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Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Mercredi 3 juin 2015

Séance de 10 heures

Compte rendu n° 71

Présidence de M. Jean-Jacques Urvoas, Président

– Examen de la proposition de loi tendant à clarifier la procédure de signalement de situations de maltraitance par les professionnels de santé (n° 2623 rect.) (M. Olivier Marleix, rapporteur)

– Examen de la proposition de loi tendant à préciser l'infraction de violation de domicile (n° 2444) (M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur)

– Examen de la proposition de loi organique portant diverses dispositions relatives à la collectivité de Saint-Barthélemy (n° 2539) (M. Daniel Gibbes, rapporteur)

– Informations relatives à la Commission

La séance est ouverte à 10 heures 10.

Présidence de M. Jean-Jacques Urvoas, président.

La Commission examine, sur le rapport de M. Olivier Marleix, la proposition de loi tendant à clarifier la procédure de signalement de situations de maltraitance par les professionnels de santé (n° 2623 rect.).

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Nous débattrons aujourd’hui de plusieurs propositions de loi qui seront examinées en séance la semaine prochaine, dans le cadre de la journée réservée à l’ordre du jour proposé par le groupe Les Républicains. Nous commencerons par le texte qui vise à clarifier la procédure de signalement de situations de maltraitance par les professionnels de santé dont Olivier Marleix est le rapporteur.

M. Olivier Marleix, rapporteur. Ce texte, dont notre Commission est aujourd’hui saisie en première lecture, a été adopté par le Sénat le 10 mars 2015.

On dénombre actuellement, en France, 98 000 cas connus d’enfants en danger, dont 19 000 sont victimes de maltraitance et 79 000 se trouvent dans des situations à risque. Pour autant, alors même que ces chiffres sont préoccupants, il semblerait, comme cela m’a été indiqué, dans le cadre des auditions, par la Haute Autorité de santé (HAS), qu’ils soient aujourd’hui largement sous-évalués, notamment dans le cas des affaires intrafamiliales. Les scandales d’abus sexuels sur mineurs qui ont bouleversé l’opinion publique britannique depuis deux ans doivent nous alerter sur ces situations non détectées. Ce véritable problème de société ne concerne toutefois pas que les seuls enfants et touche également des femmes ainsi que des personnes vulnérables, handicapées ou âgées.

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, déposée au Sénat par notre collègue Mme Colette Giudicelli, cherche à renforcer l’efficacité du dispositif de détection et de prise en charge des situations de maltraitance en étendant la procédure de signalement de telles situations à l’ensemble des professionnels et auxiliaires médicaux, tout en les protégeant, dans ce cas, contre l’engagement de leur responsabilité civile, pénale et disciplinaire.

Actuellement, l’article 226-14 du code pénal prévoit que les sanctions applicables à la violation du secret professionnel ne sont pas encourues par plusieurs catégories de personnes et notamment par le médecin qui porte à la connaissance du procureur de la République les sévices ou privations – physiques ou psychiques – qu’il a constatés dans l’exercice de sa profession et qui lui permettent de présumer que des violences physiques, sexuelles ou psychiques de toute nature ont été commises.

Or, cette procédure de signalement reste aujourd’hui trop peu connue et trop peu utilisée par les médecins. En effet, seuls 5 % des signalements d’enfants en danger – chiffre inquiétant – sont effectués par le secteur médical, et 1 % seulement par les médecins libéraux en particulier. Parmi les raisons fréquemment invoquées, figurent notamment le manque de sensibilisation et de formation des professions médicales à la reconnaissance des situations de maltraitance, ainsi que leur crainte de la procédure ou des conséquences d’un signalement demeuré sans suite. Les médecins redoutent également de commettre une erreur, de manquer à leur devoir de loyauté envers leur patient et d’être à l’origine de la rupture du lien de confiance avec la famille. Pour répondre à ces craintes, en octobre 2014, la HAS a élaboré à l’attention des médecins une fiche intitulée « Maltraitance chez l’enfant : repérage et conduite à tenir », qui donne des outils de diagnostic et détaille la procédure de signalement des cas de maltraitance. Il convient de saluer cette belle initiative.

Pour remédier à cette situation dont personne – à gauche comme à droite – ne peut raisonnablement se satisfaire, une intervention du législateur semble pleinement justifiée. Tel est l’objet de la présente proposition de loi, sur laquelle nous pouvons – j’en suis convaincu – tous nous retrouver. Lors de l’examen du texte, le Sénat a d’ailleurs pris soin de le réécrire intégralement, afin d’en assurer la sécurité juridique et l’applicabilité immédiate, ce dont je ne peux, en ma qualité de rapporteur, que me réjouir.

L’article 1er de la proposition de loi étend la procédure de signalement à l’ensemble des professionnels de santé et auxiliaires médicaux, susceptibles d’intervenir auprès des personnes potentiellement victimes de maltraitances, les enfants en particulier. Ainsi, seront désormais couverts par l’immunité non seulement les médecins, mais également les sages-femmes ou les infirmières – notamment scolaires, qui jouent d’ores et déjà un grand rôle dans ce dépistage –, ainsi que les garde-malades, les aides-soignants et les aides médicaux, ce qui représente un progrès indéniable.

L’article 1er réaffirme également sans ambiguïté le principe de l’irresponsabilité civile, pénale et disciplinaire des professionnels de santé auteurs de signalement. Actuellement, les médecins qui signalent une situation de maltraitance dans le respect de la procédure prévue à l’article 226-14 du code pénal n’encourent aucune poursuite pénale, civile ou disciplinaire. Cependant le cadre juridique en vigueur manque de lisibilité, sa compréhension nécessitant une lecture combinée de plusieurs textes et une connaissance approfondie de l’articulation entre les différents types de responsabilités, en partie jurisprudentielle. L’article 226-14 n’évoque actuellement que l’absence de responsabilité disciplinaire ; le texte propose de l’améliorer en indiquant clairement qu’il exempte de responsabilité pénale, civile et disciplinaire.

Enfin, ce même article aménage la possibilité pour les auteurs de signalements de s’adresser directement à la cellule départementale de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes (CRIP). Il ressort de mes auditions que si les médecins hésitent parfois à s’engager en sollicitant directement l’autorité judiciaire – en l’espèce le procureur de la République –, ils sont, en revanche, beaucoup plus enclins à faire appel à la CRIP lorsqu’ils ont de simples doutes sur une situation. La possibilité qui leur est offerte de s’y adresser permettra à cette structure de proposer des solutions adaptées dans le cadre de la protection de l’enfance.

L’article 2 de la proposition de loi instaure pour sa part une obligation de formation des médecins et des professionnels de santé à la détection et au signalement des situations de maltraitance, qui existe déjà pour l’ordre professionnel des sages-femmes. En effet, le principal défaut du système actuel réside dans l’absence de formation à l’identification de ces situations et dans la méconnaissance de la procédure de signalement mise à la disposition des professionnels. Or le signalement constitue un devoir déontologique et il doit être conçu comme un soin à part entière, enseigné dans les universités de médecine. Dans cette perspective, le Sénat a complété, à bon droit, la présente proposition de loi par cette disposition.

L’économie générale de ce texte qui concerne un sujet qui nous touche et nous préoccupe tous me semble équilibrée et consensuelle. Je vous invite donc à un vote conforme qui permettra à cette proposition de loi d’entrer en vigueur le plus rapidement possible, au bénéfice des personnes aujourd’hui victimes de maltraitance dans notre pays.

Mme Colette Capdevielle. Le groupe Socialiste, républicain et citoyen partage l’objectif de cette proposition de loi qui a fait l’objet d’un consensus au Sénat : mieux protéger les enfants en permettant l’intervention la plus précoce et la plus efficace possible. Les chiffres du rapport sénatorial que vous avez cités, monsieur le rapporteur, donnent le vertige : dans notre pays riche et développé, un enfant sur dix serait victime de maltraitance. Toutes les enquêtes démontrent que celle-ci est protéiforme et touche toutes les catégories sociales sans exception. Il faut donc la détecter le plus tôt possible, notamment lorsque les victimes ne parlent pas – les formes les plus sournoises de la maltraitance étant celles qui ont les conséquences les plus dramatiques sur l’avenir des enfants et la construction de leur personnalité d’adultes. Les professionnels de santé sont les premiers à pouvoir les détecter et les signaler. Or force est de constater que trop peu de médecins et de membres des professions médicales le font : 5 % seulement des signalements sont effectués par des médecins – 4 % par des médecins hospitaliers et 1 % par leurs homologues libéraux. On peut débattre des causes de cette réalité, mais nous partageons le constat de l’insuffisance du dispositif aujourd’hui en place et la conviction qu’il s’agit d’un véritable problème.

De nombreux textes encadrent cette question, mais se révèlent incomplets. Notre groupe croit aux vertus du travail pluridisciplinaire pour rassurer le médecin libéral – trop isolé et mal formé. Entre dénoncer – en prenant le risque de se tromper et peut-être d’être poursuivi – et choisir de se taire, le texte propose une voie médiane qui consiste à partager une préoccupation avec d’autres professionnels qui évalueront collectivement la situation et les risques qu’elle présente.

La loi de 2007 donne déjà un cadre légal au partage d’informations entre professionnels ; mais les membres des professions médicales, peu et mal formés, méconnaissent les procédures existantes. Le but étant de ne pas décourager les initiatives, l’apport essentiel de ce texte est d’affirmer clairement dans le code pénal le principe d’irresponsabilité pénale, civile et disciplinaire des professionnels de santé qui effectuent un signalement, sauf si l’on prouve leur mauvaise foi – un véritable renversement de la charge de la preuve. L’objectif est clair : inciter les médecins et les professionnels de santé à plus et mieux signaler sans leur faire prendre le moindre risque. Cette immunité générale sera élargie à l’ensemble des membres des professions médicales et aux auxiliaires médicaux, qui pourront choisir entre deux voies : pour les cas les plus graves, la saisine directe du procureur de la République, et pour tous les autres dossiers, celle de la CRIP. La voie pénale n’est donc désormais plus la seule.

L’idée d’introduire dans le texte une obligation de signalement, initialement prévue, a été abandonnée. Difficile à mettre en œuvre – d’autant que le texte ne prévoyait aucune sanction –, elle risquait d’avoir un effet contreproductif.

Enfin, il aurait été logique d’insérer ces dispositions, par voie d’amendement, dans la proposition de loi relative à la protection de l’enfant, récemment débattue ; cela nous aurait fait gagner du temps. Malgré cette remarque, le groupe Socialiste, républicain et citoyen votera ce texte.

