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Mercredi 12 février 2014

Séance de 16 heures 45

Compte rendu n° 4

Présidence de M. Jean-Christophe Fromantin, Président

– Audition de M. Vicente Gonzales Loscertales, secrétaire général du Bureau international des expositions (BIE)

Mission d’information
sur la candidature de la France à l’exposition universelle de 2025

La mission d’information entend M. Vicente Gonzales Loscertales, secrétaire général du Bureau international des expositions (BIE).

M. le président Jean-Christophe Fromantin. Mes chers collègues, nous sommes heureux d’accueillir aujourd’hui M. Vicente Gonzales Loscertales, secrétaire général du Bureau international des expositions (BIE), dont le siège se trouve à Paris.

Grâce à vous, monsieur le secrétaire général, la ville de Séville, où vous êtes né, a accueilli une exposition mémorable en 1992. La réussite de cette manifestation vous a valu la reconnaissance de vos collègues du BIE, puisqu’ils vous ont appelé au secrétariat général en 1993. Cette nomination a consacré les qualités éminentes dont vous aviez fait preuve au sein du ministère des affaires étrangères espagnol. Titulaire d’un doctorat d’histoire, vous avez enseigné l’histoire contemporaine à l’université de Madrid, mais aussi développé des coopérations avec l’Afrique, l’Asie et l’Amérique latine.

Grâce à une parfaite connaissance de la coopération internationale et des expositions universelles, vous pouvez mesurer les efforts que la France – où vous travaillez et résidez et dont vous appréciez l’image à l’étranger – doit consentir pour organiser une telle exposition.

Monsieur le secrétaire général, pensez-vous que la France pourra accueillir l’exposition universelle de 2025 ? Quelles sont, après plusieurs échecs, les conditions du succès d’un tel projet ? Comment présenter une candidature qui puisse exploiter au mieux les atouts de notre pays et emporter l’adhésion des membres du BIE ?

M. Vicente Gonzales Loscertales, secrétaire général du Bureau international des expositions (BIE). Je vous remercie de me permettre de vous faire part de ma longue expérience dans le domaine des expositions universelles. Le hasard d’être né à Séville a changé ma vie. Après avoir été chargé par le ministre des affaires étrangères espagnol de m’occuper de la participation internationale à l’exposition qui s’est tenue dans cette ville en 1992, je me consacre, depuis, à rendre utiles ces grands événements qui impliquent des investissements considérables, des efforts diplomatiques, des consensus politiques, qui nécessitent aussi de convaincre les citoyens, de mener des actions de communication et, surtout, de définir clairement le but poursuivi. À cet égard, les expositions universelles sont plus qu’un projet : elles sont un instrument au service d’une vision. C’est une utopie que l’on veut mener à la réalité. Pour le dire simplement, elles servent à ce que l’on veut en faire.

Créé en 1928 dans le cadre d’une conférence diplomatique à l’initiative du gouvernement français, le BIE est une des plus anciennes organisations internationales au monde. Il comprenait, en 1993, 42 États membres, dont 27 européens ; il en compte aujourd’hui 168, ce qui en fait la quatrième plus grande organisation par le nombre de pays participants. D’une organisation de pays développés, elle est devenue une organisation globale, représentative de la communauté internationale, la plupart des États membres étant aujourd’hui des pays en voie de développement.

Cette nouvelle réalité implique une adaptation de la nature des expositions. Aujourd’hui, une exposition doit non seulement être utile au pays organisateur, mais aussi apporter aux autres pays un élément de progrès, de qualité de vie, tout en contribuant à la création de réseaux de coopération internationale et de solidarité. De vitrine des découvertes scientifiques et technologiques, les expositions sont devenues la grande vitrine de l’innovation au service des citoyens. Dans une société globalisée, ces derniers peuvent y trouver des informations sur les moyens dont ils disposeront pour satisfaire leurs besoins. Ainsi, la première condition d’une exposition réussie est d’être utile aux citoyens, c’est-à-dire de contribuer à l’amélioration de leur qualité de vie. Dans cet objectif, notre assemblée générale a adopté depuis 1994 des résolutions essentielles.

