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JEUDI 12 MARS 2015

Séance de 11 heures 

Compte rendu n° 12

Présidence de
M. Patrick BLOCHE

Mission de réflexion sur l’engagement citoyen et l’appartenance républicaine

Audition, ouverte à la presse, M. Dominique Marmier, président de Familles rurales.

L’audition débute à onze heures dix.

M. Patrick Bloche, président. Nous accueillons M. Dominique Marmier, président de Familles rurales depuis le mois d’avril 2014, administrateur de la caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (MSA) et vice-président du groupe Monde rural.

Familles rurales est le premier mouvement familial de France et regroupe 170 000 familles adhérentes. Il est composé de 2 500 associations locales. Il remplit plusieurs missions : il répond aux besoins des familles, défend leurs intérêts, accompagne les parents dans leur mission d’éducation et participe à l’animation des territoires ruraux. Le groupe Monde rural rassemble seize organisations qui œuvrent pour le développement des territoires ruraux.

Votre expérience associative mais aussi d’agriculteur nous éclairera notamment sur les contraintes d’éloignement et de ressources qui pèsent sur les familles dans les territoires ruraux et sur les projets permettant de faciliter l’engagement citoyen dans ces mêmes territoires. Nous écouterons avec intérêt votre présentation de l’étude sur l’engagement des jeunes ruraux remise à l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (INJEP) et vos propositions pour développer cet engagement.

M. Dominique Marmier, président de Familles rurales. Monsieur le président, je vous remercie de nous avoir invités. Cela va me permettre de présenter notre mouvement et de vous faire part de quelques propositions en ce qui concerne l’engagement citoyen.

Comme vous venez de l’indiquer, je suis président de la fédération nationale de Familles rurales depuis le mois d’avril 2014. J’ai été vice-président de ce mouvement pendant neuf ans.

Je suis par ailleurs agriculteur dans le Haut-Doubs, près de la frontière suisse. Je suis producteur de lait servant à fabriquer le comté. J’habite dans une commune très rurale qui compte 1 800 habitants. À l’origine, je me suis engagé dans ce mouvement en tant que bénévole pour contribuer à la mise en place de structures de garde, d’accueil de la petite enfance ou de centres de loisirs, qui paraissent indispensables lorsqu’on a quatre enfants et que l’on veut concilier vie familiale et vie professionnelle. Je suis ensuite devenu président de la fédération départementale du Doubs, puis de la fédération régionale de Franche-Comté, et enfin de la fédération nationale.

Premier mouvement familial de France, Familles rurales regroupe 170 000 familles dans 10 000 communes rurales. Notre réseau se compose de 2 300 associations locales regroupées en quatre-vingt-dix fédérations départementales. L’automne dernier, nous avons créé deux nouvelles fédérations départementales, à la Réunion et à Mayotte, où la demande des familles est forte.

Familles rurales est un mouvement indépendant de toute obédience politique, syndicale, professionnelle ou confessionnelle. C’est une organisation laïque. En 2013, nous avons fêté notre soixante-dixième anniversaire.

Notre mouvement accompagne les familles dans leur vie quotidienne tout en participant au développement local rural. Nous nous appuyons sur un réseau de 40 000 bénévoles et environ 13 000 salariés, ce qui représente 7 000 à 8 000 équivalents temps plein non délocalisables.

Notre objectif est de promouvoir les personnes, les familles et leur lieu de vie dans un esprit d’ouverture à tous et de rapprochement entre les générations. Notre présence au sein des communes rurales nous permet d’agir au plus près des familles pour les accompagner dans leurs missions d’éducation et d’entraide, répondre à leurs besoins à tous les âges de la vie, animer et faire reconnaître les territoires ruraux.

Familles rurales propose de nombreuses activités et services : accueil de la petite enfance, centres de loisirs, actions jeunes, parentalité, activités intergénérationnelles, défense des consommateurs, prévention, aide à la personne, animations culturelles ou sportives.

