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Mission d’information sur la simplification législative

Mardi 7 octobre 2014

Séance de 12 heures

Compte rendu n° 1

Présidence de Mme Laure de La Raudière, Présidente

– Examen et vote du rapport

La séance est ouverte à 12 heures.

Présidence de Mme Laure de la Raudière, présidente.

La mission examine le rapport d’information puis procède au vote sur le rapport.

Mme la présidente Laure de la Raudière. Mes chers collègues, je vous remercie d’être présents pour la remise de ce projet de rapport que va vous présenter M. le rapporteur Régis Juanico. Il vous a été adressé par voie électronique le jeudi 2 octobre 2014 et il a été complété depuis par les contributions de nos collègues Cécile Untermaier et Pierre Morel-A-L'Huissier. Il vient rendre compte des travaux et des réflexions que nous avons menés pendant neuf mois et qui ont été nourris par une vingtaine d'auditions et quatre déplacements – en Belgique, au Royaume-Uni, en Allemagne et aux Pays-Bas.

Nous avons en effet souhaité explorer, à l’aune des bonnes pratiques adoptées par nos voisins, les pistes qui sont en mesure de provoquer un changement de culture normative dans notre pays. À cet égard, nos déplacements ont été utilement complétés par les réponses apportées par neuf des dix parlements européens auxquels nous avons adressé un questionnaire sur la procédure législative. L'audition, à l'Assemblée nationale, de représentants de l'Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE), le 17 avril dernier, a en outre permis d'apporter un éclairage sur les diverses initiatives prises par le Canada, l'Australie et quinze pays membres de l'Union européenne, afin de mieux légiférer.

Nous avons souhaité commencer nos travaux par ces déplacements à l’étranger et par l'audition d'universitaires spécialisés en droit privé, droit public et droit européen, susceptibles d'ouvrir des perspectives que nous n'aurions pas spontanément envisagées. Nous avons eu l'occasion de soumettre les idées inspirées de ces bonnes pratiques étrangères et des travaux universitaires aux nombreux acteurs que nous avons entendus au Palais-Bourbon.

Nous avons également entendu des élus ayant abondamment réfléchi aux enjeux de la rationalisation et de la simplification des normes. Je pense notamment à M. Alain Lambert, président du conseil national d'évaluation des normes (CNEN), au sénateur Éric Doligé, à notre collègue Jean-Luc Warsmann ou encore à M. David Assouline, président de la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois.

Nous avons ensuite sollicité les acteurs institutionnels concernés par notre sujet. Nous avons ainsi donné la parole au Premier président de la Cour des comptes, M. Didier Migaud, au vice-président du Conseil d'État, M. Jean-Marc Sauvé, ou encore au président du Conseil économique, social et environnemental, M. Jean-Paul Delevoye.

Nous avons également expertisé les pistes de réforme possibles avec les représentants d'un certain nombre d'administrations, comme le secrétariat général du Gouvernement, le secrétariat général des Affaires européennes, le secrétariat général pour la modernisation de l'action publique et les représentants de l'Institut national de la statistique et des études économiques.

Enfin, la mission a recueilli l'avis du secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement, M. Jean-Marie Le Guen.

J'ai mené tous ces travaux en bonne intelligence avec les deux rapporteurs successifs de la mission, M. Régis Juanico ayant succédé en juin dernier à M. Thierry Mandon, nommé secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé de la réforme de l'État et de la simplification. Je les remercie de leur implication. Je vous remercie aussi, chers collègues, pour le travail effectué et pour nos échanges dont le caractère transpartisan facilitera l’adoption du rapport.

À titre personnel et non pas au nom du groupe UMP, qui n’a pas été consulté en tant que tel, je souscris d'ailleurs aux quinze propositions qui vont vous être présentées et qui ont fait l'objet, le 17 juin dernier, d'un échange de vues auquel vous avez tous été conviés.

Tout comme le rapporteur, je n'ignore pas que la réforme constitutionnelle adoptée en 2008, sous la précédente législature, a profondément modifié le fonctionnement de notre Parlement. Nous devons apprendre à faire vivre pleinement ces mesures, qui sont en cours d’appropriation par les institutions, pour en tirer des bénéfices concrets.

Néanmoins, je pense que nous pouvons aller plus loin dans certains domaines, afin d’améliorer la fabrique de la loi. Plusieurs de nos propositions sont ambitieuses dans la mesure où elles appellent une révision constitutionnelle. Toutefois, elles ne me semblent pas de nature à remettre en cause l'esprit de la Constitution du 4 octobre 1958 ni l'équilibre des pouvoirs que celle-ci a instauré. C'est donc dans le respect des institutions de la Ve République qu'il vous est proposé de mettre en œuvre des moyens propres à améliorer la fabrique de la loi, en renforçant et en fiabilisant l'évaluation de son impact tant au stade de sa conception qu'à celui de son application.

M. Régis Juanico, rapporteur. Le projet de rapport qui vous est soumis comprend quinze propositions destinées à améliorer la fabrique de la loi. C'est en toute logique que j'ai choisi d'organiser leur présentation selon les différentes étapes de la conception et de la mise en œuvre de la loi.

