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Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mission d’évaluation et de contrôle

Prévention et accompagnement par la puissance publique des plans de sauvegarde de l’emploi

Jeudi 13 juin 2013

Séance de 9 heures 

Compte rendu n° 43

Présidence de M. Olivier Carré, président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Christian Cauvet, commissaire au redressement productif en Haute-Normandie, sur le thème « Prévention et accompagnement par la puissance publique des plans de sauvegarde de l’emploi »

M. Olivier Carré, président. Monsieur Cauvet, vous êtes commissaire au redressement productif de la région Haute-Normandie. Nous vous remercions d’avoir répondu à la demande des membres de cette mission d’information et de contrôle qui ont souhaité pouvoir bénéficier de votre expérience en tant que commissaire au redressement productif. Nous avons déjà auditionné votre collègue, Monsieur Pham Ngoc, qui est commissaire pour la région Nord. Un regard complémentaire sur une région aux caractéristiques différentes nous a paru utile.

Après vos propos liminaires, les rapporteurs Christophe Castaner et Véronique Louwagie vous poseront quelques questions.

M. Christian Cauvet, commissaire au redressement productif.

J’ai été nommé dans cette fonction par M. Arnaud Montebourg à la suite de la circulaire du 14 juin 2012. Je suis le seul commissaire au redressement productif dont le corps d’origine est la direction du budget, en l’occurrence la direction des finances publiques. Environ la moitié des commissaires au redressement productif provient des Directions générales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (les DIRECCTE), en général du pôle « entreprises », l’autre moitié du corps préfectoral.

Compte tenu de mon expérience des relations entre créanciers publics et entreprises en difficulté, j’ai rédigé une note à l’intention du cabinet de M. Montebourg sur la non-application des dispositions de la loi de sauvegarde des entreprises du 26 juillet 2005 relative aux remises de dettes par les créanciers publics en procédure collective.

La survie d’entreprises en difficulté confrontées aux procédures judiciaires de conciliation, de sauvegarde ou de redressement peut être facilitée par des remises de dettes accordées par les créanciers publics. Cette faculté s’exerce très rarement alors qu’elle constitue le moyen de ne pas aboutir à un plan de sauvegarde de l’emploi.

En Haute-Normandie, j’étais le principal collaborateur du TPG, devenu maintenant le directeur des finances publiques, sur l’accueil des entreprises en difficulté. Je présidais la commission des chefs de services financiers qui octroyait des délais et éventuellement des remises.

J’ai constaté que le dispositif était très peu mis en œuvre en Haute-Normandie comme ailleurs. À titre d’exemple, en 2011, en Haute-Normandie, sur 1 178 ouvertures de procédures collectives par les tribunaux de commerce (dont 410 sauvegardes ou redressements judiciaires – hors conciliations), 44, soit 3,7 % seulement, ont donné lieu à saisine du Comité des créanciers publics. Cinq dossiers ont été menés à leur terme et examinés en commission, et un seul a donné lieu à une remise.

En 2012, au plan national, selon les données du ministère du budget (DGFIP), seules 69 remises sur 61 000 procédures collectives ouvertes ont été accordées pour un total de 20,8 millions d’euros, soit une moyenne de 301 k€ par dossier. La procédure continue à ne pas être utilisée pour différentes raisons qu’il convient d’examiner.

L’article L. 626-6 du code de commerce prévoit que les créanciers publics, en cas de procédures de conciliation, de sauvegarde ou de redressement judiciaire, peuvent procéder à la remise de tout ou partie de leurs créances. Cet article est généralement celui qui est cité, mais en réalité divers articles du code sont applicables selon les procédures retenues.

Le principe est qu’une entreprise qui est soumise à une procédure judiciaire de conciliation, de sauvegarde ou de redressement judiciaire, peut bénéficier de la remise de tout ou partie de ses créances publiques (essentiellement l’Urssaf) sous trois conditions :

– Les remises qui auparavant ne pouvaient porter que sur l’accessoire peuvent maintenant porter sur le principal,

– Les demandes de remises doivent être faites dans les deux mois de l’ouverture de la procédure collective. Or ce délai de deux mois est trop court pour les administrateurs judiciaires compte tenu des autres délais de procédure et notamment des délais nécessaires à l’obtention des documents dont ils ont besoin,

– Les créanciers publics doivent se prononcer dans les deux mois de la constitution complète du dossier. À défaut, la demande est réputée rejetée.

Il existe une deuxième possibilité d’obtenir des remises de la part des créanciers publics : en cours d’exécution d’un plan d’apurement du passif, sa révision peut être demandée au tribunal si une modification dite « substantielle » est intervenue. Cette possibilité semble n’être jamais utilisée.

