière touristique, des schémas régionaux opposables à des destinations touristiques de rang inférieur.

La compétence touristique doit être exercée là où les autorités jugent utile qu’elle le soit. Imposer la compétence touristique à l’intercommunalité me paraît être une très mauvaise chose : lorsque ce sera pertinent, elle l’exercera d’elle-même. De grâce, laissons les intercommunalités exercer cette compétence lorsqu’elles le souhaiteront.

Enfin, une loi a imposé la création d’un seul office de tourisme par commune. Or cette disposition n’est pas pertinente pour une quinzaine de communes françaises dotées de différents sites touristiques, avec des marques commerciales différentes : ne bridons pas les initiatives des maires par des dispositions contre-productives. Laissons-leur au contraire toute liberté.

M. Paul Molac. Ce projet de loi était attendu.

Alors que, depuis la loi Defferre qui a consacré la région comme collectivité locale, les autres lois de décentralisation ont brouillé le message, ce texte a le mérite de clarifier et de démocratiser le fait régional, tout en le sécurisant – la région devient un élément de stratégie sur son territoire.

Je tiens toutefois à souligner nos conditions de travail difficiles, puisque nous n’avons eu le texte du Sénat que mercredi dernier à midi et qu’il nous a fallu déposer nos amendements avant vendredi 17 heures. Les amendements du rapporteur n’ont été eux-mêmes publiés qu’aujourd'hui à midi.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Plus de mille amendements ayant été déposés, il est heureux que vous n’ayez pas eu une semaine de plus ! (Sourires.)

M. Paul Molac. Nous ne reculons pas devant l’effort !

Madame la ministre, dans quelle mesure les schémas seront-ils prescriptifs ?

Qu’en sera-t-il du pouvoir d’adaptation ? Alors que la Corse en est déjà dotée, l’étude du regretté Guy Carcassonne a montré qu’il est inapplicable compte tenu de la complexité de la procédure à suivre. C’est pourquoi j’ai déposé des amendements visant à la modifier.

La concurrence, monsieur Gaymard, existe moins entre la région et le département qu’entre les EPCI et le département. Lorsque des EPCI atteignent 60 000, voire 80 000 habitants, ils sont capables d’exercer des compétences départementales. Comme, de plus, les pays ont des conventions avec les régions, il serait possible de faire l’économie des départements dans des régions comme la Bretagne. Je conçois, bien sûr, que tel ne soit pas le cas d’autres régions : c’est pourquoi la loi doit autoriser des organisations différenciées, même si cela doit contrarier notre tradition napoléonienne. N’oublions pas non plus que des EPCI chevauchent plusieurs départements, voire deux régions de programme. C’est le cas dans ma circonscription.

Les conférences territoriales de l’action publique (CTAP) ont pour vocation de favoriser l’adaptation. La loi doit prévoir une certaine souplesse en la matière, quitte à donner au préfet le pouvoir de trancher si les élus ne réussissent pas à se mettre d’accord.

Attendant beaucoup de ce texte, nous espérons ne pas être déçus. Nous travaillerons en tout cas à l'améliorer.

M. Michel Piron. Nous en sommes à la deuxième phase, celle qui est supposée faire le lien entre le contenant – la carte – et le contenu – les compétences.

Je ferai part une dernière fois de mon regret que le Parlement n’ait pu examiner ensemble les deux textes, ce qui aurait permis de mieux les ajuster l’un à l’autre, d’autant qu’après la première lecture du présent projet de loi au Sénat et vos déclarations en début de séance, j’ignore toujours la vision que le Gouvernement a de la réforme territoriale.

Il ne faut pas confondre l’art de la synthèse et le syncrétisme. Or j’ai l’impression que ce texte se présente plutôt comme une addition de mesures plus ou moins cohérentes que comme le fruit d’un arbitrage.

C’est ainsi que la mutualisation et le transfert des compétences ne pourront être traités de la même façon lorsqu’il s’agira de régions très grandes ou de régions plus compactes. Les revendications départementales de proximité s’exprimeront plus fortement au sein d’une grande région, comme celle qui unira le Limousin à l’Aquitaine et à Poitou-Charentes, qu’au sein d’une région plus compacte comme la Bretagne.

S’agissant des transferts de compétences, l’UDI, qui est décentralisatrice, souhaiterait que la loi permette d’apporter des réponses diversifiées correspondant aux différentes situations régionales. Voilà des dizaines d’années que la question du pouvoir organisationnel et réglementaire régional est posée dans notre pays, qui n’assume toujours pas le concept de décentralisation.

Or aujourd'hui, avec des régions aussi différentes et des secteurs infrarégionaux encore plus différents, la question de la différenciation des réponses organisationnelles devient majeure. Pourquoi, par exemple, la réponse devrait-elle être uniforme en matière de transfert des routes ? Ou pourquoi les collèges devraient-ils rester une compétence des départements alors que la formation professionnelle est de la responsabilité des régions ? Si les régions géraient les personnels des collèges et des lycées, elles pourraient réaliser des économies d’échelle incontestables.

Le débat portera à la fois sur la demande de proximité et sur la demande organisationnelle : il conviendra de trouver le meilleur lien.

Les régions ont aujourd'hui à mettre en cohérence sept schémas différents, qui ne relèvent pas des mêmes arbitrages et sont parfois contradictoires. Après les zones Natura 2000 et les trames vertes et bleues, on est allé inventer les schémas régionaux de cohérence écologique qui, au lieu de s’assurer que la trame verte et bleue est continue sur l’ensemble régional, prévoient des corridors. Rendre prescriptifs, dans leur état actuel d’élaboration entre l’État, les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) et les régions, de tels schémas, c’est courir à la catastrophe. Il conviendrait que les opérationnels que sont les régions et les intercommunalités puissent coélaborer, codélibérer et cosigner ces schémas, l’État se contentant du contrôle de légalité.

