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Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques

Mardi 18 décembre 2012

Séance de

Compte rendu n° 12

Présidence de M. Bruno Sido, sénateur, Président

Examen de demandes d’auditions publiques sur :

- la pollution de la Méditerranée

- les greffes 2

Communication de M. Jean-Yves Le Déaut relative à l’audition publique sur les leçons à tirer de l’étude sur le maïs transgénique NK 603 3

Examen de l’étude de faisabilité par M. Denis Baupin et Mme Fabienne Keller sur les « développements technologiques liés à la voiture écologique » 8

Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques

Mardi 18 décembre 2012

Présidence de M. Bruno Sido, Sénateur, Président

La séance est ouverte à 17 heures

– Examen de demandes d’auditions publiques sur, d’une part, la pollution de la Méditerranée et, d’autre part, sur les greffes

M. Bruno Sido, sénateur, président. J’ai été saisi de deux demandes d’audition publique :

- l’une de M. Roland Courteau sur la pollution en Méditerranée ;

- et l’autre de M. Jean-Louis Touraine sur les greffes.

M. Roland Courteau, sénateur, vice-président. – M. le Président, j’ai déposé cette demande d’audition publique à la suite du rapport que j’ai présenté, le 21 juin 2011, sur « La pollution de la Méditerranée : état et perspectives à l’horizon 2030 » car les problèmes de pollution, qu’elle soit traditionnelle ou émergente, demeurent en Méditerranée ; alors qu’il ne semble pas que l’état actuel de l’Union pour la Méditerranée permette d’y remédier fortement.

Se posent, à la fois, deux questions : celle des coopérations de recherche qui doivent être organisées sur ce sujet très particulier et celle d’une réforme de la gouvernance politique de la lutte contre la pollution

L’Office a alors approuvé cette demande d’audition publique.

M. Jean-Yves Le Déaut, député, premier vice-président de l’Opecst. Lors de son audition par l’Opecst le 16 octobre dernier, Mme Prada-Bordenave, directrice générale de l’Agence de la biomédecine a sollicité la coopération des membres de l’Opecst sur la délicate question du prélèvement d’organe sur donneur décédé. Elle a préconisé l’organisation d’une audition publique, en liaison avec le congrès international qui se tiendra à Paris sur ce thème les 7, 8 et 9 février prochains. À cette occasion, les membres de l'Opecst pourraient ainsi prendre connaissance de l'information donnée par les professionnels des autres pays, dont les pratiques diffèrent, afin d'examiner les possibilités d'évolution en France.

En raison du caractère très délicat du sujet, l’Agence de la biomédecine pense qu’il faut associer la société civile à la réflexion menée par les sociétés savantes et les professionnels sur ce sujet.

Dans la mesure où les travaux du colloque international ne commencent que le 7 dans l’après-midi, la matinée pourrait être utilisée pour une audition publique au cours de laquelle interviendraient certains des participants au colloque, les responsables des diverses institutions françaises impliquées dans la greffe et les membres de l’Opecst.

Il est important que les parlementaires de l’Opecst soient associés à cette démarche, qui entre pleinement dans les compétences de l’Office. M. Jean-Louis Touraine s’est proposé pour organiser cette demi-journée d’échanges. Personnellement, j’y participerai volontiers.

L’Office a alors approuvé cette demande d’audition publique.

– Communication de M. Jean-Yves Le Déaut relative à l’audition publique sur les leçons à tirer de l’étude sur le maïs transgénique NK 603

M. Jean-Yves Le Déaut, premier vice-président de l’Opecst. Le 19 novembre 2012, l’Opecst a organisé l’audition publique des différentes parties concernées par les leçons à tirer de l’étude du professeur Gilles Séralini sur le maïs transgénique NK603.

