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Mercredi 25 juin 2014

Séance de 16 heures 45

Compte rendu n° 26

Présidence de M. Jean-Christophe Fromantin, Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Xu Bo, ancien adjoint au Commissaire général de l’Exposition universelle de 2010 à Shanghai

Mission d’information
sur la candidature de la France à l’exposition universelle de 2025

M. le Président Jean-Christophe Fromantin. Nous sommes heureux d’accueillir M. Xu Bo, diplomate chinois. Vous avez été en poste au Liban, à Bruxelles et à Strasbourg. Vous avez été premier secrétaire à l’ambassade de Chine à Paris, où vous avez représenté la Chine au Bureau International des Expositions. Vous avez, en 2004, été nommé adjoint au Commissaire général pour préparer la grande exposition universelle de Shanghai, que tout le monde connaît et qui a eu un succès retentissant à travers le monde. Vous êtes très attaché au dialogue interculturel. Vous avez une relation extrêmement forte avec la France et il suffit de vous écouter pour comprendre combien vous connaissez la culture française et combien vous l’appréciez, parce que vous parlez français de manière remarquable, quasiment sans accent. Je suis impressionné de vous écouter vous exprimer en français.

Votre audition est, pour nous, importante et même stratégique. Vous avez le double avantage de connaître de l’intérieur les expositions universelles pour en avoir été un des arbitres au Bureau International des Expositions (BIE) et pour avoir vous-même organisé l’une des plus grandes expositions universelles, à Shanghai. Vous avez aussi cette culture française et ce regard sur la France qui vont nous être très utiles pour savoir comment vous observez la perspective d’une candidature de la France à une exposition universelle en 2025.

La mission parlementaire a pour objectif d’analyser la pertinence de cette candidature. Nous avons hâte d’écouter votre expérience de Shanghai et de vous entendre nous raconter l’histoire de cette exposition, la manière dont la candidature chinoise a été présentée et l’organisation de l’événement en Chine. Vous pourrez nous dire dans la foulée comment vous appréciez la perspective d’une candidature française. Que devrait et ne devrait pas faire la France pour susciter l’intérêt de la Chine et de tous les pays du monde qui regarderont probablement avec beaucoup d’intérêt cette candidature.

Je vous remercie de vous être rendu disponible pour passer ce moment avec nous.

M. Xu Bo, ancien adjoint au Commissaire général de l’Exposition universelle de 2010 à Shanghai. Merci beaucoup M. le Président, M. le rapporteur, Mmes et MM. les députés, chers amis. C’est un honneur que vous me faites en m’invitant à parler de mon exposition universelle de Shanghai, que j’ai vécu pendant un long moment et que je considèrerai toujours comme quelque chose d’important dans ma vie. Elle fut aussi importante pour la Chine. J’aimerais partager avec vous ce que nous avons fait pour l’Expo. Comme le Président Fromantin m’y invite, je pourrais éventuellement faire des remarques sur la candidature française pour 2025. L’Expo Shanghai est à l’honneur aujourd’hui et j’ai mis spécialement une cravate de l’exposition pour lui rendre hommage. Comme vous le savez très bien, nous avons mis près de dix ans pour la faire. En étant à l’ambassade de Chine à Paris, j’étais le témoin oculaire et un artisan de la campagne électorale de 2002 que nous avons gagnée le 3 décembre. Elle nous a demandé deux ans de préparation. C’était une campagne très chargée, très difficile, acharnée même. Nous la disputions à cinq pays, dont la Corée du Sud et la Russie, qui sont des adversaires redoutables parce qu’ils avaient chacun un plan très solide. Je suis retourné à Shanghai en 2004. J’étais le directeur des relations extérieures, celui des participants internationaux et celui des affaires étrangères de l’exposition.

J’ai vécu vraiment les coulisses de cette exposition. À tout point de vue, cela en vaut la peine. Tout le monde sait très bien que Shanghai a en bien profité et la Chine aussi, diplomatiquement, économiquement, en termes de construction de l’image de la ville. Elle a donné de la fierté aux Chinois, parce que c’est une exposition que nous avons attendue cent ans. Il y avait une légende selon laquelle un écrivain chinois a rêvé que la Chine, devenue une puissance forte, trouvait une incarnation. Cette incarnation devait venir des pays qui avaient le droit d’organiser des expositions universelles. C’était la France. C’était la Grande Bretagne. D’après cet écrivain, il fallait que la Chine, dans cent ans, organise une exposition universelle. Il en a fait un roman. Cent ans plus tard, nous l’avons organisée. L’exposition a été conçue à travers les deux rives du Huangpu. C’était l’exposition d’un rêve. Elle incarnait la reconnaissance d’une renaissance. Toute la Chine, tous les Chinois se sentent fiers d’avoir organisé cette exposition. Il est inutile de vous expliquer davantage combien il est important de le faire. Nous sommes là pour convenir que nous en sommes tous convaincus.

