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Mercredi 19 février 2014

Séance de 17 heures 30

Compte rendu n° 17

Présidence M. Jean-Paul Chanteguet, Président

Mission d’information
sur l’écotaxe poids lourds

– Audition, ouverte à la presse, de M. Jacques Creyssel, délégué général de la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution (FCD), M. Philippe Joguet, directeur développement durable, Mme Fabienne Prouvost, directrice de la communication et des affaires publiques, Mme Anna Forte, présidente du comité transport de la FCD) et M. Gilles Coquelle, responsable des questions fiscales du groupe Auchan 2

M. le président et rapporteur Jean-Paul Chanteguet. La Fédération des entreprises du commerce et de la distribution (FCD), qui adhère au MEDEF, représente et défend les intérêts de grandes enseignes. Des enseignes qui sont présentes dans des zones commerciales importantes comme en centre-ville mais aussi dans les zones rurales avec de plus petits magasins. La FCD compte parmi ses membres des groupes comme Carrefour, Darty, les Galeries Lafayette, Leroy Merlin, les Hyper U ou encore Leader Price, un « hard discounter ». Les centres Leclerc et le groupe Intermarché n’appartiennent pas à cette fédération.

La mise en œuvre de l’écotaxe concerne directement vos activités, mesdames, messieurs. Si vos entreprises peuvent, pour partie, effectuer des transports ou des livraisons en compte propre avec des flottes de camions leur appartenant, elles paraissent surtout concernées par l’écotaxe en tant que chargeurs, autrement dit de donneurs d’ordres aux transporteurs. Les rapports entre les producteurs, les transporteurs et vos centrales d’achat peuvent paraître complexes ; ils s’avèrent encore parfois conflictuels.

Il ne vous étonnera donc pas d’être interrogés sur le principe et les modalités pratiques de répercussion de l’écotaxe prévus par les textes. Ainsi, que pensez-vous du mécanisme de majoration forfaitaire auquel sont particulièrement attachées de grandes organisations professionnelles du transport ?

Notre mission entend aborder ces questions de la façon la plus concrète. Par exemple, vos enseignes envisagent-elles de faire figurer les montants répercutés d’écotaxe sur le ticket de caisse remis aux clients ? Qu’en sera-t-il pour vos adhérents qui ont des activités de commerce en ligne, le e-commerce ? Chaque distributeur restant évidemment maître de sa politique commerciale, pensez-vous néanmoins que l’écotaxe se retrouvera intégralement dans les prix de vos produits ? Disposez-vous d’ailleurs d’études prospectives sur l’impact de l’écotaxe en termes de marge ou encore de pouvoir d’achat ? Enfin, certaines de vos entreprises ont-elles, d’ores et déjà, anticipé l’impact de cette taxe en optimisant plus encore leurs besoins de transport et leurs pratiques logistiques ?

M. Jacques Creyssel, délégué général de la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution (FCD). Nous sommes doublement concernés par l’écotaxe. D’abord directement, car nous devons acquitter des coûts de transport élevés afin d’acheminer les produits jusque dans nos magasins. Ces coûts sont estimés à 1 milliard d’euros par an, et la répercussion de l’écotaxe telle qu’elle était prévue initialement avait été chiffrée aux alentours de 5 %, soit un surcoût direct de 50 millions d’euros. Nous sommes également concernés par le transport en amont ; les répercussions auraient donc été inéluctables. Il faut bien voir que ce sont les produits à faible valeur ajoutée et denses, pour lesquels la part du transport est proportionnellement la plus importante, qui auraient été les plus pénalisés par l’écotaxe.

Le dispositif tel qu’il était prévu se serait révélé très complexe à appliquer, voire incompréhensible, avec non seulement des réseaux taxés hétérogènes selon les régions, des tarifs variant suivant le type de véhicule, mais aussi une distorsion entre la taxe réellement acquittée et le coût payé par le chargeur. Ces inconvénients n’auraient pu que tendre les relations entre les distributeurs et les chargeurs et auraient favorisé les grands groupes de transport par rapport aux plus petites entreprises qui n’ont pas les moyens d’optimiser leurs coûts en fonction des règles du jeu forfaitaire telles qu’elles étaient prévues.

Nous considérons qu’il faut rejeter d’emblée l’une des solutions envisagées par le Gouvernement, dès avant la suspension de l’écotaxe : l’inscription du montant de l’écotaxe en pied de facture.

D’abord, un tel dispositif serait impossible à mettre en place techniquement. Par exemple, tout au long de la chaîne de fabrication d’un blanc de poulet, les coûts de transport se cumulent ; on en compte jusqu’à une dizaine : pour les aliments destinés au bétail, pour les animaux, l’abattage, la transformation etc.

Il est impossible de mettre en place un système de traçabilité complète de l’ensemble de ces dépenses de transport. Compte tenu de la complexité de l’ensemble des systèmes de fabrication, la généralisation des pieds de facture est vraiment impossible – à côté, la mise en œuvre de la carte vitale paraîtrait d’une simplicité enfantine.