Pour Familles rurales, les actes terroristes du début de l’année et le sursaut citoyen qu’ils ont provoqué ont montré combien les valeurs qui fondent notre République méritent d’être inlassablement cultivées. Ils nous ont renforcés dans notre conviction que, pour être assimilées, la liberté, l’égalité et la fraternité ne doivent pas seulement être inculquées, mais vécues. Il importe donc de donner à chacun d’éprouver par l’expérience de la solidarité, de la participation et de l’engagement cet exercice nécessaire de la citoyenneté, d’abord et tout naturellement au sein de la sphère familiale, espace privilégié de la transmission et de l’apprentissage des règles de la vie en société, mais aussi dans les lieux éducatifs et les espaces de vie collectifs.

Les parents qui accompagnent au quotidien les enfants et les jeunes vers l’autonomie, leur transmettent les règles de vie au sein de la famille et dans l’espace public, les ouvrent aux autres, les aident à avancer en confiance vers l’avenir, connaissent cette force de l’expérience vécue.

Dans le prolongement et en complément de la mission éducative des parents, donner à chacun la possibilité de faire cette expérience au sein de nos associations, dans les actions que nous menons avec et pour les familles est, depuis soixante-dix ans, notre ambition de chaque jour.

La parentalité est très importante. On n’apprend malheureusement pas à être parents, on le devient. C’est un rôle capital pour l’avenir des futurs citoyens.

Agir ensemble, s’ouvrir aux autres, exprimer ses idées, accueillir le point de vue de chacun, respecter les différences, forger son esprit critique, participer à l’intérêt collectif, c’est enrichir et faire grandir la société dans laquelle nous vivons.

Nous tenons à vous livrer quelques pistes de réflexion, dont certaines très concrètes.

La première concerne la transmission, l’éducation. Cultiver et conforter le sentiment d’appartenance républicaine implique de travailler sur l’éducation et la transmission, et de créer pour chacun les conditions de l’engagement et de la participation au profit de l’intérêt général.

Les événements du mois de janvier dernier ont été évoqués dans les écoles et les centres de loisirs, mais, faute d’explications suffisantes, certains enfants n’ont pas compris, d’autres ont été traumatisés. Bien des parents ont pu, alors, se sentir démunis pour expliquer ce qui s’était passé, transmettre à leurs enfants les valeurs républicaines – la laïcité, la citoyenneté, l’engagement – et compléter les apports des enseignants. Nous proposons donc que tous les partenaires – l’éducation nationale, les associations, les parents, etc. –, rédigent un livret citoyen à l’intention des familles, des enseignants, des éducateurs, des animateurs, qui disposeraient ainsi d’un lexique commun pour présenter clairement les valeurs républicaines et les fondements de notre démocratie.

Nous proposons d’intégrer des séquences spécifiques sur les thèmes du vivre ensemble et de la citoyenneté dans les actions d’appui à la parentalité et de formation des animateurs, pour se préparer à transmettre et à expliquer ces notions aux enfants et aux jeunes. Cette proposition fait suite aux groupes de parole que nous organisons. Nous pourrions ainsi faire passer le message de la laïcité et des valeurs.

Nous proposons l’organisation d’un temps convivial d’accueil citoyen l’année du recensement, à l’âge de seize ans, à l’échelle de la commune ou de la communauté de communes, avec les élus et les associations, pour valoriser cette démarche.

Nous proposons la généralisation des actions de sensibilisation et de préparation des candidats à l’exercice des responsabilités locales, comme Familles rurales en organise en amont des élections municipales. Ainsi, en 2014, nous avons lancé le projet : « Municipales 2014 : S’engager ?… pourquoi pas ! » Nous pensons que nous ne devons pas tout attendre des collectivités et des pouvoirs publics. Si les choses doivent avancer, c’est parce que nous nous engageons, que nous participons.

Nous proposons de renforcer et de démultiplier toute action d’éducation aux médias, à l’image, à l’utilisation des réseaux sociaux, pour permettre à chacun, jeune et moins jeune, d’exercer en toutes circonstances son esprit critique. Sans doute n’avons-nous pas encore suffisamment pris la mesure de l’impact des réseaux sociaux sur la construction des représentations que notre jeunesse se fait de la société dans laquelle nous vivons.