De même, les départements et les communautés étant très différents, pourquoi ne pas laisser la définition des seuils aux commissions départementales de la coopération intercommunale (CDCI) ? Une telle mesure entrerait dans le cadre d’une vraie décentralisation. Alors que le seuil de 20 000 habitants est ridicule en Île-de-France, son application à toute la France remettrait en cause plus de 70 % des intercommunalités actuelles.

Quid enfin des compétences que l’État entend toujours assumer ou véritablement déléguer, voire accorder aux collectivités ? Le texte, qui comprend des compétences que je considère comme régaliennes – je pense notamment aux services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) pour lesquels la lisibilité est faible –, s’apprête à transférer la compétence du plan de prévention du risque inondation pour un fleuve aussi modeste que la Loire à l’échelon des intercommunalités ! Où est la cohérence dans la réflexion et dans l’architecture générale des pouvoirs et des responsabilités ?

Que l’État ait la responsabilité dite régalienne de la péréquation ou du contrôle de légalité, j’y suis favorable. En revanche, puisque les régions auront demain des responsabilités plus grandes en matière économique ou de formation professionnelle, pourquoi Pôle Emploi demeurerait-il une compétence régalienne alors que celle-ci gagnerait à être assumée par les régions ? Nous sommes bien dans le syncrétisme.

Notre contribution visera à obtenir un éclairage plus satisfaisant : nous en avons en effet un grand besoin.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Je suis pleinement d’accord avec vous, monsieur le député.

M. Patrick Mennucci. Plusieurs de nos collègues ont rappelé le discours que le Premier ministre a prononcé devant l’Assemblée nationale et dans lequel il a évoqué trois catégories de départements.

Madame la ministre, en quoi la lecture du texte au Sénat a-t-elle conforté ou amoindri la déclaration du Premier ministre relative aux départements de la première catégorie, qui doivent fusionner en 2020 avec les métropoles ?

Par ailleurs, alors que le Premier ministre a évoqué l’existence d’un « apartheid territorial » dans certains quartiers, je m’étonne que le Sénat, avec l’accord manifeste du Gouvernement, ait adopté un amendement prévoyant pour la métropole d’Aix-Marseille-Provence une dérogation à la constitution des plans locaux d’urbanisme (PLU). Comment peut-on, sans contradiction, à la fois souligner que l’« apartheid territorial » pose en France des problèmes y compris en termes de sécurité – j’ai approuvé avec force la position de Manuel Valls sur le sujet – et permettre l’adoption d’un amendement qui vise à prolonger au sein de la métropole marseillaise ce même apartheid, en laissant aux municipalités la responsabilité totale de leur politique de logement ? Nous savons déjà, madame la ministre, quelles seront les conséquences de cet amendement dans dix ou quinze ans : les problèmes inhérents aux HLM et aux cités dégradées subsisteront dans les mêmes quartiers de Marseille et de deux ou trois autres communes de la métropole qui, d’ailleurs, gèrent mieux cette situation que Marseille, tandis que les mêmes communes continueront de vivre de la vente – donc du mitage – de leurs terres agricoles, sur lesquelles seront construites toujours plus de villas. Je ne comprends pas l’adoption d’un tel amendement, surtout après la déclaration de Manuel Valls sur l’« apartheid territorial », laquelle rejoint ce que pense un grand nombre de députés SRC de la commission des Lois, moi compris.

Je ne dénoncerai pas les autres amendements, notamment gouvernementaux, visant Marseille : des compromis étaient nécessaires pour faire accepter la métropole. C’est pourquoi je n’en ai déposé aucun à l’article 17, en vue de permettre une adoption conforme, comme me l’a demandé le Premier ministre. Je tiens toutefois à préciser que je ne suis favorable à l’adoption conforme que des mesures auxquels les parlementaires ont été associés de manière positive et non d’un amendement qui, de manière quasi-clandestine, va à l’encontre de l’intérêt de la métropole, lequel exige la présence équilibrée sur tout son territoire de beaux quartiers et d’HLM. Quel maire ira réclamer sa part de problèmes ?

M. Ibrahim Aboubacar. Le texte procède à une réorganisation courageuse des compétences entre les différentes collectivités locales et à leur renforcement.

Sur le premier point, le Département de Mayotte étant la première collectivité exerçant à titre expérimental les compétences d’un département d’outre-mer et d’une région d’outre-mer, nombre des dispositions du projet de loi sont neutres à son égard. En revanche, les intercommunalités à fiscalité propre n’existent pas encore dans le Département de Mayotte qui, par ailleurs, n’exerce pas encore toutes les compétences de droit commun.

Une mission d’inspection générale et la Cour des comptes se sont penchées il y a plusieurs mois sur le bilan de la mise en œuvre de la départementalisation de Mayotte : les conclusions de ces expertises sont-elles disponibles ? Si oui, elles permettront d’enrichir le texte dont diverses dispositions ne sont manifestement pas applicables en l’état à ce département. Sinon, comment prendrez-vous en compte les enseignements qu’il convient d’ores et déjà de tirer du fonctionnement de ce jeune Département ?

Mme Monique Iborra. Je suis rapporteure pour avis de la commission des Affaires sociales sur le texte.