Le délai de deux mois est trop court pour les administrateurs d’autant que le nombre de dossiers augmente régulièrement à effectif constant d’administrateurs. La constitution du dossier en plusieurs étapes ne facilite pas non plus les choses. Dans de nombreux cas, l’administrateur dépose dans les deux mois une demande incomplète. Les créanciers publics l’acceptent même si elle n’est pas rigoureusement conforme aux exigences de la loi. Pour différents motifs le dossier complet n’est jamais constitué et ne donnera pas lieu à l’attribution de remises par les créanciers publics. C’est réellement dommage parce que des entreprises auraient pu être sauvées ou reprendre une activité dans de bien meilleures conditions si elles avaient pu bénéficier de ces remises.

J’ai rencontré beaucoup d’entreprises depuis que j’ai pris mes fonctions de commissaire au redressement productif. Certains entrepreneurs n’avaient que des dettes publiques, notamment auprès de l’Urssaf et ne savaient pas qu’il existait des possibilités de remises. D’autres avaient des plans d’apurement de dettes très lourds qui auraient pu être considérablement allégés par des remises, ne serait-ce que de 20 ou 30 % sur leurs créances publiques. Ils auraient pu rebondir, investir et avoir d’autres ambitions que leur seule survie.

Je pense que la loi pourrait être améliorée si on allongeait le délai de deux mois à quatre ou six mois ou si on autorisait le dépôt de la demande de remise pendant toute la période d’observation, c'est-à-dire toute la période pendant laquelle le tribunal de commerce analyse la situation de l’entreprise pour savoir si elle peut ou non survivre compte tenu de ses capacités financières.

Si un délai fixe devait être maintenu, il faudrait créer une possibilité de relevé de forclusion pour rouvrir les dossiers, notamment quand le commissaire au redressement productif apprend qu’une entreprise aurait pu être aidée par des remises qui n’ont pas été faites.

Si des entreprises sont placées en liquidation judiciaire dès leur arrivée au tribunal de commerce, d’autres le sont quand elles ont un plan de redressement qui n’est pas respecté. Il est dommage qu’un plan de redressement avec essentiellement des dettes publiques ne puisse faire l’objet d’aménagements.

Sur le montant des remises :

Comme je vous l’ai dit, avant la loi de sauvegarde, les commissions de chefs de services financiers pouvaient octroyer des remises sur la totalité des pénalités et majorations mais aucune remise ne pouvait être faite sur le principal.

La loi de sauvegarde a introduit la possibilité de faire des remises sur le principal, à l’exception des impôts indirects (TVA). Dans les faits, la principale dette publique qui peut faire l’objet d’une remise est celle de l’Urssaf, souvent assez significative. Quand une entreprise dépose le bilan, le dernier mois de salaire n’est pas payé et l’Urssaf ne l’est pas non plus.

La pratique des remises a un impact très limité pour le budget de l’État. Elles portent sur des créances privilégiées, mais pas superprivilégiées. En procédure de redressement, les créances salariales sont assez importantes et l’Urssaf est loin d’être désintéressé.

L’attribution de remises allège le plan de redressement et évite à des entreprises de se retrouver en situation de liquidation judiciaire.

M. Olivier Carré, président. Je vous remercie de votre exposé très concret et très étayé.

M. Christophe Castaner, rapporteur. Merci d’être rentré dans le vif du sujet. Votre démarche est particulièrement intéressante. Je voudrais que vous reveniez sur le fait que le dispositif existe mais est très peu utilisé, d’abord vous l’avez dit parce qu’il n’est pas connu et ensuite parce qu’il est très encadré dans le temps. Mais n’est-ce pas aussi parce que, par nature, le représentant de l’État qui à un moment donné doit gérer une dette publique fait en sorte d’inscrire cette dette et n’entre pas dans la négociation ? Ne pensez-vous pas que nous sommes confrontés à un problème culturel et que c’est la doctrine de l’État plus que les textes qui devraient évoluer ?

Autre question, l’abandon de créance peut être considéré comme une subvention déguisée et est donc encadré juridiquement et très sensible politiquement. Pourrait-on envisager de transformer les créances publiques en capital de l’entreprise. L’État plutôt que d’être « actionné » deviendrait acteur. La créance ne serait pas éteinte mais elle serait associée.

M. Christian Cauvet, commissaire au redressement productif. La dernière question relève d’une appréciation qu’il ne m’appartient de formuler en tant que fonctionnaire. Mais effectivement cela pourrait être envisagé.

