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Mercredi 20 juillet 2016

Séance de 9 heures

Compte rendu n° 74

Présidence de M. Jean-Paul Chanteguet Président

– En application de l’article 13 de la Constitution, audition de M. Bernard Roman, candidat à la présidence de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (ARAFER)

– Vote sur cette nomination

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a entendu, en application de l’article 13 de la Constitution, M. Bernard Roman, candidat à la présidence de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (ARAFER).

M. le président Jean-Paul Chanteguet. En application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution et de la loi organique du 23 juillet 2010, et conformément à l’article L. 1261-5 du code des transports, il nous appartient d’auditionner M. Bernard Roman, que le Président de la République envisage de nommer président de l’autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (ARAFER) pour succéder à M. Pierre Cardo, dont le mandat n’est pas renouvelable.

Dans sa rédaction actuelle, la loi organique du 23 juillet 2010 dresse la liste des quarante-sept emplois pourvus par le Président de la République : parmi ceux-ci, seize doivent faire l’objet d’un avis préalable de la commission. Le Président de la République ne peut procéder à une nomination lorsque l’addition des votes négatifs dans chaque commission compétente de l’Assemblée et du Sénat représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés.

L’audition de ce matin, qui est publique, sera donc suivie d’un vote à scrutin secret, effectué par appel nominal et hors la présence de la personne auditionnée. Aucune délégation de vote n’est possible ; des bulletins vous seront distribués à cet effet.

La commission du développement durable du Sénat auditionnera M. Bernard Roman à onze heures et le dépouillement du scrutin aura donc lieu, immédiatement après le vote de nos collègues sénateurs, dans mon bureau, vers midi et demi.

Avant de passer la parole à Bernard Roman afin qu’il nous présente sa candidature à ce poste particulièrement important, je tiens à lui dire le grand plaisir que j’ai à l’accueillir ce matin et à lui adresser, au nom de tous, un message d’amitié et de soutien.

M. Bernard Roman. C’est avec humilité que je me présente à vous car j’ai conscience de m’exprimer devant la commission chargée de la question des transports et conscience qu’il y a parmi vous les meilleurs spécialistes de la question.

M. Martial Saddier. Ça commence bien.

M. Bernard Roman. Je le fais également avec une certaine solennité car je mesure que la proposition du Président de la République aux présidents des deux assemblées de me nommer à la présidence de l’ARAFER est un grand honneur. C’est parce que c’est une fonction qui relève de l’application de l’article 13 de la Constitution que je suis devant vous et parce que le pouvoir de nomination du Président de la République est encadré par votre décision. La solennité à laquelle j’ai fait allusion tient aussi à ce qu’il est ici question d’une autorité indépendante – il y en a peu – et que, de cette indépendance, je serai, si je suis nommé, le garant. Enfin, je mesure l’importance stratégique de cette fonction tant au niveau national qu’au niveau européen.

Je vous dois, en guise d’introduction, quelques mots de présentation. Je suis député depuis 1997 : j’ai siégé pendant dix-neuf ans à la commission des lois que j’ai eu l’honneur de présider de 2000 à 2002. Je suis actuellement questeur de l’Assemblée. Je ne suis pas, comme certains d’entre vous, un expert du monde des transports, même si j’ai pu, à travers l’exercice de mes mandats locaux, m’impliquer dans un certain nombre de dossiers touchant à ce secteur. J’ai, en effet, accompagné Pierre Mauroy durant vingt-cinq ans, d’abord comme adjoint au maire de Lille puis comme vice-président de la communauté urbaine de Lille ; j’ai participé à ses côtés, en tant que tel, aux négociations sur le tracé du TGV Nord avec la Société nationale des chemins de fer français (SNCF), Réseau ferré de France (RFF) et l’État et, une fois adopté ce tracé, j’ai participé aux négociations relatives à la construction de la gare TGV et du quartier d’affaires Euralille qui entoure cette dernière, Euralille dont j’ai assumé la première vice-présidence pendant dix ans. J’ai en outre mené la négociation du surcoût généré par la modification du tracé, arbitrée à l’époque par le président Jacques Chirac. J’ai enfin eu à participer, comme premier vice-président du conseil régional du Nord-Pas-de-Calais, à trois reprises, à la renégociation de la convention Transport express régional (TER) avec la SNCF aux côtés de Daniel Percheron, président d’une région qui avait innové en la matière en créant les trains TER-GV (grande vitesse).

J’articulerai mon propos autour de trois thématiques. J’aborderai tout d’abord le cadre juridique et législatif, qui a fait considérablement évoluer les missions de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF, devenue ARAFER). J’évoquerai ensuite le bilan de Pierre Cardo et les problèmes auxquels il s’est heurté. J’en viendrai enfin aux perspectives pour les six ans à venir.

Le cadre juridique, premier point, s’est considérablement étoffé et n’a pas fini d’évoluer. Ce cadre a été défini par le premier paquet ferroviaire – nous en sommes au quatrième – qui date de 2001 et qui imposait aux États membres de l’Union européenne la création, dans chaque État, d’un organisme de régulation indépendant. Il définissait les fonctions essentielles et préparait la démarche d’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire des marchandises. La création de l’ARAF, en 2009, a constitué une première étape, puis il y eut la loi portant réforme ferroviaire du 4 août 2014, enfin la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite loi Macron, du 6 août 2015, qui a transformé l’ARAF en ARAFER, étendant les missions de l’agence au secteur de la route et des autoroutes. Des textes ont ensuite été adoptés dont l’un, en 2016, a donné compétence à l’ARAFER sur le contrôle des conditions d’accès des tarifs de péage du tunnel sous la Manche.

Le cadre juridique est défini, bien entendu, par les directives, par la loi mais aussi par les décrets d’application – or, tous ceux relatifs aux lois de 2014 et 2015 n’ont pas été pris, ce qui constitue un frein manifeste à l’action de l’ARAFER, ainsi que l’a dénoncé à de nombreuses reprises Pierre Cardo. C’est l’un des enjeux des mois à venir. Ainsi les trois contrats stratégiques décennaux avec les trois entités de la SNCF – SNCF, SNCF Réseau et SNCF Mobilités –, prévus par la loi de 2014, n’ont toujours pas été signés. Surtout, le décret d’application du ratio prudentiel – ce qu’on appelle la règle d’or – n’a pas été publié ; or il devrait permettre à l’ARAFER de jouer son rôle dans la maîtrise des dépenses et de l’endettement de SNCF Réseau.

J’ajoute que la loi dite Sapin, votée récemment, donne des moyens d’investigation supplémentaires à l’ARAFER, notamment en ce qui concerne ses missions sur le contrôle des sociétés concessionnaires des autoroutes.

Enfin, le quatrième paquet ferroviaire, « bouclé » au niveau européen, doit faire l’objet d’une transposition par chacun des pays membres de l’Union européenne. Il prévoit l’ouverture, à compter de décembre 2020, du trafic passager sur l’ensemble des réseaux européens et donc du réseau français.

L’extension des compétences de l’ARAFER n’a pas été accompagnée d’une augmentation significative de ses moyens, j’y reviendrai.

J’en viens à mon deuxième point : le bilan de M. Pierre Cardo et les difficultés qu’il a rencontrées.

Je voulais, par courtoisie, rencontrer le président en exercice, Pierre Cardo, lorsque le Président de la République a proposé ma nomination. Or, c’est lui-même qui m’a d’emblée contacté et nous nous sommes entretenus longuement. Évoquer le bilan de l’ARAFER, c’est d’abord rendre hommage à l’action de son premier président. Je tiens à rendre cet hommage sans fioritures donc avec beaucoup de sincérité. M. Pierre Cardo a su mettre sur pied, avec ténacité, une structure dotée de services performants, dirigés par des experts qui couvrent tous les domaines du transport, de l’action juridique et de l’analyse financière. Il a affirmé et renforcé l’indépendance de cette autorité face, certes, aux opérateurs, au premier rang desquels la SNCF, mais encore face au Gouvernement – et parfois de manière spectaculaire. Il a su fédérer le collège de l’autorité dont toutes les décisions importantes ont été prises à l’unanimité depuis sa création !