Cette audition publique est intervenue entre :

- d’une part, l’adoption, le 7 novembre 2012, par la Commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale, de conclusions par lesquelles elle souhaiterait que des ajustements soient apportés à la réglementation européenne sur les OGM ;

- d’autre part, le dépôt par M. Jean-Paul Chanteguet, président de la Commission du développement durable, et le groupe socialiste d’une proposition de résolution relative aux OGM et aux risques sanitaires et environnementaux insuffisamment documentés.

Les positions arrêtées dans ces textes sont compatibles, pour certaines d’entre elles, avec celles qui ont été exprimées lors de l’audition publique de l’Office, et divergent pour d’autres.

Dans son allocution d’ouverture, M. Stéphane Le Foll, ministre de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt, a eu raison de déclarer que la question de la durabilité et de l’agro-écologie ne se résumaient pas aux OGM. Car les vraies questions sont celles de leur utilité, du modèle agricole choisi et de la propriété intellectuelle. Le développement des biotechnologies est en effet nécessaire pour permettre celui de l’agro-écologie. Autant les OGM de première génération correspondaient à des constructions rudimentaires susceptibles de causer des dommages environnementaux, autant on peut estimer que des constructions élaborées à l’aide de nouvelles techniques (cisgénèse, mutagénèse ou d’autres techniques de sélection) seront utiles à l’avenir, pour réduire les risques environnementaux.

En tout état de cause, il importe de parvenir à un débat fondateur sur les biotechnologies et, plus largement, sur l’agro-écologie, que la conférence de citoyens
– organisée par l’Opecst en 1998 – avait déjà engagé.

Or, pour qu’un tel débat puisse se dérouler sous les meilleurs auspices, il conviendrait au préalable d’éviter de parler des OGM comme c’est le cas des conclusions de la Commission des affaires européennes ou de la proposition de résolution du groupe socialiste. Il est en effet inapproprié de procéder à cette généralisation dans la mesure où existent autant d’OGM que d’événements de changement d’un organisme vivant d’un gène. Ainsi, comme je l’ai rappelé, la transgénèse visant à fabriquer des médicaments ou à insérer un gène dans une bactérie en milieu clos ne présente pas les mêmes problématiques que l’insertion d’un gène dans une plante génétiquement modifiée, et que la nature et la localisation du gène inséré ont une importance majeure.

C’est pourquoi les OGM devraient faire l’objet d’une autorisation au cas par cas, tandis qu’il est erroné, comme le suggère la Commission des affaires européennes, de se référer au principe de précaution qui n’a de valeur constitutionnelle que dans le domaine de l’environnement. Ainsi que l’a rappelé la quasi-totalité des intervenants, cette étude ne fait état d’aucun risque sanitaire, aucune étude n’ayant d’ailleurs montré à ce jour la dangerosité d’un OGM en particulier ni des OGM en général.

Dans ce contexte, si le principe de précaution n’a pas à s’appliquer, les expérimentations devraient pouvoir avoir lieu après autorisation du ministre de l’Agriculture.

S’agissant de la mise à niveau du cadre juridique communautaire d’évaluation des risques souhaitée par la Commission des affaires européennes, il convient d’en approuver le principe. Il est en effet anormal que, comme l’a déclaré le ministre de l’Agriculture, il soit impossible d’interdire la semence NK 603 en France, alors que notre pays importe du maïs transgénique autorisé par l’Europe. Dans le cas où un OGM importé s’avèrerait dangereux, l’Europe se devrait d’engager l’épreuve de force avec l’OMC.

En revanche, les modalités selon lesquelles la Commission des affaires européennes souhaiterait décliner cette mise à niveau du cadre juridique européen ne saurait être approuvée dans son intégralité. Trois d’entre elles sont pertinentes, deux autres plus critiquables.

L’évaluation des effets cumulés entre substances actives des OGM et des pesticides mérite d’être soutenue, allant dans le sens d’une recommandation de l’ANSES. Il convient également d’approuver une autre recommandation de l’ANSES sur le renforcement nécessaire des recherches sur les effets des expositions cumulées appelés effets « cocktail ».

