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Délégation aux outre-mer

Mercredi 26 novembre 2014

Séance de 18 heures 15

Compte rendu n° 3

Présidence de Mme Brigitte Allain, secrétaire, puis de Mme Monique Orphé, membre de la Délégation aux outre-mer

– Audition de M. Jean Debeaupuis, directeur général de la Direction générale de l’offre de soins (DGOS) et M. Éric Trottmann, adjoint au sous-directeur de la sous-direction « stratégie ressources » de la DGOS (ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes), concernant le projet de loi relatif à la santé (n° 2302) (Mme Monique Orphé, rapporteure.)

La séance est ouverte à 18 heures 15

Présidence de Mme Brigitte Allain, secrétaire, puis de Mme Monique Orphé.

Mme la secrétaire Brigitte Allain, présidente. Mes chers collègues, monsieur le directeur, monsieur le sous-directeur, nous sommes aujourd'hui réunis pour procéder à notre première audition sur le projet de loi relatif à la santé. Ce texte a été déposé à l'Assemblée par Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, le 15 octobre dernier. Un rapporteur d'information a été désigné par la Délégation aux outre-mer le 4 novembre : il s'agit de Mme Monique Orphé, qui se trouve à mes côtés.

Le système de santé dans les outre-mer présente de nombreuses difficultés qui sont récurrentes. En particulier, les populations sont moins bien desservies en termes de professionnels de santé que dans l'Hexagone. On note une propension à certains types de dépendances, à un âge moins élevé que dans l'Hexagone, souvent à partir de cinquante ans, ce qui fait que les personnes dépendantes sont proportionnellement plus nombreuses outre-mer qu'en métropole. Certaines maladies infectieuses, comme la tuberculose ou la typhoïde, sont mal éradiquées, tandis que d'autres, relativement nouvelles, telles la dengue et le chikungunya, sont tout aussi difficiles à combattre. Il y a également des maladies chroniques, comme le diabète. Enfin, l’outre-mer est concerné par les conduites addictives, qui touchent certaines fractions de la population, je pense en particulier à l'addiction à l'alcool.

Face à ces difficultés, l'hôpital, et spécialement l'hôpital public, constitue le système pivot de l'offre de soins outre-mer. C’est pourquoi nous avons souhaité commencer nos auditions par un représentant du service public hospitalier.

Messieurs, je vous propose de nous présenter, dans un court exposé, les forces et les faiblesses des hôpitaux publics dans les collectivités ultramarines. Mais Mme la rapporteure Monique Orphé va d’abord vous poser quelques questions.

Mme Monique Orphé, présidente et rapporteure. Merci, messieurs, de votre présence. Je regrette profondément que ce projet de loi ne comporte pas un volet consacré à l’outre-mer – seul l’article 56 indique que le Gouvernement prendra par ordonnances les mesures relatives à l’outre-mer. La situation sanitaire outre-mer est alarmante, les régions ultramarines présentent des spécificités, et nous souhaitons amender le texte grâce aux éléments qui nous seront apportés au travers de nos auditions.

Pourriez-vous nous faire une présentation rapide de la DGOS ?

S'agissant du fonctionnement de l'hôpital public, quelle mesure auriez-vous aimé voir figurer dans le projet de loi ? Existe-t-il une solution simple pour améliorer la trésorerie des hôpitaux ?

Que faut-il penser de l'article 12 du projet qui prévoit l'institution d'un service territorial de santé au public (STSP) ? Cet article peut-il permettre d'améliorer l'offre de soins ambulatoires outre-mer et, par conséquent, de soulager l'hôpital d'un certain nombre de consultations externes ?

L'article 26 réaffirme l'existence d'un service public hospitalier ancré dans les territoires. Quel changement apporte-t-il ? Des amendements pourraient-ils améliorer la rédaction de cet article ?

