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Commission des affaires sociales

Mercredi 15 janvier 2014

Séance de 9 heures

Compte rendu n° 28

Présidence de Mme Catherine Lemorton, Présidente

– Audition, ouverte à la presse, des représentants de salariés (CFDT, CFE-CGC, CFTC, CGT-FO) sur le projet de loi relatif à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mercredi 15 janvier 2014

La séance est ouverte à neuf heures dix.

(Présidence de Mme Catherine Lemorton, présidente de la Commission)

La Commission des affaires sociales entend des représentants des salariés (CFDT, CFE-CGC, CFTC, CGT-FO) sur le projet de loi relatif à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Nous allons aujourd’hui commencer nos travaux sur un texte très important : le projet de loi relatif à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale. Après le projet de loi sur les retraites, c’est le deuxième grand texte dont notre commission est saisie au cours de la présente session.

Avant de céder la parole aux représentants des organisations de salariés, que je remercie de leur présence, je voudrais donner quelques indications sur l’organisation des auditions d’aujourd’hui, les documents mis en distribution et le calendrier d’examen de ce texte.

Nous avons décidé d’auditionner séparément les organisations signataires de l’accord national interprofessionnel (ANI) du 14 décembre dernier, et celles qui ne l’ont pas signé. Ainsi allons-nous entendre jusqu’à onze heures trente les quatre organisations de salariés signataires, à savoir la CFDT, la CFE-CGC, la CFTC et la CGT-FO ; nous accueillerons ensuite, entre onze heures trente et douze heures quinze, la CGT. Cet après-midi, nous entendrons, de seize heures quinze à dix-sept heures quarante-cinq, le MEDEF et l’UPA puis, de dix-sept heures quarante-cinq à dix-huit heures trente, la CGPME. Je rappelle que ces auditions ne sont pas limitées au seul volet de la formation professionnelle et qu’elles concernent l’intégralité des dispositions de ce texte.

Les documents mis à disposition à l’entrée de la salle se composent du texte de l’ANI du 14 décembre dernier et de celui de la position commune de la CGPME, du MEDEF et de l’UPA sur la représentativité patronale du 19 juin 2013 ainsi que de l’avant-projet de loi. Ce dernier étant un document de travail avant passage en Conseil d’État, il est susceptible de modifications. Comme ce texte, qui est le seul dont nous disposons, circule, j’ai décidé de le faire distribuer, afin que chacun bénéficie du même niveau d’information.

Le calendrier de travail de la Commission sur ce projet de loi, qui sera présenté en conseil des ministres mercredi prochain, s’organisera comme suit : mercredi 22 janvier, à seize heures quinze, audition de M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ; mercredi 29 janvier, matin, après-midi et soir – éventuellement très tard dans la nuit et si nécessaire le lendemain matin –, examen des articles. La discussion du projet de loi en séance publique est programmée le mercredi 5, le jeudi 6 et le vendredi 7 février.

Encore une fois, je remercie sincèrement nos invités d’être présents, car leur emploi du temps est tout aussi chargé que le nôtre. Nous avons été pressés par le calendrier du Gouvernement et, par voie de conséquence, ils l’ont été par la Commission.

M. Stéphane Lardy (CGT-FO). Merci d’avoir bien voulu nous auditionner sur ce projet de loi de démocratie sociale. Je précise que je suis accompagné de Mme Marie-Alice Médeuf-Andrieu, également secrétaire confédérale, en charge des questions de négociation collective et de salaires, qui interviendra sur la partie du texte hors formation professionnelle.

Le projet de loi dont vous discuterez en séance publique dans une dizaine de jours n’ayant pas encore été soumis au Conseil d’État, permettez-moi d’indiquer que la position de notre organisation à son sujet restera prudente. Ce texte transpose l’accord interprofessionnel du 14 décembre 2013 que Force ouvrière a signé pour quatre raisons principales : cet accord ne déroge pas au code du travail ; il maintient un certain nombre de dispositifs, tels le plan de formation, les périodes de professionnalisation, le congé individuel de formation et le contrat de professionnalisation ; il enrichit la négociation collective et la consultation des instances représentatives du personnel ; il renforce, selon nous, l’obligation de formation qui incombe à l’employeur.

L’ANI crée le compte personnel formation (CPF), dix ans après l’institution, par l’accord de 2003, du droit individuel à la formation (DIF). Contrairement au DIF, le CPF est un droit portable – avancée importante, qui fut longue à obtenir. Les publics concernés sont plus larges que ceux du DIF puisque, dans l’accord et dans le projet de loi, l’ouverture du compte se fait dès l’âge de seize ans. Le nombre d’heures de formation est également plus important : il passe de 120 heures pour le DIF à 150 heures pour le CPF. On aurait pu aller beaucoup plus loin, mais n’oublions pas que cet accord est le fruit d’un compromis. En outre, il sera possible d’abonder ce quota de 150 heures.

Conformément à l’une de nos revendications, le CPF dispose d’un financement dédié, ce qui n’était pas le cas du DIF. Un milliard d’euros devrait ainsi lui être consacré : à peu près 880 millions au titre de ce financement dédié, auxquels il convient d’ajouter les abondements. La mobilisation du compte se fait avec l’accord exprès du salarié et du demandeur d’emploi, ce qui était important à nos yeux. Je tiens à insister sur la portabilité complète de ce dispositif. S’il était possible de garder son droit à DIF lorsque l’on changeait d’employeur, cette possibilité était toutefois limitée à deux ans. Le seul cas où le salarié peut perdre le bénéfice de son CPF est la faute lourde. Encore est-ce dans les termes de l’accord : j’ai bien l’impression que cette disposition a été retirée du projet de loi.

L’objectif du CPF est d’élever le niveau de qualification des salariés. Reste à savoir ce qu’est une « formation qualifiante ». Sans doute aurez-vous l’occasion d’en débattre. Je ne suis pas sûr que nous ayons réglé le problème dans le cadre de la négociation. Pour autant, nous avons essayé de faire en sorte que le CPF ne soit pas utilisé pour n’importe quel type de formation.

Le congé individuel de formation (CIF) recevra, quant à lui, davantage de financements, sans que l’on puisse pour autant parler de miracle. À l’heure actuelle, 40 000 CIF sont mobilisés par an. Les entreprises, notamment à partir de dix salariés, contribueront un peu plus à ce dispositif. En outre, les 13 % du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP) ne seront plus pris sur la « collecte CIF ». En conséquence, on peut espérer une augmentation de 10 à 20 % du nombre de CIF, ce qui n’est pas négligeable.

Dans le cadre de la négociation, nous avons souhaité rationaliser les entretiens professionnels dont certains relevaient de la loi et d’autres d’accords interprofessionnels. Nous avons obtenu qu’un entretien professionnel ait lieu tous les deux ans et que cet entretien fasse l’objet d’une formalisation pour que l’on sache ce qui s’est passé entre l’employeur et le salarié. Au bout de six ans, un bilan de ces entretiens sera dressé. S’il montre que l’employeur n’a pas respecté son obligation de formation, le salarié concerné bénéficiera d’un abondement correctif de 100 heures. Une telle disposition renforce l’obligation de l’employeur de former ses salariés, ce qui constitue pour nous un progrès important.

Parallèlement, la négociation de branche et d’entreprise, qui est un élément de la régulation collective, se trouve renforcée. Le compte personnel est un bon dispositif, mais il nécessite un accompagnement des salariés et des demandeurs d’emploi concernés : d’une part, le compte ne doit pas être utilisé pour n’importe quel type de formation ; d’autre part, il est essentiel qu’il réponde aussi aux besoins prévisibles de l’économie. La négociation de branche va jouer un rôle extrêmement important en matière de conditions d’éligibilité au CPF ou d’abondements du nombre d’heures. De même, la négociation d’entreprise, qui fait l’objet d’un volet assez important, viendra enrichir les possibilités d’abondements complémentaires du compte. Ces aspects de la régulation collective sont extrêmement importants, et nous serons attentifs à ce que le projet de loi les reprenne fidèlement, voire les améliore.

Le financement a donné lieu à de nombreux débats. En particulier, on a pu observer des confusions – intentionnelles ou pas – entre « obligation de dépense » et « obligation de formation », ce qui n’est pas tout à fait la même chose. De fait, les entreprises qui sont actuellement soumises à une obligation de dépense, à hauteur de 1,6 % de la masse salariale, peuvent utiliser ces sommes d’argent en interne, sans avoir à les mutualiser. Aujourd’hui, les entreprises, quelle que soit leur taille, dépassent leur obligation de 1,6 %. Elles consacrent en moyenne 2,8 % de la masse salariale à la formation de leurs salariés – et même beaucoup plus pour les entreprises moyennes et grandes.

Nous ne considérons pas que cet accord constitue une révolution copernicienne. Nous sommes au milieu du gué, entre l’obligation de payer et l’obligation de former : l’obligation de dépense a été maintenue à hauteur de 1 % de la masse salariale, et l’obligation de formation a été renforcée. Même s’il s’agit d’une évolution majeure, ce n’est pas le « grand soir de la formation » qui ferait disparaître l’obligation de dépenser et se limiterait à une obligation de former. Sur ce point aussi, cet accord est un compromis entre deux positions antagonistes, le fruit de la négociation collective.

Si tout n’est pas mutualisé, le niveau de mutualisation obligatoire reste élevé. De près de 3,8 milliards d’euros aujourd’hui, il va passer à 4,8 milliards d’euros. Un progrès important est à signaler, que l’on n’avait jamais obtenu dans le cadre d’une négociation interprofessionnelle : une véritable mutualisation descendante de fonds des grandes entreprises vers les petites, par le biais du Fonds paritaire. Ainsi, 175 millions d’euros environ seront consacrés à la formation des salariés des très petites entreprises (TPE).

Un autre progrès est la mise en place d’un financement pérenne pour le Fonds paritaire, qui nous dispensera de la comédie à laquelle nous nous prêtons chaque année de la négociation des taux et de la fixation par arrêté, après consultation du pouvoir exécutif. Ce financement pérenne, entre 0,15 % et 0,20 % de la masse salariale, permettra au Fonds paritaire de travailler sur le long terme – à horizon de trois ou quatre ans, espérons-nous – à ses missions que sont la qualification et la requalification des salariés et des demandeurs d’emploi.

Comme je l’ai dit l’année dernière, que nous signions ou nous ne signions pas des accords, notre position reste la même : ce n’est pas « tout l’accord et rien que l’accord ». Je vous ai expliqué pourquoi nous avons signé celui-ci. Il vous appartiendra ensuite, en tant que représentants du peuple, de faire votre travail. Nous vous apporterons aide et précisions, si vous nous les demandez, mais nous ne confondons pas démocratie sociale et démocratie politique.

Je fais observer que, sur la partie relative au financement mutualisé qui a donné lieu à un grand débat, nous n’étions pas demandeurs. Malgré tout, nous serons très attentifs à la mise en place du fonds paritaire national. Nous avons été surpris que l’on ait rajouté un critère de représentativité à 3 %, tout en comprenant pourquoi et pour qui. Nous souhaitons que l’on supprime ce critère qui ne figurait pas dans la loi de 2008, et que l’on s’en tienne aux 8 % initiaux.

Nous veillerons à ce que soit respectée notre philosophie de la gestion paritaire qui, par définition, se pratique « entre pairs ». Quels que soient le nombre de nos adhérents et notre représentativité au sein des branches ou au niveau interprofessionnel, nous faisons le même travail dans les conseils d’administration. La gestion paritaire doit se faire « à parité » entre organisations patronales et organisations syndicales, et entre organisations syndicales représentatives au niveau national interprofessionnel.