L’une de ces résolutions est l’affirmation du caractère universel du thème des expositions. Ce critère a été rempli en 2000, à Hanovre, avec le thème de « L’homme, la nature, la technologie », en lien avec l’Agenda 21 de la conférence de Rio, ainsi qu’en 2005, au Japon, avec « La sagesse de la nature », après la signature du protocole de Kyoto. Ce fut également le cas pour les expositions suivantes avec les thèmes de « L’eau et le développement durable » à Saragosse, en 2008 ; « Meilleure ville, meilleure vie » en Chine, en 2010 ; « Pour des côtes et des océans vivants : diversité des ressources et activités durables » en Corée du Sud, en 2012 ; « Nourrir la planète, énergie pour la vie », à Milan en 2015. En somme, les expositions sont de grands exercices de diplomatie publique dans un objectif d’amélioration de la qualité de vie.

Une exposition constitue un grand projet de transformation urbaine, de dynamisation économique, mais aussi de création de l’image de marque d’un pays. En présentant la manière dont celui-ci veut être perçu dans le monde, elle contribue à changer son image, à projeter une vision. Cela étant, le pavillon français à Shanghai présentait essentiellement Brigitte Bardot dans sa meilleure époque, le croissant et le café de Flore… Une expo est utile à condition d’être une vitrine de l’économie du pays, de sa culture, de ses relations internationales, au service des citoyens. C’est un élément fondamental : une exposition vous sera utile si vous êtes capables de la rendre utile.

L’utilité d’une exposition, son succès dépendent aussi de ce qui se passe après. Ce point est fondamental pour le BIE. Une exposition peut être formidable, mais aboutir à une situation désastreuse si l’on n’est pas capable de rendre les infrastructures utiles immédiatement, comme cela fut le cas après celle Séville.

Le succès d’une exposition dépend également de son thème. Un tel événement ne sert pas à amuser les citoyens : il doit avoir une forte valeur éducative, être un appel à la conscience de chacun. De nombreux problèmes, liés au transport, à la ville, à l’environnement, ne trouveront pas de solution sans la collaboration des citoyens : les expositions sont un excellent moyen de les mobiliser.

Cette mobilisation sera d’autant plus forte que les citoyens auront conscience que l’exposition leur appartient, qu’ils en obtiendront des avantages pour leur avenir. Cela implique d’expliquer, de communiquer, de s’engager. L’expo doit être un projet national. À cet égard, je suis très heureux de m’exprimer devant vous, représentants de la nation, c’est une sorte de garantie pour définir un projet solide, mener une bonne campagne, voire s’assurer le succès de l’expo. Ce n’est pas Paris qui organise l’expo : c’est le pays tout entier.

Vous devez néanmoins mettre en avant une vision compréhensible et à long terme de l’événement pour les parisiens : ils doivent comprendre qu’ils en tireront des avantages futurs pour passer outre tous les désagréments que l’organisation va engendrer. Il faut que l’expo apparaisse comme un élément du plan stratégique de développement du Grand Paris et non comme phénomène exotique. Ces points pèseront dans notre décision. Les pays qui gagnent sont ceux dont les autorités font preuve d’un engagement très fort. Dubaï l’a emporté face à la Russie, le Brésil ou la Turquie, grâce à la forte mobilisation de tous les pouvoirs – économique, politique, social. D’une façon générale, le gouvernement du pays doit être le protagoniste de la campagne et y engager toutes ses ressources.

Le succès d’une exposition dépend également de l’attractivité de la ville d’accueil. Si elle se tient à Paris en 2025, les gens visiteront d’abord la ville avant de se rendre à l’exposition. Les 41 millions de visiteurs, dont 18 millions d’étrangers, de l’exposition de Séville ont d’abord visité la ville. Quand la ville n’est pas attractive, comme Hanovre, on assiste à un phénomène inverse.

Pour étudier les candidatures, notre organisation mène des enquêtes en lien avec les représentants des pays. Nous évaluons la conformité des projets aux règles fixées par notre assemblée générale : la capacité de l’exposition à répondre aux priorités de la communauté internationale, son utilité, son caractère innovant, le soutien des différentes forces du pays
– groupes politiques, écologistes, syndicalistes, organisations de citoyens, etc... Cette évaluation nous permet de déclarer si un projet est viable ou pas. Nous ne comparons pas les différents projets : une exposition est un projet conjoint. Dans celle de Shanghai, les pays ont investi un peu plus de 1 milliard de dollars pour leur participation.

