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Commission des affaires économiques

Mardi 27 mai 2014

Séance de 18 heures 30

Compte rendu n° 84

Présidence de M. François Brottes Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Jeffrey R. Immelt, PDG de General Electric

La commission a auditionné M. Jeffrey R. Immelt, PDG de General Electric.

M. le président François Brottes. Mes chers collègues, je tiens à souhaiter la bienvenue, en notre nom à tous, à M. Jeffrey R. Immelt et à Mme Clara Gaymard.

Monsieur le président-directeur général, je tiens à vous remercier d’avoir accepté notre invitation : la représentation nationale française souhaite, compte tenu de votre niveau de responsabilité, vous entendre sur votre projet de rachat d’activités d’Alstom.

Nous avons, juste avant vous, auditionné M. Christophe de Maistre, président de Siemens France, qui nous a informés du projet qu’il déposera autour du 16 juin. La semaine dernière, nous avons entendu M. Arnaud Montebourg, ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique, ainsi que M. Patrick Kron, président-directeur général d’Alstom, qui a clairement exprimé sa préférence pour votre société, monsieur Immelt. Nous auditionnerons dans quelques semaines le président de Siemens, une fois qu’il aura formalisé son offre.

Nous nous interrogeons sur le rachat d’Alstom par votre société. La France a d’ailleurs pris des dispositions relatives aux secteurs stratégiques. Vous avez des contacts avec le Président de la République, le gouvernement français et, bien évidemment, Alstom. Une compétition est engagée, qui semble réelle : nous en doutions avant d’entendre le président de Siemens France.

Comment General Electric compte-t-il maintenir l’activité de cette industrie stratégique qu’est l’énergie et y développer l’emploi ? Est-il possible qu’il s’agisse vraiment d’une alliance et non d’un rachat ? Comment pouvons-nous être certains que la gouvernance y sera partagée et non exercée par vous seul ? Ce point est important pour assurer le maintien de cette activité stratégique en France. Je tiens à préciser que des élus de notre commission, notamment le député-maire de Belfort, a indiqué ce matin qu’il avait participé à une pleine page dans les journaux manifestant la volonté des acteurs économiques de son territoire de vous voir assumer le prolongement de l’activité d’Alstom, ce que Siemens, du reste, n’a guère apprécié.

Je vous laisse la parole pour un exposé liminaire avant de laisser les membres de la Commission vous poser quelques questions.

M. Jeffrey R. Immelt, PDG de General Electric. Je suis Jeff Immelt, président-directeur général de General Electric.

Tout d'abord, je tiens à vous remercier de me donner la possibilité de vous présenter aujourd'hui le projet industriel envisagé par GE avec Alstom. Je suis convaincu que ce projet d’alliance est bon pour Alstom, bon pour GE et bon pour le peuple français.

Comme vous le savez, GE est déjà très présent en France : 10 000 collaborateurs dans tout le pays. On pourrait dire que GE est une grande entreprise française ; en tout cas, jusqu'à ce que l'on entende mon accent américain ! Pour mémoire, GE emploie 94 000 collaborateurs en Europe, soit un tiers de nos effectifs dans le monde.

Lorsque Mme Clara Gaymard m'a informé que vous souhaitiez, monsieur le président, donner à GE la possibilité de présenter son projet, j'ai décidé de venir en personne. Je voulais parler de GE, cette entreprise que j'ai l'honneur de diriger. Je voulais vous parler des formidables équipes que nous avons la chance d'avoir ici, en France. Je voulais surtout discuter avec vous des perspectives offertes par ce nouveau projet industriel.

Certes, nous sommes en discussion permanente et constructive avec le gouvernement français. Toutefois, il est important pour nous tous, au sein de GE, d'entendre vos préoccupations et de répondre à vos questions.

Je travaille chez GE depuis trente et un ans. Dans les années 1990, j'ai dirigé l'activité Santé du groupe, GE Healthcare, qui comprenait notamment notre site de Buc. J'ai donc été amené à travailler directement avec nos collaborateurs français, que j'ai toujours admirés pour leur sens de l'innovation et la qualité de leurs capacités d'ingénierie.

L'innovation est au cœur de General Electric. Comme vous le savez peut-être, GE a été fondé par Thomas Edison il y a plus d'un siècle. Vous savez sans doute également que les relations entre GE et Alstom remontent à 1928, c'est-à-dire à la naissance d'Alstom, à la suite de la fusion des activités industrielles lourdes de Thomson-Houston Electric Company. Ce nouveau partenariat a ouvert sa première usine à Belfort.

Alstom et GE sont donc des amis de longue date : ils ont beaucoup en commun. Cette amitié est le fruit de notre engagement en tant qu'investisseur fidèle en France depuis plus d'un siècle. Tout au long de cette période, GE a développé en France des activités d'envergure internationale et fabrique, sur le sol français, des produits qui sont vendus dans le monde entier.

À titre d'exemple, le siège européen de GE pour l'activité Thermal Power est situé à Belfort depuis 1999, et a depuis connu une croissance importante. Aujourd'hui, GE est le seul producteur en France de turbines à gaz de grande puissance.

Notre site de Belfort compte 1 800 collaborateurs, qui sont exceptionnels. Je suis toujours très impressionné par leur ingéniosité et leur passion pour les technologies.

Les activités que nous menons à Belfort ont une incidence sur le marché mondial. En effet 90 % de la production réalisée à l’heure actuelle à Belfort est exportée, ce qui signifie que la croissance énergétique du reste du monde profite à la France.

Lorsque vous vous rendez sur le site de Belfort, comme je l'ai fait plusieurs fois, vous constatez la proximité quasi familiale existant entre Alstom et GE. Sur la terrasse du dernier étage de notre centre technologique de Belfort, vous avez, à votre gauche, le bâtiment de production des turbines à gaz de GE, et à votre droite, le bâtiment de production des turbines à vapeur d'Alstom. Entre les deux se situe la cafétéria où les collaborateurs d'Alstom et de GE se retrouvent pour déjeuner et discuter.

