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Office parlementaire d’évaluation
des choix scientifiques et technologiques

Examen du projet de rapport présenté par M. Jean-Yves
Le Déaut, député, et Mme Catherine Procaccia, sénateur, sur « Les enjeux économiques, environnementaux, sanitaires et éthiques des biotechnologies à la lumière des nouvelles pistes de recherche »

Mardi 28 mars 2017

Séance de 16 h 30

Compte rendu n° 89

session ordinaire de 2016-2017
Présidence
de M. Jean-Yves
Le Déaut,
député,
Président

Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques

Mardi 28 mars 2017

Présidence de M. Jean-Yves Le Déaut, député, président

La séance est ouverte à 16 h 30

– Examen du projet de rapport présenté par M. Jean-Yves Le Déaut, député, et Mme Catherine Procaccia, sénateur, sur « Les enjeux économiques, environnementaux, sanitaires et éthiques des biotechnologies à la lumière des nouvelles pistes de recherche ».

M. Bruno Sido, sénateur, premier vice-président de l’OPECST. Monsieur le Président, Chers Collègues, le rapport que vous allez nous présenter aujourd’hui avec Catherine Procaccia sera le dernier de la session parlementaire, et donc aussi le dernier de la législature pour nos collègues députés, tant il est vrai que le Sénat est une assemblée permanente. Il s’inscrit dans la lignée des précédents rapports que l’OPECST a consacrés depuis le début des années 1990 aux biotechnologies en général, et aux organismes génétiquement modifiés (OGM) en particulier.

Votre rapport me paraît frappant par son ambition. En effet, il dresse un vaste panorama de la recherche internationale en biotechnologies et passe en revue tous les domaines dans lesquels celle-ci se déploie.

Il comporte également des développements sur les enjeux juridiques des biotechnologies, et n’esquive pas, et c’est heureux, les difficultés du débat public autour des risques sanitaires et environnementaux que celles-ci peuvent poser. A cet égard, je fais entièrement confiance à nos deux rapporteurs pour nous présenter des recommandations qui soient raisonnables et équilibrées et qui prennent pleinement en compte la dimension éthique de ces pistes de recherche.

Personnellement, j’estime que ce n’est pas parce qu’une prouesse en biotechnologie peut être réalisée techniquement, qu’elle doit forcément être avalisée éthiquement. Même si certains pays ne se fixent aucune limite en la matière, je considère que c’est tout à l’honneur de la France et de l’Union européenne d’avoir des principes et de s’y tenir.

Face à certaines voies de développement de la recherche en biotechnologie qui nous paraîtraient aberrantes, nous ne devons pas transiger sur nos règles éthiques, mais au contraire plaider pour qu’elles deviennent des normes internationales.

Je n’en dirai pas plus pour laisser la parole aux deux rapporteurs.

M. Jean-Yves Le Déaut, député, président de l’OPECST. L’OPECST a été saisi le 11 février 2015, par le président de la commission du développement durable de l’Assemblée nationale, d’une « demande portant sur les enjeux économiques et environnementaux des biotechnologies », « en raison de l’intérêt d’effectuer un point sur l’état des recherches en matière de biotechnologies et d’organismes génétiquement modifiés ». Par la suite, deux demandes complémentaires ont été formulées : sur les vignes résistantes, par le président de l’Assemblée nationale à la demande du président du groupe de la Gauche démocrate et républicaine (GDR), et sur les huîtres triploïdes, par le secrétaire d’État chargé de la mer et de la pêche.

Lors de sa réunion du 3 mars 2016 approuvant l’étude de faisabilité, l’OPECST a souhaité élargir la question posée aux « Enjeux économiques, environnementaux, sanitaires et éthiques des biotechnologies à la lumière des nouvelles pistes de recherche ».

Depuis le début des années 1990, l’OPECST s’est intéressé de près aux biotechnologies, avec la transposition de la première directive européenne sur les OGM : rapport de Daniel Chevalier de 1990, rapport de Jean-Yves Le Déaut en 1998 à l’issue de la première conférence de citoyens en France, trois rapports de Jean-Yves Le Déaut de 2005 préparatoires à la loi de 2008 sur les OGM, rapport de Geneviève Fioraso de 2012 sur la biologie de synthèse, pour ne parler que des plus importants.

Les biotechnologies ont fait récemment des progrès considérables, notamment avec les technologies de modification ciblée du génome (genome editing). Parmi elles, la découverte du système dénommé « CRISPR-Cas9 », par Emmanuelle Charpentier (Française, directrice de l’Institut Max Planck d’infectiologie à Berlin) et Jennifer Doubna (chercheur à l’université de Californie à Berkeley), qui a fait l’objet en 2012 d’une publication dans la revue scientifique américaine Science, constitue une véritable rupture car il est plus simple, plus rapide et moins coûteux et fonctionne sur tout organisme vivant.

Les applications possibles sont très prometteuses en médecine humaine (biotechnologies rouges). Ces techniques révolutionnent les méthodes de sélection des plantes (et des animaux) destinées à l’alimentation, dans une « ère post-OGM » (biotechnologies vertes), et rendent possibles des procédés industriels respectueux de l’environnement (biotechnologies blanches). Les craintes sont à la hauteur des potentialités : questions éthiques sur la modification de l’espèce humaine, évaluation environnementale et sanitaire des nouvelles techniques de sélection végétale, propriété intellectuelle, biosécurité... Ces nouvelles techniques questionnent l’adéquation des règles actuelles tant au niveau national, qu’européen et international.

Nous présentons notre rapport à l’issue de quinze mois d’étude, de deux auditions publiques contradictoires et ouvertes à la presse, de plusieurs missions en France (Génopole d’Évry, centre INRA de Gruissan dans l’Aude) et à l’étranger (Royaume-Uni, Allemagne, Suisse, États-Unis, Argentine, Brésil) et auprès d’organisations européennes et internationales (Commission européenne, Autorité européenne de sécurité des aliments – EFSA, Office européen des brevets – OEB, Organisation des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation – FAO, Organisation mondiale de la santé – OMS). Soit l’audition de plus de 220 personnes : scientifiques, médecins, universitaires, ministres, parlementaires, responsables administratifs, industriels, représentants de la société civile, comités d’éthiques, ONG de patients… Nous sommes le premier parlement au monde à nous prononcer sur ce sujet.

Le rapport a étudié : (I) la recherche en biotechnologies ; (II) les applications des nouvelles biotechnologies à la médecine humaine ; (III) les applications à l’environnement, (IV) ; les applications agricoles dénommées « nouvelles techniques de sélection » ; (V) les enjeux juridiques et sécuritaires ; et (VI) l’évaluation des risques et les conditions du débat public.

I-. La recherche en biotechnologies a réalisé des avancées majeures depuis le début des années 2000

Nous sommes loin de la découverte de la double hélice d’ADN par Cricks et Watson en 1953. Les techniques de « modification ciblée du génome » (genome editing), depuis le début des années 2000, ont renouvelé les biotechnologies. Après les méganucléases, les doigts de zinc, les TALEN, la dernière génération, avec CRISPR-Cas9 et CRISPR-Cpf1, représente une véritable rupture technologique comme on en connaît peu par décennie, par siècle. Les applications opérationnelles recourent encore majoritairement à la technique TALEN, mais sans doute plus pour longtemps. Avec CRISPR-Cas9, le nombre de publications scientifiques a augmenté exponentiellement, les laboratoires du monde entier s’en sont emparés. Fruit de la recherche fondamentale, à partir du mécanisme de défense des bactéries contre les phages, CRISPR-Cas9 associe un ciseau moléculaire à un guide ARN qui permet des modifications précises au gène près.