Je pense que cela pourrait être très utile, pas forcément pour toutes les entreprises, mais pour celles du secteur des nouvelles technologies. Pendant les premières années, leurs dépenses sont très importantes (en particulier les frais de recherche et de développement) et elles consomment très vite leur capital. Elles se retrouvent après deux ou trois ans avec des dettes publiques alors qu’elles ont des perspectives de développement à relativement court terme.

Vous dites que les comptables publics ont tendance à vouloir retenir l’argent de l’État. La compétence pour octroyer les remises de créances publiques appartient à la commission des chefs de services financiers présidée par le directeur des finances publiques. Elle ne comporte aucun membre de l’administration capable de porter une appréciation sur l’intérêt économique de l’entreprise à sauvegarder. Il pourrait être souhaitable que lorsque la commission a à se prononcer sur une remise de principal de dettes publiques, elle prenne conseil auprès d’acteurs plus avisés.

Le directeur des finances publiques est en même temps secrétaire du Codefi qui est lui-même présidé par le préfet. Le Codefi régit un certain nombre d’administrations dont la DIRECCTE qui a des connaissances sur les entreprises en difficulté plus fines que la commission des chefs de services financiers. Il pourrait être utile que la commission des chefs de services financiers se prononce avec l’avis du Codefi.

Sur le premier point, le respect des réglementations relatives aux aides publiques, la circulaire cosignée par les quatre fonctionnaires d’administrations concernées rappelle les conditions dans lesquelles les remises doivent être octroyées, c'est-à-dire des conditions identiques à celles que ferait un opérateur privé dans les conditions normales du marché.

La remise ne peut pas être assimilée à une aide d’État et donc soumise à la réglementation européenne relative aux aides publiques. C’est la raison pour laquelle il est prévu que, dans l’instruction des demandes, on se réfère à l’effort parallèle fait par les créanciers privés et les actionnaires.

M. Olivier Carré, président. Le fisc et les créanciers publics sont privilégiés par rapport aux créanciers chirographaires. N’y a-t-il pas là une ambiguïté ? Ne faudrait-il pas mettre les créanciers publics au même rang que les autres créanciers ?

M. Christian Cauvet, commissaire au redressement productif. C’est une question à laquelle je n’ai pas réfléchi. Mais les créanciers privilégiés sont primés par les créanciers super-privilégiés et en réalité ils n’arrivent pas en rang utile.

Mme Véronique Louwagie, rapporteure.  Je voudrais que vous reveniez sur les dossiers déposés en plusieurs fois et qui sont problématiques.

M. Christian Cauvet, commissaire au redressement productif. Dans les deux mois d’ouverture de la procédure, on doit déposer la demande accompagnée d’un certain nombre de pièces. Une fois que la demande est enregistrée on complète le dossier par un certain nombre d’autres pièces, et c’est souvent là qu’il y a un blocage parce que ces pièces n’arrivent jamais. Les administrateurs sont débordés et n’ont absolument pas le temps de s’occuper des petits dossiers. C’est la raison pour laquelle beaucoup d’entreprises vont directement en liquidation judiciaire alors qu’elles auraient des chances de survivre en redressement.

Mme Véronique Louwagie, rapporteure.  Ne pourrait-on pas donner l’initiative du recours à cette procédure à d’autres acteurs que l’administrateur ou le mandataire ? Ce pourrait être le juge commissaire ou le chef d’entreprise, encore qu’il soit dessaisi d’un certain nombre de pouvoirs.

M. Christian Cauvet, commissaire au redressement productif. Pourquoi pas ? Ce tiers pourrait être le commissaire au redressement productif. Le nombre d’entreprises qui nous saisit est extrêmement élevé. J’ai ouvert plus de 190 dossiers depuis le 1er juillet dernier. Quand nous sommes positionnés en préfecture, nous n’avons aucun collaborateur et gérons l’urgence en permanence. Si les commissaires au redressement productif pouvaient bénéficier de l’appui d’une équipe, ce serait très positif.

Le commissaire au redressement productif correspond véritablement à un besoin. Je viens de la direction des finances publiques et c’est le TPG qui avait la vocation d’accueil des entreprises en difficulté. Cela ne fonctionnait pas parce que les entrepreneurs ne venaient pas se confier à leur percepteur. Ils pourraient aller voir la chambre de commerce ou la chambre des métiers, mais ne veulent non plus se confier à leurs pairs surtout dans la période actuelle.