L'article 37 porte sur la recherche dans les établissements de santé. Vous paraît-il de nature à améliorer le fonds de roulement des hôpitaux ? Peut-il améliorer la mise sur le marché de médicaments innovants ?

Enfin, l'article 38 concerne les agences régionales de santé (ARS). Quelles relations les hôpitaux publics outre-mer ont-ils avec les ARS ?

Notre saisine porte sur les articles 1er, 3, 4, 5, 7, 12, 18, 26, 37, 38 et 56.

M. Jean Debeaupuis, directeur général de la Direction générale de l’offre de soins (DGOS). Le ministère de la santé comprend un Secrétaire général, qui coordonne l’ensemble des directions « métiers », parmi lesquelles la Direction générale de l’offre de soins, la Direction générale de la santé, la Direction générale de la sécurité sociale.

La Direction générale de l’offre de soins (DGOS), que j’ai l’honneur de diriger depuis deux ans, est chargée de l’organisation des professionnels de santé dans une approche globale de l’offre de soins, intégrant aussi bien la ville que l’hôpital, la formation initiale et continue, etc. Son organisation est ainsi axée sur la transversalité, et elle travaille en complémentarité avec les autres directions d’administration centrale compétentes en matière de politique de santé.

La Direction générale de la santé (DGS) est chargée des questions de santé publique et de prévention. Son champ de compétence, particulièrement vaste, comprend notamment la prévention des risques infectieux et des maladies chroniques, ainsi que la veille et la sécurité sanitaires qui requièrent une vigilance et une surveillance constantes.

La Direction de la sécurité sociale est chargée de toutes les questions relatives à la protection sociale : assurance maladie et relations conventionnelles avec les professionnels de santé.

Ces trois directions travaillent étroitement, sous l’autorité de la ministre, sur le projet de loi santé qui comporte trois axes majeurs : la prévention, le parcours de santé et le renforcement de la démocratie sanitaire.

Un certain nombre d’articles ont été élaborés par notre direction. Les articles 4, 5 et 7, relatifs à la lutte contre l’alcoolisation massive, l’information nutritionnelle et la mise à disposition de tests rapides d’orientation diagnostique, sont en revanche portés par la Direction générale de la santé. La généralisation du tiers payant pour les consultations de ville, à l’article 18, est pilotée par la Direction de la sécurité sociale. L’article 38 sur les projets régionaux de santé et les agences régionales de santé est porté par le Secrétariat général du ministère.

Cette réforme ambitieuse du système de santé portée par Mme la ministre concerne l’ensemble du territoire national, à l’exception du Pacifique Sud pour lequel, à l’exception de Wallis-et-Futuna, ni le Parlement ni le Gouvernement ne sont compétents en matière de santé. Le texte s’appliquera de la même façon sur tout le territoire national, y compris les quatre régions d’outre-mer (Guyane, Guadeloupe, Martinique, Réunion), qui comportent une ARS, ainsi que Mayotte, Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Barthélemy et Saint-Martin.

Mme la ministre m’a demandé de vous indiquer qu’elle a demandé à ses services de préparer un plan santé outre-mer qui réponde aux problématiques soulevées par la Cour des comptes. La Cour des comptes n’est pas exclusivement critique, elle reconnaît que des progrès considérables ont été réalisés dans le domaine de l’offre de soins, mais elle souligne également des manques et des inégalités, sur lesquels les directions du ministère se sont penchées sous la responsabilité du Secrétariat général. Nous intégrons ainsi la problématique de l’outre-mer dans toutes les questions relatives à la santé et à l’organisation des soins, mais cela ne se traduit pas forcément par des articles de loi spécifiques aux Outre-mer, l’ensemble des dispositions nouvelles proposées par la ministre s’appliquant de la même façon aux Outre-mer, aux seules réserves rappelées plus haut.