M. François Vannson. Globalement favorable à l’économie générale de ce texte, je voudrais attirer votre attention sur le fait que certaines maltraitances ont des conséquences pathologiques ; ce sont donc les médecins qui sont les mieux à même d’en détecter la nature et la forme. Mais les chiffres cités montrent que les médecins ne disposent peut-être pas de suffisamment de moyens pour déceler ces cas ; étendre la procédure de signalement aux auxiliaires de santé me semble donc salutaire.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. En matière de maltraitance, il reste beaucoup de chemin à parcourir. Si ce texte constitue une avancée, il ne résout pas pour autant toutes les difficultés que rencontrent les présidents d’établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) et les maires. Le suivi du signalement fait souvent l’objet d’un laisser-aller, voire d’une omerta, tant de la part du procureur de la République que du médecin, de la gendarmerie ou des services du conseil départemental. Je salue cette proposition de loi, mais il faudra aller au-delà pour bien circonscrire le sujet.

M. le rapporteur. Madame Capdevielle, le Gouvernement n’a pas souhaité intégrer ces dispositions, par voie d’amendement, dans la proposition de loi « Meunier-Dini » que nous avons examinée récemment. Je partage votre réflexion : combiner l’article 4 de ce texte, qui instaure un médecin référent en matière de protection de l’enfance, et la possibilité de saisine de la CRIP permettra au médecin libéral de ne pas en rester au choix binaire entre l’inaction et l’appel au procureur de la République.

La Commission en vient à l’examen des articles.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Aucun amendement n’a été déposé, ce qui conforte le souhait du rapporteur que nous adoptions conforme le texte adopté par le Sénat.

Article 1er (art. 226-14 du code pénal) : Extension de la procédure de signalement des situations de maltraitance à l’ensemble des professionnels et auxiliaires médicaux et saisine directe de la cellule de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes

La Commission adopte l’article 1er sans modification.

Article 2 (art. 21 de la loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants) : Création d’une obligation de formation professionnelle à l’identification des situations de maltraitance et à la procédure de signalement

La Commission adopte l’article 2 sans modification.

Article 3 (art. 713-3-1 du code pénal) : Application de la proposition de loi dans les collectivités d’outre-mer

La Commission adopte l’article 3 sans modification.

Puis elle adopte l’ensemble de la proposition de loi sans modification.

*

* *

La Commission examine ensuite, sur le rapport de M. Marc-Philippe Daubresse, la proposition de loi, adoptée par le Sénat, tendant à préciser l’infraction de violation de domicile (n° 2444).

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Nous sommes saisis d’une proposition de loi tendant à préciser l’infraction de violation de domicile, que le Sénat a adoptée, en première lecture, le 10 décembre 2014 – soit bien avant les événements très médiatisés qui ont eu lieu à Rennes. Ce texte est issu d’une proposition de notre collègue sénatrice Natacha Bouchart, par ailleurs maire de Calais, ville confrontée à un inquiétant développement du « squat ».

Ce phénomène, qui correspond juridiquement à une occupation sans droit ni titre d’un local, se caractérise par une voie de fait observée lors de l’introduction dans les lieux. Il revêt deux formes : il peut s’agir soit de l’occupation d’un domicile – sanctionnée spécifiquement par l’article 226-4 du code pénal –, soit d’un autre local – logement ou dépendance d’un logement.

Le cadre juridique applicable face à une telle occupation illicite n’est pas uniforme puisque le droit en vigueur permet l’intervention des forces de l’ordre, en cas de flagrance, uniquement lorsque l’immeuble en cause est le domicile de la victime. Cette question a été soulevée il y a plus de dix ans, lorsque j’étais ministre du Logement, lors des assises du logement, dans le cadre de la loi de cohésion sociale ; nous avions alors pris le temps de réfléchir pour légiférer de manière cohérente. Le sujet est revenu dans le dispositif juridique actuel par l’article 38 de la loi du 5 mars 2007, dite loi « DALO ». À l’évidence, cet article s’avère utile, mais insuffisant face à un phénomène qui concerne parfois – ce qui est d’autant plus choquant – des personnes modestes ou fragilisées, telles que des personnes âgées qui, de retour d’un déplacement ou d’une hospitalisation, constatent une occupation illicite de leur domicile. De manière de plus en plus fréquente, ce phénomène est aussi le fait de véritables bandes organisées, qui profitent des failles de notre droit pour organiser des squats. Le texte qui vous est soumis propose donc de modifier notre législation pour rendre plus effective la possibilité pour le propriétaire ou l’occupant légitime d’un logement d’en recouvrer l’usage.

Alors que l’échauffement médiatique amène parfois à légiférer selon les circonstances, l’analyse juridique m’amène à vous proposer, comme la commission des Lois du Sénat, de ne pas revisiter l’article 38 de la loi DALO, mais l’article 226-4 du code pénal. Déposée au Sénat par Mme Natacha Bouchart, la proposition de loi initiale – sur laquelle nous reviendrons dans le cadre de l’examen des amendements car notre collègue Marc Le Fur souhaite réintroduire plusieurs dispositions supprimées – comportait deux articles. Elle a été profondément remaniée à l’initiative du rapporteur de la commission des Lois du Sénat, M. Jean-Pierre Vial, du groupe UMP – aujourd’hui, Les Républicains.

L’article 1er proposait de mieux préciser la caractérisation de la flagrance du délit lorsque le maintien de l’occupant illégitime se prolonge dans le temps. Il fixait à quatre-vingt-seize heures, à compter de la commission de l’infraction, la durée pendant laquelle le flagrant délit de violation de domicile pouvait être constaté. La commission des Lois du Sénat n’a pas retenu cette rédaction. Elle a estimé que ce délai pouvait être contraire aux intérêts du propriétaire ou de l’occupant légitime d’un domicile s’il est absent pour une durée supérieure. De plus, elle n’a pas estimé opportun d’introduire dans l’article 53 du code de procédure pénale, qui traite de l’ensemble des cas de flagrance, un délai spécifique pour l’infraction de violation de domicile.

L’article 2 visait à renforcer la possibilité de recourir à la procédure d’expulsion prévue à l’article 38 de la loi DALO en permettant au maire, qui a connaissance d’une violation de domicile au sens de l’article 226-4 du code pénal, de demander au préfet de mettre en demeure l’occupant de quitter les lieux. En première analyse, j’étais plutôt favorable à cette disposition, mais la commission des Lois du Sénat a relevé que si, en application des dispositions proposées, le propriétaire pouvait demander au préfet de mettre en demeure l’occupant sans titre de quitter les lieux, le préfet n’est pas tenu de faire droit à cette demande. Ce n’est que dans le cas où il a délivré une mise en demeure, et que celle-ci n’est pas suivie d’effet, que le préfet aurait alors été contraint de procéder à l’évacuation forcée. Dans des situations comme celle que l’on a connue récemment, le fait que le maire signale le problème au préfet n’aurait pas réduit la durée des procédures ; en effet, la faculté ouverte au maire de saisir le préfet ne fait pas naître d’obligation pour ce dernier. C’est d’ailleurs une jurisprudence du Conseil d’État en ce sens qui a amené la commission des Lois du Sénat à faire cette remarque juridiquement pertinente. En outre, la commission des Lois du Sénat a estimé que la responsabilité du maire pourrait être engagée dès lors qu’il agit sur son initiative, sans recueillir nécessairement l’accord du propriétaire ou de l’occupant légitime du logement. Surtout, le dispositif initialement proposé, en ne se limitant pas au seul « domicile », mais s’appliquant à tout local, dépassait largement le champ des dispositions en vigueur.

Le texte approuvé par les sénateurs de toutes tendances politiques – y compris par nos collègues du groupe Socialiste – apparaît profondément modifié. Plutôt que de fixer un délai de flagrance ou de compléter l’article 38 de la loi DALO, le choix a été fait de distinguer entre l’introduction dans un domicile et le maintien dans celui-ci. Pourquoi cette distinction ? La rédaction actuelle de l’article 226-4 du code pénal implique que pour qu’un « maintien » dans le domicile d’autrui puisse être " flagrant ", il doit être accompagné de « manœuvres, menaces ou voies de fait ». Or ces comportements frauduleux sont généralement commis au moment de l’introduction dans les lieux, mais plus au stade du maintien dans ceux-ci. C’est pourquoi les propriétaires recourent aujourd’hui aux procédures – longues – d’expulsion, avec des recours fréquents, que je connais bien pour avoir été ministre du Logement.

En distinguant, dans deux alinéas, l’introduction et le maintien dans les lieux, le délit continu de maintien illicite dans un domicile pourra être constaté en flagrance à tout moment, dès lors que ce maintien fait suite à une introduction qui, elle, a donné lieu à des voies de fait. En résumé, plutôt que d’augmenter de quarante-huit à quatre-vingt-seize heures le délai de constatation de la flagrance qui s’applique tant à l’introduction qu’au maintien dans les lieux, le texte permettra au propriétaire de faire constater la flagrance du maintien illicite dans son domicile même si l’introduction frauduleuse date de plusieurs jours, comme dans le cas récemment commenté par la presse.

Je sais que de nombreux collègues sont attachés à la pleine application de l’article 38 de la loi DALO et souhaitent légiférer en ce sens. Mais, précisément, en modifiant l’article 226-4 du code pénal, nous donnons sa pleine effectivité à la notion de maintien dans un domicile, dans l’acception juridique de ce terme. C’est d’ailleurs ce que le rapporteur de la commission des Lois du Sénat a précisé en séance publique.

Enfin, compte tenu des changements apportés au texte, la commission des Lois du Sénat a modifié l’intitulé de la proposition de loi, pour faire référence à « l’infraction de violation de domicile » plutôt qu’à « l’expulsion des squatteurs », titre qui pouvait laisser penser, à tort, que le texte créait une nouvelle procédure d’expulsion dérogatoire du droit commun, pour l’ensemble des locaux.

J’espère que cette proposition de loi – un dispositif simple mais efficace, basé sur une appréciation objective des faits – fera l’objet d’une adoption consensuelle. Les extraits du compte rendu des débats sénatoriaux, qui figurent dans mon pré-rapport, montrent que Mme Bouchart s’est réjouie de l’adoption du texte modifié ; l’oratrice du groupe Socialiste a également voté en faveur de la proposition de loi, compte tenu des modifications apportées en commission ; le Gouvernement a enfin émis un avis de sagesse très positive. J’espère que la même sagesse prévaudra à l’Assemblée nationale et que cette proposition de loi particulièrement utile pourra entrer en vigueur au plus vite. Nous sommes tous confrontés aux critiques sur l’impuissance du politique et sur l’impossibilité de laisser les choses en l’état ; le dispositif proposé permet de les faire évoluer rapidement. Marc Le Fur qui ne peut être présent, mais qui a souhaité que l’on débatte de ses amendements, m’a dit me faire confiance pour faire adopter la solution juridique que je viens de vous exposer.

