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Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mission d’évaluation et de contrôle

La fiscalité des hébergements touristiques

Mercredi 5 mars 2014

Séance de 10 heures

Compte rendu n° 5

Présidence de M. M. Éric Straumann, co rapporteur

– Audition, ouverte à la presse, de M. Olivier Colcombet, président du directoire de Belambra, et de M. Lionel Gouget, directeur administratif et financier.

M. Éric Straumann, président et co rapporteur. Nous accueillons M. Olivier Colcombet, président du directoire de Belambra, et M. Lionel Gouget, directeur administratif et financier de cette société.

M. Olivier Colcombet, président du directoire de Belambra. Pour, tout d’abord, présenter nos activités nous vous avons apporté trois dossiers : le premier contient la présentation commerciale de notre offre de séjour, qui figure également sur notre site Internet en français et en anglais ; le deuxième est un document à usage interne, destiné à diffuser nos valeurs et nos codes d’expression dans l’entreprise, laquelle emploie 2 500 personnes en pleine activité ; le troisième s’adresse aux collectivités locales où nous sommes implantés. Nous sommes en effet attachés à avoir de bonnes relations avec celles-ci, pour lesquelles nous constituons généralement un acteur économique important.

Belambra a remplacé VVF, association créée il y a une soixantaine d’années grâce notamment à la Caisse des dépôts et consignations (CDC) et qui a décliné après avoir connu un succès considérable. En effet, VVF qui a bénéficié d’implantations remarquables dans des lieux extraordinaires, a souffert d’un modèle économique ne prévoyant pas une marge d’exploitation suffisante pour injecter dans l’outil de travail les flux nécessaires au maintien et à l’adaptation de ces installations.

Nous l’avons sauvée, en changeant de nom et en ajoutant de nouveaux établissements à son périmètre d’origine, qui comprenait de grands établissements mais aussi de plus petits dont les murs appartenaient, non à des sociétés civiles immobilières (SCI), mais à des collectivités locales. Il s’agissait souvent de très petites communes, pour lesquelles ces établissements constituaient un moyen de maintenir l’activité économique locale. N’ayant pas les moyens d’y injecter des fonds, elles étaient dépendantes d’un système de subventions nécessitant une structure sans but lucratif.

Lorsque la CDC a transformé VVF en société anonyme pour lui donner un cadre juridique, il a donc fallu maintenir dans le régime associatif le périmètre détenu par les communes, qui s’appelle aujourd’hui VVF Villages. Cette association a d’ailleurs été regroupée avec une autre du même type, VAL – Vacances Auvergne Limousin. Cela dit, nous n’avons plus de relations économiques ou juridiques avec cette structure, dont le conseil est représenté à la CDC. Reste qu’elle est dans une situation économique très tendue.

La société anonyme a d’abord pris le nom de VVF Vacances puis, fin 2007, celui de Belambra prononçable dans les différentes langues européennes. Cette marque est désormais reconnue dans la profession.

Nous exploitons près de soixante établissements, dont 25 % sont en haute montagne – et ont donc deux saisons – et la plupart des autres sur le littoral. La marque est caractérisée par sa destination exclusivement française : notre action internationale, qui se développe, consiste à faire venir des étrangers dans notre pays.

Notre clientèle est diverse : nous exerçons, entre autres, le métier de la neige et celui des vacances scolaires, qui est le cœur de notre activité puisque nous nous adressons aux familles avec enfants. Nous avons développé un véritable savoir-faire dans ce domaine en proposant de grands parcs sécurisés destinés aux enfants de tous âges. Nos clubs poussins accueillent ainsi les bébés de trois mois, ce qui correspond à une activité à la fois très technique et réglementée. En tout, nous recevons chaque année environ 100 000 enfants avec leurs parents.

Nous offrons aussi des activités sportives : nous avons ainsi conclu depuis plusieurs années un partenariat avec la Fédération française d’athlétisme, consistant à accueillir chez nous des athlètes de haut niveau pendant les vacances scolaires pour jouer le rôle de « coachs athlétisme-santé » et proposer une grande variété d’activités.

Nous servons environ 3 millions de repas par an, sans faire appel à des sous-traitants, avec les mêmes performances économiques que les grandes sociétés de restauration. Nous connaissons donc bien les questions de négociations d’achat et d’hygiène et de sécurité, qui sont très astreignantes.

En dehors des vacances scolaires, nous visons un autre type de clientèle et accueillons des séminaires d’entreprise ou des congrès.

Faire venir des étrangers en vacances en France implique d’être connu à l’étranger, ce qui nécessite beaucoup de moyens. Si nous sommes très connus en Belgique francophone, où nous sont proposés des partenariats sur les grands médias, nous devons principalement passer par des tours opérateurs très coûteux.

Mme Monique Rabin, co rapporteure. Que représentent les étrangers en pourcentage dans votre clientèle ? Avez-vous un partenariat avec Atout France ?