Il y a tout juste deux mois, la turbine à gaz la plus importante et la plus performante du monde est sortie des chaînes de montage de Belfort. Elle peut produire suffisamment d'électricité pour alimenter 400 000 foyers.

Cette turbine d'un nouveau genre, produite à Belfort, est destinée à la centrale électrique de Bouchain en France, construite par EDF. Il s'agit du modèle phare de notre gamme de turbines que nous mettrons en avant dans le cadre de nombreux appels d'offres à travers le monde et elle sera construite par les équipes de GE sur le site de Belfort.

Ce n'est pas tout. Grâce à notre partenariat avec Snecma, la filiale de Safran, la France est connue dans le monde entier pour ses moteurs d'avion les plus perfectionnés. Il s'agit d'un des partenariats commerciaux les plus importants de l'histoire. Notre compagnie conjointe, CFM International, a déjà quarante ans.

Au début des années 1970, Snecma a proposé à GE un partenariat en vue de produire un moteur perfectionné destiné au marché des compagnies aériennes commerciales. À l'époque, aucune de nos deux entreprises ne disposait d'un positionnement fort dans le secteur. Or, en mutualisant nos technologies, nos connaissances et nos capacités de production, nous sommes parvenus à créer la gamme de moteurs d'avion commerciaux la plus vendue dans l'histoire de l'aviation. Nous sommes fiers de ce partenariat car il a contribué au succès phénoménal d'Airbus, fleuron de l'industrie européenne.

Aujourd'hui, plus de 20 000 moteurs CFM sont opérationnels, tandis que 11 000 autres ont été commandés et attendent d'être livrés. Notre partenariat fait travailler plus de 30 000 personnes à travers le monde, dont plus de 10 000 en France.

Je pourrais vous en dire autant de notre activité « santé ». Dans les années 1980, Thomson CGR était une entreprise européenne d'équipement médical à la traîne vis-à-vis de ses concurrents, Siemens et Philips. Aujourd'hui, Buc est notre centre mondial d'excellence en matière de radiologie interventionnelle, de mammographie et de solutions logicielles. Buc est d'ailleurs le siège européen de GE Healthcare et regroupe quelques-uns de nos meilleurs ingénieurs et chercheurs.

En 2011, nous avons acquis l'activité Converteam désormais nommée Power Conversion, dont le siège mondial demeure à Paris, activité également issue de la famille Alstom. GE investit dans cette activité pour la développer et en faire un leader mondial dans le domaine extrêmement porteur de l'électrification.

Nous bénéficions de solides relations avec nos clients français depuis de nombreuses années. Air France et EDF sont ainsi des partenaires de longue date : ils l’ont été dans presque tous nos lancements d'innovations technologiques. Nous collaborons également avec GDF Suez, Total et Airbus dans presque toutes les régions du monde. Nous avons également accompagné de nombreuses PME françaises dans le développement de leurs activités et investi dans leurs capacités de production.

Plusieurs dirigeants clés de GE sont français. Ricardo Cordoba assure la direction commerciale du secteur de la production d'électricité pour l'Europe, le Moyen-Orient et l'Afrique. Christian Bleicher dirige, à l'échelle mondiale, l'ensemble de la production et de la chaîne d'approvisionnement du secteur de la production d'électricité. Ricardo et Christian sont basés à Belfort et sont passés d'Alstom à GE. Jean-Michel Malbrancq a vécu un peu partout dans le monde et dirige aujourd'hui notre activité santé en Europe. Thierry Leclercq dirige l'activité Life Care Solutions, qui réalise un chiffre d'affaires de 2 milliards de dollars. Tous deux nous ont rejoints après l'acquisition de Thomson CGR. Nombre des dirigeants actuels de GE ont connu des parcours similaires.

Notre présence en France se caractérise depuis longtemps par des investissements constants, le développement de technologies fondamentales et celui des compétences de nos collaborateurs. GE a su consolider ses positions au travers de nombreux cycles économiques. Ainsi notre groupe a subi de plein fouet les conséquences de la tragédie du 11 septembre et des crises financières mondiales, qui ont eu une lourde incidence sur le secteur de l’aviation. Dans les deux cas, nous avons poursuivi nos investissements et notre collaboration avec Snecma et avec le gouvernement français, ce qui nous a finalement permis de nous renforcer vis-à-vis de la concurrence. Nous venons pour construire et n’abandonnons pas les sites lorsque les temps sont durs.

Je suis convaincu que nous pouvons être compétitifs et remporter des marchés grâce à nos activités en France. GE dispose en effet d'une expérience concrète et de longue date dans le développement d'activités d'envergure internationale sur le sol français. Plus de 70 % de notre production industrielle est exportée. Nous sommes tout à fait capables de créer, en France, les technologies dont le monde a besoin.

Si nous traversons une période de faible croissance et une certaine volatilité, nous observons des évolutions techniques considérables et les perspectives sont très prometteuses. Nous sommes déterminés à prospérer dans cet environnement complexe. C’est pourquoi nous avons décidé de multiplier par deux nos investissements en matière de R & D, notamment pour des innovations dans les domaines des solutions analytiques et logicielles. Nous avons largement étendu notre implantation internationale. Aujourd'hui, près de 70 % de notre activité est située hors des États-Unis. Nous sommes désormais présents dans 170 pays et assurons le financement de projets énergétiques à hauteur de plus de 25 milliards de dollars. Nous continuons de renforcer nos capacités techniques afin d'enrichir les solutions proposées à nos clients.

De manière similaire, le marché mondial de la production d'électricité est un parfait exemple de volatilité et d'opportunités. Le secteur doit tenir compte à la fois des contraintes d'efficacité, de la nécessité d'une meilleure performance environnementale et de la grande diversité énergétique comme de l'accès à celle-ci. Parallèlement, près d'un tiers de la population mondiale n'a pas accès à l'électricité. Remporter des marchés dans le secteur de l'énergie est important pour GE comme pour la France. Pour y réussir, une entreprise doit avoir la taille critique, une vraie solidité financière, des capacités d'innovation et une présence mondiale.