L’article 26 vise à refonder le service public hospitalier (SPH), pour revenir à une conception selon laquelle les établissements publics de santé et les établissements de santé privés d’intérêt collectif (ESPIC) en sont les acteurs principaux, auxquels s’ajouteraient le cas échéant des établissements à but lucratif, ce qui peut être le cas dans les outre-mer. Pour prétendre entrer dans le service public hospitalier, ces établissements lucratifs devront apporter la preuve que la totalité de leur activité est assurée en tarif opposable (sans dépassement d’honoraires). Un certain nombre de cliniques sur le territoire national exerçant la totalité de leur activité de soins en tarif opposable pourraient ainsi demander à entrer dans le service public hospitalier, ce qui les amènerait à devoir respecter d’autres obligations – de continuité, de permanence, d’accès, de formation, de transparence des comptes – auxquelles elles ne sont pas tenues pour l’instant. Cette question fait débat avec les représentants des établissements privés à but lucratif et elle peut évoluer dans le cadre du débat parlementaire.

L’article 12 institue un service territorial de santé au public (STSP). Il repose sur l’idée de faire appel le cas échéant à d’autres acteurs – médicosocial, spécialistes de ville, établissements lucratifs – pour remédier à des inégalités territoriales, davantage prendre en compte les besoins des usagers, améliorer la prise en charge des personnes en situation de handicap, de perte d’autonomie, ou atteintes d’une maladie chronique. Ce dispositif nouveau est proposé sous la forme d’une contractualisation entre des professionnels de santé volontaires, qui ne sont donc pas uniquement des établissements, et l’agence régionale de santé, qui accordera les financements. Les professionnels seront ainsi amenés à travailler en coopération pour apporter une réponse coordonnée sur le territoire concerné. Le constat de la ministre est, en effet, que chacun fait bien son métier, mais que la coordination entre ces différents acteurs peut être améliorée.

Mme Monique Orphé, présidente et rapporteure. Dans quel cadre s’organiserait ce service territorial ?

M. Jean Debeaupuis. Il partira des initiatives des acteurs. Pour l’instant, il y a encore quelques interrogations, mais tous les acteurs de ville, quel que soit leur statut, pourront apporter des éléments favorisant une meilleure coordination et un meilleur service à la population sur tel ou tel thème, par exemple la prise en charge des femmes enceintes ou les soins aux personnes handicapées. Cette action s’inscrira à un niveau infrarégional, plutôt territoire de santé, où les gens se connaissent et sont capables de définir la façon dont ils souhaitent travailler ensemble. Sans être au centre du dispositif, les établissements de santé interviendront en soutien des professionnels de premier recours, grâce à leur plateau technique et à leurs spécialistes. Pour la plupart des situations, les professionnels de premier recours et les professionnels de ville sont capables de prendre en charge les patients. Par contre, pour les maladies chroniques ou spécifiques, comme les maladies rares et les cancers, les plateformes territoriales de coordination et d’appui pourront alléger la tâche des professionnels de première ligne en leur apportant un soutien.

L’article 38, porté par le Secrétariat général, vise à redéfinir les projets régionaux de santé et la façon dont les agences régionales de santé les conçoivent et les coordonnent. Actuellement, ces projets régionaux de santé, élaborés tous les cinq ans, sont jugés trop volumineux et complexes. Avec cet article, les ARS auront plus de souplesse pour établir la définition des territoires correspondants. La maille départementale a l’avantage en métropole d’être un repère simple permettant une bonne coordination avec les conseils généraux, en matière de personnes âgées et personnes handicapées, mais elle n’est pas toujours le modèle retenu par les agences régionales de santé ; pour autant, le territoire de santé correspond à la population moyenne des départements, soit environ 600 000 personnes. Aussi les deux idées principales de cet article quelque peu complexe sont-elles les suivantes : d’une part, l’agence pourra définir des territoires d’action, d’autorisation, de service territorial, cette maille plus fine étant de nature à permettre une meilleure prise en compte des soins de premier recours ; d’autre part, les projets régionaux de santé auront une forme plus synthétique, grâce à des documents stratégiques moins volumineux que les précédents.