Ensuite, selon cette logique, la totalité de la charge, soit l’addition des pieds de factures successifs, serait immédiatement assumée par le consommateur. Compte tenu de l’état de la consommation aujourd’hui, cela ne nous paraît pas envisageable. Cette incapacité dans laquelle nous nous trouvons de répercuter immédiatement de telles charges sur le prix final pose un vrai problème pour l’équilibre de la filière agroalimentaire au sens large. Toute augmentation des prix se traduit par une baisse des volumes : ainsi, en 2013, les prix des produits laitiers ont augmenté de 1,9 % et les volumes ont baissé de 1,8 %. Espérons que le retour à une situation économique meilleure permettra de changer cela !

Enfin, cette mesure serait totalement inéquitable : à court terme, compte tenu de l’impossibilité de répercuter complètement l’écotaxe sur les prix à la consommation, elle reviendrait, de fait, à en faire prendre en charge l’essentiel par la grande distribution, dont la marge nette moyenne n’est que de 1 % environ, alors que certains grands industriels, dont la marge est de 8 à 20 %, n’en prendraient pas leur part.

La meilleure solution est encore de trouver une alternative à l’écotaxe. La plus simple serait d’augmenter la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE). Bien que ne présentant pas tous les avantages de l’écotaxe, notamment en termes de financement par les transporteurs étrangers, elle aurait celui de la simplicité : un point de TICPE représente 500 millions d’euros. On pourrait également envisager d’augmenter la faculté dont disposent les régions de « lever » des centimes supplémentaires de taxe sur les produits pétroliers ou de revenir sur certaines exonérations fiscales. Quoi qu’il en soit, je le répète, la solution la plus simple est, pour nous, et de très loin, l’instauration d’un mécanisme alternatif à l’écotaxe.

Si cette solution n’était pas retenue, il resterait à aménager l’écotaxe telle qu’elle était prévue. Cet aménagement ne pourrait jouer que sur les seuils d’assujettissement – en passant, par exemple, à 7,5 tonnes voire à 12 tonnes pour les camions – ou par l’instauration de mécanismes d’exonérations pour les courtes distances. Une telle solution ne serait envisageable que si elle se traduisait par une baisse globale du produit attendu, car il ne saurait être question de répartir différemment la même somme sur une assiette réduite. Nous sommes favorables à l’examen de mesures d’abattements plus importants pour les camions les moins polluants. De même, nous ne sommes pas opposés à la proposition de l’Association des utilisateurs de transport de fret (AUTF) visant à baisser les taux kilométriques. Il n’en reste pas moins que ces ajustements ne permettraient pas de remédier à la complexité de l’écotaxe.

M. Jean-Paul Chanteguet, président et rapporteur. L’inscription du montant de l’écotaxe en pied de facture ne fait pas l’unanimité. L’augmentation de la TICPE, quant à elle, a le mérite de la simplicité mais de nombreux transporteurs étrangers faisant le plein de carburant en Belgique, au Luxembourg ou en Espagne ne seraient pas concernés par cette disposition, dès lors discriminatoire pour les transporteurs français. Nous allons à nouveau interroger les responsables de la Commission européenne à Bruxelles très prochainement sur ce point. Enfin, vous proposez, en dernier recours, l’aménagement de l’écotaxe.

Nombre de nos interlocuteurs estiment que le seuil d’assujettissement doit rester fixé à 3,5 tonnes. Les Allemands eux-mêmes envisagent d’abaisser leur seuil, qui est actuellement de 12 tonnes. La directive « Eurovignette » prévoit un seuil de 3,5 tonnes ; si nous le relevons, il faudra nous justifier. Il convient donc d’éviter non seulement les complications mais également les effets de seuil. Une difficulté supplémentaire est que le remboursement au transporteur d’une partie des taxes sur le gasoil ne concerne que les véhicules de plus de 7,5 tonnes.

En ce qui concerne l’exonération des courtes distances, les différentes auditions nous ont convaincus de son intérêt – en tout cas, j’y suis moi-même favorable. Il faut toutefois lever deux obstacles : l’un, juridique, est celui de la directive « Eurovignette », l’autre est technique.

Nous réfléchissons, par ailleurs, à un abattement plus important pour les véhicules répondant aux normes Euro 6, qui nous paraît une bonne proposition. Nous pouvons même aller assez loin en ce qui concerne les véhicules électriques et les véhicules hybrides.

Vous vous êtes prononcé contre toute augmentation du taux de la taxe pour obtenir le même produit fiscal. Nous n’avons pas de position arrêtée sur la question Nous pourrions très bien imaginer, comme vous le proposez, une baisse des taux kilométriques qui soit assortie d’une progressivité dans le temps.

Je dois dire que nous nous retrouvons dans la plupart de vos propositions d’aménagement, excepté la modification du seuil d’assujettissement des poids lourds.

M. Éric Straumann. Quel est le montant de votre chiffre d’affaires total ?

M. Jacques Creyssel. Le chiffre d’affaires global de la profession est de l’ordre de 180 milliards d’euros.

M. Éric Straumann. L’écotaxe représenterait donc 50 millions d’euros sur 180 milliards d’euros de chiffre d’affaires !

M. Jacques Creyssel. Cinquante millions pour un milliard d’euros que coûtent les transports. C’est au résultat qu’il faut rapporter ce chiffre, et la marge nette moyenne est de 1 %.

M. Éric Straumann. Une éventuelle augmentation de la taxe pétrolière est, j’imagine, automatiquement répercutée sur le prix du produit, comme pour l’écotaxe.

