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Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Mercredi 1er juillet 2015

Séance de 8 heures 30

Compte rendu n° 83

Présidence de M. Jean-Jacques Urvoas, Président

– Audition de M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur, sur le projet de loi relatif aux droits des étrangers en France (n° 2183) (M. Erwann Binet, rapporteur) et examen du texte 2

– Informations relatives à la Commission

La séance est ouverte à 8 heures 30.

Présidence de M. Jean-Jacques Urvoas, président.

La Commission procède à l’audition M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur, sur le projet de loi relatif aux droits des étrangers en France (n° 2183) (M. Erwann Binet, rapporteur), puis à l’examen du texte.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Nous avons le plaisir de recevoir à nouveau M. le ministre de l’Intérieur que je remercie pour sa disponibilité. Il vient nous présenter le projet de loi portant sur le droit des étrangers en France.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur. Le débat public portant sur l’accueil et le droit des étrangers en France, nous l’avons constaté au cours des dernières semaines, manque singulièrement de sérénité et de rationalité. Certains commentaires à l’emporte-pièce auxquels la crise migratoire actuelle a donné lieu ont montré combien rares sont ceux qui s’emploient à sonder la complexité des choses. Or, en cette matière délicate, l’excès est très mauvais conseiller.

La France est le plus vieux pays d’immigration d’Europe du fait de la conjugaison d’une démographie atone au XIXe siècle et des besoins en main-d’œuvre provoqués par la révolution industrielle. Belges, Polonais, Italiens, Espagnols puis Algériens, Marocains, Tunisiens, immigrés venus d’Afrique noire, tous ont contribué à faire ce que nous sommes aujourd’hui : une nation prospère et ouverte sur le monde. L’identité de la France est intimement liée à l’histoire des flux migratoires. Il faut avoir la lucidité de le reconnaître : nous sommes un pays d’immigration.

Si l’outrance n’est pas de bonne méthode, c’est également parce que la France, par vocation, s’inscrit pleinement dans la mondialisation. Par là même, elle doit accueillir dignement ceux qui ont droit au séjour tout en menant une lutte sans relâche, avec la plus grande détermination, contre l’immigration irrégulière.

Le Gouvernement a fait le choix de la responsabilité, qui consiste à analyser sereinement les fragilités de notre droit pour leur apporter les réponses concrètes nécessaires. Faire le choix de la responsabilité, c’est aussi parler des étrangers qui vivent en France sans céder aux fantasmes, encore moins aux calculs politiciens, tout en demeurant d’une fermeté sans faille sur la légalité républicaine. C’est également rechercher l’équité en adoptant des critères clairs, précis, incontestables qui soient appliqués sur l’ensemble du territoire. C’est ainsi qu’a procédé mon prédécesseur Manuel Valls en matière de régularisation : la circulaire du 28 novembre 2012 fixe des critères rigoureux, à l’opposé d’une gestion au cas par cas qui ne peut manquer d’être illisible et inégalitaire.

Afin d’éviter faux débats et analyses biaisées, le ministère de l’Intérieur a entrepris un travail de clarification sur la réalité des chiffres de l’immigration. Un service statistique indépendant est ainsi chargé, sous la supervision de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), de collecter les données chiffrées nécessaires dans le strict respect des règles de déontologie.

Que nous disent les chiffres ?

D’abord, il y a 6 % d’étrangers en France. C’est moins qu’en Allemagne, en Italie et au Royaume-Uni. C’est autant qu’au début du XXe siècle. Pour un pays tel que la France, ouvert sur le monde, ancienne puissance coloniale, ce pourcentage ne reflète en rien la déferlante que certains s’emploient à dénoncer.

Les flux migratoires réguliers représentent environ 200 000 personnes par an – pas davantage –, soit 0,3 % de la population, proportion qui nous place tout en bas des pays de l’OCDE, derrière tous nos principaux partenaires. Cette immigration régulière présente quatre caractéristiques.

Tout d’abord, l’immigration familiale y occupe une place très importante, ce qui traduit le fait que nous sommes un vieux pays d’immigration. Elle compte pour 45 % de nos flux migratoires réguliers, au premier rang desquels figure le mariage avec un Français ou une Française.

Ensuite, les mobilités étudiantes représentent une part en augmentation, jusqu’à 65 000 personnes par an. Ces étrangers, qui viennent étudier chez nous, enrichissent notre pays, contribuent à son rayonnement et font vivre la francophonie. La France est le premier pays non anglophone qui accueille des étudiants étrangers. Considérant que le développement de régions entières de la planète va entraîner une multiplication par deux en dix ans du nombre d’étudiants étrangers dans le monde, ne pas favoriser leur accueil serait contraire à nos intérêts, notamment économiques.

Pour ce qui est de nos flux d’immigration professionnelle, ils sont parmi les plus faibles au monde en raison de notre législation qui empêche tout employeur de recruter un étranger extra-communautaire s’il n’a pas démontré préalablement qu’aucun résident en France ne pouvait occuper le poste proposé. Dans une période de chômage de masse, une telle législation est forcément dissuasive, ce qui explique que l’immigration professionnelle concerne moins de 20 000 personnes par an au total.

Enfin, la part de l’asile et de l’immigration de type humanitaire, qui concerne les réfugiés, les protégés subsidiaires et les étrangers malades, que leurs convictions, leurs croyances ou leur situation personnelle exposent, dans leur pays d’origine, à de graves dangers pour eux-mêmes ou leurs proches, ne représente que 15 000 à 20 000 personnes par an.

Dans ce contexte, nous sommes confrontés à deux difficultés principales.

La première est que nous intégrons mal les étrangers qui viennent légalement sur notre sol. Si le contrat d’accueil et d’intégration imaginé par François Fillon en 2003 est une bonne idée. Il exige le niveau de langue le plus faible du référentiel européen et, pour 80 % des étrangers, ce contrat se borne, en réalité, à quelques heures de formation civique. C’est certes utile, mais insuffisant.

Surtout, nous soumettons les étrangers qui viennent en France à un véritable parcours administratif du combattant que l’on peut illustrer en chiffres : 2,5 millions d’étrangers extracommunautaires effectuent 5 millions de passages en préfecture alors même que 1,8 million d’entre eux sont titulaires d’une carte de séjour valable dix ans. Cela signifie que nous soumettons des centaines de milliers d’étrangers à environ une dizaine de passages en préfecture par an. Comment s’intégrer lorsqu’on court de titre précaire en titre précaire ? Comment trouver un emploi quand on doit mobiliser son énergie plusieurs fois par an et s’armer de patience dans les longues files d’attente ? Et comment ces préfectures peuvent-elles lutter efficacement contre la fraude – une de mes priorités –, quand elles doivent faire face à la masse des demandeurs au guichet ?

Le Gouvernement propose de changer de logique. Tous les étrangers auront désormais accès à un titre de séjour pluriannuel après leur première année de séjour et si les conditions sont réunies pour ce faire. Selon les préconisations du rapport de Matthias Fekl, ce titre de séjour pluriannuel les conduira à la carte de résident, à laquelle il ne se substitue pas contrairement à ce que j’ai pu lire ici ou là. Le titre de séjour pluriannuel permet d’éviter des allers-retours angoissants en préfecture. En réalité, si ce projet de loi ne fait pas référence à la carte de résident, c’est précisément parce que nous souhaitons sanctuariser ce dispositif. Mme Chapdelaine propose de consolider l’accès à cette carte en permettant sa remise de plein droit au terme du parcours d’intégration républicain. Le Gouvernement est ouvert à une telle clarification qui permettra de lever tous les doutes éventuels sur l’avenir de la carte de résident.

La création du titre de séjour pluriannuel, au bout d’un an de séjour en France, s’accompagnera de deux évolutions indispensables. La première est le renforcement du parcours d’intégration, fondamental pour la réussite de notre démarche. Dans ce cadre, des cours de langue renforcés devront permettre aux étrangers d’atteindre un niveau A2, inférieur à celui requis pour la naturalisation mais suffisant pour une vraie intégration dans la vie courante. À cet égard, plusieurs amendements déposés devant votre Commission témoignent d’une inquiétude : en France, un parcours d’intégration est forcément républicain ; tout étranger qui souhaite vivre en France doit acquérir et partager les valeurs fondamentales qui cimentent notre nation.

L’amélioration des outils dont disposent les préfectures pour lutter contre la fraude constituera la seconde évolution, avec l’instauration d’un droit de communication tel qu’en disposent les administrations fiscale et sociale. La préfecture n’aura plus à demander à la personne étrangère qu’elle produise des pièces toujours plus difficiles à fournir, mais pourra se tourner directement vers les administrations et les entreprises pour leur réclamer les informations nécessaires. Nous gagnerons ainsi en simplicité et en efficacité. Paradoxalement, aujourd’hui, l’administration fiscale et la sécurité sociale ont accès à toutes les informations détenues par les préfectures quand celles-ci ne peuvent rien leur demander. Il faut mettre fin à cette relation asymétrique qui rend nos titres de séjour vulnérables à la fraude. Si nous voulons créer les conditions d’un accueil digne, nous devons nous armer pour lutter résolument et avec efficacité contre la fraude.

L’esprit de la réforme n’est pas d’accumuler des masses d’informations inutiles sur les étrangers. Au contraire, avec le titre de séjour pluriannuel, nous prônons le mouvement inverse. C’est pourquoi le Gouvernement sera ouvert à toute rédaction de nature à apaiser les craintes.

La deuxième difficulté liée à notre immigration légale est que notre législation restrictive sur l’immigration professionnelle nous prive de talents dont nous avons besoin pour notre compétitivité et notre rayonnement. La mondialisation entraîne une concurrence entre États pour attirer les meilleurs talents, les meilleurs étudiants, les artistes prometteurs. Se priver de ces talents à cause d’une réglementation sourcilleuse reviendrait à se condamner à une forme d’aporie. C’est pourquoi l’une des toutes premières décisions prises par le Gouvernement, en 2012, fut d’abroger la circulaire Guéant, qui témoignait d’une rare méconnaissance des réalités de la mondialisation. Ce texte avait abouti à réduire considérablement le nombre d’étudiants étrangers accueillis en France alors que leur présence se révèle éminemment utile pour le développement de notre recherche, la promotion de la francophonie, la mise en relation de nos centres de recherche. Pour que la France redevienne pleinement attractive, il a fallu, en première étape, supprimer cette circulaire.

La seconde étape consiste à introduire, avec ce projet de loi, trois innovations majeures. La première est la création d’un « passeport talent », titre unique destiné à tous les étrangers dont nous souhaitons qu’ils viennent en France. Valable quatre ans, renouvelable, délivré à la personne et à sa famille, ce passeport regroupe et élargit certaines catégories de titres existants. Il pourra concerner jusqu’à 10 000 personnes chaque année. La deuxième innovation consiste à simplifier le passage du statut d’étudiant à celui de salarié, pour que les étudiants puissent concrétiser dans la vie professionnelle les espoirs que la France a placés en eux. Le Gouvernement souhaite que ces facilités soient réservées aux meilleurs étudiants et aux titulaires de master pour éviter tout effet d’aubaine. La fin des autorisations de travail destinées aux artistes et à leurs équipes pour les visas de moins de trois mois constitue la troisième nouveauté. Ces autorisations sont accordées dans 97 % des cas, mais leur délivrance est le résultat d’une procédure que les entreprises de spectacle ou les organisateurs de festivals considèrent comme particulièrement lourde.

Avec le titre de séjour pluriannuel et le passeport talent, nous entendons répondre aux deux lacunes principales de notre législation en matière de droit au séjour. Nous pourrons ainsi mieux tenir compte des mobilités liées à la connaissance, au savoir et à la culture. Nous intégrerons mieux les étrangers présents sur notre sol. Enfin, nous lutterons plus efficacement contre la fraude. Tels sont, à mes yeux, les objectifs d’une politique d’accueil des étrangers : ferme dans ses principes, solide dans ses fondements, conforme à l’esprit de la République.

Quelques mots sur le titre de séjour délivré aux étrangers malades, qui est en adéquation avec la vocation de la République. Créé par mes prédécesseurs Jean-Louis Debré et Jean-Pierre Chevènement, il témoigne d’une continuité républicaine incontestable qui dépasse les clivages politiques. Ce droit au séjour repose sur un principe simple : un étranger qui risque la mort dans son pays parce qu’il n’y trouve pas les soins adaptés à sa pathologie doit pouvoir rester en France pour se soigner. Un rapport conjoint de l’Inspection générale de l’administration (IGA) et de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) avait proposé de clarifier dans la loi la définition des bénéficiaires de ce titre et de transférer à l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), qui dispose d’une expertise reconnue, l’évaluation de la santé des personnes. On pourrait ainsi remédier à la trop grande hétérogénéité du système actuel et éviter la fraude – car elle existe en la matière. Le projet de loi reprend les deux évolutions souhaitées par les inspections générales. Nous redonnerons ainsi à ce droit aujourd’hui décrié toute sa force et toute sa légitimité.

Le deuxième volet du projet de loi concerne la lutte contre l’immigration irrégulière. C’est un point fondamental à mes yeux.

Comme tous ses voisins européens – et pas plus qu’eux –, la France est confrontée à ce phénomène. Avec 300 000 à 400 000 étrangers en situation irrégulière, essentiellement concentrés en Île-de-France, la France se situe au niveau de l’Allemagne. Au Royaume-Uni, l’immigration irrégulière est deux fois plus importante que chez nous. Ce constat statistique ne doit pas pour autant nous détourner de nos objectifs : un étranger en situation irrégulière doit être reconduit à la frontière et les filières criminelles de l’immigration clandestine, ces réseaux de passeurs qui tirent profit de la mort ou de l’exploitation des plus vulnérables, doivent être démantelées. Il en va du respect de l’État de droit et des valeurs de la République.

Démanteler les filières de l’immigration clandestine, c’est précisément ce à quoi je souhaite que s’emploie toute l’administration placée sous ma responsabilité. Les forces de l’ordre enregistrent d’excellents résultats : plus 25 % de filières démantelées en 2014 par rapport à 2012 ; plus 13 % de reconduites contraintes pendant la même période, les reconduites vers un pays tiers à l’Union européenne (UE) connaissant la hausse la plus significative, après un point bas atteint en 2011– autrement dit, ce sont les reconduites les plus difficiles à réaliser qui augmentent le plus. Comprenant parfaitement que certains puissent ressentir le besoin de vérifier l’adéquation entre ce que j’affirme et la réalité, le Gouvernement est disposé à communiquer à la Commission l’ensemble des statistiques dont il dispose. Ainsi pourrons-nous mettre un terme à des débats alimentés par des contre-vérités.

Dans cette lutte contre l’immigration irrégulière, nous devons remédier à trois faiblesses.

D’abord, nous avons mal transposé en droit français certains aspects de la directive Retour. Il en résulte que les étrangers à qui nous remettons une mesure d’éloignement ne font l’objet de l’interdiction de retour prévue par les textes européens que de façon exceptionnelle. Or celle-ci peut permettre aux préfectures de gagner en efficacité en évitant de délivrer une obligation de quitter le territoire français (OQTF) chaque fois qu’un étranger se soustrait à une mesure d’éloignement. Cette interdiction de retour sera valable pendant une durée comprise entre une à trois années, et supprimée si l’étranger exécute volontairement l’OQTF qui lui est délivrée. Elle renforcera l’efficacité de nos outils juridiques en nous permettant de nous conformer pleinement à nos obligations communautaires. J’ajoute que cette évolution est conforme à la jurisprudence constitutionnelle : le Conseil constitutionnel a bien précisé que l’interdiction de retour n’était pas une sanction et qu’elle pouvait donc accompagner plus systématiquement les OQTF.

Ensuite, notre politique d’éloignement repose trop exclusivement sur la rétention. En conformité avec les directives européennes, nous devons privilégier, chaque fois que cela est possible, l’incitation à la contrainte, et veiller à ce que la rétention ne soit utilisée que lorsqu’elle est indispensable. Le Gouvernement a récemment refondu les aides au retour pour en faire, s’agissant notamment des pays tiers à l’Union européenne, un outil indispensable de sa politique d’éloignement. Mais ce n’est pas suffisant. Il prévoit donc, dans le projet de loi, de renforcer l’assignation à résidence pour en faire une alternative efficace à la rétention. C’est ainsi que sont clarifiées les conditions de l’action des forces de l’ordre dans le cadre d’une assignation à résidence, ce qui leur apporte le cadre juridique sans lequel l’assignation à résidence est à la fois peu efficace et peu protectrice des libertés. Avec la fin du délit de séjour irrégulier, votée par l’Assemblée nationale en décembre 2012, cette évolution signifie également la fin d’une assimilation de la politique d’éloignement avec la politique pénale. Un étranger en situation irrégulière doit être éloigné ; il n’est pas pour autant un délinquant et ne doit donc pas être traité comme tel, ni privé systématiquement de liberté.

En ce qui concerne précisément la rétention, j’entends agir dans la plus grande transparence. Des associations interviennent dans les centres de rétention pour faire respecter le droit ; des parlementaires, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, le Défenseur des droits s’y rendent régulièrement. Mais, de façon paradoxale et faute d’un régime juridique adapté, la presse n’y a accès que sur dérogation. Ce n’est pas la conception que nous devons avoir de la République. Il faut un régime clair et simple d’accès des journalistes aux centres de rétention. S’il s’avère que des centres offrent des prestations insatisfaisantes, comme à Mayotte par exemple, une visite de la presse aura tôt fait d’amener le Gouvernement, quel qu’il soit, à prendre les mesures qui s’imposent. Le projet de loi prévoit donc l’accès de la presse aux centres de rétention.

Enfin, vous êtes nombreux à vous interroger sur le contentieux des étrangers, à propos duquel je distinguerai deux catégories de questions.

La première porte sur la rétention, en particulier sur son contrôle par le juge des libertés et de la détention (JLD) que la loi du 16 juin 2011 fait intervenir après le cinquième jour de rétention. Certains d’entre vous s’en inquiètent car une part non négligeable des étrangers est éloignée avant même que le juge ait pu examiner les conditions de leur interpellation. Ces éloignements ont lieu exclusivement vers des pays de l’Union européenne puisqu’il est impossible, dans les autres cas, d’obtenir un laissez-passer consulaire dans des délais si courts. Toutefois, du point de vue des principes, un tel angle mort n’est pas satisfaisant. Pour remédier à cette situation, il faut prendre en compte l’ensemble des aspects du sujet : dans la chaîne contentieuse en rétention, particulièrement complexe, l’action des deux juges qui se prononcent en l’espace de cinq jours doit être coordonnée avec la plus grande minutie ; du point de vue des forces de l’ordre et de la Chancellerie, il faut garder à l’esprit que la procédure implique des escortes et des audiences alors que les services sont très mobilisés par ailleurs.

Certains parlementaires souhaitent réduire la durée de rétention pourtant parmi les plus courtes d’Europe : de quarante-cinq jours en France, elle est de six mois en Italie et en Allemagne et de dix-huit mois au Royaume-Uni. Cette proposition s’appuie sur le fait que le taux de reconduite décroît avec le temps. Or les éloignements qui ont lieu tard dans la procédure sont ceux qui concernent des États tiers à l’Union européenne, parfois peu coopératifs dans la délivrance de laissez-passer consulaires. Réduire cette durée reviendrait à adresser un signal négatif quant à notre détermination à éloigner les ressortissants de ces pays en situation irrégulière sur notre territoire. C’est pourquoi je n’y suis absolument pas favorable. Rien n’est prévu à cet égard dans le projet de loi parce que nous souhaitons que ces questions soient évoquées en séance. Nous poursuivrons notre travail avec le rapporteur pour rechercher les meilleures solutions afin de concilier respect de l’État de droit et efficacité de nos dispositifs. Si nous sommes disposés à réduire les angles morts, il faut aussi que nous créions les conditions d’un éloignement soutenable, efficace et ferme.

J’en viens à la deuxième catégorie de questions portant sur le contentieux des étrangers. Le texte prévoit un recours accéléré pour les situations dans lesquelles le préfet a pris une OQTF sans examiner une demande de titre de séjour, se bornant à constater une situation d’irrégularité. Cela est nécessaire : il est anormal qu’au terme d’une longue procédure d’asile, il faille jusqu’à un an au tribunal pour statuer sur l’obligation de quitter le territoire français. Nous ne faisons, sur ce point, que rétablir la distinction qui prévalait jusqu’en 2011 entre arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière et obligation de quitter le territoire.

Dans le débat sur l’asile, considérant que de telles solutions présentaient des fragilités juridiques considérables, j’avais très clairement exprimé mon opposition à des mesures prévoyant que tout refus d’asile valait automatiquement OQTF ou interdisant aux déboutés de l’asile de déposer une demande de titre de séjour pour un autre motif, renvoyant le traitement de la question au texte sur le séjour. Nous y sommes. Alors même que toutes les garanties juridiques sont prises, puisque nous avons accordé un droit au recours suspensif devant la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), l’OQTF « post-asile » doit pouvoir faire l’objet d’un traitement accéléré sans remise en cause des droits des étrangers. Tel est l’objectif de cette mesure, qui doit renforcer la soutenabilité de notre système d’asile, qui implique que nous soyons à même de reconduire à la frontière tous ceux qui, déboutés du droit d’asile, n’ont pas le droit au séjour en France à un autre titre. Tout autre raisonnement serait irresponsable.

En matière d’immigration, le Gouvernement a trois priorités : mieux intégrer ceux que notre droit et nos principes nous conduisent chaque année à accueillir légalement ; attirer davantage les talents ; lutter plus efficacement contre l’immigration irrégulière en démantelant les filières – nous multiplions, à ce sujet, les accords de coopération en Europe et avec nos partenaires extra-européens – et en éloignant effectivement du territoire les étrangers qui n’ont pas droit au séjour, sans pour autant les considérer comme des délinquants. Si nous réussissons ensemble à bâtir cette réforme équilibrée, réaliste et adaptée aux réalités contemporaines, nous aurons été des républicains utiles.

Quand le droit s’attache à réaliser des objectifs politiques justes, incontestables et adaptés, il s’inscrit dans la profondeur du temps. J’ai confiance dans la sagesse de votre Commission, éclairée par le travail remarquable de votre rapporteur Erwann Binet. Celui-ci s’est pleinement investi dans l’examen du projet de loi, multipliant les visites et les contacts avec l’ensemble des acteurs intéressés, pour parvenir à une solution qui fasse honneur à la République et nous éloigne des postures habituelles, dangereuses pour nous comme pour les étrangers ; bref, une solution qui nous permette de faire vivre la République et ses principes.

M. Erwann Binet, rapporteur. Je salue les avancées remarquables proposées dans le projet de loi que vous nous présentez, au premier rang desquelles le caractère pluriannuel de la carte de séjour : nous donnons ainsi aux étrangers autorisés à résider en France la possibilité d’y envisager leur avenir au-delà d’une petite année. Nous savons tous que la stabilité du séjour est une condition de l’intégration. Nous donnons enfin aux étrangers un droit, une perspective à la hauteur de l’exigence que nous avons à leur égard.

L’affirmation du caractère subsidiaire du placement en rétention administrative au bénéfice de l’assignation à résidence est également un geste très positif. En matière de police des étrangers, la restriction de liberté doit prévaloir sur la privation de liberté.

Dans le cadre du titre de séjour au bénéfice des étrangers malades, vous réintroduisez la condition d’effectivité de l’accès à un traitement approprié par l’étranger malade dans son pays. Aujourd’hui, nous ne faisons qu’évaluer l’existence d’un traitement dans le pays dont est originaire l’étranger malade, ce qui peut conduire à lui refuser des soins en France alors qu’il n’y a pas accès à de tels soins dans le pays d’origine. Ce n’est pas admissible.