Je souhaite que ce texte soit voté conforme par notre assemblée parce qu’il est urgent d’apporter des outils juridiques simples, mais adaptés aux victimes des squatters. Bien sûr, plusieurs amendements présentés par Marc Le Fur et Philippe Goujon sont intéressants ; j’étais d’ailleurs favorable à l’introduction dans le dispositif des mesures relatives au rôle du maire. Mais leur adoption donnerait lieu à une navette supplémentaire ; or, pour m’être entretenu avec les responsables de la commission des Lois du Sénat, je sais qu’ils n’accepteraient pas cette modification.

J’espère vous avoir démontré l’utilité du travail de nos commissions des Lois dans ce domaine.

M. Gilbert Collard. Ce texte particulièrement intéressant soulève au moins un problème : celui de l’évacuation des squatteurs une fois l’occupation constatée. Il n’existe pas d’infraction plus sensible du point de vue démocratique que la violation de domicile. Liée non à la notion de propriété – on peut être chez soi sous une tente ou dans une chambre d’hôtel –, mais à l’idée de foyer, elle remonte au droit romain où elle revêtait une nature religieuse. Un homme ou une femme laissent une histoire dans l’espace où ils vivent, s’aiment ou se détestent – peu importe qu’il soit ou non pourvu de meubles –, et c’est cette histoire, bien plus que la propriété, que viole un tiers qui s’y introduit par force, violence ou ruse. Tous ceux qui ont été cambriolés gardent le souvenir d’un sentiment de viol intime. Cette infraction a été créée dans un sommet de civilisation, et une démocratie se doit de protéger le domicile qui représente la continuation existentielle, et non matérielle, de l’individu.

Or ce qui se passe aujourd’hui, notamment dans le cas récent qui vient d’être évoqué, montre un mépris évident de la personne. Ce texte est le bienvenu, mais à partir du moment où l’officier de police judiciaire aura constaté l’infraction – tâche que l’on peut également confier à un huissier mandaté –, au bout de combien de temps la force publique interviendra-t-elle pour assurer l’expulsion ? Il faudrait fixer un délai obligatoire – par exemple de quinze jours ou d’un mois – dont le préfet disposerait pour déclencher cette intervention ; à défaut, la loi restera manchote, muette et impuissante ! Il faut réfléchir à l’efficacité des lois car il faut bien convenir, avec Montesquieu, que celles-ci sont inutiles si l’on ne peut pas les exécuter.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. On peut légitimement se retrouver dans les propos de Marc-Philippe Daubresse sur l’importance du sujet. On connaît les difficultés, voire les injustices que provoque parfois le dispositif législatif actuel lorsque des personnes de bonne foi – propriétaires, locataires, occupants des lieux – sont privées de leur domicile par voie d’actes illégaux. Nous avons abordé ce dossier à de nombreuses reprises sous les deux dernières législatures, en essayant de répondre à l’exigence de protection des personnes lésées dans leurs droits et dans leur quotidien par un acte illégitime. Mais, si nous devons avant tout penser aux victimes de ces comportements, le sujet est complexe et je crois, comme Marc-Philippe Daubresse, que le texte initial de la sénatrice et maire de Calais comportait des éléments inacceptables. Ainsi, en matière pénale, revisiter la question du délai de la flagrance aurait des conséquences incontrôlables au niveau de la jurisprudence. De même, il n’est pas envisageable de modifier l’article 38 de la loi DALO qui avait été élaboré avec le souci de l’efficacité maximale. Notre groupe s’accorde avec le rapporteur tant sur la nécessité d’améliorer le dispositif existant que sur l’impossibilité de le faire à partir des paramètres que notre collègue avait choisis. La commission des Lois, puis le Sénat dans son ensemble, ont fait un très bon travail en écartant la question de la durée de la flagrance et l’examen de l’article 38 pour se concentrer sur l’article 226-4 du code pénal qui assortissait en effet, de façon étonnante, l’infraction de s’introduire dans des lieux et celle de s’y maintenir de la condition de voies de fait. La subtilité juridique – indispensable pour ne pas être mis en échec sur la bonne volonté du législateur – consiste à séparer l’introduction du maintien, cette dualisation m’apparaissant très pertinente. Notons au passage que les amendements déposés, notamment par M. Le Fur, ne peuvent pas être acceptés, sous peine de nous ramener à la case départ de la proposition de loi, en contradiction totale avec le travail accompli par le Sénat et les propos du rapporteur. Nous espérons que la Commission n’avalisera pas ce retour en arrière, qui serait totalement inefficace par rapport à nos objectifs.

Par ailleurs, le texte ne me semble pas aller au bout de nos possibilités. En effet, la définition de la notion de « domicile » est aujourd’hui insuffisamment précise, malgré l’interprétation de la jurisprudence qui en fait, pour résumer, l’endroit où l’on est chez soi. Ainsi, cette définition ne convient pas au cas de Rennes car la personne concernée avait un autre domicile ; l’invoquer aurait assuré un beau procès avec trois recours et deux appels ! Il faudrait donc donner à cette notion une base plus solide. Nous n’avons pas déposé d’amendements, mais il faudrait travailler sur cette idée pour parfaire le dispositif de façon qu’il puisse être approuvé par les sénateurs. Une hypothèse consiste à distinguer le domicile et le lieu d’habitation que l’on peut légitimement réclamer comme tel – idée adaptée au cas rennais.

Enfin, la question du maintien dans le domicile risque de poser problème. L’article 226-4 du code pénal n’avait pas, à l’origine, opéré la distinction entre introduction et maintien car si l’on ne qualifie pas ce dernier, on rend aléatoire l’appréciation de sa réalité et l’on crée surtout un délit permanent qui ne saurait être accepté en jurisprudence. La recherche d’efficacité risque ainsi de créer une nouvelle difficulté. Nous voudrions, monsieur le rapporteur, clarifier ce problème, notamment en évoquant l’hypothèse du maintien occulte, susceptible d’ouvrir le champ pénal même si la révélation se fait plusieurs années plus tard. Ainsi, dans le cas où les héritiers s’aperçoivent au bout de cinq ans de débat entre eux que le patrimoine à partager était durant tout ce temps occupé, cette révélation du maintien pourrait rendre la notion de flagrance applicable.

D’accord avec l’objectif du texte – améliorer le dispositif existant –, nous adhérons à l’approche du Sénat et proposons de ne pas retenir les amendements de notre collègue Le Fur qui risquent de remettre tout l’édifice en question. Si nos conditions sont satisfaites, nous nous abstiendrons en commission pour discuter avec vous, monsieur le rapporteur, de l’introduction d’éléments susceptibles de nous faire faire un pas de plus et acceptables par les sénateurs. Nous souhaitons affiner le dispositif autant que possible sans créer de nouvelles difficultés que le législateur a su éviter jusque-là. Nous sommes convaincus de la pertinence de la question et de la nécessité de l’aborder dans une perspective éminemment juridique. En effet, monsieur Collard, l’exécution d’un jugement appartient à l’autorité publique, et si celle-ci n’exécute pas un jugement, elle engage sa responsabilité financière. Pour résumer, nous souhaitons écarter les amendements qui altéreraient le sens de la proposition sénatoriale, validée par notre rapporteur, pour continuer à améliorer le texte. À mon sens, l’introduction d’un nouvel alinéa créerait un nouveau problème et c’est pour renforcer le dispositif que nous vous ferons une proposition avant la séance.

M. Bernard Gérard. Je me réjouis de la réponse législative apportée par le Sénat qui a ainsi effectué un travail utile, constructif et consensuel. Je me félicite également de l’esprit qui règne ici ce matin pour essayer résoudre un problème qui était devenu un véritable no man’s land juridique pour nos concitoyens.

J’aimerais que le rapporteur nous donne quelques explications sur l’infraction continue et la flagrance qui ont été évoquées de façon très pertinente par M. le Bouillonnec. En la matière, il faut effectivement être prudent.

Nous avons tous été confrontés, en tant que maires, à des problèmes de cette nature. Bien souvent les personnes qui viennent nous voir sont âgées et assez vulnérables. Elles n’ont pas du tout l’intention d’aller devant des tribunaux et ne savent pas comment s’y prendre. Le maire apparaît alors comme un recours. À cet égard, l’amendement de M. Le Fur m’a semblé très intéressant. Peut-être faut-il ajouter que, quand la nécessité le commande, le maire doit pouvoir agir, en lieu et place d’un concitoyen qui peut être propriétaire d’une maison, et qui peut parfois se trouver sous tutelle. Si le maire n’intervient pas, les procédures risquent en effet d’être interminables.

Pour autant, je conçois qu’il est de notre devoir d’apporter le plus rapidement possible une réponse à nos concitoyens. Il nous faut donc éviter de nouvelles navettes parlementaires qui enterreraient pour de longs mois notre dossier, et viser ensemble l’efficacité. J’ai le sentiment d’ailleurs que nous ne sommes pas loin d’aboutir à une solution consensuelle. Les observations qui ont été faites par le rapporteur quant à la prudence dont nous devons faire preuve sur les amendements qui ont été déposés sont convaincantes.

M. le rapporteur. Moi aussi je suis maire et j’ai été ministre du Logement. Nous avons beaucoup travaillé, avec Jean-Yves le Bouillonnec, sur certains de ces sujets qui sont sur la table depuis des années. Aujourd’hui, nous avons envie d’avancer, mais c’est juridiquement très compliqué. Il faut en effet éviter de voter une loi de circonstance bricolée, ce qui nous obligerait à légiférer à nouveau, montrant par là même l’impuissance du politique.

Monsieur Collard, le dispositif proposé vise à faire intervenir le procureur dans une enquête de flagrance. Ce n’est donc pas le préfet qui exécutera une décision de justice. Les maires ici présents savent combien l’intervention du préfet, les constats, le recours aux forces de l’ordre sont des procédures lourdes et complexes. Le maire pourra signaler au procureur un cas dont il a connaissance dans sa commune et lui demander d’intervenir. En rendant le délit continu, nous permettrons une intervention rapide. Fixer un délai de flagrance, voire l’allonger, ne règlerait pas le problème sur le fond. Le délit de maintien dans le domicile d’autrui est continu même s’il n’y a plus de menace ou de voies de fait – une subtilité juridique permet de résoudre le problème.