Tout d'abord, en amont de la procédure législative, une première série de propositions vise à améliorer la préparation de la norme, et notamment la qualité de l'évaluation préalable de son impact.

La première proposition concerne l'enrichissement du contenu des études d'impact. Si des progrès ont indéniablement été accomplis en la matière depuis la réforme constitutionnelle de 2008, leurs insuffisances ont été pointées à plusieurs reprises au cours de nos travaux.

Tout d’abord, il est préconisé de rendre obligatoire, pour les textes législatifs, la réalisation du « test entreprises », qui est actuellement facultatif et circonscrit aux textes réglementaires, et de tests « collectivités locales » et « usagers de l'administration ».

Il est proposé d’améliorer l'évaluation des coûts et bénéfices économiques ainsi que des conséquences sociétales des mesures envisagées.

Il est recommandé de fournir une analyse et une justification approfondies à l'appui des mesures transitoires et des dates d'entrée en vigueur retenues.

Nous suggérons d’intégrer, sur le modèle britannique, l'exigence de quantification des charges administratives supprimées en contrepartie et à hauteur des charges administratives créées, ce que l’on appelle le « one-in, one-out ». Cette exigence est aujourd'hui circonscrite aux textes réglementaires.

Enfin, sur le modèle allemand, nous préconisons d’introduire, dans les études d’impact, les critères sur lesquels se fondera l'évaluation ex post de ces mesures.

Mieux renseignées, les études d'impact devront également être soumises à une contre-expertise externe et impartiale, à l'instar de la pratique instaurée au Royaume-Uni et en Allemagne, pays qui se sont respectivement dotés d'un comité de la politique réglementaire (Regulatory Policy Committee – RPC) et d'un conseil national de contrôle des normes (Normenkontrollrat – NKR).

Dans la deuxième proposition, il est suggéré de confier l'évaluation de la qualité des études d'impact à un organisme indépendant, composé de représentants de la société civile et chargé de rendre un avis public qui prenne notamment en compte l'évolution estimée des charges administratives résultant de la mesure envisagée. Pour ce faire, il s’appuierait sur des experts issus des secteurs privé et public, notamment des universités, de l'INSEE, des administrations économiques, des corps d'inspection et des contrôles généraux.

Cet avis sur les études d'impact assortissant les projets de loi devrait être rendu public lors de la présentation de ces derniers en conseil des ministres.

Afin de soumettre nos propres propositions à la discipline d'évaluation que nous prônons, il est suggéré de prévoir un réexamen de ce dispositif de validation des études d'impact dans un délai de deux ans à compter de sa mise en œuvre.

Plus indépendante, l’évaluation ex ante de la norme devrait aussi être plus systématique. Il serait paradoxal d'appeler de nos vœux un approfondissement des études d'impact assortissant les projets de loi, tout en continuant de dispenser d'autres textes législatifs de toute étude d'impact.

C'est la raison pour laquelle, en s'inspirant des bonnes pratiques adoptées notamment à l'occasion de l'examen de la proposition de loi relative aux comptes bancaires inactifs et aux contrats d'assurance-vie en déshérence, la troisième proposition vise à rendre obligatoire la réalisation d'une étude d'impact sur les propositions de loi inscrites à l’ordre du jour. Cette étude pourra, le cas échéant, être complétée par un avis du Conseil d'État, selon les modalités de saisine actuellement prévues par la Constitution.

Quant à la quatrième proposition, elle tend à rendre obligatoire la réalisation d'une étude d'impact pour les ordonnances, y compris lorsque celles-ci ne concernent ni les entreprises ni les collectivités territoriales. La dispense d'étude d'impact dont bénéficient actuellement les projets de loi de ratification des ordonnances pourrait, en conséquence, être subordonnée à la condition qu'une étude d'impact ait été produite à l'occasion de l'examen par le Conseil d'État du projet d'ordonnance. Par ailleurs, les projets de loi d'habilitation devraient être assortis d'une étude d'impact plus complète que ne l'exige la loi organique du 15 avril 2009.

Enfin, l'évaluation ex ante de la norme gagnerait à être fiabilisée par un recours accru à l'expérimentation. C'est l'objet de la cinquième proposition qui vise à en développer l'utilisation avant la généralisation de certains dispositifs législatifs et à en consolider les effets juridiques, à l'exemple de ce qui a été prévu par l'ordonnance du 20 mars 2014 relative à l'expérimentation d'un certificat de projet.

Ensuite, une deuxième série de propositions concerne la procédure législative. La sixième proposition consiste à rendre publique la partie de l'avis du Conseil d'État relative aux études d'impact assortissant les projets de loi, les projets d'ordonnance et, le cas échéant, les propositions de loi. Cette proposition a été bien accueillie tant le vice-président du Conseil d'État, M. Jean-Marc Sauvé, que par le secrétaire général du Gouvernement, M. Serge Lasvignes, et par le Premier président de la Cour des comptes, M. Didier Migaud.