Mme Alice Médeuf-Andrieu (CGT-FO). J’interviendrai sur les aspects de démocratie sociale et sur les points qui n’ont pas fait l’objet de négociations, à commencer par la représentativité patronale, au sujet de laquelle Force ouvrière et bien d’autres organisations syndicales ont demandé au Gouvernement l’ouverture de négociations, à l’instar de celles qui ont eu lieu sur la représentativité syndicale. Malheureusement, nous n’avons pas été entendus. Pourtant, nous avons des observations à faire en ce domaine.

La première concerne les critères liés au nombre d’adhérents. Nous constatons que les commissaires aux comptes, qui sont responsables du décompte du nombre des adhérents à jour de leur cotisation, ont, par voie de conséquence, le pouvoir de déterminer la représentativité des organisations patronales. Or, dans la pratique, les cotisations n’apparaissent pas distinctement dans les comptes des organisations patronales, et leurs montants ne sont pas fixes. Ces cotisations sont souvent négociées et varient selon les entreprises ou les fédérations concernées. Voilà pourquoi nous estimons que la question de la transparence et du montant des cotisations aurait dû être traitée dans le cadre de ce projet de loi.

Notre deuxième observation concerne les adhésions multiples. Dans les faits, une entreprise peut adhérer à plusieurs fédérations patronales. Le texte laisse aux organisations professionnelles le soin de répartir les entreprises adhérentes et leurs salariés entre les différentes fédérations. Nous pensons qu’un tel choix devrait être opéré par l’entreprise. Les entreprises adhérentes devraient au moins être informées de la répartition qui est faite en leur nom. Or le texte ne le prévoit pas.

Troisième observation, en raison du critère retenu de l’audience, qui s’apprécie uniquement à l’aune du nombre d’entreprises adhérentes, les entreprises n’ont pas d’autre choix que d’adhérer à une organisation professionnelle, faute de quoi elles se verraient privées de leur droit de participer à la désignation de leurs représentants. À l’instar du Conseil d’État, dans la position qu’il a adoptée pour les salariés des TPE en matière de représentativité syndicale, nous estimons qu’un dispositif particulier, ou tout au moins une élection, à destination des entreprises non adhérentes permettrait de garder un certain équilibre.

Notre dernière observation concerne le refus des extensions et des arrêtés de représentativité. Le projet de loi donne au ministre du travail la faculté de refuser l’extension et de décider d’un élargissement ou d’une fusion de branche dès lors que les adhérents des organisations d’employeurs représentatives comptent pour moins de 5 % des entreprises de la branche, quand bien même il existerait, dans ces branches, une volonté de négociation. Ce pouvoir lui est accordé alors que la représentativité des signataires n’est pas en cause, que l’accord qui est signé est valable, et que les conditions requises pour l’extension sont remplies. Il s’agit là d’une règle entièrement dérogatoire qui ne peut être laissée à la seule décision du ministre. Voilà pourquoi nous demandons l’avis conforme de la Commission nationale de la négociation collective.

Pour ce qui est de la représentativité syndicale, le ministre du travail a considéré que tous les points faisant consensus entre organisations syndicales patronales au sein du Haut conseil du dialogue social seraient repris dans le texte. C’est en effet le cas, même s’il en manque un. Nous remarquons que la question de l’invitation à négocier le protocole d’accord préélectoral, qui a été introduite dans le texte, n’y a pas été discutée.

Quoi qu’il en soit, nous sommes favorables à ce que l’on porte à quinze jours le délai requis entre l’invitation à négocier le protocole d’accord électoral et la première réunion de négociation. Toutefois, ce délai devrait s’apprécier, non pas à la date d’envoi, ainsi que le prévoit le texte, mais à la date de réception de l’invitation. Nous proposons de modifier la rédaction dans les termes suivants : « l’invitation à négocier est reçue au plus tard quinze jours avant la date de la première réunion de négociation ». De la sorte, les organisations syndicales ne seraient pas empêchées de participer à la négociation des protocoles d’accord à cause de l’arrivée des courriers postérieure à la date effective de la tenue de la réunion.

Nous avions déjà fait remarquer, dans le cadre du Haut conseil du dialogue social, que ce délai de seulement quinze jours n’avait de sens que si l’invitation à négocier était adressée à la structure syndicale à même de traiter la demande. Or, dans la réalité, les invitations arrivent souvent à la confédération ou à une fédération très éloignée plutôt que sur le lieu géographique de l’entreprise. Le délai nécessaire à leur réacheminement met les organisations syndicales dans l’impossibilité de participer à la négociation du protocole d’accord électoral. Pour pallier cette difficulté, nous avions formulé la proposition suivante : « Lorsque l’invitation à négocier est envoyée aux syndicats affiliés à une organisation syndicale représentative au niveau national et interprofessionnel, l’envoi est adressé aux structures syndicales dont le champ géographique et professionnel couvre l’entreprise ou l’établissement concerné par l’élection et dont la liste est disponible auprès de la DIRECCTE concernée. » Nous nous étonnons que cette proposition n’ait pas été reprise dans le texte, d’autant qu’elle semblait faire consensus au sein du Haut conseil.

Par ailleurs, nous nous interrogeons sur une modification législative, relative à la répartition des sièges entre les catégories de personnel dans les collèges électoraux et à la perte ou la reconnaissance de la qualité d’établissement distinct. Il semblerait qu’une décision administrative ne soit plus nécessaire en l’absence d’organisation syndicale dans l’entreprise. Or on ne peut laisser l’employeur décider unilatéralement dans des matières aussi importantes que la représentativité ou les mandats électoraux. C’est à l’autorité administrative de décider de la répartition des sièges, de façon que cela n’affecte ni les mandats ni le nombre de représentants des organisations syndicales. Nous remarquons que ces points n’ont jamais été abordés par le Haut conseil et donc qu’aucun consensus n’a pu être dégagé en la matière. En conséquence, il convient de lever toute ambiguïté en indiquant de nouveau clairement, dans chacune des dispositions concernées, que « ces éléments résultent d’une décision administrative ou d’un accord entre organisations syndicales ».

Sur la partie traitant du délégué syndical, nous nous contenterons de rappeler que le texte ne répond pas à la recommandation de l’Organisation internationale du travail (OIT).

Je passerai très vite sur la transparence des comptes des comités d’entreprise. Le texte, sur lequel toutes les organisations syndicales et patronales ont travaillé, a fait consensus et nous y sommes favorables. Nous nous arrêterons toutefois sur la commission des marchés, dont les membres sont désignés par le comité d’entreprise parmi ses membres titulaires. Compte tenu de la charge importante qui incombe aux élus du comité d’entreprise, nous suggérons que leurs suppléants puissent également faire partie de cette commission. Nous pensons, en outre, que le temps passé en réunion à la commission des marchés doit être assimilé au temps de travail et rémunéré comme tel.

Je terminerai sur les nouvelles modalités de désignation des conseillers prud’homaux, lesquels ont pour nous une importance capitale. Nous ne comprenons pas la méthode retenue, qui consiste à légiférer par ordonnance. La désignation n’est pas une démarche démocratiquement acceptable et nous nous interrogeons sur l’utilisation des votes des salariés dans les entreprises. Nous sommes d’autant moins favorables à cette disposition qu’est prévue la mise en place d’un groupe de travail sur lequel nous n’avons pas d’éléments. À ce stade, nous ne saurions donc nous prononcer.

M. Patrick Le Moigne (CFTC). Nous tenons d’abord à vous remercier pour cette invitation qui nous permet de nous exprimer sur la transposition législative de l’accord interprofessionnel du 14 décembre 2013. Après avoir expliqué pourquoi la CFTC a signé cet accord, je mentionnerai les oublis ou manquements que nous avons relevés dans le projet et ferai part de nos propositions d’amélioration.

Pour la CFTC, cet accord est l’aboutissement de trois mois de négociations entre partenaires sociaux, preuve que le dialogue social est bien vivant dans notre pays, qu’il constitue un axe de progrès à favoriser et à valoriser, qu’il est une alternative constructive à des luttes idéologiques stériles qui se développent au détriment du bien commun. Lors de cette négociation, les organisations syndicales et patronales ont fait preuve de responsabilité quand la situation l’exigeait. Cet accord met en place une réforme sociétale d’une grande ampleur malgré certaines critiques émises ici et là. Les partenaires sociaux ont un rôle essentiel dans l’élaboration des normes, dans l’accompagnement des salariés et des entreprises.

La CFTC a signé cet accord car il est fidèle à la philosophie du statut du travailleur élaboré il y a près de dix ans, et qui consiste à attacher les droits à la personne et non à l’entreprise dans laquelle il travaille. Il permet ainsi d’assurer une continuité des droits en les sécurisant.

La négociation s’est inscrite dans le prolongement des ANI de 2003 et 2009 sur la formation professionnelle, reprenant ainsi la proposition contenue dans le rapport-programme de la CFTC que chaque salarié puisse s’élever d’au moins un niveau de qualification au cours de sa carrière. Le compte personnel de formation est l’un des moyens d’y parvenir.

Suite à l’ANI du 11 janvier 2013, la CFTC désirait donner de la consistance au CPF à travers deux axes : un caractère universel et attaché à la personne, donc transférable – c’est chose faite ; un financement dédié, afin de faire vivre et d’activer plus rapidement ce compte – elle l’a obtenu.

Le compte personnel de formation a un vrai sens pour la CFTC : il mettra au cœur de ce nouveau dispositif la personne telle que définie dans notre statut du travailleur. Pour sa mise en œuvre, il sera accompagné de deux mesures complémentaires : l’entretien professionnel et le conseil en évolution professionnelle.

La CFTC est bien consciente que la transposition législative d’un accord interprofessionnel reste un exercice périlleux. En effet, les rédacteurs doivent respecter l’esprit et la lettre de l’accord qui concrétise un équilibre entre les aspirations patronales et les revendications syndicales.

Ne figurent pas dans le projet les dispositions de l’ANI du 14 décembre 2013 relatives à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) territoriale, prévue à l’article 10, et la possibilité d’un abondement du compte par la CNAF, qui fait l’objet de l’article 30, ainsi que la prise en compte d’accords d’entreprise ou de branche permettant un abondement supérieur à 120 heures, qui figurait à l’article 5 de l’ANI du 11 janvier 2013.

La CFTC considère que pour encourager et favoriser l’engagement associatif des retraités, le compte personnel de formation doit pouvoir être utilisé dans l’année qui suit le départ à la retraite. Elle demande que ce compte soit alimenté à hauteur de 200 heures.

Elle souhaite également que, lors du premier entretien professionnel du salarié, l’employeur lui présente l’ensemble des dispositifs et outils de la formation professionnelle à sa disposition, et lui remette son passeport d’orientation et de formation.

Enfin, la CFTC considère qu’il faut bien distinguer – et cela avait été longuement discuté et négocié auprès du MEDEF – l’entretien annuel de l’entretien professionnel, lequel ne doit porter que sur la formation. Sinon, le salarié risque bien de ne se voir proposer qu’un seul entretien.

M. Franck Mikula (CFE-CGC). Mesdames et messieurs les députés, à mon tour de vous remercier de nous recevoir dans votre commission.

Ce projet de loi transpose de façon fidèle dans son titre Ier la négociation et l’ANI du mois de décembre 2013 sur la formation professionnelle. Le compte personnel de formation, dont le principe avait été posé par l’ANI du mois de janvier 2013, est une évolution significative du droit individuel à la formation (DIF). Cette négociation sur la formation professionnelle a permis d’en développer les modalités d’utilisation. Je rappelle qu’à la différence du DIF, ce compte est opposable à l’employeur : l’employé peut en mobiliser les heures – qui passent de 120 à 150 – sans lui en demander l’autorisation.