Enfin, le texte introduit la possibilité pour les journalistes d’accéder aux zones d’attente et aux centres de rétention administrative.

J’ai retenu des auditions et des visites de terrain que j’ai menées plusieurs inquiétudes suscitées par certaines dispositions. Il me semble toutefois que la plupart d’entre elles, justifiées à la lecture du texte, peuvent être levées par de simples éclaircissements. Je ne relèverai pour l’heure que deux de ces inquiétudes.

L’une concerne le transfert à un collège de médecins de l’OFII de l’avis médical donné au préfet dans la procédure pour la délivrance d’un titre autorisant le séjour d’un étranger malade. Cet avis est délivré aujourd’hui par le médecin de l’Agence régionale de santé (ARS) ou, à Paris, par le médecin-chef de la préfecture de police. L’inquiétude vient de ce que l’organisme de tutelle de l’OFII est le ministère de l’Intérieur. Ainsi le Défenseur des droits craint-il « que l’OFII ne s’éloigne de l’objectif de protection et de prévention en matière de santé pour privilégier un objectif de gestion des flux migratoires ». À titre personnel, il me semble que la déontologie médicale, d’une part, et la responsabilité confiée par le texte au ministre de la Santé de fixer les orientations auxquelles devront se référer les médecins de l’OFII, d’autre part, sont éclairantes sur vos intentions. Je constate néanmoins que les doutes persistent. Il me paraît donc utile, monsieur le ministre, de vous entendre sur ce point.

D’autres inquiétudes tiennent aux moyens donnés à vos services au sein des préfectures d’examiner le respect effectif par l’étranger des conditions attachées au bénéfice du titre de séjour tout au long de la durée de sa validité, soit jusqu’à quatre ans pour le titre pluriannuel. La formulation de l’article 8, exigeant de l’étranger qu’il puisse justifier à tout moment qu’il continue de satisfaire aux conditions fixées pour la délivrance de sa carte, mérite d’être allégée de son caractère un peu trop soupçonneux. Surtout, s’agissant de l’article 25 qui prévoit la possibilité de recueillir des informations auprès d’un grand nombre d’autorités et de personnes privées afin de contrôler la sincérité et l’exactitude des déclarations souscrites ou l’authenticité des pièces produites, il importe que nous connaissions les intentions du Gouvernement au regard de l’encadrement et de la nature du contrôle.

Nous pouvons comprendre aisément les démarches de base, telles que la vérification de l’authenticité d’un document ou d’une adresse – ce sont les plus simples et elles ne poseront aucune difficulté. En revanche, lorsque l’administration souhaitera vérifier la réalité de la vie commune ou de la contribution effective à l’éducation et à l’entretien de l’enfant français par un étranger, quels documents demandera-t-elle aux banques, aux établissements scolaires, aux organismes de sécurité sociale ? Certes, les autorités pourront exiger uniquement les documents et les informations « strictement nécessaires » mais, avec une liste d’organismes très générale et sans précision sur l’accès aux informations ni sur les conditions et la durée de conservation des documents compulsés, on peut légitimement s’interroger sur les risques que ferait peser sur les personnes étrangères un droit mal défini d’ingérence dans leur vie privée et celle de leurs enfants. Je proposerai une réécriture des articles 8 et 25 à la Commission, qui doit être éclairée sur les moyens que vous vous attribuez pour le contrôle des titres.

Quant aux conditions de la rétention et aux questions relatives au contentieux, vous avez abondamment évoqué le sujet. Nous devrons travailler dans les jours qui viennent ; je n’y reviendrai donc pas.

M. le ministre. En ce qui concerne le rôle de l’OFII à l’égard des étrangers malades, les dispositions prévues, je l’ai dit, s’inspirent du rapport conjoint de l’IGA et de l’IGAS. Ce sont aujourd’hui les ARS qui s’en chargent avec grand professionnalisme mais aussi beaucoup d’hétérogénéité. Il n’y a pas de doctrine unifiée sur le droit au séjour des étrangers malades : dans certains départements, le taux d’accord des ARS pour la délivrance des titres de séjour est de 100 % quand il n’est que de 30 % dans d’autres. Les mêmes règles doivent être appliquées aux étrangers malades où qu’ils se trouvent sur le territoire de la République. Nous devons corriger les disparités. Nous entendons confier les avis médicaux à l’OFII considérant que sa déjà longue pratique du suivi de l’état de santé des migrants arrivant en France lui confère une expérience en la matière. Les médecins de l’OFII agiront sous le contrôle exclusif du ministère de la Santé ; ils rendront un avis après une expertise collégiale. Nous bâtirons ainsi, sous le contrôle du juge, une pratique harmonisée pour la délivrance des titres de séjour.

Pour ce qui est de la lutte contre la fraude, je considère que les préfectures ne disposent pas d’outils suffisamment efficaces. Elles n’ont aucun droit de communication auprès d’autres administrations et doivent, le plus souvent, se contenter d’éléments transmis par l’étranger. Cela conduit à deux effets pervers qu’il faut absolument corriger. D’une part, elles sollicitent toujours davantage de justificatifs de l’étranger, notamment à l’occasion du renouvellement annuel du titre de séjour, multipliant les convocations et les files d’attente. D’autre part, ces lourdeurs, proches du dysfonctionnement, empêchent notre système de lutter efficacement contre la fraude, l’embolisation des guichets conduisant les préfectures à délaisser les fonctions de contrôle qui sont, en la matière, essentielles.

Avec l’instauration du titre de séjour pluriannuel, le préfet disposera d’un droit de communication d’informations en provenance d’autres administrations qui, elles, ont un tel droit vis-à-vis de l’administration préfectorale. Il est également prévu que le préfet puisse convoquer l’étranger pour l’entendre lorsqu’il ressort de l’examen préliminaire des pièces obtenues que des doutes existent sur la véracité des informations transmises par l’étranger. Cela est normal et vaut pour ceux qui bénéficient de droits reconnus par une administration ou par la République.

Je suis prêt à améliorer la rédaction du texte afin de lever vos craintes, mais il ne saurait être question, ce faisant, d’affaiblir la capacité du dispositif à lutter contre la fraude, notamment documentaire. À cet égard, la détermination du Gouvernement est ferme. La rédaction doit être aussi bonne que l’intention est ferme.

M. Éric Ciotti. Ce projet de loi était attendu, annoncé depuis très longtemps ; il résulte d’une promesse du candidat Hollande en 2012. De fait, on a l’impression d’un texte daté, dont on se demande bien pourquoi il vient en complément de la loi sur la réforme du droit d’asile. Dans le contexte de crise migratoire majeure qu’il n’est nul besoin de rappeler, il ne tient aucun compte de la situation, n’en tire aucune leçon, ne mesure pas l’ampleur des difficultés auxquelles va nous confronter l’évolution démographique structurelle. Le problème migratoire risque de s’amplifier si nous ne prenons pas des mesures très fermes, très audacieuses que je ne trouve nulle part dans votre projet de loi.

Au-delà de cette crise migratoire, qui, depuis le début de l’année, a conduit sur les côtes européennes, dans des conditions épouvantables, près de 100 000 étrangers en situation irrégulière et entraîné la mort de quelque 2 000 personnes en Méditerranée, c’est l’échec terrible de notre modèle d’intégration que nous devons constater. En témoigne le taux de chômage des étrangers en situation régulière : 25 % en moyenne, presque 50 % dans certains territoires. Cet échec, nous pouvons tous en assumer la responsabilité.

Vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, l’immigration en France a, pour moitié, un caractère familial, ce qui nous distingue des autres pays dans lesquels elle répond davantage à des motivations économiques. Sa structure même est donc source de difficultés.

Aujourd’hui, un texte se voulant efficace en matière d’immigration chercherait à rendre notre pays moins attractif et s’inspirerait de la courageuse politique menée par le Premier ministre britannique David Cameron. Il conviendrait de limiter l’accès à notre système social pour les étrangers ne disposant pas de capacités contributives, ne payant pas les cotisations sociales attachées à un travail.

Le groupe Les Républicains pense qu’il y a lieu de lutter de manière implacable et bien plus déterminée que vous ne le faites contre l’immigration irrégulière. Vous vous targuez, monsieur le ministre, d’une légère augmentation du taux de reconduite à la frontière. Or, sur les 300 000 à 400 000 étrangers en situation irrégulière dans notre pays que vous évoquez, moins de 20 000 par an sont reconduits à la frontière, soit un taux ridicule d’à peine 5 %. Selon une évaluation de la Cour des comptes, le taux de retour des déboutés du droit d’asile est de seulement 1 %. Quelques difficultés que puisse rencontrer telle ou telle majorité, nous avons tous le devoir de rendre notre modèle moins attractif par une lutte plus efficace contre l’immigration irrégulière, qui passe par l’augmentation du nombre des procédures de reconduite à la frontière.

Nous considérons que ce projet de loi ne répond pas à ces exigences et contient même des mesures dangereuses qui risquent de renforcer nos difficultés. Ainsi, le titre de séjour de quatre ans et l’élargissement de l’accès à la procédure de séjour pour les étrangers malades, pourtant détournée, rendront-ils notre pays encore plus attractif. La mise en place du passeport talent entraînera, selon certaines évaluations, l’arrivée de 10 000 étrangers supplémentaires en France, sans parler de la suppression de l’obligation pour les étrangers d’obtenir une autorisation de travail pour une activité de moins de trois mois. En matière d’immigration irrégulière, le moindre recours à la rétention contredit votre discours et limitera considérablement l’efficacité des procédures de retour. La mesure d’assignation à résidence s’avérera illusoire car seule la rétention peut stimuler l’indispensable progression du taux de reconduite à la frontière.

Pour l’ensemble de ces raisons, nous considérons ce projet totalement inadapté au contexte que nous connaissons ; il ne répond en rien aux enjeux majeurs auquel est confronté notre pays en matière d’immigration. Le groupe Les Républicains défendra de nombreux amendements visant à rendre notre modèle social moins prodigue – en conditionnant notamment le versement des prestations sociales et familiales à une durée de séjour – et à mettre en place une caution au retour. Nous souhaitons changer la philosophie qui sous-tend la politique conduite par le Gouvernement, lui insuffler courage, audace et volontarisme. Ce texte, monsieur le ministre, ne permettra pas de résoudre la crise migratoire que vivent notre pays et le continent européen ; il comporte même des mesures dangereuses qui la renforceront.

M. le ministre. Vos propos, très politiques comme il est normal à l’Assemblée nationale, s’adossent à des éléments erronés. Je vais vous apporter des faits précis afin que nous puissions avoir un débat qui repose non sur des postures, des incantations et des contre-vérités, mais sur des données objectives. Vous avez raison : il existe une tension migratoire à propos de laquelle le pays est profondément divisé. Certaines images véhiculées ne sont pas de nature à conforter la République dans ses fondements et ses principes, mais cherchent à créer des fantasmes, de la peur et de la division. Tous les républicains devraient se montrer rigoureux et précis. C’est l’attitude qui a animé le Gouvernement lors de la rédaction de ce texte. Je conserverai cet esprit pour son examen.

Les dispositions que nous prenons ne sont pas, dites-vous, à la hauteur de la crise migratoire. Mais ce n’est pas la première que nous connaissons. Lors d’un épisode sévère en 2011, au lendemain des « Printemps arabes », plus de 100 000 migrants étaient arrivés en quelques mois en Europe. Qu’avait-il été fait à l’époque ? J’attends de connaître des éléments précis sur les décisions européennes arrêtées il y a quatre ans. L’examen de ce texte offrira l’occasion d’aborder ce sujet.

Je peux vous dire précisément ce que nous avons fait de notre côté. Le 30 août dernier, alors que la crise actuelle ne s’était pas encore déclarée, j’ai entamé une tournée des capitales européennes pour défendre auprès de mes homologues la mise en place d’une politique globale et forte de l’Union européenne. J’ai plaidé pour qu’une distinction soit opérée, dès le franchissement des frontières extérieures de l’Union européenne par les migrants, entre ceux qui relèvent du statut de réfugié et ceux qui se trouvent en immigration irrégulière. La Commission européenne a repris cette solution en proposant la mise en place de hotspots en Italie et en Grèce ; ces deux pays en ont accepté le principe même si les discussions sur les modalités continuent. Cette mesure est indispensable pour tarir le flux de l’immigration irrégulière en Europe et organiser les reconduites dans les pays de provenance, dans la mesure où 70 % des migrants qui transitent par la bande sahélo-saharienne relèvent de l’immigration économique irrégulière.

Par ailleurs, il faut organiser le dispositif de reconduite à la frontière avec l’Union européenne. Pour ce faire, nous avons triplé les moyens de Frontex et sommes prêts à l’armer dans le cadre d’accords permettant la délivrance de laissez-passer consulaires avec les pays de provenance. Dans le respect rigoureux des règles de Schengen, nous avons fait en sorte que le dispositif de réadmission fonctionne – vous le savez parfaitement, monsieur Ciotti, puisque nous avons agi non loin de votre circonscription. Cela a suscité des débats injustes qui ont stigmatisé la position française comme non solidaire alors qu’elle reposait sur le respect des règles européennes ; cela a également engendré une nette amélioration du dialogue avec les Italiens et nous avançons dorénavant ensemble. Sans cette mesure de grande fermeté, nous n’aurions pas pu trouver avec l’Italie l’accord auquel nous avons abouti.

Pour ceux qui relèvent du statut de réfugié, un mécanisme de répartition entre les différents pays européens doit être créé. Il n’est pas normal que cinq pays accueillent 85 % des demandeurs d’asile. Contrairement à ce que vous affirmez, monsieur Ciotti, la France n’accueille pas sans compter les demandeurs d’asile. Leur nombre a d’ailleurs diminué de 2,34 % l’an dernier et atteint environ 20 000 chaque année pour 60 000 demandes. L’Allemagne en a accueilli près de 200 000 ; vous ne qualifieriez pas la sensibilité politique du gouvernement allemand de laxiste et d’inconséquente. Quant à la pression migratoire qui ne cesserait d’augmenter, j’ai dit que les 200 000 étrangers arrivant chaque année représentent une proportion de la population française identique à celle qu’elle était au début du XXe siècle.

Notre politique repose sur les piliers suivants : lutte contre l’immigration irrégulière, démantèlement des filières, reconduite à la frontière de ceux qui relèvent de l’immigration illégale et accueil de ceux qui relèvent de l’asile par la mise en place d’un dispositif en Italie et en Grèce. Celui-ci mobilise l’Union européenne et nos administrations, notamment l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et l’OFII, pour aider les Italiens.

Vous nous reprochez la faiblesse de notre politique d’éloignement. Regardons les chiffres précis et ne cédons pas à l’approximation et aux raisonnements à l’emporte-pièce : en 2009, le Gouvernement d’alors a procédé à 13 908 reconduites à la frontière, puis 12 034 en 2010 et 12 547 en 2011. En 2012, ce nombre est remonté à 13 386, puis à 14 076 en 2013 et 15 161 en 2014. Le nombre de reconduites à la frontière a donc augmenté de 13 % depuis 2012 et il avait atteint son point le plus bas en 2011. Monsieur Ciotti, vous comptabilisez, dans les statistiques que vous diffusez sur les reconduites à la frontière, les Roumains et les Bulgares retournés dans leur pays au titre de la prime instaurée par M. Brice Hortefeux. Le Gouvernement que vous souteniez a gonflé ces statistiques avec des Roumains et des Bulgares qui partaient dans leur pays avant Noël, après avoir touché la prime, revenaient en France en janvier et repartaient à Pâques après avoir perçu à nouveau de l’argent. Ce n’est pas une politique pertinente ; c’est une politique de gribouille ! Elle s’avère dispendieuse d’argent public et ne permet pas d’éloigner les personnes difficiles à renvoyer chez elles. Pour notre part, nous avons refondu le dispositif d’aide au retour afin d’atteindre cet objectif. Monsieur Ciotti, compte tenu de votre engagement et de votre passion sur cette question, ainsi que de la qualité de nos relations, je ne doute pas que vous ferez le meilleur usage de ces chiffres qui décrivent la réalité.

Le sujet qui prouve la volonté d’un Gouvernement d’agir est le démantèlement des filières de l’immigration irrégulière : l’an dernier, nous avons augmenté de 25 % le nombre de démantèlement de filières. Le reconnaître revient à accepter la réalité et à rendre hommage aux forces de l’ordre, qui apprécieraient que l’ensemble de la classe politique française salue l’accomplissement de cette tâche difficile et risquée. Je tiens à les féliciter de leur travail qui donne des résultats.

Il est inexact que le passeport talent engendrera l’arrivée de 10 000 étrangers supplémentaires. Ce dispositif bénéficiera, à flux identique, à des personnes déjà présentes, qui ont démontré leur utilité à notre pays. Plutôt que de les condamner à un parcours administratif interminable qui embolise les services des préfectures et les empêche de lutter efficacement contre la fraude, il facilitera leur intégration. Toutes les grandes puissances économiques sont capables d’accueillir des ingénieurs, des intellectuels, des scientifiques et des gens talentueux qui viennent stimuler leur économie. On ne peut pas vouloir une France plus forte dans la mondialisation et compliquer la tâche de ceux qui peuvent apporter de l’intelligence et de la valeur ajoutée et qui veulent venir chez nous.

Connaissez-vous, monsieur Ciotti, le taux de délivrance des autorisations de travail de moins de trois mois ? Il s’élève aujourd’hui à 97 % ! Affirmer que la modification que nous apportons est une source de laxisme considérable ne constitue pas un argument raisonnable.

L’assignation à résidence n’a pas vocation à empêcher les éloignements mais à les réaliser dans des conditions humaines. L’administration pourra ainsi organiser les départs dans des conditions de confiance et non plus de tension. J’ai également modifié le barème des aides au retour pour faciliter les reconduites. On peut discuter de l’efficacité de la mesure mais on ne peut pas faire dire à un texte le contraire des objectifs qu’il prétend servir. Pensez-vous que les centres de rétention, inoccupés pour un tiers d’entre eux, remplissent leur fonction ? Je ne crois pas. Nous aurons ce débat lors de l’examen du projet de loi en séance publique.

Il n’y a pas de soutenabilité de notre politique d’immigration sans une puissante action européenne. C’est difficile, comme le Conseil européen l’a montré, mais ce n’est pas une raison pour ne pas nous pencher sur les problèmes que nous affrontons.

La fermeté s’avère également indispensable, et ce texte en fait montre pour les déboutés du droit d’asile et l’immigration irrégulière. Enfin, il ne peut y avoir de débat de qualité sur ces questions hautement sensibles si le pays est invité à réagir instinctivement plutôt qu’à faire usage de sa raison et si les termes de la discussion ne sont pas précisés. Je souhaite que le débat démontre qu’il est possible, à des questions difficiles, d’apporter des réponses aux Français et à leurs représentants dans la précision des chiffres, des textes et des procédures, et non dans les amalgames et les approximations. Choisissons l’exigence républicaine et ne cédons pas à la tentation d’instrumentaliser ces sujets à des fins politiques.

Mme Marie-Françoise Bechtel. Monsieur le ministre, je salue votre discours mesuré et maîtrisé sur un thème qui le mérite. Vous avez distingué le quantitatif du qualitatif dans votre appréhension de l’immigration, et souligné la nécessité à la fois d’endiguer des flux et de traiter humainement et dans le respect de l’État de droit les personnes concernées. Vous avez décrit un système qui n’est pas une révolution mais une évolution rendue nécessaire par les règles européennes et par le changement des situations que nous rencontrons. Ces dernières ne sont pas toujours neuves comme l’atteste l’afflux des migrants en 2011.

Ma longue pratique de ces questions, en qualité de juge notamment, m’a convaincue qu’il n’y a pas une immigration, mais des immigrations. Les situations de migration sont diverses et renvoient à des réalités nuancées que la loi doit parvenir à appréhender bien que les termes de celles-ci se caractérisent non par la complexité mais par la généralité. Nous éprouvons des difficultés à faire appliquer le cadre de la loi à des situations complexes et humaines.

Monsieur le rapporteur, M. Jean-Pierre Chevènement avait intégré le passeport talent dans la loi du 11 mai 1998 relative à l’entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d’asile, dite loi Reseda. Nous sommes tous soucieux de favoriser l’attractivité du territoire et séduits par l’idée d’attirer les meilleurs. Mais cette politique présente un paradoxe avec celle du codéveloppement. Si l’on veut tarir l’immigration, il faut permettre aux pays d’émigration de se développer, ce qui nécessite le concours de leurs élites. Je ne prétends pas avoir la solution à ce problème difficile mais il convient de ne pas l’éluder.

Le véritable parcours du combattant que constitue le parcours administratif du demandeur de titre de séjour doit être simplifié. Je me demande s’il n’y aurait pas lieu d’aller plus loin même si cela relèverait de l’application de la loi et d’une circulaire. Où en est le guichet unique pour les étudiants que nous avions tenté de mettre en place au tournant des années 2000 ? L’idée de délivrer sur le campus même le titre de séjour était audacieuse et avait fait frissonner l’esprit universitaire. Les oppositions avaient été importantes mais devons-nous pour autant renoncer ?

Les directives ministérielles ne sont pas appliquées uniformément par les préfectures. Certaines d’entre elles, trop nombreuses, exigent des étrangers des démarches ou des pièces justificatives que la loi ne requiert pas. Nous avions tenté de mettre en place une formation des personnels de préfecture dans ce domaine mais la restriction des dépenses publiques a des conséquences sur le nombre, la motivation et la formation de ces agents. Or ceux-ci sont indispensables pour que les titres soient délivrés de manière humaine, raisonnée et en conformité avec la loi. La loi et rien que la loi, voilà quelle doit être notre boussole en la matière !

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Je remercie le ministre qui doit nous quitter pour se rendre au Conseil des Ministres.

M. Paul Molac. La loi du 16 juin 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité fut adoptée dans un contexte particulier. Depuis cette date, la situation internationale ne s’est pas améliorée – parfois de notre fait, puisque notre intervention en Libye a déstabilisé toute la zone sahélienne, sans même parler de l’invasion américaine de l’Irak. L’Europe doit aujourd’hui faire face à un afflux de réfugiés.

M. le ministre a raison de parler d’embolie voire de thrombose des services préfectoraux. Il suffit de se rendre de bon matin devant une préfecture pour y constater les files d’attente d’immigrés qui viennent simplement y chercher leurs papiers. Cette situation n’est vraiment pas à notre honneur.

Parmi les points positifs de ce projet de loi, la création d’une carte pluriannuelle constitue une avancée. Un tel document, entre la carte annuelle et le titre de séjour, manquait. Au sujet du passeport talent, je partage les réserves exprimées par Marie-Françoise Bechtel : entre l’individu et le codéveloppement, il s’avère ardu de choisir. On ne pouvait pas continuer à conditionner la délivrance du titre de séjour pour les étrangers malades à l’existence dans leur pays du traitement médical demandé. Lorsque ce traitement représente plusieurs mois de salaire, l’accès ne peut pas y être effectif, même pour des traitements qui nous paraissent courants comme ceux à base d’insuline. L’assignation à résidence et la proportionnalité des contraintes sont également de bonnes mesures.