Dès lors qu'il pourra s'appuyer sur la partie de l'avis du Conseil d'État traitant de la qualité des études d'impact jointes aux projets de loi – et, le cas échéant, aux propositions de loi –, le débat parlementaire sera mieux à même d'être recentré sur ces études. Idéalement, le renforcement du contrôle du Parlement sur la qualité des études d'impact devrait passer par l'organisation d'un débat d'orientation préalable à l'examen du texte en commission. Ce débat aurait vocation à se substituer à la discussion générale, à l'instar de ce qui se pratique en Allemagne, au Danemark, en Espagne et au Royaume-Uni. S'appuyant sur l'étude d'impact, il aurait lieu en séance publique, avant l'examen du texte en commission, et il permettrait aux divergences politiques de s'exprimer sur l'esprit et les principaux enjeux de la réforme envisagée, de façon à réserver la suite de la discussion à un examen plus détaillé et plus technique du projet de loi ou de la proposition de loi. Compte tenu de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, l'organisation de ce débat d'orientation préalable nécessiterait une révision constitutionnelle.

Un autre moyen de placer les études d'impact au cœur de la discussion parlementaire pourrait consister à prévoir l'organisation systématique d'un débat en commission sur la qualité de ces études. Celui-ci pourrait être impulsé par la création d'une obligation, pour le rapporteur de la commission saisie au fond d'un texte, de présenter, dans son intervention liminaire lors de l'examen en commission, l'étude d'impact jointe au projet de texte. Un débat sur l'étude d'impact pourrait ainsi s'engager avant l'examen des articles et des amendements.

Toutefois, la réalisation d'une étude d'impact sérieuse et exhaustive sur un projet de loi ou une proposition de loi ne sera d'aucune utilité tant qu'un amendement gouvernemental ou parlementaire pourra, au cours de la procédure législative, sans faire l'objet de la moindre évaluation, bouleverser l'équilibre du projet de loi ou de la proposition de loi en question. C'est la raison pour laquelle la huitième proposition vise, en s'inspirant des pratiques des parlements européen, allemand et néerlandais, à reconnaître au président de la commission saisie au fond le droit d'exiger la réalisation d'une étude d'impact sur les amendements qualifiés de substantiels par ladite commission.

L'élaboration d'une étude d'impact sur un amendement substantiel d'origine gouvernementale ne sera toutefois possible que si un temps minimal d'évaluation est ménagé entre son dépôt et sa discussion. C'est pourquoi, avec la neuvième proposition, nous suggérons de soumettre les amendements gouvernementaux à un délai de dépôt, tant lors de l'examen des textes en commission que lors de leur examen en séance publique, étant précisé que ce délai pourrait ne pas être le même que celui qui est actuellement prévu, à titre de principe, pour les amendements parlementaires.

Une meilleure gestion du temps parlementaire, tel est aussi l'objet de la dixième proposition. Sans remettre en cause le recours de droit à la procédure accélérée pour les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale ainsi que pour les projets de loi relatifs aux états de crise, nous préconisons d'aménager les règles relatives à cette procédure d'urgence pour préserver un temps minimal d'examen parlementaire entre le dépôt d'un texte et sa discussion devant chaque assemblée, sur le modèle de ce qui est prévu pour les seules lois organiques.

La onzième proposition tend aussi à une nouvelle répartition du temps parlementaire. Dans un souci d'efficience, elle vise à repenser l'organisation des débats budgétaires, de façon à faire de la loi de règlement un moment fort d'évaluation, notamment de la modernisation de l'action publique. Le Premier président de la Cour des comptes, M. Didier Migaud, l'a fait remarquer lors de son audition : « C’est souvent à partir de l'exécution d'une loi de finances ou d'une politique publique que l'on peut se rendre compte de dysfonctionnements, de défaillances ou d'insuffisances. » Or, alors que « dans tous les pays du monde, les parlementaires consacrent beaucoup plus de temps à l'exécution budgétaire qu'aux lois de finances initiales, qui sont d'ailleurs souvent des lois d'affichage », « en France, nous faisons l'inverse. »

La réflexion menée par la mission sur la gestion du temps parlementaire s'est étendue au temps que nos assemblées consacrent à l'examen de textes législatifs pris pour la transposition de directives européennes, et donc à la méthode jusqu'ici retenue en la matière. S'inspirant de la méthode allemande de transposition, dite de la « double corbeille », la douzième proposition suggère de privilégier la transposition des directives européennes par voie d'ordonnances, selon une procédure organisée en deux temps. Le premier serait consacré à l'élaboration d'un projet d'ordonnance assorti d'une étude d'impact complète et précise, identifiant et justifiant les éventuelles sur-transpositions. Le second consisterait en un débat parlementaire, à l'occasion du projet de loi de ratification, sur l'étude d'impact jointe l'ordonnance et sur la partie de l'avis du Conseil d'État relative à cette étude.

Rendue publique, cette partie de l'avis du Conseil d'État devrait rendre compte de la pertinence des motifs susceptibles de justifier une éventuelle sur-transposition. Outre les modalités de transposition des directives européennes, ce sont également les modalités de négociation des projets de textes européens qui mériteraient d'être rénovées de façon à placer l'étude d'impact de la Commission européenne – et ses implications au niveau national – au cœur des négociations européennes.

En effet, un débat de fond préalable sur l'étude d'impact de la Commission européenne et, corrélativement, une meilleure anticipation de l'impact des textes négociés au niveau national, pourraient contribuer à limiter les sur-transpositions car les mesures que la France jugerait les plus appropriées, au regard de sa situation particulière, seraient alors défendues au stade des négociations, et non plus imposées au stade de la transposition.