Le projet institue un système d’encadrement des formations éligibles sous forme de listes fixées par les partenaires sociaux. Comme l’a fait remarquer M. Lardy, on passe progressivement d’une obligation de dépense à une obligation de formation. La démarche méritait d’être relevée.

Le texte renforce également le dialogue social dans les entreprises, notamment dans les entreprises de plus de 300 salariés où la négociation triennale sur la GPEC va devoir comporter un chapitre sur la formation professionnelle. Ce projet de loi renforce également le contrôle des institutions représentatives du personnel sur les modalités de formation des salariés.

Mme Dominique Jeuffrault (CFE-CGC). Le challenge était osé : offrir un outil au service de la compétitivité des entreprises grâce à un système d’encadrement des formations éligibles dans le cadre de listes fixées préalablement par les partenaires sociaux, tout en répondant aux préoccupations des salariés, notamment à ceux de l’encadrement. À ce propos, nous veillerons à faire en sorte que ces listes comportent des formations de tout niveau de qualification – ce que nous n’avons pas retrouvé dans le projet de loi – afin d’assurer au compte personnel formation (CPF) un caractère réellement universel.

Le recours gratuit à un conseil en évolution professionnelle constitue pour nous une avancée majeure, dans la mesure où il favorisera l’élaboration et la conduite d’un projet professionnel pour le salarié. En outre, la mise en place d’un entretien professionnel tous les deux ans permettra à celui-ci d’obtenir une reconnaissance de sa qualification et favorisera sa promotion. Cela méritait d’être souligné. Pour la CFE-CGC en effet, valoriser le capital humain que constituent les femmes et les hommes de l’entreprise est fondamental. Cet accord permet d’y parvenir tout en garantissant la compétitivité des entreprises.

Nous avons souhaité répondre aux difficultés de financement en créant une contribution dédiée spécifiquement au CPF, à hauteur de 0,20 % de la masse salariale de l’entreprise. La CFE-CGC a obtenu le maintien de la contribution unique « formation » à 1 % au lieu du 0,8 % proposé par le MEDEF et l’UPA, afin de garantir la mutualisation pour les petites entreprises. En contrepartie de la contribution unique, nous avons demandé un certain nombre de garanties. De fait, l’accord prévoit le développement du dialogue social dans l’entreprise sur les questions de formation et d’évolution professionnelle des salariés.

Nous sommes, bien évidemment, conscients des risques que comporte cette évolution, notamment dans les petites et moyennes entreprises. Si les grandes entreprises investissent bien souvent au-delà de leur obligation légale dans la formation de leurs salariés, de nombreuses entreprises de taille plus modeste ne dépassent pas ce plafond. C’est pourquoi notre confédération suivra très attentivement l’évaluation des impacts de cette réforme structurelle, et n’aura de cesse de rappeler, dans les entreprises et dans les branches, que la diminution de la contribution obligatoire ne signifie pas la disparition des obligations de l’employeur en matière d’adaptation au poste de travail. La CFE-CGC veillera au maintien de l’employabilité des salariés.

De la même façon et comme nous l’avons répété tout au long de cette négociation, la CFE-CGC est profondément attachée au principe de mutualisation, favorable aux petites et moyennes entreprises. Le taux de mutualisation prévu par l’accord ne constitue qu’un minimum garanti. Nous avons laissé la possibilité aux branches, en fonction de leurs besoins, d’augmenter ce taux pour répondre aux attentes de leurs entreprises.

D’autres points relatifs à la formation professionnelle sont abordés dans le cadre du projet de loi. Je pense notamment à l’apprentissage et à la gouvernance, dans le cadre de l’acte III de la décentralisation. Nous n’avons jamais caché nos craintes face à un processus de décentralisation toujours plus poussé qui, s’il peut permettre de répondre plus finement aux besoins exprimés dans les territoires, soulève des interrogations sur la place des partenaires sociaux dans la définition et la mise en œuvre des politiques de formation, et sur les outils qui seront à notre disposition pour évaluer, au niveau national, les actions menées. De même, si les dispositions relatives à l’apprentissage comportent des avancées importantes – création d’une période d’apprentissage dans le cadre d’un CDI, renforcement du rôle des centres de formation des apprentis (CFA) dans l’accompagnement des jeunes, réduction du nombre d’organismes collecteurs de la taxe d’apprentissage (OCTA) –, des incertitudes demeurent sur le risque de creusement des inégalités territoriales lié au renforcement de la décentralisation. Nous rappelons notre volonté de conserver un pilotage national des politiques menées tant en matière de formation professionnelle que d’apprentissage.

Nous nous inquiétons également de l’impact qu’aura cette réforme sur les formations en apprentissage dans le supérieur, ainsi que sur le financement des formations hors apprentissage, dispensées par les lycées d’enseignement technologique et les écoles de commerce ou d’ingénieurs, qui bénéficiaient jusqu’à présent d’une partie importante du produit de la taxe.

En conclusion, le vote de la loi relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale, qui doit intervenir avant la fin du mois, ne sera que la fin d’une première étape. De nombreux chantiers restent encore devant nous pour l’année 2014 : la mise en œuvre opérationnelle du système de gestion du CPF et du conseil en évolution professionnelle ; la négociation dans les branches et dans les entreprises pour adapter les accords en vigueur aux nouvelles dispositions de l’ANI. Enfin, une réflexion générale devra être engagée sur la qualité de l’offre de formation. Autant de sujets sur lesquels la CFE-CGC sera mobilisée pour accompagner et faire vivre cette profonde et ambitieuse réforme.

M. Jean-Michel Pecorini (CFE-CGC). Je traiterai du volet « démocratie sociale ».

S’agissant de la représentativité patronale, la CFE-CGC considère que le parallélisme des formes n’a pas été respecté. Nous avions demandé un rapport, une saisine du Conseil économique, social et environnemental, une lettre de saisine des partenaires sociaux, une négociation : rien n’a été fait. Les patrons se sont arrangés entre eux.

Le projet de loi ne prévoit pas de bilan, comme le fait la loi de 2008 pour les organisations syndicales de salariés. Il manque de précision, notamment s’agissant du pouvoir des commissaires aux comptes chargés d’attester du nombre des entreprises adhérentes, qu’il faudrait clarifier. Nous ne savons toujours pas comment sera définie la notion de « représentativité dans les secteurs » par le Haut conseil du dialogue social et la notion d’« entreprise adhérente à jour de cotisations ». Il est impossible de se contenter du rapport de M. Combrexelle : dès lors que des droits sont en jeu, il est indispensable d’avoir une définition officielle. Enfin, comme notre collègue de FO, nous nous demandons comment se fera concrètement la gestion des multi-adhésions.

S’agissant des restructurations de branche, la CFE-CGC regrette que le Gouvernement n’ait pas respecté sa feuille de route de juin 2013, qui prévoyait un groupe de travail et un diagnostic partagé sur cette question. Nous déplorons ce passage direct au projet de loi, qui nous met devant le fait accompli. Nous regrettons aussi les critères de restructuration retenus par le texte.

En matière de représentativité syndicale, la CFE-CGC relève des avancées, parmi lesquelles de nouvelles règles de désignation de représentants syndicaux au comité d’entreprise pour les organisations syndicales représentatives, et l’allongement du délai d’invitation à la première réunion de négociation des protocoles préélectoraux. Sur ce dernier point, nous demandons que ce délai s’apprécie au moment de la réception, et non au moment de l’envoi. Toutefois, le projet de loi n’aborde pas la représentativité territoriale. La CFE-CGC a demandé une saisine des partenaires sociaux sur ce sujet.

Sur le volet traitant de la transparence des comptes des comités d’entreprise, la CFE-CGC émet un avis favorable. C’est un parfait exemple de concertation entre l’État et les partenaires sociaux.

Enfin, s’agissant de la désignation et de la formation des conseillers prud’homaux, la CFE-CGC rappelle qu’elle est attachée au principe de l’élection des conseillers prud’homaux et refuse que l’on désigne les conseillers prud’homaux en fonction de l’audience des organisations syndicales et patronales au niveau régional. Je précise qu’un groupe de travail devrait se réunir au cours du premier semestre au Conseil supérieur de la prud’homie.

M. Christophe Mickiewicz (CFE-CGC). Pour ce qui est de l’aspect « financement de la vie démocratique sociale » de ce texte, nous tenons à rappeler que nous n’étions pas demandeurs et que les délais ont été remarquablement courts. Nous n’avons eu droit qu’à deux réunions de travail avec le cabinet, la dernière étant une réunion conclusive au cours de laquelle on nous a proposé le projet de loi. À titre de comparaison, sur la transparence financière des organisations syndicales, nous avons travaillé pendant un an avec le ministère du travail, avec Bercy et l’Autorité des normes comptables. Sur la transparence financière des comités d’entreprise, nous avons également travaillé pendant un an, ce qui a permis de faire un travail achevé et d’aboutir aujourd’hui à un consensus. Cela n’a pas été le cas pour le financement des organisations syndicales.

Je m’en tiendrai à quelques points, le principal, pour nous, étant que, s’agissant des fonds issus du paritarisme, les mêmes missions justifient les mêmes financements.

Nous n’avons pris connaissance que la semaine dernière de la proposition du seuil de 3 %, qui est arrivé dans ce projet de loi comme un cheveu sur la soupe. Nous n’en avions jamais parlé avec les représentants du Gouvernement. Pour nous, il n’a pas lieu d’être.

Il est difficile de se prononcer sur un texte dans lequel le périmètre des fonds transférés est renvoyé à un décret. On ne sait pas encore de quoi on parle. Les précisions que pourra apporter ce texte, aussi bien sur le périmètre que sur les modalités de répartition, constitueront des garanties. Nous avons des garanties orales de la part du Gouvernement, mais nous préférons qu’elles soient écrites.

Je terminerai sur le tout dernier alinéa relatif au congé de formation syndicale. Il est proposé de le faire passer d’au moins deux jours, comme cela figure dans le code du travail, à une demi-journée. À quoi peut bien servir une demi-journée de formation syndicale ? C’est tout juste le temps de prendre le train pour se rendre sur le lieu de la formation et de revenir ! Deux jours de formation syndicale, c’est un minimum pour que les intéressés apprennent comment fonctionnent les institutions représentatives et à jouer leur rôle de représentants des salariés. Le risque que nous voyons se profiler est que les chefs d’entreprise, en particulier de PME, fassent pression sur les salariés – surtout s’il s’agit de salariés de l’encadrement – pour qu’ils ne prennent dorénavant que des demi-journées plutôt que deux jours pleins pour suivre un stage de formation syndicale. Nous demandons donc que la représentation nationale supprime cette disposition et qu’on en revienne au régime actuel.

M. Marcel Grignard (CFDT). Le projet de loi en débat est pour nous extrêmement important, tant par sa partie « formation » que par sa partie « dialogue social ».

En matière de formation professionnelle, globalement, ce texte est très fidèle à l’accord que nous avons conclu. Il s’agit, d’après nous, d’une réforme structurelle très importante, qui rompt avec nos traditions dans ce domaine. Le projet de loi dépasse les limites des accords précédents qui ont été transcrits dans la loi, et il nous met en meilleure situation pour affronter les défis auxquels notre pays est confronté. J’insiste sur le principe qui prévaut dans l’accord et dans le projet de loi, à savoir que l’amélioration de la compétence des salariés est vitale pour le parcours professionnel des individus, mais aussi pour la compétitivité des entreprises. L’intérêt des individus rejoint celui des entreprises et du pays. Cela tranche fondamentalement avec la manière de faire jusqu’à aujourd’hui.

Mes collègues l’ont dit, le compte personnel de formation (CPF) est au cœur de ce dispositif. De fait, l’entretien professionnel, avec un bilan tous les six ans, et la liste des formations qualifiantes accessibles au compte personnel, constituent deux éléments clés d’un dispositif vertueux et positif. J’ajoute qu’une attention particulière est portée aux salariés les plus en difficulté et aux demandeurs d’emploi à travers les mécanismes d’abondement ou correctifs.

