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Commission des affaires sociales

Commission des affaires sociales

Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Jeudi 5 juin 2014

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 19

Présidence de M. Pierre Morange, rapporteur

– Auditions, ouvertes à la presse, sur « le transport de patients » (M. Pierre Morange, rapporteur) :

– M. Alain Bourez, directeur de la Caisse primaire d’assurance maladie des Hauts-de-Seine, et Mme Bintou Boïté, directrice adjointe

– Mme Cécile Alfocea, directrice de la Caisse primaire d’assurance maladie du Val-d’Oise, M. Philippe Bouquet, directeur adjoint en charge de la gestion du risque, et Mme Brigitte Loison, responsable du processus régulation

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

MISSION D’ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE
DES LOIS DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Jeudi 5 juin 2014

La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.

(Présidence de M. Pierre Morange, coprésident de la mission et rapporteur)

La Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) procède d’abord à l’audition, ouverte à la presse, de M. Alain Bourez, directeur de la Caisse primaire d’assurance maladie des Hauts-de-Seine, et Mme Bintou Boïté, directrice adjointe.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Nous avons le plaisir d’accueillir aujourd’hui M. Alain Bourez, directeur de la caisse primaire d’assurance maladie des Hauts-de-Seine, accompagné de son adjointe, Mme Bintou Boïté.

En tant que président et rapporteur, je souhaitais entendre les responsables des caisses primaires, qui sont responsables de la déclinaison territoriale des transports de patients, ceux-ci ayant représenté une dépense de quelque 4 milliards d’euros en 2013.

Nos travaux sur le transport des patients s’inspirent notamment de plusieurs rapports, dont celui de la Cour des comptes de 2012 et celui de M. Didier Eyssartier de 2010. La Cour des comptes a émis des préconisations visant à améliorer la prescription de transport par rapport au référentiel de 2006, à réformer la garde ambulancière et à parfaire le contrôle en matière de tarification et de lutte contre la fraude. Elle estime que la mise en œuvre de ces recommandations permettrait d’économiser 450 millions d’euros.

Quelles pistes préconisez-vous pour améliorer une offre aujourd’hui mal construite, pour affiner la logique tarifaire et pour accroître l’efficience de la gouvernance de la politique du transport de patients ?

M. Alain Bourez, directeur de la caisse primaire d’assurance maladie des Hauts-de-Seine. Les questions liées à la consommation médicale s’avèrent toujours complexes. On se retrouve souvent démuni face à l’évolution des comportements. Le transport médical est devenu un droit que l’on ne sollicitait pas auparavant. Améliorer la prescription, la facturation et le contrôle n’arrêtera pas la forte augmentation des dépenses de transport. La solidarité familiale qui amenait un parent à venir chercher un membre de sa famille à la sortie de l’hôpital s’est estompée derrière la commande d’un taxi ou d’un véhicule sanitaire léger (VSL).

Le transport de patients représente une dépense d’à peu près 4 milliards d’euros : c’est finalement peu en comparaison avec les dépenses de pharmacie, mais de petites choses peuvent entraîner, en bout de chaîne, des économies non négligeables. J’ai conscience que bien des choses peuvent être améliorées, pour peu que l’on s’efforce de les comprendre. Le système de tarification pour commencer est relativement opaque : les taxis ont pris une part importante dans le transport de patients, ce qui pose de sérieuses difficultés, les taxis parisiens ayant des règles de tarification différentes de celles des taxis des autres départements. Le système de tarification des ambulances et des VSL n’est pas simple non plus. Mais ce qui est fondamental, c’est que le transport médical ne soit plus considéré comme un droit, mais comme une prescription médicale. Il faut faire comprendre aux usagers que ce n’est ni un droit ni une obligation, mais une nécessité, et qui s’impose dans un nombre de cas finalement assez réduit.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Vous prêchez des convaincus, monsieur le directeur : pour les membres de la MECSS, le transport de patients correspond à un acte médical et non à une prestation consumériste dépendant des seuls desiderata des citoyens. Cette prise en charge doit être justifiée et donc adossée à un référentiel. Au-delà de la tendance de notre société à développer un droit de tirage permanent sur les systèmes de protection sanitaire et sociale, il existe la règle que l’on doit appliquer. Les établissements de soins – qui représentent 63 % des prescriptions – et le secteur ambulatoire doivent faire en sorte que le respect du référentiel de 2006 soit assuré au quotidien, car le libre choix du patient n’est pas opposable à l’article L. 322-5 du code de la sécurité sociale.

M. Alain Bourez. Nous sommes totalement d’accord sur ce point, et je me demande si le référentiel de 2006 est suffisamment précis. Lorsque l’on a voulu faire relever du droit commun la prescription de transport pour les assurés souffrant d’une affection de longue durée, les dépenses liées aux frais de transport pour ces patients n’ont pas diminué, au contraire ; elles ont continué à augmenter.

