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Jeudi 26 novembre 2015

Séance de 11 heures 30

Compte rendu n° 19

Présidence de M. Jean-Paul Chanteguet, Président, de Mme Frédérique Massat, Présidente de la commission des affaires économiques, et de M. Pierre-Alain Muet, Vice-Président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

– Audition, conjointe avec la commission des affaires culturelles et de l’éducation, la commission des affaires économiques et la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, de M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics, sur le rapport du Gouvernement au Parlement relatif aux nouveaux indicateurs de richesse

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a entendu, conjointement avec la commission des affaires culturelles et de l’éducation, la commission des affaires économiques et la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics, sur le rapport du Gouvernement au Parlement relatif aux nouveaux indicateurs de richesse.

M. Pierre-Alain Muet, président. C’est aujourd’hui une première qui nous réjouit à un double titre.

D’abord, à titre personnel, puisque lorsque j’étais encore économiste, il y a une dizaine d’années, j’ai écrit sur ce sujet qui restait en France très académique. Quelques années plus tard, lorsque j’ai présidé la mission d’information commune sur la mesure des grandes données économiques et sociales, j’avais proposé d’ajouter aux trois sujets traités – inflation, pouvoir d’achat et chômage – un quatrième qui semblait alors abstrait, les indicateurs de développement durable. Puis le Président de la République Nicolas Sarkozy s’est emparé de ce sujet en installant, au début de l’année 2008, la commission Stiglitz-Sen-Fitoussi, dont le rapport a connu un retentissement important en France et à l’étranger – rien d’étonnant puisque cette commission comptait pas moins de cinq prix Nobel d’économie. La crise de 2009 a brisé cet élan. Il a fallu toute la ténacité de notre collègue Eva Sas pour replacer ce sujet au cœur de nos préoccupations. Je salue son formidable travail, qui aboutit au meilleur moment : le premier rapport prévu par la loi du 13 avril 2015 visant à la prise en compte des nouveaux indicateurs de richesse dans la définition des politiques publiques nous est remis à la veille de la COP21.

Outre le processus traditionnel d’adoption de cette proposition de loi, après un long travail préparatoire de la rapporteure, la commission des finances s’est impliquée dans l’application de ce texte. En effet, dès le 6 mai, le bureau de notre commission a procédé à un échange de vues avec les deux animateurs du groupe de concertation conjoint sur la définition d’un tableau de bord de nouveaux indicateurs de développement durable : M. Philippe Le Clézio, questeur du Conseil économique, social et environnemental (CESE), ancien président de la commission de concertation sur les indicateurs de la stratégie nationale de développement durable 2009-2013, et M. Vincent Aussilloux, chef du département économie-finances de France Stratégie.

Je rappelle que l’article unique de la loi n° 2015-411 du 13 avril 2015 dispose que le Gouvernement remet chaque année au Parlement « un rapport présentant l’évolution, sur les années passées, de nouveaux indicateurs de richesse, tels que des indicateurs d’inégalités, de qualité de vie et de développement durable, ainsi qu’une évaluation qualitative ou quantitative de l’impact des principales réformes engagées l’année précédente et l’année en cours et de celles envisagées pour l’année suivante, notamment dans le cadre des lois de finances, au regard de ces indicateurs et de l’évolution du produit intérieur brut ».

Le Premier ministre a récemment remis ce premier rapport, que je remercie M. le ministre de nous présenter ce matin.

Mme la présidente Frédérique Massat. Je n’ai pas grand-chose à ajouter à vos propos que je partage.

Nous sommes très forts pour demander des rapports, nous le sommes moins dans le suivi de ces derniers. C’est pourquoi nous devons nous féliciter aujourd’hui de disposer de ce premier rapport alors même que la loi a été adoptée très récemment.

Je salue le travail d’Eva Sas et du Gouvernement . La ponctualité dans la remise du rapport mérite d’être soulignée tant elle est inhabituelle.

Sur les sujets qui intéressent plus particulièrement la commission des affaires économiques, à savoir la transition énergétique et le plan France très haut débit, j’espère que les données seront plus complètes l’année prochaine. Cette année, le temps vous a sans doute manqué. Le suivi de l’application par notre commission de ces deux sujets permettra de compléter utilement les travaux du ministère.

Je me félicite de cette innovation qui répond aux attentes de la population et des élus.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je félicite Eva Sas, qui a fait preuve d’une grande ténacité dans son travail.

J’espère que le rapport s’améliorera au fil du temps et que les engagements seront tenus : je connais certains rapports qui ne sont plus remis au Parlement – je pense notamment au rapport sur la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement.

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics. Je vous remercie pour vos compliments et vos exigences, qui sont fort légitimes.

Le 13 avril dernier, la loi que vous avez vous-même proposée, que le Gouvernement a soutenue et qui vise à la prise en compte des nouveaux indicateurs de richesse dans la définition des politiques publiques a été promulguée. C’est une loi de progrès. En effet, elle nous conduit à nous interroger sur la qualité de la croissance, d’abord pour la définir, puis pour identifier les moyens de l’améliorer. En d’autres termes, il s’agit de choisir une palette d’indicateurs complémentaires du produit intérieur brut, offrant une vision plus complète et plus juste de l’évolution du pays. Complémentaires du produit intérieur brut (PIB) et non pas alternatifs, car il ne s’agit pas de remplacer le PIB – cela n’aurait pas de sens –, et encore moins d’abandonner tous nos efforts pour consolider la reprise qui est en marche : nous atteindrons plus de 1 % de croissance cette année, et nous prévoyons 1,5 % l’année prochaine.