Le deuxième point majeur de l’accord qui est repris dans la loi est le renforcement du dialogue social, en particulier dans les entreprises. Que le financement dédié au CPF puisse se traduire par un accord collectif dans les entreprises nous semble être le bon moyen de susciter un consensus sur les priorités à décider au niveau de l’entreprise et, par voie de conséquence, d’aller au-delà du socle prévu par la loi. C’est notamment le cas pour les formations accessibles au CPF qui devraient faire l’objet d’abondements ou qui devraient se dérouler pendant le temps de travail.

Le troisième point majeur est la responsabilisation des acteurs à tous les niveaux, et la tentative de mise en cohérence. Pour revenir sur les listes de formations qualifiantes, nous avons prévu qu’elles soient établies aux différents niveaux, car cela permet d’avoir un regard sur un secteur professionnel, un territoire ou une réalité d’entreprise. Si nous avons voulu que chaque acteur soit responsabilisé en fonction de ses compétences, ce n’est pas pour créer de nouveaux bastions, c’est par souci de cohérence. L’intérêt général se traduit à des niveaux divers et variés. De ce point de vue, nous considérons que les propositions qui sont faites sur la gouvernance, et notamment sur la relation entre les partenaires sociaux et les pouvoirs publics, en particulier en région, devraient déboucher à terme sur de vraies codécisions. Comme je l’ai déjà dit, c’est l’intérêt commun des entreprises, des salariés et du pays qui est en jeu.

Un dernier point nous paraît extrêmement important, qui est la clarification des circuits financiers. Dans le système actuel, certains dispositifs, malgré les apparences, ne permettent pas de régler les problèmes auxquels les entreprises et les salariés sont confrontés.

Je voudrais maintenant attirer votre attention sur plusieurs chantiers sur lesquels les parlementaires pourraient interpeller les partenaires sociaux. En effet, au-delà de la loi qui sera votée, un travail important reste à accomplir.

Premièrement, la situation des salariés dans les entreprises de moins de cinquante salariés. Un des dispositifs centraux de l’accord repris par la loi est le bilan, établi tous les six ans, de ce qui aura été réellement fait pour le salarié en matière de formation professionnelle. S’il s’avère que l’employeur n’a pas assumé ses responsabilités, il encourra une sanction sous forme d’un abondement correctif d’heures de formation. Pour l’instant, ce dispositif ne concerne pas les entreprises de moins de cinquante salariés, dont la situation est un peu plus compliquée à gérer. Il serait toutefois dommage que des millions de salariés en restent longtemps exclus. Les partenaires sociaux devraient donc, dans les mois qui viennent, reprendre le travail pour trouver, par le consensus, des formules permettant de faire bénéficier tous les salariés du dispositif.

Deuxièmement, les listes de formations qualifiantes dont l’enjeu est double : d’une part, elles doivent être cohérentes les unes avec les autres ; d’autre part, elles doivent être régulièrement révisées. À moyen terme, les branches, les territoires et les entreprises devront se montrer prospectifs, en ne se limitant pas à la connaissance de l’existant, mais en prévoyant ce que seront les métiers de demain afin d’orienter les salariés et les demandeurs d’emploi vers les formations qualifiantes dont on aura besoin. Cela implique de réviser régulièrement les listes.

Un dernier chantier me semble vital s’agissant de cette réforme ambitieuse, qui repose beaucoup sur la volonté des acteurs de porter un autre regard sur la formation professionnelle. Personne ne peut en prédire le déroulement ni le rythme de la mise en œuvre. Nous ne savons pas si les fléchages financiers que nous avons élaborés dans le cadre de la négociation seront les bons. Il sera donc indispensable d’évaluer ce que cette réforme va produire, et de nous donner les moyens d’apporter les corrections qui se révéleront nécessaires. Il faudra également trouver comment articuler le rôle du Parlement, qui est majeur, avec celui, tout aussi important, des partenaires sociaux au regard de l’évaluation de la mise en œuvre de cette réforme.

Je pense qu’au fil de l’eau, cette réforme transformera en profondeur le rôle des branches professionnelles en leur donnant de nouvelles missions, bousculera les organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA), qui deviendront de vrais outils au service des entreprises et des salariés en matière de formation. Dans un tel contexte, l’existence de deux OPCA interprofessionnels n’a qu’un faible intérêt. Peut-être même est-elle contreproductive.

Nous sommes globalement satisfaits du titre II du projet de loi, qui porte sur la réforme de la démocratie sociale. Il prolonge les efforts accomplis depuis la réforme de la représentativité syndicale du 20 août 2008, qu’il complète très positivement.

Il convenait de faire en sorte que le travail des partenaires sociaux et la démocratie sociale soient en phase avec les évolutions de notre pays. Le projet reprend la question de la responsabilité des acteurs ainsi que les apports de la loi de 2008 en matière de transparence financière. Les propositions qu’il contient reposent pour partie, comme l’ont fait remarquer mes collègues, sur un travail mené par les partenaires sociaux, notamment dans le cadre du Haut conseil du dialogue social, dont je tiens à souligner l’importance.

En matière de représentativité patronale, il est indispensable d’avoir des règles claires. La symétrie de représentativité est vitale même si, à la différence de certains de mes collègues, je pense que la symétrie des formes n’implique pas forcément une symétrie des modalités. En dehors de la démarche et de la mission politiques, il n’y a pas de symétrie entre un chef d’entreprise et les représentants syndicaux dans l’entreprise, ni entre une organisation patronale et une organisation syndicale de salariés.

Il est tout aussi primordial de régler la question des branches professionnelles. En effet, le paysage est peu propice à la régulation sociale. De très nombreuses branches ne font pas leur travail parce qu’elles ne sont pas en état de le faire. Il est dramatique, quand nous négocions un accord collectif national interprofessionnel qui appelle des déclinaisons au niveau des branches, de ne pas y parvenir. Il serait tout aussi dramatique, demain, que certaines branches professionnelles ne parviennent pas à établir les cartographies des emplois et des compétences nécessaires à une dynamique de formation professionnelle – au cœur de notre réforme. D’où une nécessaire clarification au niveau des branches. C’est vital pour l’intérêt général.

Tout comme pour les règles de représentativité, il y a très longtemps que nous demandons la clarification des règles de financement du paritarisme et du syndicalisme. Nous sommes convaincus que, globalement, les acteurs agissent dans les règles de l’éthique et dans le sens de l’intérêt général. Mais il arrive que tel ou tel acte pose problème et prête à suspicion, et il suffit d’un acte marginal mettant en cause la probité des acteurs pour affecter la crédibilité de l’ensemble. Il est donc vital de faire la clarté entre le financement du paritarisme et le financement des acteurs. De ce point de vue, il nous semble que le projet de loi va dans le bon sens.

Selon nous, il ne doit pas y avoir d’ambiguïté : les ressources propres des organisations syndicales, qui proviennent majoritairement des cotisations pour les organisations de salariés, doivent rester, ou doivent devenir, leur première source de revenus. Nous pensons que la transition entre un système existant, qui a atteint ses limites, et un système clarifié et transparent doit se faire en douceur. Il n’est pas question de priver, à l’instant « t », certaines organisations de ressources. L’objectif est d’enclencher une nouvelle dynamique dont l’équilibre sera difficile à trouver entre des financements forfaitaires, identiques pour toutes les organisations quel que soit leur poids, et des financements prenant en compte leur représentativité, laquelle se traduit, d’une certaine manière, dans les charges qu’elles ont à assumer.

Le projet de loi prévoit une forme de financement pour des organisations non représentatives et fixe un certain nombre de critères. Cela ne nous choque pas. Nous pensons en effet que la démarche engagée dans la loi de 2008 visait à en finir avec la conception selon laquelle certaines organisations seraient a priori représentatives tandis que d’autres ne le seraient pas quoi qu’il arrive. Si cette loi opère une distinction entre les syndicats dits « représentatifs » et les autres, elle le fait sans aucun ostracisme.

S’agissant de la proposition relative aux prud’hommes, nous y sommes favorables, car elle contribue à consolider, selon nous, cette importante institution. Il fallait faire face à la baisse très régulière et conséquente du nombre des votants aux élections prud’homales. Entre les deux dernières élections, le pourcentage de votants a diminué de 7 %, pour atteindre un quart de l’électorat. Or une élection qui ne mobilise pas les électeurs délégitime l’institution concernée. Il fallait également lever l’ambiguïté qui pesait sur ce type d’élections. Celles-ci visent, bien sûr, à désigner les juges, mais personne ne saurait dire sur quels critères ; elles servent plutôt à mesurer la représentativité des organisations syndicales. Que le projet de loi mette un terme à cette situation va dans le bon sens.

La réforme de l’inspection du travail va également dans le bon sens. Le projet permet d’améliorer son efficacité, et nous en avons bien besoin. Les débats en cours sur la question du détachement des travailleurs européens confirment d’ailleurs qu’un certain nombre de situations sont dangereuses pour les salariés et pour le pays. À un moment où les frontières sont très ouvertes, il était important de renforcer le rôle de l’inspection du travail et d’engager une démarche équivalente à celle d’autres États européens. Il nous restera, évidemment, à nous montrer extrêmement attentifs à la mise en œuvre de ces dispositions – que le texte ne prévoit pas toujours. Nous devrons notamment nous assurer de la cohérence des différents dispositifs mis en place avec les autorités compétentes, qui sont diverses et variées.

M. Jean-Patrick Gille. Je remercie les intervenants, qui nous ont présenté les raisons pour lesquelles ils ont signé cet accord.

Celui-ci établit un équilibre : d’un côté, la baisse de 1,6 % à 1 % de l’obligation légale ; de l’autre, le renforcement, en contrepartie, de l’obligation de former, formalisée par l’entretien individuel. Ne peut-on raffermir cet équilibre ? N’y a-t-il pas, des deux côtés, quelques incertitudes ? La baisse des fonds mutualisés qui résultera de la baisse de l’obligation légale ne risque-t-elle pas d’entraîner un affaiblissement de la formation, notamment dans les petites entreprises, surtout celles qui comptent entre dix et cinquante salariés ? Par ailleurs, que se passera-t-il si l’entretien individuel n’a pas lieu ? Pour les entreprises de plus de cinquante salariés, s’il ne s’est rien passé au bout de six ans, le quota des heures de formation du salarié sera abondé de 100 heures. La sanction est légère. Mais ne faudrait-il pas, par souci de simplicité, l’étendre à l’ensemble des entreprises ? J’aimerais avoir votre avis là-dessus.

Cet accord met en place le compte personnel de formation, qui ouvre un droit à la qualification et à la progression du niveau de qualification. Mais ouvre-t-il un droit à la deuxième chance pour les publics prioritaires ? Comment permet-il d’améliorer la formation des demandeurs d’emploi ?

Les listes sont destinées à réguler le système et à garantir qu’il s’agit bien de formations qualifiantes et de qualité. Mais ne sont-elles pas aussi le moyen, pour les organisations patronales, de « refermer » le système ? Comment trouver un équilibre ? Vous n’avez pas évoqué le cas des demandeurs d’emploi. Qui, des partenaires sociaux, des branches, des conseils régionaux, va se charger des listes les concernant ? Comment tout cela va-t-il s’articuler ?

Vous avez peu évoqué le nouveau mode de gouvernance introduit par cette loi de décentralisation de la formation, qui replace les partenaires sociaux au niveau régional. Comment l’appréhendez-vous ? En particulier, êtes-vous partout en capacité de tenir votre rôle ?