Comme l’ont souhaité de nombreux intervenants, il importe effectivement d’exiger que les expertises soient collectives, transparentes et contradictoires. En effet, on peut estimer, comme le souligne Olivier Godard, professeur à l’École polytechnique, que la seule revendication auto-proclamée d’indépendance est souvent un leurre, surtout lorsqu’elle est invoquée par des structures dont on peut soupçonner qu’elles portent des idées préconçues.

L’association des agences nationales aux travaux de l’Agence européenne de sécurité alimentaire (EFSA) mérite d’être soutenue, car ce serait un moyen pour les agences d’y introduire des réformes.

En revanche, pour ce qui est de l’exigence de tests de toxicité à long terme, il convient de se référer aux codes de bonnes pratiques existant déjà, comme celui de l’OCDE. La durée des tests doit varier selon les animaux et ne pas aller jusqu’à une vie entière.

Quant à la proposition d’un renforcement du dispositif de surveillance des OGM autorisés, elle est inopportune. Car il importe de surveiller tous les produits alimentaires, qu’ils aient été produits ou non à l’aide de la transgénèse.

Il convient d’approuver l’exigence de publication des données brutes, qui a été rappelée par de nombreux intervenants. Comme je l’ai souligné, une telle exigence doit concerner aussi bien ceux qui demandent des autorisations que les scientifiques, auteurs d’études. Sur ce dernier point, Mme Dominique Parent-Massin, présidente de la société française de toxicologie, a indiqué que lorsque les agences demandaient les données brutes aux auteurs d’une étude, elles ne leur demandent pas de les publier, mais de pouvoir mener une expertise de qualité. Or, les agences ont précisément reproché au professeur Séralini de ne pas leur avoir fourni ses données brutes, ce dernier ayant allégué le refus de Monsanto de ne pas mettre les siennes à disposition. Quant aux citoyens européens, Mme Parent-Massin a indiqué qu’ils pouvaient demander à l’EFSA les données brutes d’une étude.

Comme l’a préconisé l’ANSES, des financements publics devraient être consacrés à la réalisation d’études ou de recherches visant à mieux consolider les connaissances dès que l’on découvre un risque sanitaire insuffisamment documenté. Il convient toutefois de se limiter aux seuls risques sanitaires et de ne pas étendre ces financements, comme le préconise la proposition du groupe socialiste, aux risques environnementaux.

Le moratoire sur les cultures d’OGM n’a de pertinence que si l’on continue les recherches. Or celles-ci ont été détruites, la France ayant, de ce fait, perdu sa capacité d’expertise internationale, comme j’ai déjà eu l’occasion de le déplorer dans mon rapport de 2005.

La définition de seuils d’étiquetage des ingrédients contenant moins de 0,1 % ou moins de 0,9 % des OGM doit être approuvée. Mais il convient aussi de prévoir la coexistence des cultures.

Cette étude a été critiquée par les deux agences, l’ANSES et le HCB, saisie par les ministres de l’Agriculture et de la Santé et par les agences européennes.

En ce qui concerne les experts de l’ANSES, ceux-ci considèrent que les résultats de l’étude tels que publiés aujourd’hui ne sont pas de nature à remettre en cause les conclusions des études précédentes.

Quant au HCB, il a conclu que le protocole et les outils statistiques utilisés souffrent de graves lacunes et faiblesses méthodologiques qui ne permettent absolument pas de soutenir les conclusions avancées par les auteurs. Il n’y a aucune différence statistiquement significative de la mortalité des rats dans les groupes témoins et expérimentaux

Seuls certains résultats sont sélectionnés, présentés et commentés, et de cette description parcellaire sont tirées des conclusions non justifiées, utilisées ensuite pour échafauder des hypothèses physiopathologiques non fondées.