Je me suis entretenu hier au téléphone avec M. le Fur qui ne peut être présent ce matin mais qui souhaite que l’on débatte de ses amendements. Il veut avancer lui aussi et me fait confiance quant à la solution juridique retenue.

Cette volonté d’avancer est partagée par tous. Ainsi, Natacha Bouchart, après ce travail de fond mené en commission des Lois du Sénat par le rapporteur Jean-Pierre Vial, a trouvé satisfaisante la solution à laquelle nous sommes parvenus. Elle souhaite, elle aussi, que la proposition de loi soit votée conforme par notre assemblée. Par ailleurs, la sénatrice socialiste Samia Ghali, confrontée au problème des squats à Marseille, s’indigne contre les préfets qui font traîner les choses en longueur, et se réjouit que nous ayons trouvé une disposition permettant d’éviter ce délai très long d’intervention.

Monsieur Le Bouillonnec, je n’ai pas la même interprétation que vous en ce qui concerne la notion de domicile. Quand on est dans un véhicule, on est dans une propriété. Quand on parle d’un terrain attenant à un domicile, qu’est-ce qui est qualifié de domicile et qu’est-ce qui ne l’est pas ?

Concernant le maintien dans un lieu d’habitation, vous dites qu’il n’est pas possible d’avoir un délit continu. Si. Une circulaire de 1993 relative au nouveau code pénal précise qu’il s’agit d’un délit continu tout en faisant référence à la notion de maintien. C’est la raison pour laquelle nous créons le délit continu, permanent, qui s’appuie sur cette circulaire et qui nous permet de le constater dès l’entrée dans les lieux, sans attendre forcément un délai. En modifiant l’article 226-4 du code pénal, nous intervenons sur la capacité du procureur à agir rapidement.

Mes chers collègues, si nous voulons donner le signal que nous avançons sur ce sujet, il faut voter ce texte conforme, ce qui ne nous empêchera pas de travailler ensemble et avec le Sénat pour aboutir peut-être à une autre proposition de loi sur la question du domicile. Aujourd’hui, essayons de montrer que les politiques travaillent et obtiennent un résultat acceptable juridiquement.

Monsieur Collard, la protection du domicile relève bien des chapitres relatifs à l’atteinte à la vie privée.

La Commission en vient à l’examen des articles de la proposition de loi.

Avant l’article 1er

La Commission est saisie de l’amendement CL1 de M. Marc Le Fur.

M. Philippe Gosselin. M. Le Fur regrette beaucoup de ne pas être présent ce matin pour défendre ses amendements.

Je ne reviendrai pas sur l’affaire Thamin qui a été longuement évoquée. Au-delà, il existe d’autres cas qui défrayent régulièrement la chronique et qui heurtent, à juste titre, nombre de nos concitoyens. Ces amendements tendent précisément à faire avancer les choses.

J’ai entendu les explications intéressantes de M. Le Bouillonnec, qui propose une autre porte d’entrée. Cela me paraît parfaitement complémentaire. J’ai également entendu notre rapporteur qui souhaite que le texte soit voté conforme par l’Assemblée nationale, ce qui permettrait au dispositif d’être efficace très rapidement. Pour autant, si nous en restions au vote émis par le Sénat, nous n’épuiserions pas totalement le sujet. M. Le Fur souhaite aller un peu plus loin sur la notion de flagrance, et éviter que la loi DALO ne soit contournée. Pour ce faire, il propose de compléter l’article 38 de cette loi en complétant l’article 53 du code de procédure pénale par un alinéa tendant à introduire des délais différents dans la prise en compte de la flagrance.

Anticipant une éventuelle demande de retrait, je précise que cet amendement est maintenu à ce stade afin que nous puissions continuer à débattre et envoyer le signal clair qu’il n’est pas acceptable que la loi DALO soit détournée. Le droit de la propriété doit être respecté et l’illégalité ne doit pas être privilégiée par rapport à des propriétaires de bonne foi.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Il ne faut pas commenter à l’excès l’affaire rennaise – d’ailleurs vous ne l’avez pas fait monsieur Gosselin – et je le dis sous le contrôle de Mme Chapdelaine. En effet, ce que je lis souvent dans les journaux n’a qu’un rapport assez éloigné avec la réalité juridique de ce dossier dans lequel les services de l’État n’ont aucunement une part de responsabilité. C’est bien la personne en question qui n’a pas diligenté les procédures au moment où on lui a demandé de le faire.

Par ailleurs, je suis toujours extrêmement réservé quand on fait du pointillisme juridique. Créer une situation particulière pour un cas de flagrance va générer une atteinte à des règles générales en matière pénale, ce qui risque d’ouvrir la porte demain à d’autres divergences.

M. le rapporteur. L’amendement complète l’article 38 de la loi DALO. Certes, il porte de quarante-huit à quatre-vingt-seize heures le délai de flagrance, mais il ne viserait la situation du maintien dans les lieux que dans le seul cas où ce maintien s’appuierait sur des « manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte » alors qu’elles ne sont généralement constatées qu’à l’entrée dans les lieux. C’est pourquoi la modification de l’article 226-4 du code pénal est bien plus adaptée, et je pense en avoir convaincu M. Le Fur.

J’y insiste, si la proposition de loi est votée conforme par l’Assemblée nationale, elle entrera en application dès le 1er juillet. Comme l’a souligné le président Urvoas, nous sommes confrontés à des phénomènes médiatiques pour lesquels on n’explique pas la réalité du problème ni la difficulté à trouver des solutions. En proposant une solution qui fait avancer les choses, nous enverrons un signal fort même si, comme l’a fait observer fort justement M. Le Bouillonnec, il faudra préciser les questions de domicile.

Avis défavorable donc, tout en reconnaissant que le débat est très utile.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Si cet amendement devait être déposé en séance publique, il serait bon que son signataire expurge, dans l’exposé des motifs, la référence au cas rennais, ce qui prêterait moins le flanc à la critique politique.

La Commission rejette l’amendement.

Article 1er (art. 226-4 du code pénal) : Flagrance de la violation de domicile

La Commission examine, en présentation commune, les amendements CL2 et CL3 de M. Marc Le Fur.

M. Philippe Gosselin. J’ai bien précisé que l’affaire Thamin était un cas parmi d’autres. Il n’y a donc aucune polémique de notre part. Monsieur le président, en tout état de cause, je ferai part à M. Le Fur de votre conseil bienveillant d’expurger de l’exposé des motifs la référence au cas rennais.

L’amendement CL2 vise à alourdir le régime des peines applicables à l’occupation sans droit ni titre. Mais j’entends bien qu’il est nécessaire de parvenir à un dispositif efficace, un vrai droit positif applicable le 1er juillet et pas à d’hypothétiques solutions, même si elles peuvent être meilleures dans les mois qui viennent.

L’amendement CL3 est défendu.

M. le rapporteur. Sur le fond je suis d’accord avec l’amendement CL2. Cela dit, le plus important, c’est de pouvoir évacuer dans les meilleurs délais les squatteurs, donc de disposer rapidement d’un dispositif opérationnel. C’est la raison pour laquelle je suis défavorable à l’amendement CL2.

S’agissant de l’amendement CL3, bien sûr, les jugements d’expulsion doivent être exécutés par le préfet. Les jugements se concluent d’ailleurs par la formule : « la République française mande et ordonne », etc. L’État est tenu de prêter son concours à l’exécution des jugements et des autres titres exécutoires. Mais cela prend beaucoup de temps aujourd’hui. Selon la décision Couitéas du Conseil d’État en date du 30 novembre 1923, la responsabilité de l’État pour rupture de l’égalité devant les charges publiques, qui est une responsabilité sans faute, peut être engagée dans ce cas particulier.

En adoptant cet amendement, nous nous heurterions à cette jurisprudence du Conseil d’État.

La Commission rejette successivement les amendements.

Puis elle adopte l’article 1er sans modification.

Article 2 (supprimé) (art. 38 de la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale) : Saisine du préfet par le maire pour qu’il mette en demeure l’occupant sans titre d’un domicile de quitter les lieux

M. le président Jean-Jacques Urvoas. L’article 2 a été supprimé par le Sénat.

La Commission est saisie, en discussion commune de l’amendement CL5 de M. Philippe Goujon et CL4 de M. Marc Le Fur, tous deux de rétablissement de l’article.

M. Philippe Goujon. Je veux dénoncer les lacunes de la loi DALO alors que le squat de maisons et d’appartements se développe. Je rappelle que, dans l’affaire Thamin, les squatteurs avaient invoqué cette loi et même affiché son texte sur la porte de la maison, ce que l’on peut considérer comme une forme de provocation.

La procédure dérogatoire de l’article 38 de la loi DALO est très rarement appliquée. Elle est peu connue en effet des personnes de bonne foi qui, la plupart du temps, ne savent pas que l’on peut saisir le préfet, même si, en l’espèce, les pouvoirs de celui-ci sont extrêmement modestes et peu utilisés.

Dans le rapport sénatorial, il est ainsi indiqué qu’une dizaine d’affaires de ce type seulement ont été recensées entre 2011 et 2014. Le recours à la force publique est plutôt privilégié pour prévenir les troubles à l’ordre public que pour régler des litiges d’ordre privé. Cela étant, certains squats mettent en péril la salubrité, la tranquillité publique, et le préfet peut bien sûr être pleinement compétent.

La victime d’une occupation illégale saisit la plupart du temps l’autorité administrative la plus proche, c’est-à-dire le maire et, pour les communes de Paris, Lyon et Marseille, le maire d’arrondissement ou de secteur. L’expérience que nous avons à Paris montre que c’est souvent le maire d’arrondissement qui est le premier saisi, avant le maire de Paris et le préfet de police. D’ailleurs, Bertrand Delanoë disait que la mairie d’arrondissement est la porte à laquelle les citoyens viennent frapper le plus spontanément.

M. le rapporteur. Le dispositif que je vous propose permet au maire d’arrondissement de saisir le procureur qui peut intervenir de manière immédiate et continue. Si nous avions retenu comme mesure l’intervention du préfet, il y aurait eu une logique à ce que le maire d’arrondissement puisse agir et j’aurais été favorable à l’amendement.

Quant à l’amendement CL4, il vise à permettre au maire de demander au préfet d’intervenir, même sans l’accord du propriétaire. Dans ce cas, attention à la mise en cause de la responsabilité du maire par le propriétaire.

Avis défavorable sur les deux amendements, compte tenu de la logique adoptée.