Au titre de la contribution de 1 %, vous avez réintroduit une possibilité de s’exonérer des 0,20 % dédiés au financement du compte personnel formation, revenant finalement au système antérieur. J’imagine qu’il s’agit d’une solution de compromis. Toutefois, un financement dédié systématique préviendrait plus efficacement le risque de voir les entreprises finançant directement le compte personnel formation établir à nouveau une jonction entre plan de formation et compte de formation, dérive que l’on a déjà connue dans le droit individuel à la formation (DIF).

Enfin, je m’étonne que toutes les organisations n’aient pas donné leur avis sur l’inspection du travail alors que ce point est important.

M. Gérard Cherpion. Les partenaires sociaux présents ce matin nous ont fait part de points de vue communs mais aussi de visions différentes de l’évolution du texte.

Je retiens que la question des formations qualifiantes est fortement liée à celle des listes. D’un côté, on donne au salarié la possibilité de choisir, de prendre personnellement son avenir en main ; de l’autre côté, on réduit son choix à des listes. Entre les listes nationales, régionales et de branches, et celles qui s’adresseront aux demandeurs d’emploi et aux salariés règne une confusion qui risque de contrarier l’esprit d’ouverture et de responsabilisation du texte en enfermant dans des systèmes. Peut-être est-ce l’un des points sur lesquels M. Grignard trouvait nécessaire d’aller plus loin.

Pour les demandeurs d’emploi, que signifie le principe de codécision avec les régions ?

Un problème se pose, en effet, s’agissant du compte personnel formation, pour les entreprises de moins de cinquante salariés. Un suivi de l’évolution professionnelle plus poussé serait sans doute de nature à rendre les actions plus efficaces. Quant à la formalisation de l’entretien professionnel, si elle n’a pas eu lieu au bout de six ans, il va être bien compliqué de statuer sur l’éventuel abondement du compte. Par quel moyen la mettre en place sans créer de charge supplémentaire pour l’entreprise ?

Enfin, je souhaiterais quelques précisions concernant l’apprentissage dans le supérieur, où l’application du texte pourrait poser des difficultés.

M. Arnaud Richard. Les auditions auxquelles nous procédons aujourd’hui concernent un sujet d’une importance cruciale à l’heure où la plupart des indicateurs sont au rouge : malgré la promesse répétée d’inversion de sa courbe, le taux du chômage est explosif ; les impôts subissent une hausse massive ; la compétitivité de nos entreprises est aujourd’hui la plus faible, avec un taux de marge au plus bas depuis 1985. En dépit des promesses de la majorité et quoi qu’ait pu en dire le ministre Michel Sapin, les entrées en apprentissage reculent de manière spectaculaire, de moins 9,2 % sur un an à la fin du mois de novembre. Le nombre des contrats d’apprentissage est de 435 000 en France contre 1,5 million en Allemagne. Tous ces éléments soulignent l’importance de mettre en œuvre une réelle politique de l’emploi et de la formation professionnelle.

La formation initiale et continue, plus spécialement professionnelle, est au cœur de la « flexécurité » qui repose sur le principe d’une meilleure employabilité des personnes grâce à une meilleure formation. Chaque année, 32 milliards d’euros sont consacrés à cette politique, avec des résultats jugés peu satisfaisants au regard de ce budget. Dans ce contexte, l’accord national interprofessionnel du 14 décembre dernier est à saluer : les partenaires sociaux ont su trouver, dans le cadre du dialogue social, un accord sur un texte qui devrait permettre une meilleure stabilité juridique. Cet accord doit trouver une traduction législative à travers un projet de loi que nous attendons. Nous serons autant vigilants sur la fidélité à l’accord qu’attachés à formuler des propositions afin d’aboutir à la loi la meilleure possible pour l’emploi, pour nos concitoyens et pour nos entreprises.

Comme dans tout accord, chacune des parties prenantes a dû faire des compromis. Quelles concessions les organisations présentes ce matin ont-elles consenties ? Quels sont les éléments dont elles regrettent la présence ou l’absence ?

Les entreprises de dix à cinquante salariés sont-elles suffisamment concernées par l’accord ? Le groupe UDI est très attaché en particulier au secteur des services à la personne, fort pourvoyeur d’emplois. Serait-il possible d’amender le texte en ce sens, tout en respectant son équilibre ?

Comment les organisations syndicales imaginent-elles la montée en puissance du « paritarisme régional » introduit par ce projet qui décentralise une politique publique importante ?

Le compte personnel de formation (CPF) avait été esquissé dans la loi relative à la sécurisation de l’emploi de juin 2013, qui nous avait paru inaboutie. Nous avions alors proposé d’en préciser les modalités et les contours, à l’époque en vain. L’accord du 14 décembre apporte des avancées significatives que nous ne pouvons que saluer. Pensez-vous qu’il faille aller plus loin et préciser encore ce CPF ?

L’extrême complexité de l’offre de formation dans notre pays nuit à la mise en place des politiques publiques dans ce domaine. Il paraît nécessaire que ce secteur fasse l’objet d’un choc de simplification. À cet égard, l’accord du 14 décembre est-il suffisant ? Que pouvons-nous proposer afin de simplifier la formation professionnelle dans notre pays ?

M. Christophe Cavard. On ne peut que se réjouir de l’accord national interprofessionnel et du projet de loi qui en découle en matière de formation professionnelle, ainsi que du renforcement de la démocratie sociale sous tous ses aspects, déjà engagé à travers le texte sur la sécurisation de l’emploi. S’il ne s’agit encore que d’une étape, gageons que ce renforcement continuera dans le cadre du dialogue social que nous appelons de tous nos vœux.

Nous discutons d’un texte qui est encore susceptible d’évoluer puisqu’il sera présenté en conseil des ministres le 22 janvier prochain. La force du compte personnel de formation tient à son plafond de 150 heures contre 120 pour le DIF, même s’il n’est acquis qu’au bout de neuf ans contre six, ainsi qu’à sa vocation à ouvrir droit à des formations qualifiantes. Or, parmi tous les opérateurs de formation, bien peu sont capables d’offrir une telle formation en 150 heures. L’obligation de cofinancement qui en résulte est prévue, et par l’accord et par le texte, sous forme d’abondement. Toutefois, les OPCA s’inquiètent des moyens que leur donneront les nouveaux mécanismes de financement pour s’inscrire dans le dispositif et concourir à l’objectif.

En tant que représentants syndicaux, vous êtes partie prenante à l’organisme très intéressant qu’est le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, qui joue un rôle particulier dans le financement de la formation. Des inquiétudes s’expriment également quant aux moyens auxquels il pourra prétendre, sachant qu’il sera géré par la Caisse des dépôts qui aura aussi la charge du CPF des 18 millions de salariés – 25 millions demain –, et sans doute pas à titre gratuit. Comment ces différents éléments s’articuleront-ils pour garantir l’effectivité des moyens en dehors de la possibilité d’abondement du CPF par les collectivités locales ?

Nous sommes nombreux à nous interroger sur les listes, tant du point de vue de la qualité des formations offertes que du risque d’enfermement dans une logique collective qui ne laisserait au salarié que le choix d’effectuer un tri entre les formations qu’on voudrait bien lui accorder.

Si d’aucuns se réjouissent du passage à la gouvernance territoriale partagée, des interrogations demeurent sur la capacité d’installation du dialogue social territorial qui n’a pas d’existence puisque, jusqu’à présent, les discussions se tenaient plutôt à l’échelon national, avec les branches et les interprofessions. Comment ce dialogue social territorial, que nous appelons de nos vœux, pourrait-il s’établir ?

Les interrogations sur la qualité de la formation tiennent également à la capacité des organismes auxquels pourront faire appel les salariés à répondre aux besoins et à la réalité. En filigrane, le texte de loi cherche à introduire une forme de certification de la formation sur un marché où la qualité des organismes est pour le moins inégale.

Une dernière interrogation concerne les publics cibles. Qu’en est-il des demandeurs d’emplois et des publics dits hors champ, qui sont liés au monde agricole et à l’économie sociale et solidaire, à laquelle les écologistes sont très attachés ? La question est d’importance puisque 6 à 8 millions de salariés pourraient être concernés.

Mme Dominique Orliac. Selon les radicaux de gauche, la crise de la démocratie française affecte plus particulièrement les organisations syndicales. Alors que, en dépit des coups portés par la droite, la vie associative est bouillonnante dans notre pays, le syndicalisme attire moins d’adhérents et demeure dispersé malgré le front syndical qui s’était uni contre le CPE ou l’âge du départ à la retraite sous le précédent gouvernement. En se gardant de tout interventionnisme, le parti radical de gauche estime qu’il faut leur donner de nouveaux moyens d’intervention et d’expression. Quelle est votre position concernant la possibilité d’établir la primauté des conventions collectives de branche en France, mais également au sein de l’Europe, indépendamment de l’Union européenne ?

Que penseriez-vous de la création de section syndicales inter-PME et TPE ? Le parti radical de gauche verrait une piste intéressante dans l’autorisation de créer des groupements de syndicats permettant à des confédérations syndicales d’agir et de conduire des négociations ensemble, sans perdre leurs identités respectives.

Je m’interroge sur le principe de la validité des seuls accords ayant reçu l’approbation de syndicats représentant une majorité de salariés. Là aussi, je souhaiterais connaître votre opinion.

Enfin, que penseriez-vous de rendre obligatoire le vote aux élections professionnelles dans les entreprises ? Entendez-vous, comme la CGT, dénoncer la suppression des élections prud’homales ?

Mme Jacqueline Fraysse. Dans la période que nous traversons, le texte est essentiel pour les salariés et pour les entreprises elles-mêmes en ce qu’il traite de sujets cruciaux tels que le droit des salariés à la formation professionnelle, la qualité de cette formation et les moyens mis à son service. Il traite aussi de la démocratie sociale à travers la représentativité patronale et syndicale, le financement de ces organisations, l’information et la transparence des comités d’entreprise ainsi que la désignation des conseillers prud’homaux. Il aborde aussi des aspects essentiels en matière de contrôle de la formation professionnelle et d’apprentissage, et de rôle de l’inspection du travail.

Au début de ce travail important, je prends connaissance des propositions du texte, de l’opinion des différentes organisations syndicales, qu’elles aient ou non signé l’accord. Je n’ai pas à poser de question particulière si ce n’est à indiquer que nous suivrons avec beaucoup d’attention les travaux et les propositions qui seront faites, en essayant de les améliorer si cela est possible.

Mme Monique Iborra. Le ministre avait annoncé que la loi sur la formation professionnelle devait changer la donne, en particulier en matière de formation des demandeurs d’emploi. J’ai l’impression que l’accord ne répond pas tout à fait à cet objectif. Certes, les demandeurs d’emploi peuvent aussi bénéficier du compte personnel de formation mais, même avec trente heures supplémentaires, ce compte sera insuffisant pour obtenir les formations qualifiantes qui leur permettraient de sortir de cette catégorie. En matière de financement, les 300 millions d’euros supplémentaires prévus pour les demandeurs d’emploi sont bien peu par rapport aux 4 milliards dépensés pour la formation des chômeurs. Le CPF est-il en mesure de régler les inégalités dénoncées depuis des années et qui avaient conduit à la création du DIF, utilisé par seulement 6 % des salariés ?

Dans le cadre de l’accompagnement des salariés et des demandeurs d’emploi, le compte peut être abondé par d’autres, en particulier les régions. Ce ne sont certainement pas les mêmes organismes qui assureront la coordination pour les salariés et pour les demandeurs d’emploi. Ce point reste à préciser. Sachant qu’un demandeur d’emploi a surtout besoin d’être accompagné, on peut craindre qu’il ne s’engage dans un parcours du combattant pour arriver à mutualiser l’ensemble des financeurs potentiels.