Le référentiel actuel ne repose que sur la distinction entre le transport en position allongée et celui où le patient est assis, ce qui s’avère insuffisant. Il conviendrait d’indiquer au médecin le degré de handicap ou de besoin du malade afin de l’éclairer sur la nécessité de prendre en charge son transport. On peut, par ailleurs, s’interroger en constatant que 68 % des transports sont prescrits par des médecins hospitaliers.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Nous avons en tête un chiffre de 63 %…

M. Alain Bourez. C’est le taux national ; le chiffre de 68 % est le taux constaté dans les Hauts-de-Seine. Nous agissons, mais il existe d’autres priorités à l’hôpital, si bien qu’il serait inopportun de privilégier la question des transports : la prescription de médicaments, dont très peu sont des génériques, par les médecins hospitaliers représente ainsi un risque financier autrement plus sérieux que les transports.

Pour commencer, l’assurance maladie, en l’état actuel des choses, ne connaît pas l’identité du prescripteur hospitalier. On ne connaît que le nom de l’établissement, puisqu’il s’agit d’une prescription hospitalière. Mais nous devrions bientôt être en mesure d’identifier le prescripteur.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Quand ?

M. Alain Bourez. Cela prend du temps : cela fait dix ou quinze ans qu’on en parle… Les médecins hospitaliers sont intégrés dans les fichiers de praticiens détenus par l’ordre des médecins – et tous ne sont pas forcément inscrits à l’ordre… Il nous faut mettre en place des liens avec nos fichiers. Il existe un projet en ce sens piloté par la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), le « référentiel offre de soins », qui permettra de faire apparaître les médecins hospitaliers dans les bases des caisses. On saura enfin qui prescrit quoi.

Par ailleurs, nos conseillers d’établissement rencontrent les praticiens hospitaliers pour les sensibiliser et, lorsque cela est nécessaire, les inviter à choisir des modes de transport adaptés à l’état de santé de leur patient. Avec l’agence régionale de santé (ARS), nous souhaitons que les établissements hospitaliers se dotent d’une structure – par un redéploiement d’effectifs – permettant de gérer la demande de transport. Nous travaillons également ensemble pour mettre en place le système « Transport Manager » qui permettra de connaître et de réguler la demande de transport à l’intérieur de l’hôpital.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Pourriez-vous expliquer ce qu’est « Transport Manager » ?

M. Alain Bourez. « Transport Manager » assurera le lien entre le service demandeur et la personne commandant le transport, afin qu’un contrôle puisse être effectué et que les services hospitaliers ne subissent pas la pression des transporteurs.

Dans les Hauts-de-Seine, il y a très peu de VSL ; et lorsque l’on sort de l’hôpital guéri, on peut prendre un VSL. Or, les entreprises de transport envoient une ambulance, mais le remboursement se fait sur la base de l’utilisation d’un VSL. L’entreprise fait alors pression pour que la prescription soit changée au profit d’un transport en ambulance.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Qu’entendez-vous par le terme de « pression » ? Comment peut-on imaginer une pression d’un acteur économique privé sur un membre de la fonction publique hospitalière ?

M. Alain Bourez. Le souhait des hôpitaux est que le malade sorte au plus vite : si l’état du patient nécessite un transport, l’hôpital peut céder à cette pression et prescrire une ambulance.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Je vous remercie de votre franchise et je conclus de vos propos qu’il existe une organisation du marché de l’offre qui conditionne la demande de transport de patient et l’influence afin d’obtenir un avantage matériel. Il s’agit d’un détournement d’argent public au profit de tiers.

M. Alain Bourez. Et cette situation n’incite pas les entreprises de transport à se doter de VSL. Nous avons essayé de développer le recours au taxi, mais cela a simplement tempéré l’utilisation des ambulances et a accentué la diminution de l’emploi des VSL.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Le mouvement de transformation des VSL en ambulances perdure-t-il ? Depuis un an, on nous affirme que ce transfert n’est plus autorisé alors qu’une totale liberté prévalait auparavant.

M. Alain Bourez. L’organisation de l’offre en matière de transports est très imparfaite : on n’a pas su maîtriser la demande, mais on n’a pas su non plus gérer l’offre.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Le coût d’un taxi représente bien 50 % de plus qu’un VSL ?

M. Alain Bourez. Oui. L’utilisation des ambulances a également été stimulée par l’insuffisance de la revalorisation tarifaire des VSL, ce qui a rendu ce mode de transport peu rentable pour les entreprises.

Aujourd’hui, nous ne disposons pas de directives en matière d’utilisation de transports. De notre propre initiative, nous avons communiqué auprès des établissements hospitaliers pour les inciter à faire appel aux VSL plutôt qu’à des ambulances, mais le résultat de cette campagne fût l’augmentation du recours au taxi.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. La progression de l’usage du taxi se constate également au niveau national.

M. Alain Bourez. Dans les Hauts-de-Seine, le volume des dépenses du transport en ambulance a crû de 66,6 % entre 2004 et 2013, soit une augmentation annuelle de 6 % ; les dépenses liées aux VSL ont connu une baisse de 13,2 % au cours de la même période, soit une diminution de 0,2 % par an ; enfin, les dépenses de taxis ont progressé de 130 % entre 2004 et 2013, soit 10,3 % par an.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Il s’agit bien d’un système de vases communicants.

M. Alain Bourez. Les taxis ont tué les VSL, déjà sous-utilisés.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Les ont-ils tués ou n’est-ce pas le résultat de l’organisation du marché qui s’est concentré sur les modes de transport plus rentables : les ambulances d’abord, les taxis ensuite ?