Pour construire ce tableau de bord d’indicateurs, nous nous sommes appuyés sur le travail qui a été mené par France Stratégie et le CESE, travail de très grande qualité, chacun en conviendra. La consultation citoyenne qu’ils ont organisée a permis de dégager dix thèmes prioritaires pour les Français avec, pour chacun d’entre eux, des propositions d’indicateurs. Je sais d’avance que certains d’entre vous se demandent pourquoi le Gouvernement n’a pas retenu à la lettre les dix indicateurs proposés. Mais je tiens à les rassurer : il ne faut y voir aucune malice, au contraire, puisque nous avons retenu un indicateur, l’artificialisation des sols, pour lequel l’évolution de ces dernières années n’est pas particulièrement favorable. Nous avons voulu privilégier les indicateurs dont la mesure est fiable, avec un dernier point dans le temps qui soit le plus récent possible, et permettant des comparaisons européennes. C’était le cas pour la plupart des propositions du CESE et de France Stratégie. Nous avons néanmoins effectué quelques ajustements, notamment en arbitrant entre les indicateurs phares ou les indicateurs complémentaires proposés par le CESE et France Stratégie, tout en respectant les résultats de la consultation citoyenne, car c’est bien cela le plus important. À la publication du rapport, le CESE a ainsi considéré que le Gouvernement avait effectivement repris ses propositions – c’était pour nous un objectif essentiel – mais je pourrai bien sûr revenir en détail sur les ajustements auxquels nous avons procédé si vous le souhaitez.

Ces dix thèmes n’épuisent évidemment pas le champ de l’action gouvernementale. La sécurité, par exemple, n’y figure qu’indirectement, à travers notamment l’indicateur de qualité de vie. Vous savez néanmoins la mobilisation qui est celle du Gouvernement sur ces questions. Mais ce n’est pas l’objectif de ces indicateurs que de refléter l’ensemble de l’agenda gouvernemental ; il s’agit, ici, de mesurer avant tout la qualité de la croissance, sur le court terme comme sur le long terme.

Aussi, indépendamment des priorités du moment, j’estime que ce tableau de bord, pour être utile et devenir véritablement un outil supplémentaire de pilotage des politiques publiques, doit désormais rester stable. Supplémentaire, car il existe d’autres outils, notamment au niveau européen, je pense à la stratégie Europe 2020, qui vise à construire une Europe tournée vers l’avenir. Nous avons cherché à garantir la cohérence de cette démarche nationale avec la démarche européenne, car la convergence européenne est indispensable à la réussite des États membres.

Que nous disent ces nouveaux indicateurs de richesse ? D’abord, la France a de nombreux atouts et de nombreuses forces. Pour six indicateurs sur dix, nous faisons mieux que la moyenne européenne – je crois que nous pouvons en être fiers : le taux de sortie précoce du système scolaire ; le taux de pauvreté ; le taux de dépenses de R&D ; l’espérance de vie en bonne santé ; les inégalités de revenu ; les émissions de gaz à effet de serre et l’empreinte carbone. Pour les autres indicateurs, nous ne sommes pas marginalisés, nous nous situons tout juste dans la moyenne européenne. Cela signifie qu’il ne faut pas relâcher nos efforts. En matière d’endettement par exemple, nous devons poursuivre notre stratégie de réduction des déficits publics, même dans la période actuelle, à un rythme adapté pour ne pas pénaliser la reprise ni remettre en cause les priorités budgétaires.

En outre, l’évolution récente des indicateurs va, globalement, dans le bon sens. Je me garderai toutefois de tout triomphalisme. Ainsi, les inégalités de revenu – lorsque l’on compare le revenu des 20 % les plus riches à celui des 20 % les plus pauvres – ont baissé en 2013 jusqu’à effacer l’augmentation enregistrée depuis 2008. C’est le résultat d’une meilleure redistribution, tant par la qualité des services publics – je pense notamment à la santé ou à l’éducation – que par la défense d’un modèle social plus juste et plus inclusif. Là encore, des efforts restent à faire pour aller plus loin, c’est le sens de notre action.

Le rapport ne se contente pas d’analyser un tableau de bord d’indicateurs, mais il évalue, conformément à la loi, les principales mesures en cours de mise en œuvre ou à venir. Pour cette première édition, nous en avons étudié six qui correspondent aux grandes lignes de l’action du Gouvernement : le pacte de solidarité et de responsabilité tant dans ses volets « entreprises » que « ménages », dont la mise en œuvre se poursuit dans les textes financiers de fin d’année ; la loi relative à transition énergétique pour la croissance verte, qui apparaît comme une évidence dans cet exercice ; le plan pauvreté ; le plan France très haut débit ; la réforme du collège. Ces mesures, analysées à travers le prisme du tableau de bord d’indicateurs, apparaissent toutes comme des réformes de progrès, c’est-à-dire qu’elles concourent globalement à une amélioration des indicateurs. En d’autres termes, elles contribuent à enrichir la croissance en emplois, à améliorer les conditions de vie, et à intensifier nos efforts en faveur du développement durable. Cet exercice d’évaluation n’est bien sûr pas exhaustif, c’est une première étape.