La Commission rejette successivement les amendements et maintient la suppression de cet article.

Puis elle adopte l’ensemble de la proposition de loi sans modification.

*

* *

La Commission examine, sur le rapport de M. Daniel Gibbes, la proposition de loi organique portant diverses dispositions relatives à la collectivité de Saint-Barthélemy (n° 2539).

M. Daniel Gibbes, rapporteur. Monsieur le président, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui la proposition de loi organique portant diverses dispositions relatives à la collectivité de Saint-Barthélemy.

Vous le savez sans doute, ce texte a été adopté par le Sénat le 29 janvier 2015 à l’unanimité. C’est que cette proposition de loi organique n’est pas une niche politique, elle est l’aboutissement d’un processus de révision du statut, que je qualifierai de modèle du genre.

Depuis 2003, le statut de Saint-Barthélemy évolue selon une démarche constructive de décentralisation, qui repose sur la consultation de la population locale, la formulation de vœux et de projets par les élus du territoire, puis la concertation avec l’État et la discussion législative. C’est ainsi que le statut initial a été élaboré entre la révision constitutionnelle de 2003 et la loi organique de février 2007.

C’est également cette démarche qui a donné lieu à la proposition de loi organique qui vous est soumise. Après six années de mise en œuvre du statut, le conseil territorial de Saint-Barthélemy a adopté, au mois de décembre 2013, un avis formulant une série de propositions d’évolution de ce statut. Ce sont ces propositions qui ont été reprises dans la proposition initiale par le sénateur Michel Magras, et qui constituent la trame du présent texte.

Mon rapport est très favorable à la démarche suivie par la collectivité de Saint-Barthélemy et aux grandes lignes du texte adopté par le Sénat.

De quoi s’agit-il concrètement ?

Nous aurons l’occasion de revenir précisément, article par article, sur chacune des dispositions de la proposition de loi organique, aussi ne vais-je pas les détailler dès à présent mais plutôt tenter de vous présenter, à grands traits, les principales arêtes de ce texte et du rapport que je vous soumets. Le conseil territorial de Saint-Barthélemy a souhaité faire évoluer le statut dans deux directions : d’une part, l’extension mesurée des compétences exercées par la collectivité, d’autre part, l’assouplissement de son fonctionnement institutionnel.

D’emblée, je souhaite aborder rapidement devant vous les questions institutionnelles, prévues aux articles 7 à 13 du texte, car il me semble que celles-ci peuvent ne poser aucune difficulté particulière. Les trois évolutions qui vous sont soumises dans la proposition sont modestes.

Elles visent d’abord à rapprocher le fonctionnement de la collectivité de celui des départements et des régions, en matière de délais de convocation et d’étendue de l’information des conseillers territoriaux.

Elles tendent ensuite à modifier, de façon équilibrée, les conditions d’intervention du Conseil économique, social et culturel (CESC) de Saint-Barthélemy. Le texte propose de durcir les délais de consultation du CESC pour toutes les délibérations ordinaires afin de fluidifier le processus de décision, mais il renforce et anticipe également davantage l’information du CESC sur les projets de délibération.

Enfin, la proposition de loi organique apporte des précisions sur le fonctionnement du conseil exécutif de Saint-Barthélemy, point sur lequel je souhaite m’arrêter un instant.

Comme vous le savez sans doute, le statut de Saint-Barthélemy, comme celui de Saint-Martin d’ailleurs, a érigé une forme particulière d’exécutif de la collectivité en répartissant ce pouvoir entre le président de l’assemblée délibérante et un organe collégial : le conseil exécutif. En gestion, ce partage du pouvoir exécutif peut, certes, entraîner parfois des lourdeurs qui semblent inutiles, mais il a été voulu par le législateur organique comme un gage d’équilibre des pouvoirs au sein d’une collectivité de petite taille.

Alors que la proposition de loi initiale tendait à réduire le rôle de ce conseil exécutif et à affaiblir son caractère collégial dans un but de plus grande efficacité exécutive, la commission des Lois du Sénat a souhaité défendre, au contraire, cette particularité du statut. Je partage pleinement ce souci et souhaite que le conseil exécutif de Saint-Barthélemy conserve sa place et son mode de fonctionnement dans les institutions de la collectivité.

À l’exception de détails rédactionnels ou de coordination, je ne vous proposerai pas de modifier les articles portant sur ces aspects institutionnels.

En fait, les principaux sujets de débats contenus dans cette proposition de loi organique concernent les compétences exercées par la collectivité, telles que les modifient les articles 1er à 6 du texte.

En réalité, plusieurs de ces articles ne me semblent pas soulever de difficulté majeure. La proposition vise notamment : à aménager le droit de préemption dont dispose la collectivité – c’est l’article 1er – ; à autoriser expressément la collectivité à instaurer des sanctions administratives pour les violations de la réglementation qu’elle édicte dans ses domaines de compétences – c’est l’article 3 – ; à transférer à la collectivité les compétences de réglementation du domaine de la location de voitures – c’est l’article 4 – et de délivrance des titres de navigation aux petits bateaux de plaisance – c’est l’article 4 bis.

Aucun de ces points ne pose de problème juridique. Je ne vois donc que des avantages à permettre à l’État et à la collectivité de corriger ou compléter sur ces points, huit ans après, le partage initial des compétences issu du statut.

Trois sujets principaux concernant les compétences de Saint-Barthélemy doivent, au contraire, retenir toute notre attention.

Premièrement, la proposition de loi organique cherche à assouplir la participation de la collectivité aux compétences conservées par l’État. Comme vous le savez, l’article 74 de la Constitution permet à la loi organique de fixer les conditions dans lesquelles une collectivité autonome peut légiférer ou réglementer, dans un domaine de compétence conservé par l’État, sous le contrôle de celui-ci. Ce contrôle préalable et effectif est une condition essentielle de la conformité à la Constitution du dispositif. Dans le cas de Saint-Barthélemy, le statut actuel autorise la collectivité à participer à l’exercice de la compétence en matière pénale et en matière de police et de sécurité maritimes, chaque délibération devant être préalablement approuvée par un décret, lui-même ratifié le cas échéant par la loi afin d’entrer en vigueur.

Mes chers collègues, il faut reconnaître que cette procédure n’a pas, jusqu’ici, fonctionné de façon satisfaisante. Plusieurs projets d’acte de la collectivité en matière pénale, qui visent à assurer l’effectivité de la législation locale en matière d’urbanisme ou d’environnement sont en attente depuis plusieurs années faute de décret les approuvant ou les rejetant, alors même que la loi organique fixe un délai de deux mois au Gouvernement pour se prononcer. Le Conseil d’État a été saisi par la collectivité qui a recherché des solutions pour sortir de ce blocage par l’inaction. Hélas, tout en reconnaissant les retards fautifs, constitutifs d’une infraction à la loi organique et susceptibles d’engager la responsabilité de l’État, le Conseil n’a pu que constater que l’absence de décret paralysait malheureusement la procédure.

Pour sortir de cette impasse et donner une portée au statut, les auteurs du texte initial ont recherché devant le Sénat à modifier la procédure pour alléger ou contourner le contrôle préalable du Gouvernement. Nous y reviendrons lors de l’examen des articles. Je ne suis pas favorable à ces démarches, car je crains qu’elles ne soient toutes contraires à la Constitution. De surcroît, elles ne régleront pas le réel problème de la collectivité. Je vous proposerai, au contraire, un amendement visant à faire respecter par l’État les délais de l’actuelle procédure organique.

Deuxièmement, la proposition de loi initiale cherchait à résoudre les difficultés de Saint-Barthélemy dans deux domaines de compétences non transférés en élargissant précisément cette procédure atypique de participation sous contrôle préalable.

Le premier domaine de compétence concerne la procédure pénale. Vous le savez, les articles 73 et 74 de la Constitution rangent cette matière dans le sanctuaire des compétences ne pouvant être transférées. Pour autant, à ce jour, l’État n’a toujours pas fixé les conditions permettant aux agents des collectivités autonomes de rechercher et constater des infractions. Ainsi, certaines violations de réglementations locales ne sont pas sanctionnées. Ici encore, les auteurs de la proposition de loi ont cherché, par une participation de la collectivité à la compétence réservée en matière de procédure pénale, à pallier l’inaction de l’État. Et ici encore, le Sénat a supprimé, sur l’avis de sa commission des Lois, un dispositif contraire à la Constitution. Comme sur le sujet précédent, je partage l’analyse du Sénat et je considère que la réelle solution serait que l’État assume pleinement ses compétences pour faire fonctionner le statut.

Le second domaine de compétence concerne la réglementation de l’accueil et de séjour des étrangers à Saint-Barthélemy. Il faut s’arrêter un instant pour comprendre la situation particulière de cette collectivité. Pour des raisons historiques et géographiques, notamment en raison de la moitié hollandaise de l’île, la collectivité de Saint-Martin accueille de nombreux étrangers, qui n'ont pas besoin de visa pour entrer dans la partie sud de l’île. Or, les titres touristiques que l’État délivre à ces étrangers à Saint-Martin leur permettent d’entrer à Saint-Barthélemy, où nombre d’entre eux participent à l’économie souterraine et travaillent de façon clandestine. La collectivité de Saint-Barthélemy se trouve ainsi placée devant une difficulté à exercer la compétence de réglementation du travail des étrangers, que lui a transféré le statut. Pour autant, et nous pourrons y revenir plus en détail, le Sénat a suivi les mêmes arguments à nouveau avancés par sa commission des Lois et considéré que la solution au problème résidait plutôt dans un exercice mieux concerté de sa compétence par l’État et non dans l’habilitation de Saint-Barthélemy à participer à l’exercice de cette compétence régalienne si délicate à mettre en œuvre.

Troisièmement, la proposition de loi initiale tendait à créer un régime de sécurité sociale autonome à Saint-Barthélemy. Comme vous le savez peut-être, la compétence en matière de sécurité sociale n’a pas été transférée à Saint-Barthélemy, dont les assurés sociaux relèvent du régime général, géré, sur place, par la caisse de Guadeloupe. « Non géré » serait d’ailleurs plus approprié puisque précisément, en dépit d’importants moyens matériels déployés par la collectivité de Saint-Barthélemy, les dossiers des habitants ne sont traités qu’avec beaucoup de retard par la caisse guadeloupéenne, qui refuse par ailleurs d’assurer un accueil du public sur l’île. Je tiens à préciser ici que les conventions ont été signées, que des accords ont été pris entre les deux collectivités, que le président de la collectivité de Saint-Barthélemy a mis à la disposition de la caisse de Guadeloupe un local et un agent dont le loyer devait être pris en charge par la collectivité et qui devait être formé par la caisse – mais qui ne l’a jamais été. Toutes les mesures préliminaires avaient donc été prises.

