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Texte du projet de loi – n° 1395
MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES
ET DISPOSITIONS SPÉCIALES
AUTORISATIONS BUDGÉTAIRES POUR 2014 –
CRÉDITS ET DÉCOUVERTS
Il est ouvert aux ministres, pour 2014, au titre du budget général, des autorisations d’engagement et des crédits de paiement s’élevant respectivement aux montants de 410 458 992 562 € et de 407 409 515 462 €, conformément à la répartition par mission donnée à l’état B annexé à la présente loi.
ÉTAT B
(Article 44 du projet de loi)
Répartition, par mission et programme, des crédits du budget général
SÉCURITÉS
(En euros) | ||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits |
Sécurités |
18 278 010 326 |
18 255 684 875 |
Police nationale |
9 600 356 601 |
9 654 628 243 |
Dont titre 2 |
8 713 365 260 |
8 713 365 260 |
Gendarmerie nationale |
7 958 316 470 |
8 033 362 061 |
Dont titre 2 |
6 819 507 080 |
6 819 507 080 |
Sécurité et éducation routières |
129 010 063 |
129 010 063 |
Dont titre 2 |
80 946 350 |
80 946 350 |
Sécurité civile |
590 327 192 |
438 684 508 |
Dont titre 2 |
162 859 008 |
162 859 008 |
Amendement n° 407 présenté par M. Boisserie, M. Blazy et Mme Mazetier.
Après l’article 74, insérer la division et l’intitulé suivants :
Au premier alinéa de l’article L. 1311-2 du code général des collectivités territoriales, l’année : « 2013 » est remplacée par deux fois par l’année : « 2017 ».
Il est ouvert aux ministres, pour 2014, au titre des comptes d’affectation spéciale et des comptes de concours financiers, des autorisations d’engagement et des crédits de paiement s’élevant respectivement aux montants de 194 838 355 449 € et de 194 908 155 449 €, conformément à la répartition par compte donnée à l’état D annexé à la présente loi.
(Article 46 du projet de loi)
Répartition, par mission et programme, des crédits des comptes
d’affectation spéciale et des comptes de concours financiers
CONTRÔLE DE LA CIRCULATION ET DU STATIONNEMENT ROUTIERS
(En euros) | ||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits |
Contrôle de la circulation et du stationnement routiers |
1 402 396 000 |
1 402 396 000 |
Radars |
220 000 000 |
220 000 000 |
Fichier national du permis de conduire |
19 000 000 |
19 000 000 |
Contrôle et modernisation de la politique de la circulation et du stationnement routiers |
31 559 321 |
31 559 321 |
Contribution à l’équipement des collectivités territoriales pour l’amélioration des transports en commun, de la sécurité et de la circulation routières |
679 773 440 |
679 773 440 |
Désendettement de l’État |
452 063 239 |
452 063 239 |
Amendement n° 617 présenté par le Gouvernement.
Au premier alinéa de l’article 3 de la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « cinq ».
ÉTAT B
(Article 44 du projet de loi)
Répartition, par mission et programme, des crédits du budget général
IMMIGRATION, ASILE ET INTÉGRATION
(En euros) | ||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits |
Immigration, asile et intégration |
653 536 500 |
664 900 000 |
Immigration et asile |
591 800 000 |
602 600 000 |
Intégration et accès à la nationalité française |
61 736 500 |
62 300 000 |
Amendement n° 192 présenté par M. Coronado, Mme Abeille, M. Alauzet, Mme Allain, Mme Attard, Mme Auroi, M. Baupin, Mme Bonneton, M. Cavard, M. de Rugy, M. François-Michel Lambert, M. Mamère, Mme Massonneau, M. Molac, Mme Pompili, M. Roumegas et Mme Sas.
Modifier ainsi les autorisations d'engagement et les crédits de paiement :
(en euros) | ||
Programmes |
+ |
- |
Immigration et asile |
0 |
5 000 0000 |
Intégration et accès à la nationalité française |
5 000 000 |
0 |
TOTAUX |
5 000 000 |
5 000 000 |
SOLDE |
0 |
Compte rendu de la commission élargie du jeudi 31 octobre 2013
(Application de l’article 120 du Règlement)
Sécurités,
Contrôle de la circulation et du stationnement routiers (compte spécial)
La réunion de la commission élargie commence à neuf heures cinq, sous la présidence de M. Dominique Baert, vice-président de la commission des finances, de Mme Patricia Adam, présidente de la commission de la défense nationale et de M. Dominique Raimbourg, vice-président de la commission des lois, puis de M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois.