Ce rapport sera enrichi dès l’année prochaine, selon trois axes. D’abord, afin que chaque citoyen puisse s’emparer des indicateurs, nous ferons en sorte que les données soient centralisées et facilement accessibles. Ensuite, afin de nourrir le débat, le Premier ministre a proposé que le CESE rende chaque année un avis complémentaire aux analyses qui sont faites. Enfin, nous devons approfondir les outils dont nous disposons pour évaluer quantitativement les réformes que nous menons, je pense en particulier à l’impact des réformes sur les émissions de gaz à effet de serre. Ces chantiers sont en cours.

Mesdames et messieurs les députés, nous sommes à la veille de la COP 21, durant laquelle des engagements importants devront être pris pour lutter contre le réchauffement climatique, je ne doute pas qu’ils le seront. Ces engagements concernent des hausses de températures qui pourraient avoir lieu dans plusieurs dizaines d’années, et pourtant, il faut les prendre maintenant, sans tarder. Qu’est-ce que cela signifie ?

Il est impératif désormais que le long terme soit au cœur des politiques publiques, et que les décisions prises ne le soient pas au détriment des générations futures. C’est le sens de notre action lorsque nous donnons la priorité à la jeunesse ; lorsque nous assurons la pérennité de notre système de santé, en parvenant à diviser par deux son déficit depuis 2010, sans rien céder sur la qualité des soins ; ou lorsque nous donnons un cadre favorable à nos entreprises pour permettre l’émergence des champions de demain.

Or, cette obligation politique, et, je le crois, également morale, de penser le long terme dans les politiques publiques mérite d’être sans cesse rappelée, contrôlée, débattue, défendue. Les nouveaux indicateurs de richesse sont aussi une forme, parmi d’autres, de prise en compte de cette obligation : les tendances longues qui y sont décrites mettent en lumière les progrès accomplis, les difficultés éventuelles, et les défis qui restent devant nous.

Car des défis, il en reste et c’est à nous de les relever. Depuis 2012, nous réformons et nous continuerons à le faire jusqu’au bout, dans tous les domaines. Cette première édition du rapport le montre. Je vous donne rendez-vous l’année prochaine pour la prochaine édition qui, j’en suis certain, montrera l’approfondissement du travail et les nouveaux progrès qui, je l’espère, auront été accomplis.

Mme Eva Sas. La publication de ce premier rapport sur les nouveaux indicateurs de richesse est une première étape importante. Je voudrais tout d’abord saluer l’édition de ce rapport dans des délais relativement courts puisque la loi n’a été adoptée qu’en avril dernier. Je vous remercie, monsieur le ministre, d’être venu le présenter aujourd’hui devant nous. Je souhaite concentrer mon intervention, non pas sur le commentaire des indicateurs eux-mêmes mais, pour cette première édition, sur la forme du rapport.

Il ne vous aura malheureusement pas échappé, monsieur le ministre, que ce premier rapport a été critiqué par certains universitaires spécialistes du sujet, qui y ont vu un outil de promotion des politiques gouvernementales.

Il est vrai que ce premier rapport ne remplit pas encore complètement les objectifs qui sous-tendaient la mise en place de nouveaux indicateurs de richesse, à savoir, disposer d’une vision plus complète de la qualité de vie de nos concitoyens et replacer nos politiques publiques dans le long terme, sur le plan économique comme sur le plan environnemental. Afin que nous puissions faire évoluer les prochaines éditions du rapport, je vous ai fait part dans un courrier en début de semaine de mes observations. J’en reprendrai ici quelques-unes.

La première observation porte sur la communication du Gouvernement. Le rapport, issu des services du Premier ministre, a malheureusement fait l’objet d’une communication restreinte, l’empêchant de trouver un écho dans les médias et l’opinion publique.

La deuxième observation concerne le choix des indicateurs eux-mêmes, qui s’écarte en partie des recommandations de France Stratégie et du CESE, à l’issue de la consultation citoyenne. Un indicateur n’a pas été retenu : le taux de recyclage des déchets ; un autre a été ajouté : le taux de pauvreté en conditions de vie ; l’effort de recherche a été substitué au taux d’investissement ; les inégalités de revenus sont exprimées dans un rapport de 80 % à 20 % et non de 90 % à 10 % ; l’artificialisation des sols a été substituée à l’abondance d’espèces d’oiseaux.

Au-delà même des discussions sur la pertinence de ces choix, il nous paraît fondamental, pour les années à venir, de fixer des normes pour la liste de ces indicateurs et de lui donner de la stabilité afin qu’elle traverse les mandatures et permette les comparaisons. Quelles dispositions pourrions-nous prendre pour stabiliser cette liste afin qu’elle échappe aux clivages partisans ?

De la même façon, il serait utile d’établir des normes pour la présentation du rapport afin que les données chiffrées annuelles soient présentées systématiquement, pour chacun des indicateurs, en série longue, et pas seulement en graphique, et qu’elles soient accompagnées d’une comparaison européenne et internationale – avec un classement par pays européens, puisque la moyenne européenne n’est pas toujours pertinente. Ces deux éléments sont déterminants pour faire de ce rapport un outil de référence à l’avenir et permettre au grand public de se l’approprier.