D’autres points nous paraissent, en revanche, négatifs. Nous regrettons que le juge des libertés et de la détention ne puisse toujours pas intervenir avant un délai de cinq jours suivant le placement en rétention alors que cette période n’était que de quarante-huit heures autrefois. Nous craignons, par ailleurs, que l’augmentation des contrôles ne finisse par devenir intrusive si bien que, entre la liberté et le contrôle, la cote nous semble mal taillée. Enfin, certaines interdictions de retour sur le territoire français nous paraissent abusives.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. J’aurais aimé que M. le ministre entende la parole du groupe Socialiste, républicain et citoyen. Je déplore très franchement pour l’intérêt de nos débats qu’il soit parti.

Le projet de loi répond à la nécessité d’aborder la question des étrangers avec efficacité, dignité, sérénité et fidélité à nos valeurs républicaines, mais sans angélisme. N’en déplaise à M. Ciotti qui est également parti, il comporte un volet visant à renforcer l’efficacité de la lutte contre l’immigration irrégulière. Pour autant, l’étranger ne doit plus être un triste terrain de jeu électoral comme ce fut trop longtemps le cas durant le quinquennat de Nicolas Sarkozy.

Le texte comporte de réelles avancées pour le droit au séjour des étrangers : pluriannualité de la carte de séjour ; suppression des précontrats d’accueil et d’intégration, réclamée par tous ; subsidiarité du placement en rétention administrative ; possibilité de proroger le délai de retour volontaire ; justification du refus de délivrance d’un titre de séjour aux étrangers malades par l’effectivité de l’accès à un traitement approprié dans le pays d’origine ; autorisation d’accès aux zones d’attente et aux lieux de rétention pour les journalistes.

Néanmoins, des améliorations s’imposent en matière de libertés et droits fondamentaux. Réforme après réforme, le droit se complique et il convient parfois de simplifier ; il importe également de faire évoluer concrètement ces droits pour qu’ils puissent être effectivement exercés.

L’article 1er instaure un contrat d’accueil personnalisé salué par l’ensemble des associations et des personnes auditionnées par le rapporteur. Il convient de le préciser.

L’article 11, majeur car il concerne la carte pluriannuelle, mériterait d’être plus explicite sur la situation des parents d’enfants français et des conjoints de Français.

La combinaison des articles 8 et 25 établit un régime juridique pouvant apparaître invasif sur le plan des libertés individuelles et du respect du droit. Mais le rapporteur, l’administration et le Gouvernement ont déjà levé certaines difficultés.

Nous sommes interpellés par l’article 14 qui établit plusieurs délais pour introduire un recours. Ceci nuit à la lisibilité de la loi. Le risque d’une justice à deux vitesses ne nous apparaît pas nul. La simplification et la fluidification des délais de recours constitueront un gage d’efficacité. Nous devons encore progresser en la matière.

Je tiens à saluer l’article 19 qui permettra de limiter le plus possible le nombre d’enfants enfermés dans un centre de rétention. Il s’agit de l’intérêt supérieur de l’enfant. Je m’étonne que le groupe politique qui n’a cessé de défendre cette position ne le salue pas davantage.

L’article 22, qui permet à l’autorité administrative de solliciter le juge des libertés et de la détention pour requérir les forces de l’ordre afin d’intervenir au domicile des étrangers assignés à résidence, devrait offrir davantage de garanties procédurales.

Qu’est-il possible d’obtenir sur le délai d’intervention du juge des libertés et de la détention en rétention et sur la durée de cette dernière ?

Le groupe Socialiste, citoyen et républicain souhaite faire évoluer le texte sur les dispositions relatives à l’accueil et à l’intégration, à l’attractivité de la France et à l’effectivité de la lutte contre l’immigration irrégulière de façon constructive et déterminée, en parfaite entente avec le Gouvernement. Il salue l’ambition politique de l’exécutif d’agir dans le respect des droits et des obligations des étrangers qui arrivent sur notre sol afin qu’ils ne soient plus traités comme une variable d’ajustement. Souvenons-nous que la stabilité du séjour n’est pas la récompense d’une bonne intégration, mais le moyen d’y parvenir ! C’est dans cet esprit que notre groupe proposera des amendements et soutiendra ceux du rapporteur.

Mme Françoise Descamps-Crosnier. En 2013, une mission parlementaire, présidée par Denis Jacquat et dont le rapporteur était Alexis Bachelay, avait préconisé d’inscrire l’histoire de l’immigration dans l’histoire nationale afin de promouvoir une mémoire partagée au service d’une meilleure intégration. Cette dernière n’étant pas seulement une affaire de mémoire, des propositions avaient été avancées pour assouplir les dispositions juridiques relatives au séjour et à l’accès à la nationalité française. Le rapport avait relevé les difficultés dans lesquelles vivent de nombreux immigrés âgés, dont les chibanis, révélatrices des faiblesses de nos politiques sociales. Il suggérait des pistes pour améliorer ces conditions de vie, pistes qu’il conviendrait de mettre en œuvre et qui servent de fondement aux amendements que nous avons déposés. J’aurais souhaité demander à M. le ministre, qui a à cœur de permettre à chaque immigré de vivre une vieillesse digne, de soutenir ces amendements tel, par exemple, celui visant à mettre en place un régime de regroupement familial dérogatoire. J’aimerais que ces suggestions soient adoptées à l’unanimité ce qui montrerait que la représentation nationale prend en compte ces difficultés.

M. Alain Tourret. Les grandes migrations actuelles diffèrent de celles que nous connaissons depuis plusieurs dizaines d’années ; elles s’inscrivent dans un climat de crise mondiale marqué par l’appauvrissement des pays d’accueil et de départ. Les difficultés sont plus fortes dans les pays d’émigration qui subissent des chocs économiques violents dus notamment au réchauffement climatique. Celui-ci entraîne la désagrégation de ces pays puisque des centaines de milliers d’habitants des campagnes rejoignent les grandes aires urbaines avant d’émigrer.

En tant qu’humaniste, je rappelle avec force que l’étranger veut tout simplement vivre ; il a le droit de vivre. L’appel de l’éden, de la prospérité, de la protection par la santé, des anciennes sociétés coloniales se mêle à celui des familles déjà établies dans les pays d’accueil. Si l’on suit M. Ciotti et ses amis, l’étranger constitue un risque pour nos sociétés. Cette idée est totalement fausse ! L’étranger n’est pas un élément de désagrégation de nos sociétés mais un facteur de leur enrichissement. C’est une évidence s’agissant des étudiants, des médecins et de tous les cadres que nous accueillons avec sympathie. Ainsi, toutefois, nous contribuons à désorganiser les structures de leurs pays d’origine. Je suis toujours inquiet de voir un médecin en provenance d’une région pauvre arriver en France pour répondre à nos besoins de présence médicale car il ruine le pays qu’il quitte.

Israël est un petit pays étonnant qui, en dix ans, vient d’accueillir entre 1 million et 1,5 million d’étrangers. Cela ne l’empêche pas de gagner tous les combats. Je me suis rendu très souvent dans ce pays et j’ai constaté que l’apport de l’immigration et le syncrétisme de toutes les cultures avaient permis d’y créer plus de start-up que dans toute l’Europe réunie. Il y a des malheurs en Israël et en Palestine mais nous avons des leçons d’intégration à prendre de leur part.

Nous devons formuler une réponse européenne. Je nourris beaucoup d’admiration pour l’Italie, qui subit actuellement un choc important, et beaucoup d’indignation envers ceux qui souhaitent la laisser seule. Là, ce sont des leçons d’humanité que nous avons à prendre. Nos amis allemands souffrent d’un affaiblissement de leur natalité : je me demande pourquoi ils n’accueillent pas d’autres populations qui souhaitent s’intégrer dans leur pays.

Aucune solution ne sera durable si nous ne trouvons pas, comme l’a fort bien dit M. le ministre, un équilibre entre la sécurité et l’accueil, entre les incompréhensions et l’humanisme que nous devons défendre devant nos concitoyens. Cela nécessite un codéveloppement avec l’Afrique dont nous sommes aujourd’hui fort éloignés. Nous ne montrons aucune détermination en la matière. J’admire l’action de notre ancien collègue Jean-Louis Borloo, que le Gouvernement soutient fortement. Il faudrait que ses initiatives soient mieux connues et que nous puissions l’entendre parler de ces sujets. Comme vous le percevez, monsieur le président, c’est l’humaniste en moi qui parle plutôt que le défenseur de la nécessaire sécurité de notre société. Les immigrés ont le droit de vivre. Ce sont des êtres humains comme nous.

Mme Marietta Karamanli. Je voudrais insister sur deux ou trois points du rapport présenté hier en commission des Affaires européennes pour observations sur ce projet de loi.

S’agissant de l’immigration irrégulière, ce texte apporte plusieurs modifications et clarifications nécessaires au regard de la directive Retour. Il tient également compte de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne et de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH).

Le renforcement de l’assignation à résidence est un élément positif conforme à l’esprit de la directive. Il serait toutefois intéressant de savoir si les mesures de contrainte prévues aux articles 18 et 22 sont parfaitement proportionnées à l’objectif poursuivi, c’est-à-dire la bonne exécution des mesures d’éloignement prononcées.

Par ailleurs, la réduction des délais de recours et de jugement, s’agissant de certaines OQTF prononcées notamment à l’endroit des demandeurs d’asile définitivement déboutés, a été fortement critiquée par les associations lors des auditions. Dans quelle mesure est-elle indispensable ?

S’agissant toujours de l’immigration irrégulière, que recouvrira exactement l’interdiction de circulation et à quel moment sera-t-elle opposable aux personnes concernées ?

J’en viens aux aspects de l’immigration légale, et d’abord à la langue qui fait partie des éléments d’intégration. Le texte élève le niveau de langue demandé sans pour autant augmenter le nombre d’heures de cours. Comment répondre à cette exigence de niveau quand le volume d’heures consacré à son acquisition n’y est pas ?

Le titre de séjour comporte des points faibles : il y a trop de régimes dérogatoires au régime unique de carte de séjour pluriannuelle ; la carte de séjour ne protège pas l’étranger à tout moment, les choses pouvant être remises en question pendant la période de validité de la carte ; la pluriannualité du titre ne garantit pas le passage à une carte de résident.

Enfin, quid des passerelles pour ceux des étrangers, les étudiants notamment, qui se retrouvent dans une zone de non-droit lorsqu’ils passent d’un statut à un autre ? De même, les étrangers malades risquent de se retrouver condamnés à vivre en séjour irrégulier pendant les longs mois de la procédure de reconnaissance de leur taux d’incapacité.

M. Jacques Valax. Ce texte était attendu depuis très longtemps puisqu’il a été présenté en conseil des ministres le 23 juillet 2014. Il répond à certaines exigences et certains principes républicains auxquels nous devons rester fidèles. Il faut sans cesse revenir à ce postulat que l’immigration est une richesse, non une menace.

Il ressort des chiffres que la France n’est pas un très grand pays d’immigration par rapport à la plupart des pays comparables en Europe. Chaque année, compte tenu des 200 000 arrivées et des 100 000 départs, ce sont 100 000 étrangers seulement qui s’ajoutent à la population française quand la Grande-Bretagne enregistre plus de 400 000 entrées, et l’Italie, l’Espagne ou l’Allemagne 220 000.

L’immigration familiale est de loin le premier motif de l’admission au séjour et représente 40 % des entrées. La part des visas professionnels, de 9 % seulement, reste faible alors même que l’on constate des difficultés de recrutement liées à la crise pour près de quatre emplois sur dix, qu’il s’agisse d’ingénieurs, d’informaticiens ou d’aides à domicile. Enfin, aujourd’hui, plus d’un étudiant sur dix est étranger.

Ce texte réaffirme les priorités du Gouvernement en matière d’immigration. Deux objectifs sont poursuivis avec constance et rigueur par le Gouvernement : l’amélioration de l’accueil et la volonté réelle d’une plus grande intégration des étrangers.

L’amélioration des conditions d’accueil passe, entre autres, par la simplification qu’entraînera la généralisation du titre de séjour pluriannuel de quatre ans pour tous les étrangers qui auront passé un an en France. Présentée comme la mesure phare du texte, sa mise en place évitera la répétition des démarches complexes et les files d’attente interminables à la préfecture.

La seconde priorité du Gouvernement est de renforcer l’attractivité de la France en facilitant en particulier la mobilité des talents internationaux via la création d’un passeport talent et d’une carte spécifique pour les étudiants.

Parmi les autres bonnes mesures contenues dans ce texte, soulignons le principe de l’assignation à résidence plutôt que la rétention, l’accès aux zones d’attente et aux centres de rétention administrative pour les journalistes, le retour aux dispositions antérieures à la loi de 2011 pour les étrangers malades. Sur ce point particulier, le ministre a rappelé la notion de continuité républicaine à laquelle nous devons être fidèles.

Il nous faudra sans doute modifier le délai de recours contre l’obligation de quitter le territoire français adressée à certaines catégories de personnes, notamment les déboutés du droit d’asile. Selon moi, sept jours ne suffisent pas à une mise en œuvre effective des droits de la défense. Il y aura nécessairement une discussion sur ce sujet.

Nous devrons aussi revenir sur les dispositions de la loi de 2011 relatives à la durée de rétention, passée de trente-deux à quarante-cinq jours, et au délai d’intervention du juge des libertés en rétention après cinq jours contre quarante-huit heures auparavant.

Ce texte est important, particulièrement dans le contexte d’afflux massif de migrants aux portes de l’Espace Schengen depuis le début de l’année. Il est essentiel que nos débats restent empreints de la philosophie qui évite les amalgames, les idées toutes faites, les faux débats. Il faut sortir de la logique de suspicion qui est toujours celle de la droite vis-à-vis de l’immigration. La France est une terre d’accueil et elle doit le rester. Puissent nos travaux parlementaires nous permettre de parvenir à un texte à la mesure de nos valeurs, dont nous sommes fiers !

La Commission en vient à l’examen, sur le rapport de M. Erwann Binet, des articles du projet de loi.

TITRE I – L’ACCUEIL ET LE SÉJOUR DES ÉTRANGERS

Chapitre 1er
L’accueil et l’accompagnement

Avant l’article 1er

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement CL257 du Gouvernement.

Article 1er (art. L. 311-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) : Contrat personnalisé fixant un parcours d’accueil et d’intégration

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte successivement les amendements CL258, CL260, CL261 et CL264 du Gouvernement.

Puis elle adopte successivement l’amendement rédactionnel CL198, l’amendement de coordination CL244, l’amendement de précision CL188 et l’amendement rédactionnel CL199, tous du rapporteur.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, elle adopte ensuite l’amendement CL266 du Gouvernement.

La Commission en vient à l’amendement CL259 de la commission des Affaires culturelles et de l’éducation.

Mme Valérie Corre, rapporteure pour avis de la commission des Affaires culturelles et de l’éducation. Cet amendement précise les dispositions que devra comporter le décret d’application en prenant en compte la formulation qui existe aujourd’hui pour le contrat d’accueil et d’intégration.

M. le rapporteur. L’objectif est louable, néanmoins, la rédaction proposée me paraît poser plusieurs difficultés et nécessitera sans doute une réécriture d’ici à la séance publique. D’abord, le contrat d’accueil et d’intégration républicaine comporte des formations, non des actions – vocable trop large qui n’apparaît pas dans le présent projet de loi. Surtout, il n’a pas vocation à être renouvelé. On ne peut pas demander au décret de préciser les conditions de renouvellement d’un contrat, qui n’est pas formellement prévu par le projet de loi. C’est pourquoi j’émets un avis défavorable.

Mme la rapporteure pour avis. Je redéposerai l’amendement en séance publique.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’amendement de coordination CL196 du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 1er modifié.

Article 2 (art. L. 314-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) : Condition de connaissance suffisante de la langue française pour la délivrance de la carte de résident

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL99 de M. Denys Robiliard et CL245 du rapporteur.

M. Denys Robiliard. Supprimer l’alinéa 2 de l’article 2 du projet de loi faciliterait la stabilité du séjour, qui tient aussi à la durée du titre de séjour. Il est contre-productif de conditionner la délivrance de la carte de résident à une intégration préalable qui viendra précisément de la stabilité du séjour.

M. le rapporteur. La stabilité du séjour ne suffit pas pour apprécier et favoriser l’intégration d’une personne étrangère. L’intégration passe évidemment par la langue, dont le Gouvernement souhaite renforcer de manière raisonnable l’exigence de niveau. Le futur décret d’application devrait l’élever au niveau A2 du cadre européen de référence pour les langues, auquel le locuteur satisfait en étant capable de communiquer lors de tâches simples, habituelles, ne demandant qu’un échange d’informations simples et directes sur des sujets familiers et habituels. C’est donc un niveau minimal qui est requis. Par ailleurs, cinq ans de présence ne sont pas forcément un gage de maîtrise de la langue.

Pour ce qui est de mon amendement CL245, il tend à objectiver davantage l’évaluation du niveau de langue en substituant aux mots « suffisante de la langue française dans des conditions définies par décret en Conseil d’État » les mots « de la langue française, qui doit être au moins égale à un niveau défini par décret en Conseil d’État. »

Mme Marie-Françoise Bechtel. S’agissant de l’amendement CL99, il me semble normal de conserver la recherche d’un début d’intégration matérialisé par la langue.

Quant à l’amendement du rapporteur, le mieux étant l’ennemi du bien, je crains qu’il ne soit contre-productif. Si l’on parle d’un niveau défini par décret en Conseil d’État, il faudra bien donner un niveau objectif. Ou alors on s’orientera vers quelque chose de plus subjectif et l’on reviendra à l’appréciation des conditions suffisantes.

M. le rapporteur. Je ne fais que traduire par des mots précis les intentions du Gouvernement, déjà annoncées dans l’étude d’impact : le niveau A2 restera la référence exigée en matière de langue.

Mme Marie-Françoise Bechtel. Il est toujours fâcheux de renvoyer à un décret en Conseil d’État pour dire la seule chose que l’on puisse dire… En l’occurrence, le renvoi est très peu utile. Quel que soit l’esprit dans lequel le ministre s’est exprimé tout à l’heure, je pense qu’un peu plus de souplesse aurait suffi s’agissant de l’appréciation des conditions suffisantes.

La Commission rejette l’amendement CL99 et adopte l’amendement CL245 du rapporteur.

L’amendement CL100 de M. Denys Robiliard est retiré.

La Commission adopte l’article 2 modifié.

Après l’article 2

La Commission est saisie de l’amendement CL101 de M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. Il s’agit d’arriver à l’unification complète du régime de la domiciliation en supprimant deux alinéas du code de l’action sociale et des familles, afin d’aller au bout de la logique défendue dans la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (dites loi ALUR).

M. le rapporteur. Vous aviez déjà déposé cet amendement lors de l’examen du projet de loi relatif à la réforme de l’asile.

Vous revenez, un an seulement après leur adoption, sur les règles de domiciliation définies par la loi ALUR du 24 mars 2014 modifiant le code de l’action sociale et des familles. Ce dernier élargit le champ du droit à la domiciliation de droit commun à l’aide médicale de l’État (AME) et aux demandes d’asile, même si des spécificités réglementaires pourront être conservées dans le cadre de procédures de demande d’asile. Par ailleurs, il précise les cas dans lesquels une attestation de domiciliation peut être délivrée à des étrangers sans titre de séjour : la délivrance de l’aide médicale d’État, la demande d’asile et la demande de l’aide juridictionnelle. Il n’y a donc pas lieu de revenir sur l’équilibre ainsi défini par le législateur il y a un an seulement.

En outre, cet amendement créerait de nouvelles charges pour les centres communaux d’action sociale, en particulier dans les grandes villes, alors que l’on cherche à alléger le poids de leurs obligations.

Je demande le retrait de l’amendement.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Je comprends parfaitement la logique de cet amendement. Néanmoins, le problème n’est pas d’ordre législatif, il se pose plutôt en termes d’application. Même si l’on doit garantir la domiciliation, certains départements ne l’organisent pas, et c’est par la voie réglementaire que l’on peut y remédier. J’ai en tête un département breton qui a fini par remplir ses obligations sur la sollicitation des associations et de son préfet.

La Commission rejette l’amendement.

Chapitre II
La carte de séjour pluriannuelle

Article 3 (chapitre III du titre Ier du livre III du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) : Intitulé du chapitre III du titre Ier du livre III du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL194 du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 3 modifié.

Article 4 (art. L. 311-1 et L. 211-2-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) : Documents ouvrant droit au séjour de plus de trois mois

La Commission est saisie de l’amendement CL272 du Gouvernement.

M. le rapporteur. Cet amendement a pour objet de créer un visa de long séjour valant titre de séjour pour les étrangers sollicitant la délivrance d’un titre de séjour pluriannuel portant la mention « passeport talent » pour un séjour sur le territoire français d’une durée inférieure ou égale à douze mois. C’est à la fois un gage d’attractivité pour notre pays et de simplicité pour l’étranger qui n’aura pas de démarche à effectuer en préfecture.

Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CL141 de M Paul Molac.

M. Paul Molac. Il nous semble regrettable de supprimer le récépissé indiquant la date du dépôt de la demande d’un visa pour un séjour d’une durée supérieure à trois mois. Il s’agit d’une garantie qui permet au demandeur d’exercer ses droits en cas d’absence de réponse de la part de l’administration.

M. le rapporteur. Avis favorable. La remise d’un récépissé offre, en effet, des garanties importantes pour le demandeur. Il justifie de la date de dépôt et offre des facilités pour l’exercice de recours. La remise d’un récépissé doit donc être conservée.

La Commission adopte l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CL90 de Mme Fanélie Carrey-Conte.

Mme Fanélie Carrey-Conte. Cet amendement vise à rétablir l’automaticité de la délivrance du récépissé.

M. le rapporteur. Il est satisfait.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CL102 de M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. Il s’agit de prévoir la délivrance d’un visa de plein droit quand la personne qui demande le visa pourrait, si elle était en France, obtenir de plein droit une carte de résident.

M. le rapporteur. Certains des cas que vous visez concernent des personnes qui sont déjà présentes sur le territoire ou des personnes qui n’ont pas besoin de visa de long séjour. Plus généralement, je ne suis pas favorable à une délivrance de plein droit systématique. Il me semble qu’il faut aussi tenir compte, par exemple, des risques de fraude qui existent.

Voilà pourquoi je souhaite que vous retiriez cet amendement. Faute de quoi, j’émettrai un avis défavorable.

M. Denys Robiliard. Les risques de fraude existent dans tous les cas de figure. Si la fraude est établie, il n’y a tout simplement pas de délivrance. L’argumentation du rapporteur ne me convainc pas. Je maintiens l’amendement.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CL103 de M. Denys Robiliard et CL89 de Mme Fanélie Carrey-Conte.

M. Denys Robiliard. L’amendement CL103 propose qu’un visa de long séjour puisse être délivré de façon automatique aux conjoints de Français. Il y a actuellement un écart très important entre le nombre de mariages mixtes célébrés à l’étranger et le nombre de visas qui sont ensuite obtenus. Il faut parfois de longues années pour obtenir un visa, ce qui n’est pas normal au regard du respect dû à la vie privée et familiale.

M. le rapporteur. Je comprends la logique. Néanmoins, la suppression des cinquième et sixième alinéas de l’article L. 211-2-1 conduirait paradoxalement à l’inverse de l’effet recherché. Concrètement, le conjoint resterait bloqué dans son pays d’origine et serait contraint d’obtenir un visa de tourisme, ce qui, dans certains pays, est parfois encore plus difficile. Mieux vaudrait retirer l’amendement.

Mme Fanélie Carrey-Conte. L’amendement CL89 tend à assurer un délai de traitement minimal des demandes de visa afin de donner une meilleure visibilité aux étudiants étrangers sur leurs perspectives d’études et leur permettre, en cas de refus, d’effectuer de nouvelles démarches pour trouver un établissement susceptible de les accueillir.