Les déclarations des journalistes sur le traitement médiatique de la publication de cette étude et les propos de M. Cédric Villani, médaille Fields, sur les questions qu’elle soulève au regard de l’éthique scientifique, méritent d’être pleinement soutenus par l’Office, tant elles rejoignent les préoccupations que l’Office n’a cessé d’exprimer depuis sa création.

Ainsi, M. Michel Alberganti, journaliste scientifique et chroniqueur à France Culture, a-t-il déploré que le professeur Séralini et son équipe du CRIGEN aient planifié une opération médiatique qui s’est poursuivie par un livre, puis par un documentaire au cinéma et à la télévision. De fait, en l’absence de liens entre une science sereine préalablement débattue entre les pairs et la présentation de ses résultats dans les médias, les journalistes ont eu les plus grandes difficultés à expliquer les termes d’un débat qui n’est pas encore arrivé à maturité.

M. Cédric Villani a également insisté sur les dangers d’une communication prématurée de résultats sensationnels au grand public, rappelant le précédent de l’expérience du CERN sur les neutrinos ultrarapides, tout en tenant à souligner que la question des neutrinos est surtout théorique, à la différence du potentiel cancérigène des OGM qui touche à la santé publique.

Il s’est déclaré d’autant plus consterné par la déstabilisation du débat, du fait de l’implication forte des médias, que ce débat illustre la pluridisciplinarité de l’expertise et le rôle des sciences mathématiques en relation avec d’autres sciences dans des débats cruciaux pour notre société.

Il a indiqué que ses convictions de citoyen l’avaient amené, dans un premier temps, à accueillir plutôt favorablement les résultats de l’étude, mais qu’il s’est senti déçu, voire trahi, après avoir découvert les brèches graves de déontologie scientifique ouvertes par cette étude, qui ont eu trois conséquences inacceptables : un effilochage du lien de confiance entre les scientifiques et la société, une fragilisation du lien de confiance entre scientifiques eux-mêmes et le risque par effet boomerang de desservir la cause pour laquelle luttent les auteurs de l’étude.

Enfin, comme j’ai tenu à le souligner, il semble nécessaire de définir dans la loi les conditions de qualification de lanceurs d’alerte, afin de ne pas être soumis à des alertes successives et anxiogènes.

En conclusion, cette audition publique m’a renforcé dans ma conviction que, devant la très sérieuse dégradation du débat scientifique à laquelle on a assisté dans l’affaire du maïs transgénique NK 603, l’Office devra, par ses travaux, toujours et encore, s’efforcer de contribuer à l’instauration de relations de confiance entre la science et la société.

M. Denis Baupin, député : Je me réjouis que cette étude ait permis de façon assez conséquente de faire modifier certains présupposés fondant les études actuelles sur les OGM et de soulever la question des liens entre OGM et pesticides.

S’agissant de l’effet spectaculaire et médiatique de cette étude, j’entends bien tout ce qui est dit à propos des perturbations qu’elle introduit dans un débat scientifique que l’on voudrait serein. Mais on n’est pas dans un monde parfait, ni dépourvu de rapports de force, dans lequel la recherche ou la science pourraient vivre et se développer de façon impartiale et dépassionnée.

Si le professeur Séralini a choisi d’exercer une action médiatique, c’est parce que son expérience l’a amené à constater que, lorsque que ce n’était pas le cas, les tentatives pour étouffer des études non-conformes à certains intérêts financiers, parvenaient à empêcher le débat.

Qu’on puisse à l’avenir espérer que de telles actions ne soient plus nécessaires et que des débats plus sereins aient lieu, serait la meilleure voie. Mais il faut bien constater qu’entre le pot de fer des multinationales de l’agrochimie et le pot de terre représenté par quelques professeurs qui essayent de faire prévaloir d’autres visions, il existe des rapports de force extrêmement inégaux.

Certes, sur la question des rapports entre science et société, on peut avoir des réflexions analogues à celles qu’a exposées Jean-Yves Le Déaut. Mais je ne jetterais pas forcément la pierre au professeur Séralini pour avoir été au-delà de ce que la bonne société aurait souhaité et d’avoir ainsi jeté un pavé dans la mare. Parfois, il faut bousculer un peu pour se faire entendre, quitte à adopter par la suite des positions plus raisonnables.