M. Dominique Baert, président. Monsieur le ministre de l’intérieur, Mme Patricia Adam, présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées, M. Dominique Raimbourg, vice-président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration de la République – qui remplace le président Jean-Jacques Urvoas –, et moi-même sommes heureux de vous accueillir au sein de cette commission élargie afin de vous entendre sur les crédits du projet de loi de finances pour 2014 consacrés à la mission « Sécurités ».
Mme la présidente Patricia Adam. La commission de la défense est toujours attachée au statut militaire des gendarmes ; aussi a-t-elle été particulièrement attentive au discours qu’a tenu devant nous le général Denis Favier.
M. Dominique Raimbourg, président. La commission des lois a nommé deux rapporteurs pour avis : M. Jean-Pierre Blazy, qui a travaillé sur les crédits relatifs à la sécurité et s’est intéressé aux zones de sécurité prioritaires et aux questions immobilières dans la police et la gendarmerie, et M. Pierre Morel-A-L’Huissier, qui s’est penché sur les crédits relatifs à la sécurité civile et a approfondi la question du volontariat chez les sapeurs-pompiers et – à la suite de travaux entamés l’année dernière – celle de la rationalisation des moyens aériens.
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure spéciale de la commission des finances, pour les crédits relatifs à la police, à la gendarmerie et à la sécurité routière, et au contrôle de la circulation et du stationnement routiers. En 2014, les crédits de paiement de la police et de la gendarmerie seront en hausse de 1,4 % et de 0,8 % respectivement. En ces temps de contrainte budgétaire, ces augmentations, même limitées, traduisent clairement la volonté du Gouvernement de faire de la sécurité l’une des priorités de sa politique.
Les évolutions d’effectifs sont tout aussi significatives. Hors variations de périmètre, les effectifs de la police augmenteront l’an prochain de 243 équivalents temps plein travaillé (ETPT), chiffre à rapprocher des 7 000 emplois perdus entre fin 2007 et fin 2012. L’essentiel des effectifs de la police nationale est affecté au maintien de l’ordre, de la sécurité et de la paix publique, ainsi qu’aux missions de police judiciaire. Les effectifs de la police aux frontières (PAF) sont toujours plus étoffés que ceux qui se consacrent à la sécurité routière. Dans la gendarmerie aussi, l’hémorragie des effectifs sera stoppée : 162 postes seront créés en 2014, alors que 6 790 avaient été supprimés pendant la révision générale des politiques publiques (RGPP).
Conséquence des hausses d’effectifs et de l’entrée en application de plusieurs mesures catégorielles, les dépenses de rémunérations et de charges sociales continuent leur progression, augmentant de 127 millions d’euros pour la police et de 57,6 millions pour la gendarmerie. Les crédits consacrés aux rémunérations concentreront en 2014 plus de 90 % des moyens de la police et 85 % de ceux de la gendarmerie. Cependant, contrairement à la période précédant 2012 – où la masse salariale a progressé en dépit des lourdes suppressions d’effectifs dues à la RGPP –, l’augmentation des crédits consacrés aux rémunérations est dorénavant surtout liée à celle du nombre de postes.
Le rapport de la Cour des comptes daté de mars 2013 met en lumière les difficultés de gestion en matière de dépenses de rémunération et de temps de travail au sein de la police et de la gendarmerie. La Cour cible notamment les conséquences onéreuses d’une instruction ministérielle de juillet 2011 consistant, en réalité, en un contournement du système de récupération des heures supplémentaires. Le rapport constate ainsi des niveaux de rémunération étonnants pour les heures supplémentaires effectuées dans la police entre juillet 2011 et juin 2012. La dépense totale correspondante s’est élevée à près de 22 millions d’euros, soit un taux moyen d’indemnisation par heure supplémentaire non récupérable de 26,47 euros. Afin de clarifier la situation, j’ai proposé à la commission des finances d’auditionner le directeur général de la police nationale (DGPN) qui était en fonction à cette époque.