Ce projet de loi a, selon le Gouvernement, l’ambition de clarifier l’organisation territoriale, qui est complexe. Il convient en effet de la rendre compréhensible par tous, et, en premier lieu, par nos concitoyens qui doivent être les premiers bénéficiaires des politiques qui sont menées, dans les différents niveaux, par les acteurs de la puissance publique. La simplification des relations entre l’État et les différents niveaux de collectivités et entre les collectivités elles-mêmes doit donner sa pleine cohérence à l’action publique.

C’est à partir de cet éclairage, dont on peut trouver les orientations dans l’exposé des motifs, que j’aurai l’occasion de vous présenter l’article 3 ter, qui traite du service public de l’emploi : l’amendement qui le crée, et que j’ai présenté hier devant la commission des Affaires sociales, est devenu, du fait de son adoption par elle, l’amendement de la Commission elle-même.

Je tiens auparavant à appeler votre attention sur les nombreux rapports que l’administration centrale – Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et Inspection générale des finances (IGF) –, la Cour des comptes, ainsi que des parlementaires, sénateurs et députés, toutes tendances politiques confondues, ont rendus sur le sujet. Le rapport d’information « Pôle Emploi et le service public de l’emploi », que j’ai présenté en 2013, révèle la multiplicité des acteurs et des sous-traitances entre les structures elles-mêmes : autant de problèmes qui ont été dénoncés et qu’il est temps, je crois, de résoudre, en nous appuyant sur votre volonté de favoriser la clarification, la lisibilité et l’efficacité du service public de l’emploi. Ce service, en effet, ne donne pas les résultats qu’on est en droit d’espérer dans la lutte contre le chômage. Le Sénat a, semble-t-il, répondu par un renforcement de l’institutionnel, puisqu’il a demandé plus de conventions et de schémas. Sans s’opposer à une telle démarche, la nôtre privilégie l’opérationnel. Nous espérons, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, que votre préférence ira à la démarche de la commission des Affaires sociales.

M. Patrick Devedjian. Je me suis réjoui d’entendre le secrétaire d’État souligner que le Gouvernement a changé d’avis sur les départements : ceux-ci sont devenus, selon le mot du Premier ministre, des structures « intermédiaires ». C’est un grand changement ! En effet, il n’y a pas si longtemps encore, le Gouvernement avait annoncé, dans un premier temps, et de manière paradoxale, la suppression des départements tout en organisant un nouveau mode de scrutin départemental, avant de se prononcer, faute de pouvoir les supprimer pour des raisons constitutionnelles, pour leur « dévitalisation » – le mot est de vous, monsieur le secrétaire d’État –, une dévitalisation permise par le transfert à la région des collèges et de la voirie.

Le Gouvernement a renoncé au transfert des collèges : c’est raisonnable non seulement parce que l’ensemble du corps de l’éducation nationale y était opposé mais également parce que la décision de Gaston Defferre de transférer les lycéens aux régions et les collèges aux départements a donné lieu, trente ans durant, à une politique aussi coûteuse que laborieuse de séparation des cités scolaires. Alors que beaucoup d’argent a été dépensé à leur séparation, à peine est-elle achevée qu’un nouveau gouvernement de gauche voulait procéder à leur réunification !

En revanche, en dépit de l’opposition du Sénat, le Gouvernement n’a, semble-t-il, pas renoncé à transférer la voirie à la région, ce qui, là encore, n’est pas du tout raisonnable. Les régions, qui ont doublé de taille, auront en effet à gérer des milliers de kilomètres de routes alors qu’elles n’ont aucune expérience en la matière. Je me rappelle avoir conduit l’acte II de la décentralisation : nous commettions, dans le projet initial, l’erreur de transférer les routes nationales aux régions. Nous avons, à l’époque, essuyé de leur part un véritable tollé, les régions argumentant qu’elles n’avaient aucune expérience en matière de voirie alors que les départements construisent des routes depuis deux siècles et connaissent le maillage de leur territoire avec une grande finesse. Si la France a l’un des meilleurs réseaux routiers, notamment secondaire, du monde, elle le doit aux départements qui ont toujours su l’entretenir et le développer. Or, le présent texte va encore plus loin que le nôtre puisque ce sont les routes départementales qu’il veut transférer aux régions, ce qui représente un nombre de kilomètres bien plus important que les routes nationales.

Après le transfert des nationales aux départements, il a fallu cinq ans au service de la voirie des Hauts-de-Seine, pourtant expérimenté, pour absorber les compétences en la matière de la direction départementale de l’équipement et devenir opérationnel : et vous voulez transférer les départementales à des régions en pleine recomposition et qui ne sont dotées d’aucun service de voirie ! Le temps qu’elles mettront à acquérir l’expérience des départements en la matière sera perdu pour l’investissement et l’entretien. Un tel transfert se révélera pernicieux en termes de durabilité des équipements et donc coûteux.

D’autant que, pour prendre un exemple, la région Île-de-France, qui a déjà la compétence routière sur les grands équipements, notamment l’autoroute A 86, n’a pas réalisé ni même subventionné un mètre de voirie depuis 2006, sa majorité composite lui interdisant de prendre des décisions en la matière. Il serait paradoxal que la loi, en transférant la compétence routière des départements aux régions, double l’obstacle technique d’un éventuel obstacle politique !

De plus, monsieur Vallini, la dévitalisation n’est pas constitutionnelle. En effet, la jurisprudence du Conseil constitutionnel considère que ce qu’il est impossible de faire en bloc, à savoir supprimer les départements sans passer par une réforme de la Constitution, il est également impossible de le réaliser en détail, surtout lorsqu’on a eu l’imprudence de l’annoncer, le projet devenant de ce fait un moyen explicite de contourner la Constitution. Le Gouvernement serait donc bienvenu d’accepter les dispositions adoptées au Sénat et de laisser la voirie aux départements, qui s’en acquittent à la satisfaction générale.