La seconde piste de réflexion concerne l’engagement et la participation. Intégrer les valeurs républicaines, exercer sa citoyenneté, c’est s’engager, c’est-à-dire être solidaire, prendre la mesure de l’intérêt général, être attentif à chacun, se soucier des plus fragiles, être respectueux des générations futures. C’est aussi être responsable, prendre sa vie en main, agir individuellement et collectivement pour construire des réponses à ses propres besoins sans tout attendre des pouvoirs publics. C’est encore participer, prendre part à l’action collective, s’impliquer, aller à la rencontre des autres, écouter, réfléchir et débattre, respecter d’autres avis, s’engager dans la société, prendre part à la vie démocratique. Cela semble une évidence en milieu rural, où l’entraide de proximité, la solidarité, l’engagement au profit de l’intérêt général, viennent souvent compenser les difficultés inhérentes aux spécificités de notre milieu. Ce sont des choses qui sont donc certainement plus faciles en milieu rural qu’en milieu urbain.

Pour favoriser l’engagement et la participation, notamment en milieu rural, nous proposons de favoriser la conciliation des temps de vie et de réduire les temps contraints liés aux transports, à l’éloignement des services publics, par une politique ambitieuse d’aménagement du territoire – accès au très haut débit, développement du travail à distance, lutte contre les déserts médicaux, développement de services de proximité, développement de solutions de transports solidaires. Nous avons des bénévoles qui disposent d’un véhicule et seraient prêts à faciliter le transport de certaines personnes, mais qui ne le peuvent pas, faute de statut juridique adéquat.

Dans les structures d’accueil de la petite enfance, il faudrait adapter certaines règles au milieu rural, notamment la prestation de service unique (PSU). Vous savez que, pour financer les structures, les caisses d’allocations familiales (CAF) tiennent compte des taux de fréquentation ou des revenus moyens. Or elles attendent les mêmes taux de fréquentation en milieu rural ou en milieu urbain, alors qu’ils sont forcément très différents selon qu’on est dans une grande ville ou dans une commune rurale beaucoup moins peuplée. Dans les deux cas, la structure mérite d’exister, pour permettre de concilier vie familiale et vie professionnelle.

Nous proposons de mieux reconnaître et valoriser l’engagement bénévole. Un congé de bénévolat pourrait être créé afin de faciliter l’engagement des salariés dans des associations d’intérêt général. Dans nos associations, nous avons des jeunes parents qui voudraient s’engager au sein de Familles rurales, mais qui ne le peuvent pas, parce que cela suppose qu’ils puissent parfois se libérer une journée – pour être auditionnés par l’Assemblée nationale par exemple.

On pourrait créer un congé de responsable associatif favorisant l’exercice du mandat de dirigeant bénévole au sein de grandes associations assurant des missions d’intérêt général et permettant de retrouver son emploi à l’issue du mandat. On demande à des bénévoles d’être actifs pour être responsables de grands mouvements, mais il n’est pas évident de concilier cet engagement avec la vie professionnelle.

On pourrait rendre le compte personnel de formation éligible à des formations de dirigeant bénévole, compenser les pertes de revenus des membres assurant la représentation de leur association dans une instance officielle, valoriser sous forme d’acquisition de droits à la retraite le temps consacré à l’engagement bénévole dans la conduite d’une association reconnue d’utilité publique. La personne qui a donné beaucoup de son temps à une association, qui a participé à l’avancement du vivre ensemble pourrait avoir une petite reconnaissance en fin de parcours et voir la validation d’un ou deux trimestres, voire d’une année pour le calcul de sa retraite.

Un stage d’engagement citoyen – comparable au stage de classe de troisième de découverte de l’entreprise – pourrait être créé. Ainsi, un jeune pourrait participer pendant quatre à cinq jours à une action associative.

On pourrait soutenir, particulièrement en milieu rural, les actions de rencontres interculturelles et de mobilité, comme Familles rurales en propose concernant son projet de sécurisation des parcours de mobilité des jeunes ultramarins. Comme je l’ai dit à l’instant, nous venons de créer deux fédérations départementales, une à Mayotte et une à la Réunion. Quand un jeune arrive en métropole, soit pour se former, soit pour trouver du travail, il rencontre souvent des difficultés pour s’intégrer, car il est loin de sa famille. Pourquoi ne pas imaginer de parrainer ce jeune, sachant que Familles rurales regroupe 170 000 familles, préparer en amont son déplacement, afin de le rassurer et lui permettre de s’intégrer beaucoup plus facilement ?