M. Olivier Colcombet. Les étrangers représentent environ 17 % de notre chiffre d’affaires. Ils se concentrent sur les établissements de haute montagne et la Méditerranée. Nous nous efforçons d’avoir une signalétique en français et en anglais et avons, dans ces centres, du personnel parlant les langues étrangères.

Nous avons en effet des partenariats avec Atout France.

Notre hôtellerie a une forme particulière, très saisonnière. Si certains de nos établissements sont ouverts toute l’année, la plupart ferment quatre à six mois par an. Nous faisons donc un métier très difficile, à faible marge, et raisonnons plus en termes de cash-flow disponible qu’en termes de marge d’exploitation. Notre activité est par conséquent très fragile.

M. Éric Straumann, président et co rapporteur. S’agissant de la taxe de séjour, le rapport établi en juin 2013 par le cabinet de conseil CTR fait état d’une méconnaissance préoccupante par les communes touristiques de la réalité et de la diversité des modes d’hébergement présents sur leur territoire, ce qui pèse sur l’application du mécanisme de cette taxe. Quelle est votre analyse sur ce point ?

M. Olivier Colcombet. Les modalités de la taxe de séjour nous paraissent pour le moins erratiques.

Je peux vous donner l’exemple d’un maire qui m’a adressé, en décembre 2013, un courrier dans lequel il annonçait son intention de doubler la taxe de séjour, avec un effet rétroactif pour 2013. C’est aberrant de modifier la règle pour des séjours qui ont déjà eu lieu !

Nous sommes mal à l’aise dans le rôle de collecteur d’impôt que nous jouons de fait. Nous ne contestons pas le fondement de la taxe, mais nous nous étonnons de l’arbitraire quant aux montants demandés.

Mme Monique Rabin, co rapporteure. Sur les différents sites que vous gérez, la taxe de séjour est-elle collectée à l’unité ou de manière forfaitaire ? Comment la clientèle perçoit-elle cette taxe dont elle ignore souvent l’existence lors du paiement de son séjour ?

M. Charles de Courson. Comment imputez-vous la taxe ?

M. Éric Woerth, co rapporteur. Quel est le montant total collecté ?

M. Olivier Colcombet. La taxe de séjour est acquittée par les clients lorsqu’ils sont accueillis dans nos établissements – ils ont au préalable payé l’intégralité de leur séjour. Ce procédé est très étonnant, voire déplaisant pour eux. Il crée parfois des tensions et des litiges avec la clientèle à l’occasion du premier contact entre cette dernière et les employés locaux. Ce mode de fonctionnement est néfaste pour la qualité de la relation avec la clientèle.

M. Lionel Gouget, directeur administratif et financier de Belambra. La taxe est collectée de manière unitaire sur place, sauf cas exceptionnels comme pour les tours opérateurs ou les groupes. Le montant collecté en 2013 s’élève à 1,45 million d’euros alors que le chiffre d’affaires dans le secteur du tourisme représente 148 millions d’euros et l’EBITDA c’est-à-dire les revenus de l’entreprise avant soustraction des intérêts, impôts, dotations aux amortissements et provisions sur immobilisations à 1,5 million d’euros.

M. Olivier Colcombet. L’EBITDA normatif, vers lequel nous essayons de tendre – ce devrait être le cas en 2015 – est de l’ordre de 8 millions d’euros.

M. Charles de Courson. Pourquoi la taxe de séjour n’est-elle pas comprise dans le forfait payé par le client ?

M. Olivier Colcombet. Parce qu’il y a autant de taux que de communes. Mais cette pratique de la collecte locale tient d’abord de l’habitude.

M. Charles de Courson. Votre critique du mode de perception est liée non pas à l’état des textes régissant la taxe de séjour, mais au choix que vous avez fait. Vous pourriez tout à fait prélever la taxe en amont, sans que les clients aient d’ailleurs connaissance de son existence.

M. Olivier Colcombet. Dans ce cas, nous serions dans l’obligation de la faire apparaître sur la facture. Mais il nous faut sans doute repenser le système de collecte, je le reconnais.

M. Charles de Courson. Que faites-vous lorsqu’un client refuse de payer la taxe de séjour ?

M. Olivier Colcombet. Il ne la paie pas, mais nous versons le montant correspondant à la commune.

M. Éric Straumann, président et co rapporteur. Cela ne doit pas être très fréquent. Le problème tient peut-être à un manque d’information du client puisque la taxe de séjour apparaît à la fin de votre brochure dans les conditions générales de vente. En Allemagne et en Autriche, la taxe est perçue localement, mais le client est prévenu préalablement.

Mme Monique Rabin, co rapporteure. Toutes les communes dans lesquelles vous êtes installés ont-elles instauré une taxe de séjour ?

M. Olivier Colcombet. Oui, mais les taux sont très hétérogènes.

M. Éric Woerth, co rapporteur. La variation des taux de la taxe ne devrait pas poser, a priori, de difficulté majeure.

M. Olivier Colcombet. Cette audition nous suggère une remise à plat de la question bien que celle-ci ne soit pas notre première préoccupation. La taxe de séjour est un problème essentiellement local qui est déconnecté de l’évolution de l’entreprise.