S’agissant de la question sensible des frais d’enquête et de surveillance (FES), qui représentent une part infime de la masse salariale, je tiens à saluer l’initiative du DGPN, M. Claude Baland, qui a rappelé, à la fin de l’année 2012, trois règles d’utilisation encadrant strictement leur usage. Les FES ont exclusivement vocation à couvrir les dépenses imputables aux enquêtes « et ne peuvent par conséquent pas servir au versement de primes forfaitaires versées régulièrement en dehors de tout mérite exceptionnel ». Les directeurs et chefs de service « doivent rendre compte régulièrement au DGPN de la nature de l’emploi des FES et être en mesure de justifier de leur bonne utilisation ». Les FES ne peuvent que « ponctuellement être destinés à la remise d’une gratification exceptionnelle ». Cette disposition restrictive, qui vise à prévenir les abus, reconnaît implicitement qu’une part des FES est consacrée à des indemnités non directement liées à des dépenses engagées par les fonctionnaires.
Les crédits dédiés au fonctionnement, à l’investissement et aux interventions de la police augmenteront de 5,7 millions d’euros, pour atteindre 941,3 millions. Cette hausse, certes modérée, est la première depuis longtemps : en effet, entre 2007 et 2013, ces mêmes crédits ont diminué de 17,8 %.
Cependant, le fonctionnement de la police restera tendu l’an prochain, et des soucis demeurent. Les budgets d’armement et de munitions se maintiennent, mais restent à un niveau permettant à peine l’exécution des tirs réglementaires. Le budget consacré à l’entretien immobilier a été stabilisé à 23 millions d’euros, « un niveau de stricte nécessité » selon le DGPN. Les crédits afférents à la modernisation technologique et aux systèmes d’information et de communication seront préservés en 2014 et permettront le maintien en condition opérationnelle des systèmes existants et la poursuite de quelques projets déjà engagés.
Dans la gendarmerie, la situation semble plus critique. Certes, l’an prochain, les crédits de fonctionnement et d’investissement augmenteront de 1 %, mais la RGPP a contribué à réduire de près du quart ce budget qui s’élevait en 2007 à près de 1 500 millions d’euros. La fin de l’exercice 2013 s’annonce donc compliquée.
La police et la gendarmerie rencontrent de sérieuses difficultés de fonctionnement, qu’il s’agisse de matériel informatique, de véhicules, de carburant ou d’immobilier. Le directeur général de la gendarmerie nationale (DGGN) chiffrait les besoins pour l’entretien immobilier à environ 100 millions d’euros par an ; or il ne disposera que de 9 millions l’an prochain. Que comptez-vous faire dans ce domaine ?
En période d’extrême contrainte budgétaire, poursuivre la rationalisation et approfondir la coopération entre la police et la gendarmerie devrait permettre de générer des économies. Avez-vous de nouveaux projets en la matière ?
Le rapport de la Cour des comptes de mars 2013 a mis en évidence d’importantes difficultés dans la gestion des dépenses, notamment en matière de maîtrise de la masse salariale – telles que les dérives du taux horaire de rémunération des heures supplémentaires entre juillet 2011 et juin 2012. Quelles dispositions ont été prises pour remédier à ces mesures prescrites par le DGPN de l’époque, mais exorbitantes du droit commun ?
M. Patrick Lebreton, rapporteur spécial de la commission des finances, pour les crédits relatifs à la sécurité civile. Si, avec 438,68 millions d’euros en crédits de paiement, le budget de la sécurité civile connaît une légère diminution par rapport à 2013, les principales actions et programmes d’investissement sont maintenus.
À la différence des exercices budgétaires précédents où ils étaient répartis entre deux programmes différents, les crédits de la sécurité civile sont cette fois regroupés dans un programme unique, à l’intérieur de la mission d’ensemble « Sécurités » – le programme 161 « Sécurité civile ». Cette nouvelle présentation budgétaire – qui suit notamment les recommandations de la Cour des comptes – permet une distinction entre les dépenses rigides issues d’engagements précis et celles variant en fonction de l’activité opérationnelle et de la survenue de crises.
