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Mercredi 18 juin 2014

Séance de 18 heures 45

Compte rendu n° 25

Présidence de M. Jean-Christophe Fromantin, Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Pierre Simon, président de l’association Paris IDF Capitale économique, et de Mme Chiara Corazza, directrice générale

Mission d’information
sur la candidature de la France à l’exposition universelle de 2025

M. le président Jean-Christophe Fromantin. Madame, monsieur, je vous souhaite la bienvenue. Notre mission étudie les perspectives d’une candidature de la France à l’Exposition universelle de 2025 conçue pour investir la pluralité des territoires du Grand Paris en utilisant les systèmes de transport existants. Au contraire du choix fait par Shanghai de concentrer l’événement sur un site unique, nous envisageons non seulement d’utiliser les gares et les monuments du Grand Paris mais aussi d’impliquer les autres métropoles françaises dans l’accueil des visiteurs, avec un usage extensif des technologies numériques. Parce que vous conduisez un dialogue constant avec les pays étrangers, nous vous entendrons avec un intérêt particulier nous dire quelle appréciation vous portez sur l’attractivité du territoire Paris-Île-de-France, ses atouts et ses faiblesses, et en quoi une exposition universelle pourrait la servir.

M. Pierre Simon, président de l’association Paris Île-de-France Capitale économique. Vous accueillez deux interlocuteurs qui, je vous le dis d’emblée, soutiennent avec enthousiasme la candidature de la France à l’Exposition universelle de 2025. Mon propos reflétera le point de vue de l’association Paris Île-de-France capitale économique, qui œuvre au renforcement de l’attractivité de la région pour y attirer les investisseurs.

Notre premier outil de diagnostic est l’édition annuelle de l'Observatoire des investissements internationaux créateurs d’emplois et d’activités nouvelles – dits investissements Greenfield – dans les principales métropoles mondiales, réalisé par le cabinet KPMG à notre demande. D’autre part, nous avons publié, en coopération avec la Chambre de commerce de Paris, une étude réalisée avec la contribution du cabinet Roland Berger, intitulée Compétitivité et attractivité, le double défi des villes globales : comment réinventer le modèle économique de Paris-Île-de-France? ». Elle tend à définir comment se forme le PIB des métropoles, quelle est son origine et s'il existe différents modèles économiques ; les comparaisons peuvent toujours prêter à interprétation, mais ce sont de bons indicateurs. Enfin, même si elles sont plus subjectives, les observations des investisseurs que nous rencontrons méritent que l’on s’y arrête.

Ces études montrent que nous perdons du terrain depuis cinq ans au moins. Les chiffres, établis à partir d’une base de données internationales, sont incontestables : en cinq ans, le nombre de nouveaux investissements directs étrangers dans la région capitale est passé de 192 à 108, remontant un peu l’année dernière. Pendant la même période, ils passaient, à Londres, de 276 à 350 – après un pic à 389 dû aux Jeux olympiques – et, à Shanghai, de 171 à 240, avec un pic à 309 au moment de l’Exposition universelle.

Nous perdons aussi du terrain en termes de croissance. Aujourd’hui, le PIB de Paris Île-de-France est le troisième PIB métropolitain mondial, derrière ceux de New York et de Tokyo. Tout dépend certes du périmètre des régions considérées. Cependant, la comparaison des taux de croissance naturels à Paris Île-de-France et dans les autres métropoles mondiales montre que, toutes choses égales par ailleurs, la région capitale rétrogradera à la huitième place en 2030. Cela tient pour partie au poids nouveau des pays émergents, mais il est ennuyeux que le taux de croissance de Londres ou de New York soit supérieur au nôtre. Prenons pour exemple le tourisme : représentant en moyenne 10 % du PIB – un peu moins pour nous –, c’est une activité majeure pour toutes les métropoles. Dans ce secteur, nous sommes en deuxième position, derrière Londres, en nombre de touristes internationaux reçus, mais une fâcheuse stabilisation s’est produite au cours des dernières années. Un glissement s’est opéré : nous recevons beaucoup plus de touristes asiatiques mais moins d’Américains et d’Européens. Il n’y a pas d’effondrement mais pendant qu’il bondissait de manière spectaculaire à New York, le nombre de touristes étrangers est demeuré le même à Paris.

Indépendamment de ce diagnostic, et dans la perspective d’une candidature à l’exposition universelle de 2025, j’appelle en premier lieu votre attention sur le fait que l’innovation, sous toutes ses formes, est au cœur de la stratégie de développement économique de toutes les grandes métropoles performantes. Ainsi M. Bloomberg, son ancien maire, a-t-il affirmé de manière catégorique la volonté politique de faire de New York la deuxième Silicon Valley.