M. le rapporteur. Je partage également les préoccupations de Mme Carrey-Conte et des cosignataires de l’amendement, mais la rédaction de celui-ci ne me paraît pas satisfaisante. Désigner des personnes uniquement par renvoi à un autre article n’est pas facteur de clarté. J’invite donc au retrait de l’amendement pour en revoir la rédaction d’ici à la séance publique.

Les amendements CL103 et CL89 sont retirés.

La Commission discute de l’amendement CL104 de M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. Sauf exceptions, les refus de visa n’ont pas à être motivés. Puisqu’il faut faire un recours pour avoir la motivation, ce qui occasionne problèmes et retard, je propose que les refus de visa soient motivés.

M. le rapporteur. Je partage votre souci, mais je souhaiterais que nous en discutions avec le Gouvernement. Il peut, en effet, sembler paradoxal que les refus de visa de court séjour doivent être motivés alors que cette obligation n’existe pas, sauf exceptions, pour les longs séjours. Toutefois, poser une obligation générale de motivation pour tous les refus constituerait un changement notoire particulièrement lourd en termes d’implications et de risques juridiques, ainsi que de moyens dont je ne suis pas sûr que l’administration dispose aujourd’hui.

Pour ces raisons, et eu égard au besoin d’une expertise plus approfondie, je souhaite que nous reportions cette discussion à la séance publique pour avoir l’avis du ministre.

Mme Cécile Untermaier. Cette question des visas est essentielle, et ce texte qui porte sur le séjour des étrangers est une bonne occasion d’améliorer le système, qui ne marche pas. Dans nos fonctions de députés, nous sommes tous amenés à demander à l’administration ou aux consulats de réexaminer des dossiers, car les mailles du filet sont tellement serrées qu’on n’arrive plus à faire venir en France des personnes dont il est évident que le séjour ne peut pas leur être refusé. Lorsque des visas de long séjour sont refusés à des étudiants qui viennent rejoindre leurs parents eux-mêmes en situation régulière, c’est en violation de l’article 8 et du respect de la vie privée et familiale.

Je souhaite que nous puissions, avec le rapporteur, réfléchir à une solution permettant d’éviter ces refus de visas problématiques. Pour ma part, en tout cas, et d’un point de vue moral, je suis extrêmement embêtée devant certains d’entre eux.

Mme la rapporteure pour avis. La commission des Affaires culturelles a adopté un amendement demandant la motivation du refus de visa pour les étudiants. Malheureusement, un problème technique a fait qu’il n’a pas été déposé en commission des Lois.

M. Jean-Michel Clément. Nous sommes entrés dans une ère où la motivation est la règle. Le silence qui prévalait est combattu – pour ma part, je l’ai toujours fait, et la jurisprudence même a fait avancer la loi dans de nombreux domaines en la matière. On comprend mal, lorsqu’il s’agit de toucher aux droits de personnes, que le silence soit la règle. Pour moi, la question ne devrait même pas se poser : la motivation doit être l’alpha et l’oméga de toute décision administrative de refus, en toute circonstance. Elle doit être aujourd’hui intégrée dans notre logiciel de pensée pour respecter les valeurs démocratiques et républicaines auxquelles nous sommes attachés.

Mme Colette Capdevielle. On souffre particulièrement de l’absence d’une motivation sans laquelle on ne peut pas exercer de recours. Rien n’est pire aujourd’hui, dans un État de droit, qu’une décision administrative non motivée. Il faut progresser sur cette question, et je souhaite que nous puissions en discuter avec le Gouvernement, car elle constituerait un apport substantiel pour le texte.

La Commission adopte l’amendement CL104.

Puis elle adopte l’article 4 modifié.

Article 5 (art. L. 311-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) : Autorisation provisoire de séjour délivrée à l’étudiant titulaire d’un diplôme au moins équivalent au grade de master

La Commission est saisie de l’amendement CL52 de M. Pascal Cherki.

Mme Fanélie Carrey-Conte. Compte tenu des difficultés actuelles qui entourent la recherche d’emploi, l’autorisation provisoire de séjour (APS) doit pouvoir être renouvelée au moins une fois pour permettre aux étudiants de multiplier les expériences professionnelles nécessaires à l’obtention d’un premier emploi.

M. le rapporteur. La période de douze mois est adaptée pour une recherche constructive d’emploi ou pour une création d’entreprise. Le dispositif en question s’adresse à des étudiants très qualifiés. Il répond à un objectif d’intégration sur le territoire et d’attraction des talents.

L’autorisation provisoire de séjour est, par nature, temporaire. Elle a déjà été portée de six mois à douze par la loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche. Aller au-delà risquerait d’ouvrir la voie à des détournements du dispositif.

Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements CL262 de la commission des Affaires culturelles et CL232 du rapporteur.

Mme la rapporteure pour avis. L’objet de l’amendement CL262 est d’étendre l’autorisation provisoire de séjour, aujourd’hui réservée aux étudiants titulaires d’un master, à tous les étudiants titulaires d’un diplôme de l’enseignement supérieur. Selon la commission des affaires culturelles, cette proposition s’inscrit judicieusement dans la logique de la loi relative à l’enseignement supérieur et à la recherche que nous avons adoptée et dans notre volonté de reconnaître les formations courtes et professionnalisantes.

M. le rapporteur. Mon amendement CL232 est rédactionnel.

Pour ce qui est du CL262, l’autorisation provisoire de séjour répond à un objectif d’attractivité du territoire. À ce titre, elle est réservée aux étudiants bénéficiaires d’un master en raison du caractère hautement qualifié de ce grade. Prévoyant la non-opposabilité de la situation de l’emploi, le dispositif n’a pas vocation à concerner l’ensemble des étudiants venant se former en France. L’ouvrir aussi largement que le propose l’amendement serait contre-productif : cela le viderait de sa substance et nuirait aux étudiants étrangers titulaires d’un master.

Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement CL262 et adopte l’amendement CL232

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CL91 de Mme Fanélie Carrey-Conte et CL81 de Mme Chantal Guittet.

Mme Fanélie Carrey-Conte. Le texte conditionne l’autorisation provisoire de séjour à l’obtention par l’étudiant d’un emploi « en relation avec sa formation », mention que nous proposons de supprimer. Outre que cette notion paraît très abstraite, aujourd’hui, certains secteurs du marché du travail peuvent privilégier la polyvalence de certaines tâches plutôt qu’une adéquation directe avec la formation. Du reste, la construction d’un parcours professionnel peut conduire, dans un premier temps, à occuper un emploi sans relation directe avec sa formation initiale, avant de rebondir sur un autre type d’emploi.

L’amendement CL81 est de repli. Il propose une rédaction plus ouverte.

M. le rapporteur. Avis défavorable à l’amendement CL91. Le dispositif de l’APS a pour objet de valoriser les études que l’étudiant a suivies sur le territoire français et qu’il entend compléter par une première expérience professionnelle. L’exercice d’un emploi qui ne serait pas en lien avec ces études serait incohérent avec le projet professionnel de l’étudiant et contraire à l’objectif de promotion et de rayonnement de l’enseignement supérieur français.

Avis défavorable également à l’amendement CL81. Les termes de l’ajout proposé risquent de permettre à un étudiant qualifié d’occuper un emploi inférieur à son niveau de formation, avec un risque de dumping social. Dans cette expression extrêmement subjective pourrait rentrer à peu près n’importe quel emploi. La formule de l’article 5, « emploi en relation avec sa formation », laisse déjà une marge d’appréciation.

Les amendements CL91 et CL81 sont retirés.

La Commission en vient à l’examen, en discussion commune, des amendements CL53 deuxième rectification de M. Pascal Cherki et CL263 de la commission des Affaires culturelles.

Mme Fanélie Carrey-Conte. L’amendement CL53 vise à faire rentrer les étudiants étrangers dans le droit commun, au regard notamment de l’accès à l’emploi, en supprimant la condition de rémunération minimale actuellement inscrite dans le texte. On connaît la situation du marché de l’emploi et l’existence de nombreux emplois précaires que peuvent exercer les étudiants.

Mme la rapporteure pour avis. Les salaires d’embauche des jeunes à la sortie de leurs études diffèrent selon les filières professionnelles et les territoires. L’amendement propose qu’il en soit tenu compte dans la fixation des seuils.

M. le rapporteur. La condition de rémunération fixée à 1,5 SMIC correspond à un minimum pour un master, et l’exigence d’une rémunération conforme au niveau d’études participe du projet professionnel de l’étudiant. Cette condition est une mesure importante à la fois de régulation et de protection de l’étudiant, qui ne doit pas pouvoir occuper un emploi sous-qualifié et sous-payé au regard de ses qualifications. C’est une mesure de lutte contre le dumping social. Avis défavorable à l’amendement CL53.

L’amendement CL263, outre qu’il peut répondre à certains arguments de Mme Carrey-Conte, me semble d’une bien meilleure facture et reçoit donc un avis favorable.

L’amendement CL53 deuxième rectification est retiré.

La Commission adopte l’amendement CL263.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CL233 du rapporteur.

Elle adopte ensuite l’article 5 modifié.

Article 6 (art. L. 313-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) : Durée de validité de la carte de séjour pluriannuelle

La Commission adopte l’article 6 sans modification.

Article 7 (art. L. 313-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) : Conditions de première délivrance de la carte de séjour temporaire et de certaines cartes pluriannuelles

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte successivement les amendements CL274 et CL273 du Gouvernement.

Puis elle adopte l’article 7 modifié.

Article 8 (art. L. 313-5-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) : Modalités de contrôle du maintien du droit au séjour du titulaire d’une carte de séjour temporaire ou d’une carte pluriannuelle

La Commission étudie les amendements identiques CL107 de M. Denys Robiliard et CL143 de M. Paul Molac.

M. Denys Robiliard. Bien que visant la consolidation des droits des étrangers en France, le projet de loi prévoit la possibilité de retirer à tout moment un titre de séjour qui a été valablement délivré. De fait, cela entraîne la précarisation et du titre de séjour et du séjour. Si l’on veut consolider les séjours et en faire des facteurs d’intégration, il ne faut pas créer un facteur d’instabilité dans la loi. D’autant qu’un titre de séjour obtenu frauduleusement peut d’ores et déjà être retiré au titre de l’article L. 311-8 du CESEDA.

M. Paul Molac. L’article 8 peut conduire au retrait du titre sur un simple défaut de déférence au contrôle. De plus, la loi ne précise pas les modalités de ce dernier, qui peut être opéré par l’administration de manière aléatoire ou ciblée. C’est pourquoi nous jugeons plus prudent de supprimer cet article.

M. le rapporteur. Je comprends ces arguments, que je partage pour partie. Je présenterai moi-même deux amendements réécrivant l’article 8 dont la rédaction n’est pas satisfaisante sur plusieurs points, notamment ceux que vous avez soulignés. Avec ces amendements, les contrôles a posteriori de la validité des titres de séjour me semblent légitimes. Le projet de loi tend certes à espacer les passages en préfecture, mais il n’est pas anormal que l’on demande à l’étranger d’être toujours en mesure de justifier qu’il continue de pouvoir bénéficier du titre de séjour qui lui a été accordé.

Cette disposition aura d’autant plus d’importance avec la mise en œuvre du titre pluriannuel. Aujourd’hui, il est très sécurisant pour les services des préfectures de pouvoir convoquer l’étranger plusieurs fois par an et pour le renouvellement annuel, et de lui demander des pièces complémentaires. Avec le titre pluriannuel, la situation sera différente. Il me semble logique et normal d’inscrire dans la loi que la préfecture doit pouvoir contrôler la concordance des conditions qui ont conduit à la délivrance du titre à tout moment pendant la durée de celui-ci.

Reste que la rédaction est par trop suspicieuse, et c’est la raison pour laquelle je vous en proposerai une qui me semble mieux convenir. Je vous demande donc de bien vouloir retirer vos amendements de suppression.

Mme Cécile Untermaier. Il conviendrait tout de même de définir la procédure encadrant le contrôle sur le détenteur d’une carte de séjour pour que la validité de son titre ne soit pas en permanence à la merci d’aléas.

La Commission rejette les amendements.

Elle en vient à l’amendement CL108 de M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. Cet amendement procède de la même intention que celle du rapporteur de mieux encadrer les modalités de contrôle et faire cesser la suspicion sous-entendue dans la rédaction actuelle de l’article 8, en introduisant une procédure contradictoire.

M. le rapporteur. Nous cherchons à désemboliser les services de la préfecture. Je crains que votre proposition ne conduise à la situation inverse. Plutôt que la saisine obligatoire de la commission du titre de séjour, qui serait un facteur de lourdeur supplémentaire, je proposerai, dans l’un de mes amendements, de faire entrer le principe du contradictoire dans la procédure menée par le préfet. Je vous suggère donc de retirer votre amendement au profit de ceux que j’ai déposés.

M. Denys Robiliard. La commission du titre de séjour a ceci d’extrêmement important qu’elle permet d’avoir un véritable débat contradictoire auquel ne participent pas seulement les services de la préfecture. Prévoir un tel mécanisme paraît protecteur pour les droits des étrangers.

Certes, la fraude existe et doit être combattue, mais, en l’état, elle peut l’être par l’article L. 311-8 du CESEDA. Le nombre de cas de fraude est relativement faible. Cette procédure ne va pas emboliser les services de la préfecture puisqu’elle ne concernera qu’une petite partie seulement des titres délivrés. Il s’agit d’une procédure relativement exceptionnelle. Pourquoi ne pas la mettre en œuvre ?

La Commission rejette l’amendement.

Elle aborde ensuite l’amendement CL183 du rapporteur.

M. le rapporteur. Comme annoncé, je propose ici une nouvelle rédaction de l’article 8, à mettre en rapport avec les modifications que je vous demanderai également d’apporter à l’article 25. Modifié par cet amendement, l’alinéa 2 se lirait comme suit : « L’étranger titulaire d’une carte de séjour temporaire ou d’une carte de séjour pluriannuelle doit être en mesure de justifier qu’il continue de remplir les conditions requises pour la délivrance de cette carte. L’autorité administrative peut procéder aux vérifications utiles pour s’assurer du maintien du droit au séjour de l’intéressé et, à cette fin, convoquer celui-ci pour un ou plusieurs entretiens. » Cette formulation me paraît beaucoup moins suspicieuse que celle du texte gouvernemental.

Mme Marie-Françoise Bechtel. Cet amendement améliore le texte, mais ne répond pas entièrement à l’objection que vient de formuler à juste titre Cécile Untermaier : il faut une procédure établissant que l’étranger a été dûment convoqué, dans des conditions régulières, et qu’il n’a pas répondu à la deuxième convocation, par exemple. Or, de ce point de vue, la formule « ou ne défère pas aux convocations » employée dans l’alinéa suivant n’est pas suffisante. Il convient de préciser, soit directement soit par décret, que les convocations doivent obéir à certaines conditions.

M. le rapporteur. Cette interrogation légitime devrait trouver une réponse dans mon amendement CL239, qui complète l’alinéa 3.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CL70 de M. Pascal Cherki et CL239 du rapporteur.

Mme Fanélie Carrey-Conte. L’amendement CL70 vise à supprimer la possibilité de retirer le titre de séjour pour sanctionner le dépassement du plafond d’heures de travail autorisées. Cette sanction est disproportionnée, particulièrement lorsque le dépassement est involontaire. Par ailleurs, il ne me paraît pas tout à fait légitime que le respect des règles en la matière incombe au salarié plutôt qu’à l’employeur dans le cas des étrangers.

M. le rapporteur. Éternelle question !

Il convient néanmoins de maintenir la possibilité du retrait, ne serait-ce qu’à titre dissuasif. La limitation du temps de travail à 60 % de la durée de travail annuelle vise à permettre aux étudiants de poursuivre leurs études dans les conditions les plus propices à la réussite, sans sacrifier à l’excès leur temps d’étude à l’exercice d’une activité professionnelle. À un étudiant qui consacrerait beaucoup plus de temps à son travail qu’à ses études, on ne saurait reconnaître la qualité d’étudiant ! Si l’on supprimait cette possibilité de sanction, les risques que l’objet de la carte soit détourné seraient bien supérieurs.

Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement, à défaut de quoi j’émettrai un avis défavorable.

Quant à mon amendement CL239, il tend, je l’ai dit, à compléter l’alinéa 3 par les mots « par une décision motivée, prise après qu’il a été mis à même de présenter ses observations dans les conditions prévues par la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ».

La Commission rejette l’amendement CL70 et adopte l’amendement CL239.

Elle en vient à l’amendement CL144 de M. Paul Molac.

M. Paul Molac. Cet amendement propose que le retrait d’un titre passe par la commission départementale du titre de séjour, actuellement déjà saisie en cas de renouvellement ou de refus.

M. le rapporteur. Avis défavorable, pour les raisons précédemment opposées à M. Robiliard.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 8 modifié.

Après l’article 8

La Commission est saisie de l’amendement CL241 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement, qui a fait l’objet d’échanges avec le Gouvernement, vise à transposer en droit interne les dispositions de la directive du 15 mai 2014 établissant les conditions d’entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers dans le cadre d’un transfert temporaire intragroupe. Ainsi que le précise l’article 2 de la directive, ces dispositions visent les cadres, les experts ou les employés stagiaires.

La Commission adopte l’amendement.

Article 9 (art. L. 313-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) : Carte de séjour temporaire autorisant l’exercice d’une activité professionnelle

La Commission examine l’amendement CL47 de Mme Marie-Anne Chapdelaine.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. L’alinéa 10 à l’article 11 exclut explicitement les étrangers détenteurs d’une carte « travailleur temporaire », donc les étrangers en contrat à durée déterminée (CDD), du bénéfice d’une carte de séjour pluriannuelle. Or un CDD peut durer plus d’un an ; d’où le présent amendement.

M. le rapporteur. Avis favorable à cet amendement, qui clarifie la rédaction et distingue utilement la délivrance et le renouvellement.

La Commission adopte l’amendement.

Puis, suivant l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette l’amendement CL54 rectifié de M. Pascal Cherki.

Elle aborde ensuite l’amendement CL265 de la commission des Affaires culturelles.

Mme la rapporteure pour avis. Compte tenu de l’avis du rapporteur sur l’amendement précédent, je retire celui-ci en vue de le redéposer pour la séance publique.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’article 9 modifié.

Article 10 (art. L. 313-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) : Conditions de délivrance de la carte de séjour portant la mention « vie privée et familiale »

La Commission est saisie de l’amendement CL40 de M. Éric Ciotti.

M. Philippe Goujon. Actuellement, l’étranger doit démontrer que le traitement dont il a besoin n’existe pas dans son pays d’origine. L’article 10 modifie cette obligation sans que l’étude d’impact dise quoi que ce soit du coût de la mesure. Or on peut craindre un véritable appel d’air pour les filières et une envolée du nombre de personnes concernées et du coût, à l’image de ce qui s’est produit pour l’aide médicale de l’État (AME). C’est pourquoi cet amendement tend à supprimer l’article 10.

M. le rapporteur. La refonte du dispositif dit « étrangers malades », caractérisé par des inégalités de traitement et l’hétérogénéité des appréciations, est devenue absolument nécessaire. Le ministre y a d’ailleurs beaucoup insisté. En particulier, l’absence d’une doctrine unifiée en matière d’appréciation de l’état de santé des étrangers justifie que l’on transfère l’avis des agences régionales de santé (ARS) à l’OFII.

En outre, la rédaction actuelle du CESEDA n’est pas satisfaisante : le texte dispose que l’étranger doit être pris en charge sous réserve de l’« absence » de traitement dans son pays. Or un traitement peut exister sans que l’immense majorité de la population y ait effectivement accès.

Du reste, il convient de relativiser les chiffres en la matière : 6 800 titres ont fait l’objet d’une primo-délivrance sur ce fondement en 2014. Le nombre d’étrangers séjournant à ce titre est d’environ 30 000.

Avis évidemment défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements CL95 de Mme Sandrine Mazetier et CL111 de M. Denys Robiliard.

Mme Sandrine Mazetier. Nous proposons d’étendre le droit à un titre de séjour temporaire sur le fondement de la vie privée à tous les jeunes majeurs qui résident en France depuis l’âge de treize ans, que ce soit avec leurs parents ou avec un autre membre de leur famille, et même auprès de l’Aide sociale à l’enfance (ASE).

Mme Fanélie Carrey-Conte. L’amendement CL111 a le même objet.

M. le rapporteur. Je comprends parfaitement cette préoccupation, et je la partage.

Toutefois, ces amendements présenteraient le redoutable inconvénient d’encourager l’envoi d’enfants en France séparément de leurs parents, en vue d’une future régularisation. C’est ainsi que se développent des stratégies migratoires consistant à laisser des enfants traverser seuls des continents pour tenter de rejoindre une tante ou un cousin. Dans l’intérêt même de l’enfant, l’adoption de ces amendements n’est donc pas souhaitable.

En réalité, l’objectif du texte est surtout dissuasif : il ressort de mes échanges avec le Gouvernement qu’en pratique, la plupart des cas que vous visez aboutissent à une régularisation. Néanmoins, officialiser cette pratique en l’inscrivant dans la loi pourrait entraîner des conséquences dramatiques pour les enfants. Je ne voudrais pas retrouver en métropole ce à quoi j’ai assisté à Mayotte : des enfants à qui leurs parents font prendre le bateau seuls pour qu’ils puissent être ensuite régularisés en France.

Mme Sandrine Mazetier. S’il faut veiller à ne pas encourager de tels comportements, ce n’est pas une solution que de laisser des enfants pris en charge et résidant en France depuis des années soudainement basculer dans l’irrégularité à leur majorité, y compris à Mayotte. Le fait qu’ils n’aient pas alors droit à un titre de séjour n’empêche nullement qu’à Mayotte ou ailleurs l’on trouve des mineurs envoyés seuls sur les routes de l’exil. C’est d’ailleurs une préoccupation que je partage, et nous avons sagement décidé, dans le cadre d’un précédent texte, que les parents d’un mineur isolé étranger accueilli en France seraient recherchés dans son pays de provenance. Il serait néanmoins regrettable de ne pas inscrire dans la loi une possibilité dont vous nous dites, monsieur le rapporteur, qu’elle est souvent réalisée en pratique – même si je doute que cela soit vrai dans tous les territoires de la République.

Je maintiens donc mon amendement.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Je comprends parfaitement le point de vue de Mme Mazetier. Il faudrait toutefois préciser que les enfants doivent avoir fait l’objet d’une délégation d’autorité parentale, par kafala ou par la voie judiciaire, afin de s’assurer qu’ils ont été recueillis de manière régulière et non à mauvais escient – pour employer un euphémisme. Peut-être cela nécessite-t-il de retravailler l’amendement.

Quant au cas des enfants placés auprès de l’ASE, il est déjà couvert par la loi sur la protection de l’enfant qui leur assurera ipso facto l’octroi du titre de séjour.

La Commission rejette successivement les amendements CL95 et CL111.

L’amendement CL109 de M. Denys Robiliard est retiré.

La Commission aborde ensuite, en discussion commune, les amendements CL28 de M. Guy Geoffroy et CL112 de M. Denys Robiliard.

M. Bernard Gérard. L’amendement CL28 a pour objet de durcir les conditions d’accès au séjour pour les étrangers en situation irrégulière, en précisant, dans la loi, la notion de « liens personnels et familiaux ». En effet, l’article L. 313-11 du CESEDA, qui présente les conditions auxquelles la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » peut être délivrée de plein droit, fait simplement référence aux « liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité », qui ne peuvent faire obstacle à l’admission au séjour. Nous proposons de préciser qu’un minimum de dix ans de résidence et de cinq ans de scolarisation des enfants est exigé.