Compte tenu du croisement entre les niveaux régional et national, on imagine mal qu’il puisse ne pas y avoir de pilote pour la mise en œuvre des listes éligibles au compte personnel de formation. Or je n’ai pas réussi à en identifier un, y compris dans le projet de loi. La nouvelle organisation régionale sera censée faire travailler tout le monde ensemble. S’il suffisait de mettre des gens autour d’une table, cela aurait été fait depuis longtemps. Or tout le monde n’a pas les mêmes objectifs.

On sait que le Fonds de sécurisation des parcours n’est pas régionalisé et qu’il va intervenir dans la formation, en particulier dans celle des demandeurs d’emploi. On connaît l’outil et les flux financiers, mais on ne connaît absolument pas, pas même la Cour des comptes, le retour sur investissement. Seriez-vous opposés à ce que ce fonds remette un rapport annuel au Parlement sur le rapport qualité-prix ?

Mme Isabelle Le Callennec. Entre la CFTC qui parle de réforme sociétale de grande ampleur, la CGT-FO pour qui ce n’est ni le grand soir ni une révolution copernicienne, et la CFE-CGC et la CFDT qui décrivent une réforme structurelle, j’entends que chacun a son opinion. Je n’insiste pas sur la représentativité et le financement du paritarisme sur lesquels j’ai bien compris qu’il y avait encore beaucoup à faire. Puissent les débats nous permettre d’avancer vers plus de transparence et plus de justice !

On dit aujourd’hui du système de formation professionnelle qu’il est illisible, opaque, inefficace et certainement coûteux. On dit aussi que 13 % seulement des demandeurs d’emploi bénéficient de la formation, contre 87 % des personnes occupant déjà un emploi. À vous entendre, j’ai eu le sentiment qu’on se focalisait davantage sur les salariés en entreprise qui disposent déjà de plans de formation, notamment du congé individuel de formation (CIF), et un peu moins des demandeurs d’emploi, alors que l’enjeu est clairement de rapprocher l’offre et la demande et de former les personnes peu qualifiées et les jeunes décrocheurs. Néanmoins, comme vous, je suis attachée à la formation tout au long de la vie, domaine dans lequel il reste des progrès à faire.

Notre propos à nous, législateurs, est de faire plus efficace, plus juste et plus lisible en utilisant mieux les fonds publics.

Le compte personnel de formation a été créé dans la loi de sécurisation de l’emploi. Le groupe UMP avait posé beaucoup de questions sur les moyens de lui donner corps ; vous, les partenaires sociaux, avez tenté de le faire. Moi aussi je m’interroge sur les listes de formations. Je vous entends dire que vous aurez la main dessus ; j’entends aussi le souhait des régions de les piloter. Il faudra donc que, au niveau des territoires, les acteurs se mettent autour de la table pour partager et un diagnostic et une proposition de liste.

Il y a aujourd’hui toute une palette de formations, au point que les demandeurs d’emploi et les salariés ont parfois des difficultés à s’y retrouver. De grâce, essayons de faire simple ! Pour que cette loi soit acceptée et appréciée, employons un vocabulaire simple et courant.

Le conseil en évolution professionnelle, déjà prévu dans la loi de sécurisation de l’emploi, m’apparaît comme une nécessité. Je pensais que les maisons de l’emploi s’en chargeraient mais on leur a coupé les vivres et diminué leur budget de moitié. Quoi qu’il en soit, de tels conseillers sont indispensables pour expliquer aux salariés et aux demandeurs d’emploi quelles sont les entreprises qui recrutent sur leur territoire.

S’agissant du financement, j’ai le sentiment qu’il n’est pas encore très clair. Nous avons auditionné hier la présidente du Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie (CNFPTLV) : apparemment, tout le monde ne comprend pas la même chose.

Par ailleurs, j’ai cru comprendre que l’abondement jusqu’aux 150 heures se faisait sur la base du volontariat. L’avez-vous également compris ainsi ? Que feront les régions, les OPCA, les entreprises ?

Enfin, puisque nous parlons de formation professionnelle, n’oublions pas le volet orientation qui est un vrai problème dans notre pays. L’éducation nationale doit définir un cadre national puis, grâce à la décentralisation, un travail doit se faire au niveau des territoires où les postures idéologiques politiques ou syndicales sont beaucoup moins de mise.

M. Jean-Marc Germain. En cette période, il est très important que syndicats de salariés et employeurs soient capables de s’entendre. Je me réjouis que Force ouvrière conçoive que les parlementaires puissent avoir un travail à faire quand bien même un accord a été signé.

Même si je prends acte du progrès que constituent le passage de 120 à 150 heures du compte personnel de formation et les possibilités d’abondement, je ne comprends pas pourquoi le compteur reste bloqué à cette hauteur, insuffisante pour les formations qualifiantes dont le pays a besoin, alors même que l’enjeu n’est pas financier. Pourquoi ne pourrait-on pas aller plus loin ?

S’agissant de la représentation patronale, je suis très attaché à un mode électif qui serait la juste contrepartie de ce qui a été décidé pour les syndicats de salariés en 2008. Pourquoi en rester à l’adhésion ?

Enfin, parmi les organismes de formation, il y en a de très bons mais aussi de très mauvais. Le gaspillage n’est pas seulement une question de mauvaise utilisation des sommes, il est également le fait d’organismes qui ne forment pas du tout utilement les salariés. La liste des formations m’inquiète moins que la qualité des organismes qui les dispensent. Comment améliorer le système ?

M. Gilles Lurton. Nous discutons d’un avant-projet de loi qui n’est pas stabilisé ni passé devant le Conseil d’État. Encore une fois, nous travaillons dans la précipitation sur un sujet dense et complexe. Je ne doute pas, madame la présidente, de la sincérité de vos interventions auprès du Gouvernement, mais je vois bien que les choses ne changent pas.

Le texte organise extrêmement bien la formation des travailleurs, alors que ce sont les publics les plus fragiles, que l’on balade de formation en formation ne débouchant jamais sur l’emploi, qui ont le plus besoin d’attention.

La région devient chargée de la politique régionale d’accès à l’apprentissage et à la formation professionnelle des jeunes et des adultes à la recherche d’un emploi ou d’une nouvelle orientation professionnelle. Comment la représentation syndicale compte-t-elle s’insérer dans ce renforcement de compétences ?

Enfin, malgré un faible taux de participation, je maintiens que les élections prud’homales conféraient une légitimité aux élus et créaient une certaine émulation au sein des entreprises.

Mme Fanélie Carrey-Conte. Visiblement, tous les syndicats ne sont pas d’accord sur la suppression des élections prud’homales. Que le faible taux de participation à ces élections puisse indiquer qu’elles ont perdu leur légitimité et justifier qu’on les supprime est un argument à manier avec précaution dans le débat public : il pourrait créer des précédents préoccupants du point de vue démocratique.

Comme Jean-Marc Germain, je ne vois pas pourquoi la représentativité patronale n’est pas soumise à élections. J’ai aussi le sentiment que la problématique des organisations hors champ – agriculture, professions libérales, économie sociale et solidaire – est loin d’être réglée, notamment sur la partie représentativité patronale.

M. Michel Liebgott. Chacun en convient, le texte apporte opportunément de nombreux progrès. En particulier, il précise en son article 15 que si une organisation patronale représente moins de 5 % des entreprises d’une branche, l’administration pourra lui appliquer la convention collective d’une autre branche ou éventuellement fusionner sa convention collective avec celle d’une autre branche. Que pensez-vous de cette disposition, sachant qu’aujourd’hui de nombreuses conventions collectives sont moribondes et que le rapport récent d’un directeur du travail préconisait de diviser par trois ou quatre le nombre de branches dans les dix ans qui viennent ?

Comme beaucoup, je m’interroge sur l’application de l’accord ou de la future loi dans les petites et moyennes entreprises. Êtes-vous en capacité aujourd’hui de nous proposer des dispositifs susceptibles d’être intégrés dans la loi pour mettre en œuvre des plans de formation dans les TPE et PME ? C’est un enjeu pour nous et pour les entreprises, mais aussi pour vous, au regard de la qualité de votre représentativité.

M. Denys Robiliard. La CFTC n’a pas donné son point de vue sur les titres II et III du projet de loi.

La CFDT s’est prononcée sur l’importance de procéder à la restructuration des branches trop nombreuses. De ce point de vue, je suis intéressé par son analyse de la section VIII de l’article 15, évoquée à l’instant par M. Liebgott, qui permet, dans le cas d’une très faible représentation patronale, de ne pas arrêter les listes ou de ne pas étendre une convention collective.

Nous sommes plusieurs à soulever la question du hors champ. Cette réforme de la démocratie sociale pourrait-elle être l’occasion d’essayer d’intégrer dans le dialogue social interprofessionnel les organisations patronales représentatives hors champ, et de quelle manière ? La question se posera également pour les organismes paritaires, notamment ceux qui gèrent des fonds. Alors que les entreprises du hors champ cotisent, elles ne siègent pas dans ces organismes, non plus que dans le nouveau fonds paritaire de financement de la négociation sociale. Y a-t-il une place pour elles ?

M. Marcel Grignard (CFDT). Je regrette qu’on ait pu comprendre de mes propos qu’une faible participation électorale délégitimait les juges des conseils de prud’hommes et qu’on pouvait donc en supprimer l’élection. On peut supprimer cette élection parce que la réforme de la représentativité, qui a maintenant un cycle complet d’existence, a démontré son efficacité : sur un corps électoral pourtant plus petit, le nombre de salariés à s’exprimer est beaucoup plus important que pour les prud’hommes. Les salariés peuvent donc s’exprimer selon des modalités plus solides que l’élection prud’homale telle qu’elle existait.

La CFDT fait partie des organisations syndicales qui pensent que les partenaires sociaux ont à produire un effort considérable d’adaptation au monde tel qu’il est, et qu’ils ne sont pas en très bonne santé. Rien ne permet de penser que les organisations syndicales de salariés sont plus en forme que les organisations patronales, au contraire.

Le niveau des branches est un facteur central de régulation. À l’issue d’un travail effectué au Haut conseil du dialogue social, 200 branches professionnelles ont été écartées : soit que moins de dix salariés s’étaient exprimés dans l’élection de représentativité dans leur champ, soit que, depuis vingt ans, elles n’avaient posé aucun acte politique. Pour autant, les 500 autres branches ne sont pas forcément en bonne santé. Les pays voisins qui ont un dialogue social de qualité au niveau des branches professionnelles en comptent une dizaine au maximum. La structuration des branches relève de l’unique responsabilité patronale, les organisations syndicales n’ont aucun pouvoir. Si on laisse les acteurs faire, rien ne changera. On a besoin d’une puissance publique quelque peu coercitive pour obliger les employeurs à être efficaces et à arrêter de construire des branches professionnelles de circonstance qui n’ont rien à voir avec l’enjeu de la régulation sociale.

Dans la question du hors champ aussi, la responsabilité patronale est énorme. Certains secteurs d’activité devraient être inclus dans la dimension nationale interprofessionnelle pour tenir compte de l’évolution de la situation, c’est une évidence.

La mesure de représentativité sur sigle dans les très petites entreprises de moins de dix salariés résulte du refus patronal d’un vrai dialogue social pour ces entreprises. Nous avons beaucoup regretté, sous la précédente législature, que le Parlement ait participé à consolider cette vision la moins positive du patronat, sur laquelle il faut revenir. S’il n’y a pas de point de vue commun entre les organisations syndicales de salariés, nous sommes convaincus qu’il n’y aurait aucun sens à organiser un dialogue social structuré à l’intérieur des entreprises de moins de dix salariés. Par contre, des commissions paritaires pourraient tout à fait le faire sur les territoires. Des salariés seraient élus sur listes nominatives dans ces commissions paritaires pour traiter les problèmes quotidiens auxquels leurs collègues sont confrontés. De notre point de vue, la seule réponse à la crise institutionnelle de représentation à tous les niveaux, y compris syndical, c’est la relation directe entre les salariés et les organisations syndicales. À cet égard, la réforme de 2008 nous semblait vraiment la bonne méthode.