En ce qui me concerne, si je suis nommé à la présidence de l’ARAFER, c’est dans ses pas que j’avancerai et non en rupture avec ce que je considère être un formidable bilan.

Ce bilan concerne d’abord les missions historiques de l’Autorité en matière ferroviaire. Leur accomplissement a permis de mieux assurer l’accès au réseau par les opérateurs autres que la SNCF et de participer ainsi à l’amélioration du fonctionnement du secteur, cela à travers différents outils comme les avis formulés sur le document de référence du réseau (DRR), conformes en ce qui concerne les tarifs, non conformes en ce qui concerne les autres observations. Mais aussi à travers les décisions de règlement des différends, ou encore à travers l’exercice d’un pouvoir réglementaire supplétif – qui parfois provoque l’irritation des cabinets ministériels –, enfin à travers la régulation du cabotage intérieur sur les lignes internationales – je pense évidemment à Thello, l’opérateur étranger qui dispose du plus grand nombre de lignes nationales à travers la France.

Ces missions historiques sont toujours d’actualité et il est à noter que les régions, en tant qu’autorités organisatrices de transports (AOT), tendent à prendre le relais des entreprises ferroviaires pour pousser à la maîtrise de l’évolution des redevances. La mission historique de l’accès au réseau va prendre de l’ampleur avec la poursuite de l’ouverture du marché à la concurrence que j’évoquais avec le quatrième paquet ferroviaire.

Le législateur a étoffé les missions de l’ARAFER dans le domaine ferroviaire avec la loi du 4 août 2014, en lui octroyant des pouvoirs supplémentaires en matière de contrôle sur l’accès au réseau, avec l’extension de l’avis concernant non plus seulement le sillon mais les installations de service, les gares, les ateliers, les installations des fournisseurs d’énergie… Cela pose d’ailleurs des problèmes parce que certaines sont gérées aujourd’hui par SNCF Mobilités. Un rôle nouveau a été confié à l’Agence en matière de rétablissement des équilibres financiers du système de transport ferroviaire avec notamment les avis qu’elle doit formuler sur les projets de contrats entre l’État et les établissements de la SNCF – et notamment SNCF Réseau. Une grande inquiétude subsiste sur l’évolution économique et financière du secteur ferroviaire et notamment sur la question de la dette de la SNCF qui semble hors de maîtrise.

Parmi les nouvelles missions assignées au régulateur, figure le suivi des marchés de services de transport ferroviaire, en particulier le suivi de la situation de la concurrence, qui a conduit à la création d’un observatoire des marchés, multimodal depuis qu’il prend en compte le secteur de l’autocar. Cet observatoire est un outil au service et de l’exécutif et du législateur pour tout ce qui concerne les décisions en matière de politique de transport.

Après la loi de 2014, la loi Macron de 2015 a ouvert à l’ARAFER un nouveau champ de compétences en matière de régulation de transport routier de voyageurs, avec les missions que vous connaissez : accompagnement de la libéralisation pour les lignes de moins de 100 kilomètres – il s’agit d’éviter toute concurrence déloyale avec les services concédés et, notamment, les TER – ; suivi du marché avec la publication d’un rapport annuel – on sait ainsi qu’entre le dernier trimestre 2015 et le premier trimestre 2016, la fréquentation des lignes d’autocars mises en place a connu une augmentation de 80 % – ; enfin, régulation des gares routières – sujet essentiel si l’on veut assurer l’égal accès de tous les opérateurs autocaristes au réseau routier. Or, la réglementation en la matière date de l’ordonnance de 1945 ; autrement dit, le statut des gares routières n’a été modifié depuis ni par la loi ni par décret. Il a donc été décidé d’ouvrir un registre des gares routières, gares dont l’accès est contrôlé par l’ARAFER.

Enfin, en ce qui concerne la régulation du secteur autoroutier, l’ARAFER a pris des décisions pour contester la composition des marchés de sociétés concessionnaires d’autoroutes. Pour ce qui est du suivi économique et financier des contrats de concession, l’Autorité rend un avis simple sur les nouveaux projets, sur les avenants de contrats quand ils ont un impact, sur la tarification ou sur la durée des contrats, et publie des rapports annuels sur les comptes des concessionnaires et leur rentabilité, ce qui évitera la réitération des mauvaises surprises de 2015, lorsque nous avons pris connaissance du rapport de la Cour des comptes et de l’Autorité de la concurrence sur les marges dégagées par certaines sociétés d’autoroute.

M. Pierre Cardo m’a fait part de deux catégories de difficultés. La première concerne les moyens : entre 2015 et 2016, alors que toutes les compétences nouvelles prévues par la loi Macron ont été assumées par l’ARAFER, ni le budget – 11,1 millions d’euros – ni les moyens en personnels – 68 équivalents temps plein, à savoir une petite structure, ce qui ne retranche rien à sa qualité – n’ont été augmentés. Aussi le président Pierre Cardo a-t-il demandé que l’effectif théorique soit porté à 77 équivalents temps plein. Le Gouvernement s’est engagé à apporter une réponse dans le cadre du projet de loi de finances pour 2017. Or, comme ce n’est pas le Gouvernement mais le Parlement qui fait le budget, ce dernier sera sans doute attentif à ce que ces engagements soient tenus.

M. Martial Saddier. Vous savez que nous nous heurterons à l’article 40 de la Constitution et que nous ne pourrons rien faire.

M. Bernard Roman. Le second frein évoqué par Pierre Cardo est essentiel : il s’agit des limites de l’accès aux données destiné à renforcer l’expertise du régulateur. Pour la pertinence de ses analyses, par conséquent de ses décisions, le régulateur a un besoin crucial de données sur les marchés qu’il régule. Si tout a très bien fonctionné dans le domaine routier, l’opérateur historique dans le secteur ferroviaire – la SNCF – a manifesté des réticences à la collecte de données qui relèveraient du secret commercial. La loi a, depuis peu, réaffirmé le droit d’accès du régulateur à ces informations en renforçant la base juridique de la transmission des données et en l’assortissant d’un pouvoir de sanction. Il restera à faire en sorte que la SNCF joue le jeu, comme les autocaristes le jouent pour leur part depuis octobre 2015 et, surtout, depuis janvier 2016.

Troisième point : quelles seront les missions du président et du collège de l’ARAFER pour les mois et les années qui viennent ?

Dans un premier temps, il s’agira de poursuivre un certain nombre de chantiers engagés par Pierre Cardo et les équipes de l’ARAFER depuis six ans. Le premier chantier qui me semble essentiel consiste à réaffirmer sans cesse l’indépendance de l’ARAFER : c’est sa raison d’être. Dans les différents pays de l’Union européenne, toutes les autorités n’ont pas le même degré d’indépendance vis-à-vis de leur gouvernement. Mais, si l’ARAFER a réussi, c’est bien grâce à son indépendance – qui se juge à l’aune de ses décisions. L’autorité a rendu de nombreux avis négatifs sur un certain nombre de projets de décrets qui lui étaient soumis dans le cadre de la mise en œuvre de la réforme ferroviaire, notamment sur les missions et les statuts des trois établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC) du groupe ferroviaire. Elle s’est en outre opposée – spectaculairement –, en mars dernier, à la nomination de M. Jean-Pierre Farandou à la présidence de SNCF Réseau. Elle a émis des réserves ou des avis négatifs sur la fixation des tarifs des péages ferroviaires, sur l’élaboration du document de référence du réseau, qui donne lieu, depuis plusieurs années, à des contestations par l’ARAFER dans le cadre de son avis conforme. Quant à SNCF Mobilités, l’ARAFER a critiqué le référentiel de séparation comptable de l’activité fret SNCF et la fixation des redevances pour les prestations de Gares et Connexions pour 2017. Cette question devra de nouveau être examinée d’ici à la fin de l’année dans le cadre de l’élaboration du document de référence du réseau pour 2018.