En conclusion, les expositions sont en quelque sorte l’avant-garde des musées, un laboratoire des nouvelles formes d’architecture. Dans le passé, elles ont présenté toutes sortes d’innovations technologiques, mais ont aussi accordé une place à divers mouvements sociaux, comme celui des femmes, le mouvement ouvrier et même des mouvements réactionnaires. En ce sens, une exposition est un grand débat, qu’il faut maîtriser et non pas empêcher. Celle de Milan en 2015 sur l’alimentation permettra ainsi de réunir les représentants de la filière biologique et ceux des produits génétiquement modifiés. Une exposition est un formidable moyen de promouvoir les relations bilatérales, les relations commerciales, bref un gigantesque programme de coopération pour le futur.

M. Bruno Le Roux, rapporteur. Monsieur le secrétaire général, nombre de pays ayant déjà atteint certains objectifs en matière d’aménagement urbain, les expositions universelles sont-elles moins à la mode dans telle ou telle partie du monde ?

Dubaï organisera l’exposition universelle de 2020. L’a-t-elle emporté grâce à un dossier mieux bâti ou à la faveur de considérations économiques ?

Enfin, vous avez fait allusion au « nouveau modèle » d’une exposition universelle. Réfléchissez-vous à ce que pourrait être une exposition universelle du XXIe siècle, notamment en termes de site unique ?

M. Vicente Gonzales Loscertales. L’histoire récente des expositions – 2000, Allemagne ; 2005, Japon ; 2008, Espagne ; 2010, Chine ; 2012, Corée du Sud – montre que la tendance ne va pas obligatoirement vers les pays émergents ou ceux qui veulent montrer d’eux une nouvelle image. L’exposition de 2015 se tiendra à Milan, celle de 2017 au Kazakhstan, qui, lui, est pays émergent, et celle de 2020 à Dubaï, qui était en compétition avec des pays souhaitant montrer une autre image d’eux-mêmes.

Le processus de développement urbain est continu. Les infrastructures vieillissent, de nouveaux besoins apparaissent, et une ville – même la plus merveilleuse du monde – peut avoir besoin d’un nouvel élan pour être en mesure de répondre aux demandes croissantes des citoyens. En outre, une exposition permet de faire découvrir au monde d’autres facettes d’un pays. Ainsi, l’Espagne n’est pas que le pays du romantisme et des toreros, la France n’est pas que le pays de l’amour et de la culture. Pour reprendre un terme utilisé par une personne auditionnée avant moi, une exposition est un « catalyseur ».

S’agissant de l’exposition de 2020, les projets étaient équivalents en termes de qualité. Ce qui a fait la différence, c’est l’enthousiasme avec lequel les projets ont été présentés. Vous l’avez compris : le succès d’une candidature dépend du niveau d’engagement, de la « rage » de tous les acteurs. Il faut combattre sur tous les fronts et avec tous les moyens – même parfois les moins élégants.

Quant à l’exposition du futur, elle devra conduire les citoyens à être critiques, actifs et participatifs. Elle devra être la vitrine d’une ville durable, participative, d’une ville moderne et de qualité – capable de transporter et de nourrir chaque jour les milliers de visiteurs. N’oublions pas non plus qu’une exposition est un événement éphémère. Si certains équipements peuvent être réutilisés rapidement avec un coût relativement bas, les autres devront être intégrés dans l’espace urbain. L’exposition de 2017 à Astana, au Kazakhstan, amènera les entreprises françaises à présenter un projet de ville durable. À cet égard, je pense que le site d’une exposition doit être une attraction en elle-même, un lieu où le citoyen peut découvrir des modèles d’urbanisme durable et de qualité qui serviront au développement de la ville.

L’exposition du XXIe siècle doit être un immense exercice de communication, un véritable exercice de diplomatie publique. Ce doit être pour vous une magnifique occasion de montrer que la France, sans changer de nature, sans oublier ses traditions, est à l’avant-garde en matière de transport urbain et de qualité de vie. Je vous rappelle qu’en 1900, le commissaire français avait terminé son discours devant l’assemblée générale en déclarant que cette exposition devait servir à montrer, une fois de plus, que la France était à la tête de la civilisation !