Par ailleurs, les schémas prescriptifs sont-ils bien constitutionnels ? La Constitution, en effet, ne permet pas à une collectivité locale d’exercer sa tutelle sur une autre ?

Je suis également lassé d’entendre dénoncer le millefeuille territorial : si millefeuille il y a, il est non pas territorial mais administratif, ce qui n’est pas la même chose. C’est ainsi qu’un rapport de 2010 de l’IGF a dénoncé la prolifération des agences de l’État – le Gouvernement en a encore créé deux dans les six derniers mois –, lesquelles sont bien plus génératrices de doublons et donc de dépenses improductives que les différentes strates territoriales. Celles-ci sont, dans les autres pays européens, quasiment aussi nombreuses qu’en France. En revanche, elles sont spécialisées. Le Gouvernement a eu la bonne idée de revenir sur la compétence générale qu’il avait réintroduite à son arrivée, en se ralliant au principe de la compétence spéciale. Cette décision sera génératrice d’économies. Laissez l’expérience se dérouler avant de supprimer des strates.

M. Vallini a déclaré que le département a la compétence essentielle en matière sociale – je reconnais là le point de vue, que je partage, d’un ancien président de conseil général : si vous voulez vraiment simplifier le millefeuille, pourquoi n’engagez-vous aucune réflexion sur les caisses d’allocations familiales qui cogèrent, avec les départements, notamment le RSA et doublonnent, de fait, l’action sociale des départements à hauteur de 75 milliards d’euros ? N’y aurait-il pas là un motif de simplification administrative ?

Les évolutions futures devraient guider la réflexion, d’autant qu’elles se dessinent d’ores et déjà. C’est ainsi que les EPCI seront un jour ou l’autre élus au suffrage universel direct. Ce progrès de la démocratie est dans la nature des choses. La tendance est également à une extension du non-cumul des mandats, notamment entre les fonctions de maire et de membre de l’exécutif des EPCI, ce qui ne sera pas sans poser de problèmes.

Enfin, je rappelle que 94 % des élus de la métropole du Grand Paris (MGP), donc toutes tendances confondues, avaient rejeté, via une résolution, l’article 12 de la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, dite loi MAPTAM, qui définissait les modalités de la création de la métropole parisienne. Or le Premier ministre a souligné à la suite de l’examen du présent texte au Sénat que le débat parlementaire, avec ses quatre lectures, est un chemin de consensus. Il a donc reconnu que le Sénat avait fait une part du chemin. C’est pourquoi il convient d’espérer que l’Assemblée nationale respecte l’arbitrage du Premier ministre et, en dépit de certains amendements que j’ai pu lire, fasse aussi sa part du chemin.

Alors même que la métropole du Grand Paris sera une très grosse machine absorbant des ressources fiscales importantes, est-il normal que ses compétences se résument à des schémas directeurs et des actes de planification, des droits et obligations en matière de péréquation et un peu d’urbanisme ? Et encore, comme l’a annoncé le Premier ministre, les compétences de la métropole en matière d’urbanisme seront obérées par vingt opérations d’intérêt national (OIN), ce qui représente un véritable acte de recentralisation forcenée. Or, pour exercer ces compétences, sommes toutes assez maigres en l’état actuel des textes, la MGP se voit doter de 348 élus, alors que la région Île-de-France, dont le territoire est deux fois plus vaste et les compétences infiniment plus nombreuses, n’en a que 209. Seuls les hémicycles de l’Assemblée nationale ou du Sénat pourraient recevoir ces 348 élus ! N’est-ce pas prendre le risque d’une impopularité générale, englobant la gauche et la droite, qui seront accusées d’avoir, ensemble et à leur seul profit, monté une nouvelle usine à gaz ? Dans sa grande sagesse, le Gouvernement n’a d’ailleurs toujours pas doté cette future MGP d’une adresse. Il sera difficile, dans ces conditions, d’être prêts au 1er janvier 2016. C’est pourquoi je suis inquiet.

M. le secrétaire d’État. MM. Bussereau, Geoffroy, Gaymard et Devedjian nous ont interrogés sur l’avenir des départements.

Je tiens tout d’abord à rassurer M. Bussereau : les bulletins de vote et professions de foi des prochaines élections départementales devront arriver en préfecture au plus tard non pas le 13 février, mais le 13 mars.

M. Hervé Gaymard. A ce propos, j’ai suggéré au ministre de l’Intérieur de donner l’autorisation de rappeler sur les bulletins de vote eux-mêmes que le panachage est interdit. Nombre de nos concitoyens pensent en effet qu’il sera possible de rayer un nom, comme s’il s’agissait d’une liste, ce qui aura pour conséquence d’annuler le bulletin.

M. le secrétaire d’État. Les candidats pourront donner l’information sur leurs professions de foi.

Quant à la question de savoir comment il est possible d’organiser des élections pour une collectivité dont les compétences n’auront pas été préalablement définies, je vous rappelle, monsieur Devedjian, que tel fut le cas en 2004. L’acte II de la décentralisation voulu par M. Raffarin n’avait été examiné qu’en première lecture avant les élections régionales. Du reste, alors que vous prévoyiez, avant les élections, de transférer aux régions un grand nombre de compétences, comme vous les avez perdues, vous avez renforcé les départements.