Les nouvelles biotechnologies ne se limitent pas aux techniques de modification ciblée du génome. La Commission européenne a recensé sept autres techniques : mutagenèse dirigée par oligonucléotides (ODM), modulation de l’expression des gènes par RdDM, agro-infiltration, greffe végétale, cisgenèse/intragenèse, ségrégants négatifs et génomique synthétique. Ces techniques sont radicalement différentes et beaucoup plus précises que celles de la transgenèse classique, qui sert notamment à fabriquer les plantes « OGM », et de la mutagenèse par radiation ou chimique, utilisée depuis des décennies. D’autres ruptures technologiques ont eu lieu (réaction de polymérisation en chaîne – PCR et protéine fluorescente verte – GFP), ou sont en train d’apparaître (optogénétique, CRISPR-Cpf1…).

La France possède une longue tradition d’excellence en matière de recherche en biotechnologies. Le rejet des OGM végétales depuis deux décennies a démobilisé les équipes et les laboratoires, la recherche française pointe maintenant en sixième position derrière les États-Unis, la Chine, l’Allemagne, le Japon et le Royaume-Uni en nombre de publications avec un très fort impact. Notre pays semble décrocher du peloton de tête. Le CNRS, l’INSERM et l’Institut Pasteur sont de loin les organismes français qui publient le plus sur CRISPR-Cas9.

Si plusieurs chercheurs ayant contribué à l’invention de CRISPR-Cas9 proviennent de l’Institut Pasteur, une nouvelle fois la recherche appliquée nous échappe et se concentre aux États-Unis sur les côtes Est (Boston) et Ouest (Californie). « La France a perdu sa capacité d’expertise internationale en biotechnologies », comme l’indique l’Organisation de l’agriculture et de l’alimentation (FAO). Quelques pôles d’excellence, par exemple le Génopole d’Evry, tentent de résister.

Nous nous prononçons contre un moratoire des recherches sur les techniques de modification ciblée du génome. Nous demandons que la stratégie nationale de recherche (SNR) consacre une plus grande priorité aux biotechnologies.

II-. L’espoir des biotechnologies appliquées à la médecine humaine

Mme Catherine Procaccia, sénateur, vice-présidente de l’OPECST. De nombreuses maladies ont des causes génétiques. « Réparer » le génome constitue un espoir et une piste thérapeutique prometteuse. Les premières recherches sur le génome humain à but thérapeutique ont débuté à la fin des années 1990. Après la démocratisation du séquençage du génome, après vingt ans de thérapies géniques, après les techniques des doigts de zinc et des TALEN, CRISPR-Cas9 fait naître de grands espoirs pour soigner non seulement des maladies génétiques, mais aussi le cancer, le sida et d’autres maladies très répandues comme la drépanocytose, Alzheimer, Parkinson, le diabète, l’obésité….

Quelque 80 % des 7 000 maladies rares, ont une origine génétique et même monogénique. Trois millions de personnes sont concernées en France et 30 millions à l’échelle européenne. Le diagnostic préimplantatoire (DPI) permet d’éviter certaines maladies mais pas toutes, il ne résout pas tous les cas et il ne les corrige pas.

La baisse significative du coût des recherches aves CRISPR a permis la multiplication des projets à travers le monde. Les premiers essais cliniques sur certains des patients sont attendus aux États-Unis en 2017 (cancer et amaurose congénitale de Leber). En Chine, des essais cliniques auraient été effectués en 2016 pour le cancer. Une petite fille d’un an et demi, Layla, atteinte de leucémie aiguë lymphoblastique incurable, a été traitée à titre « compassionnel » et guérie, au Royaume-Uni en 2016, grâce à la technique des TALEN mise au point par la société française Cellectis. L’OMS n’a malheureusement pas mesuré l’enjeu de ces technologies et n’a pas réactivé son programme de génomique humaine, dormant depuis plus de dix ans.

Ces modifications du génome peuvent provoquer des imprécisions dues à des effets hors cible, c’est-à-dire des coupures à d’autres endroits du génome. Ils ne peuvent être tolérés lorsqu’il s’agit de l’homme. Tous les scientifiques interrogés ont répondu que ces effets hors cible avaient déjà considérablement baissé et n’étaient maintenant pas plus nombreux que les variations qui surviennent naturellement au quotidien dans un organisme vivant, ne serait-ce que par l’effet du soleil. C’est plutôt le transfert du gène modifié dans la cellule, ou l’inoculation par un vecteur qui, pour l’instant, s’avère complexe.

Ces technologies posent cependant des questions éthiques et doivent conduire les États à s’interroger sur les règles. Il faut distinguer les interventions sur les cellules somatiques, qui ne concernent que le patient que l’on traite, de celles sur les cellules germinales, qui sont transmissibles à la descendance. L’article 13 de la convention d’Oviedo interdit de modifier le génome de la descendance, mais peu de pays au monde l’ont signée même si beaucoup l’appliquent. L’INSERM, l’Académie de médecine française, les académies américaines…, toutes les instances compétentes émettent des avis avec une grande convergence : il faut continuer les travaux de recherche, mais ne pas toucher à la lignée germinale humaine dans les traitements cliniques. De rares oppositions se manifestent, comme l’association Alliance Vita en France qui demande un moratoire, y compris sur les recherches fondamentales.

Les législations nationales de bioéthique sont très diverses, plutôt restrictives en Europe, notamment en Allemagne – à l’exception notable du Royaume-Uni –, plutôt permissives aux États-Unis et surtout en Chine, où l’application effective du droit en vigueur pose problème. Les États-Unis se prononcent pour une autorégulation dans le cadre d’une recherche responsable.

Le Royaume-Uni a autorisé, en 2015, le transfert mitochondrial, une réparation génétique sur un élément périphérique de la cellule humaine et faisant intervenir un tiers donneur. Les premiers essais cliniques ont eu lieu au Mexique et en Ukraine. La réparation entraîne une modification héréditaire, mais le futur enfant aura toutes les caractéristiques génétiques de son père et de sa mère, puisque l’ADN mitochondrial représente moins de 1 % de la quantité totale d’ADN.

Nous estimons qu’il faut continuer les recherches, qu’un moratoire n’est ni souhaitable, ni possible. Il n’est cependant pas acceptable de modifier la lignée germinale humaine pour l’améliorer ou l’« augmenter », selon les thèses transhumanistes. Beaucoup de chercheurs pensent que, lorsque ces technologies seront sûres, il sera difficile d’interdire des modifications héréditaires du génome humain, au cas par cas, afin de soigner une maladie grave ou incurable. Cette décision devra être prise après une nécessaire concertation élargie avec la société civile. OMS et UNESCO devraient s’entourer d’un comité permanent d’experts sur le modèle du groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), qui aurait pour mission d’évaluer le degré de maturité des nouvelles thérapies géniques, d’en apprécier les enjeux sanitaires et éthiques et de proposer des lignes directrices. En France, les règles de sécurité et d’éthique sont suffisantes, il n’est pas nécessaire de créer des règles spécifiques pour évaluer ces techniques de modification ciblée du génome humain. Le réexamen de la loi de bioéthique prévu en 2018 doit être l’occasion de poser la question du transfert mitochondrial.

III-. Les biotechnologies appliquées à la lutte biologique et au développement durable

Cette partie traite des techniques de modification des insectes porteurs de maladies à transmission vectorielle, afin de lutter contre les maladies qu’ils transmettent à l’homme et particulièrement de la nouvelle biotechnologie du « forçage génétique » ou gene drive qui modifie une espèce vivante, mais aussi des biotechnologies industrielles et environnementales  et de l’impact des nouvelles techniques de sélection végétale sur la biodiversité.