M. Gilles Coquelle, responsable des questions fiscales du groupe Auchan. Il faut arrêter de rapporter une taxe supplémentaire au chiffre d’affaires. Jacques Creyssel l’a rappelé : la marge nette dans la grande distribution est proche de 1 %. On dit souvent que les grands groupes paient très peu d’impôts par rapport aux petites entreprises – de l’ordre de 8 % ; c’est une contrevérité. Les chiffres du groupe Auchan me semblent refléter la réalité du secteur : le rapport entre la ligne « impôts et taxes »  de la liasse fiscale et le bénéfice comptable, autrement dit les bénéfices avant impôts et taxes, révèle une pression fiscale de 67 %. Encore est-ce compte tenu du fameux crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE), sans lequel ce taux atteindrait 76 %. La pression fiscale est donc très forte.

On entend souvent qu’il n’est pas normal que la grande distribution bénéficie du CICE. C’est oublier le « E » du sigle, qui signifie « emploi ». La masse salariale de la grande distribution est très importante ; Auchan France compte ainsi 50 000 salariés. On soutient également que le CICE devrait profiter aux seules entreprises exportatrices. Or, qui peut valablement soutenir que les charges sociales trop lourdes n’ont pas d’incidence sur les effectifs d’une entreprise ?

M. Éric Straumann. Une grande surface se trouve dans ma commune et j’en sais parfaitement l’importance pour l’emploi. L’écotaxe coûterait à la ménagère quelque 3 centimes sur un panier de 100 euros. C’est objectivement faible. Certes, cela s’ajoute pour vous à d’autres taxes mais, en même temps, pour venir chez vous, vos clients empruntent des routes financées par l’impôt.

De surcroît, près de 1 500 poids lourds étrangers circulent devant l’hypermarché Cora de ma commune. L’augmentation de la TICPE ne diminuera en rien leur nombre puisque ces camions paient la taxe en Allemagne.

Quant aux charges sociales certes élevées en France, c’est dans ce cadre-là, un faux combat.

M. Jacques Creyssel. Je n’ai pas le sentiment que nous payions beaucoup moins d’impôts que dans les autres pays. Nous avons un vrai problème de compétitivité globale, et si on prétend que cela n’est rien, on peut en effet créer des impôts toute la journée et faire en sorte qu’il y ait de moins en moins d’emplois et de moins en moins de croissance.

M. Éric Straumann. Vous ne répondez pas au problème que posent les 1 500 poids lourds qui encombrent l’espace rhénan et empêchent peut-être même vos clients de venir dans vos magasins.

M. Jacques Creyssel. C’est une question d’arbitrage entre les dépenses publiques ; c’est donc votre responsabilité. Et considérer que tout problème doit être réglé par une augmentation d’impôts, très franchement, c’est ce qui conduit la France à décrocher dans toute une série de secteurs. Comme l’a souligné Gilles Coquelle, c’est cette politique qui conduit notre secteur, le premier employeur de jeunes peu qualifiés, à moins recruter parce que l’on accumule les charges et les coûts. Ce n’est certainement pas en ajoutant des impôts nouveaux qu’on va renverser la vapeur.

M. Gilles Coquelle. J’ajoute que l’impôt sur les sociétés porte sur le résultat fiscal de l’entreprise, et donc il évolue – plutôt à la baisse à l’heure actuelle. Dans ce contexte, si l’on doublait cet impôt, son rendement ne doublerait pas puisque les bénéfices des sociétés
– c’est vrai en tout cas pour Auchan – ont tendance à baisser. En revanche, les taxes s’envolent : elles représentent bien plus du double de l’impôt sur les sociétés. C’est, en particulier, le cas des impôts locaux – taxe foncière, cotisation foncière des entreprises, taxe communale qui a d’ailleurs été complètement détournée de son objet initial. Et les collectivités territoriales ont la possibilité de les augmenter de 20 % ! Certes, il faut financer les routes, mais on assiste parallèlement à une explosion des impôts locaux. Il faut envisager la baisse des dépenses publiques, sans quoi on n’en sortira plus.

M. Éric Straumann. Un poulet est-il obligé de parcourir 3 000 kilomètres avant d’arriver dans l’assiette du consommateur ? Quand je vois, devant chez moi, que la moitié des poids lourds circulent à vide, je me dis que les transporteurs pourraient faire un effort de rationalisation.

M. Jacques Creyssel. Rassurez-vous, pour l’essentiel, les poulets viennent de très près et cela de plus en plus, ne serait-ce que pour répondre à une demande croissante des consommateurs. L’optimisation que vous évoquez est constante. Reste que l’augmentation des coûts pose un vrai problème.

M. Jean-Pierre Gorges. Je ne suis pas en désaccord avec vous sur la fiscalité, mais ce n’est pas le débat : vous n’êtes pas ici pour répondre à ce type de questions, et vous ne pouvez pas les lier à l’écotaxe.

Les routes sont payées par des gens qui ne sont pas des usagers. La petite mamie qui habite dans son HLM et qui n’a pas de voiture paie pour la réfection des routes abîmées par les poids lourds. Or, l’écotaxe consiste à faire payer l’utilisateur. Ainsi les autres auront-ils un peu plus d’argent dans leur porte-monnaie pour aller consommer dans les grandes surfaces. Nous souhaitons donc ici trouver l’outil qui favorise des comportements vertueux : que l’usager paie et que cela serve à financer les nouvelles infrastructures. Je suis heureux que gauche et droite soient d’accord sur ce principe.