La forte progression du recours au taxi profite-t-elle à des compagnies de taxis, à des artisans taxis ou à des taxis détenus par des compagnies de transport sanitaires ? Dans certaines régions, des entreprises d’ambulances ont acquis une flotte de taxis pour compenser la moindre rentabilité des VSL. Est-ce également le cas dans les Hauts-de-Seine ?

M. Alain Bourez. Non, notre département présente les mêmes structures sociologiques et d’organisation médicale que Paris. Ce sont les taxis parisiens qui viennent chercher des malades dans les établissements des Hauts-de-Seine, les taxis communaux étant très peu nombreux. Ils n’admettraient pas trop que des sociétés d’ambulances insèrent des taxis sur ce marché.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Les auditions précédentes nous ont fait comprendre qu’il existait en effet une forte concurrence entre les fédérations de taxis et les sociétés d’ambulances.

M. Alain Bourez. La difficulté vient du fait que seules des règles tarifaires – plus ou moins opaques d’ailleurs – ont été fixées et qu’aucune norme régissant l’offre de soins n’a été édictée. Est-ce facile à faire ? C’est une autre question !

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Nous avons eu connaissance d’une transaction d’une autorisation de mise en service d’une ambulance se monnayant autour de 250 000 euros. Confirmez-vous ce chiffre, qui varie peut-être selon les départements ?

M. Alain Bourez. Je n’ai pas connaissance de l’existence d’un tel marché dans les Hauts-de-Seine, mais peut-être existe-t-il dans des départements moins urbains que le nôtre car il peut arriver qu’une même personne assure le taxi et l’ambulance dans une entreprise unique. Il est possible que cela existe dans les Hauts-de-Seine, mais le chiffre auquel vous faites allusion serait bien plus élevé dans ce cas.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. De votre point de vue de directeur de caisse primaire d’assurance maladie, quel est l’état de votre réflexion sur la demande de convention unique entre les taxis et les transporteurs ambulanciers ?

M. Alain Bourez. Une convention unique pour les taxis soulèverait un vaste problème. Les caisses de Paris et des Hauts-de-Seine couvrent des populations sociologiquement proches, mais elles ne disposent pas de la même convention avec les taxis car ce sont les préfets qui fixent les tarifs des taxis. Ainsi, dans les Hauts-de-Seine, la convention repose sur un taux de remise des tarifs de 10 %, alors que ce taux n’atteint que 5 % à Paris. Pourtant, les deux caisses avaient échangé sur ce sujet, d’autant plus que celle des Hauts-de-Seine est chargée de la coordination entre l’ensemble des acteurs concernés par le transport des patients – y compris l’ARS avec laquelle nous avons de bonnes relations. Certaines différences peuvent d’ailleurs s’expliquer. La CPAM de Paris a prévu des clauses de revoyure liées à l’évolution du taux tarifaire moyen, que nous n’avons pas souhaité insérer dans notre convention. On pourrait envisager la création d’une convention cadre entre l’assurance maladie et les taxis qui fixerait les grandes lignes pour l’ensemble du pays, mais qui ne concernerait pas la question tarifaire, car les habitudes sont trop ancrées et les taxis éprouvent déjà des difficultés à gérer leurs relations avec l’assurance maladie.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Que pensez-vous des recommandations destinées à favoriser la budgétisation hospitalière du transport de patients, la géolocalisation et le covoiturage pour rationaliser les déplacements de patients ? Des expérimentations sont-elles conduites dans les Hauts-de-Seine au titre des contrats d’amélioration de la qualité et de l’organisation des soins (CAQOS) ?

M. Alain Bourez. Qu’un établissement hospitalier, l’ARS et l’assurance maladie concluent un contrat tel que le CAQOS, visant à diminuer les frais de transport, relève d’une excellente idée de responsabilisation. Mais il faut apprendre à gérer un tel système, ce qui pose de nombreuses difficultés.

Tout d’abord, l’établissement n’est pas toujours volontaire pour signer un CAQOS. Ensuite, ce contrat relève du droit public et son régime obéit donc à un ordre juridique non modifiable, ce qui rend difficile les ajustements. Le CAQOS est un outil compliqué qui, en outre, fait référence à un taux national de dépenses de transport, ce qui s’avère ridicule car de nombreux établissements rencontrent des problèmes de transports, sans pour autant atteindre le taux national.

La CPAM des Hauts-de-Seine a signé depuis 2011 sept CAQOS, dont la mise en œuvre a abouti à reverser de l’argent aux établissements. Cela résulte du fait que les établissements ayant conclu un CAQOS connaissaient une augmentation très forte de leurs dépenses de transport de patients. Peut-être n’avons-nous pas fait assez attention en signant ces contrats, ce constat devant être nuancé par la modestie des sommes reversées.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Cela fait penser aux primes que l’on proposait aux élèves pour les inciter à venir à l’école…

M. Alain Bourez. En effet, mais ce phénomène est en l’occurrence plus mécanique, puisque ce sont les établissements ayant connu l’augmentation la plus importante qui ont signé un CAQOS. Nous n’avons pas analysé les causes de cette progression, mais on sait qu’elle peut atteindre de 20 % à 30 % à la suite de la création d’un service l’année précédente. Une fois que la situation s’est stabilisée, le taux de croissance des dépenses de transport, par le fait, diminue et les établissements se mettent du coup à gagner de l’argent… L’ARS et nous-mêmes serons plus vigilants à l’avenir sur le suivi de ces taux et les établissements doivent se montrer plus responsables. Quoi qu’il en soit, le système du contrat est une excellente méthode.