Les maladies à transmission vectorielle (notamment par les insectes) sont responsables de plus de 17 % des maladies infectieuses, elles provoquent plus d’un million de décès chaque année (dengue, paludisme, mais aussi, trypanosomiase humaine africaine, leishmaniose, maladie de Chagas, fièvre jaune, virus Zika…). Les enjeux sont considérables.

L’OMS considère que les biotechnologies, incluant celle du forçage génétique, pourraient être un instrument supplémentaire utile et complémentaire des moyens traditionnels qu’elle préconise (insecticides, répulsifs, vêtements protecteurs, moustiquaires imprégnées…).

Le forçage génétique est une biotechnologie rendue possible avec CRISPR-Cas9, qui devrait être rapidement opérationnelle. Elle permet de passer outre les lois de l’hérédité de Mendel en propageant une modification génétique au fil des générations à 99 % de la population. Il est possible soit de modifier le gène de l’insecte pour le rendre résistant au virus qu’il transporte et l’empêcher de transmettre la maladie aux hommes, soit d’éteindre l’espèce purement et simplement. Cette dernière possibilité pose un problème d’éthique et environnemental car on ne mesure pas les incidences sur la chaîne écologique.

D’autres méthodes de modification des moustiques existent et font l’objet d’expérimentations au Brésil, au Vietnam, en Chine…, peut-être bientôt en Floride :

– le contrôle de la population de moustiques avec la technique de la société d’origine britannique Oxitec consistant à rendre les mâles stériles en l’absence d’un antibiotique et à procéder à des lâchers successifs de moustiques ;

– et un projet de biocontrôle avec des moustiques non modifiés génétiquement chez lesquels est introduite une bactérie wolbachia pour accroître leur résistance aux virus (dengue, Zika).

Le forçage génétique présente une efficacité puissance dix car la modification de l’espèce se maintient toute seule dans le temps et s’amplifie dans l’espace. Il n’est plus nécessaire de procéder à des lâchers successifs de moustiques. La question de l’effondrement de la biodiversité se pose bien sûr, mais tous les experts s’accordent à dire que l'agriculture hautement productive, le recours aux pesticides et engrais chimiques ont eu plus d’incidences sur la transformation globale du monde vivant que n’en auront les techniques de modifications ciblées de gènes de certains vecteurs.

Nous nous prononçons donc pour la continuation des travaux et expériences de modifications génétiques de moustiques, en prenant en compte la balance entre les risques éventuels pour l’environnement et les bénéfices en termes de lutte contre des maladies humaines occasionnant des centaines de milliers de morts chaque année. Par contre, nous demandons l’instauration d’un mécanisme de réversibilité en cas d’effet non désiré et nous nous opposons à tout projet d’extinction d’une espèce vivante. Enfin un dialogue entre les pays du nord, détenteurs des technologies, et du sud, qui subissent les maladies, doit être organisé dans le cadre de l’OMS.

L’étude a tenté de mesurer l’impact des nouvelles techniques de sélection végétale sur la biodiversité.

Les associations écologistes affirment que les OGM portent atteinte à la biodiversité (déclin des populations auxiliaires – coccinelles, abeilles –, contamination des cultures voisines ou des espèces sauvages par transfert de gènes, pollution des sols ou encore augmentation de la monoculture) et tentent d’assimiler les nouvelles biotechnologies aux OGM, sans aucune distinction.

Par contre, les nombreux experts scientifiques consultés et les académies recommandent d’envisager ces nouvelles techniques au cas par cas, et de comprendre exactement l’impact d’un caractère génétique nouveau sur l’environnement. Celui-ci doit se concevoir comme un ensemble dynamique dans lequel toute activité humaine a un impact ; les nouvelles techniques d’obtention végétale augmentent le nombre de caractères d’intérêt pour l’agriculture, sans compter leurs implications positives d’un point de vue économique et pour la biodiversité des variétés cultivées, car elles ciblent plus précisément l’insecte ravageur, alors que plusieurs insecticides tuent tous les insectes sans discrimination.

Les conclusions des académiciens français rejoignent celles des académies américaines des sciences et de médecine dans le rapport « La modification ciblée du génome humain : science, éthique et gouvernance » de février 2017 : les plantes génétiquement modifiées ne portent pas atteinte à la biodiversité, bien au contraire, car elles limitent l’usage de pesticides dont certains sont susceptibles de détruire tous les insectes sans distinction ni sélectivité.

Les biotechnologies blanches consistent à remplacer les composants chimiques polluants issus de la chimie traditionnelle par des produits durables. Cette nouvelle filière industrielle pourrait transformer radicalement les industries. Elle constitue un enjeu économique et environnemental important. De multiples jeunes pousses (start-up) sont créées à cette fin, qui travaillent par exemple sur les mécanismes de captation de CO2. Si l’Allemagne est très en pointe sur ces technologies, le Toulouse White Biotechnology et le Genopole d’Évry constituent deux centres d’excellence en France.

Nous demandons le soutien des recherches françaises sur les biotechnologies blanches par le programme d’investissements d’avenir PIA3 et la stratégie nationale de recherche (SNR).

IV-. Les biotechnologies appliquées à l’agriculture, l’ère post-OGM

M. Jean-Yves Le Déaut. Les techniques de modification ciblée du génome pourraient avoir des applications révolutionnaires dans l’agriculture. Comme on l’a vu, elles consistent à introduire des modifications génétiques très précises qui permettent d’accélérer la vitesse de sélection. Elles représentent une rupture fondamentale par rapport aux « anciens » OGM, dans la mesure où elles pourraient se produire naturellement et sont d’ailleurs quasi-indétectables. Elles s’inscrivent dans le droit fil de l’histoire de l’agriculture, avec 10 000 ans de sélection végétale. Les traits recherchés ne concernent plus seulement la résistance au glyphosate (Roundup) ou l’amélioration de la productivité, comme pour les OGM actuels développés par les multinationales, ils peuvent améliorer la qualité nutritionnelle des aliments (acide gras de type oméga-3), procurer une résistance accrue aux pestes et aux ravageurs, au stress hydrique, au réchauffement climatique ou à la salinité des terres, allonger la durée de conservation « sur étagère » (champignon qui ne brunit pas)… Les plantes modifiées permettent en particulier de diminuer, voire de supprimer, l’utilisation de produits phytosanitaires potentiellement toxiques.

Des espèces végétales créées avec la modification ciblée du génome (TALEN) sont déjà autorisées sur le continent américain. Partout dans le monde – sauf en Europe ? – les projets se multiplient de façon exponentielle avec le système CRISPR-Cas9. Les projets d’animaux modifiés voient également le jour : cochons résistants aux bactéries pathogènes, vaches sans cornes (diminution de la souffrance animale), vaches au lait anallergique et maternisé. Le premier saumon génétiquement modifié, qui grandit deux fois plus vite, a été commercialisé aux États-Unis et au Canada en 2016. Certaines de ces techniques devraient être régulées, voire interdites, d’autres favorisées.