Monsieur le Président m’invite à vous donner mon regard sur la France. Je suis un ami de la France. Je vis ici. La France est une référence très forte en matière d’exposition universelle. Elle l’a organisé sept fois dans le passé. Elle a imaginé beaucoup de choses. Quand on parle d’expositions, on parle aussi de la France. Mais cela fait un certain moment qu’elle n’en a pas organisé. Nous sommes à moment crucial. La France comme la Chine, le monde tout entier vit une transformation sociétale. Vous avez besoin d’une exposition. Nous avons besoin d’une exposition. Je pense que le monde entier a besoin d’une exposition qui élève, qui donne un espoir. Je pense qu’elle sera un dénominateur commun, un point de vue commun sur différents horizons. Je pense qu’elle est aussi nécessaire économiquement, diplomatiquement, il faut redorer le blason de Paris. Il y a une semaine, le ministre des Affaires Étrangères, M. Laurent Fabius, s’est exprimé sur le tourisme. La France est championne en la matière. Elle a déjà attiré près de 100 millions de touristes. En 2025, il faut en attirer davantage. Il faut avoir des projets qui donnent de la fierté non seulement au peuple français mais aussi au monde entier. Je pense que nous en avons besoin. Nous avons besoin de la France. C’est un pays toujours pionnier, dans tous les domaines, dans celui des expositions en particulier. C’est à votre tour de l’organiser. Vous n’en avez plus accueilli depuis 1938 alors que votre pays est plein d’imagination. Vous avez des atouts humains, des talents. Pour résumer, mon argument est que la France a besoin de cette exposition, que le monde en a besoin. Pour l’avoir vécu, je pense que ce moment serait magnifique pour la France et pour le monde.

Reste à savoir comment monter cette exposition universelle. Tous les pays sont désireux de l’organiser parce que c’est quelque chose de bien, dont on peut être fier. Mais il y a une campagne à mener. La France est-elle prête à être sélectionnée ? La campagne a été très difficile pour la Chine. Ce fut aussi le cas pour Milan. La campagne a mobilisé les présidents des deux pays. J’ai participé à de nombreuses réunions pour la préparation de l’exposition de 2015. J’ai pu constater que les Italiens ont déployé de grands moyens. L’exposition universelle suivante, en 2025, sera celle de Dubaï. Vient ensuite celle de 2025. Je ne sais pas qui seront les prétendants. Il y en aura forcément beaucoup. Il y aura peut-être des surprises. Je vais m’arrêter là pour vous témoigner mon soutien. J’ai déjà donné plusieurs fois mon opinion au Président Fromantin. Pour être bref, je suis prêt à vous apporter mon concours de citoyen.

M. le Président Jean-Christophe Fromantin. J’ai une première question à vous poser. Vous parliez à l’instant des deux ou trois années de compétition entre les pays du monde qui tentent de convaincre les électeurs du BIE que l’expo doit se passer chez eux. Comment s’organise cette compétition ? Faut-il se rendre dans les 160 pays qui votent ? Est-ce le réseau diplomatique qui fait le travail ? Y a-t-il eu plusieurs délégations chinoises qui ont été à la rencontre de ces pays ? Quels ont été, selon la typologie des pays ou bien pour chacun d’eux, les arguments avancés ? Étaient-ce des arguments relatifs au marché chinois, apportant une promesse économique à tous ces pays ? Étaient-ce des arguments portant sur le thème de l’exposition, « Meilleur vie, meilleure ville » ? Incitiez-vous les participants à venir innover sur ce thème ? Pouvez-vous nous en dire davantage sur le déroulement de la campagne et les arguments à produire pour convaincre ?

M. Xu Bo. Premièrement, le rapport de candidature doit être soutenu par le Président de la République. Il doit auparavant écrire une lettre au Secrétaire général du BIE pour présenter la candidature du pays et lui apporter le soutien de l’État. Le ministre des Finances doit apporter une lettre de caution qui confirme le soutien financier de l’État. Par définition, l’Expo n’est pas un événement de même nature que les Jeux olympiques. Ce n’est pas la ville, c’est le Gouvernement central de l’État qui l’organise. La ville met en œuvre l’exposition mais c’est l’État qui parle. Il faut mobiliser au plus haut niveau. Le Président de la République lui-même doit être sensibilisé par votre campagne. C’est primordial.