Ensuite, les métropoles qui réussissent ont, toutes, adopté une gouvernance économique unique résultant d’un plan stratégique, élaboré et mis en œuvre en association étroite avec le monde économique.

Enfin, l’image d’une métropole n’est qu’un élément parmi d’autres du choix des investisseurs. À l’enquête réalisée auprès de 500 grandes entreprises auxquelles il était demandé de dire : « Quelle capitale a la plus belle image ? », il est frappant de constater que les grandes capitales « traditionnelles » que sont Paris, Londres ou New York ont été citées bien plus souvent que celles qui reçoivent le plus d’investissements – Pékin ou Mumbai par exemple. En d’autres termes, l’image globale, subjective, n’est pas sans importance, mais les critères de décision des investisseurs sont plus objectifs. Ils vont là où ils sont assurés d’une stabilité juridique et fiscale, là où l’économie est en croissance, là où il y a un marché, là où existent de bonnes infrastructures de transport et informatiques et où le personnel est bien formé ; là, aussi, où la qualité de vie est bonne, mais ce critère vient en queue de liste…

L’attractivité d’un territoire suppose donc la définition d’une politique d’ensemble. À cet égard, certains épisodes ont un effet dramatique : si l’on s’efforce d’attirer des investisseurs en leur vantant le crédit d’impôt recherche mais que la presse explique suite que l’État pourrait remettre le dispositif en cause, le mal est fait quelle que soit la décision finalement prise par la puissance publique.

Pour autant, l’image d’un territoire n’est pas tout à fait neutre. Or, il existe un décalage important entre les faits et la perception que l’on a de nous à l’étranger : l’image que nous projetons est moins bonne qu’elle ne devrait l’être. Ainsi, dans le classement établi à la suite des réponses à la question « Quelle métropole européenne est la plus innovante ? », posée dans une étude menée il y a deux ans, Londres arrive en tête, devant Paris ; pourtant, nous avons deux fois plus de chercheurs et nous déposons deux fois plus de brevets que nos voisins britanniques. Puisqu’elle a des répercussions sur l’appréciation globale portée sur un territoire, l’image projetée n’est pas indifférente ; nous devons donc impérativement travailler notre marketing.

D’autre part, la France est perçue comme immobile et incapable de se réformer ; c’est un handicap réel. Pour déconstruire cette image, je me sers du dossier du Grand Paris, dont l’importance est cruciale pour faire valoir que, au contraire, notre pays a une vision. Il est essentiel de parvenir à démontrer que non, nous ne faisons pas que regarder derrière nous, et que nous avançons. Je suis frappé de constater que nombre de mes petits-enfants considèrent que les choses bougent, ailleurs, plus qu’en France.

Si l’idée d’une candidature de la France à l’Exposition universelle de 2015 nous enthousiasme, c’est que tous les territoires qui ont organisé de grands événements ont connu une poussée d’investissements ; à Londres comme à Shanghai, les chiffres en attestent.

C’est aussi que l’exposition universelle serait en soi une occasion exceptionnelle de contacts avec des investisseurs industriels et financiers ; cela doit être organisé très en amont car il y a là un enjeu économique majeur.

C’est encore parce que, j’en suis convaincu, une exposition universelle serait un sérieux accélérateur du dossier du Grand Paris, dont la réalisation n’est pas acquise aujourd’hui : il serait inconcevable qu’un tel événement se tienne sans qu’une liaison express ait été réalisée entre Paris et les aéroports de Roissy et d’Orly. L’exposition nous donnerait ainsi une occasion exceptionnelle de mettre en valeur nos savoir-faire en matière de transport, qu’il s’agisse de trains ou de gares ultra-modernes, et le calendrier, s’il est tenu, est parfait.

L’exposition universelle serait aussi l’occasion de valoriser l’image de Paris « capitale du bonheur », et par ricochet les industries du bien-être et de la mode. Paris, c’est aussi cela, et nous ne devons ni perdre ni négliger cette image d’excellence.

J’ai cru comprendre que vous voulez faire de l’innovation la trame de l’exposition ; l’idée est excellente, car c’est l’argument avancé par toutes les grandes métropoles qui cherchent à « se vendre ». Il faut entendre l’innovation en tous domaines – design, image, numérique, biotechnologies… – et mobiliser pour cela entreprises, pôles de compétitivité et incubateurs.

