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Mission d’information commune sur la banque publique d’investissement, Bpifrance

Jeudi 12 février 2015

Séance de 11 heures

Compte rendu n° 5

Présidence
de Mme Véronique Louwagie,
Présidente

–  Audition, ouverte à la presse, de M. Pierre-René Lemas, directeur général de la Caisse des dépôts et consignations

–  Présences en réunion

La mission d’information entend, en audition ouverte à la presse, M. Pierre-René Lemas, directeur général de la Caisse des dépôts et consignations.

Mme la présidente Véronique Louwagie. Après l’audition du directeur général de Bpifrance et de trois de ses directeurs exécutifs, qui nous a permis d’aborder les différents champs d’activité de la banque publique d’investissement dans leurs aspects opérationnels, nous recevons maintenant M. Pierre-René Lemas, directeur général de la Caisse des dépôts et consignations.

Je vous propose de commencer, monsieur Lemas, par une présentation des relations entre la Caisse des dépôts et consignations et la BPI, des questions de gouvernance, du déroulement du processus d’intégration de certaines activités de la CDC dans la BPI, ainsi que de l’articulation des missions respectives de ces deux organismes, notamment dans le champ du financement des entreprises. Nous vous poserons ensuite quelques questions portant sur des points plus précis.

M. Pierre-René Lemas, directeur général de la Caisse des dépôts et consignations. Je me présente à vous à double titre : d’une part, en tant que directeur général de la Caisse des dépôts, dont Bpifrance est la première filiale – elle est détenue à parité par l’État et la CDC –, d’autre part, en tant que président de l’exécutif du conseil d’administration de Bpifrance, une fonction qui me conduit à diriger les débats de son conseil d’administration et à être le gardien de certaines de ses prérogatives, notamment pour ce qui est de l’approbation de la stratégie de son budget et de l’arrêté des comptes.

Je veux souligner en préambule la réussite que constitue, dix-huit mois après sa naissance juridique en juillet 2013, la création effective de Bpifrance. L’idée était de rassembler en une même structure – une banque publique d’investissement – les principaux outils d’intervention publique en matière d’entreprise. Cela n’allait pas de soi, car chacun de ces outils pris séparément avait sa propre histoire et sa trajectoire, qu’il s’agisse d’Oséo, reconnu comme un outil de financement efficace, des filiales d’investissement en fonds propres de la Caisse des dépôts telles que CDC Entreprises – dédiée depuis près de vingt ans aux « petits tickets » de capital-investissement, ou fonds de fonds –, ou du FSI, créé plus récemment et intervenu dans plusieurs grosses opérations au cours des dernières années. Toutes ces entités avaient leur propre légitimité et ont fait preuve, dans la durée, d’une efficacité reconnue.

Je veux en profiter pour faire une incise. Parmi les trois structures essentielles ayant donné naissance à Bpifrance, il en est une qui se trouve sous les feux de l’actualité depuis hier : je veux parler de CDC Entreprises, qui a fait l’objet d’observations assez sévères de la part de la Cour des comptes dans le rapport que celle-ci a présenté au Parlement. Il s’agit d’une affaire remontant à 2007 et concernant l’attribution d’actions gratuites au personnel de cette filiale de la Caisse des dépôts, dans le cadre d’un mécanisme de type actionnariat salarié, introduit dans une filiale à 100 % de la Caisse des dépôts – c’est sans doute cet élément-là qui mérite que l’on s’y attarde.

La construction juridique du dispositif est sans doute solide, mais les dérives auxquelles on a pu assister sont inacceptables. De ce point de vue, la Cour des comptes a formulé un certain nombre de recommandations, que la Caisse des dépôts va suivre et qu’elle a d’ailleurs assez largement anticipées. Nommé à mon poste en mai 2014, j’ai souhaité engager une réorganisation de la Caisse des dépôts, qui s’est d’ores et déjà traduite par la création d’une direction des ressources humaines du groupe – et non plus seulement de l’établissement public –, assurant la mise en cohérence de l’ensemble des politiques de personnel du groupe Caisse des dépôts.

J’ai également renforcé les fonctions de pilotage des filiales de la Caisse des dépôts, ce qui m’a amené à prendre la décision de supprimer un certain nombre de filiales – celles dont l’autonomie n’est pas justifiée – pour les internaliser au sein de l’établissement public : c’est une politique que j’ai l’intention de continuer tout au long de l’année qui vient, et qui va permettre à la fois de réaliser des économies d’échelle et de mettre en cohérence les politiques, notamment en matière d’investissement.

Toujours en ce qui concerne la gestion des personnels, j’ai demandé à la direction des ressources humaines d’engager un recensement exhaustif des rémunérations des cadres dirigeants du groupe, quel que soit leur statut – comme vous le savez, le groupe comprend d’une part des salariés de droit privé, d’autre part des agents de droit public ou des fonctionnaires, qui ont des statuts juridiques et salariaux différents –, et demandé que l’on élabore un référentiel des rémunérations, notamment des cadres dirigeants, qui soit cohérent avec les missions d’intérêt général de la Caisse des dépôts.