Enfin, une troisième série de propositions a trait à l’amélioration de l'évaluation de la norme en aval de son adoption. La clarification du paysage de l'évaluation des politiques publiques est apparue comme un préalable à l'amélioration de l'évaluation ex post. En effet, la mission a pu constater que notre pays comptait de nombreux acteurs à l'origine de multiples initiatives qui, dans un souci d'efficacité, gagneraient sans doute à être mieux coordonnées et organisées de façon plus méthodique, afin d'éviter les doublons.

Cour des comptes, comité d'évaluation et de contrôle (CEC), mission d'évaluation et de contrôle (MEC), commission pour le contrôle de l'application des lois, corps d'inspection, directions ministérielles de la recherche, des études, de l'évaluation, de la prospective et des statistiques... Il est extrêmement difficile de faire un recensement exhaustif des institutions, organes parlementaires ou services ministériels qui interviennent en matière d'évaluation ex post des normes et, plus largement, des politiques publiques, tant ceux-ci sont nombreux. Autant gagner du temps et économiser des moyens en organisant une conférence des évaluateurs pour mieux coordonner les initiatives en matière d'évaluation ex post prises par les divers organes du Parlement, de l'exécutif et par des institutions comme la Cour des comptes ou le Conseil économique, social et environnemental.

Mieux coordonnée, l'évaluation ex post de la norme gagnerait aussi à être plus méthodique. Pour qu’elle le soit, la mission propose d'enrichir le contenu des études d'impact ex ante de façon à ce qu'elles identifient mieux les indicateurs précis sur le fondement desquels se fondera l'évaluation ex post. Dans le même but, la quatorzième proposition appelle à développer l'insertion, dans certains types de loi, de clauses de révision amenant le Parlement à débattre de l'efficacité du dispositif adopté dans un certain délai après son entrée en vigueur, sur le modèle des pratiques adoptées par nos voisins britanniques et allemands.

Le renforcement du contrôle parlementaire sur l'application de la loi pourrait aussi passer par la mise en place d'une pratique tendant à contraindre le Gouvernement à justifier devant les commissions parlementaires compétentes l'absence de publication des décrets d'application à l'expiration d'un certain délai – entre six mois et un an – courant à compter de la promulgation de la loi.

Ce contrôle plus étroit de la parution des décrets d'application devrait en outre s'accompagner de l'élaboration de rapports d'évaluation qui, confiés à un binôme de rapporteurs issus de la majorité et de l’opposition, analyseraient ex post l'impact d'une loi, trois ans après son entrée en vigueur, et s'inscriraient dans un programme d'évaluation mieux ordonné. Avec la quinzième et dernière proposition, il est ainsi suggéré qu’indépendamment des réexamens exigés par des clauses de révision, soient prévus des rendez-vous triennaux d'évaluation de lois adoptées et qu'en conséquence un programme annuel voire pluriannuel d'évaluation soit défini dans les deux assemblées parlementaires qui se partageraient les thématiques abordées.

Telles sont, mes chers collègues, les quinze propositions que je formule dans le projet de rapport qui est soumis à votre vote. Je n'ignore pas qu'elles sont ambitieuses et que certaines d'entre elles nécessitent une révision constitutionnelle. Toutefois, elles sont à la hauteur des enjeux. Comme l'a rappelé notre collègue sénateur David Assouline lors de son audition, certains maires ne se sont pas représentés lors des dernières élections municipales notamment parce qu'ils avaient, chaque année, à tenir compte de près de 80 000 pages de circulaires. Un tel constat montre que l'inflation normative a atteint dans notre pays un niveau tel qu'elle menace la démocratie.

Il faut donc mettre fin au décalage que l'on constate trop souvent, dès lors que l'on parle d'inflation normative, entre les intentions et les réalisations, entre les constats et les pratiques. Afin que notre travail ne se résume pas à un énième discours vertueux sur l'élaboration de la norme qui reste lettre morte, je vous appelle donc à voter en faveur des quinze propositions que je formule pour mieux légiférer et mieux évaluer.

Pour terminer, je remercie Thierry Mandon, le premier rapporteur de la mission parlementaire auquel j’ai succédé, ainsi que la présidente Laure de la Raudière, avec laquelle nous avons effectué ce travail de qualité.

M. Daniel Fasquelle. Je voulais vous remercier pour votre travail et pour ces propositions que j’approuve.

Il est une question que l’on ne se pose pas suffisamment : faut-il légiférer ? Nous légiférons parfois pour répondre à une demande sociale ou pour réagir au plan politique, plus que mus par la nécessité. Il faudra avoir le courage de dire qu’il ne s’agit pas tant de changer la norme que de mieux appliquer les textes en vigueur. Or, que nous soyons de droite ou de gauche, nous pouvons battre notre coulpe : nous cédons parfois à la tentation de modifier les textes pour donner à nos concitoyens l’impression que nous sommes actifs, alors qu’il suffirait de mieux appliquer ceux qui existent.