C'est la raison pour laquelle Alstom a souhaité s'entretenir avec nous d’un projet industriel. Comme je vous l'ai dit, Alstom et GE se connaissent de longue date. Nous admirons beaucoup les collaborateurs d'Alstom, et les technologies qu'ils ont développées. Alstom connaît l'énergie et sait comment répondre aux besoins de ses clients : c'est une équipe solide.

Au mois de février, le PDG d'Alstom, M. Patrick Kron, est venu me voir pour discuter d'un projet industriel avec GE, conscient des évolutions que connaît à l’heure actuelle le secteur de l'énergie. Il sait parfaitement qu'à long terme, dans ce secteur, une entreprise doit disposer d'une taille critique et de ressources plus importantes que celles qu’a Alstom aujourd'hui.

Les dirigeants de cette entreprise ont donc pensé plus judicieux à long terme d’adosser ses activités « énergie » et « réseaux » à un partenaire disposant d'une envergure internationale et de la solidité financière requise. À titre d'exemple, nous prévoyons d'investir près de 3 milliards de dollars par an sur le plan technologique sur l'ensemble de la chaîne de valeur énergétique. De son côté, Alstom recentrera ses efforts sur son activité de transport.

À la suite de plusieurs discussions, notre projet industriel a pris forme : il portera en priorité sur une activité énergétique d'envergure internationale, qui sera située ici, en France. Cette alliance permettra de proposer, tout d’abord, un portefeuille de produits énergétiques diversifié, afin de répondre aux différents besoins de différents clients, dans toutes les régions du monde ; ensuite, des investissements permanents sur le plan technologique, à la fois en termes de nouveaux produits et de mise à niveau des centrales existantes et des projets en cours, ce qui implique une vraie solidité financière ; enfin, un développement mondial, offrant la capacité de réaliser des projets partout dans le monde. Environ 70 % de la production d'énergie nouvelle est destinée aux marchés émergents.

Ensemble, Alstom et GE réunissent tous les ingrédients du succès. Alstom renforce GE et GE renforce Alstom. Nos deux entreprises disposent d'atouts qui se complètent, en termes de produits comme sur les marchés.

Ensemble, l'activité Énergie GE-Alstom disposerait d'un portefeuille de produits plus complet : le gaz et l'onshore de GE associés à la vapeur, l'offshore et l'hydro d'Alstom, ainsi que l'offre conséquente d'Alstom en matière de réseaux et notre présence forte dans ce domaine en Amérique du Nord.

Ensemble, nous disposerions des ressources nécessaires pour réaliser des investissements dans les technologies et le développement des talents, dès à présent et pour longtemps. En outre, le regroupement GE-Alstom bénéficierait d'un positionnement fort sur les marchés émergents, pour approvisionner, depuis la France, des pays tels que la Chine, l'Inde, le Brésil ou encore les pays d'Afrique ou du Moyen-Orient, qui construisent actuellement leurs infrastructures énergétiques. Dans le monde entier, nos clients ont salué la perspective de ce regroupement.

Dans le cadre de la construction GE-Alstom, nous installerons en France les sièges mondiaux de quatre de nos activités : réseaux, hydro, éolien offshore et turbines à vapeur. Les centres de décision de ces activités seront basés en France. Les orientations technologiques de ces activités seront décidées en France.

En ce qui concerne les réseaux, nous intégrerons l'activité de GE dans celle d'Alstom, car nous savons que le nouvel ensemble sera un compétiteur d'envergure internationale.

Nous maintiendrons et renforcerons par ailleurs notre siège européen des activités thermiques à Belfort. Ce site est un des joyaux de GE, grâce non seulement à la technologie et à l'innovation mais également aux collaborateurs qui le font vivre. Nous continuerons d’investir dans ce site pour le développer.

Nous poursuivrons également nos investissements dans les technologies des turbines à vapeur, qui représentent un des principaux intérêts de ce projet industriel pour GE. Je suis convaincu que nous pouvons trouver des solutions permettant de garantir à nos clients français un accès privilégié aux turbines à vapeur les plus fiables du marché afin d'équiper leurs centrales nucléaires dans le monde entier.

Nous restons d'ailleurs ouverts à l'éventualité d'un engagement de l'État français dans une alliance économique permettant de renforcer notre croissance et notre compétitivité.

Je tiens à dire clairement qu'Alstom ne disparaîtra pas. Grâce à ce projet industriel, la France bénéficiera d'un rayonnement bien plus important qu’à l’heure actuelle sur le marché international de l'énergie.

La France disposera de capacités de décision renforcées, grâce à l'implantation de quatre sièges mondiaux, et d'un impact international plus fort, grâce à une implantation commerciale élargie. Alstom ne sera pas absorbé par GE ; au contraire, les activités regroupées donneraient naissance à un véritable leader mondial dans le domaine de l'énergie, basé en France.

Grâce au projet industriel qui fait aujourd'hui l'objet de nos discussions, Alstom pourra également se recentrer sur son activité « transport ». D'ailleurs, nous réfléchissons actuellement à des modalités nous permettant de faire des propositions à Alstom dans le cadre de cette activité. Notre activité de signalisation intéresse Alstom et nous étudions la manière de l'intégrer dans le cadre de ce projet. Alstom aura la taille, les technologies et la solidité financière nécessaires pour se mesurer à des concurrents tels que Bombardier, Ansaldo et Siemens.

Le Président de la République François Hollande et le ministre de l'économie et du redressement productif Arnaud Montebourg m'ont fait part de leurs préoccupations relatives à l'emploi. GE s'est engagé à augmenter le nombre d'emplois en France, s’agissant notamment des postes hautement qualifiés dans la production et l'ingénierie. Ces recrutements viendront s'ajouter aux collaborateurs actuels d'Alstom et de GE en France.