L’histoire des OGM en France et en Europe est l’histoire de renoncements successifs qui ont conduit à un blocage généralisé, alors qu’ils se développent dans les autres parties du monde. Les premiers essais aux champs de plantes transgéniques ont été réalisés en 1983 aux États-Unis, en 1986 en France. La première directive européenne sur les OGM date de 1990. En 1995, la France accorde la première autorisation de maïs transgénique résistant à la pyrale et tolérant aux herbicides. Mais dès 1996, les premières polémiques arrivent jusqu’au sommet de l’État et, depuis 1997, les gouvernements successifs interdisent les cultures OGM en plein champ (au mépris des autorisations européennes), alors que sont autorisées les importations et la consommation des mêmes plantes OGM… Pendant vingt ans, cette polémique prendra des proportions considérables avec deux camps irréconciliables, sur fond de « faucheurs volontaires » qui saccagent en une nuit des années de recherche. Alors qu’à la fin des années 1990, on comptait plus de 800 essais de culture d’OGM en France, le dernier essai en plein champ s’est terminé en 2013 avec l’arrêt par l’INRA de ses cultures de peupliers près d’Orléans. Lors du Grenelle de l’environnement de 2007, un accord tacite entre le Gouvernement et plusieurs associations prévoit que la question du nucléaire ne sera pas abordée en contrepartie de l’invocation de la clause de sauvegarde contre le maïs Mon810… Nous avons voté, en 2008, une loi « relative aux OGM » qui ne sert à rien. En 2012, l’« affaire Séralini » a vu un scientifique publier un article concluant à la toxicité d’un maïs OGM sur des rats, puis retiré par l’éditeur, fait rarissime, pour insuffisance de puissance statistique et choix d’une souche de rats présentant des tumeurs de façon spontanée. Malgré un désaveu scientifique général, la presse et l’opinion publique en restent durablement marqués.

Les nouvelles techniques de sélection végétale ne sont pas opposées mais complémentaires des méthodes d’agroécologie telles que préconisées par le Gouvernement dans le rapport « Agriculture – Innovation 2025 » de novembre 2015, et par la FAO, lors de deux symposiums internationaux organisés en 2014 et 2016. On aurait pu penser que ces nouvelles biotechnologies allaient surmonter les polémiques sur les OGM. Ces techniques offrent une occasion de s’affranchir des technologies des grandes entreprises multinationales, qui sont orientées vers des rendements toujours plus élevés sans rechercher de mode de production durable. L’un des défenseurs européens de l’agriculture biologique, M. Urs Niggli, directeur de l’Institut suisse de recherche sur l’agriculture biologique (FIBL), estime que les nouvelles biotechnologies ont un « grand potentiel » pour les sélectionneurs et les agriculteurs bio. M. Michel Griffon, lors de l’audition publique de l’OPECST, estimait que les « nouvelles biotechnologies végétales offrent des opportunités très intéressantes pour consolider une agriculture ancrée dans une vision écologique de la production végétale. » Les nouvelles techniques de sélection végétale peuvent être appropriées par les pays du Nord comme du Sud, par les multinationales comme par les structures de plus petite taille.

Les OGM sont définis juridiquement au niveau européen dans la directive n° 2001/18 : « organisme dont le matériel génétique a été modifié d'une manière qui ne s'effectue pas naturellement ». En sont exclues les techniques de mutagenèse par irradiation ou exposition chimique, utilisées sans problème depuis des dizaines d’années et non soumises aux obligations d’évaluation, de surveillance et d’étiquetage. Or la Commission européenne ne cesse de reporter, depuis dix ans, la qualification juridique des nouvelles techniques de sélection végétale. Après un avis demandé à un groupe de travail en 2011, un nouvel avis est maintenant demandé au groupe d’experts « SAM » auprès du président de la Commission européenne et, dernièrement, un nouveau délai a été créé par le renvoi préjudiciel du Conseil d’État français devant la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), dont la décision est attendue en... 2018. Les États membres également se « repassent la patate chaude » : depuis vingt ans, ils ne prennent pas leurs responsabilités dans les comités d’experts, laissant la Commission européenne seule décider au nom des vingt-huit, et bloquant ainsi le fonctionnement du processus d’autorisation des OGM. L’Agence européenne de sécurité alimentaire (EFSA), qui coordonne les évaluations relatives aux OGM, a reçu mandat de la Commission européenne de suspendre l’évaluation des nouveaux procédés de sélection des plantes. Cette agence a même renforcé ses protocoles d’évaluation à la suite des publications de M. Séralini, dont on a dit la faiblesse scientifique. Dernière reculade, en mars 2015, la modification de la directive européenne n° 2001/18 permet maintenant à chaque État membre d’interdire, pour des raisons autres que sanitaires ou environnementales, la culture sur son territoire national d’une plante génétiquement modifiée qui aurait pourtant reçu une autorisation au niveau européen. Résultat : les cultures OGM en Europe sont marginales, alors que l’alimentation animale est dépendante des importations de soja génétiquement modifié...

Les biotechnologies vertes constituent une filière économique importante au niveau mondial. Les États-Unis, le Brésil et l’Argentine en profitent largement. Le refus européen des OGM végétaux a conduit les entreprises et les chercheurs à se délocaliser sur d’autres continents, notamment américain : c’est le cas pour la coopérative française Limagrain, mais aussi pour les sociétés allemandes Bayer et BASF. L’INRA, un temps leader des plantes génétiquement modifiées, n’a plus qu’un seul projet relatif au génie génétique, Genius, sans possibilité de faire des essais en plein champ. Or, les nouvelles techniques de sélection végétale, avec la baisse de leur coût, constituent une occasion pour l’Europe de se réapproprier cette filière.

Cent prix Nobel ont publié, en juin 2016, une déclaration à l’adresse de Greenpeace, des organisations internationales et des gouvernements du monde entier pour un plus grand usage des techniques modernes de sélection végétale. Pour eux, ne pas le faire constituerait un « crime contre l’humanité ». Les projections de la FAO suggèrent qu’en 2050, la production agricole devrait augmenter de 60 % globalement pour répondre aux demandes alimentaires d’une population accrue de 2 milliards de personnes. Pourtant, la FAO semble paralysée par les dissensions entre ses membres et a jusqu’à ce jour échoué à lancer un plan d’action pour utiliser le potentiel des biotechnologies vertes pour relever ces défis.

L’évaluation sanitaire et environnementale des OGM a été réalisée en 2016 par l’Académie des sciences américaine. Une méta-analyse portant sur les publications relatives aux OGM depuis vingt ans montre qu’il n'y a jamais eu un seul cas confirmé d'un résultat négatif sur la santé pour les humains ou les animaux dû à leur consommation. Ni d’ailleurs de conséquence négative sur l’environnement ou la biodiversité. Les résistances des mauvaises herbes et des ravageurs par contre sont avérées, mais il s’agit d’une lutte perpétuelle aussi ancienne que la vie et les mauvaises pratiques agricoles en sont sans doute la cause principale.

Nous soutenons le développement des nouvelles techniques de sélection végétale, qui se fera de toute façon en dehors de l’Europe. Nous estimons qu’elles ne sont pas des OGM au sens de la directive européenne n° 2001/18. Nous proposons dans un tableau une classification de ces nouvelles biotechnologies au regard de la règlementation. Il serait aberrant que des techniques plus précises que les mutations spontanées ou que celles utilisant des technologies aléatoires de la mutagenèse (exemptées de procédure lourde d’évaluation par l’EFSA) soient soumises à des procédures d’évaluation identiques à celles de la transgenèse. Il faut adapter les évaluations aux risques encourus.

Nous avons étudié deux cas spécifiques : les vignes résistantes et les huîtres triploïdes.

L’INRA a développé depuis trente ans, par sélection végétale classique, des variétés de vignes résistantes aux champignons oïdium et mildiou et conservant leurs qualités œnologiques. Ces variétés permettraient de réduire fortement l’utilisation des fongicides, notamment le sulfate de cuivre, dont la toxicité est réelle. Nous nous prononçons pour un classement rapide des nouveaux cépages dans le catalogue officiel, afin de procéder à leur exploitation commerciale. Nous estimons que l’utilisation des techniques de modification ciblée du génome permettrait d’étendre les traits de résistance aux autres cépages, comme ceux utilisés dans le champagne ou le cognac, sans attendre vingt années de sélection classique.