Je ne vous cache pas que votre position m’étonne. Selon vous, l’application de l’écotaxe aurait été catastrophique. Avez-vous été consultés dans le cadre d’études d’impact ? Si, demain, l’écotaxe devait être appliquée, quelle serait votre attitude ? Enfileriez-vous un bonnet rouge ou bien vous plieriez-vous à la loi ? Vous vous prévalez du fait que votre secteur réalise 1 % de marge pour nous inciter à nous intéresser plutôt aux industriels réalisant 7 ou 8 % de marge. Mais cela ne tient pas la route puisque c’est bien toujours l’usager final qui, à la fin, paie, de même que pour la TVA.

Je me souviens que deux modèles ont opposé Les Mousquetaires et Leclerc. L’un consiste à irriguer le marché depuis très loin grâce à des camions ; l’autre, privilégiant l’implantation de bases à proximité, constitue non seulement un autre système d’alimentation mais aussi de production – un poulet qui passe par sept camions différents n’a pas le même goût qu’un poulet élevé et consommé sur place. En outre, le coût de transport de tous les produits qui viennent de très loin est beaucoup plus élevé que celui du produit.

L’écotaxe ne va-t-elle pas vous obliger à réfléchir à travailler différemment, à organiser autrement le territoire ? Vous ne pouvez pas, en tant que distributeurs, défendre les positions que vous venez de défendre, et vous devriez plutôt vous demander de quelle manière, au sein de la chaîne, contribuer à la mise en place de l’écotaxe. Vous avez des responsabilités sur la façon d’acheminer les produits dans vos magasins.

M. Jean-Paul Chanteguet, président et rapporteur. Je rappelle que M. Creyssel a fait des propositions d’aménagement de l’écotaxe, dans lesquelles, qui plus est, nous pouvons nous retrouver.

M. Olivier Faure. Vous tentez de nous expliquer que votre métier est d’acheter pour revendre ; or on sait depuis longtemps que le vrai métier de la grande distribution, c’est la banque. Vous ne réalisez pas l’essentiel de votre profit sur la différence entre le prix d’achat et le prix de vente mais sur les délais de paiement que vous faites supporter à vos fournisseurs, ces quatre-vingt-dix jours fin de mois qui vous permettent de faire des placements.

M. Jacques Creyssel. Autrefois peut-être ; permettez-moi de vous rappeler que cette pratique est interdite par la loi depuis plusieurs années. La loi de modernisation de l’économie (LME) fixe aujourd’hui le délai de paiement à quarante-cinq jours fin de mois.

M. Olivier Faure. Et que faites-vous de l’argent pendant ces quarante-cinq jours ?

M. Éric Straumann. Il est rémunéré au taux de 0,5 % ; ce n’est rien.

M. Jacques Creyssel. M. Coquelle vous le dira mieux que moi, aujourd’hui, le résultat financier de la plupart des entreprises de la grande distribution est négatif. Il est exact qu’autrefois, le business model de la grande distribution reposait en partie sur l’élément que vous évoquez. Mais tout cela dorénavant est terminé.

D’une part, les délais de paiement ont été considérablement réduits, et chacun – direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) en tête – reconnaît que nous sommes exemplaires sur ce point. L’Observatoire des délais de paiement ne relève d’ailleurs aucun problème en ce qui nous concerne : nous respectons strictement les dispositions de la LME, qui viennent d’être ajustées à la marge par le projet de loi sur la consommation porté par M. Benoît Hamon. D’autre part, le niveau des taux d’intérêt rend quasiment inexistante la notion de produit financier.

Les autres éléments du business model ont connu la même évolution. Il se fondait sur une croissance forte. Mais la croissance de la consommation est au mieux nulle, au pire légèrement négative, comme c’était le cas au cours des derniers mois. Quant au foncier, son coût a tendance à augmenter, car les investissements se font de plus en plus en centre-ville. Le modèle d’origine n’est donc plus viable.

Nous avons joué le jeu : l’Observatoire des prix et des marges en atteste, les marges de la grande distribution sont aujourd’hui très faibles – beaucoup plus, en tout cas, que dans la plupart des pays voisins. En Grande-Bretagne, elles sont deux à trois fois supérieures à celles constatées en France. Bref, le monde a changé. En outre, nous sommes dans une période où le pouvoir d’achat est atone et où le consommateur n’accepte pas les hausses des prix. Il faudra pourtant bien qu’il en paye une partie si nous ne voulons pas laisser dépérir l’ensemble de la chaîne. En tout cas, lorsque la croissance est nulle avec des marges extrêmement faibles, toute augmentation de charges pose un vrai problème.

Je remercie M. le président d’avoir rappelé que nous ne réclamions pas la suppression pure et simple de l’écotaxe. J’ai indiqué dès le départ que le système nous posait problème en raison de sa complexité, et que nous étions favorables soit à son remplacement par une autre solution, qui pourrait impliquer la TICPE, soit à des aménagements. Nous sommes là pour essayer de trouver des solutions, sans pour autant négliger le problème global d’augmentation des impôts auquel nous sommes confrontés.