M. le rapporteur. La rédaction actuelle du CESEDA, qui exige en vue de la régularisation des liens privés et familiaux en France stables, anciens et intenses, traduit un équilibre satisfaisant, conforme à la Convention européenne des droits de l’homme. À l’inverse, la rédaction que vous proposez restreint considérablement les possibilités de délivrance de la carte, et me paraît difficilement compatible avec l’article 8 de ladite convention, relatif au droit de toute personne au respect de sa vie privée et familiale.

Avis défavorable.

M. Denys Robiliard. L’amendement CL112 est quasi rédactionnel puisqu’il tend à remplacer le mot « et » par le mot « ou » dans l’expression « liens personnels et familiaux ». En effet, la vie privée ne se réduit pas à la vie familiale et ce sont l’une et l’autre que l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme tend à protéger.

M. le rapporteur. Cet amendement est tout sauf rédactionnel !

Le dispositif prévu dans le CESEDA a pour objet de régulariser les étrangers qui ont fixé durablement en France le centre de leurs intérêts familiaux. Il traduit le souci du législateur de consacrer le droit au respect de la vie privée et familiale tel qu’il est défini par la Convention européenne des droits de l’homme. Les liens purement personnels – qui pourraient être très nombreux – seraient insuffisants pour caractériser le respect de ce droit à mener une vie familiale normale. Au demeurant, la notion de lien personnel mais non familial me paraît extrêmement floue et susceptible de toutes les interprétations.

La Commission rejette successivement les amendements CL28 et CL112.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements CL29 de M. Guy Geoffroy, CL73 de M. Jean-Louis Touraine, CL113 de M. Denys Robiliard et CL72 de M. Jean-Louis Touraine.

M. Philippe Goujon. Actuellement, l’étranger doit démontrer que les soins dont il a besoin ne sont aucunement dispensés dans son pays d’origine. Si l’article est adopté en l’état, il lui suffira de prouver que le système de santé publique de son pays d’origine n’est pas en capacité de lui fournir ces soins. Sous peine d’ouvrir les vannes d’une immigration totalement incontrôlée, l’amendement CL29 propose de supprimer les alinéas 4 et 5 de l’article.

M. le rapporteur. Avis défavorable, pour les raisons précédemment développées.

Mme Pascale Crozon. Aux termes de l’amendement CL73, les médecins de l’OFII suivent une formation dont le cadre est fixé par arrêté du ministère de la Santé et du ministère des Affaires étrangères. Il est nécessaire, en effet, qu’ils soient pleinement informés à propos de maladies touchant spécifiquement certains pays.

M. le rapporteur. Cette précision ne me paraît pas utile. L’OFII dispose déjà d’un réseau de représentations dans neuf pays étrangers, dont cinq en Afrique ; il peut ainsi mieux s’informer des offres de soins disponibles dans ces zones géographiques dont est originaire la grande majorité des personnes qui sollicitent en France un titre de séjour en qualité d’« étranger malade ». La centralisation au sein d’un service médical unique de la fonction d’avis permettra une meilleure maîtrise du dispositif par la diffusion d’une information actualisée sur les systèmes de santé des pays d’origine. Mieux vaut donc laisser à l’OFII le soin d’organiser ses formations, plutôt que d’inscrire dans la loi une obligation de formation spécifique de ses médecins.

Je vous prie donc de bien vouloir retirer votre amendement.

L’amendement CL73 est retiré.

M. Denys Robiliard. L’avis du médecin de l’OFII devrait être conforme. S’il appartient au préfet d’apprécier l’éventuelle menace pour l’ordre public ou la résidence habituelle, on ne voit pas sur quel fondement son avis pourrait différer de celui du médecin lorsqu’il s’agit d’estimer la gravité des conséquences de l’absence de soins ou l’impossibilité de se faire soigner dans le pays d’origine. Tel est le sens de l’amendement CL113.

M. le rapporteur. Je souhaite le retrait de cet amendement, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.

Le préfet doit conserver un pouvoir d’appréciation, car il doit examiner l’ensemble de la situation de l’étranger : l’aspect médical, bien sûr, mais aussi ses conditions de résidence habituelle ou les éventuelles fraudes. Les médecins se prononcent sur le seul état de santé ; il ne convient pas de les investir d’une compétence qui doit rester attachée à la puissance publique. Rappelons par ailleurs, s’il en était besoin, que la décision du préfet est soumise au contrôle du juge.

Au demeurant, on aurait tort de présupposer que l’avis du médecin de l’OFII serait systématiquement favorable au demandeur : l’avis des médecins de l’ARS ne l’est pas toujours aujourd’hui, et l’avis du préfet peut être contraire à l’avis médical, donc favorable à l’étranger malade.

M. Denys Robiliard. Si l’avis du médecin était conforme, le préfet ne serait lié que pour la délivrance d’un titre de séjour « étranger malade » : rien ne lui interdirait de délivrer un titre de séjour sur un autre fondement. En revanche, je le répète, je ne vois pas au nom de quelle compétence le préfet pourrait substituer son avis à celui du médecin dès lors qu’il s’agit de délivrer un titre à raison de l’état de santé du demandeur. D’autant que, le médecin étant tenu par le secret médical, les éléments à partir desquels il se prononce ne sont pas connus du préfet. Dès lors, comment son avis pourrait-il ne pas être conforme ?

Mme Marie-Françoise Bechtel. Ce serait une première dans notre pays si nous faisions d’un médecin, si honorable soit-il, une autorité administrative ! Car l’avis conforme est une décision administrative.

M. le rapporteur. J’aimerais vous citer un exemple qui m’a été relaté à la préfecture de Rennes lorsque je m’y suis rendu avec Marie-Anne Chapdelaine. Un réseau venait d’être démantelé : une ou deux personnes étrangères atteintes d’hépatite C se présentaient à l’hôpital pour y subir des examens, munies de papiers qui n’étaient pas les leurs, permettant ainsi à des dizaines d’autres – les véritables titulaires de ces papiers – de bénéficier d’un avis favorable de l’ARS. De tels cas sont évidemment marginaux, mais ils existent. Voilà pourquoi il ne me paraît pas opportun de faire de l’avis du médecin un avis conforme.

Mme Pascale Crozon. L’amendement CL72 précise qu’il appartient aux médecins de l’OFII de se prononcer sur la difficulté d’accès effectif à un traitement approprié dans le pays d’origine, en se fondant sur l’offre de soins existante et sur les caractéristiques du système de santé sur place. Il convient de souligner que cette mission n’est pas pilotée par le ministère de l’Intérieur et qu’elle respecte les orientations fixées par le ministre de la Santé.

M. le rapporteur. Cette précision est très utile. Avis favorable.

Successivement, la Commission rejette les amendements CL29 et CL113, et adopte l’amendement CL72.

Puis elle adopte l’article 10 modifié.

Après l’article 10

La Commission est saisie de l’amendement CL41 de M. Éric Ciotti.

M. Philippe Goujon. Aux termes du présent amendement, aucune prestation d’aide sociale non contributive ou d’aide au logement n’est versée aux étrangers qui résident en France depuis moins de deux ans. Il s’agit d’éviter que des étrangers ne s’installent en France dans le seul but de profiter de la grande générosité de notre système social. D’autant qu’en période de difficulté budgétaire, il serait peu compréhensible qu’un étranger venant d’arriver bénéficie immédiatement de prestations financées par l’impôt.

M. le rapporteur. Avis évidemment défavorable.

Vous proposez de modifier l’article L. 111-1 du code de l’action sociale et des familles, qui ne concerne pas notre sujet, en subordonnant à une résidence régulière d’au moins deux ans l’accès à la couverture maladie universelle (CMU), à l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), à la prestation de compensation du handicap (PCH), entre autres. Outre les risques d’inconstitutionnalité qu’il comporte, l’amendement n’est pas conforme au sens du présent projet de loi. Il n’est pas question de priver un étranger de ces prestations sous prétexte qu’il séjournerait sur notre territoire depuis moins de deux ans.

M. Serge Letchimy. Répétons-le, les immigrés n’appauvrissent pas la France, ils contribuent à la construire et à l’enrichir ! Les points de PIB que nous avons gagnés au cours des dix ou quinze dernières années, c’est en partie à eux que nous les devons, comme notre démographie très dynamique à l’heure où nombre de pays européens vieillissent. Des propositions comme celle qui nous est soumise sont donc à proscrire absolument. Elles nourrissent la stigmatisation des étrangers déjà présents sur le territoire et les enferment dans un isolement très néfaste à notre pays.

La Commission rejette l’amendement.

Elle discute ensuite l’amendement CL27 de M. Guy Geoffroy.

M. Bernard Gérard. Le modèle social français ne doit pas être en lui-même attractif pour les étrangers et les filières d’immigration illégale. Voilà pourquoi il convient de revenir sur le système actuel de l’AME, dont le coût pour le budget de l’État est passé de 75 millions d’euros en 2000 à 759 millions en 2014 : peu de pays au monde ont une politique aussi généreuse.

Nous proposons donc qu’à l’image de nos voisins allemands, nous limitions la prise en charge par la solidarité nationale au traitement des maladies graves et des douleurs aiguës, aux soins liés à la grossesse et à ses suites, aux vaccinations réglementaires et aux examens de médecine préventive.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. M. Letchimy a raison : soyons conscients de ce que les étrangers peuvent nous apporter et de notre devoir de solidarité à leur égard. Je suis outrée que l’on remette ainsi en cause l’accès aux soins des personnes présentes sur le territoire français. Des accouchements dans les caves, est-ce cela que vous voulez ? Est-ce cela, la France que nous voulons ? Pas sur les bancs du groupe Socialiste, républicain et citoyen, en tout cas !

L’étranger a des droits, il doit pouvoir les faire valoir, et celui de se soigner est un droit fondamental dont on ne peut priver quiconque, quelle que soit sa situation administrative. De tels amendements sont stupéfiants. À les lire, l’étranger est nécessairement un fraudeur, qu’il ne faudrait pas soigner s’il est malade !

Et que dire du risque pour la santé publique ? Si un étranger souffrant de tuberculose ne se soigne pas et qu’une épidémie en résulte, les frais seront encore plus élevés. Il est donc de notre devoir de soigner les étrangers.

M. le rapporteur. La prise en charge proposée serait limitée essentiellement aux maladies graves, à la grossesse et aux vaccinations obligatoires. Nous avons évidemment ici un désaccord politique. Pour nous, la prise en charge par la solidarité nationale des personnes présentes sur notre territoire est un devoir qui ne saurait varier selon que le séjour est régulier ou irrégulier, pour des raisons tout simplement humanitaires.

En outre, comme l’a rappelé Marie-Anne Chapdelaine, l’AME est un outil de santé publique, laquelle ne se limite pas aux vaccinations réglementaires et à la médecine préventive.

Avis défavorable.

M. Paul Molac. J’ajoute que, depuis que la gauche est au pouvoir, le déficit de la sécurité sociale est passé de 20 milliards d’euros à 10. Tout cela coûte peut-être cher, mais il y a des gens qui savent gérer !

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement CL42 de M. Éric Ciotti.

M. Philippe Goujon. Il s’agit à nouveau de l’AME, dont le coût connaît une très forte progression. Des outils de régulation doivent être mis en place pour mettre fin aux abus. C’est à l’urgence que doit répondre l’AME. Nous proposons donc que, pour les étrangers majeurs en situation irrégulière, le panier de soins relevant de l’AME soit limité à la prise en charge des soins urgents, vitaux ou encore nécessaires pour prévenir un risque épidémique, et dispensés au sein des établissements hospitaliers. Pour les mineurs, en revanche, la prise en charge doit, bien sûr, rester totale, quels que soient le lieu des soins et leur nature.

M. le rapporteur. Même avis défavorable que précédemment, pour les mêmes raisons.

La Commission rejette l’amendement.

Elle étudie ensuite l’amendement CL30 de M. Guy Geoffroy.

M. Philippe Goujon. Il s’agit de durcir les conditions d’accès au revenu de solidarité active (RSA). Actuellement, pour y prétendre, une personne étrangère doit être titulaire d’un titre de séjour autorisant l’exercice d’une activité professionnelle depuis au moins cinq ans. Afin de lutter contre une immigration souvent motivée par l’attrait de prestations sociales trop accessibles, il est proposé de porter cette durée à sept ans.

Mme Colette Capdevielle. De la part d’un groupe qui s’appelle Les Républicains, cet amendement est une véritable provocation. La devise de la République ne consacre-t-elle pas l’égalité ? Comment vous représentez-vous donc la société ? En employant de tels arguments, en provoquant de la sorte celles et ceux qui vivent en France sans avoir la nationalité française, comment voulez-vous que notre pays connaisse la paix sociale ? Que proposez-vous en contrepartie ? Comment voulez-vous que nous vivions ensemble ? Et vous osez parler d’humanité, de vivre-ensemble ? Pourquoi sept ans ? Et pourquoi pas dix ans, quinze ans, ou même jamais, pendant que vous y êtes ? Simplement parce que ces gens n’ont pas la nationalité française ?

Pas plus que l’égalité, vous ne respectez la fraternité. La fraternité, c’est le vivre-ensemble, chacun apportant sa contribution ; et les étrangers apportent la leur, comme le disait notre collègue Letchimy : ils paient la TVA, ils acquittent les cotisations sociales puisqu’ils travaillent. Les uns ont des entreprises, les autres font le travail dont nos compatriotes ne veulent pas – on le voit bien dans cette maison. Provocation pour provocation, que diriez-vous de les dispenser de TVA et de cotisations pendant ces sept ans ?

Nous sommes très nombreux, en particulier sur les bancs du groupe Socialiste, républicain et citoyen, à être profondément choqués par ces amendements populistes qui attentent aux principes fondateurs de notre République. Vous portez décidément très mal votre nom !

Mme Sandrine Mazetier. Cet amendement permet tout simplement de rappeler que, contrairement aux représentations que véhicule en permanence l’ex-UMP, désormais baptisée Les Républicains, notre pays n’est pas trop généreux et ne distribue pas les prestations sociales inconsidérément, puisqu’il faut cinq ans de séjour sur le territoire français pour avoir accès au RSA – cinq ans de cotisations, comme cela vient d’être rappelé. La réalité, la voilà !

Au Royaume-Uni – comme en Allemagne jusqu’à une date récente –, le modèle social se caractérise par une très faible rémunération du travail et par l’absence de prestations sociales ; et pourtant, ces pays sont bien plus attractifs que le nôtre. Le ministre a rappelé tout à l’heure les chiffres. Les faits sont têtus ! Ce n’est donc pas le modèle social français qui oriente particulièrement les flux migratoires vers la France.

Ce que vous proposez d’abîmer, c’est ce qui fait la République, ce qui fait notre modèle. Au fond, vous n’aimez pas ce qui constitue la République française.

M. le rapporteur. Que dire de plus ? Il y aurait lieu même de s’interroger sur la durée de cinq ans actuellement en vigueur, et sur sa conformité à la lettre et à l’esprit de notre Constitution. Notre droit est déjà très restrictif, bien plus que celui de la plupart des pays voisins. Il ne constitue donc pas un facteur d’attractivité : c’est un faux problème.

Avis très défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements CL142 de M. Paul Molac, CL242 du rapporteur, CL48 de Mme Marie-Anne Chapdelaine, CL105 de M. Denys Robiliard, CL69 de Mme Marie-Anne Chapdelaine et CL106 de M. Denys Robiliard.

M. Paul Molac. La loi prévoit qu’une autorisation provisoire de séjour est délivrée, à la discrétion du préfet, à l’un des parents d’un enfant gravement malade. Il est donc parfois obligatoire de choisir l’un des deux parents auquel sont alors délivrées des APS tous les six mois, sans droit au travail. Il s’agit le plus souvent des mères, ce qui constitue une véritable distinction de genre, au mépris de l’intérêt de l’enfant.

L’amendement CL142 tend, par conséquent, à permettre de délivrer un titre de séjour « vie privée et familiale », au lieu d’une simple APS, aux deux parents titulaires de l’autorité parentale.

M. le rapporteur. Je retirerai mon amendement CL242 au profit du CL48, qui devrait également satisfaire ceux de MM. Molac et Robiliard.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Aux termes de l’amendement CL48, le parent accompagnant un enfant malade bénéficie d’un titre de séjour qui est renouvelé pendant toute la durée de la prise en charge de l’enfant et permet à son bénéficiaire de travailler, afin de garantir la stabilité de son séjour.

M. Denys Robiliard. Mon amendement CL105 est dans la même veine, à ceci près qu’il tend à faire bénéficier les deux parents, et non un seul, du titre de séjour. Il est particulièrement important pour un enfant gravement malade d’avoir ses deux parents auprès de lui. En outre, si un seul des deux parents en bénéficie, ce sera la mère, ce qui favorise à n’en pas douter les discriminations de genre.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. L’enfant peut aussi être accompagné d’une personne autre qu’un de ses parents, titulaire de l’autorité parentale. Dans ce cas, il convient d’étendre à celle-ci le bénéfice de l’APS. Tel est le sens de mon amendement CL69.

M. Denys Robiliard. L’amendement CL106 est corollaire du CL105.

M. le rapporteur. Je comprends le bien-fondé de l’octroi du titre de séjour aux deux parents plutôt qu’à un seul, que prévoyait d’ailleurs mon amendement. Sur cette question précise, nous pourrions travailler avec le Gouvernement d’ici à la séance publique.

Quant à l’amendement CL69, je souhaite son retrait, pour les raisons que j’ai opposées tout à l’heure à Mme Mazetier.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Je le retire, pour le retravailler en vue de la séance.

L’égalité requiert que l’enfant puisse être accompagné soit de ses parents, soit, s’il les a perdus, par exemple, d’un autre dépositaire de l’autorité parentale. Il faut simplement s’assurer que la personne qui l’accompagne est bien titulaire de cette autorité.

Les amendements CL142, CL242, CL105, CL69 et CL106 sont successivement retirés.

La Commission adopte l’amendement CL48.

Puis, suivant l’avis favorable du rapporteur, elle adopte l’amendement CL75 de Mme Maud Olivier.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements CL86 de Mme Chantal Guittet et CL114 et CL115 de M. Denys Robiliard.

Mme Fanélie Carrey-Conte. L’amendement CL86 vise à permettre aux victimes de violences non seulement conjugales, mais aussi familiales – c’est-à-dire perpétrées par un autre membre de la famille –, de bénéficier des dispositions permettant la délivrance et le renouvellement de la carte de séjour.

Il tend également à étendre aux partenaires de pacte civil de solidarité (PACS) et aux concubins dont la communauté de vie a été rompue à la suite de violences conjugales la délivrance par l’autorité administrative d’un premier titre de séjour.

M. le rapporteur. L’amendement que nous avons adopté précédemment visait à simplifier le renouvellement des titres obtenus par les conjoints de Français ou par les bénéficiaires du regroupement familial qui auraient été victimes de violences au sein du couple, en le rendant automatique après vérification par le préfet de la réalité des violences.

L’amendement CL86 prévoit d’étendre le bénéfice du renouvellement de la carte de séjour temporaire aux conjoints de Français victimes de violences familiales ainsi qu’aux partenaires de PACS, aux concubins ou ex-conjoints, ex-partenaires ou ex-concubins. La notion de violences familiales, qui fait l’objet de l’amendement CL114 de M. Robiliard, pourrait rencontrer mon assentiment. En revanche, sur le second point, mon avis est défavorable. D’une part, le Conseil constitutionnel a validé le traitement différencié en la matière des conjoints et des autres partenaires par le législateur. D’autre part, l’article L. 316-3 du CESEDA dispose déjà que l’autorité administrative doit automatiquement délivrer, dans les plus brefs délais, une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » à l’étranger qui bénéficie d’une ordonnance de protection en raison des violences commises par son conjoint, son partenaire de PACS ou son concubin, que cette carte de séjour temporaire est renouvelée et qu’elle ouvre droit à l’exercice d’une activité professionnelle.

Enfin, mentionner les anciens conjoints, anciens pacsés ou anciens concubins reviendrait à ouvrir le dispositif au cas de violences commises en dehors du cercle familial.

Je suggère le retrait de l’amendement.

L’amendement CL86 est retiré.

M. Denys Robiliard. L’amendement CL115 vise les victimes de violences quasi-conjugales au sein de couples non mariés. Une personne pacsée ou vivant en concubinage, qui fait l’objet de violences de la part de son partenaire ou de son concubin, doit bénéficier d’un niveau de protection identique à celui d’un conjoint marié.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

La Commission adopte l’amendement CL114 et rejette l’amendement CL115.

Puis, suivant l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette l’amendement CL110 de M. Denys Robiliard.

Article 11 (chapitre III du titre Ier du livre III 11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) : Carte de séjour pluriannuelle

La Commission est saisie de l’amendement CL180 de Mme Fanélie Carrey-Conte.

Mme Fanélie Carrey-Conte. Dans sa rédaction actuelle, le projet de loi ne prévoit la délivrance de la carte de séjour pluriannuelle qu’après un an de présence sur le territoire, y compris pour les étudiants étrangers. Or le cadre européen qui structure les formations en trois cycles – licence, master et doctorat (LMD) – prévoit une cohérence et une progression pluriannuelles des études. En facilitant la délivrance de la carte de séjour pluriannuelle pour les étudiants étrangers dès la première admission, cet amendement affirme la nécessité d’effectuer un cycle d’études complet.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Avec l’article 11, nous entrons dans le cœur du sujet qu’est l’instauration de la carte pluriannuelle. Le Gouvernement a choisi de permettre la délivrance de ce titre à l’issue d’une première année de séjour régulier sur le territoire français. Le rendez-vous au bout d’un an est utile, quel que soit d’ailleurs le titre, et la situation des étudiants ne justifie pas une dérogation à ce principe qui s’insère dans un parcours cohérent et progressif sur le territoire.

La Commission rejette l’amendement.

Puis, suivant l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette l’amendement CL181 de Mme Fanélie Carrey-Conte.

Elle est ensuite saisie des amendements identiques CL84 de Mme Chantal Guittet, CL116 de M. Denys Robiliard et CL146 de M. Paul Molac.

M. Denys Robiliard. La notion de « sérieux » n’est pas facile à appréhender. Son utilité est douteuse et elle risque de poser des problèmes de contentieux.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Nous parlons du caractère réel et sérieux du suivi des formations diligentées par l’OFII, que nous avons consulté sur cette question. Cette expression vise essentiellement à prévenir les comportements susceptibles de perturber le bon déroulement des formations. Elle recouvre à la fois l’évaluation non pas du niveau, mais du sérieux ou de la bonne volonté de l’étudiant, et le souci de lutter contre les incivilités qui font l’objet d’un signalement de la part des formateurs de l’OFII. Elle me paraît donc à la fois utile et objective.

M. Paul Molac. Je retiens de mon expérience que des élèves pas très sérieux obtiennent parfois de bonnes notes. Cette notion me paraît donc subjective.

L’amendement CL116 est retiré.

La Commission rejette les amendements CL84 et CL146.

Elle étudie, en discussion commune, les amendements identiques CL83 de Mme Chantal Guittet et CL145 de M. Paul Molac, et l’amendement CL267 de la commission des Affaires culturelles.