Je vous ai fait parvenir par ailleurs une série de remarques relatives à chacun des indicateurs, mais je n’en reprendrai ici que cinq qui me paraissent importantes.

Sur les aspects sociaux, on a constaté dans les années passées que l’accroissement des inégalités concernait surtout les plus aisés des ménages aisés. C’est pourquoi il me semble que le rapport entre les 20 % les plus aisés et les 20 % les moins aisés, que vous avez choisi, est peut-être moins pertinent que les 10 % que suggéraient France Stratégie et le CESE. Quant au taux d’emploi, il est nécessaire au minimum de le compléter par le taux de chômage pour une vision plus juste de la situation de l’emploi en France.

Ensuite, certains délais de publication sont très longs, comme pour l’espérance de vie en bonne santé ou l’empreinte carbone, pour laquelle les dernières données disponibles datent de 2012. Est-il prévu de réduire le délai de publication de ces indicateurs et à quelle échéance ?

Concernant l’empreinte carbone, il me paraît nécessaire de compléter cet indicateur par l’évolution de la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique, puisque la France s’est fixé des objectifs en la matière et que l’empreinte carbone ne saurait à elle seule rendre compte de la transition énergétique telle que nous l’avons définie dans la loi.

S’agissant de l’indicateur de satisfaction dans la vie, l’analyse de l’évolution de cet indicateur dans le rapport est très succincte. Quels sont les facteurs permettant d’expliquer que les Français se déclarent plus insatisfaits que les autres ? Culturellement, les Français se disent moins satisfaits que la moyenne européenne. Il serait intéressant d’analyser l’évolution de cet indicateur.

Concernant l’artificialisation des sols, le rapport fait apparaître une progression constante de cet indicateur. Quelles mesures comptez-vous prendre pour contrecarrer cette évolution inquiétante ?

Ma dernière remarque a trait à l’évaluation des réformes. L’analyse de l’impact des réformes au regard de l’ensemble des indicateurs est une bonne chose. Nous pouvions en effet craindre que cette analyse ne prenne en compte que certains indicateurs. Mais cette analyse nous semble un peu succincte et valorise uniquement l’impact positif des réformes gouvernementales. Il serait par ailleurs intéressant d’étudier l’impact de la loi de finances sur ces indicateurs. J’ai conscience de la difficulté de cette tâche pour une première édition mais c’est ce vers quoi il nous faut tendre. Enfin, comment le Gouvernement prend-il désormais en compte ces indicateurs dans l’élaboration de ces réformes ?

Voilà les quelques éléments que je souhaitais apporter au débat. Je vous remercie à nouveau d’être venu débattre avec nous et j’espère que vous pourrez prendre en compte ces remarques dans les prochaines éditions du rapport. À cet égard, nous sommes rassurés par les informations que vous nous avez données.

M. Serge Bardy. Je salue la pugnacité d’Eva Sas qui a permis à la proposition de loi d’aboutir.

Ce sujet me tient tout particulièrement à cœur puisque j’avais créé un groupe de travail sur ce sujet dès le mois de novembre 2012, bien en amont du vote de la loi, dans le cadre duquel j’avais conduit une vingtaine d’auditions ; je continue d’y travailler activement.

À l’heure de la COP21, il est plus que jamais évident que la destruction de ressources environnementales ou les activités économiques créatrices d’inégalités ne peuvent plus être comptabilisées dans la richesse nationale sans que leur coût humain et environnemental soit pris en compte.

De même, il faut que nous parvenions à comptabiliser les activités non lucratives mais qui créent de la richesse immatérielle sans ponctionner nos ressources. L’économie circulaire est un exemple typique de modèle économique que le PIB parvient très mal à intégrer.

L’époque où l’on opposait financier et non-financier, matériel et immatériel, est révolue. Il faut penser en termes de performance globale et trouver les moyens de générer de la richesse économique sans détruire la richesse humaine et environnementale. Dans les entreprises, même si la route est encore longue, du chemin a été parcouru, notamment grâce au développement de la RSE ou de l’investissement socialement responsable, qui tendent à rapprocher les aspects financiers et extra-financiers de l’activité économique.

Une fois cela dit, ce rapport va t-il dans le bon sens ? Certainement, et il faut saluer son existence. Est-il suffisant ? Nous serons tous d’accord, vous aussi monsieur le ministre, pour dire qu’il nous reste encore beaucoup de travail à accomplir avant d’atteindre l’objectif final, qui demeure de définir des modalités de calcul de la richesse nationale alternatives au PIB.

J’avais formulé trois propositions dans le cadre de mon groupe de travail, que je vous soumets à nouveau.

Tout d’abord, annexer les indicateurs de richesse au projet de loi de finances, afin de renforcer leur portée et de s’assurer qu’ils soient débattus annuellement au Parlement. En effet, à ce jour, le Parlement dispose d’un éclairage macroéconomique et financier, mais il lui manque un éclairage global sur la richesse de notre pays. Dès lors que l’impact environnemental est déjà pris en compte, le pas à franchir n’est pas si important.