Dès qu’une entreprise est connue pour avoir des problèmes, ses difficultés s’accroissent. La consigne de M. Montebourg était d’intervenir avant que l’entreprise ne se retrouve en situation de redressement judiciaire, position dans laquelle elle n’a plus la confiance de ses partenaires. J’ai l’exemple d’une entreprise en plan de redressement depuis 8 ans, qui respecte scrupuleusement ses échéances et pour qui tout se passe bien, à qui la banque refuse tout prêt.

Mme Véronique Louwagie, rapporteure. Je voudrais avoir des précisions sur les remises. Peuvent-elles être accordées au moment de la négociation du plan proposé par les repreneurs ?

M. Christian Cauvet, commissaire au redressement productif. C’est au début de la procédure que l’on décide si cette remise sera de 30 ou 40 %, voire de 100 % sur la partie « pénalités et majorations ».

Mme Véronique Louwagie, rapporteure. Le plan est décidé après la période d’observation qui peut être renouvelée, donc cela peut-être au bout de six mois. Ce serait intéressant que ce soit à ce moment-là que la remise puisse intervenir en fonction d’un plan présenté et qui retiendrait l’attention de l’ensemble des acteurs. C’est là qu’une remise est intéressante parce qu’elle permet la poursuite de l’activité et constitue une aide forte.

M. Christian Cauvet, commissaire au redressement productif. C’est la raison pour laquelle il serait très utile de prolonger la période de deux mois parce que l’opportunité de la remise n’est pas toujours ressentie par les personnes qui suivent le dossier dans les deux premiers mois, mais seulement quand ils ont une bonne connaissance de la situation de l’entreprise. Il faut d’abord rétablir la réalité des chiffres avant de pouvoir dire s’il faut ou non faire des remises.

M. Christophe Castaner, rapporteur. Je voudrais revenir sur la question de votre positionnement et des moyens du commissaire au redressement productif. Aucun commissaire au redressement productif n’a la même fonction sur l’ensemble du territoire et beaucoup n’ont pas le même positionnement. Vous êtes placé auprès du préfet, d’autres sont dans les DIRECCTE, d’autres sont responsables de service de ces DIRECCTE et « accessoirement » commissaires au redressement productif.

M. Christian Cauvet, commissaire au redressement productif. Tous ceux qui sont d’origine préfectorale se consacrent uniquement à l’activité de commissaire au redressement productif, mais ceux qui sont dans les DIRECCTE ont parfois une activité à temps partagé.

M. Christophe Castaner, rapporteur. Je voudrais savoir quelle appréhension de la question de la gouvernance globale de l’accompagnement vous donne votre expérience et si vous souffrez de l’absence d’ordonnateur public qui puisse trancher sur ces sujets.

M. Christian Cauvet, commissaire au redressement productif. La gouvernance des entreprises en difficulté est à mon avis beaucoup trop laissée à la main des comptables publics. Ce sont eux qui ont la compétence pour gérer le recouvrement et ses à-côtés, c'est-à-dire les pénalités et majorations. C’est vrai qu’en commission des chefs de services financiers, surtout dans les petits départements, on n’a pas de connaissance physique de l’entreprise, on ne va pas sur le terrain, on ne connaît pas l’intérêt économique que présente la sauvegarde de telle ou telle entreprise, on croit ce que nous dit le chef d’entreprise. Le secrétariat, assuré par les services du directeur des finances publiques, est commun à la commission des chefs de services financiers et au CODEFI. Les DIRECCTE, elles, savent si l’entreprise présente un intérêt au plan national et international.

Les comptables publics ont trop tendance à porter un jugement à partir du seul comportement fiscal de l’entreprise. En commission des chefs de services financiers, il est très difficile d’obtenir une aide pour une entreprise en redressement fiscal. Ce n’est parce qu’un chef d’entreprise n’a pas respecté la loi qu’on doit sacrifier l’activité économique et les emplois représentés par son entreprise, surtout si son activité est exportable.

Mme Véronique Louwagie, rapporteure. Vous avez dit que vous n’aviez pas les moyens des DIRECCTE et évoqué les cellules de veille et d’alerte que vous avez mises en place. Comment sont-elles composées ?

Quelles sont vos suggestions pour faire évoluer le dispositif du commissaire au redressement productif ?

M. Christian Cauvet, commissaire au redressement productif. Participent à la cellule de veille et d’alerte tous les services de l’État plus la région, directement en lien avec l’activité économique de l’entreprise. Les sous-préfectures, la direction des finances publiques, la Banque de France, la DRIRE, la DREALE sont tous les services que je peux actionner dès que j’ai une difficulté. On a ajouté les régions parce qu’elles aident les entreprises par des prêts sans intérêt. Ma principale activité est d’orienter des entreprises qui ne savent pas du tout à qui s’adresser le jour où elles sont en tension. Elles ignorent des dispositifs aussi simples que celui du chômage partiel ou le crédit d’impôt pour la compétitivité des entreprises, par exemple, qui peut permettre de récupérer en une quinzaine de jours des fonds qui font défaut.