M. Éric Straumann, président et co rapporteur. Quels coûts de gestion occasionne la collecte de la taxe de séjour ? Cela représente-t-il une charge de travail significative ?

M. Lionel Gouget. Les coûts de gestion sont difficiles à évaluer, mais ils sont réels, qu’il s’agisse de la déclaration, du reversement ou de la collecte.

M. Éric Straumann, président et co rapporteur. La taxe de séjour constitue souvent la seule dépense du séjour pour vos clients, à l’exception peut-être des boissons qui ne sont pas comprises dans le forfait.

M. Olivier Colcombet. Les clients disposent d’une carte qui est créditée à leur arrivée pour s’acquitter de leurs dépenses sur place.

M. Éric Straumann, président et co rapporteur. Jugez-vous la taxe de séjour légitime ? Quelles sont les contreparties apportées par les collectivités ? Le mode d’encaissement vous paraît-il suranné ? Doit-on envisager de substituer à cette taxe une autre forme de fiscalité ?

M. Olivier Colcombet. La taxe de séjour est légitime, car elle permet aux communes qui la perçoivent de financer les besoins spécifiques liés à l’activité touristique en fonction de la fréquentation – l’accueil de nos clients a nécessairement des conséquences pour la commune sur le territoire de laquelle nous sommes implantés. Mais ses modalités, surannées comme vous l’avez dit, mériteraient d’être revues. En outre, nous regrettons que les taux soient arbitraires.

M. Éric Woerth, co rapporteur. La variation des taux est une constante de la fiscalité locale, à cette différence près que la taxe de séjour n’est pas obligatoirement prélevée…

M. Charles de Courson. Avez-vous déjà fait l’objet d’un contrôle de l’assiette et du paiement de la taxe ? Avez-vous eu recours aux exonérations prévues par la loi ?

M. Olivier Colcombet. Je n’ai pas le souvenir d’un contrôle. Nous reviendrons vers vous après avoir vérifié ces deux points. Le flou de nos réponses illustre combien la taxe de séjour constitue pour nous un sujet marginal. Nous nous acquittons de la tâche par nécessité et par habitude. Alors que nous sommes une entreprise très structurée, normée et centralisée, la taxe de séjour n’obéit à aucun de ces critères. Nous vous ferons part de la remise à plat que nous avons décidé d’entreprendre sur cette question à la suite de cette audition.

M. Éric Woerth, co rapporteur. Nous auditionnons ensuite les représentants d’Airbnb. Les nouveaux modes de réservation vous font-ils de la concurrence ? Si oui, considérez-vous celle-ci comme déloyale ?

M. Olivier Colcombet. La concurrence dans notre métier est assez diffuse puisqu’elle s’exerce avec toutes les formes de vacances.

Nous ne sommes pas opposés à la concurrence, qui au demeurant est plutôt stimulante, dès lors que l’État garantit l’égalité des chances. Or, en matière de normes, ce n’est pas le cas. Nous sommes écrasés par les normes, dont le respect peut être très onéreux, alors que les activités auxquelles vous faites référence n’y sont pas soumises.

M. Éric Straumann, président et co rapporteur. Vous ne souffrez probablement pas de la concurrence de ces activités puisque vous proposez une offre plus complète, incluant l’accueil des enfants et la restauration.

M. Olivier Colcombet. En effet, aucun directeur d’établissement ne m’a rapporté de problèmes posés par cette concurrence.

Mme Monique Rabin, co rapporteure. Quelles sont vos relations avec les collectivités locales ? Existe-t-il un dialogue avec elles sur la taxe de séjour ?

M. Olivier Colcombet. Nous avons presque partout des relations très fortes et personnelles avec les maires et les conseils municipaux.

M. Éric Woerth, co rapporteur. L’affectation des ressources procurées par la taxe de séjour fait-elle l’objet d’une discussion avec le maire ?

Mme Monique Rabin, co rapporteure. On pourrait également imaginer que la commune vous consulte sur le montant de la taxe et son évolution. Avez-vous d’autres idées de soutien fiscal aux collectivités locales ?

M. Olivier Colcombet. Nous entretenons des relations étroites avec les collectivités et les élus. C’est une nécessité absolue. L’épuration des eaux ou la qualité des voies sont des sujets de négociation. En revanche, sur la taxe de séjour, les seules discussions que nous pouvons entreprendre ont pour objet de résister à des augmentations erratiques, qui sont malgré tout assez rares.

M. Charles de Courson. Aucune commune ne vous a jamais associé à un groupe de travail sur l’affectation de la taxe de séjour ?

M. Olivier Colcombet. La direction de l’entreprise ne l’a jamais été. En revanche, si certains directeurs locaux peuvent avoir à débattre de cette question, c’est au titre de la fonction qu’ils exercent au sein de l’office du tourisme, pas de celle qu’ils occupent dans l’entreprise.