Ensuite, la société civile devrait être mieux associée. Certes, des chercheurs et universitaires ainsi que des citoyens ont participé aux travaux, mais il est possible d’améliorer la méthode en recherchant une implication plus large de ces derniers, comme cela a été fait dans les Pays de la Loire.

Enfin, on pourrait envisager que les études d’impact sur les projets de loi déposés par le Gouvernement comportent obligatoirement un volet relatif à ces nouveaux indicateurs de richesse. En effet, ces indicateurs ne sont pas seulement destinés à évaluer a posteriori des politiques publiques, ils doivent aussi d’être des outils de prévision des conséquences de ces politiques.

Mme Arlette Grosskost. Le rapport évoque l’action du Gouvernement en faveur de l’emploi des jeunes, notamment l’apprentissage. En la matière, je tiens à saluer le projet pilote franco-allemand pour la mobilité des jeunes qui vient d’être lancé. Pour autant, je m’insurge contre l’absence d’association de la région Alsace à ce projet lancé il y a deux ans, qui doit profiter aux nombreux apprentis transfrontaliers.

Mme Monique Rabin. Je vous remercie d’être venu nous présenter le rapport du Gouvernent sur les nouveaux indicateurs de richesse. Cette démarche est en elle-même une innovation. Elle acte le fait que la croissance du pays ne peut être mesurée à l’aune d’un seul indicateur, le PIB, ni dans une seule dimension, la croissance de la production.

La commission Stiglitz avait démontré les limites du PIB et souligné la nécessité, pour changer de modèle, d’adjoindre aux indicateurs existants des indicateurs sociaux et environnementaux. Les crises que nous subissons nous y invitent, mais il faut aussi beaucoup de volonté politique. C’est pourquoi je veux saluer, une fois de plus, la ténacité de notre collègue Eva Sas, et l’engagement du Gouvernement, qui chaque année présentera la situation de notre pays et son projet de budget, au regard de ces nouveaux indicateurs.

Il était temps ! Sur le plan national, nous avions pris du retard alors que, dans les régions – certaines depuis plus de dix ans –, les conseils régionaux ont défini des instruments de pilotage au service d’une société et d’un territoire qui font autorité. Je veux notamment citer les régions du Nord-Pas-de-Calais et des Pays de la Loire. Parfois, elles n’ont pas pu en tirer pleinement parti en raison du caractère inédit des indicateurs choisis et faute de liens avec l’administration nationale.

Au-delà de la satisfaction que nous éprouvons ce matin, je vous livre quelques remarques de notre groupe.

Le Gouvernement a retenu dix indicateurs cohérents avec la Stratégie Europe 2020 en faveur d’une croissance intelligente, soutenable et inclusive. Vous l’avez dit, il a fait le choix de s’appuyer sur les travaux de France Stratégie et du CESE, qui représente la société civile. Sur le plan intellectuel et technique, il n’y a rien à dire.

Cependant, si je comprends la difficulté d’organiser une grande consultation citoyenne, je sais aussi que la réussite passe par l’appropriation par la population. Aussi à défaut de cette consultation, il convient de faire vivre le débat sur ces indicateurs, de susciter la responsabilité des citoyens et de faire naître une culture de l’intérêt public. Comme le disait Hélène Combes, ce qui compte le plus pour nous ne peut pas être défini par quelques-uns.

Il faut maintenant que ce rapport vive, avant que nous ne nous revoyions l’an prochain. Nous avons su animer des consultations nationales sur l’éducation, la simplification, ou la citoyenneté, nous pourrons peut-être le faire pour cette nouvelle boussole.

Le Parlement peut prendre là toute sa place. Les travaux de la Mission d’évaluation et de contrôle ou du Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques, trop méconnus, peuvent y concourir non seulement par l’évaluation mais aussi par la co-construction.

Vous avez choisi de retenir dix indicateurs. La volonté d’avancer et de rattraper le retard l’explique sans doute. Pour ma part, je pense que c’est presque trop.

Je prendrai trois exemples. D’abord, j’ai du mal à comprendre que nous retrouvions ici le taux d’endettement, déjà connu, qui ne vient pas contrebalancer le PIB.

Ensuite, dans quelle mesure l’État s’est-il appuyé sur les expériences réussies ? Ainsi, l’Association des régions de France a-t-elle déjà calculé un indice de la santé sociale. En outre, certains indicateurs sont très subjectifs, comme l’indicateur de satisfaction dans la vie. On salue l’intention, qui est de mesurer le bien-être dans toutes ses dimensions, mais on ne comprend pas trop la manière dont il est élaboré et corrélé.

À l’échelon européen, la Commission envisage de s’appuyer sur le SPI – social progress index –, élaboré par une organisation américaine à but non lucratif. Si l’Europe décide d’utiliser le SPI, notamment comme clef de répartition des aides aux régions, nous ne pouvons pas le passer sous silence. J’en connais les imperfections : il ne répond pas du tout aux problématiques environnementales et ne s’intéresse pas à la question des inégalités ; il n’ambitionne pas non plus de faire évoluer notre projet de société. J’en connais l’avantage : il porte sur les résultats et pas les moyens. Pouvez-vous nous éclairer sur cet indicateur que je ne souhaite absolument pas promouvoir mais qu’on ne peut ignorer, y compris pour le combattre s’il le faut ?