Mme Chantal Jouanno, sénatrice : Le professeur Séralini est parvenu à médiatiser son étude. Sur le fond, il en a toutefois reconnu les limites.

Pour ce qui est des conclusions du président Jean-Yves Le Déaut sur la nécessité d’expertises transparentes pluralistes et contradictoires, elles rejoignent les principes qui ont présidé à la mise en place du HCB,, au sein duquel on a essayé d’introduire également une dimension sociétale et pas seulement technique et scientifique.

Quant aux tests à long terme, il existe une marge entre la durée de 90 jours et la vie entière de l’animal. L’un des enjeux majeurs en matière de protocole réside dans les effets à long terme des faibles doses, ce qui nécessitera de revoir les protocoles d’expérimentation. La France avait demandé que la plupart de ces recommandations soient incluses dans les lignes directrices de l’EFSA, mais elles n’ont pas été reprises.

Au-delà de l’aspect médiatique, j’approuve, pour l’essentiel, les conclusions, en particulier en ce qui concerne la nécessité de poursuivre les recherches.

Enfin, je tiens à rappeler que l’on invoque toujours l’application du principe de précaution au domaine de la santé, alors que la Constitution la limite à l’environnement.

M. Jean-Yves Le Déaut : J’ai tenté d’adopter une expression modérée. Mais, lors de l’audition publique, il est apparu que, comme l’indiquent les conclusions du HCB, seuls certains résultats sont sélectionnés, présentés et commentés. De cette description parcellaire, sont tirées des conclusions non justifiées pour échafauder des hypothèses physiopathologiques non fondées.

En outre, le fait que, malgré des résultats non fondés, ses auteurs veuillent aboutir à des conclusions, illustre leur volonté de procéder à une opération médiatique..

Quoi qu’il en soit, le professeur Séralini a pu très largement s’exprimer à l’occasion de cette audition publique, dont tout le monde s’est accordé sur son bon déroulement et sur la qualité de la présidence.

S’agissant des effets à long terme, un test d’une durée de 90 jours ou même de 30 jours, permet de détecter des effets de forte toxicité, mais non des effets discrets ou d’autres effets. Aucune raison objective ne permet d’affirmer que seules les constructions OGM pourraient avoir de tels effets. Quant aux constructions nouvelles, qu’elles soient obtenues par cisgénèse ou par transgénèse, elles aboutissent au même transfert de gènes. Celui-ci et finalement l’activation possible dans le génome de gènes dormants est la cause d’éventuels désordres. C’est pourquoi, il ne faut pas se focaliser sur un OGM mais prendre en compte les techniques qui permettent par sélection d’obtenir une variété nouvelle et donc un nouveau produit. Si jamais d’autres métabolismes sont activés, il convient alors de surveiller tous les transferts de gènes-naturels ou non, ce qui impose une surveillance à long terme.

On ne peut soutenir que des effets sanitaires ont été constatés sur les animaux ou les êtres humains qui consomment des OGM depuis plusieurs années.

M. Denis Baupin : On constate néanmoins aux États-Unis, en particulier, une augmentation de certaines pathologies comme le diabète. Je ne dis pas qu’elle est liée aux OGM. Mais il y a là des signaux et des évolutions de long terme qui conduisent à s’interroger sur les modes de vie.

M. Bruno Sido : Je remarque qu’il y a eu un remue-ménage médiatique au sein de la communauté scientifique à propos de cette étude .Il convient de rester très prudent lorsqu’un chercheur a une idée et que son but est de montrer qu’il a raison dès le départ. Or, ce n’est pas l’idée que je me fais de la recherche.