De même, nous ne réfléchissons pas suffisamment au rôle du juge et de la jurisprudence dans l’application de la norme. Il faut laisser le juge adapter la loi aux situations qu’il rencontre, mais son temps n’est pas forcément celui de la demande sociale. Dans notre pays plus qu’ailleurs, nous avons du mal à définir la place que nous accordons au juge et à décider s’il doit être créateur de droit. Sans aller jusque-là, nous devons être conscients du fait que changer trop souvent la norme revient à remettre en cause la jurisprudence et à créer de l’insécurité juridique. Nous en avons tenu compte lorsque nous avons renoncé à introduire dans la loi de modernisation de l’économie une nouvelle modification des rapports entre fournisseurs et distributeurs. Ce domaine souffre en effet d’une incroyable instabilité législative et d’une grande insécurité juridique. Il faut savoir laisser du temps au juge et au corps social pour comprendre la loi.

Afin que le Parlement joue son rôle, il doit disposer d’études d’impact et d’avis du Conseil d’État pour les propositions de loi comme pour les projets de loi.

Lors de la précédente législature, j’étais membre de la Commission des Affaires européennes et de la Commission des Affaires économiques. Constatant qu’il est impossible d’appartenir à deux commissions à la fois, j’ai renoncé à siéger au sein de la Commission des Affaires européennes. Du coup, je ne parviens plus à suivre certaines questions de droit européen qui concernent pourtant la Commission des Affaires économiques. Faut-il conserver une Commission des Affaires européennes en plus des commissions thématiques ? Ne devrait-on pas plutôt traiter les questions de droit européen au sein de chacune des commissions ?

Prenons l’exemple d’une proposition de règlement de bioéthique qui intéresse la Commission des Affaires sociales et la Commission des Affaires économiques. Ne serait-il pas plus efficace ce soit ces commissions qui traitent le sujet plutôt que la Commission des Affaires européennes ? Je précise que je fais tout à fait confiance à nos collègues de la Commission des Affaires européennes. Nous devons y réfléchir. Dans le cadre de la subsidiarité et du traité de Lisbonne, les parlements nationaux ont un rôle de plus en plus important et je ne suis pas sûr que nous soyons organisés pour le jouer efficacement.

S’agissant du budget, nous devons travailler plus en amont et toutes les commissions doivent avoir leur mot à dire. Cet après-midi, la Commission des Affaires économiques va se réunir pour débattre du projet de loi de finances et j’approuve cette initiative du président Brottes. Si la Commission des Affaires économiques ne traite pas de la fiscalité des entreprises, elle passe à côté de choses importantes. Au moment de voter sur le budget, les questions de fiscalité et de règles sociales qui s’appliquent aux entreprises nous échappent complètement. Nous débattons sans avoir de prise sur les règles qui ont un impact direct sur les sujets discutés. D’ailleurs, que ce soit sur le budget ou sur d’autres sujets, les commissions ne travaillent pas suffisamment ensemble.

Mme Cécile Untermaier. Cette mission n’est certes pas la première à étudier l’inflation législative, phénomène qui a donné lieu à la publication d’une foison de rapports, mais elle a le mérite d’élaborer un éventail de propositions réalistes pour lutter contre ce fléau.

J’ai apprécié la façon dont cette mission a été menée par la présidente Laure de la Raudière et par les deux rapporteurs successifs, Thierry Mandon et Régis Juanico. Je vais me permettre d’intervenir un peu longuement car j’ai été très présente au cours des travaux de cette mission dont je suis secrétaire.

Je souhaite mettre l'accent sur certaines des propositions de cette mission qui permettront de perfectionner le travail législatif. Pour mieux fabriquer la loi, il n'y a pas de secret : il faut d'abord identifier les objectifs poursuivis par les dispositions, recenser les options envisageables et motiver le recours à une nouvelle législation. Ces caractéristiques sont celles de l'étude d'impact telle que définie par l'article 8 de la loi organique du 15 avril 2009. Ces évaluations préalables à la loi ont, depuis 2009 et leur consécration dans une loi organique, un caractère obligatoire. Elles sont salutaires pour le travail législatif.

Il faut cependant les étoffer car certaines carences sont apparues depuis 2009 : l'absence de test auprès des entreprises, des collectivités locales ou des citoyens, et de test sur l’égalité entre les femmes et les hommes ; l'absence de quantification des charges administratives supprimées en contrepartie des charges administratives créées. Les propositions de ce rapport visent à combler ces lacunes. J’insiste pour ma part sur la prise en compte de l’égalité entre les femmes et les hommes qui n’a pas été évoquée au cours de nos travaux.

Il est d'autant plus impératif de pouvoir critiquer le contenu des études d'impact, voire de demander une expertise contradictoire, que ces études doivent prendre une place absolument majeure dans le processus législatif. Si je vois d'un œil bienveillant la création d'un organisme indépendant composé d'experts chargés de les évaluer, je m’interroge toutefois sur l'opportunité de créer une énième autorité. Ne faudrait-il pas donner cette compétence au Conseil économique, social et environnemental ou au Conseil d’État ? Ne pas surajouter une autorité à une autre, c'est aussi cela la simplification. Publier la partie de l'avis du Conseil d'État relatif à cette étude d'impact permettrait aussi de bénéficier d’une analyse critique de cette évaluation. J'y suis d'autant plus favorable que cette publication s'inscrit dans le mouvement d’accroissement de la transparence de l'action publique que j'appelle de mes vœux.