La rédaction du texte à l’issue de sa première lecture fera durant la campagne électorale, dans chaque canton, entre élus et électeurs, l’objet de débats qui, à leur tour, enrichiront la deuxième lecture, laquelle débutera après les élections départementales. Je tiens également à souligner que, si la nouvelle carte et les nouvelles compétences avaient figuré dans le même texte, celui-ci aurait été indigeste. En revanche, le 18 juin, le conseil des ministres a adopté les deux projets de loi. Votre argument ne tient plus, monsieur Piron : vous connaissez la nouvelle carte des régions sur laquelle nous travaillons, d’autant qu’elle a été validée par le Conseil constitutionnel.

Il convient de prendre en considération deux déclarations du Premier ministre relatives à l’avenir du département : celle du 8 avril devant l’Assemblée nationale et celle du 28 octobre devant le Sénat.

Dans sa déclaration de politique générale du 8 avril, le Premier ministre a souligné qu’entre des régions plus fortes et agrandies et des intercommunalités renforcées, la question se posait de l’avenir des départements. Il a ajouté qu’il était personnellement favorable à leur suppression mais que le débat était ouvert et que nous avions six ans pour y réfléchir.

Le 28 octobre, il a déclaré devant Sénat : « Entre de grandes régions stratèges et le couple commune-intercommunalité, il faut des échelons intermédiaires pour assurer les solidarités sociales et territoriales. J’en ai conscience et je n’ai cessé de le dire – encore vendredi à la délégation de présidents de conseil général que j’ai reçue à Matignon, et je me rendrai au congrès de l’Assemblée des départements de France qui se tiendra à Pau, dans quelques jours – : le rôle des conseils départementaux en matière de protection des populations les plus fragiles et de soutien aux communes est bien sûr indispensable.

« J’ai écouté les parlementaires, les associations d’élus » – il s’est rendu à tous les congrès d’associations d’élus locaux – « et les élus des départements […] : les assemblées départementales, qui seront désignées lors des élections des 22 et 29 mars 2015, exerceront pleinement leurs compétences de solidarité, si importantes pour nos concitoyens. […]

« Lors de cette phase de transition – je veux être très clair –, la collectivité départementale pourra même être confortée sur ces compétences de solidarités territoriale et humaine, par exemple en matière d’ingénierie territoriale et d’accès aux services au public.

« Après 2020, le paysage territorial aura évolué. Les régions se seront approprié leurs nouvelles compétences ; les intercommunalités structureront, plus encore qu’aujourd’hui, les territoires. Alors, peut-être, le cadre départemental pourra évoluer. Là où il y a des métropoles – je vous ai lus –, c’est évident. Je note qu’il y a un consensus sur ce point.

« D’autres initiatives bienvenues […] voient le jour, avec des rapprochements en cours entre conseils départementaux » – il en est notamment ainsi entre la Drôme et l’Ardèche, le Bas-Rhin et le Haut-Rhin ou les deux Savoie, monsieur Gaymard – « ou une meilleure coordination des intercommunalités. C’est un mouvement de réforme que le Gouvernement entend construire avec les territoires pour permettre à chacun de trouver la forme d’organisation qui lui convient le mieux. Et cela prend nécessairement du temps !

« […] Nous avons donc cinq ans pour préparer sereinement les évolutions, pour donner aux élus de nouvelles opportunités d’adapter les organisations à la diversité des situations. Faisons confiance aux initiatives locales ! »

Monsieur Molac, tel est l’état d’esprit du Gouvernement. Selon les territoires, dans les années qui viennent, l’organisation pourra être différente. Certes, nous sommes tous les héritiers de la Révolution française, mais le jacobinisme a vécu. L’uniformité n’est plus de mise. Il n’est plus nécessaire d’administrer la France, de la même façon, de Lille à Perpignan et de Brest à Strasbourg. Les territoires peuvent être gérés de façon différente sans que l’unité ni même l’indivisibilité de la République soient menacées.

J’espère vous avoir rassurés sur l’avenir des départements. En revanche, comment ne pas être inquiet d’un retour de l’UMP au pouvoir en 2017, qui ferait peser un risque sur leur existence ? Je tiens à votre disposition des déclarations de François Fillon, Jean-François Copé, Xavier Bertrand et Alain Juppé : ils sont pour la suppression des conseils départementaux.

Mme la ministre. Monsieur le rapporteur, le Gouvernement est favorable à d’éventuels amendements sur les maisons de service public.

Madame Appéré, le schéma régional de développement économique, d'innovation et d'internationalisation (SRDEII) et le schéma régional d'aménagement et de développement durable du territoire (SRADDT) auront pour fonction d’élaborer non pas une carte jusqu’à la parcelle, mais des stratégies qui seront discutées avec les collectivités territoriales, notamment les grandes villes. Les spécialisations devront être prises en compte.

Le SRDEII sera un schéma d’orientation de politique industrielle, de détermination des politiques d’innovation et d’accompagnement à l’internationalisation : il ne visera pas à déterminer le lieu d’installation de tel ou tel type d’entreprise.

C’est la raison pour laquelle la loi MAPTAM a prévu que toutes les communautés d’agglomération soient représentées dans les conférences territoriales de l’action publique (CTAP) et que les communautés de communes rurales y délèguent des représentants, pour discuter de l’atterrissage des décisions qui seront prises. Je tiens à vous rassurer, monsieur Devedjian : le caractère prescriptif des schémas ne posera aucun problème d’ordre constitutionnel, nous l'avons vérifié.

Les fascicules, qui ne seront pas opposables, comprendront simplement des explications et des conduites de raisonnement. Les comptes rendus des CTAP pourront y figurer.