L’exposition universelle donnerait aussi l’occasion bienvenue de tester une nouvelle gouvernance économique : pareil projet ne peut s’envisager sans une gouvernance unique bien organisée, associant les entreprises. Enfin, en mobilisant les énergies, l’exposition universelle permettrait de combattre le pessimisme.

Cependant, quelques interrogations demeurent. En premier lieu, l’angle choisi pour présenter la candidature de la France est intéressant mais son originalité est facteur de risque. D’autre part, une exposition universelle crée des conditions nouvelles de vie, notamment économique, pendant une longue période. Il faudra donc résoudre les problèmes de coordination avec des manifestations habituelles qui ont elles-mêmes un poids important. Le salon de décoration Maison et objet représente ainsi 10 000 nuitées et a un fort impact pour les taxis et les restaurants. Cela peut-être une opportunité : on peut imaginer des coordinations ou trouver des modalités d’association possibles pour favoriser à cette occasion les contacts entre investisseurs et entreprises. Se pose encore la question de l’équilibre financier d’une telle manifestation, dont je ne doute pas qu’elle est au cœur de vos réflexions.

Enfin, le professionnalisme de l’organisation de la candidature est une exigence absolue, et l’une des conditions de la réussite. Vous pouvez compter sur nous. Nous avons déjà pris des initiatives pour mobiliser nos membres, dont certains participent à votre tour de table. Nous serons à vos côtés, dans la mesure de nos moyens.

M. le président Jean-Christophe Fromantin. L’idée courant aussi de présenter la candidature de la France à l’organisation des Jeux olympiques de 2024, j’aimerais vous entendre dire quels sont les avantages et les inconvénients comparés des deux types de manifestation.

Mme Chiara Corazza, directrice générale de l’association Paris IDF Capitale économique. C’est sans doute ma qualité d’étrangère, moitié britannique, moitié italienne, et la distance qu’elle crée, qui m’a valu d’être retenue pour promouvoir la candidature de Paris à l’organisation des Jeux olympiques de 2008. Jeux Olympiques et expositions universelles ont plusieurs points communs. Tous créent une dynamique qui tire les investissements et attirent l’attention des media ; tous, où qu’ils aient lieu, suscitent la fierté du peuple organisateur ; tous suscitent une sorte d’union sacrée, comme on l’a vu au sein du comité de candidature à l'organisation des Jeux Olympiques de Paris 2008, où siégeaient, main dans la main, une ministre de la jeunesse et des sports communiste, un président de région socialiste et un maire de Paris membre du RPR.

Les différences entre les deux types de manifestations portent sur les types de public et les retombées qu’elles entraînent. On peut regarder les épreuves des Jeux olympiques à la télévision, et seuls quelques privilégiés participent à la fête. Au contraire, l’exposition universelle est une expérience vécue, qui a un aspect à la fois ludique et pédagogique : on vulgarise le progrès et ses applications, et la manifestation mêle grand public et affaires, comme on l’a vu lors de l’exposition universelle de Shanghai, avec d’importantes retombées pour les entreprises présentes, quelle que soit leur taille. Une exposition universelle est une vitrine de démonstrations technologiques ; ce n’est pas le cas des Jeux Olympiques, occasion donnée à de grands sponsors de « truster » l’économie sans que cela profite ni aux petits commerçants ni aux habitants du pays d’accueil – Londres, on l’a vu, s’est vidé de ses habitants pendant les Jeux. Outre cela, une exposition universelle réunit des publics très divers, dont des universitaires et des étudiants, par le biais des concours d’architecture et des business plans. Enfin, pour les Jeux Olympiques, le Comité international olympique fait la loi, et sa loi est très stricte ; il en va autrement avec le Bureau international des expositions (BIE), qui a bien sûr ses propres critères, mais qui laisse davantage de place à l’inventivité et au pouvoir de conviction des candidats.

Enfin, nous sommes bien placés pour le savoir puisque, par deux fois, ses dossiers de candidature n’ont pas abouti en dépit d’un professionnalisme indéniable, la France ne me semble pas bien préparée pour accueillir les Jeux Olympiques, et les données que nous ne maîtrisons pas sont trop nombreuses. Pour voir retenue sa candidature à l’organisation d’une exposition universelle, les choses sont plus simples: il suffit d’être les meilleurs ! Les membres du BIE peuvent être sensibles à la symbolique du nouveau métro faisant écho à l’ouverture de la première ligne de métro lors de l’Exposition universelle de Paris en 1900 ; à l’accent mis sur la « ville intelligente » ; au fait que l’utilisation des bâtiments existants abaissera les coûts ; au volet d’intégration sociale dans un Grand Paris en pleine transformation que n’auraient pas nécessairement les Jeux Olympiques. Enfin, qu’il n’y ait pas eu d’Exposition universelle en France depuis longtemps affermit la légitimité de cette candidature.