Je salue le souci de pragmatisme que traduit la présence dans le rapport de quelques évaluations qui donnent leur sens à ces nouveaux indicateurs.

À l’heure où notre pays affirme très officiellement le désir de porter et de réussir la COP21, votre audition de ce matin prend tout son sens. Elle témoigne de notre volonté commune d’analyser et de réorienter nos politiques à travers une grille d’analyse de l’ensemble des richesses de la France, au-delà des seuls indicateurs de conjoncture économique. Vous nous trouverez à vos côtés, la semaine prochaine comme au long de l’année 2016, pour améliorer ces indicateurs, pour les faire vivre dans la population et pour les garder en toile de fond de nos prochains débats parlementaires et de nos prochaines décisions.

Mme Marie-Christine Dalloz. Monsieur le ministre, je ne regrette pas d’être restée un jeudi matin à l’Assemblée nationale pour entendre les bonnes nouvelles que vous nous annoncez. J’allais partir un peu triste et désabusée, peut-être un peu pessimiste. En fait, mon voyage de retour sera placé sous le signe de l’optimisme : notre commission va regarder la situation sous un nouvel éclairage. Trêve de plaisanterie. Il va falloir faire vivre ces indicateurs dans la population, selon Monique Rabin. Devons-nous expliquer à nos concitoyens que les indicateurs et les paramètres évoluent en fonction des crises ? J’ai un peu l’impression qu’il s’agit de changer les règles du jeu en cours de match afin d’obtenir le score voulu. Voilà ce que je ressens à ce stade de nos débats et je vais illustrer mon propos en revenant sur le taux d’emploi et le taux d’endettement.

Pour notre pays, il paraît plus flatteur de retenir le taux d’emploi que le taux de chômage, et de le comparer avec le taux d’emploi moyen de la zone euro : le taux d’emploi est de 64,3 % en France contre 63,9 % dans la zone euro. Pour ma part, j’aurais aimé avoir d’autres références que les pays où le taux de chômage est encore plus élevé que chez nous. Retenez le taux d’emploi de pays comme l’Allemagne ou la Grande-Bretagne, par exemple, parce qu’il est important de se situer. À la rubrique « Quelle est l’action du Gouvernement au regard de cet indicateur ? », on trouve une liste relativement importante. Vous citez notamment la future réforme sur la place du dialogue social dans l’élaboration du droit du travail, qui peut contribuer à améliorer le taux d’emploi en France. Vous citez aussi la prime d’activité, qui sera créée l’année prochaine et dont nous ne connaissons pas encore toutes les modalités. Vous insistez surtout sur les 250 000 emplois d’avenir créés à ce jour, et dont le nombre devrait atteindre 320 000 à la fin de 2016. Certes ce sont des emplois, mais ils sont précaires. Il suffit pour s’en convaincre de rencontrer les jeunes qui les occupent.

Venons-en au taux d’endettement. Lors du Congrès réuni à Versailles, quand nous avons entendu le Président de la République nous dire que le pacte de sécurité l’emportait sur le pacte de stabilité, nous avons bien compris que la France ne respecterait pas les objectifs assignés en matière d’endettement. Pourtant, s’agissant de l’action du Gouvernement au regard de l’indicateur d’endettement, vous rappelez qu’il est « impérieux d’endiguer la dynamique de la dette publique ». C’est parfait mais je n’en mesure pas les effets à ce jour. De manière récurrente, de projet de loi de finances en projet de loi de finances rectificative, vous rappelez cet objectif. Dès lundi, vous nous répéterez probablement dans l’hémicycle que vous avez une maîtrise accrue des dépenses. Or, au vu du projet de loi de finances rectificative pour 2015, seules les dépenses des collectivités territoriales régressent réellement en volume et en valeur, le reflux ne concernant absolument pas les dépenses de l’État. À un moment donné, il faudra faire preuve d’un peu de sérieux. Il ne nous suffit pas de vous entendre répéter que tout va bien et que vous veillez sur tout pour être convaincus que notre pays va sortir des difficultés dans lesquelles vous l’avez plongé.

M. Yves Durand. Monsieur le ministre, mon intervention sera courte et d’une tonalité peut-être un peu différente de la précédente. Comme tout le monde, je me réjouis de la publication de ce rapport et je vais revenir sur l’un des indicateurs – les sorties précoces du système scolaire – mais pas pour en contester la validité et l’importance. Grâce à un effort considérable sur le plan éducatif, la France affiche un taux inférieur à la moyenne européenne, ce qui va à l’encontre de certaines idées reçues. Contrairement à ce que l’on peut entendre ici ou là, le décrochage scolaire en France n’est pas massif, même s’il reste trop important et s’il faut poursuivre et même amplifier les politiques visant à le combattre.

Cela étant, il faudrait compléter cet indicateur auquel il manque une dimension qualitative : il mesure le pourcentage de jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans qui sont sortis du système éducatif sans qualification et sans diplôme, mais il ne donne pas d’information sur la provenance sociale de ces jeunes. Or, le caractère encore trop inégalitaire de notre système scolaire est au centre des débats et des préoccupations des Français. Il serait intéressant d’affiner le profil de ces jeunes qui sortent du système éducatif sans qualification, en donnant des précisions sur leur origine sociale.