M. Yves Albarello. Monsieur le secrétaire général, en matière de recyclage des infrastructures, la France sait faire ! Pour ne citer qu’un exemple, la Tour Eiffel est toujours là plus de cent ans après l’exposition universelle où elle a été présentée et elle attire plusieurs millions de visiteurs chaque année !

Pour ce qui est de l’avenir, la France a déjà mis le pied à l’étrier grâce au Grand Paris Express, un projet stratégique pour le devenir de l’Île-de-France avec la construction de 205 kilomètres de lignes de métro automatique et de 72 gares dessinées par de grands architectes français et étrangers, pour une mise en service à l’horizon 2025. En matière culturelle, le conservatoire de musique de la Villette, en voie d’achèvement, comptera parmi les plus grands du monde. Enfin, le projet d’une liaison ferroviaire rapide entre le centre de Paris et l’aéroport Roissy Charles-de-Gaulle va être relancé. La France dispose de tous les atouts pour une candidature à l’exposition de 2025 !

M. le président Jean-Christophe Fromantin. Monsieur le secrétaire général, tous ces éléments constituent-ils à vos yeux des atouts sérieux pour la France en vue de l’exposition de 2025 ?

M. Vicente Gonzales Loscertales. Je suis convaincu que tous ces grands projets sont de réels atouts pour une candidature. Mais il faut garder à l’esprit qu’ils doivent faire l’objet d’un consensus politique et social.

Pour ce qui est de la Tour Eiffel, elle est le symbole du génie de son créateur
– dont il ne faut pas oublier la souffrance – mais aussi de la modernité de Paris, et elle est devenue une mine d’or !

M. Christophe Bouillon. Comme vous l’avez souligné, le thème d’une exposition doit refléter les préoccupations de la communauté internationale. En outre, ce sont souvent les mêmes agences qui assistent les États dans la définition de leur projet. Enfin, une des caractéristiques de notre siècle est la standardisation des modes de vie d’un continent à l’autre. Au regard de ces trois données, n’y a-t-il pas un risque d’essoufflement quant au choix d’un thème ?

M. Vicente Gonzales Loscertales. Même s’il est indéniable que la mondialisation conduit à une uniformisation des modes de vie, une exposition reste une grand-messe de la diversité culturelle, une occasion privilégiée de montrer aux citoyens l’existence d’alternatives.

La légitimité du pays est essentielle dans le choix du thème. Pour caricaturer, la Norvège ne peut être légitime en proposant un thème autour de la corrida... Un pays doit proposer un thème d’intérêt universel lié à son identité. Celui présenté par Dubaï pour 2020, « Connecter les esprits, construire le futur », répond parfaitement à cette exigence : il a une portée universelle dans une ville qui constitue un point de liaison entre les continents.

Mme Catherine Quéré. Monsieur le secrétaire général, l’équilibre entre les continents entre-t-il en ligne de compte dans le choix du BIE ?

M. Vicente Gonzales Loscertales. Non, cela n’intervient pas dans le choix final. Bien sûr, nous aimerions beaucoup qu’une exposition universelle puisse se tenir en Afrique, mais les conditions actuelles ne s’y prêtent pas car le long terme est une donnée extrêmement difficile à gérer pour les pays en voie de développement. En tout état de cause, je ne pense pas que cette question se posera avant 2025.

Au cours des dernières années, notre assemblée générale a toujours décidé, à la quasi-unanimité, qu’il n’était pas nécessaire d’introduire une rotation géographique. Ce qui compte, c’est l’intérêt du projet. Par contre, nous veillons à ce qu’un même pays n’accueille pas une exposition à intervalles trop rapprochés. Sinon, nous aurions une exposition en Chine tous les ans !

Mme Claudine Schmid. En permettant aux citoyens de découvrir les dernières innovations, une exposition universelle est un exercice de communication dont la préparation commence environ dix ans avant l’échéance. Or, non seulement Internet n’est plus ce qu’il était il y a seulement quinze ans, mais on ignore ce qu’il sera dans dix ans. Par ailleurs, les expositions spécialisées dans le monde se multiplient, comme le salon de Las Vegas consacré aux nouvelles technologies.

Dans ce contexte, monsieur le secrétaire général, la préparation d’une exposition dix ans avant sa tenue a-t-elle encore un sens ?