Comme vous l’avez dit, monsieur le rapporteur, il faut aussi aller plus loin en généralisant l'obligation d'élaboration d'une étude d'impact tant pour les propositions de loi que pour les ordonnances. L'absence d'une telle étude pour les propositions de loi représente une vraie limite à l'initiative des parlementaires dans l’élaboration de la loi. Rendre obligatoire et possible sa confection pour les plus importantes propositions de loi contribuerait à une revalorisation réelle du travail des parlementaires. De même, assujettir toutes les ordonnances à une étude d'impact permettrait aux parlementaires d'étendre le contrôle qu'ils exercent sur l'action du Gouvernement et, dès lors, de remplir correctement leurs obligations constitutionnelles.

Le rapport propose aussi de permettre au président de la commission saisie au fond d'exiger la réalisation d'une étude d'impact sur un amendement qualifié de « substantiel » par la commission. Si je comprends l'intérêt de cette proposition pour certains « gros » amendements, je tiens à souligner que sa mise en œuvre est délicate : elle ne doit pas entraver le droit d'amendement, souvent considéré comme la seule matérialisation de l'initiative législative des parlementaires. Prenons garde à ne pas affaiblir le rôle du Parlement, en voulant trop bien faire.

Enfin, je tiens à souligner que ces quinze propositions, ambitieuses mais réalistes, ne constituent en fait que les premiers jalons du mouvement de perfectionnement de la fabrication de la loi.

Dans ce cadre, j'estime que nos prochaines réflexions pourraient s'orienter vers l'article 40 de la Constitution, qui constitue une limite importante au droit d'amendement des parlementaires, voire à leur possibilité de déposer des propositions de loi. Il donne parfois lieu à une interprétation qui réduit un peu plus l'initiative législative des parlementaires. Ne pourrait-on pas, par exemple, imaginer qu'une décision d'irrecevabilité soit motivée ?

Comme précisé dans ma contribution annexée à ce rapport, j'estime également que la confection de la loi aurait à gagner au développement, sur nos territoires, de la pratique d’ateliers législatifs citoyens dont j'ai pu éprouver l'efficacité dans ma circonscription. Le non-cumul des mandats permet ce type rapprochement salutaire entre le député, c'est-à-dire le politique, et le citoyen, à la faveur de la fabrication de la loi.

M. Philippe Gosselin. Je m’amuse de la façon dont le cumul des mandats est arrivé dans le débat !

L’objet de notre mission n’est pas nouveau et le Conseil d’État, dans son rapport de 1991, se penchait déjà sur la logorrhée législative et réglementaire, dénonçant l’épaisseur de nos codes et le nombre de règlements et de lois. Comme il faut sans cesse remettre l’ouvrage sur le métier, il était pertinent de reprendre les trois stades de l’élaboration de la loi : avant, pendant et après l’adoption du texte.

Comment mieux préparer la loi en amont ? Les études d’impact sont le nœud que vous avez bien identifié, madame la présidente, monsieur le rapporteur. Ces études, relativement indigentes et souvent dépourvues de chiffres, sont sujettes à caution. Outre la question de leur crédibilité, se pose celle de leur évaluation.

Mieux faire la loi pendant les débats n’est pas si facile puisque cela revient à modifier les équilibres de la Ve République. Il ne s’agit pas de bloquer le droit d’amendement du Gouvernement ou celui des parlementaires, alors que nous appelons de nos vœux à une revalorisation du travail du Parlement. Ces réformes institutionnelles vont bien au-delà de nos travaux, de nos méthodes ou de notre présence accrue.

Cette revalorisation du travail du Parlement doit aussi intervenir à un moment essentiel, celui du contrôle de l’action du Gouvernement.

Si nos concitoyens réclament une simplification, cette demande est parfois ambiguë. Dans ce pays, nous avons une forme particulière d’attachement à la loi, laquelle est parée de toutes les vertus dans l’imaginaire républicain. Nos concitoyens, qui veulent moins de lois, se tournent pourtant vers le législateur quand survient une difficulté.

Pour résumer, je dirais qu’il faut faire moins et mieux, en ouvrant deux perspectives. Revenons, tout d’abord, sur l’intégration du droit européen, évoquée par notre collègue Daniel Fasquelle. Malgré la Commission aux Affaires européennes et les mécanismes prévus par notre Constitution, cette intégration des enjeux européens se fait encore d’une manière parallèle et non pas transversale. Faut-il supprimer la Commission aux Affaires européennes ? Je n’en suis pas sûr. Lorsque j’en étais membre, je trouvais ses travaux très intéressants. Peut-être faut-il adopter une approche plus transversale, en s’inspirant de la démarche de la Commission des Lois où Marietta Karamanli et Guy Geoffroy sont responsables d’une sorte de cellule de veille ? Les directives et les obligations de transposition sont nombreuses et elles viennent télescoper nos propres travaux. De plus en plus, le droit européen irrigue par capillarité le droit national.