J’ai naturellement confirmé à mon arrivée les décisions prises par mon prédécesseur : je pense notamment à la suppression de toutes les formules de stock-options qui existaient dans certaines des filiales de la Caisse des dépôts, ou encore au respect strict de la règle de plafonnement des rémunérations fixée par une loi de 2012, qui devait nécessairement s’appliquer à la Caisse des dépôts. Je serai sans doute amené, dans les semaines qui viennent, à prendre d’autres décisions résultant du travail déjà engagé.

En ce qui concerne le travail commun des trois filiales, l’objectif de la BPI était de retrouver un élan au service du développement économique et de l’intérêt général, tout en préservant le succès de ce qui avait été engagé précédemment. Le choix fait à l’époque a consisté à renverser le prisme, c’est-à-dire à partir des clients plutôt que des institutions, et à considérer que, du point de vue des entreprises, la mise en place d’un guichet unique, venant se substituer aux anciennes entités, avait du sens. Évidemment, les métiers du financement et de l’investissement sont bien distincts, mais le pari qui a été fait de les rassembler – un pari que l’on peut aujourd’hui estimer réussi – avait pour objectif de créer des synergies et surtout d’offrir une plus grande lisibilité aux entrepreneurs sur la gamme des outils dont ils disposent. Il s’agissait donc de créer une dynamique contribuant à la relance de l’investissement et de la croissance.

Le bilan 2014 présente une activité en hausse pour tous les métiers de Bpifrance, et la création d’une dynamique qui semble très encourageante : plus 35 % pour les prêts de développement, un décollage du préfinancement du CICE largement dû à l’action de la BPI – avec un doublement des engagements –, un milliard d’euros pour le financement de l’innovation, soit plus 40 % par rapport à 2013, et une progression de 73 % du pôle investissement – ce qui représente actuellement 154 millions d’euros investis en direct dans les PME, 500 millions d’euros dans les entreprises de taille intermédiaire (ETI) et les grandes entreprises, et environ 800 millions d’euros dans les fonds de capital-investissement. Le lancement du fonds Large Venture, dédié à des opérations de capital-risque, est également un succès.

Enfin, je me félicite de la signature de dix-sept conventions-cadres avec les régions. C’est l’un des aspects que j’ai souhaité donner à l’action de la Caisse des dépôts, consistant à être plus présente dans sa dimension territoriale, en partant de l’idée simple que le développement, l’initiative, l’action économique et les entreprises ne se font pas hors sol, mais d’abord sur les territoires, et que la dimension territoriale des activités de la Caisse en général, et de Bpifrance en particulier, est une priorité très forte. Un effort considérable a été accompli en ce sens par les antennes de Bpifrance, qui se sont mobilisées. Je suis persuadé que la proximité est l’une des clés de la réussite, et j’insiste beaucoup, dans les fonctions qui sont les miennes, pour que les décisions soient prises au niveau territorial aussi souvent que possible – c’est le cas pour 90 % d’entre elles à l’heure actuelle –, car c’est en étant près des entreprises que nous sommes efficaces : l’écosystème est d’abord local.

Rien de tout cela n’aurait été possible sans la construction de Bpifrance, qui s’est faite entre 2012 et 2013 avec beaucoup de dynamisme – j’en profite pour rendre hommage aux équipes qui s’en sont chargées. La culture commune du groupe s’articule autour d’une doctrine d’intervention, communiquée au Parlement, qui n’a pas été créée ex nihilo, mais s’inspire des cadres d’intervention des entités constitutives de Bpifrance. Il était important de disposer d’entrée de jeu de ce cadre d’intervention, à la fois pour montrer le cap et pour assurer une certaine protection contribuant à asseoir la légitimité et la crédibilité de place de Bpifrance. À mon sens, cela permet aussi et surtout d’expliquer aux entreprises sollicitant Bpifrance quelles sont les raisons sous-jacentes des réponses qui leur sont faites. Enfin, l’intérêt de se fonder sur une doctrine est aussi de garantir, aux yeux des institutions européennes, que Bpifrance se comporte en investisseur avisé.

De ce point de vue, je sais que la règle de cofinancement « un pour un » que nous appliquons actuellement peut susciter des interrogations, mais je veux souligner que cette règle est plus souple que celle qui prévalait antérieurement, puisque les financements privés exigés par Oséo pour octroyer un prêt représentaient souvent deux fois leur montant et non leur simple équivalent – c’était la règle du « deux pour un ». De plus, en cette phase de lancement, il est important de montrer à Bruxelles que nous intervenons en accompagnant un partenaire privé.

Pour ce qui est de la gouvernance, Bpifrance est détenue à 50 % chacun par l’État et la Caisse des Dépôts. Sa création s’est accompagnée d’un pacte d’actionnaires dont les principaux éléments ont été portés à la connaissance du Parlement comme le prévoit l’article 12 de la loi créant la BPI. Ce pacte fixe les grandes lignes des relations entre la Caisse des dépôts et l’État – en pratique, l’Agence des participations de l’État (APE). Nous avons fait le choix de voir la Caisse des dépôts disposer d’une prépondérance dans les métiers qu’elle exerçait précédemment, c’est-à-dire dans les instances de gouvernance de la branche investissement de Bpifrance ; cette branche réunit régulièrement des comités d’investissement auxquels le président Emmanuelli assiste en tant qu’observateur. En pratique, les échanges entre actionnaires – l’APE, la direction du Trésor et l’équipe de la Caisse des dépôts chargée des finances, dirigée par Franck Silvent – sont quasi quotidiens.