L’État doit mettre à la disposition de cette campagne toutes ses ressources et ses atouts diplomatiques. Ce sont des diplomates qui font campagne auprès des délégués des États au BIE. Ce n’est pas comparable au Comité International Olympique. Les délégués ne peuvent pas se comporter comme des individus, chaque voix exprime l’attitude d’un pays. Vous avez le privilège de pouvoir rencontrer les délégués assez facilement puisque le BIE siège à Paris. Il faut les inviter, leur faire connaître le concept de votre projet. Il faut préparer un programme d’assistance pour les pays en voie de développement. Pour attirer leurs voix sur la candidature de Shanghai, nous avons financé leur participation à l’exposition pour un montant de 100 millions de dollars. C’est important. Les Coréens avaient également prévu cette contribution qui est dans leur coutume. Ce n’est pas mal vu. C’est normal que la Chine facilite la participation des pays pauvres. La France est-elle prête à le faire ? Il faut ensuite mobiliser les ambassadeurs dans les capitales des pays membres du BIE puisque c’est de la capitale que partent les instructions de vote transmises aux délégués réunis à Paris.

Beaucoup de pays, qui reconnaissent l’importance de la Chine, ont souhaité accompagner sa renaissance. Tout le monde a vu d’un bon œil sa réémergence. Ce fut surtout le cas des pays en voie de développement puisque nous nous considérons toujours de la même famille. Nous avons également des relations privilégiées avec des pays comme la France. Nous avons mobilisé facilement les capitales de ces pays pour obtenir leur soutien en faveur de l’Expo de Shanghai.

Mais il faut dire honnêtement que le marché chinois a donné à notre candidature un atout inégalé. Derrière la parole de la diplomatie publique, les pays développés comme les pays en voie de développement attachent de l’importance au marché. Chaque voix compte et il y a des tractations. Notre relation avec la France est sentimentale et stratégique. Les pays nordiques, par exemple, qui sont neutres dans les relations internationales, considèrent les expositions universelles comme un jeu, une rencontre culturelle entre les peuples moins importante que les autres événements internationaux. Mais, pour ces pays, le marché chinois est très attirant. Les négociations ont porté sur la création de liaisons aériennes entre les aéroports chinois et ceux des pays qui allaient voter pour nous. Il y a eu des négociations semblables avec des pays qui, même s’ils n’ont pas l’intention d’investir en Chine, veulent attirer les touristes chinois. Cela concerne un grand nombre de pays qui, s’ils n’ont pas d’investissements en Chine, y ont des intérêts. Je pense en particulier à l’Île Maurice. Ces intérêts doivent être travaillés. Pour les grands pays, ce travail est travail stratégique et politique. Pour les pays moyens, il est économique. Tout cela se prépare. Le délégué de la Grande Bretagne a dit très clairement qu’il choisirait le candidat qui présenterait le meilleur dossier, afin de soutenir la tradition de diplomatie publique et afin de promouvoir l’image du pays et non pas de gagner de l’argent. Cela a été dit très clairement.

La qualité du dossier est d’abord celle du thème retenu pour l’exposition. Nous avions un thème magnifique, consensuel : «Meilleure ville, meilleure vie ». Aujourd’hui, tout le monde vit en ville : cela a été facile d’obtenir les votes tant des pays développés que des pays en voie de développement.

Pour bien préparer votre candidature il faut qu’elle soit soutenue par la plus haute autorité politique et que votre arsenal diplomatique soit mobilisé.

Il faut également travailler, au cas par cas, pour obtenir les votes des délégués de chaque pays votant. Si l’on prend le cas de la Chine, c’est facile, les Chinois aiment Paris et seront convaincus par une candidature parisienne. Pour les autres pays, il va falloir tisser des liens étroits, développer les investissements, la culture, le tourisme.

Un bon dossier est un dossier conçu d’une manière complète.

M. Bruno Le Roux, rapporteur. Nous connaissons tous le succès de l’exposition de Shanghai, expo qui s’est inscrite dans le développement urbanistique d’une ville qui a transformé son réseau de transports.