Familles rurales est conscient de la situation de notre pays. Certaines de nos propositions ne nécessitent pas des financements importants, seulement une prise de conscience des élus que vous êtes et de l’ensemble des citoyens, pour faire avancer les choses.

Les familles, comme les associations, durement mises à l’épreuve ces dernières années, jouent un rôle essentiel dans la cohésion sociale. Elles méritent donc d’être plus reconnues et soutenues par des politiques ambitieuses et respectueuses de leur mission sociale. Les familles qui vivent en milieu rural sont souvent oubliées des politiques publiques, qui concentrent tous les moyens dans les zones urbaines.

M. Jean-Luc Bleunven. En tant qu’élu rural, je connais bien Familles rurales. C’est aussi un creuset de militants pour les conseils municipaux. À ce titre, je salue le travail d’éducation populaire que ce mouvement mène depuis longtemps.

On parle beaucoup des processus d’urbanisation, mais peu des processus de ruralisation. En tout cas, ils sont peu compris. Au-delà de l’aspect identitaire que peuvent éprouver certains, je me demande ce qui fait la différence entre un centre de loisirs urbain et un centre de loisirs rural. Faut-il vraiment insister sur cette différence ? L’urbain est-il vécu comme plus valorisant que le rural ? Internet ne participe-t-il pas à cette désingularisation ? Au fond, l’identification au milieu rural a-t-elle encore sa raison d’être ? La jeunesse du monde rural considère-t-elle que ce soit un élément positif ?

M. Bernard Lesterlin. Monsieur Marmier, je suis impressionné par la densité de vos propositions concrètes. Les familles rurales ont des expériences qu’il nous conviendra de valoriser et de généraliser dans un contexte de montée en charge rapide du service civique.

Il est un domaine méconnu dans lequel vous avez plus d’expérience que d’autres : l’accueil de jeunes dans des familles afin de leur permettre d’exercer des actions, de s’engager ou de suivre des formations. J’ai été très sensible à ce que vous avez dit concernant l’accueil des ultramarins, étant moi-même très impliqué dans le renforcement de la cohésion nationale entre l’outre-mer et la France hexagonale. Pour nombre de jeunes ultramarins, il est très compliqué de venir se former en métropole. La convivialité et la chaleur d’un environnement familial sont très importantes pour la réussite de leur intégration, de leur formation ou de la mission qu’ils exercent.

Faut-il créer les conditions d’une incitation à la multiplication de l’accueil de jeunes ultramarins pour qu’ils suivent des formations ou s’engagent dans des missions de service civique en zone rurale ? Pensez-vous qu’une incitation fiscale serait de nature à créer des conditions d’égalité pour les familles qui feraient l’effort d’accueillir un jeune venant d’une autre région, ultramarine ou métropolitaine, voire d’un autre pays, dans le cadre du développement de la mobilité internationale ?

M. Dominique Reynié, directeur général de la Fondation pour l’innovation politique. Vous avez dit que le recensement à l’âge de seize ans pourrait être l’occasion de faire passer une série de messages. Peut-on imaginer une formation plus structurée qui aurait lieu effectivement à cet âge-là, qui serait obligatoire et qui pourrait, sur une demi-journée ou une journée, mobiliser à la fois les associations, l’école, les collectivités locales, faisant de ce moment une vraie journée de formation à la citoyenneté ?

M. Henri Nallet, président de la Fondation Jean-Jaurès. Ma première question concerne les relations de Familles rurales avec les différentes collectivités locales. Considérez-vous que vous êtes suffisamment associé aux actions de toutes les structures ? Les conseils municipaux vous consultent-ils, par exemple, sur les maisons de retraite ? Le conseil général vous consulte-t-il quand il parle du collège de tel canton ? Pour ma part, je pense que non.