La solution la plus simple – qui a ma préférence – réside dans la budgétisation au sein de l’hôpital des transports de sortie. Mais ce système n’est pas sans inconvénients : lorsqu’il a été mis en place pour les transports engagés par les établissements médico-sociaux, ceux-ci se sont mis à choisir des patients dont le domicile était proche… Les mesures incitatives ne se traduisent jamais autrement que par de fortes augmentations, car les gens réclament ces transports et seule la budgétisation permet aux établissements de résister à cette pression. L’utilisation des transports par les personnes ayant subi une dialyse peut se justifier médicalement, mais le référentiel doit être strict.

S’agissant de la géolocalisation, nous n’avons pas effectué de progrès, car nous attendons les instructions de la CNAMTS, les CPAM étant des organismes extrêmement disciplinés ! La géolocalisation évitera les fraudes en matière de kilométrage. Dans les Hauts-de-Seine, toutes les facturations de taxi sont contrôlées avant le paiement, ce qui permet de vérifier le kilométrage a priori.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Disposez-vous de suffisamment de moyens humains pour effectuer cette tâche ?

M. Alain Bourez. Pour les taxis, oui. Pour les autres types de transport, c’est un peu plus compliqué : on ne peut pas affecter un contrôleur pour chaque entreprise. En fait, on distingue deux types de comportement : ceux qui ne sont pas habitués aux formalités administratives, mais qui ont amélioré leur traitement de ces documents du fait de l’attractivité du marché des transports pris en charge par l’assurance maladie, et les autres, rompus aux formalités administratives… Ce sont les plus dangereux, car ils peuvent en exploiter toutes les failles.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Quelle est la situation de la garde ambulancière dans les Hauts-de-Seine, monsieur le directeur ?

M. Alain Bourez. La garde ambulancière fonctionne dans notre département, mais ce n’est pas celle qui repose sur la convention avec les transporteurs – qui prévoit une indemnité de garde de 346 euros par transport en ambulance, diminué de 60 % du montant de la facturation – car les acteurs de notre département ne veulent pas la signer.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Qu’en est-il de la plateforme commune ?

M. Alain Bourez. C’est le centre 15 qui s’en occupe.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. En relation avec les sapeurs-pompiers ?

M. Alain Bourez. Les sapeurs-pompiers interviennent en cas de carence.

Dans les Hauts-de-Seine, une association de transports d’urgence a conclu un contrat avec le centre 15 : elle y détache un coordonnateur chargé d’assurer une liaison. Ce système fonctionne – avec une majoration de 21,67 euros –, et une garde ambulancière fonctionne dans les Hauts-de-Seine sans l’intervention de l’assurance maladie.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Les entreprises de transport de patients assument la charge de ce coordonnateur, mais elles refusent de signer la convention. Pourquoi ?

M. Alain Bourez. À cause d’un désaccord sur la définition des secteurs.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Pourtant, la convention a été acceptée dans des départements voisins. Qu’est-ce qui justifie la prétention des transporteurs des Hauts-de-Seine ?

M. Alain Bourez. Je l’ignore, car comme le système marche par ailleurs, je n’interviens pas sur ce sujet. D’ailleurs, seule une trentaine d’entreprises, sur les 88 que compte le département, participent à la garde ambulancière non conventionnelle.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Avez-vous calculé le montant des économies que dégagerait l’application d’une convention ?

M. Alain Bourez. Non, mais on peut vous le transmettre.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Cela serait utile pour vérifier si l’application de l’une des trois préconisations de la Cour des comptes dans le département des Hauts-de-Seine rapporterait autant que le ratio estimé pour l’ensemble du pays.

M. Alain Bourez. En effet, mais il faudrait garder à l’esprit que les Hauts-de-Seine sont perméables aux autres départements de la région parisienne ; ainsi, les transports assurés par les entreprises locales représentent 30 % du marché, quand plus de 20 % sont effectués par des entreprises parisiennes et l’autre moitié est effectuée par des entreprises venant des autres départements de l’Île-de-France.

Les entreprises de transport – excepté les taxis – ont créé des SARL et ont tendance à se prêter des véhicules d’un département à l’autre, même si cette pratique n’est pas forcément légale.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Pourriez-vous préciser votre propos sur cette notion de « perméabilité interdépartementale » ?

M. Alain Bourez. Les sociétés transportant des patients assurés dans les Hauts-de-Seine et ayant leur siège dans ce département représentent 39,6 % du marché ; celles ayant leur siège à Paris en transportent 27,2 %. Viennent ensuite les Yvelines pour 8,7 % du marché des Hauts-de-Seine, la Seine-Saint-Denis pour 6,1 % et les autres départements pour 13,6 %. La région parisienne forme donc un tout.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Vous venez d’affirmer que vous doutiez de la légalité de ce système.

M. Alain Bourez. Oui, car à une entreprise correspond un nombre d’ambulances et de VSL. Si vous créez des SARL dans plusieurs départements, vous utilisez l’ensemble de votre flotte si les besoins l’exigent, ce qui peut être utile mais illégal. Qui plus est, dans la mesure où il est facile de contourner les règles, le risque de fraude s’avère élevé.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Jugez-vous cette pratique illégale au regard d’un système de plafonnement et de quotas ou parce qu’elle s’apparente à une mutualisation de l’offre ?