En matière de formation professionnelle, nous sommes convaincus que le nouvel espace de négociation collective dans l’entreprise est un vrai facteur de progrès. La possibilité donnée aux entreprises de fonder avec les partenaires sociaux un accord collectif sur l’utilisation du 0,2 % répond pour partie à vos interrogations sur la définition des priorités par accord collectif au sein de l’entreprise. Ces priorités ne seront pas les mêmes dans une entreprise de gardiennage ou dans une entreprise de service informatique, même si les deux ont des publics fragiles quoique différents eux aussi. Il est donc important que la négociation collective trouve des réponses à ce niveau-là. C’est là, pour l’entreprise, le moyen, non pas de récupérer à son profit le compte personnel de formation, mais de trouver une articulation entre le plan de formation, qui est de sa responsabilité, et le CPF, qui est un outil pour le salarié. Si les textes doivent clairement poser que le compte personnel de formation relève de la décision unique du salarié, les faits montrent que les rôles des uns et des autres sont beaucoup plus complémentaires que ne le laisse penser la séparation totale des deux éléments telle qu’elle est prévue.

S’agissant des demandeurs d’emploi, vous accorderez à la CFDT le crédit d’y avoir beaucoup pensé dans la négociation, et ce dans une vision dynamique. Chacun a été marqué par les événements auxquels a donné lieu la crise agroalimentaire en Bretagne. Si l’accord que nous avons signé avait été en vigueur depuis dix ans, le système du bilan à six ans et d’abondement correctif aurait joué, dans les sociétés Gad et Doux, pour beaucoup des salariés qui ont perdu leur emploi aujourd’hui et n’ont pas eu depuis très longtemps de formation professionnelle sérieuse. Avec un crédit de 150 heures et un correctif de 100 heures, ils auraient pu bénéficier d’un mois et demi. Le crédit est certes faible au regard de la longueur de certaines formations, mais 250 heures contre rien pour certains, cela fait une différence.

Les besoins de formation des demandeurs d’emploi ont deux causes principales : soit ils ont quitté le système scolaire sans avoir acquis le minimum vital en matière de compétence professionnelle, soit, malgré une longue carrière, ils n’ont jamais eu aucune expérience de travail qualifiante. Plus on est efficace en amont, moins il est difficile de résoudre la situation des salariés qui deviennent demandeurs d’emploi. C’est pourquoi, dans la négociation, nous avons insisté sur l’acquisition du socle de compétences, qui est liée au problème de l’illettrisme. Ce point transparaît bien dans le projet de loi. À tous les niveaux de la gouvernance, notamment régional, partenaires sociaux et pouvoirs publics doivent pouvoir allier leurs forces pour sortir ces salariés de la situation difficile où ils se trouvent. Nous avons mis l’accent sur cet aspect de l’acquisition du socle de compétences pour plaider, pour certains cas, en faveur de l’utilisation du compte personnel de formation obligatoirement pendant le temps de travail.

Avec la logique d’abondement, nous avons voulu corriger les deux gros défauts du droit individuel à la formation (DIF), qui traitait tous les salariés de la même manière, quels que soient leur parcours et leurs besoins, et qui laissait au seul salarié l’initiative d’aller en formation ainsi que le choix de cette formation. C’est à l’entreprise, à la branche professionnelle et aux territoires que revient la responsabilité politique majeure de définir les publics prioritaires et le mode d’abondement nécessaire pour leur permettre de bénéficier de formations qualifiantes. Dans le même temps, il faudra inciter les organismes de formation à penser de nouveaux modules de formations qualifiantes. Une compétence qui nécessite 600 heures de formation pourrait, par exemple, être acquise en quatre fois 150 heures, ce qui est d’ailleurs plus supportable pour les entreprises qui doivent laisser partir leurs salariés en formation.

J’en viens à la question des listes et de la gouvernance. À un moment, il faut décider si on laisse la liberté totale aux individus ou si on accommode cette liberté à l’intérêt général. De ce point de vue, il nous semble légitime de lister des formations liées à l’utilisation du compte personnel de formation. Les listes sont construites sur trois niveaux. Le premier est la branche professionnelle qui a, dans un secteur d’activité donné, la meilleure vision des emplois et de leur devenir, qu’il tende vers le développement ou l’obsolescence – du moins en théorie. Le deuxième niveau est l’interprofession nationale qui devrait – toujours en théorie, car la réalité est souvent un peu plus délicate – être capable de consolider la vision des branches professionnelles en en comblant les failles. En principe, il ne doit pas y avoir de contradiction entre les besoins sectoriels et la vision nationale interprofessionnelle. Le troisième niveau est la région, lieu de concertation où l’instance politique et les partenaires sociaux doivent s’accorder sur les besoins pour tenter d’articuler la vision sectorielle mentionnée plus haut avec la réalité régionale. L’emploi dans un secteur d’activité comme l’informatique a une dimension verticale évidente, mais la manière de la mettre en œuvre dans les territoires peut être extrêmement variée en fonction de la dynamique du territoire ou de l’implantation des entreprises.

Voilà comment nous voyons les choses. Il est probable que cela ne fonctionne pas immédiatement, mais nous parions sur la forte envie des acteurs de faire réussir le système. Le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, dont le financement est dorénavant beaucoup plus transparent grâce à un effort conséquent de clarification, est un véritable outil pour aider à concrétiser les choses.

Vous vous êtes inquiétés de savoir si les entreprises, notamment de dix à cinquante salariés, disposeront des moyens de mettre en œuvre des plans de formation. Force est de constater que la mécanique précédente avec obligation fiscale ne permettait pas de répondre aux objectifs politiques poursuivis. La fin de cette obligation fiscale, nous en sommes convaincus, ne modifiera globalement pas le comportement des entreprises vis-à-vis du plan interne de formation destiné à l’adaptation des salariés à l’évolution de l’outil de production. Ou alors c’est qu’elles se désintéressent de l’avenir au point d’être suicidaires.

Quant aux chiffres, remettons-y de l’ordre. L’obligation fiscale de 1,6 % de la masse salariale aboutit à un montant théorique de 7,3 milliards, mais le produit effectif de la collecte par les OPCA est de 6,7 milliards. Dans la mécanique proposée, avec le 1 %, il y a une mutualisation obligatoire de 4,9 milliards, à laquelle s’ajoutent des obligations conventionnelles précédentes qui demeurent, pour 1,4 milliard. Au total, la mutualisation réelle s’élève à 6,3 milliards. Contrairement à certains commentaires, il y a amélioration notable de la mutualisation. On ne peut pas en dire autant du mécanisme actuel qui permet à certains de mettre de l’argent au pot commun puis de le récupérer. La mécanique proposée par l’accord et reprise par le projet de loi améliore donc considérablement la mutualisation.

En tant que syndicat de salariés, notre objet n’est pas la défense des organisations patronales. Pourtant, nous souffrons principalement de leur faiblesse, plus précisément de leur faible capacité d’engagement des entreprises. Celle-ci est même nulle pour des entreprises non adhérentes d’organisations patronales. Pour illustrer l’absence de symétrie des situations entre les entreprises et les salariés que je relevais plus haut, au sein de l’entreprise, si les salariés doivent voter pour décider quelles organisations syndicales vont les représenter, personne n’imagine un vote pour savoir qui va représenter l’employeur.

M. Franck Mikula (CFE-CGC). Après avoir entendu les explications très complètes de M. Grignard sur les incidences de la mutualisation sur les plus petites entreprises, je suis enclin à nuancer ma position : s’il y a effectivement un risque pour ces entreprises, il est moins fort avec l’ANI qu’hier. Les grosses entreprises s’arrangeaient pour récupérer leurs fonds, voire plus, et il ne restait plus rien pour les autres.

La question du pilotage des listes de formation reste pendante. Pour des projets de ce type, mettant en présence régions et État, ce dernier est sans doute mieux à même de répondre. Il faudra sans doute compléter les quelques pistes que nous avons envisagées.

La CFDT parie que la mutualisation ne modifiera pas le comportement des entreprises, considérant qu’elles ont une responsabilité en matière de maintien de l’employabilité et de l’emploi. L’adaptation aux mutations économiques et technologiques est en effet du ressort de l’entreprise. Pour autant, dans nos réflexions sur l’individualisation de la formation, prenons garde à ne pas renvoyer en totalité cette responsabilité sur le salarié. Très peu utilisent le droit individuel à la formation (DIF) et très peu utiliseront le CPF. Pour l’anecdote, lors de notre comité directeur, les participants dont le DIF était encore à son plafond ont été invités à se déclarer : la majorité des mains s’est levée. Cela montre bien que, en matière de formation, on ne peut pas confier toute la responsabilité aux salariés, et que le plan de formation est complémentaire du CPF. L’ANI tente d’apporter une amélioration en responsabilisant encore mieux les acteurs dans l’entreprise, en négociant la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC), en introduisant un plus grand contrôle des instances représentatives du personnel sur le plan de formation et la formation globale. Mais ne perdons pas de vue que la responsabilité première en matière de maintien de l’employabilité revient à l’entreprise, c’est même une obligation.

Il est certain que 150 heures sont insuffisantes pour une formation qualifiante. Si la représentation nationale décidait d’en augmenter le nombre, cela ne nuirait pas forcément à l’équilibre de l’accord.

En matière d’apprentissage dans le supérieur, ce n’est pas tant l’ANI ou le projet de loi qui nous inquiète que tout le discours qui a accompagné la négociation. On sent bien qu’une priorité tente d’être donnée aux formations de premier niveau. Si la fibre citoyenne de chacun l’incite à se préoccuper d’offrir une meilleure formation à nos jeunes, tout ne peut pas reposer sur les fonds de la formation professionnelle. Tout commence à l’école. Les décrocheurs, les jeunes non qualifiés relèvent de la responsabilité familiale, scolaire et citoyenne avant d’être une coresponsabilité des partenaires sociaux et des employeurs. N’oublions donc pas l’ensemble des acteurs quand on aborde ce sujet du manque de qualification. Par ailleurs, nous avons également quelques doutes sur le financement des écoles d’ingénieurs et de commerce.

Illisibilité, opacité, complexité, les mécanismes en place sont, il est vrai, compliqués. Les partenaires sociaux ont tenté de renvoyer cette complexité à ceux qui élaborent les listes de formations qualifiantes pour simplifier le travail de l’utilisateur, qui n’a pas besoin de maîtriser tous les circuits de financement ni les sigles. Rappelons que d’autres systèmes de formation que le CPF existent, notamment le DIF et toutes les périodes de professionnalisation.

S’agissant des inquiétudes sur l’absence de moyens, nous ne serions pas choqués que l’État ou les régions décident d’améliorer encore le financement de la formation professionnelle dans les régions.

Je terminerai en disant que ce n’est pas la formation qui crée l’emploi, non pas pour botter en touche, mais pour rappeler que pour s’interroger sur l’employabilité encore faut-il avoir des emplois.

M. Patrick Le Moigne (CFTC). Beaucoup d’entre vous ont des interrogations sur le hors champ. Sachez que la CFTC est parfaitement d’accord pour l’intégrer, et moi-même a fortiori puisque j’appartiens à une branche hors champ. J’avais d’ailleurs négocié parallèlement au niveau de l’Union nationale des professions libérales (UNAPL) qui n’est pas à la table des négociations. Dans le texte que j’ai vu passer sur la représentativité des employeurs, le hors champ ne figurait pas. Pourquoi ? Peut-être la représentation nationale pourrait-elle rectifier le tir en demandant aux employeurs de l’UNAPL et de l’agriculture de venir à la table des négociations. Sinon, comme à chaque fois, l’ANI ne sera pas applicable au hors champ tant que le texte de loi ne sera pas adopté. Pendant ce temps, ces branches demanderont aux partenaires sociaux et aux organisations syndicales de venir négocier pour leur petit pré-carré. Ce n’est pas bien.