M. Olivier Faure. Dont acte.

Vous avez parlé de compétitivité. Ainsi que l’a rappelé Jean-Pierre Gorges, la compétitivité de vos entreprises tient aussi aux infrastructures routières. Qu’il s’agisse de l’acheminement des produits vers les grandes surfaces ou de celui des clients qui viennent y faire leurs courses, elles bénéficient bien directement de ces infrastructures. Leur politique d’implantation est d’ailleurs liée à la présence d’axes routiers et de nœuds de circulation. Dans la logique de l’écotaxe, elles doivent en supporter le coût, puisqu’elles font partie de ceux qui les utilisent le plus. Rappelons que de nombreux contribuables payent des réseaux qu’ils n’utilisent jamais, soient qu’ils n’aient pas de véhicule, soit qu’ils se déplacent très peu ; ils font malgré tout cet effort au nom de l’intérêt de la collectivité.

Vous allez bénéficier du CICE, alors même que vos entreprises ne sont pas soumises à la concurrence internationale comme peuvent l’être celles de secteurs industriels. Si l’on excepte quelques zones frontalières, les consommateurs vont rarement faire leurs courses à l’étranger. Néanmoins, la grande distribution bénéficiera de ces allègements de charges. Le paiement de l’écotaxe apparaît, dès lors, comme une juste contrepartie. Au lieu d’un aménagement de la TICPE, qui reviendrait à exempter les transporteurs étrangers du paiement de l’écotaxe, mieux vaudrait regarder ce qui peut être fait du côté du CICE. Cette piste vous paraît-elle envisageable ?

M. Thierry Benoit. Je remercie les représentants de la FCD d’avoir répondu à notre invitation. Je tiens à leur dire qu’ils ne sont pas devant un tribunal. J’ai apprécié le propos et les propositions de M. Creyssel et de M. Coquelle.

Néanmoins, nous sommes aujourd’hui confrontés à une vraie difficulté. Nous nous sommes assigné collectivement, droite, gauche et centre, à travers le vote des lois Grenelle I puis Grenelle II, un objectif : la conversion écologique de la fiscalité. Il ne s’agit pas de piéger les entreprises, les usagers ou les contribuables, mais de tendre vers des pratiques plus vertueuses. Je suis convaincu que nous sommes tous d’accord sur cet objectif. Pour l’atteindre, nous devons réussir à instaurer en France – comme l’ont fait d’autres pays dans le monde, et notamment en Europe – une fiscalité écologique.

Signalons également que l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF), dont nous avons auditionné ce matin le président, notre collègue Philippe Duron, a besoin de financements.

Enfin, nous constatons que le choix fait par le Gouvernement il y a un an d’instaurer le CICE entraîne des effets induits. Je précise d’emblée que je suis, comme tous les membres du groupe UDI, partisan de l’instauration dans notre pays d’une vraie TVA sociale. Nous préférons, en effet, taxer la consommation plutôt que la production ou les outils de production.

Le Gouvernement a fait le choix de l’instauration du CICE, qui doit apporter aux entreprises une bouffée d’oxygène de 20 milliards d’euros. Ce n’est pas vous stigmatiser que rappeler que ce dispositif n’a pas vocation à soutenir la grande distribution, mais à relancer les filières de production, les filières industrielles et les filières de transformation. La grande distribution et le commerce bénéficient néanmoins du CICE, qui leur apporte une respiration estimée à 2,5 milliards d’euros. Dans la mesure où le secteur de la grande distribution comporte aussi bien des unités de commercialisation des produits que des sites industriels, il me semble que nous aurions là une marge de négociation, notamment dans le cadre du Pacte de responsabilité voulu par le Président de la République, pour en quelque sorte « reventiler » une partie du CICE vers le financement de l’AFITF.

Je me réjouis que le Président de la République ait annoncé sa volonté de dégager 50 milliards d’euros d’économies supplémentaires et reconnu la nécessité d’alléger les charges qui pèsent sur la production. Il s’ouvre là une « fenêtre de tir » inespérée, en parallèle des travaux de notre mission d’information et des discussions qui vont être engagées dans le cadre du Pacte de responsabilité.

En conclusion, je voudrais rappeler que se développe aujourd’hui dans notre pays un climat de suspicion à l’égard des grands distributeurs, et plus encore du rôle des centrales d’achat. Le président Chanteguet a eu raison de préciser que certains grands groupes, dont fait partie Leclerc, ne sont pas membres de votre fédération. Je me félicite que certains des membres de la FCD, comme Système U, engagent aujourd’hui des démarches de filières fort intéressantes. Je pense au partenariat noué avec des producteurs de lapins sans antibiotiques, ou encore à celui qui vient d’être conclu avec des producteurs de porcs qui s’engagent à nourrir leurs animaux sans OGM ni soja, mais à partir de graines de lin, selon le cahier des charges de la filière « Bleu-Blanc-Cœur », qui trouve son origine dans le pays de Fougères, dont je suis l’élu.

Force est de reconnaître que ce climat de suspicion existe. C’est pour cela que l’Observatoire des prix et des marges a été mis en place ; c’est aussi pour cela que nous avons souhaité vous entendre. Nous pensons qu’il y a matière à discussion, pour ne pas dire à négociation, en particulier en ce qui concerne le CICE.