L’IFREMER a développé et permis la mise en culture d’huîtres triploïdes, résultats d’une modification génétique obtenue par sélection classique. Les critiques relatives à la surmortalité subie par ces huîtres ou à leur caractère invasif n’ont jamais été démontrées scientifiquement. Nous nous prononçons pour la poursuite des recherches et le renforcement de la biovigilance des huîtres. Nous estimons que la coexistence des différentes façons de cultiver des huîtres, écloserie-nurserie et ostréiculture traditionnelle, n’est pas menacée par les huîtres triploïdes. Nous souhaitons le développement des biotechnologies dans le secteur de l’ostréiculture, afin de mieux connaître la biologie des huîtres et pouvoir faire face aux risques que constituent les virus, les changements climatiques ou les pollutions marines.

V-. Les enjeux juridiques et sécuritaires

Mme Catherine Procaccia. La propriété intellectuelle de ces biotechnologies constitue un enjeu économique important. Les brevets détenus par les grandes multinationales en agriculture génèrent d’énormes enjeux financiers. S’agissant de CRISPR-Cas9, dont les applications sont multiples dans les domaines de la santé, du végétal ou de l’environnemental, l’enjeu est particulièrement important.

Deux camps se disputent la propriété intellectuelle initiale de CRISPR-Cas9, d’un côté Emmanuelle Charpentier (en son nom propre) et Jennifer Doudna (UC Berkeley), et de l’autre Feng Zhang (Broad Institute à Boston). Le différend est parti pour durer des années, malgré la reconnaissance des droits de Feng Zhang en première instance par l’Office américain des brevets en février 2017. Il ne devrait cependant pas gêner les activités de recherche. Sans oublier, en toile de fond, l’attribution potentielle du prix Nobel à l’un ou plusieurs d’entre eux.

On constate depuis 2012 un accroissement important des demandes de dépôts de brevets pour la propriété intellectuelle des applications de CRISPR-Cas9 et des autres biotechnologies, principalement aux États-Unis et en Chine, l’Europe et les autres pays restant loin derrière.

En Europe, la jurisprudence des chambres de recours de l’Office européen des brevets (OEB) montre une interprétation restrictive de la brevetabilité des éléments du corps humain et des séquences de gènes humains.

Quant aux nouvelles plantes, le droit européen connaît deux systèmes : le brevet et le certificat d’obtention végétale (COV). Les deux systèmes sont complémentaires : l’un des systèmes de protection englobe ce qui n’est pas protégeable par l’autre.

De fait, seules les plantes « autogames » (soja, blé..) permettent aux producteurs de conserver les semences d’une année à l’autre. Pour les plantes « hybrides » (maïs, coton, tournesol…), cela n’est pas pratiqué car cela entraînerait une baisse de rendement et une perte de recettes supérieure au coût de rachat de nouvelles semences. La technologie de stérilisation des semences, dénommée gène « Terminator » par les médias, qui empêche de replanter, est restée dans les laboratoires Monsanto, détenteurs des brevets, s’étant engagés en 1999 à ne pas la commercialiser.

Nous refusons la brevetabilité des gènes. Nous souhaitons donc que l’Union européenne et les États membres soutiennent davantage en matière de sélection végétale un système d’innovation ouvert, adossé au certificat d’obtention végétale (COV). C’est le seul système qui favorise la recherche et valorise les ressources génétiques. Il faut trouver un juste milieu entre un système très contraignant de domination de grosses firmes agro-chimiques et un système alliant producteurs, État et industrie semencière, qui contrôle la propriété intellectuelle et soutient la recherche.

Nous sommes persuadés que le développement et la facilité d’accès de la technique CRISPR-Cas9 devraient permettre à des petites structures de développer des semences qui, jusqu’à présent, en raison de leur coût, restaient le monopole des grosses firmes agrochimiques, avec des redevances souvent excessives.

La biosécurité recouvre deux réalités : la sécurité au sein même des laboratoires, avec les questions de confinement et de manipulations involontaires, et le bioterrorisme.

S’agissant du premier point, nous estimons qu’en France, comme dans les autres pays européens et occidentaux, les règles relatives aux laboratoires de recherche sont suffisamment sûres et que l’arrivée de CRISPR-Cas9 ne justifie pas un renforcement des règles de sécurité.

Par contre, la simplicité et le faible coût de la technique laissent craindre le développement de ce que l’on peut appeler la « biologie de garage ». En outre, les utilisations potentiellement malveillantes des biotechnologies, comme la création d’un virus ou d’une bactérie mutants, ou à la modification d’un moustique par forçage génétique deviennent possible. Aux États-Unis, en 2016, la CIA a classé CRISPR comme une « arme de destruction massive », compte tenu du risque de bioterrorisme accru. Conscient de ces menaces, le Gouvernement français a créé en 2015 le Conseil national consultatif pour la biosécurité (CNCB).

La biosécurité des nouvelles biotechnologies constitue effectivement une menace qui doit être appréhendée aux niveaux européen et international. Nous préconisons un renforcement de la coordination des travaux de recherche civile et militaire, avec des moyens accrus sous le contrôle des parlementaires de l’OPECST et des commissions de la défense des deux assemblées.

VI-. L’évaluation des risques et le débat public

En France, depuis la loi du 25 juin 2008 relative aux OGM, c’est le Haut Conseil des biotechnologies (HCB) qui évalue les risques sanitaires et environnementaux liés à la culture d’OGM. Les risques liés aux aliments contenant des OGM sont examinés par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation (ANSES). Ces deux organismes interviennent dans le cadre de la législation européenne, avec des décisions prises par la Commission européenne après expertise de l’Agence européenne de sécurité des aliments (EFSA).

L’ANSES dispose de moyens d’analyse avec notamment le site d’Angers, désigné laboratoire national de référence pour la détection des OGM. Elle fonctionne de façon satisfaisante.

Ce n’est pas le cas du HCB, constitué de deux comités. Le comité scientifique (CS), composé de 40 experts, reconnus pour leurs compétences scientifiques (génétique, biologie moléculaire, microbiologie, protection de la santé humaine et animale, agronomie, sciences appliquées à l’environnement, éco-toxicologie…), évalue les risques des biotechnologies pour l’environnement et la santé publique. Le comité économique, éthique et social (CEES) est composé de 33 membres parmi lesquels des élus et des représentants d’organisations professionnelles, de salariés, d’associations de protection de l’environnement, d’associations de défense des consommateurs et des personnalités qualifiées. Instance de débat, le CEES se prononce sur les aspects économiques, sociaux et éthiques des biotechnologies et de leurs applications. Il s’appuie pour ses travaux sur des grilles d’analyse des différents types de dossiers qu’il est amené à instruire. La loi de 2008 dispose que le CS rend des avis alors que le CEES émet des recommandations.

Or le HCB connaît une crise d’identité à répétition. Déjà en 2012, la démission du CEES de plusieurs organisations pro-OGM, avait paralysé l’institution pendant plusieurs années. Début 2016, de nouveau, plusieurs organisations anti-OGM ont suspendu leur participation au HCB. La cause en est le dépôt d’un avis du HCB sur les nouvelles techniques de sélection végétale (NTB), avec le refus du CS de publier l’opinion dissidente d’un de ses membres, M. Yves Bertheau, chercheur à l’INRA, reçue hors délai.