J’en viens à la situation des établissements outre-mer.

Depuis 2012, le ministère soutient massivement les établissements qui en ont besoin, en particulier les hôpitaux des Antilles. Ceux de la Réunion sont proches de l’équilibre. Ceux de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Mayotte ont enregistré des progrès gigantesques – à Mayotte, tout repose sur l’hôpital, l’offre de ville faisant défaut. À la Réunion et en métropole, la complémentarité entre les acteurs est importante, le rôle de l’hôpital public est central, notamment pour les permanences des soins et les urgences.

À la Réunion et aux Antilles, les CHU dans leur composante « universitaire » sont récents et doivent développer leur cursus de formation médicale. En effet, actuellement, les étudiants suivent le premier cycle dans les régions, le deuxième cycle en métropole, en coordination avec le CHU de Bordeaux notamment, et le troisième cycle à nouveau en région. Cette rupture de parcours est problématique.

S’agissant des formations paramédicales, la situation est plus homogène car celles-ci sont plus courtes et assurées en totalité dans les régions concernées. Les opportunités professionnelles offertes aux personnes originaires de ces régions sont meilleures et la continuité après formation est également plus grande.

Ainsi, le soutien est très fort, en particulier aux établissements des Antilles qui en ont le plus besoin. Il s’agit aussi de développer l’offre médicosociale aux personnes âgées et personnes handicapées, ainsi que de meilleures conditions d’accessibilité à l’offre sanitaire, grâce au tiers payant.

Ces établissements sont soutenus par le ministère, mais ils sont également accompagnés pour aider à leur reconstruction. Un investissement très important a été engagé au CHU de la Martinique, la reconstruction complète du CHU de Pointe-à-Pitre est programmée à l’horizon 2020, le pôle sanitaire de l’Ouest réunionnais sera finalisé à l’horizon 2018. Ces actions de modernisation et cet accompagnement permettront aux établissements concernés d’assurer un mode de fonctionnement normal des soins, tout en améliorant leur situation financière.

Mme Monique Orphé, présidente et rapporteure. Le cursus de médecine est donc incomplet. Que faut-il faire ?

M. Éric Trottmann, adjoint au sous-directeur du département « stratégie ressources » de la DGOS. Il manque le deuxième cycle, c’est-à-dire les quatrième, cinquième et sixième années. Le troisième cycle est sur place.

M. Jean Debeaupuis. Il faudrait augmenter le nombre de professeurs et de maîtres de conférence, actuellement très insuffisant.

Mme Monique Orphé, présidente et rapporteure. À la Martinique, il y a beaucoup plus de professeurs qu’à la Réunion. Cette dernière aurait dû se voir affecter quatre ou cinq postes.

M. Éric Trottmann. Les choses ont démarré plus tôt aux Antilles. Il faudrait aussi que le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche soit dans le mouvement.

Mme Monique Orphé, présidente et rapporteure. C’est aussi une question de moyens.

M. Jean Debeaupuis. C’est une question d’ouverture de postes, mais aussi de stratégie hospitalo-universitaire, car ces actions s’inscrivent nécessairement dans le temps. La ministre et nous-mêmes plaidons, auprès du ministère de l’enseignement supérieur, l’établissement d’une feuille de route prévoyant environ quatre postes par an pour le CHU de la Réunion, mais aussi quelques postes en Martinique et à la Guadeloupe où les effectifs sont également insuffisants.

Mme Monique Orphé, présidente et rapporteure. La situation à Mayotte n’est pas comparable à celle de la Réunion, de la Guyane ou encore de la Martinique. Concernant l’offre de soins, tout reste à faire à Mayotte. Que propose ce texte pour améliorer l’offre de soins, développer la médecine de ville et l’installation des professionnels de santé ? Le plan santé outre-mer sera-t-il décliné territoire par territoire ?