Je me permets de rappeler ce qui s’était passé dans l’ex-URSS durant les années 1920 à 1940, où les lois de Mendel avaient été jugées réactionnaires et bourgeoises, les scientifiques devant s’attacher à démontrer qu’elles étaient fausses à l’exemple de Lyssenko, jusqu’au jour où il était apparu que ce dernier s’était lourdement trompé.

Il en était résulté que l’URSS avait enregistré durant 40 ans une perte de sélection animale et végétale. Lorsqu’on est scientifique, il importe de refuser d’adhérer à des dogmes politiques.

M. Denis Baupin : J’espère que de tels propos ont été tenus à Claude Allègre, du fait de toutes les contre-vérités qu’il a proférées et du temps qu’il a fait perdre à l’humanité dans la lutte contre le changement climatique.

M. Jean-Yves Le Déaut : Denis Baupin a raison. Mais je signale que lors de l’audition publique, l’Académicien qui a soutenu Gilles Séralini est aussi celui qui a soutenu les positions de Claude Allègre sur le changement climatique.

– Examen de l’étude de faisabilité par M. Denis Baupin et Mme Fabienne Keller sur les « développements technologiques liés à la voiture écologique »

Puis l’OPECST a procédé à l’examen de l’étude de faisabilité sur « les développements technologiques liés aux voitures écologiques », sur rapport de M. Denis Baupin, député et de Mme Fabienne Keller, sénatrice.

M. Denis Baupin, rapporteur : Depuis la saisine de l’OPECST par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, nous avons souhaité élargir le thème de notre étude qui concernait les voitures écologiques, en l’étendant aux véhicules écologiques.

L’industrie automobile est en crise et fait face à des problèmes de pouvoir d’achat. Les premières auditions ont montré qu’il fallait élargir la réflexion et prendre en compte l’influence des nouvelles technologies de communication sur l’avenir des véhicules. Il faut aborder l’évolution que constitue déjà le Google Car, mais aussi les motorisations, la vitesse, les services, la manière d’utiliser le véhicule et ce qu’il en découle pour sa conception.

Le véhicule n’est que l’outil de la mobilité. Il faut donc réfléchir à la mobilité, au télétravail, aux implications du téléphone mobile, à l’utilisation du temps de déplacement et aux outils que sont les véhicules. Il convient d’observer les signaux faibles et forts, traiter de la motorisation, du véhicule électrique, des agro-carburants de deuxième et troisième générations, des véhicules au gaz du bio-méthane, de la forme des véhicules et de leur diversification en fonction des usages qu’on peut en avoir.

La forme de l’auto n’est plus un invariant ; raccourcir la taille, la largeur est important, comme le sont les questions de sécurité. A cet égard, ne faudrait-il pas généraliser les portes coulissantes par rapport aux deux roues ?

Des concept-cars ont été conçu sans passer à la phase d’industrialisation. Alors que la concurrence internationale se développe, des innovations technologiques, notamment en Chine, pourraient avoir des conséquences très importantes.

Mme Fabienne Keller, sénatrice, rapporteure : Nous sommes passés de la voiture au véhicule, car nous réfléchissons au besoin de mobilité. Nous traiterons des rapports de prix, de l’évolution de la roue, de la voiture sans conducteur, du développement des applications, de l’autonomie des véhicules électriques, de la réglementation de l’accès aux métropoles, du partage plutôt que de la possession du véhicule.

L’intervention des acteurs publics doit être replacée dans des chaînages regroupant acteurs publics et privés. Il faudra cerner les domaines dans lesquels la recherche devra être renforcée et les stratégies industrielles tirant parti des nouveaux concepts de mobilité. Nous ferons une typologie des besoins de mobilité, car l’urbain a des réponses différentes des banlieusards et de l’habitant d’une petite ville ou d’une zone rurale.

Nous serons à l’interface de la sociologie, de l’industrie lourde, de l’évolution de la société, de la place de la France dans le monde. C’est pourquoi nous envisageons des missions dans des pays émergents ainsi que dans des pays industrialisés.