Quelle est la place de Bpifrance dans le groupe Caisse des dépôts ? J’ai fait en arrivant le choix de prendre la présidence du conseil d’administration de Bpifrance, considérant que celle-ci était la première filiale de la Caisse des dépôts, dont elle mobilise près de la moitié des fonds propres. Ceci explique que Bpifrance ait obtenu une place majoritaire dans la branche investissement de la Caisse des dépôts – à laquelle elle est intégrée en transparence, ce qui permet de disposer d’une vision précise des activités et des investissements de la Caisse et de Bpifrance – et que cette branche soit soumise au modèle prudentiel spécifique de la Caisse des dépôts.

Nous échangeons actuellement avec les services de l’État sur la question des dividendes versés par Bpifrance qui, de notre point de vue, doivent être portés à un niveau normatif pour montrer à Bruxelles que nous versons des dividendes comme le font toutes les banques : si le capital n’était pas rémunéré, nous risquerions d’être considérés comme « hors marché ». J’estime que ce dividende a vocation à sécuriser les dotations de l’État au service de l’innovation – ce que nous souhaitons – et doit permettre à la Caisse des dépôts, qui, faute d’actionnaires, est aujourd’hui la seule institution financière européenne à ne pas avoir bénéficié d’une augmentation de ses fonds propres, de renforcer sa capacité à investir dans ses missions d’intérêt général.

Plus largement, Bpifrance partage les mêmes valeurs que la Caisse des dépôts, à savoir la défense de l’intérêt général et l’appui des politiques publiques, mais c’est une banque – non pas une banque comme les autres, mais une banque publique dont le rôle est de prêter de l’argent aux entreprises auxquelles le marché bancaire ou les autres investisseurs seuls ne donneraient pas nécessairement leur chance.

Enfin, j’estime que la BPI doit s’intégrer dans la dynamique que je souhaite donner à la Caisse des dépôts, et que j’avais exposée devant les commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat. Mes priorités pour la Caisse des dépôts sont l’investissement, l’appui aux territoires – sur lequel nous devons encore progresser – et la thématique des transitions – numérique, énergétique et environnementale. Bpifrance assume son rôle de banque publique dans tous ces domaines, mais je souhaite qu’elle s’intègre davantage dans les stratégies de la Caisse des dépôts. Ainsi, dans le cadre de la réorganisation en cours, nous sommes en train de créer une nouvelle direction de l’investissement afin de rassembler tous les moyens d’investissement sur les projets de la Caisse des dépôts, ce qui est tout à fait cohérent avec la mobilisation de la BPI sur les petites et moyennes entreprises ; un lien de travail quotidien a été mis en place à cet effet.

J’ai souhaité que la Caisse des dépôts et la BPI travaillent de manière conjointe sur le thème de l’international et des affaires européennes, notamment sur le plan Juncker. Nous avons donc organisé des réunions de travail en Allemagne, en Italie et auprès des instances communautaires, que ce soit auprès des directions générales ou du commissaire Katainen, et nous espérons bien rencontrer prochainement le président Juncker. Nous avons plusieurs idées communes, à commencer par celle voulant que nous ayons intérêt à démultiplier la force de frappe de nos capacités d’initiative. Par ailleurs, nous avons l’intention, en ce qui concerne les projets – essentiellement pour la Caisse des dépôts – comme en ce qui concerne les entreprises – plutôt pour la BPI –, de pousser les feux d’un mécanisme de cofinancement et de co-investissement. Cela signifie que nous ne souhaitons pas entrer directement dans un fonds européen de garantie qui, avec la Banque européenne d’investissement (BEI), assurerait la gestion de l’ensemble des projets provenant des vingt-huit pays de l’Union européenne : nous préférerions un système plus simple de co-investissement, soit au moyen de véhicules dédiés à vocation bilatérale ou multilatérale, tel le fonds Marguerite, soit au moyen de projets.

Enfin, il nous semble que nous pouvons gagner beaucoup de temps, d’énergie et d’efficacité en nous appuyant sur les réseaux dont nous disposons déjà – les directions régionales et interrégionales de la Caisse des dépôts, ainsi que les agences de la BPI, qui connaissent bien le tissu industriel – et sur leur expérience plutôt qu’en créant de nouveaux réseaux européens. Avec nos collègues allemands de la Kreditanstalt für Wiederaufbau (KfW), nos collègues italiens de la Cassa Depositi e Prestiti et nos collègues espagnols de la Caja General de Depósitos y Consignaciones, nous défendons auprès de la Commission européenne une position qui nous paraît de bon sens, selon laquelle investir dans des projets suppose que l’Union européenne accepte que les investisseurs institutionnels que nous sommes puissent bénéficier du même type de garanties que celles accordées à la Banque européenne d’investissement – notamment la garantie de première perte –, travailler en s’appuyant sur des véhicules dédiés par projet ou par type de projets et mettre à disposition de l’Union européenne leurs réseaux respectifs. Un tel dispositif nous paraît plus simple que celui envisagé actuellement, dont la mise en œuvre se traduirait par le recrutement de personnels au niveau de l’Union européenne afin de recréer des niveaux d’instruction des projets au niveau communautaire.