Las de conclure des conventions restant lettre morte, les élus de Saint-Barthélemy ont donc souhaité que la proposition de loi initiale crée un régime de sécurité sociale autonome. Le Sénat a supprimé cet article de la proposition, non pas sur le fond de la disposition, mais parce qu’une telle création constitue l’exercice ordinaire de sa compétence par l’État et relève donc de la loi ordinaire et non pas organique.

Pour autant, il faut bien rechercher une autre solution. Le 8 mai dernier, le président de la République, en déplacement à Saint-Barthélemy, s’est engagé à ce qu’une solution soit trouvée pour créer une caisse autonome de sécurité sociale, afin d’offrir aux assurés sociaux de la collectivité un accès au service public et au régime général dans des conditions normales.

C’est pourquoi, en accord avec les élus de Saint-Barthélemy, je propose un amendement tendant à permettre, à titre expérimental et pour une durée de trois ans, à la collectivité de participer à l’exercice de la compétence de l’État en matière de sécurité sociale.

Finalement, mes chers collègues, comme vous le verrez, je ne défendrai que très peu d’amendements sur cette proposition de loi organique. Le travail fourni en amont par la collectivité a été substantiel. Celui des deux commissions des lois du Parlement permet de garantir le respect de la Constitution et de rendre pleinement effectif le statut organique. Au total, compte tenu du texte transmis par le président du Sénat, il ne reste à notre assemblée que peu de sujets sensibles sur lesquels se prononcer.

Au Sénat, cette proposition de loi organique a été adoptée à l’unanimité. J’espère que l’Assemblée nationale entretiendra cet élan en faveur du statut de Saint-Barthélemy.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Le groupe Socialiste, républicain et citoyen observe que les conditions d’un vote conforme seraient réunies, n’étaient les quelques amendements du rapporteur. D’où la distance, infime mais réelle, qui nous sépare de sa position.

Rappelons que les mesures demandées par Saint-Barthélemy sont la conséquence de la loi organique du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer, laquelle a fait de la commune de Saint-Barthélemy une collectivité d’outre-mer dotée de l’autonomie. D’où l’exigence, qui fut longue à se concrétiser, de donner une consistance à l’autonomie ainsi proclamée. Pour y parvenir, les pouvoirs publics de l’État et les représentants de la collectivité ont conduit des échanges qui ont débouché sur la proposition formulée par le conseil territorial de Saint-Barthélemy dans son avis du 20 décembre 2013, lequel valide la démarche dans son ensemble.

Nous approuvons la manière dont le Sénat a affiné le dispositif, suscitant l’avis favorable du Gouvernement sur la quasi-totalité des points. De ce point de vue, les amendements rédactionnels du rapporteur, si intéressants soient-ils, nous gênent en ce qu’ils font obstacle au vote conforme.

Le débat au Sénat a permis de traiter plusieurs points qui n’étaient pas abordés dans la proposition de loi initiale ou que celle-ci modifiait insuffisamment ou improprement. Ainsi de la possibilité pour la collectivité de délivrer les titres de sécurité, introduite par le Sénat ; de l’approbation par la loi de propositions ou de projets d’acte intervenant dans le domaine législatif ; et de l’ajout de la compétence environnementale à celles du Conseil économique, social et culturel, conformément à la règle qui s’applique en métropole.

En ce qui concerne l’instauration d’une caisse spécifique de sécurité sociale, le Sénat l’a refusée pour des raisons qui nous paraissent tout aussi pertinentes et qui semblent avoir également guidé le Gouvernement : le texte n’est pas cohérent ; en particulier, la mention expresse d’applicabilité n’a aucun sens, puisque l’État est par définition responsable de l’ensemble du dispositif. Le périmètre de compétence de la caisse tel qu’il était initialement proposé, ainsi que plusieurs dispositions relatives à cette compétence elle-même, étaient tout à fait incompatibles avec le système national. En outre, le Sénat a estimé, et j’en suis d’accord, que la création d’une caisse de prévoyance sociale ne relevait pas de la loi organique.

Estimant que cette proposition, ici reprise par notre rapporteur, n’est pas opportune dans le présent cadre législatif, nous sommes enclins à l’écarter, suivant la commission des Lois du Sénat, et le Sénat lui-même dans son vote unanime. Ce qui ne signifie pas qu’elle ne doive pas être revue au moyen d’autres instruments législatifs, aisés à mettre en œuvre.

Le problème important et délicat des certificats d’immatriculation des navires de plaisance à Saint-Barthélemy a suscité au Sénat un vif débat lors duquel le Gouvernement a émis un avis défavorable à l’amendement en discussion, qui a été modifiée pour parvenir finalement à une solution considérée comme équilibrée.

Voilà pourquoi mon groupe plaide pour que nous en restions à la rédaction du Sénat, écartant le problème particulier de la caisse autonome de sécurité sociale ainsi que les amendements rédactionnels. Nous pourrions ainsi émettre un vote conforme, ce qui serait souhaitable, non par principe mais parce que les sénateurs ont beaucoup et bien travaillé pour parvenir à un équilibre satisfaisant.

M. Guillaume Larrivé. Je souhaite apporter le soutien du groupe Les Républicains à l’excellent rapport de notre collègue Daniel Gibbes, qui connaît parfaitement les questions relatives à la collectivité de Saint-Barthélemy et se conforme entièrement dans sa démarche à l’article 74 de la Constitution.

Quant au fond, deux points principaux ont été mentionnés par notre rapporteur.

Du point de vue institutionnel, d’abord, il existe aujourd’hui plusieurs blocages entravant la procédure de participation de la collectivité aux compétences conservées par l’État. L’amendement déposé par le rapporteur afin de lever ces obstacles et, en réalité, d’inciter le Gouvernement à faire pleinement son office en ces matières nous paraît tout à fait pertinent.

S’agissant ensuite de la sécurité sociale, tous ceux qui ont étudié la question savent que le régime de gestion de la protection sociale à Saint-Barthélemy par la caisse de la Guadeloupe n’est pas satisfaisant. Le chef de l’État lui-même, qui devrait servir de référence au moins sur les bancs de la majorité, l’a dit le 8 mai dernier lors de sa visite sur place, indiquant qu’il lui paraissait conforme à l’intérêt général d’aller vers la création d’une caisse spécifique à Saint-Barthélemy.

J’entends bien, monsieur Le Bouillonnec, que la loi organique ne peut en tant que telle créer ce régime spécifique. Précisément, le rapporteur ne fait que ménager une étape sur cette voie en proposant de permettre à la collectivité de participer à titre expérimental, sous le contrôle de l’État, à l’exercice de la compétence en matière de sécurité sociale : c’est habile.

Enfin, que nous ne votions pas comme le Sénat me paraît assez indifférent. Le bicamérisme de la Ve République est inégalitaire, nous ne sommes pas subordonnés à l’avis du Sénat et nous avons le droit de nous en écarter, sur ce texte comme sur d’autres – nous aurons bientôt l’occasion de le montrer à propos du projet de loi relatif au renseignement.

Pour toutes ces raisons, nous soutiendrons les amendements du rapporteur.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Le problème que pose l’amendement CL8 est le suivant.

Voici ce qu’a dit le président de la République – et qui, naturellement, engage d’une certaine manière sa majorité : il est favorable, et le Gouvernement derrière lui, à l’existence d’une caisse locale pour Saint-Barthélemy. Une caisse locale, c’est-à-dire une caisse installée à Saint-Barthélemy ; mais non une caisse autonome, qui s’émanciperait des règles applicables sur l’ensemble du territoire.

Or, tel que nous l’interprétons, l’amendement contient les prémices d’une caisse autonome à Saint-Barthélemy, fût-ce sous la forme d’une expérimentation – une méthode à laquelle je suis d’ailleurs généralement plutôt favorable, car elle permet de réfléchir au lieu de prendre hâtivement une décision que l’on peut être amené à regretter.

La création d’une caisse installée à Saint-Barthélemy relève de la loi ordinaire, non de la loi organique. Voilà pourquoi celle-ci ne nous paraît pas être le bon véhicule. Elle ne s’impose que s’il s’agit de supprimer une disposition du cadre autonome.

Il convient que ces ambiguïtés soient dissipées afin que le débat puisse se poursuivre.

M. René Dosière. Saint-Barthélemy, rappelons-le, était une commune de la Guadeloupe – comme Saint-Martin, d’ailleurs –, mais ses relations avec la Guadeloupe étaient si rares et, pour diverses raisons, si mauvaises qu’un précédent gouvernement a souhaité modifier son statut pour en faire une collectivité d’outre-mer, ce qui lui confère dans certains domaines une autonomie, des pouvoirs et des compétences qui, ailleurs, appartiennent à l’État.

Cette transformation a permis à Saint-Barthélemy d’avoir un sénateur. Celui-ci est élu par un conseil territorial de 19 membres où le président dispose d’ailleurs d’une majorité de 16 membres, de sorte que les campagnes pour les élections sénatoriales à Saint-Barthélemy ne peuvent être très animées. Quoi qu’il en soit, on comprend que des propositions de loi concernant l’île nous parviennent régulièrement du Sénat. Au demeurant, ces textes apportent généralement des améliorations.

Comme rapporteur pour avis des crédits des collectivités d’outre-mer dans le projet de loi de finances, je puis vous dire que Saint-Barthélemy est la collectivité d’outre-mer qui coûte le moins cher à la métropole : l’on pourrait même se demander si ce n’est pas elle qui, d’un certain point de vue, alimente celle-ci.

Il est compréhensible que cette collectivité souhaite exercer pleinement son autonomie. Tel est l’objectif de notre collègue Daniel Gibbes, qui est député à la fois de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin – l’Assemblée nationale s’étant montrée plus prudente que le Sénat en matière de représentation des collectivités – mais dont les électeurs se trouvaient en très grande majorité à Saint-Barthélemy. Il se soucie donc légitimement de la situation de cette collectivité, même s’il travaille aussi beaucoup sur Saint-Martin – qui pose des problèmes spécifiques et coûte un peu plus cher à la métropole –, comme en témoignent notre rapport commun et ses intéressantes propositions.

Je suis d’accord avec Jean-Yves Le Bouillonnec : il est souhaitable que la proposition de loi soit adoptée conforme étant donné le gros travail fourni par le Sénat. Or, abstraction faite de quelques amendements rédactionnels, reste le problème de la compétence de la collectivité en matière de sécurité sociale. Celle-ci n’est pas exclue par l’article 74, mais le problème se pose de la distinction entre caisse locale et caisse autonome.