M. Paul Molac. La condition d’assiduité dans la formation délivrée aux étrangers doit tenir compte des difficultés particulières qui peuvent survenir sans que la volonté d’intégration de la personne soit en cause : problèmes de santé, obligations familiales ou professionnelles, imprévus divers. C’est d’ailleurs ce que recommande la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) dans son avis rendu sur le présent projet de loi. Quant à la condition de sérieux, elle me semble devoir être supprimée : s’il est possible de justifier de l’assiduité, il me semble délicat de justifier du sérieux.

Mme la rapporteure pour avis. L’amendement CL267 supprime la condition de sérieux de la participation de l’étranger aux formations prescrites dans le cadre du contrat d’accueil et d’intégration. N’ayant aucune densité juridique, cette notion est susceptible de nourrir des interprétations divergentes, voire arbitraires. Aux yeux de la commission des Affaires culturelles et de l’éducation, seule l’assiduité du signataire constitue un critère objectif. Il faut, en outre, prévoir les cas exceptionnels où l’étranger ne serait pas en mesure de suivre une partie des formations, par exemple lorsque sa santé ou des contraintes professionnelles urgentes l’en empêchent.

M. le rapporteur. Je comprends la préoccupation, mais elle me semble satisfaite par les dispositions réglementaires existantes, notamment par l’article R. 311-19 du CESEDA. La mesure que vous proposez apparaît superfétatoire : elle ne ferait que redire dans la loi ce que prévoit déjà le règlement. Je suggère le retrait des amendements CL83 et CL145, sans pour autant être fermement opposé à leur adoption. En tout état de cause, je préfère l’amendement CL267 aux deux autres.

La Commission rejette successivement les amendements CL83, CL145 et CL267.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, elle adopte l’amendement CL275 du Gouvernement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CL234 du rapporteur.

Elle en vient à l’amendement CL268 de la commission des Affaires culturelles.

Mme la rapporteure pour avis. La commission des Affaires culturelles propose de définir plus précisément les manifestations de rejet des valeurs de la République en insérant les mots « par une volonté caractérisée ». En effet, la constatation d’une intention morale est mieux appréhendée par la jurisprudence que la disposition actuellement proposée.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Cet ajout ne me semble ni utile ni bienvenu. Je vois mal comment le préfet peut apprécier la volonté caractérisée.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CL191 du rapporteur.

M. le rapporteur. Le préfet peut refuser un titre pluriannuel à un étranger qui manifeste un rejet des valeurs de la République. Ce terme n’étant pas stabilisé par la jurisprudence, le présent amendement a pour objet d’adjoindre à la référence aux « valeurs de la République » celle des « valeurs essentielles de la société française ». Cette dernière notion est, en effet, davantage définie que la première.

Mme Marie-Françoise Bechtel. À quelle jurisprudence abondante faites-vous allusion ? Pour moi, les valeurs essentielles de la société françaises sont évolutives et constituent une notion beaucoup moins stable que la République, qui bénéficie d’un véritable socle dur de contenu. Les mélanger ne me semble donc pas opportun.

Qui plus est, le rejet des valeurs de la République devrait être isolé de la participation aux cours et aux formations, car il peut s’exprimer en dehors de ce parcours. Mieux vaudrait le mettre en deuxième item, et je déposerai sans doute un amendement en ce sens pour la séance.

M. le rapporteur. On se réfère aux valeurs essentielles de la société française dans le contentieux de la naturalisation, cette notion servant à apprécier l’assimilation de la personne à la société française. La jurisprudence est particulièrement abondante en matière d’égalité entre les femmes et les hommes : un individu enfermant son épouse ou l’obligeant à porter le niqab n’a pas pu être naturalisé ; en revanche, une femme portant un simple voile n’a pas été jugée avoir une attitude contraire aux valeurs essentielles de la société française. Si la naturalisation exige une assimilation de ces valeurs, la délivrance d’un titre pluriannuel exigerait, plus modestement, une absence de rejet de ces valeurs. Dans le contexte actuel, je ne souhaite pas laisser les services du ministère de l’Intérieur, les préfectures, la jurisprudence même, manier une notion aujourd’hui très floue qui pourrait être appréciée de manière très diverse.

Mme Marie-Françoise Bechtel. Vous avez vous-même répondu à l’objection que j’allais vous faire : la jurisprudence concerne le contentieux de la nationalité. Pour les raisons mêmes que vous avez invoquées pour mieux les rejeter, je trouve qu’il n’est pas bon de passer de l’assimilation à l’intégration avec cette notion de valeurs essentielles de la société française, dont je maintiens qu’elles sont évolutives. Je suis également surprise de votre jugement sur les valeurs de la République : si le port du voile ne leur est pas suffisamment attentatoire pour qu’il faille invoquer les valeurs essentielles de la société française pour le sanctionner, les bras m’en tombent ! Il faut laisser la formulation actuelle sans l’affadir par une notion voisine et connexe qui s’applique mieux dans d’autres domaines.

M. le rapporteur. En fait, je propose de faire figurer à la fois les valeurs essentielles de la société française et celles de la République, espérant rassembler tout le monde autour de la même idée.

La Commission adopte l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CL147 de M. Paul Molac.

M. Paul Molac. En l’état, tout changement de type de carte de séjour temporaire mettra fin à la carte de séjour pluriannuelle, rendant bien plus difficiles les passerelles d’un statut à l’autre. C’est là une des limites de la carte pluriannuelle : un étranger n’est pas un travailleur, un étudiant, marié ou malade toute sa vie ; en cas de changement de statut, il devra repasser par une carte temporaire avant d’obtenir une nouvelle carte pluriannuelle. Cela risque de bloquer durablement certaines personnes et de les maintenir dans une forte précarité, ce qui est contraire à l’objet du présent projet de loi.

M. le rapporteur. Ne pas passer par l’étape préalable d’une nouvelle carte de séjour peut se justifier pour certaines catégories, par exemple les scientifiques-chercheurs qui souhaitent devenir salariés. Pour d’autres, en revanche, cela semble plus problématique. Lorsque la situation de l’étranger évolue, que d’étudiant il devient salarié ou qu’il divorce de son conjoint français, il ne remplit plus les conditions de sa précédente carte. Dès lors, il me semble utile de laisser s’écouler une année pour lui permettre de justifier de la réalité et de l’effectivité de son nouveau motif de séjour. Je vous suggère de retirer votre amendement et de le retravailler d’ici à la séance en visant des catégories précises.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL235 du rapporteur.

Elle en vient à l’amendement CL148 de M. Paul Molac.

M. Paul Molac. La délivrance de titre de séjour aux victimes de traite ou de proxénétisme ayant déposé plainte a été abordée dans la loi relative à la prostitution, mais régulièrement renvoyée au présent texte. Selon le ministère de l’Intérieur, cinquante-cinq cartes de séjour temporaires seulement ont été délivrées en 2014 ; une seule personne a bénéficié d’une carte de résident en 2011 et quatre en 2012. La faiblesse de ces chiffres montre qu’il est nécessaire de permettre l’accès à une carte pluriannuelle, que le projet de loi prévoit pourtant explicitement de ne pas accorder à ce public. Cet amendement vise à corriger cette situation, conformément aux recommandations de la CNCDH.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Le séjour de ces victimes est soumis à un régime spécifique, lié à l’évolution des procédures pénales engagées avec la collaboration de la victime elle-même. Dans ce cas, on ne peut pas définir à l’avance la durée nécessaire pour une carte de séjour pluriannuelle, car elle dépend de celle de la procédure pénale. La disposition risque donc de se retourner contre ses bénéficiaires.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CL92 de Mme Fanélie Carrey-Conte.

Mme Fanélie Carrey-Conte. Pour valider un diplôme, les étudiants étrangers doivent effectuer l’ensemble d’un cycle et non une seule année ; il faut donc faciliter la délivrance de la carte de séjour pluriannuelle dès la première admission.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.

Après quoi, elle adopte l’amendement rédactionnel CL237 du rapporteur.

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL93 de Mme Fanélie Carrey-Conte, CL269 de la commission des Affaires culturelles, CL94 de Mme Fanélie Carrey-Conte et CL85 de Mme Chantal Guittet.

Mme Fanélie Carrey-Conte. Pour le renouvellement de leur titre de séjour, les étudiants étrangers sont soumis à une obligation de résultats. Outre que cette obligation n’est pas clairement définie par la loi, la disposition crée une inégalité entre étudiants français et étrangers, seuls les premiers bénéficiant du droit à l’erreur, à la réorientation et à une deuxième chance.

L’amendement CL93 poursuit un double objectif : ne pas sanctionner les éventuelles difficultés scolaires par un non-renouvellement de la carte de séjour, et mettre fin au traitement arbitraire de ces questions par les préfectures.

Mme la rapporteure pour avis. L’amendement CL269 vise à confier l’appréciation de l’assiduité de l’étudiant, qui conditionne le maintien de sa carte de séjour pluriannuelle, à l’établissement de formation, qui est le mieux placé pour la connaître.

M. le rapporteur. Madame Carrey-Conte, je ne suis pas sûr qu’intégrer, dès le début des études, une année de redoublement dans la durée du titre de séjour pluriannuel contribue à renforcer l’attractivité de notre système universitaire. En revanche, il me paraît utile d’obliger les établissements de formation à s’engager par le biais d’une attestation, au lieu de s’en remettre totalement aux services préfectoraux. Dans les faits, comme Mme Bechtel l’a évoqué dans son propos liminaire, c’est généralement déjà le cas : de plus en plus de préfectures confient une grande partie du traitement des titres de séjour aux services administratifs des universités.

Avis favorable à l’amendement CL85 et défavorable à tous les autres.

Les amendements CL269 et CL94 sont retirés.

La Commission rejette l’amendement CL93 et adopte l’amendement CL85.

Elle est ensuite saisie de l’amendement CL270 de la commission des Affaires culturelles.

Mme la rapporteure pour avis. Les étudiants étrangers doivent, comme les étudiants nationaux, avoir droit à l’erreur. Sans que le titre de séjour autorise directement le redoublement, il faut donner la possibilité de le prolonger d’une année supplémentaire par cycle, de la même manière que les étudiants boursiers français peuvent prétendre à leurs droits à bourse une année de plus si besoin.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Votre amendement ne me paraît pas utile : la notion de prolongation n’existe pas dans le CESEDA, mais si nécessaire, y compris en cas de redoublement, la carte peut faire l’objet d’un renouvellement.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine, en discussion commune, l’amendement CL149 de M. Paul Molac et les amendements CL117, CL119 et CL118 de M. Denys Robiliard.

M. Paul Molac. Le projet de loi propose que plusieurs catégories d’étrangers ne puissent accéder qu’à une carte pluriannuelle d’une durée de deux ans, et non de quatre : les conjoints de Français, les parents de Français et les personnes ayant des liens personnels et familiaux en France. Cette mesure n’aura pour effet que de les maintenir dans la précarité. Pourquoi ne pas leur donner les mêmes droits qu’aux autres ? Nous proposons de supprimer cette exception. La CNCDH, dans son avis sur le présent texte, recommande d’ailleurs de « revoir les dérogations relatives aux conjoints de Français et aux parents d’enfants français ».

M. le rapporteur. Avis défavorable à tous ces amendements. La logique du Gouvernement consiste à caler la carte pluriannuelle juste avant l’attribution de la carte de résident. Les parents d’enfants français et les conjoints de Français peuvent obtenir cette dernière au bout de trois ans ; leur donner le bénéfice d’une carte de quatre ans ne ferait que retarder cette échéance. Pour l’ensemble des étrangers, les étapes du parcours sont d’un an, puis de quatre ans, puis de dix ans ; pour les parents d’enfants français et les conjoints de Français, elles sont d’un an, puis de deux ans, puis de dix ans.

L’amendement CL149 est retiré.

La Commission rejette successivement les amendements CL117, CL119 et CL118.

Elle examine, en discussion commune, les amendements CL120 de M. Denys Robiliard et CL236 du rapporteur.

M. Denys Robiliard. Un étranger qui demanderait le renouvellement d’une carte de séjour pluriannuelle sur le fondement d’un autre motif que celui pour lequel il l’avait obtenue ne pourrait bénéficier que d’une carte de séjour d’un an. Cette mesure va à l’encontre de la logique d’intégration qui doit s’accompagner d’une progressivité dans la durée des titres délivrés. C’est pourquoi je propose de supprimer les alinéas 16 et 17.

M. le rapporteur. Mon amendement CL236 est rédactionnel.

Avis défavorable à l’amendement CL120. Comme précédemment, votre proposition peut être pertinente pour certaines catégories, notamment pour un scientifique-chercheur souhaitant devenir salarié. Mais pour les autres catégories, elle ne me semble pas judicieuse. Vous pourriez redéposer l’amendement en séance en précisant quels titres de séjour seraient inclus ou exclus de ce dispositif.

M. Denys Robiliard. La carte pluriannuelle n’est pas délivrée immédiatement, mais après une première carte de séjour temporaire d’un an. Au moment où il demande son renouvellement, l’étranger en est donc à une durée de séjour de cinq ans minimum. Quel que soit le motif invoqué pour ce renouvellement, est-il opportun de repasser, après cinq ans de séjour régulier sur le sol français, à une carte d’un an ?

La Commission rejette l’amendement CL120 et adopte l’amendement CL236.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, elle adopte ensuite l’amendement CL276 du Gouvernement.

Elle en vient à l’amendement CL240 du rapporteur.

M. le rapporteur. Comme pour les salariés détachés, il s’agit d’appliquer la directive du 15 mai 2014 relative aux étrangers qui séjournent dans notre pays dans le cadre d’un transfert temporaire intragroupe.

La Commission adopte l’amendement.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, elle adopte également l’amendement CL277 du Gouvernement.

Puis elle examine l’amendement CL271 de la commission des Affaires culturelles.

Mme la rapporteure pour avis. Il s’agit d’inclure, parmi les bénéficiaires de la carte de séjour pluriannuelle « passeport talent », les talents artistiques, scientifiques, sportifs ou humanitaires qui jouissent aussi d’une renommée nationale. Il n’est pas rare que des étrangers soient connus uniquement dans notre pays, leur renommée pouvant être attestée par un faisceau d’indices : publications, colloques, couverture médiatique, et autres. Il ne faut pas écarter ces publics qui correspondent à notre volonté d’attractivité.

M. le rapporteur. La rédaction de votre amendement n’est pas claire : la renommée nationale renvoie-t-elle aux étrangers très connus en France mais inconnus dans leur pays – peu nombreux – ou bien aux personnes connues dans leur pays d’origine mais inconnues en France ? Dans le second cas, compte tenu de l’immensité du nombre, on ne peut qu’être défavorable à cette proposition. Je vous invite à retravailler la formulation en vue de la séance.

Mme la rapporteure pour avis. La commission des Affaires culturelles et de l’éducation visait le premier cas, mais si la rédaction vous semble imprécise, nous la reverrons.

L’amendement est retiré.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement CL278 du Gouvernement.

Puis elle étudie l’amendement CL167 de M. Serge Letchimy.

M. Serge Letchimy. Le dispositif de contribution économique exceptionnelle, qui permet à une personne apportant un investissement important de bénéficier d’une carte de séjour, n’était pas applicable à l’outre-mer. Je propose d’y remédier en complétant l’alinéa 33. En effet, les pays d’outre-mer, entourés de nombreux pays étrangers, pourraient bénéficier de stratégies d’investissement venant de l’immigration. Néanmoins, il conviendrait de revoir les seuils de manière à les adapter à la situation économique de nos régions.

J’observe, au passage, qu’à la recherche d’un équilibre entre immigration « classique » et solidarité humanitaire – qui permet aujourd’hui à de nombreuses personnes de travailler dans notre pays, y compris dans les couloirs de l’Assemblée nationale –, nous glissons vers l’immigration dite choisie. Or, dans une perspective de codéveloppement, les talents doivent certes prospérer ici, mais également retourner dans leur pays pour contribuer à son développement.

M. le rapporteur. L’idée d’adapter les seuils de rémunération du passeport talent à la réalité de la situation économique de l’outre-mer est intéressante. Néanmoins, pour en évaluer les conséquences et en adapter le champ, il serait utile d’organiser un échange avec le Gouvernement. Ne connaissant pas sa position sur cette question, je préfère reporter le débat en séance, et vous suggère donc de retirer votre amendement.

M. Serge Letchimy. L’enjeu étant de taille, je retire l’amendement. Il me semble toutefois qu’au cours de l’élaboration d’un texte, le Gouvernement devrait être consulté en permanence ! En suivant l’évolution de ce projet de loi, j’ai cru comprendre qu’il était favorable à cet amendement, mais, pour une meilleure compréhension collective, je suis prêt à le redéposer en séance.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’article 11 modifié.

Après l’article 11

La Commission est saisie de l’amendement CL121 de M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. Cet amendement se situe dans la lignée de mes amendements à l’article 11.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.

Article 12 (art. L. 5221-2 du code du travail) : Limitation de l’obligation d’obtention d’une autorisation de travail aux seuls séjours professionnels d’une durée supérieure à trois mois

La Commission est saisie de l’amendement CL43 de M. Éric Ciotti.

M. Philippe Goujon. L’article 12 limite l’obligation d’obtention d’une autorisation de travail aux seuls séjours professionnels d’une durée supérieure à trois mois ; l’étranger qui viendra travailler en France pour une durée inférieure en sera dispensé. Nous proposons de nous en tenir au droit existant, notamment en raison du chômage structurel que connaît notre pays.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Cette mesure concerne un public – chercheurs, artistes, mannequins – qui séjourne sur le territoire pour de très courtes périodes et pour des prestations très limitées, et qui n’a pas vocation à rester au-delà de trois mois. En 2013, 43 323 demandes ont été formées à ce titre, avec un taux de refus de seulement 3 %. La suppression de cette autorisation est donc une mesure de simplification utile.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 12 sans modification.

Après l’article 12

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement CL88 de Mme Chantal Guittet.

Article 13 (livre III, art. L. 411-8 et L. 531-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, art. L. 512-2 du code de la sécurité sociale, art. 155 B du code général des impôts) : Mesures de coordination dans le CESEDA, le code de la sécurité sociale et le code général des impôts

La Commission est saisie de l’amendement CL18 de M. Philippe Goujon.

M. Philippe Goujon. L’article 13 prévoit d’abroger un article du CESEDA au titre duquel, lorsqu’un ou plusieurs enfants ont bénéficié de la procédure de regroupement familial, l’étranger admis au séjour en France et, le cas échéant, son conjoint, préparent l’intégration républicaine de la famille dans la société française en passant un contrat d’accueil et d’intégration par lequel ils s’obligent à suivre une formation sur les droits et les devoirs des parents en France, ainsi qu’à respecter l’obligation scolaire. L’intégration réussie des enfants est cruciale, car, s’ils résident de façon continue en France et sont scolarisés, ils seront appelés à acquérir la nationalité française. Nous ne comprenons donc pas l’abrogation de cet article et proposons de supprimer cette référence.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.

Puis elle aborde l’amendement CL19 de M. Philippe Goujon.

M. Philippe Goujon. Un alinéa de l’article L. 311-12 du CESEDA permet de délivrer une autorisation provisoire de séjour de six mois à l’un des parents étranger de l’étranger mineur qui nécessite des soins, à condition qu’il réside avec lui en France – même de façon clandestine – et qu’il subvienne à son entretien et à son éducation. Cet article faisant référence à la nécessité des soins que réclame l’enfant, il nous paraît illogique de remplacer l’avis du médecin de l’ARS ou, à Paris, du médecin-chef du service médical de la préfecture de police, par celui de l’OFII.

M. le rapporteur. Nous avons eu ce débat avec le ministre en début de séance. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement de rectification CL238 du rapporteur.

L’amendement CL56 de M. Pascal Cherki est retiré.

La Commission examine, en présentation commune, les amendements CL24 et CL20 de M. Philippe Goujon.

M. Philippe Goujon. L’article 13 modifie l’article L. 313-5 du CESEDA qui précise les modalités de retrait de la carte de séjour temporaire et de la nouvelle carte de séjour pluriannuelle en cas de commission de délit. Nous proposons d’ajouter à la liste de délits la vente et l’exploitation de vente à la sauvette, ainsi que le délit de reconnaissance frauduleuse d’enfant et de mariage frauduleux.

M. le rapporteur. Avis défavorable. En matière de vente à la sauvette, la proposition me paraît disproportionnée. Quant aux mariages frauduleux, votre amendement CL20, tel qu’il est rédigé, aurait pour effet inattendu de faire retirer des titres de séjour à des Français !

La Commission rejette successivement les amendements.

Puis elle examine les amendements identiques CL130 de M. Denys Robiliard et CL154 de M. Paul Molac.

M. Denys Robiliard. Cet amendement est presque rédactionnel en ce qu’il tend à affirmer clairement que les droits du mineur ne sont pas inférieurs à ceux du majeur, contrairement à ce que pourrait laisser entendre le texte tel qu’il est rédigé. Plutôt que de cibler les situations qui concernent exclusivement les mineurs, j’ai préféré viser la totalité des situations qu’on rencontre aujourd’hui.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte les amendements.

Elle aborde ensuite l’amendement CL77 de M. Denys Robiliard.

Mme Françoise Descamps-Crosnier. Cet amendement reprend la proposition n° 7 de la mission parlementaire sur les immigrés âgés qui envisageait la modification du cadre juridique du regroupement familial pour les personnes handicapées atteintes d’une incapacité inférieure à 80 % mais supérieure à un taux à définir. Notre amendement fixe celui-ci à 30 %. La condition de ressources ne pourrait donc plus être opposée à ces personnes, comme cela est le cas pour celles qui souffrent d’une incapacité égale ou supérieure à 80 %.

M. le rapporteur. La loi prévoit déjà une dispense pour les bénéficiaires de l’allocation pour adulte handicapé (AAH). Vous souhaitez un autre cas de dispense, mais le taux de 30 % me paraît vraiment bas et en l’état, arbitraire. Je vous suggère de retravailler cette question dans un nouvel amendement à redéposer en séance, auquel je pourrais éventuellement donner mon assentiment.

Mme Françoise Descamps-Crosnier. Entendu. Nous sommes très volontaristes en cette matière !

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’article 13 modifié.

Après l’article 13

La Commission est saisie de l’amendement CL34 de M. Guy Geoffroy. 

M. Bernard Gérard. Cet amendement a pour objet de durcir les conditions d’accès à la nationalité française du fait du mariage. Actuellement, un étranger qui se marie avec un Français peut demander la nationalité française après quatre ans de mariage. L’amendement porte cette exigence à cinq ans.

M. le rapporteur. Avis défavorable. D’une part, ce projet de loi ne traite pas de la naturalisation. D’autre part, rien ne justifie, ni politiquement ni juridiquement, de porter ce délai de quatre à cinq ans.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CL35 de M. Guy Geoffroy. 

M. Bernard Gérard. Cet amendement revient sur l’attribution automatique de la nationalité française à un enfant né en France de deux parents étrangers en situation irrégulière. Nous souhaitons à tout le moins que l’enfant, une fois majeur, en exprime la volonté, qu’il réside en France à ce moment-là et qu’il justifie d’une résidence habituelle en France pendant une période continue ou discontinue d’au moins cinq ans depuis l’âge de onze ans.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CL23 de M. Philippe Goujon. 

M. Philippe Goujon. Cet amendement vise à améliorer la lutte contre les mariages frauduleux – blancs et gris – qui donnent lieu au développement d’une filière d’immigration clandestine très importante. À cette fin, il intègre dans le texte des dispositions facilitant la détection de ces fraudes, à l’heure où la moitié des acquisitions de la nationalité française a lieu par mariage et sachant que 80 % des décisions d’annulation concernent des mariages mixtes.