S’agissant du SRADDT, la discussion sur l’égalité des territoires et la prise en compte des territoires ruraux dans l’aménagement des territoires seront très importantes. Il s’agira avant tout d’élaborer un grand schéma d’infrastructures essentielles au développement des territoires afin d’éviter, par exemple, que ceux-ci ne se lancent dans la construction d’un pôle-gare alors qu’un pôle rail-route est déjà prévu ailleurs.

Peut-être l’Assemblée pourrait-elle, par voie d’amendement, inscrire dans le texte la manière dont le schéma métropolitain, le schéma d’agglomération, voire un programme pluriannuel d'interventions (PPI) devront prendre en compte les prescriptions des schémas, dont l’objectif, je le répète, n’est pas d’établir une carte comme on peut en trouver dans les schémas de cohérence territoriale (SCoT) ou les plans locaux d’urbanisme intercommunaux (PLUI).

Vous avez raison, madame Iborra, il convient de favoriser la cohérence entre le développement économique et l’accompagnement vers l’emploi. Le service public de l’emploi a intégré, depuis le 1er janvier dernier seulement, dans les comités régionaux de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles (CREFOP) les représentants des régions. J’ai rappelé devant le Sénat les propositions qui avait été faites, lors de l’examen de la loi relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale, en matière de transfert d’une grande capacité aux régions ou de maintien d’une partie du Fonds social européen (FSE) pour l’accompagnement des chômeurs au niveau national. C’est alors que nous aurions dû discuter plus précisément du rôle des régions dans la formation professionnelle : or, nous ne l’avons pas fait. Il convient désormais d’en tirer les conséquences en vue d’améliorer les choses. Toutefois, rappelons-nous que les dispositions de la loi sur la formation professionnelle ne sont entrées en application que depuis quelques semaines seulement.

Plusieurs des dispositions de la proposition de loi de simplification des normes applicables aux collectivités locales présentée par M. Doligé pourront être reprises dans ce texte. Le Gouvernement s’est notamment engagé à ce que les nouvelles normes se traduisent par un coût zéro. Des échelonnements seront à prévoir. S’agissant des capitales de région supprimées, le passage au statut de communauté urbaine, auquel le Gouvernement n’est pas défavorable, aura, c’est vrai, des conséquences financières sur la répartition des dotations. Il convient donc de rester prudent.

Madame Capdevielle, appelant notre attention sur les territoires anciens, qui doivent être reconnus comme bassins de vie, vous proposez, par voie d’amendement, d’élever le seuil de 20 000 à 30 000 habitants pour créer un EPCI. S’agissant de certains territoires, vous avez raison. Du reste, les seuils, concernant le Grand Paris, seront bien supérieurs. Le Gouvernement a préféré illustrer par un document du Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET) les propos que le Premier ministre a tenus lors de sa déclaration de politique générale sur les territoires vécus. Il s’agit de prendre en compte la vie des personnes et des familles en termes de logements, de services – l’école notamment – et de travail : or l’étude du CGET révèle que le seuil de 20 000 habitants est le bon. Des adaptations pourront, cela dit, être apportées – d’autant, monsieur Devedjian, que le Gouvernement ne donne pas d’ordre au Parlement.

Les Verts, comme du reste M. Devedjian, sont favorables à l’élection au suffrage universel direct des représentants des métropoles. Le Premier ministre, qui a souhaité que l’initiative en ce sens du groupe Écologiste du Sénat soit respectée, a pris note de l’opposition déterminée du président de l’Association des maires de France (AMF). À titre personnel, je tiens à souligner que la question de la démocratie se posera un jour ou l’autre à l’échelon des métropoles.

M. Geoffroy a apporté sa contribution au débat. Un excellent travail a été conduit par M. le sénateur Alain Bertrand sur les territoires « hyper-ruraux » : il faut s’y référer.

C’est vrai que, s’agissant des élus des intercommunalités et des élus départementaux, se posera un jour la question du cumul de leurs fonctions : comme ce sera de toute façon après 2018, il est inutile d’en discuter dans le cadre du présent texte.

Les limites départementales ne sont pas immuables – je pense notamment au cas de Redon. Des amendements ont été déposés en vue de prendre en compte la réalité.

Madame Karamanli, vous avez évoqué le fait que les régions sont, aux termes de l’article 1er, garantes de l’égalité des territoires. En séance publique, le Gouvernement précisera l’esprit de la loi – c’est nécessaire pour permettre son interprétation – sans donner une définition juridique de l’égalité des territoires – c’est impossible, vous avez raison. Un long débat s’est tenu sur le sujet au Sénat : sa conclusion a été qu’il est préférable de parler d’équité de moyens.

S’agissant de l’immobilier des universités, la loi sur l’enseignement supérieur n’a pas choisi, tout en donnant aux régions la possibilité d’y participer, à leur demande, ou dans le cadre des contrats de projets État-région (CPER).

Il est dommage que la majorité sénatoriale n’ait pas voulu d’une mission conjointe sur la refonte de la dotation globale de fonctionnement (DGF), à l’image de la mission conduite par MM. Leonetti et Claeys sur la fin de vie. Il n’est pas vrai, contrairement à ce que j’ai entendu, qu’une mission conjointe de parlementaires de familles politiques différentes oblige leurs groupes, qui gardent au contraire toute leur liberté, y compris après la remise du rapport. Nous nous sommes engagés à nous présenter devant les groupes avec un rapport d’étape que remettront très vite, au nom de leur commission des Finances respective, Mme Pires Beaune pour l’Assemblée nationale et M. Germain pour le Sénat.