M. Christophe Castaner, rapporteur. Vous avez évoqué la situation de redressement judiciaire comme une condamnation, les entreprises ne pouvant plus soumissionner aux marchés publics pour des raisons de protection juridique du donneur d’ordre. Pensez-vous que l’on pourrait revenir sur cette interdiction ?

M. Christian Cauvet, commissaire au redressement productif. C’est le problème du non accès aux marchés publics des entreprises en phase de procédure collective. On pourrait revenir sur ces dispositions, mais il ne faut pas perdre de vue qu’elles ont été prises pour éviter aux acheteurs publics de se retrouver devant des entreprises qui ne feraient pas face à leurs engagements.

Mme Véronique Louwagie, rapporteure. Les tribunaux de commerce, souvent à l’initiative du président, peuvent lancer des procédures d’enquête sur les entreprises en difficulté. Ces enquêtes ne sont pas publiques, mais est-ce qu’en tant que commissaire au redressement productif vous en avez connaissance ?

M. Christian Cauvet, commissaire au redressement productif. Je n’ai pas eu de liens avec les tribunaux de commerce aussi soutenus que j’aurais souhaité les avoir parce que j’ai été submergé par le nombre de dossiers à traiter. Si le rôle des commissaires était au départ d’aller à la recherche des entreprises en difficulté, grâce à la communication qui a été faite sur la création de la fonction, les entreprises sont venues spontanément vers nous. Ceci dit, il m’arrive fréquemment d’envoyer des entreprises voir le président du Tribunal de commerce dans le cadre de la prévention. Le président les conseille sur la date de dépôt et les informe sur la façon dont cela va se passer ; mais la peur du tribunal de commerce est très forte.

Mme Véronique Louwagie, rapporteure. Est-ce que vous pouvez nous donner des indications sur le volume d’entreprises que vous avez reçues depuis un an et votre sentiment sur la réussite du dispositif du commissaire au redressement productif ? Quel est le volume des entreprises qui ont tiré un véritable bénéfice de ce dispositif ?

M. Christophe Castaner, rapporteur. Sur les 190 dossiers que vous évoquiez toute à l’heure, combien correspondent à des demandes d’information parce que la zone est tendue et combien sont des dossiers d’entreprises véritablement en danger ?

M. Christian Cauvet, commissaire au redressement productif. Les entreprises qui viennent me voir sont toutes dans une situation très délicate.

Certaines situations ne sont pas du ressort de la commission des chefs de services financiers mais relèvent de problèmes avec l’administration pour des procédures qui n’avancent pas assez vite et qui mettent l’entreprise en difficulté. Je peux intervenir à différents niveaux pour faire avancer le dossier. En réalité, j’interviens sur toute situation d’entreprise qui peut conduire à terme à un dépôt de bilan ou une disparition. Les problèmes de trésorerie représentent plus de la moitié des dossiers, mais ce ne sont pas les seuls. Trois secteurs très touchés par la crise : le bâtiment, les transports et le travail des métaux.

M. Christophe Castaner, rapporteur. L’essentiel des difficultés rencontrées par les entreprises correspond à une baisse du chiffre d’affaires liée à la concurrence. Est-ce que vous êtes confrontés aux problèmes de tensions sur la trésorerie et de besoins en fonds de roulement qu’elles connaissent pour passer les caps difficiles ?

M. Christian Cauvet, commissaire au redressement productif. Il m’arrive souvent de téléphoner à des banques en leur demandant d’agir pour une entreprise qui a des problèmes de trésorerie. Je leur indique que la commission de chefs des services financiers va octroyer des délais de paiement exceptionnels mais leur demande en contrepartie de faire un effort. Cela est d’autant plus facile que depuis 2009 la commission des chefs de services financiers peut octroyer des délais non seulement sur des créances échues mais aussi sur des créances à échoir. Dans ce cadre-là, aucune publicité du privilège du Trésor n’est faite et les partenaires de l’entreprise ne peuvent pas connaître la tension de trésorerie. Le président du tribunal de commerce n’approuve pas toujours cette pratique parce qu’il considère que les aides des créanciers publics en matière de délais accroissent les difficultés des entreprises. Dans l’hypothèse où elles ne se redresseraient pas, il serait alors plus difficile d’établir un plan d’apurement.

M. Olivier Carré, président. Il me reste à vous remercier. C’était particulièrement utile et éclairant.