M. Vicente Gonzales Loscertales. Certes, nous vivons dans un monde connecté. Mais l’information sur Internet est dispersée, alors qu’une exposition universelle permet à plus d’une centaine de pays réunis dans un même lieu de présenter des innovations autour d’un thème. En réalité, Internet est une grande chance pour les expositions universelles.

Celles-ci ont toujours été accusées de ne pas mobiliser autant de citoyens que les événements sportifs télévisés, comme les Jeux Olympiques. Mais regarder du sport à la télévision est une activité passive, alors qu’une exposition est une expérience : elle implique d’être maître de son temps, de programmer des actions.

Une exposition ne se réduit pas à six mois. Elle nécessite dix ans de préparation et doit faire appel aux technologies de l’information et de la communication, afin de permettre aux citoyens de communiquer et d’accéder à une information de qualité sur le projet. Idéalement, les citoyens – et pas seulement ceux du pays hôte – doivent accompagner tout le processus, à travers des forums de discussions, des colloques, des réunions, des séminaires qui pourront être immédiatement diffusés sur Internet.

D’aucuns pensent qu’Internet va tuer les expositions. Mais n’a-t-on pas entendu dire au cours des décennies passées que le cinéma allait tuer le théâtre, que la cassette allait tuer le livre, que le CD allait tuer la cassette ? Aujourd’hui tous ces moyens de communication coexistent. Dans le même esprit, Internet est un atout pour nous.

Un site Internet dédié qui offrirait aux citoyens la possibilité de suivre la préparation de l’exposition et d’y participer ne leur donnerait que plus envie de visiter l’exposition réelle. La création d’une exposition virtuelle ne peut être qu’un atout. En définitive, Internet est un excellent moyen d’améliorer la communication et d’offrir une tribune à l’exposition réelle.

M. le rapporteur. Quelle perception de la France ont les membres du BIE ? Nous nous souvenons de l’abandon par la France du projet d’exposition de 1989. À l’époque, le BIE avait envisagé de modifier quelques-unes de ses règles d’attribution. De quoi s’agissait-il ?

M. Vicente Gonzales Loscertales. En réalité, ces règles ont été modifiées et ce fut une catastrophe. La France souhaitant organiser une exposition en 1989 pour le Bicentenaire de la Révolution, il fallait amender la convention, ce qui nécessitait un vote des deux tiers de l’assemblée générale, mais aussi un processus de ratification par les quatre cinquièmes des États membres. Grâce à une campagne formidable de la France, trois lignes ont été introduites dans notre convention selon lesquelles le délai de dix ans pouvait être modifié par un simple vote des deux tiers de l’assemblée générale. À partir de là, il a été possible d’organiser des expositions à tout moment : il y en eut ainsi en 1982, 1984, 1985, 1986, 1988… Cette prolifération d’expositions a été préjudiciable aux expositions et aux États qui se sont retrouvés obligés d’y participer.

Ces considérations nous ramènent à la nécessité d’un consensus politique. La différence de vue entre le Président de la République et le maire de Paris de l’époque a conduit à l’annulation du projet. Mais aujourd’hui, peu de gens s’en souviennent et il y a peu de chance que cela soit retenu contre la France… Plus près de nous, l’exposition de 2004, voulue par la gauche plurielle, a été annulée par le Premier ministre Raffarin, sur la base d’un rapport d’expertise. L’État a donc dû verser des indemnités au BIE et aux États membres qui avaient commencé les préparatifs. Mais vous savez, nos délégués changent tous les trois ou quatre ans, et moi je vous promets de ne rien dire…

M. Guillaume Bachelay. Monsieur le secrétaire général, votre expertise est pour nous extrêmement précieuse.

Au-delà du Grand Paris, notre fleuve et nos infrastructures portuaires constituent de sérieux atouts pour notre pays.

Au XXIe siècle, l’ensemble des pays de la planète ne peut que s’interroger sur la façon de rendre le monde vivable. Cette question est centrale. Elle renvoie à la soutenabilité du modèle de développement dans les domaines de l’environnement, des énergies, de la santé.

M. le rapporteur vous a posé une question sur le modèle d’exposition. Selon vous, faut-il privilégier un site unique ou retenir une diversité dans une aire régionale ?