De plus, je pense que nous pouvons contribuer encore davantage au développement des petites et moyennes entreprises du secteur de l'énergie comme nous le faisons aujourd'hui à Belfort dans le cadre de la Vallée de l'énergie. Nous sommes donc tout à fait disposés à étudier, avec le gouvernement français, les modalités de ce type d'actions.

Cet investissement dans la création d'emplois en France est une décision économique que nous avons prise sur la base de plus d'un siècle d'expérience : elle montre que, lorsqu'on décide d'investir dans les technologies et dans les compétences de leurs collaborateurs, les entreprises françaises sont capables de gagner des nouveaux marchés partout dans le monde.

Ce projet permettra d'offrir aux collaborateurs d'Alstom de nouvelles perspectives de carrière. J'ai cité les dirigeants qui nous ont rejoints il y a quelques années à la suite de l'acquisition d'une des activités d'Alstom. Ils ont connu une superbe progression chez GE et font aujourd'hui partie de l'équipe dirigeante de l'entreprise : ces décideurs basés en France sont désormais à la tête d'activités de dimension internationale.

Une fois finalisée, cette opération industrielle aboutira à la naissance de champions mondiaux du transport et de l'énergie, tous deux basés en France.

Si vous me le permettez, je souhaite encore aborder deux points.

Tout d’abord, nous apprécions particulièrement les discussions productives que nous avons eues jusqu'à présent avec le Gouvernement. Nos entretiens avec le Président de la République et les membres de son équipe ont été extrêmement constructifs et ont tous porté sur un objectif commun : faire ce qu'il y a de mieux pour Alstom et pour les Français.

J’aimerais ensuite vous en dire un peu plus sur l'entreprise que je représente aujourd'hui devant vous. Si je vous ai déjà parlé de nos produits, des moteurs ou des turbines, je n’ai pas encore évoqué notre culture, notre identité et le rôle que nous souhaitons jouer dans la société.

Les collaborateurs de GE sont notre plus grand atout. Désireux de se former tout au long de leur carrière, ils s'efforcent chaque jour de trouver des solutions aux problèmes les plus complexes. Ils sont motivés par la réalisation d'objectifs et veulent contribuer à faire de notre planète un monde meilleur.

Nous les aidons à concrétiser ces aspirations en mettant à leur disposition les ressources dont ils ont besoin – GE consacre près de 6 milliards de dollars par an à la recherche et au développement – et en répondant à leurs demandes de développement personnel, grâce à un budget annuel de un milliard de dollars destiné à la formation et au développement des compétences d'encadrement.

Rappelez-vous que GE a été créée par Thomas Edison. Chaque jour, nous avons à cœur de concevoir des solutions encore mieux adaptées, d'inventer, de mettre au point les produits dont notre monde a besoin et d'offrir les meilleurs résultats possibles à nos clients et aux communautés au sein desquelles ils se trouvent. Nos équipes font à la fois preuve d'humilité et de confiance. Elles savent qu'elles peuvent être compétitives et gagner de nouveaux marchés partout dans le monde.

Telle est notre volonté dans le cadre de notre alliance avec Alstom. Telle est notre volonté dans le cadre de notre alliance avec la France.

Notre proposition d'acquisition des activités « énergie » d'Alstom a fait l'objet de nombreuses discussions, ce qui est tout à fait logique. Toutefois, il ne s'agit là que d'une première étape. Ce projet industriel s'articule autour d'un engagement à long terme en matière d'investissement et de développement des activités concernées en France. Cette opération aura des retombées positives pendant plusieurs dizaines d'années, que ce soit pour les collaborateurs, pour les PME qui assurent la sous-traitance dans ces secteurs ou pour les Français de façon plus générale. À cet égard, notre passé en France parle pour nous. Nous avons été un partenaire loyal de la France depuis des décennies.

Comme vous avez pu le constater, je suis passionné par ce projet et par notre activité en France, que je considère comme l'un de nos pays d'adoption. J'espère ne pas avoir été trop long et c'est avec plaisir que je répondrai à vos questions.

M. Damien Meslot. Nous vous remercions d’être venu présenter votre projet de rachat d’Alstom devant la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale.

Nous avons étudié les propositions que vous avez faites. Un des points qui a tendance à nous rassurer, notamment en matière d’emploi, c’est que les activités d’Alstom et de General Electric sont complémentaires, contrairement à celles de Siemens qui sont concurrentes. La présence de GE à Belfort depuis des décennies nous rassure également car nous savons comment vous travaillez. Comme le conseil d’administration d’Alstom, les élus et les forces économiques de Belfort soutiennent votre projet – 100 PME ont ainsi acheté une page à cette fin dans Les Échos : nous nous sommes joints à leur démarche parce que nous pensons que cette solution est la meilleure pour notre région, pour l’avenir d’Alstom et pour l’économie.

Nous sommes particulièrement intéressés par les quatre centres de décision mondiaux que vous voulez implanter en France : en effet, trop souvent, en cas de rachat de nos entreprises par des intérêts étrangers, les centres de décision ou de recherche et développement ainsi que la matière grise partent à l’étranger, ne laissant en France que la production, jusqu’au jour où celle-ci quitte à son tour le territoire national.

Si nous comprenons vos propositions d’investissement dans Alstom Énergie, il faut savoir que l’activité « transport » d’Alstom est elle aussi, à l’heure actuelle, trop petite pour peser. Alstom récupérera, selon les résultats des négociations, 11 ou 12 milliards d’euros. Si, pour l’heure, rien n’est à vendre sur le marché permettant à Alstom de croître, cette entreprise est intéressée par la partie signalisation et d’autres secteurs de l’activité « transport » de GE : quelles précisions pouvez-vous apporter ?

Vous rencontrez demain le Président de la République : avez-vous des propositions supplémentaires à faire permettant de rassurer les Français ? Vous avez évoqué la possibilité de créer des entreprises communes avec certains secteurs d’Alstom : pouvez-vous nous donner des précisions en la matière ?