Une candidature, il faut la gagner, mais il faut également faire partager l’événement à un peuple, aux habitants d’une ville, il faut les impliquer dans la défense de ce projet et dans le projet lui-même. Pouvez-vous nous dire quelle est la nature du plan que vous aviez mis en place pour impliquer l’opinion publique chinoise, mais surtout la mobiliser en faveur de l’exposition ? Vous aviez certainement eu besoin de milliers, voire des dizaines de milliers de bénévoles. Avez-vous donc mis en place un plan spécifique pour inciter à une mobilisation autour de l’exposition universelle ?

À Paris, on se trouve dans un contexte un peu différent, celui d’une ville, d’une métropole dans laquelle de nombreux bâtiments ont déjà été construits, notamment lors de précédentes expositions universelles. Si vous deviez présenter aujourd’hui la candidature de Shanghai, imagineriez-vous, par exemple, que l’exposition puisse se tenir non pas sur un seul site, mais sur plusieurs sites, afin de prendre en compte le développement urbain de la ville ? Pensez-vous que le Bureau international des expositions serait prêt à accepter une exposition multi-sites ?

M. Xu Bo. Concernant la participation du peuple, les Chinois sont très patriotes et c’était une exposition attendue depuis au moins cent ans ! Des campagnes de sensibilisation étaient organisées chaque jour. De manière directe ou indirecte, tout le monde était impliqué. À l’acmé de l’exposition, un million de volontaires, notamment de nombreux étudiants, étaient mobilisés, dans les quartiers, les aéroports. Les citoyens ont été sollicités pour donner leur opinion et apporter leurs suggestions vis-à-vis de l’exposition. Une campagne d’éducation, une campagne sur « l’étiquette », la politesse, mais également les connaissances géographiques ainsi que les relations extérieures, a également été lancée. Il faut dire, qu’honnêtement, les Shanghaïens étaient plus mobilisés que les Pékinois pour des raisons évidentes de distance géographique. Les campagnes d’éducation sont importantes. La mobilisation ne peut se faire que sur un plan moral, c’est comme cela que les citoyens se sentent maîtres du jeu, il est difficile de les impliquer sur un plan technique. Pendant six mois, tout le monde a été mobilisé, notamment les familles pour l’accueil des visiteurs. Voilà pour l’aspect partage !

Concernant la possibilité d’organiser une exposition multi-sites, spécificité de la candidature parisienne, prendre l’exemple de Shanghai n’est pas pertinent parce que nous disposons encore d’espaces à construire. C’était assez malin de choisir pour l’exposition un endroit à l’abandon : les anciens chantiers navals. En effet, les gens vivaient là dans des conditions misérables, on ne disposait d’aucun levier pour mobiliser, déménager : il fallait trouver un prétexte.

Il faut rendre hommage à votre délégué du BIE, M. Bernard Testu, ainsi qu’aux autres délégués qui sont venus visiter le site en 2001. Un autre endroit avait également était proposé, les champs de coton, qui ne sont pas le long du fleuve, et sont donc plus facilement constructibles. C’est le thème « meilleure ville, meilleure vie » qui a séduit les délégués, reconstruire une ville, un quartier, cela profite à tous, même aux gens déplacés, cela permet une régénération de la ville. C’était un dossier très solide. Imaginer une candidature de Shanghai sur plusieurs sites n’est donc pas pertinent.

Concernant Paris, il faut faire appel à l’imagination et les Français sont connus pour leur imagination ! C’est aussi une particularité qui aura l’atout de l’originalité ! On peut imaginer utiliser l’avenue de la Grande Armée jusqu’à la Grande Arche, mettre les bâtiments qui existent déjà, Grand Palais, etc…, à la disposition des pays participants pour en faire une vitrine de l’exposition. Le règlement du BIE précise que chaque pays doit être physiquement représenté, pour cela des quantités de terrain doivent leur être affectées car il ne s’agit pas d’une exposition virtuelle. Quelles surfaces seraient donc susceptibles d’être disponibles pour répondre à ce critère physique et quantitatif ? Monsieur le Président m’a expliqué qu’il souhaitait que les châteaux de Versailles, Chantilly, etc…soient mis à disposition.

Le défi français est de réussir à présenter un dossier dans lequel tout apparaîtra lié et non pas segmenté. Des solutions sont envisageables, avec suffisamment de finesse : il faut proposer des choses simples, pas trop techniques, trouver un thème qui puisse satisfaire l’ensemble des pays et fasse valoir les spécificités françaises qui sont le savoir-faire, le savoir-vivre. Actuellement, le monde souffre des bouleversements technologiques induits par la révolution numérique, la mondialisation, la société de consommation, la perte des repères éthiques. Peu de gens sont heureux, même en Chine, malgré le progrès. Pourquoi ne pas porter un projet qui ait pour thème le bonheur ? Imaginer le bonheur n’exige pas beaucoup d’espace, mais incite à participer aux manifestations culturelles, artistiques, digitales, virtuelles…A Versailles, par exemple, vous pourriez monter une exposition thématique à laquelle chaque pays pourrait participer, comme également sur l’avenue de la Grande Armée.