M. le président Jean-Christophe Fromantin. Je vous remercie pour ces observations éclairantes. L’association Paris Île-de-France Capitale économique fait fonctionner en réseau les collectivités locales, l'Agence française pour les investissements internationaux (AFII), de grandes entreprises et le réseau consulaire. Pensez-vous ces entités aux statuts juridiques différents capables de se mobiliser solidairement pour appuyer cette candidature ?

M. Pierre Simon. Tout grand projet appelle un leadership : avec un directeur de projet charismatique, on abat des montagnes, et si le projet est ambitieux, on dépasse les concurrences d’image, de statut et de pouvoir. À Lyon, théâtre d’une remarquable solidarité territoriale, le maire consacre 60 % de son temps au développement économique de sa ville. Il est beaucoup plus difficile de créer un élan de cette sorte à Paris, et cela me désole. Mais je puis vous assurer que si un leadership incontestable et un projet ambitieux sont définis, entreprises et réseau consulaire se mobiliseront en faveur de ce projet. Cependant, il est exclu d’imaginer organiser en France, à un an d’écart, des Jeux Olympiques et une exposition universelle. Ce choix doit donc être réglé assez vite, sinon la chose se compliquera, certains acteurs hésitant à s’investir sans savoir de quel côté penchera finalement le fléau de la balance. Il y a beaucoup d’atouts en faveur d’une exposition universelle et tout projet qui suscite la fierté est mobilisateur. Une fois dépassées les interrogations – « Ira-t-on au bout ? » –, la mayonnaise prendra et la marche vers le succès sera enclenchée.

Mme Chiara Corazza. Ce choix doit intervenir rapidement pour que la candidature soit préparée le mieux possible. Plusieurs facteurs devraient être pris en considération : les coûts des deux manifestations diffèrent, les caisses de l’État sont vides et les chances de voir la candidature de la France aboutir ne sont pas les mêmes dans les deux cas. Si l’on penche en faveur de la candidature de l’Exposition universelle, chacun, j’en suis persuadée, courra au secours de la victoire. Un tel projet, bon pour l’image de la région et du pays, susciterait forcément cohésion et enthousiasme. Qu’il opte pour l’exposition universelle ou pour les Jeux Olympiques, l’État doit choisir vite pour éviter la dispersion des énergies et permettre à tous les acteurs de s’engager franchement, sans attendre.

M. le président Jean-Christophe Fromantin. La réponse se construit progressivement, à mesure que notre mission voit converger des propositions et des arguments constructifs et qu’elle prend acte de l’adhésion de grandes entreprises, d’universités, de grandes écoles, des associations d’élus et des élus eux-mêmes. L’État sera sollicité après la fin de nos travaux, quand nous pourrons présenter un projet complet, mais nous notons que l’alchimie que vous avez évoquée se forme déjà. L’originalité du concept que nous souhaiterions présenter au BIE – réinvestir l’existant – est en soi un défi et présente donc un risque au regard des modèles traditionnels d’exposition universelle ; il nous revient de transformer cette contrainte en atout. L’équilibre financier de la manifestation est un autre défi d’ampleur : pour que le projet ne coûte rien au contribuable, il faudra revisiter les modes de financement participatifs qui caractérisaient les expositions universelles initiales et mettre en œuvre diverses formes de co-financement. C’est enfin notre conscience aiguë de l’exigence de professionnalisme qui nous a incités à lancer les travaux exploratoires treize ans avant la date prévue pour l’Exposition.

M. Pierre Simon. Je vous félicite pour votre travail, et je vous le redis, notre association a toute sa place dans la préparation d’une exposition universelle.

M. le président Jean-Christophe Fromantin. Madame, monsieur, je vous remercie.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Mission d'information sur la candidature de la France à l'exposition universelle de 2025

Réunion du mercredi 18 juin 2014 à 18 h 45

Présents. - M. Hervé Féron, M. Jean-Christophe Fromantin, M. Bruno Le Roux

Excusés. - M. Yves Albarello, M. Guillaume Bachelay, M. Christophe Bouillon, M. Philip Cordery