Monsieur Gaymard, la Constitution ne permet pas d’inscrire dans le présent texte des dispositions relatives au projet de loi de finances. Nous n’avons pas l’intention de modifier toutes les assiettes fiscales mais de réformer la DGF. Le rapport d’étape sera présenté en février devant le Parlement : je ne doute pas qu’il enrichira les propositions que nous ferons en la matière dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016.

Monsieur Piron, les CTAP permettent d’adapter les compétences aux situations locales. Sans M. Dussopt, votre rapporteur, jamais cet outil n’aurait vu le jour. Nous avons voulu aller plus loin que le principe du chef de file inscrit dans la Constitution. Nous en débattrons en séance.

S’agissant de la coélaboration, je tiens à rappeler que les CTAP ne votent pas. Ce sont des lieux d’échanges qui permettent à chacun de présenter un schéma aussi complet et réaliste que possible.

S’agissant du rôle et des pouvoirs des CDCI, notamment du fait que le préfet ait le dernier mot, je réfléchis à inscrire dans la loi un recours permettant, dans quelques cas, aux ÉPCI de défendre leur point de vue.

Monsieur Mennucci, j’entends votre préoccupation. Vos réflexions sur les territoires en grande difficulté seraient encore plus justifiées pour la mission de préfiguration de la MGP ! La mise en œuvre de la grande métropole d’Aix-Marseille-Provence – que nous sommes fiers d’avoir vue naître – conduit forcément les élus à dresser l’état des lieux du PLU et du PLUI, mais ce dernier ne règle en rien la question de la mixité sociale. En effet, un PLUI métropolitain peut prévoir la localisation des zones d’habitat, mais il n’en fixe pas la nature. Or déterminer le nombre de droits à construire ne revient pas à prévoir des logements sociaux ni une politique d’accession à la propriété. C’est le schéma de cohérence territoriale (SCoT) métropolitain, et surtout le plan local de l’habitat (PLH), qui permettront d’agir en cette matière afin de lutter contre les ghettos évoqués par le Premier ministre, ghettos qui sont apparus parce qu’on avait rejeté certaines populations. Une fois qu’on aura déterminé les zones d’habitat à partir du SCoT, le PLH métropolitain permettra de conduire une vraie politique de mixité sociale ; voilà l’outil qu’il faudra faire fonctionner au plus vite ! Cela dit, vous avez raison sur un point : la tâche ne sera pas facile.

Monsieur Aboubacar, il est encore trop tôt pour inscrire les conclusions des expertises sur Mayotte dans cette loi. Pour m’être rendue dans votre département – ainsi que Jean-Jacques Urvoas le fit également –, je tiens à vous féliciter ; il reste pourtant du travail à faire. En effet, tant qu’on ne dispose pas d’un cadastre, comment parler de fiscalité des collectivités territoriales ? Nous nous engageons à vous accompagner sur ce chantier important ; vous avez la parole du Gouvernement sinon celle de l’État.

Madame Iborra, vous avez raison sur le fond, mais il faut trouver la bonne réponse à l’émiettement des responsabilités. Les propositions que le Conseil national des missions locales a formulées via l’association des maires de France (AMF) apparaissent un peu en retrait, mais je souhaite avancer sur cette question. Vos amendements n’ayant pas encore été soumis à l’arbitrage du Premier ministre, c’est tout ce que je peux vous dire aujourd’hui.

Monsieur Devedjian, le pourcentage d’élus opposés à la métropole d’Aix-Marseille-Provence – 95 % – était même plus élevé qu’à Paris ; certains élus du grand Paris ont pourtant voté en faveur de cette métropole au Sénat. Nous avons fait une concession en acceptant d’intégrer Paris Métropole dans la mission de préfiguration, mais nous n’avons jamais promis que celle-ci ferait la loi. Pourtant j’ai rarement vu un Gouvernement faire preuve d’autant d’ouverture ! Je n’ai abandonné aucune ligne rouge : laisser les territoires récupérer la totalité de la contribution foncière des entreprises (CFE) pendant plusieurs années leur permettra de lisser les taux en leur sein – objectif que nous appelons tous de nos vœux. Étant donné la difficulté de passer directement au taux médian, redonner l’intégralité de l’enveloppe à chaque territoire semble être le moyen le plus sûr d’y parvenir ; ensuite, le lissage pourra continuer à l’échelle métropolitaine.

Au total, on arrivera en 2032 à un niveau correct d’harmonisation des taux de cotisation foncière des entreprises. Entre-temps, une fois que la CFE comme la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) seront reversées à la métropole, et les dotations de solidarité communautaire (DSC) aux territoires ou aux communes, beaucoup d’élus se retrouveront avec un très petit budget. Je respecte ce choix de la mission de préfiguration ; on ne peut pas nous demander à la fois de garantir cette ressource aux territoires pour plusieurs années – diminuant la ressource propre de la métropole – et d’avoir un gros budget à gérer. Suivant le choix de la mission – qui n’est pas celui de Berlin, de Rome ou de Londres –, Paris passera à la métropole très progressivement. À Marseille, Jean-Claude Gaudin – qui n’appartient pas au Parti socialiste – s’était insurgé contre la remise en cause par les parlementaires de la loi votée ; pourtant, nous avons accepté pour la MGP ce que nous avons refusé pour Aix-Marseille-Provence. Il faut mesurer les efforts consentis par le Gouvernement.