Je pense aussi qu’il ne faut pas s’en tenir à l’évaluation de la récente réforme du collège. Si le décrochage scolaire apparaît au collège, ce n’est pas là qu’il prend ses origines. Il faudrait donc évaluer la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République de juillet 2013, qui est d’ailleurs cohérente avec la réforme du collège.

M. Antoine Herth. Comme vous, monsieur le ministre, je pense qu’il peut être utile de compléter – et non pas de remplacer – le PIB par d’autres indicateurs. Cette préoccupation nous avait d’ailleurs conduits à réformer nos méthodes de travail sous la précédente législature, en assortissant chaque projet de loi d’une étude d’impact. Vous illustrez d’ailleurs cette démarche dans votre rapport : page 71, par exemple, un encadré détaille la manière dont les études d’impact ont été menées en ce qui concerne la loi relative à la transition énergétique.

Cependant, je reste globalement frustré par l’éclairage apporté par ces études d’impact sur nos travaux. D’une part, elles sont le plus souvent macroéconomiques et nous manquons d’outils d’évaluation pour entrer plus finement dans la réalité vécue et ressentie par les concitoyens que nous représentons. D’autre part, il n’y a pas d’études d’impact quand il s’agit de propositions de loi ou d’amendements. Or, la stratification successive des propositions de loi peut changer sensiblement l’équilibre de certains domaines sur lesquels nous légiférons. Et nous légiférons en aveugles.

Vous avez dit, monsieur le ministre, que ces données seraient accessibles à nos concitoyens, que le CESE allait s’en saisir, que vous alliez les utiliser pour évaluer vos propres réformes. Fort bien. Mais le Parlement devrait aussi s’interroger sur la manière d’utiliser ces indicateurs. Nous pourrions nous doter d’un outil opérationnel qui nous permette, au fil de nos activités, de mesurer les effets réels de ce que nous proposons. Pour ma part, je reste sur un sentiment de grande frustration. Que ce soit dans le cadre de notre mission de contrôle de l’action du Gouvernement ou dans notre tâche de législateur, j’ai souvent l’impression que nous travaillons les yeux bandés.

M. Jean-François Lamour. Ces nouveaux indicateurs sont effectivement assez intéressants pour la réflexion mais, comme le signalait Marie-Christine Dalloz, vous êtes allés un peu vite en besogne en les adaptant pour présenter un bilan assez flatteur de l’action du Gouvernement. Vous affirmez qu’ils doivent s’inscrire sur le long terme mais la plupart de vos remarques et de vos bilans ne portent que sur la période postérieure à 2012. C’est une preuve supplémentaire que vous cherchez davantage à servir votre bilan qu’à porter une appréciation différente sur l’action du Gouvernement ou de l’État, dans une perspective de long terme.

Ces dix nouveaux indicateurs doivent être stables, dites-vous, monsieur le ministre. Dans le même temps, vous abordez le sujet de la sécurité des Français – qui est assez présent dans nos têtes, c’est le moins qu’on puisse dire – en l’associant à l’indicateur « satisfaction dans la vie ». Cela semble un peu court, vous en conviendrez. L’impact économique des événements récents pourrait être très élevé et se situer entre 1 et 1,5 milliard d’euros, selon les évaluations qui ont circulé. Par conséquent, il y a un lien évident entre le besoin de sécurité et de défense, pour revenir à des sujets qui me sont chers, et les indicateurs de richesse de notre pays. Nous le savons les uns et les autres, toutes tendances confondues, cette situation d’insécurité va perdurer, ce qui remet en partie en cause la stabilité dont vous parliez tout à l’heure.

Dans votre rapport, qui a un réel intérêt sur le fond, vous avez évalué le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) et le pacte de responsabilité et de solidarité à la lumière de ces indicateurs. D’après la présentation que vous faites, je comprends que, grâce à ces mesures, le PIB va progresser de 1,2 % en 2017 et de 1,7 % en 2020, et que le taux d’emploi va croître de 1,1 % et de 1,3 % au cours de ces deux mêmes années. Rappelons que le PIB a augmenté de 0,8 % en 2014. Est-ce à dire, monsieur le ministre, que seul le CICE et le pacte de responsabilité et de solidarité vont enclencher une augmentation du PIB ? Ou avez-vous mélangé des carottes et des navets tout en laissant croire que la hausse n’est due qu’aux seules actions du Gouvernement ? À mon avis, il faudrait extraire la partie CICE et pacte de responsabilité d’un taux d’augmentation du PIB que je pense être global. Sinon, vous allez faire dire tout et son contraire à ces indicateurs, ce qui n’est pas de bon aloi alors que la réflexion est franchement très intéressante.

M. le ministre. C’est le premier rapport. Chacun pourra convenir qu’il a le mérite d’exister même si des progrès restent à faire non sur le fond mais sur la qualité de certaines informations données.

Nous devons nous attacher à la stabilité de ces indicateurs, je le répète notamment à l’intention de Mme Dalloz, que je remercie de son intervention qui mettait en valeur la tonalité de celle de M. Herth, par contraste. L’objectif n’est pas de changer les règles du jeu. Autrement dit, le PIB, le taux de chômage, le taux d’endettement public ou les évolutions des dépenses publiques restent des indicateurs sur lesquels s’appuient nos échanges, tout particulièrement lors des débats budgétaires. L’idée de compléter ces indicateurs ne date pas d’aujourd’hui ; elle s’est exprimée au cours des dernières années y compris dans les rangs de la majorité précédente.