Reste qu’il n’y a pas d’indépendance sans indépendance financière. J’ai déjà évoqué le fait que le budget était demeuré au même niveau en 2015 et en 2016. Il est essentiellement consacré aux ressources humaines de l’ARAFER qui a besoin de l’expertise de ses personnels pour mener à bien ses missions.

J’en viens aux interactions de l’ARAFER. On ne peut pas être un régulateur si l’on n’est pas en interaction permanente avec tous les acteurs du transport tant au niveau national qu’au niveau européen. Grâce à des rendez-vous réguliers, que ce soit avec les services du ministère ou avec les différents opérateurs, désormais avec les régions – devenues des acteurs essentiels de l’organisation du transport sur le plan national –, Pierre Cardo a permis de « densifier » les prises de décision de l’ARAFER. Il en va de même au plan européen puisqu’existe un dispositif fédérateur de l’ensemble des régulateurs européens : le réseau Independent Regulators Group-Rail (IRG-Rail). On doit compter également avec des relations bilatérales, la plus notable étant celle qui lie la France et la Grande-Bretagne – à cet égard, d’ailleurs, le Brexit posera quelques problèmes sur les conditions d’accès au tunnel sous la Manche. Je me propose de poursuivre, sinon d’amplifier l’interaction entre l’ARAFER et les différents acteurs du transport en ce qu’elle est essentielle, j’y insiste, pour éclairer toutes les décisions qui doivent être prises.

Enfin, j’entends poursuivre l’action de Pierre Cardo en matière de transparence. On n’imagine pas ce que serait l’état de la connaissance du secteur des transports si l’ARAFER n’existait pas. Elle s’est en effet, depuis peu, au-delà de ses pouvoirs d’investigation, de contrôle, de sanction, assigné une mission de « fournisseur de transparence », si l’on peut dire, dans les trois secteurs d’activité qu’elle régule, cela à travers l’instauration de l’observatoire du marché des transports. Cet observatoire donne d’utiles éclairages sur l’évolution de l’organisation du transport en France. L’ARAFER a également pour obligation de fournir des rapports au Parlement et elle publie systématiquement ses avis. Tout cela contribue à l’enrichissement de la réflexion, à l’amélioration du fonctionnement de ces marchés. Bref, elle est un outil remarquable au service des décideurs, qu’il s’agisse du Gouvernement ou du Parlement.

Second temps, après la poursuite d’un certain nombre d’actions, il convient d’aborder les rendez-vous programmés. J’ai déjà évoqué la refonte de la tarification de l’utilisation du réseau, à la suite des recommandations publiées au début de l’année par l’ARAFER, avec une échéance pour l’horaire de service qui est le DRR 2018. J’ai appris – comme je vous l’ai indiqué, je ne suis pas un spécialiste de cette question, même si j’espère le devenir – que l’on devait donner un avis conforme sur le DRR 2018 à la fin 2016. Il s’agira donc de discuter, d’ici à la fin de l’année, de l’ensemble des avis de l’ARAFER sur la tarification des sillons, sur les gares, sur la nécessité de modifier les conditions de calcul des redevances – calcul devant porter non plus sur des lignes mais sur des morceaux de ligne cohérents. Il s’agira en outre d’examiner la refonte de la tarification de l’utilisation du réseau, le suivi de l’exécution du contrat qui sera – très rapidement je l’espère – conclu entre l’État et SNCF Réseau – cet enjeu est capital pour l’avenir : ce contrat doit porter sur dix ans ; or c’est sur la durée que l’on peut gérer l’équilibre financier, ou plutôt, ici, le déséquilibre financier puisque nous en sommes à 40 milliards d’euros de dettes ! Il faudra donc examiner la question de savoir comment, dans la décennie à venir, gérer les gains de productivité annoncés de SNCF Réseau.

J’en viens à la refonte du modèle économique et tarifaire des gares des voyageurs et au statut de ces dernières. Vous savez que les gares ont, schématiquement, deux propriétaires : SNCF Réseau pour les quais et Gares et connexions, une direction de SNCF Mobilités, pour le reste et qui est le plus rentable.

M. Martial Saddier. Ce sont les collectivités qui paient.

M. Bernard Roman. Pas toujours, il existe de nombreux modèles pour les quelque 3 000 gares françaises. Reste que le statut de ces gares est en débat. Pour garantir l’égal accès au réseau, il paraît clair qu’elles ne pourront pas rester dans le champ de compétence de SNCF Mobilités. L’ARAFER souhaite que ce soit une filiale de SNCF Réseau qui les prenne en charge, certains évoquant la création d’un quatrième EPIC – pourquoi pas ? –, d’autres évoquant les régions.

M. Martial Saddier. En effet !

M. Gilles Savary. Mais les régions n’en veulent pas !

M. Bernard Roman. Je ne fais qu’exposer les problèmes auxquels nous allons être confrontés.

Le deuxième rendez-vous concerne l’achèvement de l’ouverture du marché à la concurrence. Le quatrième paquet ferroviaire prévoit en effet l’ouverture des lignes non concédées au 1er décembre 2020, la possibilité d’ouvrir les lignes concédées à partir de 2023 et une obligation d’appel d’offres à partir de 2024. Nous devons nous y préparer. Il ne revient pas à l’ARAFER d’y procéder mais elle a pour mission, grâce à sa connaissance du marché, des acteurs, des enjeux, d’éclairer le Gouvernement et le Parlement sur la définition du cadre devant assurer la réussite de la libéralisation. L’ARAFER doit par conséquent être, de ce point de vue, une force de proposition. Elle devra veiller à l’indépendance de SNCF Réseau, à préserver cette « muraille de Chine » évoquée tant de fois au sein de la présente commission à l’occasion de la discussion du projet de loi de 2014 portant réforme ferroviaire. Surtout, l’ARAFER devra vérifier que le contrôle des règles de séparation comptable de SNCF Mobilités soit réellement effectué.

Enfin, troisième et dernier rendez-vous, il conviendra d’exercer au mieux les nouvelles compétences prévues par la loi Macron en ce qui concerne les gares routières pour le transport des passagers ; surtout, il faudra assurer une vigilance de tous les instants sur l’évolution du secteur autoroutier ainsi que sur le bilan annuel des concessions et, en la matière, vérifier le juste partage des risques entre le public et le privé.

Pour conclure, le renforcement des missions de l’ARAF, avec la création de l’ARAFER, témoigne à la fois de la confiance placée dans un régulateur indépendant, et de la réussite de l’affirmation de cette indépendance, cruciale pour l’accomplissement des tâches que le législateur lui a confiées. C’est ce défi que j’ai totalement conscience de devoir relever en me présentant à vous.

M. Rémi Pauvros. Monsieur Bernard Roman, votre intervention liminaire démontre votre parfaite connaissance de ces sujets.

L’ARAFER est une autorité publique indépendante qui a pour mission de veiller au bon fonctionnement du marché ferroviaire. Véritable régulateur du transport multimodal, en particulier depuis que son domaine d’intervention a été étendu aux autoroutes, aux lignes d’autocar et au tunnel sous la Manche, elle émet des avis contraignants et peut, par sa commission ad hoc, prononcer des sanctions. Si je rappelle ses compétences, c’est pour mieux conforter le choix du Président de la République.