M. Patrick Ollier. Pendant des mois, j’ai travaillé avec vous en toute confiance malgré les critiques de mes collègues, tendant la main aux socialistes, aux communistes et aux membres du groupe UDI. Nous étions certains de partager la même vision, le seul point de désaccord résidant dans le problème de la fiscalité. Mais vous avez tort d’affirmer que ce projet traduit la proposition de la mission de préfiguration. Celle-ci n’a jamais demandé qu’au bout de quatre ans l’on passe à un autre système ; elle a demandé – et je rends hommage au Gouvernement, au Premier ministre et à vous-même de l’avoir accepté – que pour quatre ans nous adoptions la forme d’EPCI à fiscalité directe, la clause de rendez-vous permettant ensuite de déterminer les progrès possibles, peut-être différents de ceux que vous avez imaginés. À quoi bon prévoir une clause de rendez-vous si l’on décide par avance de ce que l’on fera après ? Si vous nous faites confiance comme nous vous faisons confiance, la construction de la métropole peut se faire de manière progressive sur quatre ans ; les progrès ultérieurs ont alors une chance d’être beaucoup plus rapides que si vous nous les imposez. C’est le sens des amendements que nous déposons, qui visent à revenir à la raison. Je les défendrai avec vigueur car après avoir tant travaillé pour trouver un compromis, j’ai le sentiment que nous avons été abandonnés en cours de route.

M. Guy Teissier. 113 des 119 maires des communes des Bouches-du-Rhône s’opposent à ce projet. En tant que président de la communauté urbaine de Marseille qui regroupe 1,2 million d’habitants et gère un budget de 1,7 milliard d’euros, j’ai essayé de faire la synthèse des propositions d’EPCI ou de communautés d’agglomérations, dont la couleur politique va du Parti communiste à l’UMP en passant – ce sont même les plus nombreux – par le Parti socialiste. Cette réflexion médiane animée par la volonté d’apaisement – que j’ai portée auprès de vous, du Premier ministre, et du préfet de région avec qui nous avons eu plusieurs réunions de travail – consistait à demander de donner du temps au temps.

En effet, pour que la métropole nous ressemble, il faut qu’elle nous rassemble ; or actuellement, elle nous divise et je suis consterné de voir les jusqu’au-boutistes continuer à lutter, pied à pied, contre son établissement. D’aucuns peuvent faire de grandes déclarations, mais l’on ne saurait négliger l’avis de nos maires, quel qu’il soit. Selon notre souhait, en dehors des cinq domaines qui faisaient l’unanimité parmi les présidents d’EPCI, les compétences seraient progressivement transférées vers la métropole jusqu’en 2020, année après année. Nous garderions ainsi, à l’instar des parisiens, le statut de personne morale et donc la possibilité d’ester en justice. Certains ont pu penser que cette disposition permettrait à des EPCI de se retourner contre la métropole, mais elle les autoriserait avant tout à faire face à des situations judiciaires complexes héritées du passé.

À l’issue de l’examen du projet de loi au Sénat, je suis déçu de ne pas retrouver les engagements que le Premier ministre avait pris devant moi et mes cinq collègues présidents d’EPCI. Les amendements que je présente – qui ont été préparés avec vos collaborateurs et les miens – procèdent d’une volonté de concorde ; j’espère qu’ils seront compris et retenus.

M. le secrétaire d’État. Monsieur Gaymard, tous les élus locaux attendent la réforme de la DGF, qui apportera plus de justice et plus de simplicité. Il faut également envisager un transfert de fiscalité entre les collectivités, mais on ne peut le faire avant de savoir quelles compétences seront attribuées à chaque échelon – régions et départements. Attendons de savoir ce que vous les parlementaires en déciderez pour ensuite proposer les transferts correspondants de la CVAE, de la CFE ou des droits de mutation à titre onéreux (DMTO).

M. Michel Piron. Si l’on avait lié la carte et la définition des compétences, celle-là aurait été différente et celles-ci auraient été affectées différemment.

Par ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, votre argument selon lequel, en 2004, nous aurions fait des erreurs, ce qui vous laisserait le droit d’en faire autant, ne me semble pas faire avancer le débat.

M. le secrétaire d’État. J’ai simplement rappelé qu’en 2004, au moment du débat sur la décentralisation proposée par M. Raffarin, votre position sur le transfert des compétences aux régions et aux départements – notamment en matière routière – avait objectivement évolué au fil de la discussion parlementaire.

M. Jean-Jacques Urvoas. Chers collègues, je vous remercie.

La séance est levée à 19 heures 15.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Présents. - M. Ibrahim Aboubacar, Mme Nathalie Appéré, M. Christian Assaf, M. Luc Belot, M. Jacques Bompard, M. Dominique Bussereau, M. Alain Calmette, Mme Colette Capdevielle, Mme Marie-Anne Chapdelaine, M. Romain Colas, M. Frédéric Cuvillier, Mme Françoise Descamps-Crosnier, M. Patrick Devedjian, Mme Laurence Dumont, M. Olivier Dussopt, M. Hugues Fourage, M. Guy Geoffroy, M. Yves Goasdoué, Mme Marietta Karamanli, M. Guillaume Larrivé, Mme Geneviève Levy, M. Patrick Mennucci, M. Paul Molac, M. Patrick Ollier, M. Michel Piron, Mme Maina Sage, M. Jean-Jacques Urvoas, Mme Paola Zanetti, Mme Marie-Jo Zimmermann

Excusés. - M. Erwann Binet, M. Sergio Coronado, M. Carlos Da Silva, M. Bernard Gérard, M. Alfred Marie-Jeanne, Mme Sandrine Mazetier, M. Bernard Roman, M. Roger-Gérard Schwartzenberg

Assistaient également à la réunion. - M. Étienne Blanc, M. Florent Boudié, M. Jean-Jacques Bridey, M. Hervé Gaymard, M. Daniel Goldberg, Mme Monique Iborra, M. Dominique Potier, M. Guy Teissier, M. Jean Jacques Vlody