Deuxième perspective, encore plus compliquée à prendre en compte : la révolution des questions prioritaires de constitutionnalité (QPC), les fameuses « portes étroites » dont parlait le doyen Georges Vedel et dont nous n’avions pas bien mesuré toutes les conséquences. Quasiment chaque semaine apporte son lot de QPC, et donc de décisions du Conseil constitutionnel qui s’imposent à l’État et au législateur. Parfois ces décisions conduisent à adopter, au détour de textes examinés, des amendements en urgence, sans avoir le temps de les évaluer. Même en considérant que le Conseil constitutionnel a fait l’évaluation, nous avons un peu le couteau sous la gorge. Ce n’est pas très satisfaisant, même si nous pouvons approuver l’ouverture aux citoyens de ces QPC.

Pour conclure en forme de clin d’œil, en tant que vice-président de cette mission d’information, je souhaite à notre présidente un sort aussi enviable que celui du rapporteur précédent : qu’elle puisse un jour se perdre sur des bancs gouvernementaux et être ainsi à même d’appliquer les recommandations que nous allons sans nul doute adopter à l’unanimité.

Mme la présidente Laure de la Raudière. Merci, monsieur Gosselin. Je vous rappelle que trois membres de la mission ont rejoint les bancs du Gouvernement : Thierry Mandon mais aussi Matthias Fekl et Pascale Boistard. Vous êtes donc concerné !

M. Philippe Gosselin. Cette mission est un nid !

M. Régis Juanico, rapporteur. Tous les espoirs sont permis !

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Cette mission a effectué un travail sur un vrai problème : l’inflation législative. Avec Daniel Fasquelle, j’ai fait un rapport très important sur la simplification normative réglementaire, qui préconisait notamment la création d’un principe constitutionnel d’adaptabilité à côté du principe d’égalité.

Je souscris à vos propositions sur le recours accru à des études d’impact, qui permettront au législateur de faire un travail plus approfondi.

Par ailleurs, je vous soumets mes questionnements sur deux sujets un peu atypiques. Tout d’abord, vous n’avez pas abordé la création d’une cellule de spécialistes qui pourraient intervenir après l’examen du texte et avant la promulgation de la loi, pour nous avertir sur de possibles difficultés d’exécution. Cela peut porter atteinte à la légitimité du Parlement, m’objectera-t-on. Reste à définir des modalités qui permettraient de terminer le travail législatif.

Ensuite, le travail parlementaire souffre du dépôt d’amendements qui ne respectent pas forcément les articles 34 et 37 de la Constitution. Même si cela peut heurter, je pense que, à l’instar de ce qui existe à la Commission des Finances, il serait intéressant de filtrer certains amendements. Il s’agit de créer un dispositif permettant d’éviter une logorrhée due à des amendements qui sont rédactionnels et peu utiles, ou qui visent à bloquer la discussion législative, ou qui sont du domaine réglementaire.

M. Daniel Fasquelle. En complément de mon intervention précédente, je voudrais dire qu’il faut veiller à ce que la loi ne soit pas déformée ou détournée par le juge, et à ce que les décrets d’application soient pris. En l’absence de décrets, la loi risque d’être détournée des objectifs voulus par le législateur. En tant que maire – le cumul permet de connaître certaines réalités auxquelles nous ne serions jamais confrontés autrement – je veux citer ici l’exemple de la loi « littoral » dont la jurisprudence s’éloigne de plus en plus des objectifs initiaux de 1986.

L’administration joue également un rôle dans l’application de la loi, sujet sur lequel j’ai effectivement travaillé avec Pierre Morel-A-L’Huissier. La complexité vient parfois de la manière dont les textes sont mis en œuvre. Est-ce normal d’appliquer un texte de la même façon dans des métropoles comme Paris, Lyon et Marseille et dans des communes de 80, 100 ou 200 habitants ? Ces dernières n’ont pas forcément les moyens d’appréhender la complexité et le foisonnement des textes.

En France, chacun cherchant à se protéger, nous sommes trop attachés à l’application des textes à la lettre et au mot près. Même si c’est absurde, on va imposer la norme. Nous avons tous en tête des exemples où l’administration a voulu appliquer le texte à la lettre, alors qu’il aurait été possible de le faire avec plus de liberté et de simplicité en s’attachant à l’objectif de la loi. Ce qui compte, c’est de respecter les objectifs fixés en matière de sécurité pour prévenir les incendies ou d’accessibilité pour les personnes handicapées conformément à la loi de 2005, par exemple. Or, on finit par perdre ces objectifs de vue quand on veut appliquer un texte à la lettre. Ce chantier sur la mise en œuvre de la norme dépasse un peu le cadre de notre mission, mais nous devrions nous y intéresser. On peut faire tous les efforts possibles pour mieux légiférer, si l’application n’est pas assez souple, nous n’atteindrons pas l’objectif recherché : plus de liberté, de simplicité et d’adaptabilité pour nos concitoyens.

M. Régis Juanico, rapporteur. Revenons à la nécessaire revalorisation de la loi de règlement dans la procédure budgétaire, évoquée par Daniel Fasquelle. Nous consacrons quasiment trois mois à la loi de finances initiale, qui et souvent un texte d’affichage, et quelques heures seulement en séance publique à la loi d’exécution qui est, elle, un texte de vérité budgétaire.