Ma seconde question concerne les réflexions de votre mouvement sur l’engagement ou le non-engagement des jeunes ruraux. Leur attitude à l’égard de l’engagement est-elle spécifique ou sont-ils comme les autres ?

M. Patrick Bloche, président. M. Lesterlin vous a décerné un bon point pour la densité de propositions concrètes, auxquelles nous sommes très sensibles.

M. Dominique Marmier. Je tiens à vous remercier pour vos réactions et me réjouis que nos propositions concrètes vous intéressent.

On considère souvent que le rural est le parent pauvre de la société. C’est vrai. Internet pourrait gommer cet effet, mais on a beau dire, à Paris, que 99 % du territoire est couvert par le haut débit, ce n’est pas la réalité dans les territoires ruraux. En la matière, nous sommes loin d’être à égalité. Une entreprise a besoin d’internet à haut débit pour pouvoir travailler, de même que les hôpitaux et les maisons de santé. Moi-même, en tant qu’agriculteur, j’en ai besoin tous les jours. En milieu rural, les jeunes qui veulent poursuivre des études ou avoir accès à la culture sont fortement pénalisés : ils n’ont pas de moyens de transport pour se rendre dans la ville la plus proche où ils peuvent avoir accès à certaines activités. De même, l’isolement des personnes âgées en milieu rural est un problème.

Quant aux personnels des structures d’accueil, s’il est bon de leur demander d’être qualifiés – car les métiers qu’ils exercent demandent une professionnalisation –, il est difficile de trouver, en milieu rural, du personnel formé et avec les diplômes requis. On voit même certaines structures qui ne peuvent pas ouvrir ou qui doivent fermer faute de personnel qualifié. Les gens ont des compétences, mais pas nécessairement le diplôme requis. S’il est facile de trouver le personnel avec les bons diplômes dans une ville de 100 000 habitants, ça l’est moins en milieu rural.

Le développement de l’apprentissage est une bonne piste et certaines entreprises sont prêtes à prendre des apprentis. Mais comment les jeunes se déplacent-ils ? Où sont-ils hébergés ? Ces problèmes très concrets constituent de vrais freins à l’apprentissage.

Je pourrais citer beaucoup d’autres exemples. Il y a donc bien une différence entre le milieu rural et le milieu urbain.

Monsieur Lesterlin, vous avez évoqué le projet de mobilité des ultramarins. Lorsqu’un jeune arrive en métropole, il va souvent là où un groupe d’ultramarins peut l’accueillir, ce qui fait qu’il ne suit pas nécessairement la formation qu’il aura choisie. S’il pouvait être accueilli sur l’ensemble du territoire, il irait vraiment là où ça l’intéresse. Il est en tout cas très difficile pour lui de s’intégrer et le taux de retour est élevé. Au moment des vacances de Noël, sa structure de formation ferme et il ne sait pas où aller. Il n’est d’ailleurs pas bien équipé pour le froid. Il téléphone à ses parents et il rentre chez lui. Mais ce n’est pas seulement le lot des ultramarins : le problème concerne tous les apprentis.

Des familles sont prêtes à accueillir des jeunes. On pourrait en effet envisager un avantage fiscal. On pourrait aussi donner la possibilité juridique aux associations de permettre l’accueil des jeunes, car souvent, avant de buter sur un problème financier, on se heurte à des problèmes juridiques.

Nous avions postulé pour le projet « La France s’engage ». Malheureusement, nous n’avons pas été retenus. Nous allons peut-être déposer à nouveau un dossier car il y a bientôt un autre appel à candidature.

Quant à la journée défense et citoyenneté (JDC), elle est souvent organisée loin du domicile et le jeune la voit comme une contrainte. Or il faut qu’il ait envie d’y aller, qu’il en comprenne les raisons. Nous proposons donc qu’elle ait lieu dans sa commune ou dans l’intercommunalité, qu’elle se déroule de manière conviviale, avec les associations, la collectivité, les élus, pour sensibiliser aux valeurs de la République, à l’engagement citoyen, à la laïcité.