Ce type de compromis vous semble-t-il envisageable ? Les pays du Sud, notamment africains, seraient très enclins à participer à une exposition qui mettrait en valeur leur joie de vivre, leurs traditions. Si vous choisissez un thème très technologique, leur participation sera plus difficile.

M. Yves Albarello : Vous avez raison, Monsieur le commissaire, il faut faire rêver, nous avons besoin de rêver en particulier en ce moment ! Encore faut-il connaître les contours du bonheur et les définir ! Je voudrais revenir à des questions plus terre à terre. Comment l’exposition de Shanghai a-t-elle été financée ? S’agit-il d’un financement 100 % public provenant de l’État ? Y-a-t-il eu des partenariats public-privé, les entreprises chinoises ont-elles également participé au financement ? Quel bilan financier tirez-vous de cette exposition de 2010 ?

Vous qui aimez bien la France, qui la connaissez bien également, quels seraient les atouts – vous y avez répondu partiellement – que la France devrait mettre en avant pour cette exposition universelle de 2025 ?

M. Xu Bo. 18 milliards de yuans ont été consacrés à la construction. En termes de parité, en 2010, 1 yuan équivalait 10 euros, aujourd’hui, 1 yuan équivaut 8 euros. 10,6 milliards de yuan ont été affectés à l’opération elle-même. Le coût total de l’opération s’est élevé à 28,6 milliards de yuans.

Le financement, en provenance du gouvernement chinois, a été 100 % public. Shanghaï aurait aussi pu le financer car c’est une ville très riche. Concernant le bilan financier, le coût des constructions n’est pas immédiatement amortissable. Cependant, afin de rentabiliser l’exposition, on a monté une opération de marketing, de commercialisation, avec de nombreux partenaires : 13 partenaires globaux, 14 « senior partners », et des « partenaires de projets » sur l’eau, la communication... Toutes les entreprises souhaitaient participer. Au total, ce sont 56 partenaires, grands et petits, qui ont généré 7 milliards de yuans. Par exemple, pour être qualifié en tant que partenaire global, le ticket d’entrée était de 50 millions de dollars, pour des entreprises telles que Siemens, General Motors, Eastern Airlines,… Cela a été une belle affaire ! En échange nous ne donnions rien, cela assurait la réputation de ces entreprises sur le marché en tant qu’entreprise responsable.

Je prendrais l’exemple d’une entreprise de traduction qui s’était spontanément proposée pour assurer gratuitement la traduction. En échange de sa participation, elle a emporté, aujourd’hui, le marché local de la traduction.

De plus, les 73 millions d’entrées de l’exposition ont généré 6 milliards de yuans grâce à la vente de billets. Au total, 13 milliards de gains ! L’opération en elle-même étant de 10 milliards, le gain net est de 3 milliards !

En revanche, la construction est un coût qui ne s’amortit uniquement qu’avec le temps.

M. Yves Albarello. Que sont devenues, après la fin de l’exposition, les diverses construction réalisées sur le site ?

M. Xu Bo. J’aurais souhaité que le rideau ne retombe pas ! Mais nous n’avons gardé que quelques pavillons, dont ceux de la France, de l’Espagne, de l’Italie, de l’Arabie Saoudite, les autres ont été détruits, du fait de la croissance considérable du prix du foncier, le prix du m2 étant passé de 5 000 yuans en 2003 à près de 70 ou 90 000 aujourd’hui ; la municipalité est satisfaite de pouvoir disposer de ces terrains. La question qui se pose est celle de l’utilisation à long terme : veut-on accorder la priorité à l’image ou gagner de l’argent ?

Quant aux atouts, chaque pays a les siens. Ceux de la France sont la joie de vivre, la culture, le bien-être ; les Chinois aiment la culture et prennent la France comme exemple. Elle possède en outre un patrimoine exceptionnel. Vous pouvez vendre le bien-être, le luxe. Si l’on choisit pour l’exposition un thème trop technique, la grande masse des visiteurs ne sera pas intéressée. Il faut concevoir une exposition populaire qui s’adresse à tout le monde, comme cela a été le cas en 1900. Le but du jeu est de partager, de faire visiter la France, l’autre but étant le profit diplomatique qu’en tirera le gouvernement de l’époque. Toute la presse mondiale en parlera. Milan et Dubaï ont également choisi des thèmes simples. À cet égard, il serait judicieux de faire une enquête d’opinion afin de cerner les priorités de la population.