M. Jeffrey R. Immelt. Je suis toujours heureux de rencontrer nos amis de Belfort.

Notre entreprise et celle d’Alstom sont pour l’essentiel complémentaires sur le marché international. Très peu de leurs secteurs empiètent les uns sur les autres.

Les retombées du projet de GE seront favorables à la France : notre intention, dans le cadre de ce projet, est d’engager un plus grand nombre d’ingénieurs et d’augmenter la production – ces points font partie de la discussion que nous menons avec le Président de la République et le ministre de l’économie.

S’agissant de l’activité « transport », je sais que vous avez auditionné M. Kron, la semaine dernière : il a pu vous donner des précisions sur la manière dont cette alliance permettrait à son entreprise d’augmenter son capital. Dans le marché international du transport, la valeur ajoutée relève aujourd'hui des logiciels et de l’analytique – signalisation, ordinateurs – et non du matériel roulant. C’est grâce à ses cerveaux qu’une société se distingue désormais d’une autre. Nous avons offert à Alstom de partager avec eux l’activité « transport ». Nous serions heureux de créer une collaboration étendue, voire d’accepter l’acquisition de ce secteur par Alstom, puisque, sur cette activité, qui est constituée au plan international de sociétés spécifiques – espagnoles, canadiennes, etc. –, nous sommes non pas concurrents mais partenaires. En s’associant pour augmenter leur capital et développer le secteur des logiciels et de la signalisation, GE et Alstom deviendront concurrentielles par rapport au reste du marché.

M. Jean-Louis Gagnaire. Nous tenons à vous le préciser, nous sommes toujours très favorables aux investissements américains dans notre pays, quels qu’ils soient. La France accueille de nombreux investisseurs américains.

Il faut le rappeler parce que les discussions entre Alstom et GE ont été l’occasion de malentendus. D’ailleurs, les Français reconnaissent qu’il fait généralement bon travailler dans les entreprises américaines, notamment en raison du climat social qui y règne – chez GE comme ailleurs.

L’énergie est toutefois un sujet sensible : vous le comprendrez d’autant plus aisément que les États-Unis comme la France et d’autres pays européens souhaitent, eux aussi, pratiquer une certaine forme de patriotisme économique. La France reste très vigilante s’agissant de tout ce qui peut mettre en cause ses intérêts directs dans le secteur de l’énergie, notamment en termes d’emplois.

Il faut évidemment se projeter dans le reste du monde afin de répondre au développement des autres continents : il convient de s’organiser à cette fin, notamment en acquérant la masse critique nécessaire. Du reste, si GE veut se rapprocher d’Alstom, c’est également pour atteindre cette masse critique. Aussi, le rapprochement entre GE et Alstom doit-il être gagnant-gagnant pour les deux entreprises, qu’il s’agisse de l’activité « énergie », secteur très sensible, ou de l’activité « transport ».

S’agissant de l’industrie énergétique française, l’activité de GE est relativement limitée : l’essentiel de notre bouquet énergétique repose en effet sur le nucléaire et non sur les turbines à gaz et Alstom produit des turbines à vapeur. Je fais partie de ceux qui pensent que l’énergie nucléaire, à côté des énergies renouvelables, a un vrai avenir en France : elle continuera également de représenter une vraie solution pour de nombreux autres pays, tant qu’on ignorera par quelle autre source d’énergie la remplacer. Ces secteurs ont besoin de complémentarité. Le vôtre est assez marginal eu égard à nos besoins actuels.

Comment vous situez-vous par rapport au développement du nucléaire ? La région Rhône-Alpes est très investie dans les questions énergétiques, au travers non seulement d’Areva mais aussi de très nombreuses PME et PMI : comment comptez-vous vous impliquer sur les territoires aux côtés de ces entreprises ? La question est importante en termes d’emplois induits : quels rapports entretenez-vous avec vos sous-traitants ? La France n’a pour objectif ni de conserver des centres de recherche en laissant la production filer à l’étranger ni de conserver la production en regardant la recherche et l’innovation quitter le territoire.

M. Jeffrey R. Immelt. Nous sommes conscients de l’importance de l’industrie énergétique française. Vos questions sont donc tout à fait justifiées et exigent des réponses.

La question de la transition énergétique a été soulevée en France : un des aspects de notre alliance avec Alstom et de notre plan pour la France est d’y apporter une plus grande diversité énergétique et de l’y développer. Lorsque ce projet sera achevé, la France sera en possession à la fois de la technologie des turbines à gaz et de celle des turbines à vapeur. Les énergies renouvelables profiteront également de la diversité technologique, mêlant le gaz et l'onshore de GE à la vapeur, l'offshore et l'hydro d'Alstom, dans le cadre d’un grand soutien à l’énergie nucléaire, qui est prépondérante ici.

EDF est du reste un partenaire clé de GE depuis des décennies. Nous respectons également beaucoup Areva. Il s’agit de développer toutes ces technologies pour doter la France d’une véritable force dans le secteur énergétique. Votre pays deviendra ainsi un des centres de production énergétique à la fois les plus importants et les plus diversifiés du monde.

Après la diversité, l’innovation technologique, sur l’importance de laquelle il convient d’insister. L’industrie énergétique continue d’évoluer à un rythme très rapide. Nous apporterons à la France notamment la technologie des grandes turbines à gaz, qui sont appelées à jouer un rôle important, en sus du développement des technologies dédiées à la vapeur ou aux énergies renouvelables. Toutes ces technologies seront créées en France.

Troisième point : l’exportation. La grande majorité des opportunités de croissance sont situées hors de France : en Chine, en Inde, en Amérique latine, en Afrique ou en Indonésie. Nous pourrons apporter dans ces pays la force de notre alliance, qui se traduira par des exportations croissantes pour la France. Nos technologies, nos financements et notre force commerciale participeront donc de l’augmentation des exportations françaises.