Mme Sophie Errante. Le montant que représente le transport pour vos entreprises serait d’un milliard d’euros. L’impact de l’écotaxe s’élèverait, selon vous, à 5 % de ce montant, soit 50 millions d’euros. Comment arrivez-vous au chiffre de 5 % ? Comment avez-vous calculé cet impact ? S’agit-il d’un calcul par filières, par secteurs ?

Par ailleurs, avez-vous envisagé une « marche à blanc » pour tester le dispositif ? Nous avons cru comprendre que celles qui avaient été conduites n’avaient pas donné entière satisfaction. En avez-vous néanmoins tiré quelques enseignements pour vos calculs ? Une marche à blanc nationale sur une période limitée – disons un trimestre – vous paraît-elle souhaitable ?

M. Jacques Creyssel. Je ne peux accepter que l’on parle de climat de suspicion à l’endroit de la grande distribution. Nous sommes un secteur majeur ; les enseignes de la FCD emploient 750 000 salariés dans notre pays. Lorsque vous parlez de climat de suspicion, ce sont eux que vous mettez en cause. N’oublions pas que parmi ces 750 000 salariés, il y a de très nombreux jeunes. Il n’est pas acceptable de parler en ces termes d’un secteur qui est le principal employeur de notre pays.

M. Olivier Faure. Mon collègue ne vous a accusé de rien : il s’est borné à constater que ce climat existait.

M. Jacques Creyssel. Le mot suspicion sous-entend un jugement de valeur qui n’est pas admissible. Si l’on disait cela d’un homme politique, vous ne l’accepteriez pas.

M. Olivier Faure. Cela arrive fréquemment.

Mme Sophie Errante. Tous les jours !

M. Jacques Creyssel. Le monde du commerce et de la distribution compte plus de 3,5 millions de salariés en France. Nous nous battons tous les jours pour faire en sorte que ce secteur se développe. Parler de suspicion à notre endroit est donc anormal et totalement hors de propos.

Je vous le dis d’autant plus franchement que nous avons régulièrement l’occasion d’échanger, monsieur Benoit : ces termes ne sont pas admissibles.

M. Thierry Benoit. Nous pouvons nous parler franchement. Je ne suis qu’un modeste parlementaire : j’écoute et je participe au débat. Je ne vous ai pas agressé. Je respecte les dirigeants d’entreprise et la richesse que représente votre secteur pour notre pays. Reconnaissons cependant qu’il y a des débats difficiles. J’ai pris soin de bien distinguer, dans mon propos, les distributeurs et les centrales d’achat : c’est une précision de taille. De réelles avancées ont été observées – transparence, Observatoire des prix et des marges. Il me semble donc que nous pouvons échanger sereinement et en confiance.

Je n’ai jamais hurlé avec les loups. Élu de Bretagne, je n’ai pas soutenu les mouvements de l’automne. Mais nous devons trouver le moyen de réussir la conversion écologique de la fiscalité. Or cela ne pourra se faire que si cette nécessité est comprise, acceptée, et si l’ensemble des partenaires jouent le jeu – c’est-à-dire celui de la France. Les intérêts de nos entreprises et ceux de notre pays sont convergents. Il ne sert donc à rien de jeter des anathèmes, ni de faire croire aux salariés de la grande distribution que je les aurais agressés : c’est une ineptie. Ne travestissez pas mon propos !

M. Jacques Creyssel. Nous n’avons jamais pris de position de principe contre l’écotaxe. Quant au chiffre de 50 millions, madame Errante, il s’agit du coût direct induit par le dispositif.

Lors des consultations qui ont été menées, nous avons indiqué nos réserves techniques sur ce dispositif, et bien sûr nos préférences ; mais jamais nous n’avons dit que nous refusions cette charge, pour autant qu’il ne s’agisse que de celle qui nous incombe en direct, c’est-à-dire les coûts à l’aval correspondant à nos frais de transport.

Pour en venir au CICE, je m’étonne que l’on imagine utiliser une baisse de charges pour financer des augmentations d’impôts – c’est tout à fait contradictoire. C’est pourtant ce que vous semblez nous proposez ! Dès l’origine, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi s’entendait comme comportant deux parties : l’une destinée à améliorer la situation des secteurs confrontés à la compétition internationale, et l’autre qui permettait d’améliorer la situation de l’emploi. Dire aujourd’hui que le CICE n’est pas justifié dans notre secteur revient à dire que nos employés ne sont pas productifs. Là encore, ce n’est pas acceptable. Nous contribuons à la production de la même façon que l’industrie.

Il n’y a pas, d’un côté, des secteurs nobles et, de l’autre, des secteurs qui ne le seraient pas, mais bien une économie d’ensemble. Il est d’autant plus important de le rappeler que la grande distribution est le principal recruteur de jeunes peu qualifiés en France quand l’industrie n’en embauche que très peu. N’encourager que l’industrie, c’est aller vers de graves problèmes sociaux. Or, il nous appartient d’assurer l’équilibre social dans notre pays. Celui-ci passe notamment par le développement des secteurs qui embauchent de nombreux jeunes non qualifiés – la grande distribution, la restauration, l’intérim, la propreté ou encore le bâtiment. C’est à cela que sert le CICE, et c’est pour cela que nous l’avons approuvé.