Mme la présidente Véronique Louwagie. Vous nous avez exposé les axes et objectifs de la Caisse des dépôts, similaires à ceux de Bpifrance. Si cette similitude paraît logique, elle peut également soulever des questions en termes de dualité des structures. Pour ce qui est du succès que constitue la création de Bpifrance, je voudrais citer un rapport de la Chambre de commerce et d’industrie de Paris publié il y a quelques mois dans lequel il est indiqué que 61 % des entreprises franciliennes ont été amenées à abandonner un projet innovant faute de financement. Que pensez-vous de ce chiffre ?

Par ailleurs, vous avez évoqué un appui fort de la Caisse des dépôts sur les territoires, matérialisé par la signature de dix-sept conventions-cadres avec les régions. Dans la mesure où l’on constate de grandes disparités entre les régions, existe-t-il des solutions pour intervenir davantage au profit de certains territoires ?

Enfin, au sujet de l’attribution d’actions gratuites de la CDC Entreprises à près de soixante de ses salariés, dénoncée par le rapport public annuel 2015 de la Cour des comptes, vous avez parlé d’une dérive inacceptable et fait état des mesures que vous envisagiez de mettre en place, consistant notamment en un relevé exhaustif des rémunérations des cadres dirigeants. Ne serait-il pas souhaitable de disposer d’un référentiel s’étendant sur un panel plus large de rémunérations au sein du groupe ?

M. Laurent Grandguillaume, rapporteur. Monsieur le directeur général, la pratique dénoncée par le rapport de la Cour des comptes, qui suscite l’indignation de tous, appelle des mesures fortes et concrètes tirant les leçons de cet épisode malheureux et allant dans le sens d’une plus grande transparence – mais je ne m’étendrai pas sur ce point, puisque nous avons déjà posé des questions en ce sens au directeur exécutif de Bpifrance et que, de votre côté, vous avez déjà engagé des actions.

Mes questions porteront plutôt sur la structure d’ensemble du financement public des entreprises en France. Bpifrance avait pour vocation d’unifier les sources publiques de financement des entreprises et, si elle a atteint cet objectif, elle n’est pas la seule à intervenir dans ce domaine : à ses côtés, on trouve le Comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI), qui a pour mission d’aider les entreprises industrielles en difficulté, mais aussi la Médiation du crédit aux entreprises, qui facilite les relations entre les banques et les entreprises, Atout France, qui aide les entreprises dans le secteur du tourisme, Business France, qui favorise l’export, CDC International Capital, chargée d’attirer les investissements des fonds souverains, enfin la CDC, qui intervient elle-même en tant qu’investisseur d’intérêt général pour favoriser le financement des entreprises en croissance et leurs projets de développement – en co-investissements directs, fonds directs, fonds de fonds, fonds internationaux, nationaux et régionaux. Ce constat soulève la question de la cohérence d’ensemble du dispositif. La Caisse des dépôts et consignations vient de créer une direction des investissements, avec pour objectif de « renforcer le métier d’investisseur au sein du groupe et de le positionner comme investisseur économique majeur au service du développement des territoires. » Pouvez-vous nous indiquer comment s’opère concrètement l’articulation des opérations de la Caisse des dépôts et de la BPI en tant qu’investisseurs ?

Par ailleurs, il a été décidé de ne pas intégrer Qualium Investissement à la BPI qui est une société de gestion filiale de la Caisse des dépôts et consignations, investissant en fonds propres dans les PME et les ETI et développant des activités concurrentielles en matière de transmissions – au travers des leveraged buy-out (LBO) – et d’opérations de capital-développement. Quelles sont les raisons de cette décision ?

Enfin, la Caisse des dépôts accorde à Bpifrance des financements affectés aux prêts faits aux PME : sur quels critères ces prêts sont-ils attribués, et quelle part de l’activité de la BPI représentent-ils ? Selon vous, l’activité des prêts aux PME est-elle suffisamment dynamique ?

M. Éric Alauzet. J’ai noté que vous parliez de démultiplier la force de frappe. S’agit-il d’être plus en prise avec les territoires, par exemple en investissant davantage dans des fonds de fonds, qui permettent d’aider des projets de taille plus modeste que les projets à dimension européenne ?

Subsiste-t-il, selon vous, des points de faiblesse dans le dispositif de financement des entreprises, notamment en comparaison de ce qui se fait en Italie ou en Allemagne, et estimez-vous que nous pourrions faire des progrès ?

Vous avez cité deux projets de transition numérique et énergétique – des domaines auxquels je suis particulièrement sensible. Rencontrez-vous des difficultés sur l’un ou l’autre de ces chantiers, notamment celui de la transition énergétique qui, lancée plus tardivement, a peut-être plus de mal à se développer ?