Quatrième point : la souveraineté de l’industrie nucléaire française. Nous travaillons depuis des décennies avec EDF. Notre intention est de trouver une solution qui permettra à cette entreprise de disposer de technologies efficaces dans le secteur des turbines à vapeur, ce qui est important pour votre gouvernement, pour nos clients et pour votre pays.

Dernier point : les PME. Aux États-Unis, chaque emploi dans l’industrie énergétique correspond à huit emplois dans la chaîne d’approvisionnement. Le facteur multiplicateur d’une entreprise telle que GE s’élève donc à huit, ce qui ne peut que profiter aux PME. Je vous renvoie à la Vallée de l’énergie, à Belfort : les efforts que nous y avons consentis pourront être étendus aux PME.

Ces cinq points entrent dans notre plan industriel d’alliance avec Alstom, telle que nous la concevons.

Mme Michèle Bonneton. Pouvez-vous préciser les filières stratégiques que vous souhaiteriez développer avec Alstom ?

Quelles sont par ailleurs les perspectives de marché dans le monde pour le secteur de l’énergie, notamment des énergies renouvelables ?

Vous semblez aussi vous intéresser à certaines activités de transport d’Alstom : comment se positionneraient-elles par rapport à celles de GE ?

Enfin, quels engagements pouvez-vous prendre en termes de maintien sur le territoire français des emplois, de la recherche et développement, de la production ? Et pour quelle durée ? Nous sommes inquiets à cet égard car GE a fermé 31 usines depuis 2008, correspondant à environ 19 000 licenciements. En outre, plusieurs restructurations sont en cours, notamment dans les filiales GE Medical Systems et GE Energy Products, cette dernière étant directement concernée par un rapprochement avec Alstom. Quelles sont vos intentions au sujet de ces deux filiales dans la situation actuelle et dans l’hypothèse d’une alliance avec cette entreprise ?

M. Damien Abad. On a souvent opposé votre projet avec celui de Siemens en disant que le second était un projet européen et le premier un projet mondial basé en France, avec, d’un côté, une alliance et un Airbus de l’énergie, et, de l’autre, un rachat et une vallée de l’énergie. Qu’en pensez-vous ?

Dans la lettre que vous avez écrite au Président de la République, vous vous êtes engagé à augmenter le nombre d’emplois : pouvez-vous être plus précis, notamment s’agissant des secteurs stratégiques concernés ?

Par ailleurs, vous avez accepté un report du 2 au 23 juin : est-il dû au décret pris par M. Montebourg ? Comment avez-vous perçu ce décret ? Ce type de mesure est-il propre à la France ou existe-il aussi dans votre pays ?

Enfin, notre ministre a parlé d’un plan C, reposant sur une offre plus franco-française : quelle est votre position à cet égard ?

M. Jeffrey R. Immelt. Je ne puis faire de commentaires sur les autres propositions alternatives.

La nôtre tend à créer une société franco-française diversifiée de production d’énergie dans votre pays. Dotée de quatre sièges sociaux dans l’Hexagone, elle serait compétitive et pourrait l’emporter sur les marchés dans le monde entier.

Le secteur des transports, dont le siège social est aussi en France, est bien positionné et présente beaucoup de capacités dans la signalisation, avec un capital immense.

Au bout du compte, la France se retrouverait avec deux champions mondiaux, l’un dans l’énergie et l’autre dans les transports.

Nous avons mené un dialogue constructif et ouvert avec le Gouvernement au sujet de l’investissement de GE en France, de manière qu’il soit à la fois bien mis en œuvre et bien perçu. Ce dialogue se poursuit : nous pensons que les Français y verront la création d’une alliance forte qui confortera toutes les entreprises individuelles du secteur, des turbines à vapeur aux énergies renouvelables.

Nous voulons être des acteurs mondiaux efficaces. Nous sommes également prêts à nous engager sur un nombre d’emplois, publiquement vérifiable – la discussion se poursuit sur ce point.

Cela fait cent ans que nous travaillons avec la France et douze ans que je suis président-directeur général de cette société : j’ai beaucoup discuté avec le Gouvernement et, chaque fois, nous avons créé une situation gagnant-gagnant, à la fois pour les personnes, les sociétés avec lesquelles nous nous sommes impliqués et l’investissement à long terme. Nous souhaitons donc continuer à agir ainsi, en étant équitables à l’égard des personnes comme des entreprises.

Je rappelle que nous avons 10 000 employés en France, que nous sommes un exportateur important à partir de votre pays, que nous y avons investi de façon constante depuis longtemps et que nous employons quelque 10 000 autres personnes dans le cadre de CFM International.

Il s’agit pour nous d’une opportunité unique de créer une entreprise importante pour les énergies renouvelables – aucune autre société en France n’offrira ainsi à la fois de l’hydroélectrique et de l’éolien onshore et offshore – ainsi que de développer des produits de ce type en Europe et dans le monde.

S’agissant du secteur de la vapeur, nous avons évoqué la possibilité de déplacer notre siège social dans l’Hexagone – Alstom étant plus présent dans les réseaux que GE.

Concernant les transports, notre seule intention est d’offrir notre secteur de signalisation pour améliorer la position d’Alstom.

Dans chaque industrie spécifique, il y a ainsi une occasion unique de développement pour les actifs français.

Enfin, nous avons l’intention de prendre des engagements sur la recherche et développement et la fabrication dans le cadre d’un débat constructif avec le Gouvernement.

Mme Audrey Linkenheld. Je vous remercie, monsieur le président, de nous faire voyager de l’Allemagne aux États-Unis en passant par nos belles régions françaises.

Nous étions heureux de pouvoir accueillir dans celles-ci les investissements étrangers. La région du Nord-Pas-de-Calais, dont je viens, est d’ailleurs je crois la cinquième région d’accueil à cet égard, avec beaucoup d’emplois à la clé.