Il faut reconnaître à l’appui des propos du rapporteur que la caisse de sécurité sociale de Guadeloupe ne joue manifestement pas le jeu.

Peut-être y verrions-nous plus clair si le rapporteur acceptait de retirer son amendement afin que nous puissions le réexaminer d’ici à notre réunion tenue au titre de l’article 88 de notre Règlement, en vue de la séance. Nous pourrions alors décider soit d’en rester au texte du Sénat, soit de redéposer un amendement en séance.

M. Jean-Jacques Urvoas. Au Gouvernement qui écoute ou lit certainement nos débats, j’aimerais dire qu’il devrait consacrer autant d’énergie à appliquer la loi qu’à nous transmettre ses messages à propos des amendements. Car si nous, législateur, en sommes venus à chercher semblables accommodements, c’est en raison d’une carence du ministère des Affaires sociales, qui ne respecte pas la loi, comme l’ont constaté de nombreux rapports, y compris d’inspection : des citoyens français vivant sur une île éloignée ne bénéficient pas des prestations auxquelles ils ont droit et pour lesquelles ils cotisent. Que ceux qui sont exaspérés par l’amendement du rapporteur fassent donc fonctionner leurs administrations conformément à la loi !

M. le rapporteur. Je remercie de son soutien Guillaume Larrivé, qui a bien compris le problème.

J’entends les observations de mon collègue et ami René Dosière. Il a raison en ce qui concerne la répartition des voix entre Saint-Martin et Saint-Barthélemy ; mais mon but, comme législateur, est de parvenir à ce qui paraît le plus juste pour Saint-Barthélemy comme pour Saint-Martin.

Je remercie Jean-Yves Le Bouillonnec de sa franchise. Mais un vote conforme, que René Dosière appelle également de ses vœux, est-il possible ? Outre la question des amendements rédactionnels, l’actuel article 4 ter est insatisfaisant, et même contraire à la Constitution. Il est de mon devoir d’en faire état.

En ce qui concerne mon amendement CL8, puisque là est en effet l’obstacle, j’ai moi aussi un message à transmettre. On peut dire ce que l’on voudra, le président de la République a été enregistré ; je ne sais s’il a parlé de caisse locale ou de caisse autonome, mais il a clairement affirmé qu’il y aurait une caisse à Saint-Barthélemy.

Si nous avons connu l’évolution institutionnelle qui a fait de Saint-Barthélemy une collectivité d’outre-mer régie par l’article 74, c’est parce que le législateur a décelé des dysfonctionnements qui justifiaient de séparer la commune de Saint-Barthélemy de la Guadeloupe, afin de leur donner à chacune un peu plus d’autonomie. En conséquence, la collectivité de Saint-Barthélemy a été dotée de certaines compétences, les unes propres, les autres partagées. Ces dernières sont entre autres des compétences régaliennes auxquelles la collectivité peut participer.

En réalité – voyez l’amendement d’origine –, nous ne demandons rien de plus que d’ajouter la sécurité sociale aux domaines de compétence partagée déjà prévus par l’article L.O. 6214-5 du code général des collectivités territoriales : la police et la sécurité maritimes ainsi que le droit pénal. Pourquoi ce régime serait-il acceptable dans certains domaines et non dans d’autres, où le dysfonctionnement est pourtant avéré ?

Et que l’on ne vienne pas me dire que la collectivité de Saint-Barthélemy voudrait brûler les étapes : voilà huit ans qu’elle tente de remédier au problème par la voie conventionnelle. Il y a trois ans, une convention a été signée, des accords ont été conclus et des engagements mutuels ont été souscrits qui impliquaient, du côté de Saint-Barthélemy, la fourniture d’un local, d’un agent qui devait être formé par la caisse et le paiement du loyer destiné à accueillir l’agent supplémentaire prévu. Bien que Saint-Barthélemy se soit conformé à cet engagement, pas un agent de la caisse de Guadeloupe n’y a atterri ! Mettez-vous à la place des résidents, des contribuables, privés du service auquel ils ont droit, le même que vous et moi. Imaginez les rivalités qui peuvent exister entre les deux collectivités après la séparation. Les habitants de Saint-Barthélemy ne demandent qu’une chose : avoir accès aux mêmes services que leurs compatriotes qui se trouvent sur le territoire guadeloupéen ou dans l’Hexagone.

Depuis le 8 mai dernier, mon amendement n’a pas varié. Or jamais on ne nous a demandé de revenir sur cette idée d’une habilitation en vue d’un partage de compétences. Je m’étonne donc de la réaction de la majorité, d’autant que nous avons la prudence de la proposer à titre expérimental et pour une durée de trois ans : les garde-fous sont là. Nous nous montrons raisonnables.

À ce propos, je remercie mon collègue Dosière d’avoir souligné qu’aucune collectivité d’outre-mer ne peut se prévaloir d’une gestion aussi impeccable, sous l’égide du conseil territorial et de son président. Saint-Barthélemy n’a pas à rougir de la manière dont elle est administrée !

Pour toutes ces raisons, je ne peux retirer cet amendement. Ce serait injuste pour la population de Saint-Barthélemy, après tous les efforts consentis en vain pour parvenir à une solution amiable. Vous me demandez de retirer mon amendement en préalable à une discussion à propos de laquelle je n’ai aucune garantie ; je puis tout aussi bien maintenir mon amendement et entamer cette discussion, en m’engageant, si nous nous accordons sur une modification de l’amendement qui aboutisse au même résultat, à m’y tenir en séance.

Je vous ai prouvé point par point que rien de ce que nous demandons ne saurait priver l’État de la moindre parcelle de sa compétence, bien au contraire.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Afin que le compte rendu en fasse état, je vais donner lecture des propos tenus par le président de la République le 8 mai. « Avec humour, vous [le président de la collectivité] avez dit que votre île était souvent comparée à celle des milliardaires, ce n’est pas toujours un compliment. En même temps, il était judicieux de votre part d’attirer les touristes les plus aisés pour qu’ils puissent permettre le développement et l’emploi, et c’est ce que vous avez réussi sur votre île. Cela ne veut pas dire qu’il n’y ait pas de situations difficiles ni de pauvreté à Saint-Barthélemy, ou qu’il n’y ait rien à faire sur le plan social. Vous avez, justement, évoqué la nécessité d’avoir auprès de vous une caisse locale de sécurité sociale. La ministre m’a également saisi de cette requête. Il y aura à Saint-Barthélemy une caisse locale de sécurité sociale, pour que les habitants qui paient – vous l’avez rappelé – des cotisations puissent avoir des prestations. »

On peut interpréter comme on veut le terme « local ». L’important est que nous souhaitons tous que les habitants de Saint-Barthélemy aient accès aux prestations auxquelles leur donnent droit les cotisations qu’ils paient. Cela doit naturellement passer par une caisse installée à Saint-Barthélemy, qui ne s’émancipe pas du régime général – vous l’avez dit, monsieur le rapporteur. Je ne vois donc pas pourquoi nous ne parviendrions pas en séance à une rédaction dissipant les ambiguïtés dont le ministère des Outre-mer nous a avertis hier soir, ou plutôt au petit matin, et qui ont nourri notre débat.

M. le rapporteur. Monsieur le président, vous savez la considération que j’ai pour vous ; je ne mets pas en doute ce que vous venez de lire. Mais j’étais présent à Saint-Barthélemy lorsque le Président a prononcé son discours, sans texte. Peut-être s’agit-il de propos rapportés par la presse ou par les services…

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Non : il s’agit du discours qui figure sur le site de l’Élysée.

M. le rapporteur. Mais entre le discours qui figure sur le site de l’Élysée et ce qui a été dit à la population de Saint-Barthélemy… Sur ce point, je suis catégorique.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Nous n’allons pas nous livrer à un débat d’exégèse. Le texte et l’enregistrement vidéo concordent.

M. Ibrahim Aboubacar. Pour suivre de près les questions institutionnelles, notamment chez nous, je suis très sensible à ce qu’a dit le rapporteur.

Essayons d’avancer. Un texte relatif à l’outre-mer doit être débattu au Sénat le 26 juin et à l’Assemblée nationale pendant la session extraordinaire. Ces échéances sont proches. Pourquoi ne pas voter conforme le présent texte, puis poursuivre notre échange dans cet autre cadre ?

M. le président Jean-Jacques Urvoas. D’autant qu’il s’agira d’une loi ordinaire.

Mme Maina Sage. Pour ma part, je songe surtout aux usagers, aux administrés. Nous devons trouver un moyen efficace de satisfaire un besoin essentiel, de garantir un droit fondamental auquel il est intolérable que, sur le territoire français, certains de nos concitoyens n’aient pas accès.

Voilà ce que tente de faire le rapporteur, peut-être en allant un peu plus loin que ce qui avait été préalablement décidé. L’avis du conseil territorial de Saint-Barthélemy le précisait : il s’agissait de résoudre le problème, mais sans nécessairement récupérer la compétence. Or, par cet amendement, le rapporteur propose d’expérimenter en la matière.

Mais, à mon sens, les deux solutions ne sont pas contradictoires. Nous pourrions inclure dans une loi simple venant prochainement en discussion la création officielle d’une caisse locale au sens où vous l’entendez, monsieur le président, c’est-à-dire gérée par l’État ; cela permettrait de résoudre le problème de la forme, ou du support juridique, tout en sécurisant sans tarder les habitants. Par ailleurs, nous permettrions à Saint-Barthélemy – qui le demande à travers cet amendement défendu par son député – d’anticiper le partage de compétences. En lisant attentivement l’amendement, vous constaterez que, dans sa logique, l’État garde la main puisqu’il peut habiliter ou non Saint-Barthélemy à exercer la compétence.

J’apporte donc mon soutien au rapporteur. La logique veut qu’une collectivité dite autonome puisse progresser dans l’exercice de ses compétences. Si le partage de la compétence visée, que nous exerçons nous-mêmes en Polynésie française, est plus confortable pour les habitants de Saint-Barthélemy, pourquoi ne pas l’essayer ? Il ne s’agit que d’une expérimentation, dont on pourra dresser le bilan au bout de trois ans.