Vous êtes en effet, monsieur Bernard Roman, totalement engagé au service de l’intérêt général et du service public. En témoignent votre carrière professionnelle – vous avez été enseignant, haut fonctionnaire territorial, avocat – et vos mandats électifs, qui vous ont permis de devenir un spécialiste du droit public et de la gestion des ressources humaines. Premier adjoint au maire de Lille chargé des finances et du personnel de 1983 à 2004, premier vice-président du conseil régional du Nord-Pas-de-Calais chargé des finances de 2004 à 2012, vous avez eu à connaître des négociations entre la SNCF et RFF. Vous avez également présidé la commission des lois de notre assemblée, dont vous êtes le premier questeur depuis 2012. Autant d’expériences qui vous permettront d’assumer sans difficultés votre nouvelle mission – ce dont, je le sais, aucun de nos collègues ne doute.

Le premier président de l’ARAF puis de l’ARAFER, Pierre Cardo, à qui je veux rendre hommage, a donné toute sa dimension à cette institution et a su affirmer son indépendance. Je sais qu’il en sera de même pour vous, car je connais votre capacité à résister aux pressions, qu’elles soient amicales ou non, surtout lorsqu’il s’agit de défendre les principes fondamentaux qui fondent votre engagement au service de la population. M. Pierre Cardo a élaboré une doctrine dont l’objectif était de permettre à tous de comprendre la logique qui préside aux décisions de l’ARAFER. Souhaitez-vous vous inscrire dans cette démarche en écrivant de nouvelles pages de cette doctrine ?

L’ARAFER, dont les missions ont été étendues, est une institution en pleine croissance. À preuve, le nombre d’avis et de décisions qu’elle a rendus a doublé entre 2014 et 2015 et plus que triplé par rapport à l’an dernier, puisqu’elle a produit 85 textes au cours des six premiers mois de cette année, contre 44 en 2015. Vous avez évoqué la problématique des moyens financiers et humains ; nous serons amenés à y revenir au cours des prochaines années. Malgré l’élargissement de ses missions, l’autorité a continué à exercer ses pouvoirs de police, de poursuite et d’investigation. Souhaitez-vous poursuivre dans cette voie ou envisagez-vous d’externaliser ces pouvoirs ?

En ce qui concerne l’état du réseau et la dette de SNCF Mobilités et de SNCF Réseau, votre prédécesseur a souligné la contradiction qui existe entre la nécessité de rénover le réseau et la construction de nouvelles lignes à grande vitesse. Quelle est votre approche de cette question importante ?

L’entrée en vigueur du quatrième paquet ferroviaire et l’ouverture à la concurrence des transports ferroviaires internationaux de voyageurs en 2020 pour les grandes lignes et en 2026 pour les lignes régionales constitueront une part importante de votre mission. Comment entendez-vous garantir l’accès de tous les opérateurs au réseau ferroviaire national ? Comment appréhendez-vous la « tentative de reprise en main », dixit votre prédécesseur, de l’appareil d’État sur la nécessité d’assurer une régulation indépendante, indispensable pour l’ouverture du trafic et pour le prix des péages, puisque l’on a assuré la refonte de l’utilisation du réseau, et la clarification, à travers un contrat éventuel, des rapports entre l’État et la SNCF Réseau ?

Votre prédécesseur a beaucoup insisté sur la nécessité de modifier la gestion des gares et de moderniser les systèmes de gestion des sillons, aujourd’hui assurée par le logiciel Thor créé en 1982 et devenu complètement obsolète.

Vous avez largement évoqué la nouvelle compétence confiée à l’ARAFER concernant les autocars ; je n’y reviens donc pas. Je confirme cependant que votre rôle consistera à assurer un équilibre et à éviter une concurrence, dans chaque territoire concerné, avec les TER et les trains d’équilibre du territoire.

S’agissant du secteur autoroutier, votre rôle sera relatif. Il doit néanmoins vous conduire à vérifier les taux de rentabilité interne de chaque concession. Comment comptez-vous aborder ce qui sera un autre de vos chantiers majeurs ?

En conclusion, je réaffirme le soutien total du groupe socialiste, écologiste et républicain à la proposition de vous nommer à la présidence de l’ARAFER. Dans un monde ouvert et décentralisé, vous saurez, j’en suis convaincu, positionner au mieux le service public ferroviaire dans un environnement concurrentiel et réguler les différents acteurs routiers et autoroutiers.

M. Jean-Marie Sermier. L’ouverture du secteur ferroviaire à la concurrence exigeait la création d’une autorité indépendante chargée de garantir la loyauté et la transparence de cette concurrence. Une loi du 8 décembre 2009 a ainsi créé l’ARAF, devenue l’ARAFER avec l’extension de son champ de compétence au transport routier interurbain, aux autoroutes concédées et au tunnel sous la Manche. Cette autorité a été présidée par l’un de nos anciens collègues, Pierre Cardo, dont je salue les qualités ; elles lui ont permis d’accomplir, en dépit d’un budget contraint, sa mission et la tâche ardue qui consiste à présider une structure nouvelle. Ainsi l’ARAFER produit aujourd’hui quatre à cinq fois plus de documents qu’il y a cinq ans, parmi lesquels des avis qui éclairent le Parlement et le Gouvernement.

Le mandat de Pierre Cardo, qui arrive à son terme, ne peut être renouvelé et le Président de la République envisage, monsieur Bernard Roman, de vous confier sa succession. Vous êtes, en tant qu’élu, une personnalité politique ; votre nomination est donc politique, comme le fut celle de M. Pierre Cardo. (Murmures)

Mes collègues du groupe Les Républicains vous interrogeront donc sans doute sur votre conception de l’indépendance du président de l’ARAFER vis-à-vis du Gouvernement, quelle que soit la majorité dont celui-ci est issu. Mais sachez qu’à titre personnel, je préfère une nomination politique assumée à celle d’un collaborateur d’un ministre à la recherche d’un point de chute…

Plusieurs députés. On ne comprend pas à quoi vous faites référence. (Rires)

M. Jean-Marie Sermier. En tout état de cause, vous avez su faire preuve, dans les fonctions qui ont été les vôtres, de qualités professionnelles et humaines et vous êtes apprécié du plus grand nombre, au-delà des clivages politiques.

Comment concevez-vous votre rôle dans le cadre de l’ouverture à la concurrence du secteur ferroviaire, qui permettra notamment à des entreprises étrangères d’exercer leur activité sur le territoire français. Est-ce, selon vous, une bonne ou une mauvaise chose ? Les emplois des entreprises françaises ne risquent-ils pas d’être affectés par cette évolution ? Comment contrôler la trajectoire financière de la SNCF, dont on sait qu’elle est en grande difficulté ? Comment contrôler le financement des sociétés autoroutières, dont un certain nombre de collègues ont amplement critiqué les ressources, et vérifier qu’il est conforme à l’intérêt général ? Enfin, la loi Macron a ouvert à la concurrence le transport routier, notamment sur les lignes de moins de 100 kilomètres. Quelle est votre réflexion sur la concurrence entre le train et l’autocar ?

Je dirai, pour conclure, que si le fait de vous connaître nous rassure, nous avons néanmoins quelques inquiétudes quant à l’indépendance de l’autorité, ce qui conduira sans doute un certain nombre de membres du groupe Les Républicains à choisir une abstention bienveillante. (Murmures sur divers bancs)

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Merci pour vos propos, monsieur Sermier.