Pour s’assurer de la qualité des organismes de formation, qui sont légion, la CFTC suggère de prévoir dans le texte de loi d’examiner ces organismes tous les deux ou trois ans, en fonction de critères très précis et surtout des résultats obtenus. C’est bien beau de leur donner de l’argent, mais qu’offrent-ils en retour pour les salariés ? Nous, les organisations syndicales, nous sommes encore plus interpellées sur le terrain que vous, mesdames, messieurs les députés. Tous ensemble, nous devrions être d’accord pour revoir ces organismes de formation.

Quant à vous parler des concessions consenties lors de la négociation, je ne le ferai pas. Le temps de la négociation est passé, celui de la conclusion est arrivé. Peut-être les organisations patronales pourront-elles vous répondre si vous les interrogez. Il est vrai que 150 heures de formation, c’est insuffisant. La CFTC avait proposé d’aller jusqu’à 200 heures, niveau plus adapté à une formation qualifiante.

Pour finir, s’agissant des listes, on oublie trop souvent les observatoires des métiers qui fonctionnent très bien et qu’il faut utiliser. Les observations effectuées par leurs soins au niveau des bassins économiques remontent aux branches et peuvent être utilisées par les régions.

Tout n’est pas parfait dans l’accord, mais l’avancée est réelle. C’est maintenant à la représentation nationale d’apporter sa contribution.

M. Stéphane Lardy (CGT-FO). J’aimerais bien, monsieur Richard, qu’il y ait 32 milliards d’euros à gérer pour la formation professionnelle des salariés, mais ce n’est pas le cas. Il n’y a rien d’étonnant à notre inclination pour les salariés puisqu’ils sont notre domaine de compétence. Je ne négocie pas pour les demandeurs d’emploi, même si le fonds paritaire leur consacre 85 % de ses financements. Avec les financements des organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) de la préparation opérationnelle à l’emploi et du contrat de sécurisation professionnelle, la formation professionnelle des demandeurs d’emploi atteint plus d’un milliard.

Bien sûr, si j’avais été seul à négocier, l’accord ne serait pas celui-là : tout le monde aurait eu droit à mille heures de formation ! Mais il faut « aller vers l’idéal et comprendre le réel », comme disait Jaurès. Le compromis est toujours un élément instable et précaire.

Le compte personnel de formation est un progrès par rapport au DIF en ce qu’il est un droit plus personnel. On aurait pu le laisser à l’entière responsabilité des salariés, mais des exemples étrangers ont montré qu’à les laisser livrés à eux-mêmes, ce sont toujours les mêmes qui profitent, et on renforce les inégalités de traitement. C’est pourquoi il fallait y associer des garanties collectives, en confiant, par exemple, la définition des formations qualifiantes à la négociation de branche et celle des listes de formation pour les demandeurs d’emploi à la négociation d’entreprise. L’objectif des garanties collectives est de faire du compte personnel formation un droit conditionné pour éviter de renforcer les risques d’inégalités de traitement et d’accès à la formation professionnelle qu’il comporte et dont le MEDEF ne se soucie pas vraiment. Le patronat se préoccupe plutôt du plan de formation et de la professionnalisation, mais c’était l’objet du compromis. Nous avons choisi de faire de la régulation collective, par la négociation d’entreprise et de branche, sur les types de formation. Bien évidemment, elle est de nature financière puisque le but des listes est d’éviter d’ouvrir à tout. Nos camarades qui œuvrent dans les branches connaissent les entreprises et savent déjà de quelles formations ont besoin les salariés.

La gouvernance suscite beaucoup d’interrogations. Sur des sujets qui se croisent, les relations entre partenaires sociaux et régions sont assez compliquées. En matière d’éligibilité des listes, nous nous déclarons compétents, mais vous ferez ce que vous avez à faire. Contrairement à certains qui veulent s’accaparer cette responsabilité en considérant que les régions n’ont pas voix au chapitre, nous pensons que la concertation est nécessaire et qu’elle doit même être rendue obligatoire. Une vraie concertation réussie me paraît préférable à la désignation d’un pilote qui déciderait à la fin.

Mme Iborra propose que le Fonds de sécurisation des parcours professionnels présente un rapport au Parlement. L’idée ne nous dérange pas. Quant à la périodicité, mieux vaudrait sans doute tous les trois ans plutôt que tous les ans, compte tenu de la lourdeur du dispositif, même s’il va être réformé avec le fonds paritaire. Nous avons en quelque sorte engagé le travail en procédant à des évaluations, mais n’oublions pas que la formation est une munition à mèche longue.

Les organismes de formation ne sont pas des objets de négociation. Déjà en 2008, la question avait été abordée car ils posent un vrai problème. Aujourd’hui, 56 000 organismes font une déclaration d’activité dans ce secteur qui fonctionne comme un véritable marché sur lequel le Conseil supérieur de la concurrence veille. Les OPCA, par exemple, ne peuvent pas choisir les organismes de formation comme elles l’entendent parce qu’elles sont soumises au droit de la concurrence. Il nous semble que les pouvoirs publics seraient tout à fait dans leur rôle en organisant ce marché de la même manière qu’ils ont organisé celui des services à la personne, qui est régulé par l’Agence nationale des services à la personne. L’État doit utiliser cette possibilité qu’il a de réguler le marché, car la délégation d’activité ne suffit pas. Sur les 56 000 organismes, 2 000 travaillent et 200 font 80 % du chiffre d’affaires. Les grandes entreprises exigent des organismes qu’elles choisissent qu’ils se fassent labelliser et certifier ISO, mais ce n’est que de la procédure. Nous attendons de la représentation nationale qu’elle intervienne sur ce sujet qui relève vraiment du domaine législatif.

L’intégration du hors champ ne nous pose pas de souci non plus, puisque nous y sommes également représentatifs, pourvu toutefois qu’il soit pris en compte sur le quota patronal !

S’agissant d’une réforme structurelle, nous sommes très attentifs aux délais qui permettent de gérer la transition. D’ores et déjà, je peux annoncer que, au 1er janvier 2015, la situation va être compliquée : pour la Caisse des dépôts, d’une part, même si elle fait déjà de la gestion de comptes de droits de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL), l’opération reste techniquement assez compliquée ; pour les branches, d’autre part, sachant que toutes n’ont pas la capacité de négocier très vite et qu’elles ont déjà fort à faire avec les complémentaires santé, le temps partiel, le contrat de génération et la qualité de vie au travail. Si vous leur imposez une date butoir au 1er novembre, attendez-vous à de mauvaises surprises. Il faut donc faire extrêmement attention et donner également aux OPCA la capacité de gérer la transition, selon nous, dans le cadre de conventions d’objectifs et de moyens qui les laisseraient tranquilles sur les frais de gestion sur les TPE et PME pour privilégier des activités de service en direction de ces entreprises. Cette réforme structurelle va demander du temps. Attention au crash sur la piste d’atterrissage !

Mme Marie-Alice Médeuf-Andrieu (CGT-FO). La question de fond, s’agissant de la représentativité patronale, est que les organisations syndicales n’ont pas eu le droit de la négocier comme l’avait été la représentativité syndicale. D’ailleurs, Force ouvrière avait dit, à l’époque, ne pas voir l’intérêt de négocier cette dernière avec les organisations patronales si l’inverse n’avait pas lieu. L’absence d’une telle négociation a donc conduit au choix de l’adhésion plutôt que de l’élection. Force est de constater qu’il y a deux poids, deux mesures, et que tout le monde n’est pas traité de la même façon dans l’espace de dialogue social. De surcroît, en l’absence de négociation, la question du hors champ n’a pas pu être traitée.

Force ouvrière est très attachée au principe de faveur. Nous n’avons donc aucun problème avec la primauté accordée aux conventions collectives de branche.

Pour ce qui est de la faiblesse des organisations syndicales, elle s’explique par le système particulier à la France de la couverture conventionnelle. Que la négociation d’un accord suffise à faire appliquer cet accord à l’ensemble des salariés n’est pas de nature à susciter l’appétence pour l’adhésion syndicale ou la participation aux élections professionnelles qui peut exister dans les pays nordiques ou anglo-saxons. À cet égard, il y aurait autant à dire du taux d’adhésion à des partis politiques que du taux de syndicalisation. C’est notre système qui le veut ainsi : en démocratie, chacun est libre de voter et de participer ou non.

En soi, la restructuration des branches par fusion ou élargissement ne nous pose pas de problème puisque cela existe déjà dans le cadre des négociations de branche, lorsque certaines sont en panne. Nous sommes d’accord avec l’article 15 et la faculté pour le ministre d’élargir ou de fusionner, à condition toutefois de préciser qu’il ne peut le faire qu’après avis conforme de la Commission nationale de la négociation collective et du Haut conseil du dialogue social, de façon à pouvoir faire entendre nos positions dans la défense des intérêts des nombreux salariés qu’une telle opération concernerait.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Merci, mesdames, messieurs, pour ce tour d’horizon sinon exhaustif du moins assez complet. Je rappelle que le projet de loi sera présenté mercredi prochain en conseil des ministres.

La séance est levée à onze heures cinquante.

——fpfp——

Présences en réunion

Réunion du mercredi 15 janvier 2014 à 9 heures

Présents. – M. Élie Aboud, M. Bernard Accoyer, M. Pierre Aylagas, M. Jean-Pierre Barbier, Mme Marie-Noëlle Battistel, Mme Véronique Besse, Mme Gisèle Biémouret, Mme Valérie Boyer, Mme Sylviane Bulteau, Mme Fanélie Carrey-Conte, Mme Martine Carrillon-Couvreur, M. Christophe Cavard, M. Gérard Cherpion, Mme Marie-Françoise Clergeau, M. Jean-Louis Costes, M. Rémi Delatte, M. Jean-Pierre Door, M. Dominique Dord, M. Richard Ferrand, Mme Jacqueline Fraysse, Mme Hélène Geoffroy, M. Jean-Marc Germain, M. Jean-Patrick Gille, Mme Linda Gourjade, M. Henri Guaino, M. Jérôme Guedj, Mme Joëlle Huillier, Mme Sandrine Hurel, Mme Monique Iborra, M. Michel Issindou, M. Denis Jacquat, Mme Chaynesse Khirouni, Mme Conchita Lacuey, Mme Isabelle Le Callennec, Mme Annie Le Houerou, Mme Catherine Lemorton, M. Jean Leonetti, M. Céleste Lett, Mme Geneviève Levy, M. Michel Liebgott, Mme Véronique Louwagie, M. Gilles Lurton, Mme Véronique Massonneau, M. Pierre Morange, M. Hervé Morin, Mme Ségolène Neuville, Mme Dominique Orliac, Mme Luce Pane, M. Christian Paul, M. Bernard Perrut, Mme Martine Pinville, Mme Bérengère Poletti, M. Arnaud Richard, M. Denys Robiliard, M. Arnaud Robinet, M. Gérard Sebaoun, M. Christophe Sirugue, M. Jean-Louis Touraine, M. Olivier Véran, M. Jean-Sébastien Vialatte

Excusés. – Mme Kheira Bouziane, Mme Gabrielle Louis-Carabin, M. Jean-Philippe Nilor, Mme Monique Orphé, M. Fernand Siré, M. Jonas Tahuaitu

Assistaient également à la réunion. – M. Régis Juanico, Mme Bernadette Laclais