M. René Dosière. Le Gouvernement s’est opposé à l’amendement CL8 au motif que celui-ci tendrait à créer une caisse autonome. Je ne reviens pas sur la distinction entre caisse autonome et caisse locale ; en l’occurrence, il s’agit d’une caisse locale. Toujours est-il que le texte de l’amendement ne porte absolument pas sur la création d’une caisse. Il vise simplement, dans le cadre de l’autonomie de la collectivité, à en étendre la compétence à la sécurité sociale, mais sous la protection de l’État. En d’autres termes, les propositions que pourrait formuler la collectivité devraient être validées par le Gouvernement avant de pouvoir être appliquées. C’est donc d’une autonomie très contrôlée qu’il est ici question.

Voilà pourquoi je suggérais que, d’ici à la séance, nous discutions à nouveau de cet amendement avec le Gouvernement, qui l’a manifestement mal lu, et en tout cas mal interprété. Il sera toujours possible de le redéposer en vue de la séance.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Voilà qui résume parfaitement notre propos. En réalité, il y a moins débat au sein de la Commission que divergence d’interprétation entre la Commission et le Gouvernement.

La Commission en vient à l’examen des articles.

Chapitre 1er
Compétences de la collectivité de Saint-Barthélemy

Article 1er (art. L.O. 6214-7 du code général des collectivités territoriales) : Aménagement du droit de préemption par la collectivité de Saint-Barthélemy

La Commission adopte l’article 1er sans modification.

Article 2 (art. L.O. 6251-3 et L.O. 6214-3 du code général des collectivités territoriales) : Participation de la collectivité à l’exercice des compétences de l’État en matière de droit pénal, de droit des étrangers et de procédure pénale

La Commission maintient la suppression de l’article 2.

Article 3 (art. L.O. 6251-4 du code général des collectivités territoriales) : Autoriser la collectivité de Saint-Barthélemy à édicter des sanctions administratives

La Commission adopte l’article 3 sans modification.

Article 4 (art. L.O. 6214-3 du code général des collectivités territoriales) : Transfert de la réglementation de l’activité de location de véhicules terrestres à moteur

La Commission adopte l’article 4 sans modification.

Article 4 bis (nouveau) (art. L.O. 6214-3 du code général des collectivités territoriales) : Transfert de la compétence de délivrance des carte et titre de navigation des navires de plaisance non soumis à francisation

La Commission adopte l’article 4 bis sans modification.

Article 4 ter (nouveau) (art. L.O. 6251-3 du code général des collectivités territoriales) : Ratification par la loi, sans publication préalable d’un décret, des actes pris par la collectivité dans un domaine de compétence partagé avec l’État

La Commission examine l’amendement CL2 du rapporteur.

M. le rapporteur. L’article 4 ter se situe dans le prolongement de l’article 2 s’agissant de la procédure de participation de la collectivité à l’exercice d’une compétence exercée par l’État. L’article 2 ayant été supprimé en commission au Sénat, les auteurs de la proposition de loi organique ont présenté en séance un amendement proposant un autre assouplissement de cette procédure. Il s’agit non plus d’instaurer une tacite approbation lorsque les délais sont expirés, mais de permettre alors au Parlement de ratifier directement une délibération intervenant dans le domaine législatif.

Notre Commission ne saurait adopter cet article. D’une part parce qu’en supprimant le rôle du Gouvernement dans la procédure prévue à l’article 74 de la Constitution, alors que c’est bien le Gouvernement qui est destinataire des délibérations et qui détient le pouvoir d’approuver par décret, il enfreint probablement notre loi fondamentale. D’autre part, parce que la disposition adoptée par le Sénat me semble contre-productive. En effet, le problème est au fond que le Gouvernement n’agit pas : il ne valide ni ne repousse les délibérations ; il ne se prononce pas, alors qu’il est tenu de le faire dans un délai de deux mois. Au lieu de modifier de façon périlleuse la procédure actuelle, il convient de la faire respecter par l’État.

L’amendement CL2 tend par conséquent à réécrire l’article 4 ter en opérant trois modifications de la procédure de participation à l’exercice d’une compétence conservée par l’État. Premièrement, il instaure une procédure en référé devant le Conseil d’État, à l’issue du délai dont dispose le Gouvernement, afin de faire enjoindre à celui-ci de prendre le décret manquant ; deuxièmement, il porte ce délai de deux à trois mois ; troisièmement, il supprime la mention de l’instruction du décret par le ministre de la Justice, la procédure étant valable pour toutes les compétences à l’exercice desquelles la collectivité participe.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 4 ter sans modification.

Après l’article 4 ter

La Commission est saisie de l’amendement CL8 du rapporteur.

M. le rapporteur. Il s’agit de l’amendement dont nous avons déjà débattu.

Cher collègue Aboubacar, je conçois qu’il existe un autre véhicule pour la disposition en discussion, mais là n’est pas la question ce matin. M. Dosière l’a très bien expliqué, nous ne demandons pas l’installation immédiate d’une caisse, mais la possibilité pour la collectivité de partager des compétences avec l’État, afin de créer les conditions de la création de la caisse locale acceptée par le président de la République. Nous ne souhaitons rien d’autre que de pouvoir travailler aujourd’hui sur ces questions. Pourquoi le ministère – ou les ministères – fait-il pression au sujet d’une proposition aussi simple, qui, je le répète, n’enlève pas à l’État une parcelle de sa compétence ? Au contraire : nous ajoutons le mode expérimental, pour trois ans.

La Commission rejette l’amendement.

Article 5 (art. L.O. 6213-1 du code général des collectivités territoriales) : Création d’un régime de sécurité sociale propre à Saint-Barthélemy

La Commission maintient la suppression de l’article 5.

Article 6 (art. L.O. 6214-4 du code général des collectivités territoriales) : Suppression de l’analogie imposée avec les règles en vigueur en Guadeloupe en matière de prélèvements sociaux

La Commission adopte l’article 6 sans modification.

Chapitre II
Fonctionnement des institutions de la collectivité

Article 7 (art. L.O. 6252-3 et L.O. 6252-10 du code général des collectivités territoriales) : Modalités de représentation en justice de la collectivité et délégation de fonctions par le président du conseil territorial

La Commission adopte l’article 7 sans modification.

Article 8 (art. L.O. 6253-3 du code général des collectivités territoriales) : Suppression des pouvoirs d’animation et de contrôle d’un secteur d’administration par un membre du conseil exécutif

La Commission maintient la suppression de l’article 8.

Article 9 (art. L.O. 6253-9 du code général des collectivités territoriales) : Règles de quorum, de délégation de vote et de majorité au sein du conseil exécutif

La Commission rejette successivement les amendements rédactionnels CL4 et CL5 du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 9 sans modification.

Article 10 (art. L.O. 6221-24 du code général des collectivités territoriales) : Suppression du rapport spécial annuel du président du conseil territorial relatif à la situation de la collectivité et du débat sur ce rapport

La Commission adopte l’article 10 sans modification.

Chapitre III
Information du Conseil territorial

(Division et intitulé supprimés)

Article 11 (art. L.O. 6221-22 du code général des collectivités territoriales) : Transmission des rapports et projets de délibération avant une réunion du conseil territorial

La Commission rejette l’amendement de coordination CL6 du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 11 sans modification.

Chapitre IV
Conseil économique, social, culturel et environnemental

(Division et intitulé supprimés)

Article 12 A (nouveau) (art. L.O 6220-1, L.O. 6223-1, L.O. 6223-2 et L.O. 6223-3 du code général des collectivités territoriales) : Dénomination du conseil économique, social, culturel et environnemental

La Commission rejette l’amendement de coordination CL7 du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 12 A sans modification.

Article 12 (art. L.O. 6223-3 du code général des collectivités territoriales) : Délai minimal laissé au conseil économique, social et culturel pour rendre ses avis

La Commission adopte l’article 12 sans modification.

Chapitre V
Composition de la commission consultative d’évaluation des charges

Article 13 (art. L.O. 6271-6 du code général des collectivités territoriales) : Modification de la composition de la commission consultative d’évaluation des charges

La Commission adopte l’article 13 sans modification.

La Commission adopte l’ensemble de la proposition de loi organique sans modification.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Le débat se poursuivra en séance le 11 juin.

La séance est levée à 12 h 15.

*

* *

Informations relatives à la Commission

La Commission a désigné :

– M. Patrick Mennucci, rapporteur sur le projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, ratifiant l'ordonnance n° 2014-1539 du 19 décembre 2014 relative à l'élection des conseillers métropolitains de Lyon (n° 2800) ;

– M. Georges Fenech, co-rapporteur sur la mise en application de la loi qui serait issue de l’adoption définitive du projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, ratifiant l'ordonnance n° 2014-1539 du 19 décembre 2014 relative à l'élection des conseillers métropolitains de Lyon (n° 2800).

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Présents. - M. Ibrahim Aboubacar, M. Christian Assaf, M. Erwann Binet, M. Gilles Bourdouleix, Mme Colette Capdevielle, Mme Marie-Anne Chapdelaine, M. Éric Ciotti, M. Jean-Michel Clément, M. Gilbert Collard, M. Sergio Coronado, Mme Pascale Crozon, M. Frédéric Cuvillier, M. Carlos Da Silva, M. Marc-Philippe Daubresse, M. Jean-Pierre Decool, M. Sébastien Denaja, Mme Françoise Descamps-Crosnier, M. René Dosière, M. Philippe Doucet, Mme Laurence Dumont, M. Olivier Dussopt, M. Georges Fenech, M. Hugues Fourage, M. Guillaume Garot, M. Bernard Gérard, M. Daniel Gibbes, M. Philippe Gosselin, M. Philippe Goujon, Mme Françoise Guégot, M. Razzy Hammadi, Mme Marietta Karamanli, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, M. Guillaume Larrivé, M. Jean-Yves Le Bouillonnec, Mme Anne-Yvonne Le Dain, M. Olivier Marleix, Mme Sandrine Mazetier, M. Patrick Mennucci, M. Paul Molac, M. Pierre Morel-A-L'Huissier, M. Jacques Pélissard, M. Edouard Philippe, M. Sébastien Pietrasanta, Mme Elisabeth Pochon, M. Pascal Popelin, M. Dominique Raimbourg, M. Bernard Roman, Mme Maina Sage, Mme Cécile Untermaier, M. Jean-Jacques Urvoas, M. Daniel Vaillant, M. François Vannson, M. Jean-Luc Warsmann, Mme Marie-Jo Zimmermann

Excusés. - M. Luc Belot, M. Jacques Bompard, M. Dominique Bussereau, M. Patrick Devedjian, M. Marc Dolez, M. Guy Geoffroy, M. Yves Goasdoué, M. Philippe Houillon, M. Alfred Marie-Jeanne, M. Jean-Frédéric Poisson, M. Roger-Gérard Schwartzenberg