M. Bertrand Pancher. Je rappelle, en préambule, que le groupe Union des démocrates et indépendants a voté la réforme ferroviaire. Celle-ci a notamment confié un véritable rôle à l’ARAFER, à l’indépendance de laquelle nous sommes très attachés. Cette autorité a vu ses compétences étendues notamment aux autoroutes. S’agissant de la tarification autoroutière, nous avons refusé de jeter de l’huile sur le feu, souhaitant que les contrats soient soumis à un regard extérieur afin d’apaiser la vive controverse dont ils ont fait l’objet. Nous avons donc besoin d’un régulateur équilibré. Tel ne serait pas le cas, du reste, si nous avions un véritable ministre des transports – on a parfois le sentiment que M. Guillaume Pepy est secrétaire d’État – et si le Parlement disposait de moyens d’expertise à même de nous permettre de nous forger une opinion sur la situation complexe du système ferroviaire français.

Ce régulateur doit avoir à sa tête un président compétent. Compétent, vous l’êtes, cher collègue, même si les conditions de votre nomination ont suscité des interrogations, dont je me suis fait l’écho dans un communiqué de presse assez vif. Non pas que nous pensions qu’il ne faut pas nommer des personnalités politiques à la tête de tels organismes, au contraire : cela peut parfois permettre à ces derniers de jouer davantage leur rôle. Mais nous aurions préféré que nous soit proposée la nomination d’un expert plus confirmé des politiques de transport, qu’il appartienne ou non à cette assemblée. Cependant, vous avez l’image d’une personnalité compétente, engagée, intègre, et cela nous rassure.

L’ARAFER est un organisme de contrôle mais aussi de proposition, et c’est à ce point que je souhaiterais consacrer la fin de mon intervention. S’agissant de l’ouverture à la concurrence du secteur ferroviaire, nous souhaitons que l’on fasse preuve de prudence. Non pas que nous soyons opposés à l’ouverture à la concurrence, mais il faut prendre garde de ne pas casser cette grande machine qu’est la SNCF. Des phases expérimentales sont prévues. Que pensez-vous d’un éventuel renforcement du rôle de l’opérateur et des nouvelles missions qui pourraient être confiées aux régions ?

Par ailleurs, nous souhaitons que l’EPIC de tête de la SNCF joue réellement son rôle d’arbitre et de coordinateur, rôle qui doit être renforcé. Quelle est votre approche de ce sujet ? S’agissant des conditions d’équilibre des investissements futurs, non seulement la règle d’or n’a pas été d’application immédiate, mais les décrets d’application n’ont toujours pas été publiés : on repousse sans cesse à demain de nouveaux déficits. Quel regard portez-vous sur cette question ?

Enfin, nous souhaiterions sortir par le haut du problème de la tarification autoroutière. Il faut reconnaître que l’État n’a pas été très clair sur ce point. Nous attendons donc davantage de transparence, notamment grâce à des communications et à des informations très claires de l’ARAFER.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Il est vrai que nous aimerions pouvoir prendre connaissance du protocole d’accord, conclu en avril 2015, entre les sociétés d’autoroutes et l’État. Peut-être le futur président de l’ARAFER pourra-t-il obtenir, s’il le demande, communication de ce document…

M. Martial Saddier. Le groupe Les Républicains a contesté une partie du contenu de la réforme ferroviaire, notamment la création de l’EPIC de tête. Cette réforme comportait néanmoins une note d’espoir : la création de l’ARAFER, dont nous avons souhaité conforter l’indépendance et les prérogatives. Je vous remercie, monsieur Bernard Roman, d’avoir salué Pierre Cardo, qui fut en effet un président d’exception pendant cette période de mise en œuvre de la réforme. Il a fait preuve d’indépendance, de lucidité et de courage en prenant des décisions qui ont permis que la réforme ferroviaire ne parte pas à la dérive au cours des premiers mois de son application.

Vous avez été amené, tout au long de votre parcours, à exercer vos compétences en matière de gestion financière ; vous en aurez bien besoin, compte tenu de la situation. Par ailleurs, vous ne vous êtes pas étendu sur la question des autoroutes, qui est très importante pour l’aménagement du territoire et le développement économique du pays. Pouvez-vous revenir sur ces enjeux ?

Enfin, si le statut des gares n’a pas évolué dans la réforme ferroviaire, ce n’est pas à cause du Parlement. Nous avions en effet déposé une cinquantaine d’amendements sur le rôle des collectivités territoriales, et pas uniquement le conseil régional, ainsi que sur le devenir du matériel roulant une fois qu’il est amorti. Hélas, le Gouvernement nous avait alors opposé une fin de non-recevoir.

M. Yannick Favennec. M. Pierre Cardo, à qui vous avez rendu un hommage auquel nous nous associons, a dressé un constat assez sombre de la situation du ferroviaire en France, se disant très préoccupé pour les prochaines années. Il est vrai que la dette de SNCF Réseau a encore augmenté de 3 milliards d’euros l’an dernier. M. Pierre Cardo s’est également interrogé sur l’opportunité de lancer des études sur de futures lignes à grande vitesse qui ne verront peut-être jamais le jour alors qu’il faut travailler sur la rénovation du réseau et sur les nœuds ferroviaires : Paris, Bordeaux, Lyon, notamment. Selon lui, SNCF Réseau n’a pas les moyens financiers et humains nécessaires et les efforts sont insuffisants face à la dégradation rapide du réseau. Je souhaiterais donc savoir si vous partagez ce constat et comment vous envisagez de traiter ce problème si vous êtes nommé à la tête de l’ARAFER.

M. Gilles Savary. Je veux tout d’abord dire à notre collègue Bernard Roman combien j’ai été impressionné par son exposé préliminaire, qui correspond à ce que l’on peut attendre de ce type d’exercice. Je n’en suis pas étonné. Je suis de ceux qui souhaitaient qu’à cette étape du développement de l’ARAFER, qui a encore besoin de faire ses preuves, on nomme à sa tête un politique plutôt qu’un fonctionnaire qui aurait éventuellement terminé sa carrière dans son corps d’origine et dont l’état de dépendance aurait été forcément plus fort.

Le système ferroviaire et autoroutier est très opaque ; il est géré jusqu’à présent par la raison d’État et par des personnes soumises à une certaine discipline dès lors qu’elles sont nommées par décret. S’agissant des autoroutes, un protocole d’accord a été négocié par des députés qui n’y ont pas eu accès le jour où il a été signé ; il y a donc bien des dysfonctionnements considérables de l’État. Quant à notre système ferroviaire, il a à relever d’immenses défis. M. Pierre Cardo s’est efforcé d’assurer un minimum de transparence afin que nous puissions être informés de ce qui se passe dans cette boîte noire gérée par les cabinets, la haute administration et le ministre. Il est en effet très important que l’on puisse prendre conscience de l’état du système ferroviaire, ce qui n’est pas le cas de tous les acteurs, y compris des acteurs syndicaux, qui parfois le bloquent. L’autorité de régulation doit donc être suffisamment forte, sans se prendre pour l’État ou pour l’opérateur ferroviaire, pour assurer une surveillance intransigeante.

Vous devrez contrôler la trajectoire financière de la SNCF, dont la dette n’est pas de 40 milliards mais de 51 milliards si l’on ajoute à celle de SNCF Réseau celle de SNCF Mobilités. Au lieu d’être réduite de 1,5 milliard comme cela était prévu lors de la réforme ferroviaire, elle a augmenté de 3 milliards, pour des raisons qui tiennent au lancement de quatre lignes à grande vitesse. Nous allons donc dans le mur ! Pour le moment, le faible niveau des taux d’intérêt l’éloigne un peu, mais une augmentation de ces derniers pourrait provoquer très rapidement un collapsus du système ferroviaire français qui est l’un des plus brillants d’Europe au plan technique.

Vous devrez également être intransigeant sur la mise en œuvre de la règle d’or, dont on dit qu’elle serait tripatouillée pour que puissent être acceptées de nouvelles voies LGV, alors que le modèle économique des LGV se dégrade de manière très préoccupante et que l’on souhaite, par ailleurs, développer les trains du quotidien.