M. Alain Bourez. En effet, il s’agit d’une mutualisation de l’offre : si vous coincez une entreprise en train de frauder, vous mettez un terme à son fonctionnement, ce qui débouche sur la création d’une nouvelle SARL ou sur l’appel à une autre SARL dont le propriétaire réside dans un autre département.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Vous décrivez là le problème classique du retrait d’agrément opéré par l’ARS et impliquant un déconventionnement, ce dernier n’induisant pas automatiquement un retrait d’agrément.

M. Alain Bourez. Tout à fait.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Cela n’est pas intellectuellement satisfaisant ; la MECSS formulera des propositions précises sur le sujet.

Quelle est l’évaluation de la fraude effectuée par vos services ? Quels sont les montants que vous avez pu récupérer ? Quelles poursuites administratives et pénales avez-vous engagées ?

M. Alain Bourez. La notion de fraude est définie juridiquement, mais, dans le cadre de l’assurance maladie, mais elle peut s’appliquer à des abus, qui, sans constituer une fraude au sens strict du terme, peuvent, lorsqu’ils se répètent, être assimilés à une action frauduleuse.

Les dépenses indues notifiées – qui ne correspondent donc pas forcément à des fraudes, même si, dans le cas des transporteurs, il s’agit bien souvent de pratiques interdites – représentent 1,714 million d’euros sur un total de 44,6 millions d’euros de dépenses de transport de patients. Les indus atteignent 4,97 millions d’euros pour l’ensemble des dépenses engagées par les professionnels de santé : la part du transport de patients dans les dépenses indues s’élève donc, dans les Hauts-de-Seine, à 41,84 %.

Les fraudes stricto sensu représentent 1,543 million d’euros au sein des 1,714 million d’euros de dépenses indues liées au transport de patients. Pour tous les professionnels de santé confondus, les fraudes comptent pour 3,145 millions d’euros. En outre, nous avons déposé plainte avec constitution de partie civile pour obtenir le remboursement de 543 000 euros au titre du transport de patients – soit un total de 2,257 millions d’euros pour ce poste, cette somme atteignant 5,124 millions d’euros pour l’ensemble des professionnels de santé. Les transports représentent donc 44,33 % de l’ensemble des dépenses indues, des fraudes et des irrégularités annexes. Cela montre que le transport des patients représente un risque de fraude et d’abus conséquent.

Nous avons déposé six plaintes au pénal en 2013, ce qui représente 35 % des 17 plaintes de la CPAM des Hauts-de-Seine. Nous utilisons donc cette arme malgré la difficulté à la gérer en raison de la longueur et de la complexité des procédures.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Nous ne pouvons que vous louer d’avoir systématiquement recours au dépôt de plainte, car cette pratique n’est pas suivie dans l’ensemble des départements.

M. Alain Bourez. Nous y sommes incités, car la CNAMTS fixe des objectifs en matière de recouvrement de dépenses indues. Nous nous concentrons donc sur le secteur des transports où la fraude s’avère élevée.

S’agissant des taxis, notre système de vérification avant paiement nous a permis d’éviter 300 000 euros de dépenses indues.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Combien de personnes sont affectées à ce contrôle a priori ?

M. Alain Bourez. 91 % du flux des factures des taxis – sans l’ordonnance – est télétransmis, si bien que seuls 9 % des factures doivent être saisies.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Où en êtes-vous justement de la télétransmission des ordonnances ?

M. Alain Bourez. Nulle part. N’oublions pas que seuls 90 % des médecins
– et ce taux ne concerne que les spécialistes – utilisent Sésame-Vitale, alors que la CNAMTS réclame son usage depuis 1996 ! L’ordonnance électronique viendra sûrement, mais peut-être dans un autre siècle… Il faut intéresser les médecins à la mise en œuvre de l’ordonnance électronique.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Pouvez-vous nous dresser une hiérarchie des fraudes ?

M. Alain Bourez. Certaines dépenses indues ne sont pas vraiment des fraudes, mais sont intéressantes à relever. Ainsi, les transports entre les établissements hospitaliers d’une même structure juridique ne sont pas pris en charge par de l’assurance maladie, puisqu’intégrés dans le budget de ces établissements ; mais comme ils sont onéreux, les hôpitaux cherchent souvent à les faire payer par l’assurance maladie…

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Quelle est leur technique ? 

M. Alain Bourez. Ils utilisent les transporteurs en leur demandant d’envoyer la facture à la CPAM… Lorsque nous nous en apercevons, nous réclamons le remboursement du transport aux établissements publics, mais nous nous retrouvons désarmés en cas de refus car il est impossible de saisir une personne de droit public. Nous arrivons toutefois à nous faire rembourser dans la plupart des cas, car il est plus facile de s’adresser au prescripteur qu’à une entreprise privée ; cela nous permet de récupérer plusieurs centaines de milliers d’euros, même si ce chiffre a tendance à diminuer, les établissements mettant de l’ordre dans leurs pratiques après avoir dû acquitter de forts remboursements – notamment l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) qui a dû reverser d’importantes sommes à la CPAM de Paris. Disons qu’il ne s’agit pas d’une fraude à proprement parler, mais plutôt d’un abus répété lié à des problèmes d’organisation interne…

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Vous utilisez des contorsions sémantiques, monsieur le directeur !