Inspiré de la loi du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration, l’amendement prévoit de rendre obligatoire la saisine du procureur de la République par l’officier d’état civil en cas de doute sur le mariage ; d’augmenter les peines encourues en cas de refus par l’officier d’état civil de procéder à cette saisine ; d’instituer un mécanisme de désignation par le maire de l’un de ses adjoints comme référent en matière de détection des mariages frauduleux ; de proposer, au titre de la formation obligatoire à laquelle ont droit les élus, un module sur la détection des mariages frauduleux.

Par ailleurs, il serait utile d’expliciter que les officiers d’état civil des mairies d’arrondissement sont bien couverts par la protection subsidiaire dans le cadre des fonctions qu’ils exercent au titre de l’État.

M. le rapporteur. Il me semble totalement disproportionné de prévoir poursuites et peine à l’encontre des maires qui seraient dépourvus des qualités suffisantes pour détecter le caractère frauduleux d’un mariage. Quant à désigner un adjoint chargé des mariages blancs, je doute qu’il y ait beaucoup de candidats à un tel poste dans les équipes municipales. J’émets, par conséquent, un avis défavorable à cet amendement.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Le maire n’a nullement la faculté de s’opposer à la célébration d’un mariage. Lorsqu’il en conteste les conditions, il n’a pour seule obligation que de saisir le procureur de la République. Il revient alors à l’autorité judiciaire de refuser ou pas cette célébration. C’est pourquoi nombre de maires se sont mis dans l’illégalité en la refusant. La célébration des mariages est une prérogative de nature judiciaire que détient l’officier d’état civil, sous l’autorité du procureur de la République.

M. Philippe Goujon. Les déclarations de M. Le Bouillonnec justifient pleinement cet amendement puisque le maire n’a actuellement aucune obligation de saisir le procureur de la République. En outre, que vous le vouliez ou non, face à ce qui est une véritable filière d’immigration clandestine, les officiers d’état civil ont besoin d’une formation et de référents. Il convient de modifier le système en vigueur, mais cet amendement n’a bien évidemment pas pour objet de donner aux maires la faculté de refuser un mariage.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine, en discussion commune, l’amendement CL279 du Gouvernement et les amendements identiques CL122 de M. Denys Robiliard et CL150 de M. Paul Molac.

M. Denys Robiliard. L’article L. 314-8 du CESEDA soumet la délivrance de la carte de résident de longue durée de l’Union européenne à une décision discrétionnaire du préfet. Or, aux termes de la directive du 25 novembre 2003, cette délivrance devrait être de plein droit pour les résidents de l’Union européenne séjournant régulièrement en France depuis cinq ans.

M. le rapporteur. Les amendements CL122 et CL150 sont satisfaits par l’amendement CL279.

La Commission adopte l’amendement CL279.

En conséquence, les amendements CL122 et CL150 tombent.

La Commission étudie, en discussion commune, les amendements identiques CL123 de M. Denys Robiliard et CL182 de M. Paul Molac, et l’amendement CL49 de Mme Marie-Anne Chapdelaine. 

M. Denys Robiliard. L’amendement CL123 s’articule avec le CL124 pour faire en sorte que les catégories d’étrangers auxquelles le préfet a aujourd’hui la faculté d’accorder une carte de résident puissent l’obtenir de plein droit. Sont ici visés le conjoint et les enfants de personnes ayant d’ores et déjà une carte de résident, l’étranger père ou mère d’un enfant français et l’étranger marié depuis au moins trois ans à un ressortissant français.

M. Paul Molac. J’ajoute que le rapport remis par M. Matthias Fekl préconisait de faciliter l’accès à la carte de résident, dont l’existence ne saurait être remise en cause par l’introduction du nouveau titre pluriannuel de séjour.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Pour les conjoints et enfants de Français ayant résidé en France pendant trois ans, munis d’une carte de séjour annuelle ou pluriannuelle, l’amendement CL49 prévoit que la délivrance de la carte de résident est de plein droit. Le but est de sécuriser l’accès à la carte de résident.

M. le rapporteur. J’émets un avis favorable à l’amendement CL49 et demande en conséquence le retrait des amendements CL123 et CL182. Cette excellente mesure permettra notamment de sécuriser l’accès à la carte de résident pour les conjoints et enfants de Français, ayant résidé en France pendant trois ans.

Les amendements CL123 et CL182 sont retirés.

La Commission adopte l’amendement CL49.

Les amendements CL124 de M. Denys Robiliard et CL151 de M. Paul Molac, soumis à une discussion commune, sont retirés.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement CL125 de M. Denys Robiliard. 

Elle examine l’amendement CL74 de Mme Françoise Descamps-Crosnier. 

Mme Françoise Descamps-Crosnier. Cet amendement reprend la onzième proposition du rapport d’information sur les immigrés âgés, qui vise à rendre automatique, pour la personne ayant renouvelé au moins deux fois sa carte de résident, l’obtention d’une carte de résident permanent, sous réserve qu’elle ne constitue pas une menace pour l’ordre public et qu’elle satisfasse aux critères d’appréciation de l’intégration républicaine dans la société française.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement.

Elle est saisie des amendements identiques CL126 de M. Denys Robiliard et CL152 de M. Paul Molac. 

M. Denys Robiliard. Les personnes ne bénéficiant pas d’une ordonnance de protection mais ayant néanmoins fait l’objet de tentatives de mariage forcé ou ayant été mariées de force doivent pouvoir obtenir un titre de séjour. Tel est l’objet de l’amendement CL126, qui entend contribuer à la lutte contre le mariage forcé.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte les amendements.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CL127 de M. Denys Robiliard et CL153 de M. Paul Molac. 

M. Paul Molac. La Cour de cassation a jugé que les décisions de répudiation prononcées par des juridictions étrangères étaient contraires à l’ordre public international et en particulier au principe d’égalité entre époux lors de la dissolution du mariage. À ce sujet, la CNCDH recommande de délivrer de plein droit aux femmes étrangères qui engagent une procédure judiciaire en tant que victimes de répudiation, de mariage forcé ou d’enlèvement d’enfant, un titre de séjour jusqu’à l’aboutissement de la procédure concernée.

L’amendement CL153 a pour objet de suivre cette recommandation en permettant aux femmes étrangères de prétendre à un titre de séjour pendant le temps de la procédure.

M. le rapporteur. Avis défavorable à l’amendement CL127.

S’agissant du CL153, insérer dans le CESEDA la notion de répudiation, alors que la jurisprudence de la Cour de cassation la juge contraire à l’ordre public international, reviendrait à reconnaître son existence même dans notre pays. Avouez que ce serait gênant. Avis défavorable également.

La Commission rejette successivement les amendements CL127 et CL153.

Elle en vient à l’amendement CL129 de M. Denys Robiliard. 

M. Denys Robiliard. Cet amendement tend à faciliter la lutte contre le travail dissimulé. Associer à la faculté, pour un salarié employé de façon clandestine, de saisir le conseil des prud’hommes ou la juridiction pénale de l’infraction dont il est victime – et non co-auteur – la délivrance d’un titre de séjour, constitue pour lui une incitation forte à révéler le travail dissimulé au juge.

M. le rapporteur. Je comprends votre préoccupation. Néanmoins, le simple fait d’engager une procédure prud’homale ne saurait suffire à ouvrir droit à une carte de séjour, sous peine d’ouvrir la voie à des détournements. Je vous invite à retirer votre amendement.

M. Denys Robiliard. Je le retire afin de le réécrire de façon plus adaptée et précise.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie des amendements identiques CL31 de M. Guy Geoffroy et CL37 de M. Éric Ciotti. 

M. Philippe Goujon. Il s’agit de durcir les conditions du regroupement familial en prévoyant qu’un ressortissant étranger ne puisse en faire la demande qu’après au moins vingt-quatre mois de présence régulière sur le territoire français, au lieu de dix-huit mois actuellement.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette les amendements.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CL32 de M. Guy Geoffroy, CL38 de M. Éric Ciotti et CL78 de M. Denys Robiliard. 

M. Philippe Goujon. L’amendement CL32 vise à augmenter le montant minimal de ressources fixé dans le CESEDA dont doit justifier l’auteur d’une demande de regroupement familial, afin d’assurer l’accueil de sa famille dans de bonnes conditions en France. L’amendement CL38 a un objet similaire.

Mme Françoise Descamps-Crosnier. Reprenant, cette fois, la proposition n° 10 du rapport d’information sur les immigrés âgés, l’amendement CL78 tend à instaurer un régime de regroupement familial dérogatoire, strictement encadré, au bénéfice des demandeurs âgés et isolés. L’insuffisance de leurs revenus et l’inadaptation de leur logement constituant les deux principaux obstacles à la venue en France de leur famille, il convient de les dispenser de ces conditions pour les sortir de l’état d’isolement humainement insupportable dans lequel ils vivent.

M. le rapporteur. Avis défavorable aux amendements CL32 et CL38.

Je comprends l’objectif du CL78. S’agissant de travailleurs pauvres et peu qualifiés, on ne peut qu’être sensible à l’idée que la condition relative aux ressources ne devrait pas être décisive face à leur droit de vivre en famille. Néanmoins, cet amendement présente deux failles : d’une part, il porte le risque de fabriquer un appeau à misère et de faire tomber des familles entières dans la pauvreté sur notre territoire ; d’autre part, il pourrait inspirer des stratégies de contournement, telles que l’établissement de liens conjugaux de complaisance sous forme, par exemple, de couples présentant une forte différence d’âge. Compte tenu de ces difficultés, je vous invite à retirer votre amendement pour en améliorer la rédaction dans la perspective de la séance publique.

L’amendement CL78 est retiré.

La Commission rejette successivement les amendements CL32 et CL38.

Elle aborde ensuite l’amendement CL128 de M. Denys Robiliard. 

M. Denys Robiliard. Cet amendement vise à transformer en obligation la faculté pour le préfet d’accorder le renouvellement d’une carte de séjour aux personnes victimes de violences conjugales de la part de leur conjoint.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement.

TITRE II – DISPOSITIONS RELATIVES AUX ÉTRANGERS EN SITUATION IRRÉGULIÈRE

Chapitre Ier
Mesures d’éloignement applicables aux étrangers en situation irrégulière

Article 14 (art. L. 511-1, L. 512-1 et L. 533-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et art. L. 222-2-1 du code de justice administrative) : Mesures d’éloignement applicables aux ressortissants de pays tiers à l’Union européenne

La Commission adopte l’amendement de coordination CL250 du rapporteur.

Puis elle examine les amendements identiques CL131 de M. Denys Robiliard et CL204 du rapporteur.

M. Denys Robiliard. Tout demandeur d’asile débouté par l’OFPRA puis, le cas échéant, par la Cour nationale du droit d’asile, doit pouvoir prétendre à la délivrance d’un titre de séjour à un autre titre que l’asile. Actuellement, certaines préfectures refusent d’examiner les demandes de titre de séjour émanant de personnes ayant déjà adressé une demande d’asile. Cette pratique doit évoluer d’autant qu’elle ne me semble pas conforme au droit.

M. le rapporteur. Pour d’autres raisons, je propose aussi la suppression de l’alinéa 3 de l’article 14.

La Commission adopte les amendements.

Elle est ensuite saisie de l’amendement CL21 de M. Philippe Goujon. 

M. Philippe Goujon. L’article 14 intègre, dans les dispositions relatives au prononcé d’une OQTF, les comportements des étrangers ne résidant pas régulièrement en France depuis plus de trois mois qui constituent une menace pour l’ordre public. Le présent amendement tend à le compléter par les cas de migrants en transit qui ne demandent pas l’asile en France ni le statut de réfugié et qui ne souhaitent pas non plus s’y maintenir, mais qui constituent cependant une charge, financière notamment, pour le pays d’accueil. Il s’agit ainsi de renforcer la fermeté qui doit être celle de l’État dans ces situations.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine en discussion commune les amendements CL205 du rapporteur et CL22 de M. Philippe Goujon. 

M. le rapporteur. L’amendement CL205 est rédactionnel. Son adoption ferait tomber le CL22.

M. Philippe Goujon. Nous proposons d’ajouter à la liste des comportements pouvant donner lieu au prononcé d’une OQTF le délit de mariage gris ou blanc, qui constitue une fraude flagrante en vue d’acquérir la nationalité française ou le droit au séjour régulier sur notre territoire. En outre, la limitation de ce prononcé à certains vols aggravés nuit à l’intelligibilité de la loi et ne se justifie pas. Il est donc proposé de viser tous les vols aggravés.

La Commission adopte l’amendement CL205.

En conséquence, l’amendement CL22 tombe.

La Commission en vient à l’amendement CL132 de M. Denys Robiliard. 

M. Denys Robiliard. Cet amendement a pour objet de supprimer l’alinéa 5 qui, en permettant la remise en cause du droit au séjour d’un étranger en situation régulière dès lors que celui-ci a travaillé sans autorisation, constitue une incitation au travail dissimulé. Un salarié embauché sans avoir le droit de travailler aura un intérêt objectif à ne pas attaquer son employeur et à ne pas révéler la situation si cela entraîne pour lui la perte du droit au séjour. Alors qu’en cas de travail dissimulé le salarié est considéré comme une victime, on le traite ici comme un complice.

M. le rapporteur. La disposition prévoyant que l’étranger fraîchement arrivé sur le territoire national doit solliciter une autorisation de travail sans laquelle il risque de se voir expulser est importante pour lutter contre le travail illégal. En-deçà de trois mois de séjour, l’étranger n’est guère que dans une démarche touristique. Je ne crois pas qu’il y ait un quelconque déracinement dans l’éloignement d’une personne qui a presque immédiatement fait montre de son incapacité à respecter nos lois. Je vous invite à retirer votre amendement.

M. Denys Robiliard. Je le maintiens. On sait qu’il existe des filières via lesquelles des personnes arrivent en France déjà recrutées dans un restaurant ou un atelier. Or je crains que cet alinéa 5 ne leur facilite la tâche même si tel n’est pas l’objectif recherché.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement CL155 de M. Paul Molac. 

M. Paul Molac. Cet amendement tend à préciser la définition du risque de fuite au titre duquel un délai de départ volontaire peut être refusé et le placement en centre de rétention administrative ou l’assignation à résidence prononcé. Il s’appuie sur la directive 2008/115 CE, selon laquelle ce risque doit être apprécié en considération d’autres facteurs que le simple fait du séjour irrégulier, ainsi que sur la jurisprudence du Conseil d’État qui l’évalue au regard d’une soustraction systématique et intentionnelle à la mesure d’éloignement.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements CL156 de M. Paul Molac, CL133 de M. Denys Robiliard, CL206 du rapporteur et CL76 de Mme Catherine Coutelle. 

M. Paul Molac. L’amendement CL156 vise à supprimer l’interdiction de retour sur le territoire français pendant deux à cinq ans. Cette mesure est généralisée pour les personnes ne bénéficiant pas d’un délai de départ volontaire et pour celles ne respectant pas le délai de départ.

En 1993, le Conseil constitutionnel avait censuré l’interdiction automatique de retour d’un an liée à un arrêté de reconduite à la frontière. Or l’interdiction de retour sur le territoire telle qu’elle est proposée aujourd’hui relève plus de la sanction que de la mesure de police administrative. Les possibilités d’interdiction de retour vont également au-delà de celles prévues par la directive 2008/115/CE relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier.

Enfin, comme l’a noté la CNCDH, malgré la gravité de cette mesure, le projet de loi ne prévoit aucune catégorie de personnes protégées explicitement comme pourraient notamment l’être les victimes de la traite.

M. le rapporteur. Cette disposition est nécessaire au respect du droit européen. Je vous invite à retirer votre amendement.

L’amendement CL156 est retiré.

M. Denys Robiliard. L’amendement CL133 relève d’une motivation comparable à celle de M. Molac. De plus, il ne me semble pas que la directive « Retour » nous contraigne à instaurer en droit français une interdiction automatique de retour.

M. le rapporteur. L’argument de l’automaticité et de la non-individualisation de la peine ne tient pas, le Conseil constitutionnel ayant jugé qu’une interdiction n’était pas une peine au sens du droit pénal mais une mesure de police pouvant être valablement prononcée pour sanctionner un séjour irrégulier. Je maintiens mon avis défavorable.

M. Denys Robiliard. Mon raisonnement porte sur l’automaticité de la mesure que je n’ai pas qualifiée de « peine » au sens pénal du terme.

M. le rapporteur. L’amendement CL206 est rédactionnel.

Je propose le retrait de l’amendement CL76 dont la rédaction pourrait être améliorée d’ici à la discussion en séance publique.

L’amendement CL76 est retiré.

La Commission rejette l’amendement CL133 et adopte l’amendement CL206.

Puis elle adopte successivement l’amendement d’actualisation CL249, l’amendement rédactionnel CL207 et l’amendement de coordination CL197, tous du rapporteur.

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL134 et CL135 de M. Denys Robiliard. 

M. Denys Robiliard. Il convient d’accorder aux demandeurs le temps d’exercer leurs recours dont la nature administrative exige qu’ils soient entièrement rédigés. Un délai de sept jours est insuffisant.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’amendement CL135 de M. Denys Robiliard n’a plus d’objet.

La Commission aborde les amendements identiques CL136 rectifié de M. Denys Robiliard et CL157 de M. Paul Molac. 

M. Denys Robiliard. Il s’agit de garantir l’effectivité du recours en substituant au délai de quarante-huit heures celui de deux jours ouvrés. En effet, il est parfois difficile de contacter un avocat dans un délai de quarante-huit heures.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette les amendements.

Elle est saisie de l’amendement CL251 du rapporteur.

M. le rapporteur. Lorsqu’une personne est détenue avant son éloignement, en l’absence d’assignation à résidence ou de rétention, le tribunal administratif statue dans les trois mois de sa saisine. Ceci peut conduire à faire succéder une rétention à une détention. Cela n’est satisfaisant ni pour l’étranger ni pour l’efficacité de l’action publique.

De plus, les directeurs des centres de rétention dans lesquels nous nous sommes rendus ont souligné que la cohabitation entre les anciens détenus et les étrangers en voie d’éloignement était très difficile à gérer. L’application de la procédure accélérée de jugement en soixante-douze heures par un juge unique s’avère donc nécessaire en cas de détention également. Tel est l’objet de l’amendement.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle discute de l’amendement CL137 de M. Denys Robiliard. 

M. Denys Robiliard. Il arrive que des étrangers ne forment de demande de titre de séjour qu’au stade de l’exécution d’une obligation de quitter le territoire et que l’on s’aperçoive alors, notamment grâce aux associations présentes en centres de rétention, que certains souffrent d’un grave problème de santé et qu’il leur est impossible de se soigner dans leur pays. L’amendement propose que le médecin de l’ARS – de l’OFII aujourd’hui – puisse être saisi de façon à vérifier que l’exécution de la mesure d’éloignement n’aura pas de conséquence irrémédiable sur la santé de ces demandeurs.

M. le rapporteur. Mieux vaudrait retirer votre amendement. D’une part, vous mentionnez la saisine du médecin de l’ARS alors que le projet de loi donne compétence à l’OFII. D’autre part, l’absence de délai encadrant cette consultation, qui suspend l’exécution de l’éloignement, présente un risque de détournement de procédure : certains étrangers pourraient ainsi être incités à porter atteinte à leur propre intégrité physique.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’article 14 modifié.

Après l’article 14

La Commission est saisie de l’amendement CL98 de M. Denys Robiliard. 

M. Denys Robiliard. Par principe, les mineurs n’ont pas leur place en centre de rétention car ils ne sont pas en situation irrégulière – ce qui ne veut pas dire non plus qu’ils soient en situation régulière sur le sol français.

M. le rapporteur. Avis défavorable : votre amendement a notamment pour effet de supprimer le dernier alinéa de l’article L.221-5 qui détermine les conditions requises pour exercer la fonction d’administrateur ad hoc. Il néglige aussi de préciser ce que l’administrateur en question doit faire lorsqu’un enfant lui est confié.

La Commission rejette l’amendement.

(Les travaux de la Commission sont suspendus de douze heures cinquante-cinq à quatorze heures cinq.)

La Commission reprend ses travaux à l’article 15.

Article 15 (art. L. 511-3-1, L. 511-3-2 [nouveau], L. 512-1, L. 513-1 et L. 552-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et art. 3 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique) : Mesures applicables aux citoyens de l’Union européenne

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL208 du rapporteur.

Puis, suivant les avis défavorables de ce dernier, elle rejette successivement les amendements CL139 et CL140 de M. Denys Robiliard.

Elle examine ensuite l’amendement CL280 du Gouvernement.

M. le rapporteur. Je suis défavorable à cet amendement. J’en proposerai un sur le même sujet qui sera mieux placé dans le texte, après les dispositions relatives à l’assignation à résidence.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 15 modifié.

Après l’article 15

La Commission est saisie de l’amendement CL138 de M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. L’exécution de l’éloignement doit être suspendue en attendant que le tribunal administratif statue sur le recours introduit contre la décision fixant le pays de destination, notifiée en même temps que le placement en rétention.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Le mécanisme suggéré offrirait plusieurs mois de sursis, ce qui ouvrirait une période d’incertitude étendue et néfaste tant pour la personne étrangère que pour l’administration qui souhaite son éloignement.

La Commission rejette l’amendement.

Article 16 (art. L. 514-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) : Effectivité des recours dans les collectivités d’outre-mer

La Commission examine l’amendement CL164 de M. Paul Molac.

M. Paul Molac. En 2013, en métropole, 7,4 % des personnes enfermées en rétention ont été libérées par un juge administratif constatant la violation de leurs droits. En Guyane ou en Guadeloupe, ce taux n’est que de 0,4 %. À Mayotte, seulement 93 des 16 000 personnes enfermées, parmi lesquelles 3 000 mineurs, ont pu former un référé devant le tribunal administratif.

Le référé liberté pourrait bien n’être qu’une coquille vide si les étrangers retenus sont éloignés avant même d’avoir eu la capacité d’introduire leur recours auprès du tribunal. Il convient donc de fixer un délai minimal d’un jour franc, à compter de la notification de la mesure d’éloignement, pendant lequel cette dernière est suspendue.

M. le rapporteur. Avis défavorable. La situation à Mayotte est trop « extraordinaire » ; les chiffres concernant les éloignements y sont équivalents à ceux que le ministre de l’Intérieur a cités ce matin pour la métropole tout entière.

Si je comprends vos arguments, monsieur Molac, on ne peut pas appliquer à Mayotte les mêmes textes et les mêmes règles qu’en métropole. L’adoption de votre amendement compromettrait fortement la gestion actuelle des kwassa kwassa, ces bateaux qui accostent à Mayotte en provenance des Comores.

M. Paul Molac. N’est-ce pas contraire à notre Constitution qui veut que la loi s’applique de la même façon sur tout le territoire de la République ? Partisan d’un fédéralisme différencié, j’avoue que le raisonnement ne me gêne pas. Mais lorsque je propose des dispositions de cette nature, on m’oppose souvent cet argument.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Vous n’êtes pas sans savoir que la plupart des textes que nous examinons comportent des mesures d’adaptation aux spécificités ultramarines.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CL72 de M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. Dans le même esprit, parce qu’il ne servirait à rien d’instituer un recours impossible à exercer faute de temps, je propose d’introduire un délai d’un jour franc à partir de la notification de l’OQTF pour introduire le référé liberté. Si l’exécution forcée de l’éloignement intervient immédiatement après la notification, comment le recours pourrait-il être matériellement possible ? Qui plus est, cela constitue pour l’administration une incitation à différer la notification jusqu’au moment où elle est prête à exécuter l’éloignement.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.