Vous aurez, bien entendu, à surveiller la crédibilité des contrats d’objectifs, très importants dans la réforme ferroviaire puisqu’ils doivent conduire l’État à afficher un plan d’investissement crédible qui ne pénalise pas le système ferroviaire. Ils doivent permettre de le rénover et de le relancer, sans pour autant s’apparenter, comme ce fut le cas avec le SNIT (Schéma national des infrastructures de transport), à une corne d’abondance permettant de financer tous les projets de France.

Par ailleurs, comment mesurer la productivité du système en l’absence de comptabilité analytique ? Il y a deux ans, on nous disait, dans le cadre de la réforme ferroviaire, que des économies seraient réalisées à hauteur de trois fois 500 millions. Aujourd’hui, on nous dit que ces économies sont pratiquement atteintes : comment s’en assurer ? Nous sommes là dans le domaine de la prestidigitation…

Enfin, il faudra gérer l’ouverture du rail à la concurrence. En la matière l’ARAFER devra être non seulement une autorité de la concurrence, mais aussi une autorité du ferroviaire, attentive aux grands équilibres. S’agissant de la route, de nouveaux champs vont s’ouvrir, qu’il s’agisse du transport particulier de personnes, dans lequel l’État a du mal à jouer un rôle de régulateur, ou des poids lourds.

En tout état de cause, je voterai sans aucune difficulté en faveur de votre candidature, car il s’agit d’une bonne candidature. Pour être tout à fait honnête, ce n’est peut-être pas l’avenir du système ferroviaire qui l’a motivée, mais celui-ci n’aura pas à s’en plaindre. (Rires)

M. David Douillet. L’ARAFER agit sur les règles de fonctionnement encadrant le système ferroviaire et routier. Elle doit notamment faire preuve de bienveillance sur des marchés auparavant liés à des secteurs nationalisés et désormais ouverts au secteur privé. Or – n’y voyez pas une pique de ma part – votre parcours, très impressionnant, est limité au secteur public. J’espère que vous aurez néanmoins la sagesse d’accorder la même considération aux acteurs privés et publics lorsqu’il s’agira de réguler ces marchés qui manipulent des sommes colossales, dans le secteur ferroviaire comme dans le secteur autoroutier. Mais, au vu de la longueur et de la qualité de votre curriculum vitae, la sagesse devrait l’emporter, comme ce fut le cas chez Pierre Cardo.

J’espère également que vous veillerez scrupuleusement à ce que les investissements nécessaires à la qualité des rails et du transport ferroviaire en général, qui ont fait défaut jusqu’à présent, soient au rendez-vous, notamment en Île-de-France, pour garantir la sécurité des voyageurs.

Je souhaite que vous soyez tout aussi vigilant vis-à-vis des gares, autant de sas où la sécurité est essentielle dans le contexte actuel. Il vous appartiendra de vous prononcer sur la tarification des prestations de sécurité ferroviaire. Cette compétence sera-t-elle étendue à la sécurité de nos concitoyens dans les gares, laquelle doit être garantie à tout moment ?

M. Lionel Tardy. Monsieur le premier questeur, je ne fais pas partie des députés qui considèrent comme un problème la nomination à la tête de l’ARAFER d’un politique – lequel est censé pouvoir traiter tous les sujets. Le mandat de Pierre Cardo, ancien député, n’a-t-il pas été unanimement salué, notamment pour avoir permis de favoriser l’indépendance de cette autorité administrative ?

On a toutefois pu lire ici ou là que votre nomination relevait d’un jeu de billard interne au parti socialiste, destiné à libérer votre circonscription en vue des prochaines élections législatives. Ce ne serait pas étonnant : M. François Hollande a l’habitude de ce genre de cuisine (Exclamations de désapprobation), qui finira sans doute par favoriser l’abstention et les extrêmes plutôt que François Lamy, appelé à vous succéder en 2017 dans la première circonscription du Nord. (Exclamations sur les bancs du groupe Socialiste, écologiste et républicain.) La semaine dernière, en commission des affaires économiques, nous avons vu le même procédé à l’œuvre avec la proposition de nomination à la tête de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) de Philippe Mauguin, directeur de cabinet du ministre de l’agriculture. Tout cela, bien éloigné de la « République exemplaire », inspire une grande lassitude. J’espère que votre mandat à la tête de l’ARAFER n’en sera pas entaché.

Comme bien des parlementaires de l’opposition, M. Pierre Cardo regrette que la réforme ferroviaire de 2014 n’ait pas fourni l’occasion d’ouvrir le rail à la concurrence. Qu’en pensez-vous ? M. Pierre Cardo regrette également que le contrat de performance entre l’État et SNCF Réseau, attendu depuis deux ans, ne soit toujours pas signé. Que comptez-vous faire pour hâter sa conclusion ?

Êtes-vous préoccupé par l’état du réseau ferroviaire français ?

M. Guillaume Chevrollier. Vous avez parlé d’« humilité » et d’« honneur », mais la proposition de vous nommer est très politique. Vous l’avez dit vous-même : vous avez peu d’expérience du domaine ferroviaire et routier. En revanche, votre curriculum vitae, très transparent et détaillé, fait état d’une riche expérience politique et les mots « parti socialiste » y reviennent toutes les trois lignes… Dès lors, comment pouvez-vous nous garantir que vous ferez preuve d’indépendance vis-à-vis du gouvernement actuel dans l’exercice de votre mission ?

Cette mission s’annonce difficile à l’heure où la compétence de l’ARAFER évolue pour s’étendre au transport par autocar et au secteur autoroutier, où se joue l’ouverture à la concurrence et où les déficits s’accumulent – vous avez parlé de 40 milliards d’euros de dette. M. Pierre Cardo, votre prédécesseur, se dit inquiet quant à l’avenir du réseau ferré français. Qu’en pensez-vous ? Dans ce contexte, qu’est-ce qui vous incite à accepter le poste et comment comptez-vous redresser la situation, notamment financière ?

M. Gérard Menuel. Je salue moi aussi le travail de Pierre Cardo, mais également la qualité de votre présentation, monsieur Bernard Roman. Vous avez devant vous un chantier colossal, dans le secteur autoroutier comme dans le secteur ferré, où vous devrez faire face à l’ouverture à la concurrence et à une dette considérable qui atteint 40, voire 50 milliards d’euros.

Or le budget dont vous disposerez ne dépasse pas quelque 11 millions d’euros et le nombre de vos collaborateurs est assez faible au regard de la mission dont vous serez chargé. Comment pensez-vous faire évoluer la source de financement de l’autorité pour rendre celle-ci moins dépendante de la SNCF, qui ne lui apporte aujourd’hui pas moins de 8 millions d’euros ?

M. Bernard Roman. Il est un peu frustrant de ne pas avoir plus de temps pour vous répondre, mais je dois bientôt vous quitter pour être auditionné par vos homologues du Sénat. Je vais donc m’efforcer de traiter de manière synthétique les différentes questions que vous avez soulevées, en vous livrant un point de vue par définition subjectif qui vous éclairera sur l’état d’esprit dans lequel je prendrai mes fonctions, si les deux commissions de l’Assemblée et du Sénat n’y opposent pas leur veto.

Je tiens à vous remercier de la tonalité générale de vos interventions. J’ai trop de respect pour la démocratie, celle-ci est trop belle à mes yeux pour que je ne respecte pas aussi la diversité des opinions. Il est normal, conforme à notre mission, que nous défendions chacun notre point de vue, mais j’ai toujours respecté mes adversaires politiques – ou plutôt mes concurrents, un terme que j’ai préféré utiliser lors de toutes les campagnes électorales auxquelles j’ai pris part. Je le dis d’autant plus volontiers que, si je suis nommé, je ne serai plus candidat dans aucune élection. Je viens d’entendre, chose rare, des compliments, venus qui plus est des députés de l’opposition ; j’y ai été très sensible et je les en remercie.