M. Éric Trottmann. Le tiers payant sera généralisé, ce qui intéresse particulièrement les régions d’outremer. La CMUC le sera progressivement également à Mayotte, même si cela ne figure pas dans la loi, car cela relève des lois de financement de la sécurité sociale.

Mme Monique Orphé, présidente et rapporteure. À la Réunion, le tiers payant est appliqué à 90 % et les choses fonctionnent relativement bien. Pour Mayotte, je ne sais pas.

M. Éric Trottmann. Le tiers payant à Mayotte, c’est l’hôpital, et c’est tout.

M. Jean Debeaupuis. Il s’agit d’une loi de santé. Les dispositions relatives à la protection sociale sur lesquelles s’est engagé le Président de la République – mise en place de la CMUC et de l’aide médicale de l’État à Mayotte – relèvent d’une loi de financement de la sécurité sociale. Nous y travaillons avec la Direction de la sécurité sociale. Ces chantiers s’intégreront au plan santé outre-mer.

Ainsi, les régions d’outre-mer, quelles qu’elles soient, bénéficieront de l’ensemble des dispositifs et des innovations portés par la loi de santé ; par contre, cette loi ne comporte pas de dispositions relatives à la protection sociale, même si elles sont absolument indispensables à Mayotte, en particulier sur l’accès aux soins et le développement d’une offre de ville.

Les solutions simples pour améliorer la trésorerie des hôpitaux n’existent pas si ce n’est de faire entrer les recettes et de maîtriser les dépenses dans des conditions de fonctionnement normal. C’est ce qui est en train de se mettre en place progressivement grâce à l’accompagnement des établissements, dont j’ai parlé. Les établissements de la Réunion se portent assez bien, étant plutôt bien gérés. Nous accompagnons les autres à la mise en place progressive de modes de fonctionnement normaux.

L’article 37 est tout à fait spécifique. Il vise à étendre aux établissements privés le contrat unique de recherche, qui permet de simplifier la recherche clinique à promotion industrielle au sein des établissements de santé. Les établissements d’outre-mer en bénéficieront au même titre que ceux de la métropole.

Cet article comporte une autre disposition, plus complexe et portée par nos collègues de la Direction générale de la santé, qui autorise les établissements hospitaliers à fabriquer ou importer des médicaments à thérapie innovante.

Ces deux dispositions visent à harmoniser le dispositif de recherche clinique. Pour autant, le contrat unique de recherche ne représentera pas une manne spécifique pour les établissements en outre-mer.

M. Éric Trottmann. D’autant que ce n’est pas dans les outre-mer que la recherche est la plus en pointe. Les chercheurs y sont en nombre insuffisant, même si les choses s’améliorent progressivement.

M. Jean Debeaupuis. Nous avons des contacts très réguliers et étroits avec les quatre directeurs généraux d’ARS outre-mer, pour les aider dans leur action et promouvoir les dispositifs généraux portés par le ministère, qu’il s’agisse du statut de praticien territorial de médecine générale – qui n’est pas encore considéré comme une opportunité par les jeunes médecins en formation outre-mer – ou des protocoles de coopération qui permettent de dégager du temps médecin, en autorisant les infirmières à réaliser certains actes. Cela se développe en métropole, pas aussi rapidement que nous le souhaiterions, malgré la mise en place du protocole ASALEE, pour les maladies chroniques, et du protocole autour des métiers de l’ophtalmologie.

Ces protocoles seront appliqués sans difficulté outre-mer, pour peu que des professionnels soient volontaires. Les directeurs généraux d’ARS y travaillent, outre l’utilisation de tous les soutiens offerts par le ministère.

M. Éric Trottmann. Il faut également noter la mise en place du contrat d’engagement de service public.

Mme Monique Orphé, présidente et rapporteure. Qu’entendez-vous par « professionnels volontaires » ? Concernant le service SOPHIA pour le diabète, par exemple, certains médecins de ville à La Réunion considèrent que l’octroi de pouvoirs supplémentaires à l’ARS aboutira à les déposséder du suivi des malades.