Comment les compléter le mieux possible ? Le Gouvernement n’a pas inventé ces indicateurs, qui peuvent paraître discutables ; ils étaient dans le débat public ou académique, pour reprendre les termes utilisés par le président Muet. Le CESE a souhaité voir figurer nombre d’entre eux, tandis que France Stratégie insistait sur l’évaluation du pacte de responsabilité et de solidarité. Nous recherchons ceux qui ont le plus de sens, mais vous avez raison, monsieur Durand, nous aurions pu évaluer la réforme de l’éducation la plus globale.

Quels sont les critères de qualité d’un indicateur ? Premièrement, il doit permettre de recueillir les données les plus fiables possibles et dans la durée. Monsieur Lamour, vous nous reprochez de partir de 2012 dans le but de mettre en valeur la politique récente. L’indicateur des inégalités de revenus part de 2005 et permet de comparer…

M. Jean-François Lamour. Toujours à votre avantage !

M. le ministre. …ce qui se passe entre 2005 et 2012 et depuis 2012.

M. Jean-François Lamour. C’est bien le seul !

M. le ministre. Comme ces indicateurs sont récents, les données n’existaient pas avant et il faudrait les reconstituer. Nous pourrons le faire si vous le souhaitez, même si nous avons choisi de ne pas remonter trop loin dans le temps. Les comparaisons ne me gênent pas, même si elles montrent que nous faisons moins bien qu’auparavant. Dans ce cas, elles permettent de se poser de bonnes questions. La sécurité, vive préoccupation des Français, est un élément de la qualité de vie. Je suis prêt à compléter cet indicateur qui est, comme vous le savez, assez complexe à mettre au point.

Deuxièmement, un bon indicateur doit permettre d’effectuer des comparaisons au niveau européen – avec l’Allemagne notamment – et mondial. En réalité, il n’y a pas beaucoup d’indicateurs de même nature à l’échelle européenne et internationale. Mais nous avons la volonté de progresser. J’y insiste : ces indicateurs doivent être stables, comme le PIB ou l’endettement, afin de permettre des comparaisons dans le temps. S’ils varient au gré des politiques, chacun fera ses petits tableaux pour mettre en valeur tel ou tel aspect de sa politique.

Sans reprendre les indicateurs un à un, je précise qu’il est question ici du taux d’endettement des entreprises et des ménages, pas du taux d’endettement de l’État. Cet endettement des entreprises et des ménages peut être à l’origine de déstabilisation et de crises – nous en avons eu un exemple récent – et avoir des répercussions sur l’endettement public. Cet indicateur permet d’apprécier l’endettement global.

Faut-il créer un lien entre ce rapport et les débats budgétaires ? Faut-il en faire un rapport annexe au projet de budget ? En tout cas, nous avons souhaité le publier le plus vite possible pour que vous puissiez, les uns et les autres, l’utiliser au cours des débats. Il faudrait même qu’il soit disponible dès le début des discussions budgétaires car c’est un élément d’éclairage des politiques publiques. Or, toutes les politiques publiques se traduisent, d’une manière ou d’une autre, dans les chapitres et les lignes budgétaires.

Venons-en à la communication. Eva Sas, la tenace, l’entêtée, l’obstinée, la patiente, l’endurante, l’opiniâtre – il y a beaucoup d’autres synonymes qui sont tout aussi louangeurs et mérités – a raison de vouloir en faire un élément du débat public. Nous allons nous y employer et nous avons, dans ce domaine, de gros progrès à faire. Ce rapport doit être mieux connu, plus accessible. Le Premier ministre a voulu absolument qu’il sorte rapidement pour que vous l’ayez lors des débats budgétaires, mais il nous faut améliorer considérablement les choses.

Ce rapport peut répondre à certaines préoccupations exprimées par M. Herth. Rien n’empêche le Parlement de le compléter avec des indicateurs concernant l’un des volets les plus importants du travail parlementaire : le contrôle de l’action du Gouvernement. Il peut y avoir des échanges et une symbiose utile entre les uns et les autres.

Quoi qu’il en soit, je vous remercie de vos interventions, de vos appréciations, de vos critiques. Ne voyez aucune malignité de la part du Gouvernement dans la parution de ce rapport. Je ne souhaite qu’une chose : que ce travail soit utile aux parlementaires, au gré des alternances qui peuvent se produire, au débat public et à l’ensemble de nos concitoyens qui ont besoin de cet éclairage pour juger de la qualité des politiques qui sont menées dans notre pays.

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Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du jeudi 26 novembre 2015 à 11 h 30

Présents. - M. Serge Bardy, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Guillaume Chevrollier

Excusés. - Mme Laurence Abeille, M. Yves Albarello, Mme Chantal Berthelot, M. Jean-Louis Bricout, M. Alain Chrétien, M. Stéphane Claireaux, M. Christian Jacob, M. Alain Leboeuf, M. Yves Nicolin, M. Bertrand Pancher, M. Rémi Pauvros, M. Napole Polutélé, M. Gilbert Sauvan, M. Gabriel Serville