Pour moi, l’indépendance est au cœur de ce qui fait la force de l’ARAFER. En France, il existe six ou sept autorités indépendantes. Permettez au juriste que je suis de rappeler que la première d’entre elles, la CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés), est née en 1978 de l’émotion qu’avaient manifesté, quatre ans plus tôt, des parlementaires et l’opinion publique face à la proposition de créer un fichier administratif national. Sans la CNIL, je doute que nos libertés auraient été préservées comme elles l’ont été malgré le développement de l’informatique. Le domaine qui nous occupe aujourd’hui n’est pas du tout le même, mais la problématique est identique : l’autorité indépendante doit permettre l’exercice de certaines fonctions et missions.

Sachez que je ne suis pas l’auteur du curriculum vitae qui vous a été distribué : il a été établi par Europresse et transmis par mon secrétariat à celui de la commission. Il comporte au demeurant quelques erreurs. Par ailleurs, il ne précise pas que j’ai été chargé du développement économique de la métropole lilloise, comme vice-président, et de la ville de Lille, comme adjoint au maire, ni que j’ai présidé une société de développement économique, Euralille, qui a construit en une dizaine d’années l’un des plus grands centres d’affaires autour d’une gare TGV qui existe dans notre pays. À ce titre, j’ai entretenu des relations avec le monde libéral, et non avec les seules administrations.

Que nos collègues du groupe Les Républicains et de l’Union des démocrates et indépendants qui m’ont interrogé à ce sujet soient rassurés : mes collègues socialistes ici présents pourront témoigner de l’indépendance dont j’ai su faire preuve sur différents sujets qui me tenaient à cœur, y compris au cours de l’actuelle législature, vis-à-vis du Gouvernement comme du Président de la République, alors même que je suis considéré comme un proche à la fois de celui-ci et du Premier ministre. L’indépendance, c’est sacré : c’est ce qui fait que l’on peut se regarder dans la glace tous les matins, parce que l’on est soi-même. Je serai moi-même, je serai indépendant et j’affirmerai, comme l’a fait Pierre Cardo, l’indépendance de l’ARAFER.

J’en viens, plus prosaïquement, à la question de la dette. J’ai évoqué celle du réseau, mais M. Gilles Savary a raison de dire que celle des deux entités cumulées dépasse 50 milliards d’euros. La dette de SNCF Réseau, qui atteignait 37 milliards en 2014, a augmenté de quelque 3 milliards pour dépasser les 40 milliards. Surtout, elle semble hors de contrôle. Sans être encore entré dans la logique du travail de l’ARAFER – je m’en suis bien gardé, n’étant rien vis-à-vis d’elle, et ce jusqu’à la signature du décret présidentiel –, je ne crois pas que l’autorité pourra se dispenser de formuler des propositions structurantes en vue de sortir de cette situation. Si nous n’en sommes pas sortis, c’est parce que la dette n’est pas maastrichtienne. Cela vaut pour tous les gouvernements, de droite comme de gauche. Si la dette avait été maastrichtienne, elle n’aurait pas été considérée ni traitée de la même manière.

Cette dette se compose de deux éléments. Premièrement, la dette historique, qui date de la création de RFF et était portée par la SNCF ; elle représentait à l’époque 163 milliards de francs, soit environ 20 milliards d’euros. Aujourd’hui, nombre des acteurs et des observateurs du monde ferroviaire s’interrogent : est-ce vraiment à eux de la porter ? Ne doit-elle pas être prise en charge par l’État ? La question mérite d’être posée. Cette dette génère chaque année – dans un contexte de taux faibles – 500 à 700 millions d’intérêts qui doivent être déboursés par SNCF Réseau et rejaillissent donc sur les tarifs et sur les droits de péage.

Deuxièmement, la dette engagée ensuite par la SNCF, puis par SNCF Réseau, pour financer les investissements. Pendant six ou sept ans – corrigez-moi si je me trompe –, la SNCF a consacré l’ensemble de ses moyens humains et financiers aux lignes à grande vitesse, et les gouvernements successifs, de droite comme de gauche, ont délaissé les travaux indispensables à la sécurité du réseau et tout simplement à son entretien. D’où le chantier colossal de rénovation des voies, dont le coût est actuellement estimé à une trentaine de milliards d’euros. Peut-on faire des lignes à grande vitesse tout en assurant cet entretien ? C’est, là aussi, une véritable question. L’ARAFER n’aura pas à y répondre, mais nous rappellerons que la règle d’or devra être strictement mise en œuvre dès que le décret d’application – que l’ARAFER a toute compétence pour contester – sera disponible. En d’autres termes, aucun investissement nouveau supérieur à 200 millions d’euros ne sera possible si son équilibre n’est pas assuré par des apports extérieurs à ceux de SNCF Réseau qui pourraient être amortis par les droits de péage.

À terme – en dix ans, quinze ans, vingt ans –, il faut envisager de sortir de cette situation. À cette fin, le contrat de l’État avec les trois EPIC, en particulier avec SNCF Réseau, doit fixer une trajectoire financière. Car si les déficits se creusent de 3 milliards d’euros chaque année parce que l’on investit 3 milliards par an dans les lignes sans savoir comment financer ces investissements, l’on en arrivera à 60 ou 70 milliards de dette. Certains ne l’excluent pas. En ce qui me concerne, à supposer que je sois nommé à la tête de l’autorité indépendante, je m’y refuse.

Les travaux de rénovation des voies sont indispensables. Sur 30 000 kilomètres de voies ferrées en France, 20 000 sont essentielles au bon fonctionnement de notre réseau ferroviaire ; elles doivent être rénovées dans le strict respect des conditions de sécurité et de circulation requises. Il y faudra 30 milliards, à raison de 3 milliards par an. Comment financer cet investissement ? Comment l’amortir ? C’est aussi à l’ARAFER qu’il appartiendra d’indiquer à SNCF Réseau, au regard du contrat d’objectifs qui doit être signé avec l’État, comment parvenir à l’équilibre.

En région parisienne, cette rénovation sera bien plus compliquée et demandera beaucoup plus d’efforts qu’ailleurs, car l’interruption du trafic, pendant laquelle les travaux peuvent avoir lieu, ne dure que de minuit ou une heure du matin jusqu’à cinq heures, alors que sur la ligne Paris-Lille, par exemple, la circulation s’arrête dès vingt-trois heures dix. Dès lors, peut-on fermer des lignes ? Sinon, comment mener à bien des chantiers indispensables ? Ces questions vont se poser à SNCF Réseau, mais aussi à l’ensemble des autorités organisatrices de transport et des élus. De ce point de vue, les contacts permanents de l’ARAFER avec tous les acteurs sont essentiels.

En ce qui concerne les moyens, j’ai entendu citer l’article 40, non sans raison ; mais un budget se prépare en amont, avec les ministères. Ainsi Pierre Cardo a-t-il déjà écrit à Bercy et au ministère des transports afin de leur indiquer ses besoins impératifs pour 2017. On peut toujours externaliser certaines tâches, par exemple d’expertise et d’audit ; M. Rémi Pauvros y a fait allusion, à juste titre. Toutefois, si j’ai quelque difficulté à me prononcer sur ce point faute d’être entré dans les services de l’ARAFER, j’ai pu constater que celle-ci possédait des services d’audit performants et il me semble que ses agents assermentés, habilités à aller consulter les pièces comptables des entreprises, des opérateurs, des sociétés d’autoroutes, ne peuvent qu’être plus efficaces que des auditeurs extérieurs.