Du reste, il faut avoir conscience que, depuis quelques années, notre secteur n’est plus créateur d’emplois. C’est même l’inverse : en trois ans, il a vu ses effectifs reculer de 5 % et perdu plus de 30 000 emplois. Le CICE doit nous permettre d’inverser la tendance. Si nous en affectons une partie à autre chose que ce pour quoi il a été conçu, nous ne pourrons pas le faire. Or, cela reste une priorité pour nous.

J’ajoute, pour finir, que les 2,5 milliards du CICE bénéficient à l’ensemble du commerce et de la distribution, secteur qui représente 3,5 millions d’emplois, soit davantage que dans l’ensemble de l’industrie. Assez de l’amalgame qui limite les analyses à la grande distribution ! Les petits commerces de centre-ville, déjà confrontés à de réelles difficultés conjoncturelles, profitent aussi de ces 2,5 milliards. Sachons donc raison garder ; donnons les vrais chiffres et regardons les vraies évolutions. Un pays qui a un commerce qui marche est un pays qui va bien. Cessons donc d’opposer les uns aux autres.

Mme Anna Forte, présidente du comité transport de la FCD. Mon métier et mon mandat à la FCD me conduisent à être en constante relation avec les transporteurs aussi bien qu’avec les chargeurs. Nous ne pouvons accepter l’écotaxe en l’état parce que le principe de répercussion forfaitaire en pied de facture est incompréhensible pour nous, et ne nous permet pas d’optimiser.

Penser que le dispositif tel qu’il a été conçu va nous encourager à adopter des comportements vertueux est une erreur. Nous sommes des logisticiens, et nous n’avons pas attendu l’écotaxe pour chercher à optimiser les flux : tous les jours, nous y travaillons ! C’est le seul moyen dont nous disposons pour diminuer nos coûts de transport. Il est également important de rappeler que nos bases logistiques sont situées au plus près de nos magasins. Il va de soi que nous procédons à de savants calculs pour trouver le juste rapport entre le coût et l’efficacité.

Comme l’a dit notre délégué général, la FCD n’a jamais été contre l’écotaxe : nous sommes tous d’accord pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, notamment celles qui sont générées par les transports. Mais elle est si compliquée à comprendre que le dossier en est devenu inextricable. Les transporteurs ayant eux-mêmes du mal à comprendre combien cela va coûter, vous imaginez à quelles difficultés ils se seraient heurtés pour nous la répercuter. Le législateur a donc souhaité la simplifier avec un forfait. Le problème est que celui-ci ne correspond pas du tout à la réalité. Il ne permettra donc pas d’optimiser nos transports, bien au contraire.

Prenons en exemple un prix de transport à 250 euros. Avec l’application en pied de facture du forfait inter-régions de 5,2 %, le chargeur paiera 13 euros ; si le véhicule concerné est un camion quatre essieux de type Euro 4 – ce qui correspond à la classe moyenne des camions circulant en France –, il devrait lui en coûter 15,4 centimes du kilomètre. Toutefois, si le transporteur utilise les autoroutes concédées, qui ne sont pas soumises à l’écotaxe, il ne lui en coûtera pas un centime de plus ; a contrario, si le transporteur circule dans une zone entièrement « écotaxée », il aura à payer 250 kilomètres fois 15,4 centimes, soit 38 euros. Dans le premier cas, le transporteur gagne 13 euros, dans le second, il en perd 25.

On pourrait penser que les chargeurs compenseront les pertes enregistrées d’un côté par les gains réalisés de l’autre. En pratique, cela va dépendre de la localisation de leurs entrepôts et de leurs magasins. Si les chargeurs ne peuvent compenser, comment feront les transporteurs ? Le chargeur estimera, en effet, qu’il n’y a pas de raison qu’il se voie appliquer le forfait si le transporteur a utilisé l’autoroute et n’a donc pas été « écotaxé ». Pourtant, il devra payer les 13 euros. En toute logique, il pensera donc qu’il n’y a pas lieu de donner davantage au transporteur qui a emprunté le réseau soumis à l’écotaxe. Ce dernier n’aura donc que deux solutions : refuser de travailler avec ce chargeur ou accepter les termes de la négociation, quitte à finir par déposer le bilan.

Si un chargeur peut compenser ses pertes et ses profits à l’intérieur de ses coûts, les transporteurs ne peuvent pas le faire entre eux. Tout le problème est là. On a voulu simplifier l’écotaxe à outrance avec ce forfait, et force est de constater que c’est l’inverse qui se produit. Si nous voulons poursuivre dans la voie de l’écotaxe, il faut qu’elle soit simplifiée, afin que les transporteurs puissent comprendre comment elle fonctionne, puis l’expliquer aux chargeurs. En outre, il est fondamental de laisser les professionnels régler cela entre eux. Pour des raisons d’efficacité, la plupart de nos flux sont gérés par des contrats au minimum annuels avec des transporteurs réguliers. Laissons les professionnels faire leur métier !

Vous comprenez donc pourquoi nous ne pouvons accepter l’écotaxe en l’état, et pourquoi nous avions imaginé que la TICPE serait plus juste pour les chargeurs comme pour les transporteurs qui auront à collecter la taxe.