Nous pensons qu’une meilleure coordination des rôles assignés en France au HCB et à l’ANSES pourrait améliorer l’efficacité du dispositif. Il n’est pas souhaitable de laisser perdurer ces querelles qui nuisent à la crédibilité de cette filière. Nous recommandons le transfert de toutes les missions confiées aujourd’hui au CS du HCB à l’ANSES, agence qui dispose d’une expertise reconnue en termes d’évaluation des risques et qui, de surcroît, bénéficie de l’appui technique d’une administration. Le HCB sera constitué d’un collège unique reprenant les compétences de l’actuel CEES, notamment en organisant le débat entre tous les acteurs, en faisant un état de l’évaluation sanitaire et environnementale, y compris en analysant les retours d’expérience en France et dans l’Union européenne, en évaluant les données sur la biovigilance et en proposant des évolutions éventuelles de l’encadrement réglementaire.

L’arrivée des nouvelles biotechnologies, avec les enjeux qui ont été précédemment décrits, nécessite un large débat public. Force est de constater les difficultés du débat public en France sur ce sujet, comme sur d’autre domaines technologiques que sont le nucléaire, le gaz de schiste ou les nanotechnologies. Avant même d’entamer le débat sur les nouvelles biotechnologies, les opposants historiques aux OGM parlent d’« OGM cachés », alors qu’il s’agit de techniques très différentes. L’utilisation des biotechnologies, anciennes et nouvelles, appliquées à la médecine humaine ne suscite pas les mêmes oppositions que pour les applications agricoles, alors qu’il s’agit des mêmes technologies. Avant les premières applications de CRISPR-Cas9, 8 médicaments nouveaux sur 10 sont déjà issus de procédés biotechnologiques : ils sauvent de nombreuses vies humaines ; ils constituent des avancées majeures pour lutter contre des maladies chroniques graves ou invalidantes telles que certains cancers, les déséquilibres thyroïdiens, les insuffisances rénales, l’hématologie ou encore le diabète.

Nous estimons qu’il faut engager dès maintenant le débat public sur les nouvelles biotechnologies, même si elles sont encore à un stade expérimental, faute de quoi il risquerait d’être confisqué par leurs opposants systématiques. Nos concitoyens ont droit à une information complète, ils doivent pouvoir être entendus et contribuer au débat, avant que les décisions ne soient prises. Nous proposons que les terminales S de tous les lycées de France débattent du thème « génétique et évolution ». Nous soulignons la nécessité d’un débat public renouvelé avec une approche pluridisciplinaire et dans toutes les instances possibles : académies, Comité consultatif national d’éthique (CCNE), centres de recherche, presse… Ce sujet majeur nécessite un débat apaisé.

M. Bruno Sido. Je félicite les deux rapporteurs et leurs collaborateurs pour cette somme de travail considérable, dont la présentation aurait probablement mérité une journée de travail. Les vingt recommandations comprennent en fait une centaine de propositions détaillées. Ce travail touche de nombreux domaines qui auraient nécessité plusieurs rapports. La médecine est un domaine extrêmement important, avec des perspectives fabuleuses, notamment si l’on réussit à changer le génome de l’anophèle femelle pour qu’elle ne puisse plus porter la malaria, cela changerait la vie de la zone tropicale et équatoriale – sans la supprimer – même si beaucoup d’humains ne s’en plaindraient pas. L’agriculture l’est également, avec la possibilité de modifier le génome de plantes, sans que ce soit considéré juridiquement comme des OGM au regard du droit européen (recommandation n° 12). La recherche décroche en France, c’est grave, c’est un problème récurrent. Est-ce la recherche publique ou privée ? La question des interventions sur les cellules germinales, pour soigner des maladies graves et incurables, est importante car elle touche à la reproduction.

Vous formulez plusieurs recommandations à la Commission européenne. Or la recherche est mondiale et ce qui ne se fera pas en France ou en Europe se fera ailleurs. L’idée d’un GIEC de la modification ciblée du génome (genome editing) me paraît très bonne. Il faut réunir tous les chercheurs du monde pour travailler sur cette question. Les règles éthiques doivent être les mêmes partout pour éviter les débordements. La recommandation n° 8 (pas d’autorisation d’éradication d’espèces vivantes sans possibilité de retour) se justifie, car il faut conserver les ressources génétiques de tous les organismes vivants. La recommandation n° 10 sur la biodiversité (c’est l’agriculture productiviste qui porte atteinte à la biodiversité, et surtout le mauvais usage des produits phytosanitaires, en particulier des insecticides, et non les biotechnologies) n’en est pas vraiment une et gagnerait à être réécrite.

En agriculture, plus qu’une directive européenne, il faudrait un GIEC. Les OGM sont cultivés sur tout le continent américain et nous, Européens, les consommons : il y a une part d’hypocrisie... Je suis d’accord avec les recommandations n° 12 (c’est le politique qui doit trancher sur les risques d’une technologie), n° 13 (pour un soutien de l’Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture – FAO – à l’appel des prix Nobel) et n° 14 (une reprise de l’expérimentation en plein champ pour les plantes issues des nouvelles biotechnologies). L’arrachage des vignes OGM, fruit de trente ou quarante ans de travail est un scandale. La recommandation n° 16 (les vignes résistantes à l’oïdium et au mildiou, une opportunité pour les viticulteurs) me paraît évidente. Dans la recommandation n° 17 (les huîtres triploïdes, un traité de coexistence), vous êtes à contre-courant de ce qui se fait aujourd’hui en étiquetage : il faudra bientôt une ramette de papier pour décrire tout produit mis en vente... On n’y comprend rien mais c’est obligatoire et c’est dans le sens du vent…

La recommandation n° 18 (refuser la brevetabilité des gènes, soutenir un système d’innovation ouvert) pose la grande question de la brevetabilité du génome. Cela doit rester interdit, sinon l’humain sera lui-même breveté. Je partage la position du président de l’OPECST sur le fait que, sur tous ces sujets, il faut des décisions politiques et non pas prises par des techniciens. Je suis en particulier d’accord avec un contrôle parlementaire accru sur ces questions.

C’est un très bon rapport, il mérite d’être travaillé en profondeur et devrait déboucher sur un certain nombre de propositions de lois. Nous sommes à la veille d’une révolution qui accompagne celle de l’informatique. Ces techniques permettent d’aller beaucoup plus vite dans la sélection. On touche à un domaine qui évolue extrêmement rapidement. Il faudrait que le Parlement se saisisse le plus rapidement possible d’un certain nombre de questions pour les contrôler. Sinon, cela pourrait partir dans beaucoup de directions.

Ce rapport est une belle pierre à l’édifice de l’évolution scientifique dans ce siècle commençant.

M. Patrick Hetzel, député. Je remercie et félicite les rapporteurs. Vous mettez des enjeux en perspective. Ce rapport sera très largement cité et utilisé dans les mois et années à venir, par les parlementaires et les décideurs gouvernementaux, pour avancer dans un certain nombre de directions.

Je voudrais revenir sur trois points. Je souscris pleinement à la recommandation n° 14 (une reprise de l’expérimentation en plein champ pour les plantes issues des nouvelles biotechnologies). Sachant que nous sommes législateurs, il me semble utile, dans le prolongement de vos travaux, de mener un travail spécifique pour sécuriser juridiquement cette proposition. Les organismes en question ne demandent pas mieux, mais il ne faudrait pas qu’ils soient en première ligne pour des questions de nature juridique. Cela passera par un projet ou une proposition de loi.