Article 17 (art. L. 531-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) : Compatibilité de la directive Retour et des engagements internationaux conclus antérieurement

La Commission adopte l’article 17 sans modification.

Après l’article 17

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement CL281 rectifié du Gouvernement.

Chapitre II
Conditions de mise en œuvre des décisions d’éloignement

Article 18 (art. L. 513-5 [nouveau], L. 523-1, L. 531-2-1 [nouveau], L. 531-3 et L. 541-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) : Escorte de la force publique en cas d’assignation à résidence

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement CL158 de M. Paul Molac.

Elle examine ensuite l’amendement CL173 de M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. Il s’agit de mettre en place un délai qui permette d’examiner la situation de santé d’une personne dans la phase d’exécution de la mesure d’expulsion dont elle fait l’objet.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Je crains que la mesure proposée n’ait un effet pervers : les personnes concernées pourraient être tentées de se mutiler pour éviter l’expulsion.

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CL252 du rapporteur.

M. le rapporteur. Comme certains des amendements que je vous ai présentés ce matin, celui-ci vise à transposer des dispositions de la directive 2014/66/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 établissant les conditions d’entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers dans le cadre d’un transfert temporaire intragroupe.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 18 modifié.

Après l’article 18

La Commission est saisie de l’amendement CL159 de M. Paul Molac.

M. Paul Molac. De nombreuses personnes étrangères protégées contre un arrêté d’expulsion et ayant obtenu l’abrogation de cette mesure se heurtent à un refus de délivrance de carte de séjour. Elles forment ainsi une nouvelle catégorie de personnes « ni expulsables ni régularisables » et vivent en France sans titre de séjour ou sous couvert d’autorisations provisoires de séjour qui ne permettent pas leur bonne intégration. L’objet de l’amendement est de garantir à ces personnes l’obtention d’un titre de séjour.

M. le rapporteur. Avis défavorable à cette proposition généreuse. Il n’est pas suffisant de remplir des critères de résidence, de santé ou de vie familiale pour bénéficier d’un titre de séjour sans même le demander. Par ailleurs, le Gouvernement m’a signalé qu’un tel dispositif l’obligerait sans doute à attribuer des titres de séjours à des personnes mises en cause dans le cadre de la lutte antiterroriste, ce qui n’est pas souhaitable.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement CL179 rectifié de M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. Comment une personne qui a vocation à quitter le territoire national, mais qui juridiquement ne peut pas être expulsée, peut-elle vivre dans des conditions normales ? Dès lors que nous ne sommes pas en mesure d’exécuter l’arrêté d’expulsion les concernant, il faut donner aux étrangers assignés à résidence la possibilité de travailler dans les limites de cette assignation.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Les personnes assignées à résidence ont précisément vocation à quitter le pays : il n’est donc pas souhaitable qu’elles puissent avoir accès à des outils d’intégration, en particulier à un travail. Ce serait même contradictoire avec le principe et l’objectif de l’assignation.

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CL174 rectifié de M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. Les personnes étrangères qui justifient aujourd’hui de leur appartenance aux catégories protégées contre un arrêté d’expulsion pris alors qu’elles n’étaient pas protégées doivent bénéficier d’une mesure d’assignation à résidence de façon à pouvoir solliciter l’abrogation de cet arrêté.

M. le rapporteur. Je ne comprends pas bien la logique de cet amendement. L’article L. 523-5 du CESEDA dispose que tous les étrangers frappés d’une mesure d’expulsion, qu’ils soient protégés ou non, peuvent bénéficier du régime de l’assignation à résidence, plus souple que celui de la rétention. Votre amendement restreint le champ de cette disposition aux seuls étrangers protégés.

M. Denys Robiliard. L’assignation à résidence n’est qu’une possibilité. Là est toute la question car les étrangers n’en bénéficient pas nécessairement. Du reste, le mot « bénéfice » n’est peut-être pas le plus adapté s’agissant d’une mesure qui permet l’exécution d’un arrêté d’éloignement.

En l’espèce, nous avons affaire à cette catégorie d’étrangers « ni ni », qui ne sont pas assignés à résidence et qui ne peuvent pas déposer régulièrement une demande d’abrogation de la mesure d’expulsion. Cet amendement vise à mettre fin à des situations quelque peu kafkaïennes que nous rencontrons sur le terrain. Si vous pensez qu’une autre rédaction permettrait d’y parvenir, j’y travaillerai.

M. le rapporteur. Cela me paraît nécessaire, car les dispositions que vous défendez ne sont pas contraignantes.

L’amendement est retiré.

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL160 de M. Paul Molac et CL175 rectifié de M. Denys Robiliard.

M. Paul Molac. Les personnes étrangères qui ont fait l’objet d’une peine d’interdiction du territoire avant l’entrée en vigueur de la loi du 26 novembre 2003 doivent pouvoir obtenir le relèvement de cette peine s’ils justifient que, à la date de son prononcé, ils appartenaient aux catégories aujourd’hui protégées contre une interdiction du territoire français. Un nombre important de personnes se trouve toujours sous la menace constante d’un éloignement du territoire.

M. Denys Robiliard. Il s’agit de permettre à ceux qui ont été frappés par une double peine, mais auxquels elle ne peut désormais plus s’appliquer en vertu de la loi Sarkozy du 26 novembre 2003, de bénéficier de façon systématique de ce dernier texte. La loi doit indiquer qu’ils sont relevés de l’interdiction du territoire dont ils ont été l’objet.

M. le rapporteur. L’interdiction judiciaire de territoire peut être prononcée soit pour une durée maximale de dix années, soit définitivement. Dans les faits, le premier cas concerne les délits, le second les crimes les plus graves.

Les personnes qui ont été interdites du territoire pour une durée maximale de dix années avant 2003, soit il y a plus de douze ans, ont aujourd’hui la possibilité de revenir en France. Ce n’est pas le cas de celles à l’encontre desquelles une interdiction définitive a été prononcée, qui ont commis les crimes les plus graves. L’adoption des amendements leur permettrait de revenir sur le sol national. Je ne suis pas certain que ce soit le but recherché. Je demande le retrait des amendements.

M. Denys Robiliard. Je ne fais pas la même analyse juridique que notre rapporteur mais je suis prêt à retirer mon amendement afin de vérifier cela.

Les amendements CL160 et CL175 sont retirés.

Article 19 (art. L. 551-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) : Priorité de l’assignation à résidence

La Commission examine l’amendement CL46 de M. Éric Ciotti.

M. Guy Geoffroy. Cet amendement vise à supprimer l’article 19 qui fait de l’assignation à résidence la mesure de droit commun de contrainte avant éloignement. Alors que le ministre de l’Intérieur a clairement indiqué au début de nos travaux que l’éloignement effectif des personnes en situation irrégulière constituait l’un des enjeux principaux du projet de loi, je crains que l’assignation à résidence soit plus propice à un évanouissement dans la nature des personnes concernées par une décision de reconduite à la frontière.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Le Gouvernement souhaite privilégier l’assignation à résidence plutôt que la rétention car, comme l’a dit le ministre, il ne s’agit pas d’enfermer des délinquants. Un certain nombre de dispositions du texte encadrent l’assignation à résidence afin de la rendre plus effective.

Qui plus est, il ressort de l’étude d’impact que l’assignation à résidence remplit le même office que la rétention pour un coût dix-huit fois moindre. Nous serions idiots de nous en passer !

M. Guy Geoffroy. J’accepte volontiers l’argument budgétaire mais je considère que le premier n’est pas acceptable. La rétention administrative ne fait pas des étrangers des délinquants. En tout cas, ce n’est pas ce que nous défendons en préférant ce mode de placement. J’invite le rapporteur à modérer ses propos !

Dans l’esprit du texte, et conformément à ce que j’ai compris des propos du ministre, tout ce qui peut permettre un éloignement effectif doit être privilégié. En conséquence, je maintiens mon amendement.

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CL161 de M. Paul Molac.

M. Paul Molac. Le juge des libertés et de la détention doit pouvoir vérifier les conditions de placement des personnes en centre de rétention dans les quarante-huit heures suivant ce placement plutôt qu’après cinq jours, comme cela est le cas aujourd’hui. Cette mesure est préconisée à la fois dans le rapport de M. Matthias Fekl et par la CNCDH.

M. le rapporteur. Le ministre de l’Intérieur a annoncé que nous discuterons dans les jours qui viennent sur un « paquet global » des questions relatives à la rétention. Je n’ai jamais caché qu’à titre personnel, j’étais favorable, comme Matthias Fekl, à l’intervention du juge des libertés et de la détention en rétention après quarante-huit heures. Les mots prononcés par le ministre ce matin m’ont rempli d’optimisme quant à la possibilité de parvenir à un accord. C’est pourquoi je demande à tous ceux qui ont déposé des amendements sur le sujet de bien vouloir les retirer.

L’amendement est retiré.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement CL162 de M. Paul Molac.

Elle examine l’amendement CL51 de Mme Marie-Anne Chapdelaine.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Sous la majorité précédente, le nombre de mineurs en rétention avait plus que doublé en six ans. Ignorant la jurisprudence européenne et les droits de l’enfant, le pouvoir refusait de mettre fin à cette situation.

Il vous est proposé d’affirmer, sous certaines réserves car on ne peut pas tout exclure, que la place des enfants n’est pas en centre de rétention et qu’il est préférable, les concernant, de privilégier l’assignation à résidence ou tout autre moyen.

M. le rapporteur. Je suis très favorable à l’amendement. La rétention des mineurs a valu à la France une condamnation par la Cour européenne des droits de l’homme. En 2012, le ministre de l’Intérieur Manuel Valls l’a formellement interdite par circulaire. Il est bon de le faire aussi définitivement par la loi et de bannir complètement cette pratique.

La Commission adopte l’amendement.

L’amendement CL176 de M. Denys Robiliard est retiré.

La Commission adopte l’article 19 modifié.

Après l’article 19

La Commission est saisie de l’amendement CL96 de Mme Sandrine Mazetier.

Mme Sandrine Mazetier. L’objectif de cet amendement était de faire cesser les situations scandaleuses que favorisait l’intervention du juge des libertés et de la détention dans les centres de rétention au bout de cinq jours. Mais j’ai entendu l’appel du rapporteur et je fais confiance au Gouvernement pour réduire ce délai : je le retire.

L’amendement est retiré.

La Commission en vient à l’amendement CL50 de Mme Marie-Anne Chapdelaine.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Conformément à l’esprit du projet de loi qui entend faire de la rétention une mesure de dernier recours, l’amendement reprend la proposition n° 25 du rapport de M. Matthias Fekl selon laquelle l’assignation à résidence ne doit pas seulement être prononcée à titre exceptionnel, mais dès qu’il est possible d’envisager une alternative à la rétention dans le cadre d’une procédure d’éloignement.

M. le rapporteur. C’est au profit du présent amendement que je m’étais prononcé défavorablement à un amendement précédent du Gouvernement.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine, en discussion commune, les amendements CL165 de M. Paul Molac et CL97 de Mme Sandrine Mazetier.

M. Paul Molac. L’amendement CL165 propose de revenir à la situation d’avant 2011 concernant la durée de la rétention, les quarante-cinq jours actuels semblant totalement disproportionnés. L’éloignement du territoire intervient avant la fin du septième jour de rétention pour 85 % des personnes, le taux s’affaiblissant après le trente-deuxième jour. C’est ainsi qu’en 2013, sur les 1 587 personnes ayant subi plus de quarante jours d’enfermement dans les centres de rétention de métropole, 263 seulement ont été expulsées.

Le raccourcissement de la durée maximale de rétention est une recommandation de la CNCDH. Cette proposition figure également dans le rapport de M. Matthias Fekl.

Mme Sandrine Mazetier. La durée de la rétention a été allongée sans bénéfice aucun. Il faut sérieusement se pencher sur ce sujet qui relève d’une sorte de fétichisme. J’ai bien compris que le rapporteur nous annonçait des évolutions en la matière. En attendant, j’accepte de retirer mon amendement d’ici à la séance publique.

L’amendement CL97 est retiré.

M. le rapporteur. Je demande aussi le retrait de l’amendement CL165 au bénéfice des discussions qui auront lieu avec le Gouvernement d’ici à la séance publique.

L’amendement CL165 est retiré.

Article 20 (art. L. 554-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) : Assignation à résidence consécutive à la rétention

La Commission adopte l’article 20 sans modification.

Article 21 (art. L. 561-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) : Limitation de l’assignation à résidence en cas de report de l’éloignement

La Commission adopte l’article 21 sans modification.

Article 22 (art. L. 561-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) : Conditions de l’assignation à résidence de courte durée

La Commission adopte successivement l’amendement de coordination CL253, l’amendement rédactionnel CL209, l’amendement de cohérence rédactionnelle CL210, les amendements rédactionnels CL211 et CL212, les amendements de précision CL213 et CL214, l’amendement rédactionnel CL215, l’amendement de cohérence CL216, l’amendement de précision CL217 et l’amendement rédactionnel CL218, tous du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 22 modifié.

Chapitre III
Dispositions diverses

Article 23 (art. L. 221-6 et L. 553-7 [nouveaux] du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) : Principe de l’accès des journalistes aux zones d’attente et aux lieux de rétention

La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL200, CL201 et CL202 du rapporteur.

Elle passe ensuite à l’amendement CL203, également du rapporteur.

M. le rapporteur. Il s’agit de préciser que l’accord préalable nécessaire pour la prise d’images en zone d’attente vaut également pour la prise de son : la radio existe encore en 2015 !

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine l’amendement CL247 du même auteur.

M. le rapporteur. Cet amendement vise à étendre aux majeurs le respect de l’anonymat patronymique et physique qui s’impose pour les mineurs en cas de prise d’images et de son dans les zones d’attente. Un accord exprès devra être obtenu de leur part pour que cet anonymat puisse être levé.

La Commission adopte l’amendement.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette ensuite l’amendement CL177 de M. Denys Robiliard.

Puis elle adopte l’article 23 modifié.

Article 24 (art. L. 611-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et art. 78-2 du code de procédure pénale) : Extension à la Martinique des dispositions permettant de procéder à la visite sommaire des véhicules circulant sur la voie publique, à l’exclusion des voitures particulières, et de contrôler, dans certaines zones, l’identité de toute personne sans réquisition du procureur de la République

La Commission adopte l’article 24 sans modification.

Article 25 (art. L. 611-12 [nouveau] du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) : Possibilité pour l’autorité administrative, sous réserve du secret médical, d’obtenir de certaines autorités publiques et personnes privées des éléments d’information permettant une action préventive et effective des manœuvres frauduleuses ou de consulter les données qu’elles détiennent

La Commission examine, en discussion commune, les amendements identiques CL163 de M. Paul Molac et CL178 de M. Denys Robiliard, et l’amendement CL192 du rapporteur.

M. le rapporteur. Je me suis déjà longuement exprimé ce matin sur l’article 25. La rédaction du projet de loi peut laisser penser qu’une incursion excessive ou disproportionnée dans la vie privée de certains étrangers est rendue possible par les moyens mis à la disposition des préfectures. Cela pourrait être le cas lorsqu’il s’agit d’apprécier la réalité de la vie commune d’un couple ou de l’implication d’un père étranger dans l’éducation de son enfant français.

Avec l’accord du Gouvernement, nous avons voulu encadrer les pratiques ouvertes aux préfets en les faisant relever de la législation relative à la gestion des fichiers et à leur accès. Alors que la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) n’avait pas été sollicitée par le Gouvernement pour la rédaction de l’article 25, le découvrant, pour ainsi dire, lors de l’audition que j’ai organisée, elle donnera désormais un avis sur le décret en Conseil d’État qui déterminera, de façon différenciée, la nature des informations et les documents susceptibles d’être communiqués par chacune des autorités énumérées dans l’article. Les services des préfectures ne pourront pas demander tout ce qu’ils veulent, par exemple aux fournisseurs d’accès à internet. Il est probable que de nombreuses associations souhaiteront exercer un recours contre ce décret, ce qui permettra au Conseil d’État de se prononcer sur la proportionnalité des moyens employés au regard de l’objectif de vérification de la situation d’une personne étrangère.

Avis défavorable aux amendements de suppression de l’article.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Je tiens à saluer le travail effectué par le Gouvernement et le rapporteur sur l’article 25, dont les dispositions initiales nous avaient inspiré des craintes légitimes s’agissant de leur caractère intrusif. Je ne peux qu’approuver une solution proportionnée, qui donne de nombreuses garanties, notamment en matière d’utilisation des fichiers.

La Commission rejette les amendements CL163 et CL178 et adopte l’amendement CL192.

En conséquence, l’article 25 est ainsi rédigé.

Article 26 (art. L. 622-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) : Ouverture de voies de recours contre les décisions de destruction et d’immobilisation par neutralisation, prises par le procureur de la République, des véhicules ayant permis, dans des collectivités d’outre-mer, le délit d’entrée irrégulière sur le territoire

La Commission est saisie de l’amendement CL219 du rapporteur.

M. Guy Geoffroy. Le rapporteur pourra éventuellement s’interroger, d’ici à la séance publique, sur l’opportunité de parler des « décisions de destruction du procureur de la République ». Mieux vaudrait, sans doute, viser les décisions de destruction prises par ce dernier.

La Commission adopte l’amendement.

Elle adopte ensuite l’amendement de conséquence CL220 du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 26 modifié.

Article 27 (art. L. 624-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) : Clarification des conditions d’application des dispositions pénales en cas de soustraction aux obligations résultant de la mesure d’assignation à résidence

La Commission adopte l’amendement CL221 du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 27 modifié.

Article 28 (art. L 625-1, L. 625-3, L. 625-4 et L. 625-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) : Renforcement des sanctions pénales encourues par les transporteurs ne respectant pas leurs obligations en matière de contrôle des documents de voyage

La Commission adopte l’amendement de conséquence CL222 du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 28 modifié.

Après l’article 28

Suivant les avis favorables du rapporteur, la commission adopte successivement les amendements CL282 et CL283 du Gouvernement.

Article 29 (art. L. 213-1, L. 511-4, L. 513-3, L. 521-3, L. 523-4, L. 571-1, L. 624-1 et L. 742-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, art. L. 776-1 et L. 776-2 du code de justice administrative et art. 729-2 du code de procédure pénale) : Dispositions de coordination

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement CL36 de M. Guy Geoffroy.

Elle adopte ensuite successivement les amendements de coordination CL254 et CL255, l’amendement CL223, et les amendements de coordination CL224 et CL225, tous du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 29 modifié.

Article 30 : Dispositions transitoires relatives aux arrêtés de reconduite à la frontière

La Commission adopte l’amendement de précision CL226 du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 30 modifié.

TITRE III – DISPOSITIONS RELATIVES À L’OUTRE-MER

Article 31 (art. L. 311-9-2 et L. 832-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) : Dispositions relatives à Mayotte

La Commission adopte successivement les amendements de coordination CL227 et CL228 du rapporteur.

Elle examine ensuite l’amendement CL193, également du rapporteur.

M. le rapporteur. La situation à Mayotte rend totalement inapplicable la procédure de délivrance de la carte de séjour à un étranger malade, désormais appuyée sur l’avis médical d’un collège de médecins. La désertification médicale sur ce territoire est telle que l’appel à plusieurs médecins serait impossible. On compte à Mayotte dix-huit médecins généralistes et quatre-vingts médecins spécialistes pour 212 000 habitants recensés et probablement autant de clandestins. Je préfère confier une telle mission à un seul médecin sur place, qui soit bien au fait de la situation mahoraise et des partenariats qui lient le centre hospitalier de Mayotte et les Comores plutôt qu’à des médecins se prononçant depuis la métropole ou ailleurs.

M. Yannick Imbert, le directeur général de l’OFII, réfléchit au moyen d’organiser une collégialité qu’il souhaite malgré tout. S’il parvient à me proposer une solution d’ici à la séance, nous pourrons éventuellement revenir sur cette exception mahoraise que je tiens tout de même à vous proposer d’adopter.

La Commission adopte l’amendement.

Elle adopte ensuite l’article 31 modifié.

Article 32 : Application à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin

La Commission adopte l’article 32 sans modification.

Article 33 : Habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance pour la Polynésie française, la Nouvelle-Calédonie et les îles Wallis et Futuna

La Commission adopte l’amendement rédactionnel et de cohérence CL229 du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 33 modifié.

Article 34 : Ratification d’ordonnance

La Commission adopte l’article 34 sans modification.

TITRE IV – DISPOSITIONS FINALES

Article 35 : Mesure transitoire relative au contrat d’accueil et d’intégration

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL230 du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 35 modifié.

Article 36 : Entrée en vigueur de la condition relative au niveau de connaissance de la langue française

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL231 du rapporteur.

Elle adopte ensuite l’article 36 modifié.

Enfin, elle adopte l’ensemble du projet de loi modifié.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Je rappelle que l’examen du texte en séance publique aura lieu à la fin du mois de juillet.

La séance est levée à 14 heures 45.

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Informations relatives à la Commission

La Commission a désigné :

–  M. Dominique Bussereau, co-rapporteur sur la mise en application de la loi organique qui serait issue de l’adoption définitive du projet de loi organique relatif à la consultation sur l’accession de la Nouvelle-Calédonie à la pleine souveraineté ;

–  M. Philippe Gosselin, co-rapporteur sur la mise en application de la loi qui serait issue de l’adoption définitive du projet de loi relatif à la modernisation du droit de l’outre-mer.

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Membres présents ou excusés

Présents. - M. Ibrahim Aboubacar, M. Christian Assaf, Mme Marie-Françoise Bechtel, M. Dominique Bussereau, Mme Colette Capdevielle, Mme Marie-Anne Chapdelaine, M. Éric Ciotti, M. Jean-Michel Clément, Mme Pascale Crozon, M. Marc-Philippe Daubresse, M. Jean-Pierre Decool, Mme Françoise Descamps-Crosnier, M. Patrick Devedjian, M. René Dosière, Mme Laurence Dumont, M. Georges Fenech, M. Hugues Fourage, M. Guillaume Garot, M. Guy Geoffroy, M. Bernard Gérard, M. Daniel Gibbes, M. Yves Goasdoué, M. Philippe Gosselin, M. Philippe Goujon, M. Philippe Houillon, M. Sébastien Huyghe, Mme Marietta Karamanli, M. Jean-Yves Le Bouillonnec, Mme Anne-Yvonne Le Dain, Mme Sandrine Mazetier, M. Patrick Mennucci, M. Paul Molac, M. Pierre Morel-A-L'Huissier, M. Jacques Pélissard, M. Sébastien Pietrasanta, Mme Elisabeth Pochon, M. Jean-Frédéric Poisson, M. Pascal Popelin, M. Dominique Raimbourg, M. Roger-Gérard Schwartzenberg, M. Alain Tourret, Mme Cécile Untermaier, M. Jean-Jacques Urvoas, M. Daniel Vaillant, M. Jacques Valax, M. François Vannson, M. François-Xavier Villain, Mme Paola Zanetti

Excusés. - M. Jacques Bompard, M. Sergio Coronado, M. Marc Dolez, M. Alfred Marie-Jeanne, M. Bernard Roman, Mme Maina Sage

Assistaient également à la réunion. - M. Alexis Bachelay, Mme Fanélie Carrey-Conte, M. Guillaume Chevrollier, Mme Valérie Corre, Mme Virginie Duby-Muller, M. Serge Letchimy, M. Denys Robiliard, M. Jean-Pierre Vigier