M. Jean-Paul Chanteguet, président et rapporteur. Vous avez raison, il y a là une vraie difficulté. Si nous en sommes arrivés à mettre en place la majoration forfaitaire au travers de la loi de mai 2013, c’est parce que le décret du 6 mai 2012 était inapplicable. Un système assez ingénieux a donc été mis en place, dont on ne peut pas dire pour autant qu’il a le mérite de la simplicité. Par ailleurs, je comprends vos interrogations. L’exemple concret que vous avez pris montre qu’il n’existe aucune possibilité d’ajustement. Toutefois, ni les transporteurs ni les autres professionnels ne nous ont proposé d’alternative en-dehors de l’augmentation du taux de la TICPE.

Le dispositif présente certes des inconvénients, puisqu’il existe un taux par région et un taux inter-régional. Le mécanisme de calcul de ces taux a été arrêté à partir d’un cahier des charges, ce qui confère une vraie cohérence – et une certaine pertinence – au dispositif. Néanmoins, le problème que vous soulevez est réel. De manière assez surprenante, le Conseil constitutionnel a validé le mécanisme. Qu’il emprunte un réseau taxé ou un réseau non taxé, le transporteur répercute, en effet, au travers de la majoration forfaitaire, une augmentation en pied de facture. À ce jour, nous n’avons pas trouvé d’autre solution.

Mme Anna Forte. Pour répondre à Mme Errante, le chiffre de 5 % n’est que le reflet de l’écotaxe sur le prix du transport « aval » – c’est-à-dire de nos entrepôts vers nos magasins. Nous n’avons pas d’idée de ce que pourrait être son impact sur le transport « amont » puisque, la plupart du temps, ce dernier est inclus dans le prix du produit et géré par les industriels. C’est le cas de mon enseigne, mais il est vrai que d’autres ont choisi de prendre le transport à leur charge.

Mme Sophie Errante. Je souhaitais simplement savoir comment vous aviez déterminé ce chiffre.

Mme Anna Forte. Nous avons appliqué les majorations forfaitaires à nos coûts de transport, étant entendu que le chiffre de 5 % est une moyenne nationale.

M. Philippe Joguet, directeur du développement durable de la FCD. Pour les enseignes les plus concentrées dans certaines régions comme l’Île-de-France, cela peut aller jusqu’à 7 %.

M. le président et rapporteur Jean-Paul Chanteguet. Il me semble qu’en Languedoc-Roussillon, c’est 2 %.

Mme Anna Forte. Je comprends l’intérêt d’avoir des taux régionaux, mais cela introduit une grande complexité et pourrait avoir l’effet inverse de celui recherché. Des transporteurs « mal » positionnés ou assurant de « mauvais » flux pourraient ainsi être tentés de se délocaliser dans d’autres régions françaises.

M. Jean-Paul Chanteguet, président et rapporteur. L’idée d’avoir un seul taux peut paraître assez séduisante, mais il faut reconnaître qu’elle ne progresse guère.

Mme Anna Forte. Pour ce qui est de la marche à blanc, c’est une excellente idée, car c’est le seul moyen de mesurer réellement l’impact de cette écotaxe, qui est impraticable en l’état. Cette année, j’ai construit quatre budgets, avec ou sans l’écotaxe ; en 2012 et en 2013, je m’étais livrée à plusieurs simulations d’écotaxe. Les résultats sont frappants : en fonction de la manière dont on applique les taux, on obtient des sommes allant de 2,5 à 5,5 points. Une marche à blanc me semble donc indispensable, à la fois pour les chargeurs et les transporteurs.

Mme Sophie Errante. Il nous été dit, lors de précédentes auditions, que des marches à blanc avaient déjà eu lieu. En avez-vous eu des échos ? Nous avons entendu des avis contradictoires sur les résultats qu’elles auraient donnés.

Mme Anna Forte. Je ne peux pas vous parler de la marche à blanc qui a été effectuée, car ce sont les transporteurs qui se sont livrés à ces tests, notamment sur les boîtiers. La plupart nous ont dit que cela fonctionnait plutôt mal. Il semble que les tests ont buté sur des difficultés techniques.

M. Jean-Paul Chanteguet, président et rapporteur. Le test à blanc a, en effet, concerné les transporteurs et les sociétés habilitées de télépéages (SHT). Il a notamment porté sur l’installation des équipements électroniques embarqués dans les véhicules. Des difficultés techniques semblent avoir été observées, plus entre les SHT et les transporteurs qu’avec la société Ecomouv’.

L’idée d’une marche à blanc a été avancée par nombre de nos interlocuteurs. À cet égard, au-delà de l’aspect technique, il faut se préoccuper aussi des conséquences de l’écotaxe sur le plan économique et financier, que ce soit pour les transporteurs, pour les chargeurs ou pour les autres filières qui pourraient être concernées. Cela ne simplifie certes pas la tâche, mais c’est un élément important de l’acceptabilité de cette écotaxe.

Je remercie les représentants de la FCD d’avoir accepté notre invitation et d’avoir participé à cet échange. Il a sans doute été un peu vif par moments, mais l’essentiel est que chacun ait pu s’exprimer librement et dans le respect mutuel.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Mission d'information sur l'écotaxe poids lourds

Réunion du mercredi 19 février 2014 à 17 h 45

Présents. - M. Thierry Benoit, M. Jean-Paul Chanteguet, Mme Françoise Dubois, Mme Sophie Errante, M. Olivier Faure, M. Jean-Pierre Gorges, M. Gilles Lurton, Mme Émilienne Poumirol, M. Éric Straumann

Excusés. - M. Florent Boudié, M. Joël Giraud