Je vous remercie tout particulièrement pour la recommandation n° 18 (refuser la brevetabilité des gènes, soutenir un système d’innovation ouvert). On voit bien que, de part et d’autre de l’Atlantique, nous n’avons pas la même vision. Je pense que, tout comme un combat français avait été mené dans le passé pour faire accepter l’idée de l’exception culturelle, nous devrons remonter au créneau pour nous opposer à certaines formes de brevetabilité des gènes. On voit bien que ce qui est en jeu est une sorte de captation, par des entreprises privées, d’éléments qui fondamentalement sont issus de la nature elle-même. C’est un vrai sujet, notre droit continental peut apporter une contribution pour insuffler une autre vision.

Toutes vos recommandations sont pertinentes, la recommandation n° 19 (une stratégie de défense contre le bioterrorisme) l’est particulièrement. Le contrôle parlementaire sur les systèmes de riposte en matière bioterroriste est encore inexistant. On pourrait procéder par parallélisme des formes avec les dispositifs de contrôle en matière de renseignement, notamment la délégation parlementaire. Le renseignement est un sujet extrêmement sensible. Si on veut légitimer un certain nombre d’actions auprès de nos concitoyens, il faut aussi leur expliquer qu’il y a des dispositifs de contrôle. Ce n’est pas une machine folle qui ne serait pas contrôlée par des mécanismes fondamentalement démocratiques.

M. Jean-Louis Touraine, député. Je félicite à mon tour les rapporteurs pour la précision et la prudence de leur excellent rapport, sans basculer dans la facilité de l’interdiction. La conjugaison entre nécessité du progrès et opportunité du contrôle est très bien transcrite, au point que le rapport pourra servir de base à la réflexion en vue de la prochaine révision de la loi de bioéthique.

La thérapie génique sur les cellules somatiques ne présente pas de problème éthique puisqu’elle est acceptée de façon assez universelle. Il reste des problèmes techniques. Ainsi, des complications avaient pu survenir dans les cas de déficits immunitaires, mais ces problèmes sont maintenant réglés. L’extension dans différents champs nécessite des mises au point techniques. Les thérapies géniques sont pratiquées en immunologie, en hématologie et dans plusieurs autres pathologies.

Reste la question de la thérapie génique à visée germinale. La prudence est pour l’instant de l’interdire, vous l’avez rappelé. Pour autant, ne devrait-on pas assortir cette position de l’idée que cette interdiction va devoir, dans le futur, au fur et à mesure de la progression des connaissances, des techniques et des possibilités, être levée, pour préparer les esprits. Je rappelle ce que disait Sir Peter Medawar, il y a un demi-siècle, au moment où il recevait le prix Nobel de physiologie ou médecine : nous assistons, avec les progrès de la médecine, à la possibilité pour un grand nombre de sujets ayant des maladies graves, congénitales – qui dans le passé aboutissaient au décès dans l’enfance – d’atteindre l’âge adulte jeune et de se reproduire. Il annonçait l’augmentation de l’incidence des gènes de ces maladies et nous la constatons maintenant. Mais il ajoutait qu’il n’était pas pour autant nécessaire de s’en inquiéter, qu’il n’est pas nécessaire non plus de recourir à l’eugénisme, parce qu’il y aura parallèlement des progrès en génétique qui permettront de corriger, pour l’espèce humaine, certaines de ces défaillances génétiques. Il faudra accepter, dans le futur, de ne pas refuser de faire disparaître dans l’espèce humaine, et sans trop manier le spectre de l’apprenti sorcier, au moment où les choses seront parfaitement contrôlées, certains gènes de maladies, y compris dans la descendance.

C’est en même temps très important d’être ferme sur l’interdiction actuelle et de ne pas laisser se répandre dans les esprits que c’est une interdiction définitive. J’entends bien que cela peut, sur certains esprits extrémistes, heurter les idées de ceux qui croient que l’on ne doit pas toucher à la nature. Mais il n’empêche que, quand la nature fait des erreurs, il nous appartient de pouvoir les corriger, non seulement sur le malade, mais aussi sur sa descendance. Je parle d’un futur dans plusieurs décennies bien sûr.

M. Christian Bataille, député. Par ce rapport, chers collègues, vous concluez magnifiquement la législature. Je ne veux pas rentrer dans le détail de cette matière abondante, par le volume de ses développements et le nombre des sujets abordés. Je crois que cela mériterait plus que les quelques heures d’une petite séance ; il faudrait prendre davantage de temps, avec la totalité des collègues de l’Office. Nous nous contenterons aujourd’hui de cet échange. Je voudrais insister sur le contenu véritablement politique de votre contribution. À l’Office, nous avons sans cesse affirmé la victoire de la science et de la raison dans notre civilisation, dans un contexte baignant dans l’irrationalisme porté par certains médias. Malheureusement, un rapport du poids de celui-là ne trouvera sans doute pas l’écho qu’il mérite. Au contraire, on verra, manipulée par les uns ou par les autres, telle ou telle anecdote prospérer sur tel ou tel aspect.

Les rapporteurs sont symboliques de ce que représente notre Office, gauche et droite, majorité et opposition. Très souvent, nous nous sommes retrouvés sur ces sujets. Je pense que l’Office devrait jouer, dans l’avenir, un rôle beaucoup plus grand que celui auquel les textes règlementaires le limitent. L’Office aborde le fond des sujets, explore des champs scientifiques nouveaux, alors que les commissions permanentes ont un rôle véritablement conservateur sur ces sujets, nous l’avons constaté au cours de cette législature. La richesse de ce rapport mériterait un autre destin que de garnir les étagères de la collection déjà très riche des rapports de l’OPECST.

Ce rapport devrait nourrir des projets tels que celui que Patrick Hetzel a proposé et que je soutiens. L’Office devrait avoir un rôle législatif direct qu’il n’a pas ; nous devons passer par le filtre des commissions ou attendre du Gouvernement qu’il recherche des équilibres parfois complexes. L’Office a toujours joué un rôle qui était amputé des conséquences de ses propositions. J’en suis l’illustration exceptionnellement contraire : il y a vingt-cinq ans de cela, un rapport que j’avais rédigé sur les déchets nucléaires est devenu une loi, grâce à l’établissement d’une connexion entre le travail de l’Office et les commissions permanentes de l’Assemblée. J’ai le sentiment, aujourd’hui, que ce n’est pas vraiment le cas, au contraire ; les commissions cherchent à mettre des bâtons dans les roues de l’Office. Je conclus mon propos en vous félicitant de la qualité de ce rapport qui réaffirme le rôle de la science et de la recherche, dans un contexte où la raison doit dominer. Pour une prochaine législature, il conviendrait de le traduire en droit mieux que nous n’avons pu le faire, jusqu’à présent, pour les autres travaux de l’OPECST, en raison des limites des textes réglementaires.

Mme Delphine Bataille, sénatrice. Je souligne aussi l’importance et la qualité du travail que vous avez réalisé sur les enjeux et les recommandations. J’aurais deux questions pratiques. L’une sur l’espoir que constituent les biotechnologies appliquées à la médecine humaine. Je salue votre volonté de continuer les recherches. Vous avez indiqué clairement qu’un moratoire n’était ni souhaitable, ni possible. D’autres organismes que vous avez rencontrés, à l’instar d’Alliance Vita, demandent-ils un moratoire sur les recherches fondamentales sur les cellules germinales ? Je ne partage en rien les positions de cette association, je souhaiterais connaître leurs motivations, au-delà du fait que ces recherches pourront vite être appliquées.

Sur la dimension éthique, quels enseignements tirez-vous des législations trop restrictives (Allemagne) ou plus permissives (Royaume-Uni) ? Quel est le comportement des autorités publiques de ces pays face à ces restrictions ? Que peut-on espérer pour un accord européen, voire international, et quel rôle pourrait jouer la France dans cette perspective ? Vous avez fort justement souligné l’insuffisance du contrôle parlementaire. Cela
s’applique-t-il à d’autres pays d’Europe ?