Mme Martine Carillon Couvreur. Je vous remercie de votre présentation et de votre regard sur l’exposition. Vous avez évoqué l’histoire : il est vrai que les expositions universelles ont toujours une place dans la mémoire collective des Français. Vous avez également souligné qu’il n’était pas nécessaire de prévoir une exposition trop technique et que la question du bonheur était intéressante. Effectivement, nos concitoyens sont déroutés par l’accélération des technologies et se demandent ce que sera demain. La France doit se replacer dans la tradition des Lumières, et la notion de bonheur me convient. Dès que les gens peuvent se rassembler, cela crée une dynamique collective qui peut être partagée. Nous avons des traditions, un patrimoine et une culture qui font partie de notre identité et qui pourraient entrainer d’autres pays. Nous avons besoin de retrouver un sens collectif en choisissant parmi ces atouts un sujet d’actualité.

Affecter des lieux à divers pays est une idée intéressante. On pourrait de cette façon décliner cette exposition sur d’autres territoires : cela donnerait un sentiment de fierté à des provinces qui ont besoin d’être impliquées.

Enfin, comment faire participer les jeunes à un programme national ?

Mme Gilda Hobert. La culture est plus un outil qu’une thématique.

M. Xu Bo. Le thème doit donner le moral aux Français et aux autres peuples. Partager avec les provinces est important, mais cela risque de coûter cher aux participants, cela pourrait paraître discriminant pour certains pays, il faudrait réfléchir à des compensations.

La France doit faire face à des contraintes que la Chine n’a pas : elle n’a pas de terrains disponibles et l’État n’a pas d’argent. Il faut mobiliser les jeunes en recueillant leur opinion dès la préparation de la candidature, en leur demandant quel est leur vision du monde de 2025 et comment vivre mieux. De ce fait, ils se sentiront engagés. Un concours pourrait également être organisé entre les étudiants des pays francophones : quel sera le monde de 2025 ? Internet aura changé, la population aura augmenté, nous serons à la fin du premier quart du 21e siècle ; pourquoi ne pas travailler sur une date historique, y aurait-il un centenaire ou un bicentenaire à célébrer ? Les jeunes pourraient donner leur version du meilleur monde. Le bonheur nous touche tous, c’est une idée importante actuellement : l’ONU a institué une journée internationale du bonheur, l’OCDE travaille sur ce thème.

Mme Martine Carillon Couvreur. On évoque également la notion de bonheur intérieur brut.

M. Xu Bo. 300 millions de Chinois communiquent par WeChat,-application mobile chinoise de messagerie instantanée. L’exposition peut s’en inspirer. Facebook est beaucoup plus limité.

M. Yves Albarello. Avez-vous dû moderniser vos réseaux de transport ?

M. Xu Bo. 300 milliards de yuan ont été investis dans l’exposition. On a construit des lignes de métro : en 2003, il en existait seulement 5, puis le nombre a été porté à 15, soit plus de 500 kilomètres, ce qui a changé l’image de la ville. Avec la surchauffe de l’économie, l’État a gelé des investissements, mais Shanghai en a profité. L’exposition a été bénéficié aux dirigeants de la ville, mais également à la population.

M. le Président Jean-Christophe Fromantin. Nous retenons de cet entretien l’importance du thème, qui doit être simple et universel, en privilégiant la rencontre et à propos duquel la France ne doit pas décevoir, car elle doit être digne de son rôle de précurseur en matière d’expositions universelles. On peut imaginer le cœur de l’exposition à Paris, puis investir le patrimoine avec des animations et la tenue de semaines spéciales dans les territoires. Tout sera distant de deux heures au maximum. En fait, le territoire français correspondra à une grande métropole asiatique ! M. Xu Bo, je vous remercie.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Mission d'information sur la candidature de la France à l'exposition universelle de 2025

Réunion du mercredi 25 juin 2014 à 16 h 45

Présents. - M. Yves Albarello, M. Guillaume Bachelay, Mme Martine Carrillon-Couvreur

Excusés. - M. Alexis Bachelay, M. Jean-Louis Gagnaire

Assistait également à la réunion. - Mme Gilda Hobert