Enfin, quel est selon vous l’équilibre global entre l’offre et la demande de financement, étant précisé que les avis sur cette question sont contradictoires, certains affirmant qu’il n’y a pas de demande, tandis que les autres considèrent que ce sont les financements qui font défaut – mais peut-être la réponse diffère-t-elle en fonction des territoires concernés ? À titre d’exemple, je citerai le cas d’une entreprise située sur mon territoire, près de Besançon. Cette papeterie considérée comme une vieille industrie a présenté aux banques un projet de conversion et de modernisation au moyen de la mise en place d’une centrale biomasse, mais n’a essuyé que des refus, y compris auprès de la CDC, et c’est finalement une banque libanaise – le repreneur est lui aussi libanais – qui est venue en appui avec HSBC. Un an après, c’est un succès pour ce projet du xxie siècle – que les banques françaises ont considéré à tort comme un projet du xxisiècle, ce qui me paraît dommage.

M. Pierre-René Lemas. Il faut reconnaître que la structure globale du dispositif de financement reste compliquée, même si la création de la BPI l’a un peu simplifiée. L’innovation est l’une des missions permanentes de Bpifrance, et cette orientation figure même dans la loi. Cela se traduit dans les chiffres par une très forte hausse des engagements, qui sont passés de 700 millions d’euros à environ un milliard d’euros pour 2014. Ces engagements sont très diversifiés puisqu’ils comprennent aussi bien des aides à l’innovation au sens classique du terme que des prêts ou du capital-innovation, et nous souhaitons continuer dans cette direction.

J’ai lu le rapport de la Chambre de commerce et d’industrie de Paris Île-de-France et, si je laisse aux spécialistes le soin de débattre de la méthodologie utilisée, toujours est-il que les baromètres semestriels d’Ernst & Young, entre autres, aboutissent à d’autres conclusions. En tout état de cause, je considère que la Caisse des dépôts et surtout Bpifrance ont assez largement contribué à la bonne tenue du marché du capital-innovation en France : nous sommes désormais quasiment ex aequo avec l’Allemagne, et même premiers dans certains secteurs. Certes, des marges de progrès subsistent, mais l’innovation constitue pour nous une priorité structurelle et la démarche engagée en ce sens, qui s’est traduite par une forte augmentation des volumes, doit se poursuivre.

Cela renvoie à une difficulté que l’on connaît bien, à savoir le fait que les ressources publiques consacrées au financement de l’innovation – je pense à toutes les ressources, qu’il s’agisse des programmes collaboratifs, des aides individuelles, des concours et des avances remboursables, des prêts à l’innovation – ont subi une baisse importante au cours des dernières années : la dotation de l’intervention de l’État a quasiment diminué de moitié entre 2008-2009 et aujourd’hui. La politique de l’État a consisté à compenser une bonne part de cette diminution des dotations par les engagements du Programme d’investissements d’avenir (PIA), à peu près à due proportion – je dis « à peu près » parce la compensation n’est pas intégrale : elle l’est peut-être en dépenses, mais pas en engagements. J’ai appelé l’attention de nos interlocuteurs de l’État sur notre souhait de voir fixer un objectif raisonnable afin de sanctuariser au moins un volume, de l’ordre de 150 à 180 millions d’euros en exécution, qui nous permette de poursuivre sur la voie que nous nous sommes fixée. L’une des pistes que nous avons soumises au Gouvernement pourrait consister dans le recyclage par l’État d’une partie du dividende de Bpifrance, qui permettrait sans doute de minorer l’effet des baisses de dotations. En tout état de cause, il n’est pas question de baisser les bras : nous voulons continuer à considérer l’innovation comme un axe très fort de notre action.

L’appui au développement territorial constitue désormais une orientation forte de la Caisse des dépôts. Historiquement, la CDC a d’abord été un établissement public ancré sur les territoires, accordant des prêts aux collectivités locales, intervenant dans le développement économique des territoires comme acteur des sociétés d’économie mixte – dont elle avait pris l’habitude de boucler les financements – et accompagnant les collectivités sur l’ensemble des projets de développement local. Si tout cela est encore en grande partie vrai aujourd’hui, la Caisse des dépôts a, entre-temps, traversé une autre période historique durant laquelle les pouvoirs publics ont souhaité qu’elle se bancarise, se financiarise, s’ouvre au marché et soit en situation de jouer son rôle contracyclique dans une économie globale et ouverte. Si nous ne sommes pas entièrement sortis de ce contexte, la nécessité de s’appuyer à nouveau sur les territoires s’est fait jour, car la capacité de développement est locale, départementale ou régionale, et c’est à cette échelle que la Caisse des dépôts doit jouer son rôle au sein des écosystèmes.

En pratique, cela s’est traduit pour la Caisse par deux décisions. La première a consisté à créer une direction de l’investissement ne venant pas s’ajouter à l’existant, mais ayant pour objet de regrouper tous les moyens d’investissement territorialisés de la Caisse des dépôts. En effet, la capacité à fournir de l’actif se trouvait répartie entre la Caisse des dépôts, certaines de ses filiales – CDC Infrastructure, CDC Climat et CDC Numérique – et les directions régionales, ce qui ressemblait davantage à un saupoudrage qu’à un dispositif faisant apparaître des thèses d’investissement clairement identifiées. Le regroupement va se traduire par la suppression, dans les semaines qui viennent, des filiales que je viens de citer. La nouvelle direction de l’investissement aura pour mission de définir des thèses d’investissement, des gammes de projet sur lesquelles nous souhaitons pouvoir investir de manière plus forte, en mobilisant les crédits de façon plus ciblée. Cette nouvelle organisation nous permettra de soutenir des projets auxquels nous ne nous serions peut-être pas intéressés auparavant.