Des questions précises vous ont été posées sur la branche transports par le député-maire de Belfort. Or, vos premières réponses m’ont paru assez brèves, de la même manière que l’échange épistolaire que vous avez eu avec le Président de la République. Pouvez-vous nous préciser la manière dont pourrait se faire la joint venture que vous proposez et les perspectives pour les emplois de production ? Je rappelle que nous avons 1 300 emplois de ce type dans la branche transports d’Alstom : nous aimerions être certains que l’alliance avec GE les préserve, sachant que dans le ferroviaire, nous pourrions renforcer encore notre position.

M. Jeffrey R. Immelt. S’agissant des transports, les discussions que nous avons menées avec Alstom et le Gouvernement tendent à allier notre entreprise de signalisation, dont le siège est à Paris, avec celle d’Alstom, de sorte que celle-ci ait le contrôle de l’ensemble, ce qui lui donnerait plus de poids. En outre, Alstom a des moyens considérables pour réaliser d’autres acquisitions ou investissements.

Par ailleurs, nous avons déjà parlé des engagements que nous prendrons envers le Gouvernement et les Français sur l’accroissement des emplois de production et la technologie.

Enfin, si nous ne sommes pas présents dans le secteur des transports au sens d’Alstom, nous restons ouverts à toute discussion.

M. Michel Zumkeller. À Belfort, on connaît l’implication de GE et on l’apprécie. Mais je ne partage pas votre avis sur le ferroviaire.

Alstom devrait récupérer 11 à 12 milliards d’euros mais, après la recapitalisation et le paiement des actionnaires, il restera 5 milliards, ce qui ne lui permettra pas de s’associer avec un acteur important et de faire du ferroviaire un secteur majeur – sachant que l’entreprise sera en concurrence avec Bombardier, Siemens et les entreprises asiatiques.

Si l’investissement dans la signalétique est une bonne chose, comment Alstom pourra-t-il développer la construction ferroviaire ? Je suis très inquiet à cet égard. En Franche-Comté, la branche transports d’Alstom comporte également de l’ordre de 1 300 emplois.

Siemens s’engage à maintenir l’emploi pendant trois ans : pouvez-vous prendre un engagement de cette nature ?

Que voulez-vous dire quand vous affirmez qu’Alstom ne disparaîtra pas pour la partie énergie ? Y aura-t-il toujours des fabrications d’énergie estampillées Alstom ?

Nous avons tous intérêt à clarifier ces questions pour développer ensemble une industrie cohérente.

M. Jeffrey R. Immelt. S’agissant des emplois, nous avons dit que nous nous engagions à développer leur nombre en France autour de la société Alstom, qu’il s’agisse de la production ou de la technologie.

Alstom est présente dans le monde entier, notamment dans le secteur des transports – le projet le plus important étant situé à Rio de Janeiro, dans le village olympique. Mais si elle est tout à fait compétitive, les concurrents dans ce domaine ont tendance à être des sociétés uniques concentrées sur cette industrie.

Les quatre sièges sociaux qui seraient situés en France – pour l’hydroélectricité, l’offshore, la vapeur et les réseaux – seraient dotés de capacités de prise de décision stratégique. Quand je dis que la France sera un leader important à l’avenir dans le domaine de l’énergie, cela signifie qu’il y aura davantage d’emplois mobilisés à cet effet dans votre pays. Il y aura aussi davantage de recherche et développement et de décisions stratégiques prises dans celui-ci.

Notre projet permettra donc de renforcer la position de la France dans le secteur de l’énergie.

M. le président François Brottes. Quel est l’avenir de la marque Alstom ?

M. Jeffrey R. Immelt. Elle continuera à vivre. Nous en discuterons avec la direction d’Alstom et le Gouvernement, mais nous souhaitons que la société poursuive ses activités et soit préservée.

M. Dino Cinieri. Daniel Fasquelle, qui m’a prié de l’excuser de ne pouvoir être présent, m’a chargé de vous poser deux questions : d’une part, quels sont les avantages de votre offre par rapport à celle de Siemens ? D’autre part, quelles avancées pouvez-vous mettre en avant depuis votre première proposition, notamment en matière d’emplois et de protection des intérêts français dans certains secteurs stratégiques comme l’hydroélectricité ? Et quel crédit accordez-vous à un plan C tendant à soutenir une position française plutôt qu’américaine ou allemande ?

M. Jeffrey R. Immelt. Il n’y a pas de proposition précise de Siemens à l’heure actuelle. Je ne souhaite donc pas en parler.

J’insiste sur la force de notre proposition, qui ajoute des sièges sociaux en France, y accroît le nombre d’emplois et les capacités techniques, préserve la souveraineté de votre pays sur les turbines à vapeur, notamment s’agissant de nos principaux fournisseurs. Elle permet des alliances supplémentaires avec l’État français et d’autres acteurs de votre pays, tout en augmentant les capacités d’exportation et de croissance.

Elle repose sur une base solide, qui est celle de GE depuis des décennies, concernant les soins de santé, l’aviation, l’énergie. Nous venons ici en amis.

S’agissant de l’hydroélectricité, nous avons l’intention de tenir nos engagements envers le Gouvernement. Ce secteur est très fort chez Alstom et nous souhaitons continuer à le développer dans le monde.

Notre proposition est donc bonne pour Alstom, GE et le peuple français dans son ensemble.

M. Jean-Luc Laurent. L’avenir d’Alstom nous importe, notamment au regard des emplois à préserver. Mais pouvez-vous être plus précis sur les emplois que vous entendez développer ? Quelles seraient les filières concernées ?

L’emploi est aussi un enjeu industriel. Nous avons connu des précédents à cet égard, comme ArcelorMittal ou Pechiney, qui se sont soldés pour la France par des catastrophes industrielles et sociales.

Au-delà des questions d’emploi et d’industrie, il s’agit d’une question d’intérêt national et de souveraineté.