M. Bruno Sido, sénateur, président de l’OPECST : La sociologie fait-elle partie de l’analyse des choix technologiques ? Le sujet que vous traitez est important. Je pense notamment aux agro-carburants : leur bilan est-il globalement positif ou négatif ? Il en est de même pour la voiture électrique, du fait des conditions de fabrication des batteries qui rendent nécessaire l’utilisation des terres rares. Qu’en est-il des méthodes de recharge des batteries ? Qu’en est-il des combustibles ? Il faudra étudier l’état de la science et de la technique et les alternatives possibles.

Mme Chantal Jouanno, sénatrice : Tout dépend de l’horizon temporel dans lequel on se place. Les feuilles de route de l’ADEME à horizon 2030 et 2050 montrent que la dimension sociologique et la relation à la propriété et à l’usage est déterminante. On aura un équilibre où l’électrique représentera un tiers des solutions. On ne peut pas séparer le véhicule écologique individuel du transport collectif, de l’organisation des autorités de transport, de la géolocalisation. Si l’on traite le sujet à court terme, le problème se pose différemment, en termes de ressources, d’impact sur le réseau électrique. Mais c’est un autre sujet.

M. Jean-Yves Le Déaut, premier vice-président de l’OPECST : les problèmes techniques sont bien abordés dans l’étude de faisabilité. L’étude peut être élargie. Le changement de titre devra être accepté par l’auteur de la saisine. Le sujet pourrait être élargi en se demandant quelles seraient demain les perspectives industrielles demain. Qu’en est-il de votre comité de pilotage ?

M. Bruno Sido : Il faudra veiller aux compétences de la la délégation à la prospective du Sénat.

Mme Anne-Yvonne Le Dain : Le mot véhicules est préférable à celui de voitures, car il ouvre de nouveaux horizons.

M. Denis Baupin, rapporteur : Il n’y a pas de difficulté pour élargir le champ de l’étude et sa thématique. L’usage n’est certes pas évoqué dans la saisine. Mais nous avons auditionné l’ADEME, et avons vu que la question de l’usage et de l’évolution du sentiment de propriété était fondamentale à l’horizon 2030. On n’a pas le même rapport au véhicule si on a la possibilité d’utiliser parfois d’autres véhicules. Le bilan global en terme de terres rares doit être fait. Il faut aussi étudier les émissions polluantes, leur impact, l’épuisement de certaines ressources. Ce sera fait dans la partie technique du rapport.

Mme Fabienne Keller, rapporteure : La sociologie est aussi une discipline académique qui peut avoir des conséquences sur le marché. Cela peut permettre d’anticiper des inflexions importantes. Les éléments scientifiques et technologiques de notre analyse seront davantage développés dans le rapport écrit.

Il y a beaucoup de débats sur les biocarburants, de même que sur l’écobilan. Nous aurons une approche de long terme, sans pour autant oublier le court terme. Il faut voir les signaux faibles pour ne pas manquer les grandes inflexions.

On pourrait imaginer une offre plus intégrée des offres de transport, en termes de mobilité, de services. Coordonner le ferroviaire, l’automobile, l’informatique permet d’aboutir au chaînage de la mobilité qui pour l’instant n’est pas bien traité au point de vue institutionnel.

Il est important de bien cerner les conséquences industrielles des évolutions envisagées. Il faudra écouter les industriels et croiser leurs réflexions avec celles de sociologues et d’urbanistes. Nous ferons aussi la synthèse des matériaux existants.

Le comité de pilotage comprend déjà MM. Syrota, Marzloff, Duthilleul, Topper et Amar, respectivement spécialiste de l’énergie et de la voiture électrique, urbaniste, architecte, représentant de l’ADEME et sociologue.

Nous comptons aller en Chine (pour y étudier l’organisation des mobilités, l’urbanisme et l’utilisation des nouvelles technologies (et éventuellement dans un autre pays asiatique), en Allemagne en Italie et à Bruxelles, ainsi que sur le terrain en France.