La seconde décision prise par la Caisse a consisté à recréer une décision du territoire et des réseaux, afin de disposer d’une direction dédiée aux territoires, rattachée au directeur général et permettant le renforcement des directions interrégionales et régionales, dont le nombre de vingt-huit sera amené à évoluer prochainement pour tenir compte de la nouvelle carte des régions. Cela dit, nous ne pourrons nous calquer strictement sur cette nouvelle carte des régions, car nous devons veiller à maintenir une certaine proximité avec les acteurs locaux : nous devrons donc rechercher d’ici à la fin de l’année – ce travail a été engagé – le découpage le plus pertinent entre le nouveau niveau régional et les niveaux infrarégionaux, en concertation avec les acteurs locaux.

L’idée n’est pas simplement de modifier le découpage géographique. Il s’agit surtout de donner aux directions régionales de la Caisse des dépôts la possibilité de représenter toute la Caisse, et donc de déconcentrer le pouvoir : les directions régionales pourront prendre des décisions à leur niveau, sans que tout remonte systématiquement à des comités d’engagement parisiens, et cela sur une gamme de produits.

La Caisse des dépôts propose par exemple des prêts aux collectivités locales : nous disposons d’une enveloppe de 20 milliards d’euros de prêts au taux du livret A plus 100 points de base, pour des durées parfois très longues, et au sein de cette enveloppe de 5 milliards au taux du livret A plus 0,75 point de base, c’est-à-dire 1,75 % pour les prêts « croissance verte ».

Nous avons aussi une capacité d’intervention en fonds propres, d’accompagnement du développement des sociétés d’économie mixte, d’ingénierie financière que nous pouvons mettre à disposition des acteurs locaux pour imaginer des modèles de financement nouveaux. En effet, traditionnellement, on cherchait une subvention, puis on demandait un prêt… Or les dotations de l’État diminuant, les subventions diminuent aussi : il faut donc imaginer de nouveaux modèles, et mobiliser des fonds propres. La Caisse des dépôts met son savoir-faire à la disposition des acteurs locaux.

S’agissant de la Banque publique d’investissement, nous souhaitons nous appuyer davantage sur les comités régionaux d’orientation, qui ont été créés par la loi, et qui doivent devenir de véritables comités de place régionaux, permettant aux différents acteurs locaux – banques, organisations patronales, syndicats, région, autorités déconcentrées de l’État, société civile – de partager leur analyse des besoins, et donc d’orienter l’action de Bpifrance.

La BPI noue de nombreux partenariats avec les régions – dix-sept à ce jour, je l’ai dit, mais nous devrions à mon sens établir un partenariat-cadre avec chacune des régions. Vingt-deux d’entre elles disposent maintenant d’un fonds de garantie, abondé par les régions elles-mêmes. Il existe également désormais une vingtaine de fonds d’innovation. Une douzaine de régions ont aujourd’hui créé des produits de financement spécifiques, mais toutes ne souhaitent pas le faire, ce qui est un choix parfaitement légitime. Toutefois, je constate que, l’an dernier, 130 millions de fonds régionaux ont été confiés à Bpifrance : nous pouvons à mon sens aller au-delà et élargir nos partenariats.

En élargissant la focale, on constate qu’il existe environ quatre-vingt-dix fonds régionaux avec une participation régionale. C’est, je crois, la bonne direction.

Il me paraît essentiel de souligner que, lorsqu’une région souscrit, même pour une petite somme, à un fonds d’investissement, elle doit nécessairement participer aux instances de gouvernance, y compris au comité d’investissement ; c’est la clé de la confiance. La BPI est prête à aller plus loin : je pense que nous pouvons pousser un peu les feux.

Sur la complexité du dispositif et l’unification des sources de financement, monsieur le rapporteur, je commencerai par la Caisse des dépôts. Les filiales de la Caisse ont été intégrées à Bpifrance. Certaines demeurent marginales : c’est notamment le cas de Qualium Investissement, dont le statut est très particulier, et que l’on cite en général pour donner des exemples d’investissements incongrus de la Caisse des dépôts – dans Quick, par exemple, ou naguère dans La Foir’Fouille.

Qualium Investissement est une société de gestion, agréée par l’Autorité des marchés financiers (AMF), qui investit notamment en capital-transmission dans des entreprises non cotées. C’est une société indépendante – la Caisse des dépôts ne peut pas donner d’instructions –, qui est souvent actionnaire majoritaire, ce qui n’est pas le cas de la BPI. Qualium n’a donc pas vocation à faire partie de Bpifrance ; en revanche, on pourrait se demander si elle doit rester à tout jamais filiale de la Caisse des dépôts, puisqu’elle atteint aujourd’hui sa maturité, avec un niveau de savoir-faire et d’efficacité tout à fait reconnu.