M. Alain Bourez. Je prends des précautions, monsieur le président, l’AP-HP est un gros morceau !

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Nous admirons votre subtilité de langage !

M. Alain Bourez. Les fraudes effectuées par les transporteurs prennent souvent la forme d’une triche au kilométrage. La CPAM des Hauts-de-Seine a créé un système, Cactus, qui est maintenant déployé dans l’ensemble des caisses de la région parisienne et qui permet de contrôler le kilométrage grâce à 90 000 références de transport. Ce logiciel n’est pas d’utilisation facile, mais il permet de contrôler l’identité des personnes conduisant le véhicule, de vérifier si elles disposent bien des autorisations nécessaires et de savoir combien de fois dans une journée est utilisé le même véhicule, ce qui empêche de le voir déclarer circulant à deux endroits éloignés au même moment… Le cas était courant, mais ce phénomène tend à diminuer grâce à l’informatique. Cet outil rapporte donc de l’argent. Nous l’avons d’ailleurs présenté à l’ensemble des caisses, et certaines d’entre elles ont marqué leur intérêt pour en disposer.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Quel montant financier avez-vous perçu grâce à cet instrument ?

M. Alain Bourez. Nous réalisons plusieurs centaines de requêtes par jour sur l’ensemble des professionnels, ce qui nous permet d’exercer un contrôle étendu. Notre recouvrement est sûrement insuffisant par rapport à la réalité de ce type de fraude, mais il s’avère l’un des plus élevés de France.

Une douzaine d’agents travaillent sur le contrôle des transports à la CPAM des Hauts-de-Seine.

D’autres fraudes consistent à inscrire un numéro de commune inexistante dans l’imprimé de facturation, ce qui empêche de contrôler le kilométrage – ou à falsifier une facture. Un ambulancier a récemment été attaqué au pénal car il volait des cachets dans des hôpitaux : il lui suffisait alors d’imiter une signature et d’y mettre un tampon… Ce sont là des larcins, somme toute modestes, mais ils peuvent représenter au total des montants non négligeables, et nous ne disposons pas des moyens de tout contrôler. Nous surveillons donc avant tout les entreprises dont le chiffre d’affaires évolue fortement et celles que nous avons déjà épinglées ; pour le reste, notre veille s’exerce de manière aléatoire. Nous effectuons également des descentes à la sortie des hôpitaux avec la préfecture et le procureur de la République, mais ces opérations ne rapportent pas beaucoup, car les fraudeurs disposent désormais de systèmes de communication sophistiqués et réagissent immédiatement dès lors qu’ils s’aperçoivent de quelque chose d’inhabituel ; mais il nous est arrivé d’identifier des ambulanciers qui n’avaient plus leur permis de conduire… L’ARS ne contrôle la possession du permis qu’au moment de la délivrance de l’agrément. On peut avoir perdu tous ses points par la suite…

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. N’existe-t-il pas d’information automatique grâce au croisement des données ?

M. Alain Bourez. Non.

L’assurance maladie a créé un registre national des transports pour ses besoins de contrôle. La plupart des autorisations sont fournies par l’ARS qui les communique aux transporteurs qui nous les transmettent. Il serait intéressant que l’ARS dispose d’un tel fichier pour intégrer directement les informations. M. Frédéric van Roekeghem, directeur général de la CNAMTS, a affirmé que les caisses primaires pourraient être sous-traitantes des ARS dans ce domaine : il s’agit d’une bonne idée, car les ARS se trouvant toujours dans une période de montée en charge, les CPAM pourraient leur fournir les capacités techniques et leur fichier de transport.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Vous avez indiqué être partisan de la budgétisation hospitalière pour le transport de patients, perspective qui angoisse les entreprises qui y voient la source d’une organisation oligopolistique des transporteurs qui aboutirait à la disparition de très nombreuses entreprises de petite taille. Qu’en pensez-vous ?

Certaines personnes auditionnées, notamment dans le monde hospitalier, ont affirmé que cette réforme était envisageable, à la condition que le cahier des charges de l’appel d’offre prévoie la mise en place d’un tour de rôle.

M. Alain Bourez. On peut penser qu’un établissement public se doit d’émettre un appel d’offre, mais cela ne me paraît pas primordial dans la mesure où les tarifs sont conventionnels. Rompre ce système pour chercher l’offre la moins chère – les critères de qualité n’étant pas nombreux en la matière – ne présente guère d’intérêt. En revanche, ce qui compte, c’est que le prescripteur paie la dépense qu’il a requise.

La MECSS procède ensuite à l’audition, ouverte à la presse, de Mme Cécile Alfocea, directrice de la Caisse primaire d’assurance maladie du Val-d’Oise, M. Philippe Bouquet, directeur adjoint en charge de la gestion du risque, et Mme Brigitte Loison, responsable du processus régulation.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Mesdames, monsieur, je vous remercie d’être présents aujourd’hui pour aborder le thème des transports de patients. La Cour des comptes a mis en lumière que ce poste de dépenses augmente plus vite que les autres dépenses de santé. Selon elle, le vieillissement de la population, l’augmentation des affections de longue durée, la logique de restructuration des plateaux techniques ou le développement de l’hospitalisation à domicile n’expliquent pas à eux seuls cette évolution, qui tiendrait également à une offre de transport insuffisamment structurée. La Cour des comptes trace trois pistes d’amélioration : le recours plus systématique au référentiel de prescription des transports élaboré en 2006, la réforme de la garde ambulancière et la lutte contre la fraude. Quelles sont vos préconisations ?