M. Jean Debeaupuis. Telle n’est pas l’intention de la ministre : elle veut aider au premier chef les professionnels de première ligne, en qui elle a réaffirmé son entière confiance. La question que vous posez est celle de l’attractivité des territoires. À La Réunion, la densité des professionnels de santé est plutôt bonne.

Les professionnels volontaires sur le territoire, quels que soient leur origine ou leur parcours, pourront proposer des projets à l’ARS via la contractualisation – ce n’est pas l’ARS qui décidera à leur place. En acceptant, labellisant et, le cas échéant, en finançant ces projets, l’ARS leur donnera une meilleure visibilité. Actuellement, beaucoup de choses se font sous l’égide des ARS, mais souvent par le biais de subventions annuelles. Le contrat de territorial de santé apportera, lui, une vision pluriannuelle en reconnaissant davantage l’action des professionnels, le soutien de l’ARS et les contreparties attendues desdits professionnels.

Mme Monique Orphé, présidente et rapporteure. Cela suppose que l’ARS apportera son soutien en fonction des pathologies qu’elle estimera prioritaires. La décision sera-t-elle prise avec les professionnels de santé ou est-ce le ministère qui tranchera ?

M. Jean Debeaupuis. Si la ministre propose de renforcer la démocratie sanitaire, si les associations de patients proposent le renforcement de la présence des usagers grâce aux conseils territoriaux des usagers, c’est bien pour promouvoir les initiatives des professionnels et prioriser la rencontre entre professionnels, usagers et ARS. Celle-ci sera le pilote et l’animateur, en contractualisant et en apportant le financement.

S’agissant des priorités, la notion de « diagnostic partagé » inscrite dans l’exposé des motifs du projet de loi, a un sens très précis. Si le diabète et les addictions sont des priorités sur tel ou tel territoire, les professionnels feront des propositions, les usagers donneront leur avis sur la pertinence des projets, et in fine l’ARS les labellisera et les soutiendra par la contractualisation.

M. Éric Trottmann. Ce financement se fera par le FIR, notamment.

Mme Monique Orphé, présidente et rapporteure. Ne pensez-vous pas utile, compte tenu de l’insuffisance de médecins en Guyane ou à Mayotte, que les sages-femmes – qui sont très qualifiées – puissent réaliser des actes de la nomenclature autres que simplement les vaccinations ou les soins périnataux ? Pourrions-nous introduire cela par amendement ?

M. Jean Debeaupuis. Cette question est complexe, car nous ne voulons pas placer ces professionnels en situation d’exercice illégal. Tout n’est pas possible, sauf à dégrader la qualité et la sécurité des soins, voire à prendre des risques y compris médico-légaux. Il faut trouver un juste équilibre.

Mme Monique Orphé, présidente et rapporteure. Il ne s’agirait pas de tous les actes, mais de certains actes. Une sage-femme peut très bien délivrer des antibiotiques s’il n’y a pas de médecin.

M. Jean Debeaupuis. La proposition consistant à autoriser les sages-femmes et les pharmaciens à pratiquer des vaccinations a suscité la réaction des médecins traitants qui ont invoqué l’argument du parcours de soins coordonnés.

Le projet de loi prévoit que les sages-femmes voient leurs compétences étendues en matière de vaccinations. Prévoir des mesures spécifiques sur certains territoires posera des problèmes ; même si nous y réfléchissons, il faut être prudent. L’utilisation des protocoles de coopération irait dans le sens que vous évoquez, sans risque d’exercice illégal.

Mme Monique Orphé, présidente et rapporteure. Merci beaucoup, messieurs, pour votre contribution. Nous vous enverrons d’autres questions par écrit si besoin.

L’audition se termine à dix-neuf heures quinze.