Les autres institutions que vous citez – Médiation du crédit, CIRI… – occupent des fonctions différentes, même si l’objet de nos attentions est le même. Bpifrance a des relations avec la Médiation du crédit, mais leurs rôles sont différents. Le CIRI est une institution d’État, et nous participons parfois à ses travaux. Nos relations avec les outils que sont Atout France ou Business France sont très étroites. Une partie des équipes de Business France sont même aujourd’hui hébergées dans les locaux de la Caisse des dépôts.

On peut, je crois, faire mieux encore, mais l’évolution est très positive.

Quant à CDC International Capital, filiale de la Caisse des dépôts dont le statut est un peu particulier, sa situation est un peu différente, puisque cette filiale doit notamment servir de porte d’entrée en France des capitaux des fonds souverains étrangers. Elle doit donc mettre en place des partenariats pour créer des objets juridiques, des véhicules communs avec les fonds étrangers prêts à investir en France, afin de définir des doctrines d’investissement. Intervient-on dans le pays d’origine du fonds souverain et en France, ensemble en France, ensemble ailleurs… ? Nous souhaitons attirer des capitaux étrangers vers des thèses d’investissement qui vont dans le sens de l’intérêt national français, sans se limiter aux seules entreprises. Nous sommes prêts également à accompagner des entreprises françaises qui vont investir dans le pays d’origine du fonds souverain, et ainsi y créer de l’activité, mais aussi par là même créer de l’activité et de l’emploi en France.

C’est un métier en soi. Ensuite, il reste la gestion des projets, du travail avec les entreprises : nous travaillons actuellement avec Bpifrance pour éviter toute déperdition d’énergie en chemin.

M. le rapporteur. Pour donner un exemple concret des difficultés rencontrées, je prendrai l’exemple d’un projet de centrale solaire thermodynamique, qui a le soutien de collectivités locales et de la BPI – sous la forme d’un prêt à l’industrialisation des projets issus des pôles de compétitivité. La Caisse des dépôts et consignations s’était engagée, au départ, à prendre 35 % des fonds propres. La négociation était en cours sur les concours bancaires, avec la BEI, la BPI et d’autres intervenants privés. Or, du jour au lendemain, la Caisse des dépôts a annoncé son possible retrait.

Il faut donc sans doute améliorer le suivi des projets : si la BPI négocie un concours bancaire tandis que la CDC se retire d’un projet qui pourrait créer 200 emplois industriels, c’est qu’il y a un problème. Les investisseurs ont besoin de visibilité.

Il faudrait d’ailleurs, concrètement, commencer par identifier les difficultés.

M. Pierre-René Lemas. Je ne connais pas cet exemple précis. Mais la réponse à ce type de problèmes est forcément territoriale – c’est là, je le disais, que sont nos vraies marges de progression.

BPI est une banque ; la Caisse des dépôts peut apporter des fonds aux collectivités locales. Les métiers sont distincts. La Caisse intervient d’ailleurs souvent aujourd’hui pour boucler des tours de table, alors que je souhaiterais qu’elle participe d’entrée de jeu à la discussion des projets – on perdrait moins de temps à refondre des projets sur le plan financier.

Les métiers sont distincts, mais les directions régionales de la Caisse des dépôts et les agences de Bpifrance doivent absolument se concerter. Cet automne, j’ai visité plusieurs régions en m’entourant systématiquement du délégué de Bpifrance et du directeur régional de la Caisse des dépôts. Souvent, ils se connaissent, mais ce n’est pas toujours le cas ; il faut les amener à travailler ensemble. C’est l’une des missions que j’ai données à la nouvelle direction du réseau et des territoires. Je crois vraiment que la décision au niveau territorial est la piste à suivre.

En matière de transition énergétique et écologique, Bpifrance a aujourd’hui acquis, je crois, la bonne dimension : elle dispose d’une gamme de produits à destination des entreprises de la transition énergétique comme d’une gamme de produits à destination de celles qui s’adaptent à la transition énergétique.

La responsabilité sociale et environnementale (RSE) est un sujet essentiel, qui sera de plus en plus d’actualité. La sphère financière publique n’en a pas encore pris toute la mesure. Cela fait partie des axes de travail de la Caisse des dépôts.

Bpifrance travaille bien – elle peut aller plus loin, mais le mouvement est engagé, et la volonté est là. La Caisse des dépôts a fait beaucoup de choses, mais souvent de façon très éparpillée, en inventant chemin faisant la cohérence de la doctrine d’investissement. Je souhaite retrouver cette cohérence, et c’est pourquoi j’ai voulu créer cette direction de l’investissement, qui s’occupera notamment des entreprises de la transition énergétique et environnementale.

Par ailleurs, la CDC est à la fois apporteur d’actifs, prêteur, notamment sur les fonds d’épargne, et mandataire de l’État. Ce sont trois métiers qui ne sont pas gérés par les mêmes personnes : on ne peut pas les mélanger mais il me paraît essentiel d’agir de façon cohérente. Nous avons ainsi une enveloppe de prêt de 5 milliards d’euros – qui est bien plus consommée qu’on ne le dit, puisqu’elle l’est à hauteur de 2,3 milliards d’euros d’engagements, alors qu’elle a été créée au mois de septembre ; les collectivités locales ont des projets et nous demandent des financements. Il y a aussi ce que nous faisons par convention et ce que nous faisons en matière de fonds propres.