Mme Cécile Alfocea, directrice de la caisse primaire d’assurance maladie du Val-d’Oise. Dans notre département, la caisse primaire d’assurance maladie gère les droits de 1,1 million de bénéficiaires. Le transport de patients y représente 50 millions d’euros en 2013, qui sont, soit versés directement aux professionnels, soit remboursés aux assurés de la caisse. Cela correspond à 4 % des dépenses remboursées au titre de la médecine de ville, ou encore 2 % de l’enveloppe globale de soins pour le département, qui s’élève pour 2013 à 2,5 milliards d’euros.

Relativement modeste, ce poste évolue cependant de manière particulièrement dynamique. Il a crû de 11 % entre 2012 et 2013. Dans le Val-d’Oise, où quatre cents professionnels travaillent dans ce secteur, l’offre n’est pas nécessairement en adéquation avec les besoins de la population : une soixantaine de sociétés d’ambulances y disposent d’un parc de 223 véhicules ; l’offre de VSL se réduit, de manière atypique, à 49 véhicules ; les taxis conventionnés sont au nombre de 323.

Mme Brigitte Loison, responsable du processus régulation. Il s’agit exclusivement d’artisans et non de taxis appartenant à une entreprise de transport sanitaire.

Mme Cécile Alfocea. Les ambulances prennent en charge 54 % des patients, les VSL seulement 6 % des patients et les taxis véhiculent 37 % des patients, le transport individuel n’étant que marginal.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Avez-vous estimé le montant des sommes indûment versées par votre caisse ?

Mme Cécile Alfocea. Dans le cadre de la lutte contre la fraude, nous avons engagé des démarches de contrôle qui ont conduit à des redressements allant de 100 000 euros à 400 000 euros selon les années. Mais les contrôles permettent également de prévenir la survenance d’un préjudice. Quand une facture indique qu’un patient doit être pris en charge à 100 % par la caisse primaire parce qu’il souffre d’une affection de longue durée, il est aisé d’en suspendre le paiement si ce patient, après vérification, ne présente pas ce type de pathologie. Nous avons ainsi été amenés à rejeter de 4 % à 5 % des factures ces dernières années.

Un ciblage sur les dépenses de transport à l’échelle nationale a mobilisé toutes les caisses primaires en 2007-2008. Il s’est concentré sur un mois dans le Val-d’Oise, vu le grand nombre de transporteurs à contrôler. Mais à l’époque, la liquidation des factures s’opérait de manière très dispersée dans le département. Jusqu’en 2008, onze centres traitaient les demandes des transporteurs et effectuaient les remboursements, certains centres ne traitant que les demandes remplies sur papier, d’autres ne traitant que les demandes formulées par voie électronique. Le lieu de résidence de l’assuré bénéficiaire du transport constituait le critère complémentaire de répartition entre les centres. Un même transporteur pouvait ainsi se trouver simultanément pris en charge avec chacun des onze centres.

L’analyse des résultats de 2007 a permis d’isoler dix-neuf transporteurs auxquels des sommes avaient été indûment versées. Plus de la moitié des 400 000 euros indûment versés était imputable à deux transporteurs, l’un pour un montant de 175 000 euros, l’autre pour un montant de 60 000 euros. Chez les autres, le préjudice subi par la caisse s’établissait à 5 000 euros en moyenne.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. La fraude s’est donc concentrée sur deux entreprises. Avez-vous engagé contre ces transporteurs des poursuites pénales ? Ont-ils déjà remboursé votre caisse ?

Mme Cécile Alfocea. Lorsque les anomalies portent sur des montants importants, des plaintes pénales sont déposées. Pour la plus importante d’entre elles, l’issue de la procédure ne sera connue qu’en octobre 2014, l’affaire ayant connu des aléas de procédure.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Entre-temps, ont-ils été déconventionnés ? Ou faut-il attendre l’issue du procès ?

Mme Cécile Alfocea. Dès qu’une procédure lourde est engagée à l’encontre d’un transporteur, nous resserrons le contrôle sur son activité, pour éviter que des anomalies ne se reproduisent. La caisse primaire se devant de respecter la présomption d’innocence, elle ne dispose pas de marge d’action tant que le tribunal correctionnel du Val-d’Oise ne s’est pas prononcé. Une procédure en cours n’est pas un motif suffisant pour rompre une convention. En revanche, rien ne s’oppose à ce que de nouveaux contrôles conduisent à prononcer des sanctions financières, consistant à la fois en répétition de l’indu et en pénalités contractuelles.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Il est regrettable qu’il ne soit pas possible de tirer plus rapidement, sur un plan administratif, les conséquences de tels comportements. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 a créé une procédure de flagrance sociale qui aurait toute son utilité dans ce type de cas.