Je l’ai dit, on n’apprend pas à être parents : on le devient par nécessité. De la même manière, on n’apprend pas la vie politique aux jeunes. Lors de chaque élection – et ce sera sans doute le cas les 22 et 29 mars prochains –, le taux de participation est relativement faible. Mais, quand on demande à des jeunes de dix-huit ans ce qu’ils pensent de la vie politique, on s’aperçoit qu’ils ne la connaissent pas du tout. L’école n’en a jamais parlé. Il faut les former à la vie citoyenne, les familiariser avec le fonctionnement de la démocratie, celui des collectivités territoriales, de l’Assemblée nationale, du Sénat, etc.

Notre mouvement est-il consulté par les collectivités ? Vous avez répondu par avance à la question, monsieur Nallet. En effet, nous ne sommes pas consultés. Pourtant, les familles sont souvent les premières utilisatrices de nombre de structures qui participent au développement des collectivités – maisons de santé ou structures d’accueil. Aussi serait-il nécessaire qu’elles soient impliquées dans leur gouvernance. Tout le monde y gagnerait, la collectivité et les utilisateurs. Nous sommes une force de proposition. Nous réfléchissons, nous appelons l’attention des élus et nous leur disons que nous sommes prêts à nous engager, à travailler avec eux. On voit le bénéfice que l’on tire lorsqu’on associe les associations à la réflexion et à la gouvernance des structures.

Nous avons réalisé une étude sur l’engagement des jeunes. On ne peut pas dire qu’il y a une différence notoire entre l’engagement des jeunes ruraux et celui des jeunes urbains. Les jeunes sont prêts à s’engager sur des actions ponctuelles, ciblées, sur un projet bien particulier.

M. Bernard Lesterlin. La journée défense et citoyenneté est inscrite à l’article L. 111-2 du code du service national. Vous considérez qu’elle est vécue comme une contrainte, une corvée. Par ailleurs, vous pensez qu’il serait utile de s’engager dans le circuit citoyen dès le plus jeune âge. Verriez-vous un avantage à ce que la JDC ait lieu juste à la fin de la scolarité obligatoire, c’est-à-dire à l’âge de seize ans ? Avez-vous des idées quant à son contenu ?

Nous nous demandons s’il conviendrait ou non de faire plusieurs JDC – sans bien sûr mettre en place un dispositif lourd d’hébergement : une journée très jeune, une deuxième journée un an plus tard et une troisième journée encore un an après, ces journées ayant des vocations différentes. Pensez-vous qu’il faut aménager les messages à faire passer aux jeunes ?

Votre idée d’une préparation psychologique à cette étape obligatoire dans le service national universel me paraît intéressante. Pouvez-vous nous donner des précisions ?

M. Dominique Marmier. Je le répète, les jeunes voient cette journée comme une contrainte : il faut prendre une journée et se déplacer, ce qui pose des problèmes financiers et d’hébergement. Dès lors, il est certain que le message ne passera pas, le jeune se contentant de signer la feuille de présence. Si cette journée est faite au niveau local, avec la collectivité, les associations, elle peut permettre une cohésion sociale sur le territoire à petite échelle. Le jeune verra directement le travail que fait l’association. De plus, il se retrouvera avec d’autres jeunes qu’il connaît, ce qui participera à une certaine convivialité. Dans ces conditions, nous pensons que le message peut passer beaucoup mieux.

Pensez-vous que l’engagement citoyen, les valeurs républicaines, la laïcité sont des notions qui évoquent quelque chose à un jeune de seize ans ? S’il vient en toute confiance parce qu’il connaît les acteurs, ces valeurs seront plus faciles à aborder.

M. Patrick Bloche, président. Je vous remercie pour votre esprit de synthèse, et remercie toutes celles et tous ceux qui font vivre Familles rurales.

L’audition s’achève à onze heures cinquante-cinq.

Membres présents ou excusés

Mission de réflexion sur l’engagement citoyen et l’appartenance républicaine

Réunion du 12 mars 2015 à 11 heures.

Présents. – M. Guillaume Bachelay, M. Jean-Luc Bleunven, M. Patrick Bloche, M. Jean-Louis Bricout, M. Bernard Lesterlin, M. Joaquim Pueyo, M. Didier Quentin.

Excusés. – M. Yves Blein, Mme Marianne Dubois, M. Jean-Jacques Candelier.