Mme Catherine Procaccia. Sur les thérapies géniques, pour l’instant les techniques ne sont pas suffisamment sûres pour être appliquées aux cellules germinales, mais nous estimons qu’il ne faut pas rester bloqué sur cette question. Il y aura des expérimentations en laboratoire. Au Royaume-Uni, on peut faire des recherches sur les embryons jusqu’à quatorze jours. Quand ces techniques auront fait leurs preuves en matière somatique, il sera temps de passer aux cellules germinales. Ceux qui sont porteurs de ces maladies invalidantes, insoignables, sans médicaments, ne pourraient pas concevoir de continuer à transmettre leurs maladies aux nouvelles générations. On a bien éradiqué la variole, certes par d’autres méthodes, pourquoi ne le ferait-on pas pour d’autres maladies ? Tous les chercheurs qui travaillent sur ces hypothèses nous ont dit que cela devrait intervenir dans quinze ou vingt ans. Ces techniques nous permettront peut-être d’aller plus loin. Pour l’instant, il ne faut surtout pas interdire la recherche fondamentale.

Alliance Vita se base sur des dérives qui pourraient intervenir, comme l’eugénisme, alors que nous n’en sommes qu’à la recherche fondamentale. C’est vraiment un espoir. Nous avons rencontré en Allemagne des associations plus conservatrices encore qu’Alliance Vita, qui refusent toute intervention sur les gènes. Nous sommes le premier parlement à s’être penché sur les nouvelles biotechnologies appliquées dans leurs trois domaines (rouges, vertes et blanches). Nous avons une avance qui nous permettra de légiférer. Ainsi, lors de l’examen récent du projet de loi sur la biodiversité, nous avons pu nous opposer à un amendement qui visait à considérer les nouvelles techniques de sélection végétale comme des OGM, empêchant ainsi la recherche.

Le travail que nous avons accompli permettra, je l’espère, d’enclencher un mouvement international. Mais je pense personnellement que les organisations internationales ne servent à rien. L’étiquetage des huitres « diploïdes » ou « triploïdes », n’évoque rien pour les consommateurs, par contre indiquer huitres « de pleine mer » ou « de bassin » clarifierait les choses.

M. Jean-Yves Le Déaut. Sur votre question relative à l’étiquetage, je répondrai par une autre question : seriez-vous favorables à ce que l’on indique sur les étiquettes « blé hexaploïde » ou « farine hexaploïde » ? Le saumon génétiquement modifié qui est élevé dans des bassins à terre mériterait, par contre, un étiquetage. Je confirme que la recherche décroche en France et que nous perdons notre capacité d’expertise internationale. Aucune des 48 unités de l’INRA ne travaille sur des techniques de transgenèse en champ, elles opèrent uniquement en milieu confiné. Toutes les expérimentations sont arrêtées. La controverse sur les OGM a nui, globalement, à notre crédibilité dans un certain nombre de secteurs, il faut le savoir. L’ancienne présidente de l’INRA, Marion Guillou, le dit lors d’auditions publiques depuis un certain nombre d’années déjà. Il peut paraître utile d’éradiquer des espèces d’insectes porteurs de maladies, mais attention à la transmission interespèces d’un gène d’infertilité avec forçage génétique. Il faut bien réfléchir à toutes les conséquences possibles. C’est pour cela que nous demandons la réversibilité. C’est pour cela aussi que nous demandons la réunion d’experts au niveau international.

Très peu parlent aujourd’hui des conséquences sanitaires des OGM végétales. Un grand nombre de mutations génétiques se produisent chaque jour dans tout être vivant, il n’y a pas de raison que la modification d’un seul gène d’une plante constitue un problème sanitaire – outre le fait que toute plante nouvelle est potentiellement pathogène (en cas d’allergie, par exemple). Ces dernières années, nous avons déposé plusieurs propositions de loi à la suite de rapports de l’OPECST.

Nous ne proposons pas de déclasser juridiquement les OGM. La mutagenèse est dispensée des dispositions de la directive européenne n° 2001/18 dans l’Union européenne, au contraire de ce qui se passe au Brésil. Comment peut-on s’en remettre, dans un pays démocratique, à une décision de la Cour de justice (CJCE) sur des technologies qui n’existaient pas en 2001 et avec des définitions qui ne sont plus adaptées à ces technologies ? Il s’agit d’une démission du politique. Le HCB doit donner son avis pour les autorisations, mais il n’y a pas de raison que les analyses réglementaires des nouvelles techniques de sélection soient les mêmes que pour les OGM, qui connaissent des risques d’activation de gènes dormants.

Sur la brevetabilité des gènes, notre modèle, qui s’appuie sur un système d’innovation ouvert avec le certificat d’obtention végétale (COV), doit être promu dans les conventions internationales. Nous sommes opposés à la brevetabilité des gènes, qui n’est pas permise au niveau international, mais qui peut être contournée si l’on dit qu’on les fabrique de façon synthétique. Un groupe d’experts internationaux devrait aborder cette question.

Nous considérons qu’il ne faut pas travailler sur les cellules germinales. Mais, comme le disent certains, soigner des personnes comporte le risque qu’ils transmettent leur maladie alors qu’ils seraient morts sinon. C’est un vrai sujet philosophique que nous n’avons pas abordé, car aujourd’hui, le diagnostic préimplantatoire (DPI) suffit.

En France, la science et la raison n’ont pas l’importance qu’elles ont ailleurs. Nous avons une culture dominante juridique et politique. Il faudrait mieux équilibrer la formation de nos élites. Comme indiqué dans la résolution sur les sciences et le progrès dans la République, adoptée par l’Assemblée nationale en février 2017, il faut faire la distinction entre les croyances et les opinions, qui sont respectables, et les savoirs, sur lesquels on doit pouvoir s’appuyer. L’expertise doit être à la base de la décision politique, après avoir organisé un débat pour les citoyens.

M. Bruno Sido. Je remercie les rapporteurs pour leur travail considérable et les réponses apportées au cours de ce débat. Des questions politiques et philosophiques importantes ont été abordées. Un scientifique ne se satisfera jamais de débattre avec des personnes qui ne connaissent pas le sujet.

M. Jean-Yves Le Déaut. Je remercie les collaborateurs de l’OPECST pour leur travail tout au long de cette étude.

Mme Catherine Procaccia. Je suis heureuse d’avoir travaillé avec M. Le Déaut sur ce sujet, qui a été passionnant, et qui constitue son dernier rapport à l’Office.

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Après modification de la recommandation n° 10, l’Office a adopté à l’unanimité les recommandations des rapporteurs et autorisé la publication du rapport.

La séance est levée à 18 h 30

Membres présents ou excusés

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Réunion du mardi 28 mars 2017 à 16 h 30

Députés

Présents. - M. Christian Bataille, M. Patrick Hetzel, M. Jean-Yves Le Déaut, M. Jean-Louis Touraine

Excusés. - M. Bernard Accoyer, M. Alain Marty, Mme Maud Olivier, Mme Dominique Orliac

Sénateurs

Présents. - Mme Delphine Bataille, M. Christian Namy, Mme Catherine Procaccia, M. Bruno Sido

Excusés. - M. Patrick Abate, M. Michel Berson, M. François Commeinhes, M. Roland Courteau, Mme Catherine Génisson, M. Alain Houpert, Mme Fabienne Keller, M. Jean-Pierre Leleux, M. Pierre Médevielle