François Cornut-Gentille et moi-même, nous avons exploré le sujet l’an dernier, à la demande du Président Claude Bartolone, et certaines de nos propositions sont en cours d’expérimentation. Sur les questions budgétaires, il faut associer les commissions permanentes au travail de la Commission des Finances, et faire fonctionner la majorité et l’opposition en binôme. L’évaluation ex post des lois devrait d’ailleurs reposer sur ce type de binômes : les rendez-vous triennaux que nous proposons seraient confiés au rapporteur de la loi et à un député de l’opposition. Il s’agit de choisir des thèmes très précis d’évaluation des politiques publiques sous l’angle budgétaire, au moment de la loi de règlement, c'est-à-dire pendant les mois d’avril, mai et juin. J’espère que nous pourrons convaincre le président de l’Assemblée nationale de systématiser cette façon de faire, car ces expériences sont très intéressantes sur le plan législatif.

Cécile Untermaier regrette que nous n’ayons pas prévu un test sur l’égalité entre les hommes et les femmes. Nous avons envisagé trois tests – entreprises, collectivités territoriales, usagers de l’administration – mais le thème de l’égalité entre les hommes et les femmes est déjà pris en compte par une circulaire du Premier ministre. Cette circulaire qui date du 23 août 2012 invite à tenir compte de ce critère dans les évaluations préalables, de la même façon qu’une circulaire du 4 septembre 2012 en matière de handicap. Plutôt que de se lancer dans une énumération, nous avons préféré balayer les trois grands sujets, quitte à renvoyer à une circulaire pour élargir à d’autres champs thématiques.

Vous craignez de voir le droit d’amendement parlementaire bridé par notre huitième proposition, celle qui tend à faire reconnaître au président de la commission saisie au fond le droit d'exiger la réalisation d'une étude d'impact sur les amendements qualifiés de « substantiels » par ladite commission. L’expérience montre que les amendements « substantiels », qui viennent modifier en dernière minute l’équilibre d’un texte, sont plutôt d’origine gouvernementale. Souvenez-vous de l’amendement « pigeons » sur les plus-values résultant de la vente d’une entreprise, ou de l’amendement sur la taxe professionnelle. Notre proposition représente plutôt une garantie pour les droits du Parlement.

Philippe Gosselin et Daniel Fasquelle plaident pour une approche plus intégrée entre la Commission des Affaires européennes et les autres commissions permanentes qui s’intéressent aussi aux répercussions des textes européens. Dans la pratique, la Commission des Affaires européennes a, dans chaque commission permanente, des correspondants chargés de faire le lien. Peut-être faudra-t-il développer cette pratique ? Peut-être faudra-t-il aussi demander aux commissions permanentes de réserver des moments spécifiques pour évoquer les questions qui touchent aux affaires européennes ?

Pierre Morel-A-L’Huissier s’interroge sur l’opportunité de créer un filtre pour éviter les amendements qui sont du domaine réglementaire. L’article 41 de la Constitution permet déjà de faire ce tri, mais tant le Gouvernement que le Conseil constitutionnel – depuis une décision de 1982 – ont renoncé à le mettre en oeuvre.

Mme la présidente Laure de la Raudière. Pierre Morel-A-L’Huissier propose la création d’une cellule de spécialistes qui pourraient intervenir juste après l’examen du texte de loi. Nous n’avons pas envisagé une telle piste, estimant qu’il valait mieux travailler de manière plus professionnelle avant, en particulier via l’étude d’impact, afin de mesurer les conséquences des différents dispositifs du texte.

Nous proposons des tests – sur les entreprises et les collectivités – qui sont importants au regard de vos travaux sur l’adaptabilité de la loi : les dispositions législatives envisagées seront passées à la moulinette sur des cas concrets avant l’examen du texte. Ces tests nous permettront, par exemple, d’écarter des dispositions qui se révèleraient trop lourdes et coûteuses à appliquer dans les PME, dans les collectivités locales de petite taille, dans les territoires ruraux ou montagnards, etc. Cette solution nous semble préférable à la création d’une cellule de spécialistes.

Notre rapport préconise le recours à des études d’impact et à l’avis du Conseil d’État pour les propositions de loi inscrites à l’ordre du jour, qu’elles émanent de la majorité ou de l’opposition. Actuellement, seul le président de l’Assemblée nationale peut saisir le Conseil d’État pour avoir son avis sur une proposition de loi. Il ne satisfait pas toujours cette demande quand la proposition de loi vient de l’opposition, afin de ne pas engorger le Conseil d’État – je ne soupçonne pas une volonté politique de la part du Président Claude Bartolone.

Mes chers collègues, chacun s’étant exprimé, il revient à notre mission, en application de l’article 145 du Règlement, de voter sur le rapport qui vous est aujourd’hui soumis.

La mission d’information adopte à l’unanimité le rapport, autorisant ainsi sa publication.

La séance est levée à 12 heures 55.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Présents. - M. Daniel Fasquelle, M. Philippe Gosselin, M. Régis Juanico, Mme Laure de La Raudière, M. Pierre Morel-A-L'Huissier, Mme Cécile Untermaier

Excusés. - M. François de Rugy, M. Michel Zumkeller