Le projet de loi relatif à la transition énergétique veut donner de la cohérence, en créant un fonds de la transition écologique et énergétique, qui pourrait bénéficier de financements complémentaires. Nous travaillons à sa mise en place : l’idée est de mettre dans un pot commun les moyens d’intervention de l’État, de la Caisse des dépôts et d’éventuels financements complémentaires ; leur gestion serait confiée à la Caisse des dépôts. La Caisse serait ainsi opérateur pour l’État et opérateur pour son propre compte : d’un point de vue comptable et budgétaire, ce sont deux choses différentes, mais nous y veillerons. Ce serait là, je crois, une bonne solution, qui viendrait en complément des actions d’autres institutions publiques dont la thèse d’investissement est particulière, comme l’ADEME.

S’agissant de l’offre et de la demande, monsieur le député, la réalité que nous percevons est qu’il y a aujourd’hui beaucoup de liquidités. En 2008, nous étions appelés à la rescousse pour en apporter ; aujourd’hui, c’est le contraire, et les décisions de la BCE vont dans le sens d’une abondance de liquidités sur le marché.

Ce qui est compliqué aujourd’hui, ce sont les tuyaux, c’est-à-dire l’ingénierie financière. Toutes les entreprises n’en bénéficient pas de façon égale. Il est extrêmement difficile pour beaucoup de petites entreprises d’obtenir des banques une aide à la trésorerie. La BPI occupe 60 % à 70 % du financement par avance du CICE, par exemple : elle a mis longtemps à prendre ce marché ; on aurait pu imaginer qu’il le soit par le système bancaire. Les banques doutaient-elles de la réalité du versement du CICE ? Je ne sais. Toujours est-il que, via le CICE, la BPI finance aujourd’hui la trésorerie de nombreuses petites entreprises.

De plus, pour employer un vocabulaire partagé par la banque et le tennis, « la raquette a des trous » : nous pourrions améliorer le financement des petites entreprises en croissance, qui ont du mal à trouver du financement à court terme, à long terme et des quasi-fonds propres. La Caisse des dépôts a donc décidé la création de fonds nouveaux, les fonds Novo, Nova et Novi. Ces outils financiers permettent de répondre à des situations particulières, qui peuvent être très exaspérantes pour les entreprises. Ainsi, les propriétaires de petites entreprises familiales ont souvent envie de continuer à être maîtres chez eux, et lorsqu’ils ont besoin d’apport financier, il est difficile de les aider. Nous créons donc des véhicules idoines.

Le problème de l’ingénierie financière est au fond assez simple : on ne peut pas tout faire sur la base des crédits publics ; nous devons donc arriver à mobiliser des capitaux qui sont entre les mains notamment des investisseurs institutionnels et des compagnies d’assurance. Avec ces capitaux publics et privés, investis dans des fonds et dans des fonds de fonds, nous pouvons essayer d’orienter davantage l’épargne vers le financement des entreprises. En raison des règles bancaires et prudentielles, mais aussi en raison des risques de faible rentabilité, c’est assez compliqué, et c’est pourquoi la Caisse des dépôts essaie de se mettre au premier rang : comme acteur de place, elle pourra aider à la mobilisation de capitaux privés.

La France est ainsi l’un des pays européens où n’existe aucun marché du viager : le viager, dans notre culture, c’est horrible, c’est Balzac, Zola et Pierre Tchernia réunis. Un tel marché peut pourtant présenter des avantages, notamment celui d’assurer une rente au vendeur. Nous avons donc expérimenté la création d’un fonds viager, avec des investisseurs privés, et cela a très bien fonctionné : peut-être allons-nous réussir à faire exister ce marché.

De la même façon, nous savons qu’il existe des besoins considérables en matière de logements intermédiaires, c’est-à-dire de logements destinés à ceux dont les revenus sont trop élevés pour obtenir des HLM mais trop faibles pour qu’ils puissent se loger dans le parc privé : il manque sans doute 40 000 logements, et cela ne concerne pas que les agglomérations. Mais attirer des investisseurs privés, ou même des investisseurs institutionnels, sur le marché du logement, est aujourd’hui une gageure. Via notre filiale SNI, nous avons donc créé un nouveau fonds en nous associant avec des investisseurs privés. Ainsi, le potentiel d’investissement devient significatif et le taux de rendement raisonnable. Nous pouvons lancer, avec des promoteurs, des programmes de logements : sans la mobilisation de la Caisse des dépôts, ces logements n’auraient sans doute pas été construits. C’est là une nouvelle manière d’envisager la capacité d’investissement d’outils publics comme la Caisse des dépôts et comme BPI. L’une et l’autre, chacune dans leur rôle propre, doivent jouer un rôle de catalyseur, d’amorceur pour mobiliser des capitaux privés au service du développement économique.

Mme la présidente Véronique Louwagie. Merci de vos explications, monsieur le directeur général.

Membres présents ou excusés

Mission d'information commune sur la Banque publique d'investissement, Bpifrance

Réunion du jeudi 12 février 2015 à 11 heures

Présents. - M. Éric Alauzet, M. Laurent Grandguillaume, Mme Véronique Louwagie

Excusé. - M. Joël Giraud, Mme Anne Grommerch