Nous envisageons d’organiser quatre ou cinq auditions publiques sur une journée ou une demi-journée pour mêler enjeux technologiques et visions d’avenir.

M. Denis Baupin, rapporteur : On peut se demander s’il faut intégrer les constructeurs dans le comité de pilotage. Nous les avons auditionnés, mais avons remarqué le décalage entre leurs positions et les idées des prospectivistes. Or il faudra faire confronter ces diverses réflexions. Peut-être faudrait-il contacter un représentant de la fédération des constructeurs ou un sous-traitant.

M. Bruno Sido : le comité de pilotage est important. Je m’interroge sur votre approche, car l’OPECST ne s’autosaisit pas. Vous renversez le raisonnement en partant des besoins. Or ce n’est pas très exactement la question posée. Je vais redemander à l’auteur de la saisine si l’on peut aborder le thème dans ce sens, pour être conforme au règlement de l’OPECST.

M. Jean-Yves Le Déaut : Ce serait mieux de le faire si vous voulez changer le titre. Si vous gardez le titre de la saisine, il n’y a pas de problème. Il faudrait dans votre comité de pilotage, outre M. Syrota, un spécialiste du stockage de l’électricité et un chercheur qui travaillent sur ce sujet, par exemple au CEA et au CNRS. Veillez bien aux conflits d’intérêt.

Mme Fabienne Keller, rapporteure : On a qualifié de sociologues des urbanistes. Rappelons-nous qu’au XIX° siècle, quand on développait le rail, les gens vivaient près des rails. La situation actuelle est différente, la population vit en ville. Il faut s’intéresser aux besoins de mobilité. Ce serait intéressant d’avoir dans le comité de pilotage un représentant de l’industrie automobile. Les interlocuteurs sont plus neutres au niveau d’une fédération de constructeurs. Pourriez-vous nous suggérer des spécialistes du stockage de l’énergie ?

M. Jean-Yves Le Déaut : On demandera à la structure du CEA spécialisée sur les énergies renouvelables (partie dirigée par Jean Therme), au CNRS ou à un ancien chercheur de l’industrie automobile.

M. Denis Baupin, rapporteur : On pourrait avoir un représentant soit de l’industrie, soit du CNPA (comité national des professions de l’automobile). L’électricité est une des voies, mais pas la seule. Il faut aussi s’intéresser à la montée en puissance des agro-carburants de troisième génération.

M. Bruno Sido : Vous proposez un nouveau titre : « Les nouvelles mobilités sereines et durables : concevoir des véhicules écologiques ». Je propose de poursuivre l’étude sous réserve que l’auteur de la saisine soit d’accord sur le changement de titre et la façon de traiter le sujet.

M. Jean-Yves Le Déaut : Sous réserve aussi que le comité de pilotage soit élargi.

Mme Fabienne Keller, rapporteure : Avons-nous le soutien de l’OPECST ?

MM. Bruno Sido et Jean-Yves Le Déaut : Oui.

L’OPECST a alors approuvé le rapport de faisabilité présenté par les deux rapporteurs.

*

La séance est levée à 18 h 15

Membres présents ou excusés

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Réunion du mardi 18 décembre 2012 à 17 heures

Députés

Présents. - M. Denis Baupin, Mme Anne-Yvonne Le Dain, M. Jean-Yves Le Déaut

Excusés. - Mme Anne Grommerch, M. Laurent Kalinowski, M. Alain Marty, M. Philippe Nauche, Mme Maud Olivier, Mme Dominique Orliac

Sénateurs

Présents. - Mme Delphine Bataille, M. Roland Courteau, Mme Chantal Jouanno, Mme Fabienne Keller, M. Bruno Sido

Excusés. - Mme Corinne Bouchoux, M. Marcel-Pierre Cléach, M. Marcel Deneux, Mme Virginie Klès, M. Jean-Pierre Leleux