Votre concurrent à la reprise d’Alstom est sorti du nucléaire depuis des années en Allemagne. Je suis d’ailleurs surpris du changement de pied qu’il propose au travers de sa candidature, avec la volonté de réinvestir dans ce secteur. Une telle proposition est-elle durable ?

Ne faut-il pas un plan C, franco-français ? La proposition de GE n’est en effet pas sans conséquence sur la défense nationale et son lien avec la politique industrielle. Alstom a aussi une composante industrielle militaire, qui soulève un enjeu de souveraineté nationale.

Si la France a réintégré l’OTAN, elle est soucieuse de son autonomie de décision et nous sommes attachés à l’indépendance nationale. Comment envisagez-vous dans ces conditions la gestion des activités nucléaires – je pense notamment à la turbine Arabelle ? Ce que vous nous direz serait-il acceptable dans la situation inverse par un citoyen américain au regard de la souveraineté des États-Unis ?

M. Jeffrey R. Immelt. Depuis plus de quarante ans, nous avons un partenariat avec la Snecma, qui est à présent le meilleur au monde. Après avoir survécu à des récessions multiples et à plusieurs désaccords, il est devenu un des piliers de l’industrie française, dont nous sommes fiers.

De même, il y a vingt-cinq ans, nous avons mené un projet industriel avec Thomson, dans lequel nous avons développé une filiale dans le domaine de la santé. Celle-ci, qui n’a pas généré de profits pendant les dix premières années – nous avons même perdu plus de 200 millions de dollars –, est aujourd’hui florissante.

En 1999, nous avons acquis le secteur des turbines à gaz d’Alstom de Belfort et, depuis quinze ans, cette entreprise est également florissante. Il y a deux ans, nous avons aussi acquis une autre partie d’Alstom, qui va suivre le même processus.

Le passé est parfois le meilleur moyen de prévenir l’avenir et nous sommes fiers de ce que nous avons accompli en France.

Votre question sur la souveraineté est pertinente. Nous avons des relations commerciales avec EDF depuis des décennies et organisé des alliances avec les industries nucléaire et militaire. Nous savons donc comment traiter ces questions et pensons pouvoir offrir une solution constructive avec le Gouvernement et nos partenaires pour protéger les actifs clés du secteur des turbines à vapeur.

Enfin, peu de choses de ce que nous fabriquons dans le cadre de notre projet industriel seront vendues en France. EDF est un grand partenaire, dont les produits seront commercialisés en Chine, en Inde, en Afrique, aux États-Unis, dans le reste de l’Europe, au Brésil ou en Thaïlande. Nous pourrons ainsi créer un champion mondial concurrentiel, générateur d’emplois en France.

Mme Frédérique Massat. Aujourd’hui, Alstom emploie 18 000 personnes dans 21 sites en France. Pouvez-vous vous engager à maintenir ces sites, voire à en augmenter le nombre ?

Mme Clotilde Valter. Merci, monsieur Immelt, d’être venu vous exprimer devant nous.

Le projet que vous avez construit avec Alstom est très intéressant mais a suscité quelques questions et inquiétudes, car cette entreprise est un de nos fleurons industriels et le rachat du secteur de l’énergie conduit, par un effet en chaîne, à ce que l’on perçoit comme un démantèlement ou à ce que l’on appelle une vente « par appartements ». En outre, la perspective d’une alliance avec Siemens apparaît comme un projet européen avec pour modèle d’Airbus, très présent dans les esprits. Comment comptez-vous répondre à nos préoccupations ?

Pouvez-vous être plus précis s’agissant des centres de décision et de la gouvernance ? Pensez-vous pouvoir transformer cette opération en un véritable partenariat ? Comment comptez-vous vous y prendre concrètement ?

Il y a des expériences de coopération réussies avec la France – je pense à Safran, qui constitue un exemple intéressant, pédagogique et utile à notre réflexion. Quels enseignements tirez-vous de ce cas particulier pour le projet que vous avez aujourd’hui avec Alstom ?

Enfin, pensez-vous pouvoir encore faire évoluer votre proposition ? Si oui, sur quels points et comment ?

M. Jeffrey R. Immelt. Le nombre d’emplois de la filiale énergie d’Alstom est de 9 000. Nous comptons accroître ce nombre et de nouveaux sites seront créés en France.

GE emploie 94 000 personnes en Europe, où nous avons déjà investi 25 milliards d’euros dans le cadre de cycles économiques très divers. Encore une fois, la France pourra disposer de deux entreprises mondiales très fortes, dans l’énergie et le transport. Il ne s’agit d’abandonner ni l’une ni l’autre. Le personnel français est très bon et peut concurrencer n’importe qui dans le monde.

Je répète que nous continuerons à avoir avec le Gouvernement des discussions constructives et ouvertes.

Avec Safran, nous avons toujours eu une vision de long terme : nos cultures se sont rapprochées au fil du temps, ce qui permet de créer les sociétés les plus concurrentielles au monde.

M. le président François Brottes. Merci monsieur le président. Toutes les questions n’ont pas obtenu une réponse mais nous avons compris que les discussions sont encore en cours. Peut-être nous reverrons-nous avec une proposition plus finalisée.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mardi 27 mai 2014 à 18 h 30

Présents. - M. Damien Abad, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Yves Blein, Mme Michèle Bonneton, M. François Brottes, M. Dino Cinieri, M. Daniel Fasquelle, M. Jean Grellier, M. Philippe Kemel, M. Jean-Luc Laurent, Mme Annick Le Loch, M. Philippe Le Ray, Mme Audrey Linkenheld, Mme Marie-Lou Marcel, Mme Frédérique Massat, M. Jean-Claude Mathis, M. Hervé Pellois, Mme Béatrice Santais, M. Éric Straumann, M. Jean-Charles Taugourdeau, Mme Clotilde Valter

Excusés. - M. Joël Giraud, M. Philippe Armand Martin, M. Bernard Reynès

Assistaient également à la réunion. - M. Jean-Louis Gagnaire, M. Damien Meslot, M. Michel Piron, M. Michel Zumkeller