J’en viens aux autoroutes. Je découvre que les parlementaires n’ont pas été informés de la teneur du protocole entre l’État et les sociétés d’autoroutes, et j’en suis choqué. Afin de préparer mon intervention – que j’ai tenu à écrire moi-même –, j’ai lu depuis dix jours des centaines de pages pour comprendre la situation, et j’ai pris la mesure de plusieurs problèmes. En 2015, le président Jean-Paul Chanteguet a adressé au Premier ministre une lettre – à laquelle je me suis associé, comme bien d’autres députés – pour dénoncer les bénéfices des sociétés d’autoroutes, alors estimés à quelque 24 % annuels par l’Autorité de la concurrence, et préconiser en conséquence une nationalisation ou un rachat. Le Gouvernement a répondu en substance que le rachat nécessiterait 50 milliards d’euros et qu’il fallait donc trouver une autre solution. D’où le protocole, qui a tout de même conduit les sociétés concessionnaires d’autoroutes à mettre un milliard d’euros sur la table, à s’engager sur un plan pluriannuel et à accepter le plafonnement à 7 ou 8 % de leur taux de rentabilité interne (TRI). Voilà qui a permis d’esquisser le cadre du travail de l’ARAFER : lorsque celle-ci contrôlera les résultats de ces sociétés, comme la loi lui permet de le faire annuellement, elle ne saurait accepter un TRI supérieur à ce plafond. Quoi qu’il en soit, il serait pour le moins logique que les parlementaires soient officiellement informés du contenu du protocole.

Le budget que l’État consacre aux transports ne dépasse pas 3 milliards d’euros. Sur cette somme, 2,2 milliards vont au rail, notamment afin de compenser le coût réel du passage des trains sur les voies par les péages autorisés : on estime qu’un tiers environ de ce coût est pris en charge par l’État, que l’opérateur soit étranger ou français. La somme se décompose comme suit : 200 millions pour le fret, 2 milliards pour le transport de voyageurs. Rapportés aux 2 200 milliards de PIB de notre pays, ces montants ne sont pas considérables ; mais ils ne sont pas non plus négligeables. Or, chaque fois que des propositions de financement déséquilibrées sont formulées, cela se répercute sur les droits de péage et les recettes de SNCF Réseau ou sur la participation de l’État destinée à compenser le déficit affectant ces recettes. Nous devrons en tenir compte lors de l’examen du contrat d’objectifs, dont je souhaite qu’il soit fourni à la représentation nationale et à l’ARAFER, au moins pour avis, le plus rapidement possible et, je l’espère, avant la fin 2016. Car, sans vision pluriannuelle, nous ne pourrons formuler aucune proposition, alors même que cette situation financière est très problématique. C’est pourtant ce à quoi l’ARAFER est tenue au titre des avis conformes qu’elle doit émettre sur la tarification, de sa mission de vérification des séparations comptables et de son avis sur le contrat d’objectifs lui-même.

On m’a demandé ce que je pensais de l’ouverture du marché à la concurrence. Je nʼai pas à en penser quoi que ce soit, car c’est une réalité : le 1er décembre 2020, sur toutes les lignes à grande vitesse, tous les opérateurs européens pourront demander des sillons, et la mission de l’ARAFER consistera à leur permettre d’y accéder dans les mêmes conditions que l’opérateur historique français. Comment s’y préparer ? En fournissant toutes les informations nécessaires, en se montrant aussi transparente que possible et aussi exigeante en matière de cohérence des tarifications proposées, afin que les sociétés ferroviaires elles-mêmes, SNCF en tête, puissent se préparer dans les meilleures conditions.

J’ai entendu l’irritation de M. Bernard Pancher concernant telle ou telle personnalité du monde du transport. Quoi qu’il arrive, c’est le Gouvernement qui décidera, non l’ARAFER ; mais celle-ci doit jouer pleinement son rôle, en mettant tous les éléments – des éléments transparents et lisibles – sur la table. Si, depuis trois ans, l’ARAFER dénonce l’opacité de certains aspects de la tarification, c’est bien pour parvenir à plus de transparence. Tous les opérateurs doivent connaître les conditions d’accès qui leur seront faites le 1er décembre 2020 – et même avant, du moins je l’espère.

J’espère également qu’en 2020, le réseau aura été en bonne partie rénové. Comme l’a dit l’un d’entre vous, la grande vitesse est l’un de nos fleurons et notre réseau à grande vitesse est très performant, mais l’on ne peut accepter, gouvernement après gouvernement, que les transports du quotidien en pâtissent. C’est un point de vue politique, au bon sens du terme. L’ARAFER a pour mission de fournir tous les éléments permettant aux responsables de prendre les bonnes décisions.

Même sans être un spécialiste du secteur, je mesure combien le poste auquel il est proposé de me nommer est essentiel à l’avenir du transport et des modes de transport dans notre pays. Je ne renâcle pas devant la tâche. Je vous l’ai dit, depuis dix jours, j’ai lu et annoté en vue de cette audition des centaines de pages de documents et de notes, et je trouve passionnant ce travail consistant à essayer de mieux comprendre un secteur que l’on découvre. « Ne t’inquiète pas », m’a dit Pierre Cardo : « quand j’ai été nommé, j’ai bien dit que je ne connaissais que les trains électriques ! ». J’en connais pour ma part un peu plus. Surtout, j’ai tellement envie de réussir dans cette mission que je me réfère, comme toujours en pareil cas, à Sénèque, qui disait : « On se lasse de tout, excepté d’apprendre. »

Merci encore de votre accueil.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je me souviens en effet de l’audition de Pierre Cardo. Vous en savez beaucoup ; vous avez beaucoup lu, dites-vous. J’ajouterai simplement que SNCF Réseau innove en fermant l’importante ligne Paris-Orléans-Limoges-Toulouse plusieurs week-ends par an, afin de réaliser des travaux lourds : les choses évoluent donc.

Je vous remercie de cet échange de qualité, de l’enthousiasme avec lequel vous avez appris, découvert le secteur, et avec lequel vous nous avez transmis analyses et informations.

(Applaudissements)

*

Après le départ du candidat, il est procédé au vote sur la nomination par appel nominal à la tribune et à bulletins secrets, les scrutateurs étant MM. Guillaume Chevrollier et Laurent Grandguillaume.

Les résultats du scrutin sont les suivants :


Nombre de votants


Bulletins blancs ou nuls


Abstention


Suffrages exprimés


Pour


Contre

La Commission a donc émis un avis favorable à la nomination de M. Bernard Roman en qualité de président de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mercredi 20 juillet 2016 à 9 heures

Présents. – M. Guy Bailliart, Mme Chantal Berthelot, M. Florent Boudié, M. Emeric Bréhier, M. Jean-Jacques Bridey, M. Vincent Burroni, M. Jean-Yves Caullet, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Guillaume Chevrollier, M. Jean-Jacques Cottel, Mme Florence Delaunay, M. David Douillet, M. Olivier Falorni, M. Yannick Favennec, Mme Geneviève Gaillard, M. Laurent Grandguillaume, Mme Bernadette Laclais, M. Jean Launay, Mme Viviane Le Dissez, M. Michel Lesage, M. Gérard Menuel, M. Bertrand Pancher, M. Rémi Pauvros, M. Philippe Plisson, Mme Catherine Quéré, Mme Barbara Romagnan, M. Martial Saddier, M. Gilles Savary, M. Jean-Marie Sermier, Mme Suzanne Tallard, M. Jean-Pierre Vigier

Excusés. – M. Yves Albarello, M. Jacques Alain Bénisti, M. Sylvain Berrios, Mme Marine Brenier, Mme Sabine Buis, M. Patrice Carvalho, M. Alain Gest, M. Christian Jacob, M. Jacques Krabal, M. Alain Leboeuf, M. Patrick Lebreton, Mme Marie Le Vern, M. Franck Marlin, M. Philippe Martin, M. Napole Polutélé

Assistait également à la réunion. - M. Lionel Tardy