M. Vicente Gonzales Loscertales. Le bon sens et la fonctionnalité exigent un site unique, même si le règlement ne le prévoit pas expressément. En effet, le premier principe d’une exposition est l’égalité de traitement des participants. Ces derniers doivent tous se retrouver sur un même site, faute de quoi on risque de s’exposer à toutes sortes de plaintes ou de comparaisons malvenues.

Ensuite, une exposition nécessite de centraliser les services de transport, de sécurité, etc... On ne peut pas se permettre de les disperser. À Shanghai et à Aichi, le site était séparé en deux parties dont l’une a malheureusement été délaissée par les visiteurs. Si les services de sécurité avaient été dispersés, on n’aurait jamais pu organiser une exposition en Espagne à l’époque à l’ETA était encore active.

Pour autant, à partir d’un site unique, on peut créer des foyers d’activité dans les autres parties soit de la ville soit de la région. Dans votre cas, ce serait une bonne façon d’intégrer les citoyens des différents secteurs du Grand Paris.

Vous pourriez également, pendant toute la préparation de l’exposition, organiser des événements dans d’autres villes, par exemple à Bordeaux ou à Lyon, qui ont des infrastructures de qualité et dont les exécutifs sont prêts à investir. Cette multipolarité d’événements en lien avec des villes avoisinantes est une piste que je vous soumets.

Enfin, il est plus facile de réutiliser les réalisations qui ont été présentées sur un même site.

Vous le voyez : le problème n’est pas réglementaire, il est d’ordre pratique.

Mme Catherine Quéré. Nous avons ressenti votre déception quant aux suites données à l’exposition de Séville. Pouvez-vous nous en dire plus ?

M. Vicente Gonzales Loscertales. J’ai été déçu par l’utilisation de certaines infrastructures créées pour l’exposition de Séville. Sur les 214 hectares du site, 40 ont été transformés en parc scientifique et technologique, qui est aujourd’hui le troisième de ce type en Espagne. Par contre, le reste des pavillons a été abandonné ou détruit, faute d’implication des autorités locales et nationales – je pense notamment aux œuvres du fantastique programme d’art urbain.

À Montréal, les îles créées sur le fleuve Saint-Laurent pour l’exposition de 1967 n’ont pas été réutilisées pendant pratiquement vingt ans.

Par contre, à Shanghai, les Chinois envisagent de donner au site des fonctions différentes – des hôtels sont en construction, certains pavillons sont réutilisés.

Il est primordial d’anticiper l’après-expo afin de s’assurer que toutes les créations seront intégrées, réutilisables rapidement, ce qui nécessite de nommer une entité responsable de l’après-exposition. C’est un devoir : il faut investir dans des infrastructures durables, conçues pour être réutilisées. Sur ce sujet, une étudiante parisienne en architecture a parlé dans sa thèse d’une architecture évolutive. Cette idée d’adaptation rapide est extrêmement importante.

L’irresponsabilité financière n’est pas permise dans notre domaine. Le succès d’une expo, c’est l’après-expo !

M. le président Jean-Christophe Fromantin. Monsieur le secrétaire général, le cœur de Paris est riche de monuments érigés à l’occasion d’expositions : ils pourraient resservir pour d’autres expositions.

Je retiens de votre audition plusieurs messages qui nous seront très précieux : une exposition répond au plan stratégique d’un pays ; l’innovation est au service d’un thème universel ; une exposition est une expérience que l’on doit proposer à l’aune des atouts d’un pays.

Nous vous remercions infiniment.

M. Vicente Gonzales Loscertales. Cela a été un très grand plaisir pour moi de répondre à vos questions. Je me tiens à votre disposition pour toute information complémentaire.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Mission d’information sur la candidature de la France à l’exposition universelle de 2025

Réunion du mercredi 12 février 2014 à 16 h 45

Présents. - M. Yves Albarello, M. Guillaume Bachelay, M. Christophe Bouillon, M. Hervé Féron, M. Jean-Christophe Fromantin, M. Michel Lefait, M. Bruno Le Roux, M. Michel Lesage, M. Hervé Pellois, Mme Catherine Quéré, Mme Claudine Schmid

Excusés. - Mme Marie-Odile Bouillé, Mme Martine Carrillon-Couvreur, Mme Martine Martinel