Mme Cécile Alfocea. Il me semble qu’elle permettrait en effet de prendre des mesures suspensives. Encore faut-il souligner que la procédure en cours contre le transporteur incriminé dure un temps exceptionnellement long. Les affaires de la caisse primaire d’assurance maladie sont généralement traitées beaucoup plus rapidement, grâce à une excellente coopération avec le parquet de Pontoise qui s’attache à les prendre en charge avec diligence.

Ajoutons que les nouvelles conventions conclues avec les taxis incluent une clause de résiliation en cas d’infraction caractérisée à la réglementation, telle que la conduite sans permis.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Sauriez-vous énumérer par ordre décroissant les causes majeures de préjudice pour la caisse ?

Mme Cécile Alfocea. L’application Cactus, développée dans les Hauts-de-Seine, permettra d’optimiser les contrôles, mais n’est pas encore opérationnelle dans notre département.

M. Philippe Bouquet, directeur adjoint en charge de la gestion du risque. Elle y sera mise en place cette année.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Comment appréciez-vous la garde ambulancière dans votre département ? Quelles sont les relations entre pompiers et ambulanciers ? Je crois que le Val-d’Oise est l’un des quinze départements à proposer une plateforme qui leur est commune.

Mme Cécile Alfocea. Placée sous la responsabilité de l’ARS, la garde ambulancière ne relève pas de la caisse primaire.

M. Philippe Bouquet. Il n’y a pas de garde ambulancière organisée dans le département du Val-d’Oise. Le centre téléphonique du 15 gère globalement les urgences, y compris les gardes des médecins. Mais il n’y a pas de tour de garde, ni de secteur de garde pour les ambulances.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Les moyens de transports retenus correspondent-ils toujours à l’état réel du patient ? Ne pensez-vous pas qu’il serait possible d’obtenir des économies en révisant le référentiel de prescription des transports de 2006 ? Que pensez-vous d’une intégration des frais de transport dans le budget des établissements de soins ? Je rappelle qu’au niveau national, 63 % des transports sont prescrits par les centres hospitaliers.

Mme Cécile Alfocea. Dans notre département, la part hospitalière des prescriptions de transport ne s’établit qu’à 57 % du total. Les CAQOS seront un levier pour faire évoluer la structure de l’offre des transports. Les huit établissements hospitaliers implantés dans le département pratiquent pour l’heure de manière différente.

La plupart d’entre eux suivent l’usage vertueux qui consiste à adapter la prescription de transport au profil et aux besoins des patients, avec le souci concomitant de ménager les fonds publics. Mais on observe aussi deux établissements qui procèdent de manière différente alors qu’ils présentent des profils similaires. L’un mobilise des ambulances dans moins de 40 % des cas, tandis que l’autre y a recours dans plus de 80 % des cas. Il ne semble pas que la tranche d’âge des patients ou les pathologies dont ils soient affectés suffisent à justifier un écart qui s’élève, en rythme annuel, à 800 000 euros.

Un système d’incitations et de pénalités permettrait de faire évoluer la prise en charge du transport des patients. Intégrer les frais de transport dans le budget des hôpitaux ne fournirait au contraire pas de solution immédiate, car cela figerait la disparité des budgets actuels. Mieux vaut agir d’abord sur le mode de prescription.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Lorsque le véhicule adéquat n’est prétendument pas disponible, la prescription s’en trouve finalement dénaturée. L’internalisation ferait sans doute mieux partager les enjeux du transport de patients.

Mme Cécile Alfocea. L’accessibilité aux moyens de transport adéquats constitue en effet un problème. L’offre des taxis est très atomisée, alors qu’un standard téléphonique commun à tous permettrait de regrouper leur offre.

M. Philippe Bouquet, directeur adjoint en charge de la gestion du risque. Quand une demande de taxi ne peut aboutir dans le Val-d’Oise, il faut faire appel aux taxis parisiens, plus organisés. Mais cela est plus onéreux, ce qui alourdit la facture de transport des patients dans le département.

Mme Cécile Alfocea. La Cour des comptes l’avait relevé dans son rapport. Mais il convient de se pencher également sur la situation des patients présentant des affections de longue durée, tels les dialysés. À eux seuls, ils représentent 17 % des dépenses de transport dans le département, alors qu’ils ne constituent que 1 % de l’ensemble des patients. Un protocole devrait être rédigé pour les affections de longue durée, au plan national, qui pourrait être mis en œuvre à chaque fois qu’un patient souffre d’une telle affection. Enfin, le covoiturage devrait être encouragé.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Quelles propositions formuleriez-vous ? Préconiseriez-vous un meilleur encadrement de l’offre par la rédaction de protocoles ou encore un plafonnement du nombre des ambulances et des véhicules sanitaires légers ? De nouvelles normes législatives ou réglementaires vous semblent-elles nécessaires ?

Mme Cécile Alfocea. Il n’y a pas de réponse unique. Travailler à une meilleure structuration de l’offre de transport constitue une première piste, pour la faire mieux correspondre à la demande. Mieux veiller au respect de leurs obligations par les transporteurs en constituerait une deuxième. Mais je ne saurais apprécier si de nouvelles normes sont nécessaires.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Je vous remercie beaucoup. Si des propositions vous viennent à l’esprit, n’hésitez pas à en fournir à la mission d’évaluation et de contrôle.

La séance est levée à onze heures trente-cinq.