L’examen des moyens financiers prévus dans le budget de la sécurité civile constitue un exercice fondamental, car il s’agit des actions que l’État mène auprès de la population au quotidien – telles que le secours à personnes – ou lors de catastrophes majeures, naturelles ou technologiques : feux de forêts, séismes, inondations ou encore risques nucléaires, radiologiques, bactériologiques, chimiques ou explosifs (NRBC-E).
La première action du programme 161, intitulée « Prévention et gestion de crises » – dont les crédits restent identiques par rapport à 2013 –, regroupe des opérations diverses, mais toutes essentielles : colonnes de renfort, crédits d’extrême urgence, dotations de l’activité opérationnelle, moyens en carburant des avions et des hélicoptères, produit retardant pour la lutte contre les feux de forêt.
La deuxième action – « Préparation et interventions spécialisées des moyens nationaux » – mobilise près des trois quarts des moyens du programme. Elle est structurée autour de cinq sous-actions « métiers » représentatives des différents types d’interventions opérationnelles qui concourent à la politique interministérielle de sécurité civile. La première – « Avions » – correspond à l’activité des vingt-six avions de la sécurité civile dont l’emploi, complémentaire de celui des services départementaux d’incendie et de secours (SDIS), vise à assurer la détection rapide des feux de forêt et leur traitement avec des moyens de lutte adaptés. La seconde concerne les formations militaires de sécurité civile qui interviennent en appui des sapeurs-pompiers territoriaux, ou à l’étranger. La troisième sous-action embrasse l’activité des trente-cinq hélicoptères de la sécurité civile – regroupés en un échelon central à Nîmes, mais également présents sur vingt-trois bases opérationnelles – qui jouent un rôle essentiel en matière de secours à personnes. La quatrième concerne le service du déminage qui comporte vingt-neuf implantations et assure la dépollution du territoire national des munitions anciennes et contemporaines, ainsi que la veille antiterroriste et la sécurisation des voyages officiels, en France et à l’étranger, et des grands rassemblements. La dernière, enfin, regroupe l’ensemble des personnels et des moyens mis en œuvre, soit en intervention, soit dans le cadre de la préparation opérationnelle, par les établissements de soutien logistique aux acteurs de la sécurité civile.
Les crédits de la troisième action – « Soutien aux acteurs de la sécurité civile » – financent les activités de coordination et de formation des autres acteurs de la sécurité civile. Ainsi, en 2014, l’État participe au financement du budget de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris à hauteur de 82,3 millions d’euros, verse une subvention de 4,02 millions au budget de l’École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers (ENSOSP) et affecte, en crédits de paiement, 2,8 millions au Fonds d’aide à l’investissement (FAI) des SDIS, qui soutient le développement du réseau Adaptation nationale des transmissions aux risques et aux secours (ANTARES).
Notons le maintien, en 2014, des grands programmes d’investissement. Parmi ceux-ci, le centre commun de formation et d’entraînement civil et militaire pour les risques NRBC-E qui rassemble des responsables des ministères de l’intérieur, de la défense et de la santé, et permet une formation et des entraînements partagés en matière de menaces appelées à peser sur les années à venir. Il faut également mentionner la montée en puissance du Centre d’alerte aux tsunamis en Atlantique nord-est et en Méditerranée (CENALT), opérationnel depuis le 1er juillet 2012, ainsi que la mise en place progressive du système d’alerte et d’information des populations (SAIP), dispositif novateur qui bénéficie de 7,1 millions d’euros en crédits de paiement en 2014. Le réseau ANTARES, enfin, assure l’interopérabilité des moyens de communication des différents services publics concourant aux missions de sécurité civile. Le taux d’adhésion des SDIS à cette infrastructure, de 75 % en 2013, devrait, selon les indications apportées par le projet annuel de performances, atteindre 81,5 % en 2014.
Le montant des moyens affectés à la lutte contre les feux de forêt préoccupe nombre d’entre nous. Une partie de nos avions de sécurité civile étant obsolescents, la flotte des Tracker doit être remplacée à l’horizon 2020. Des expérimentations ont été réalisées à l’été 2013 sur des avions de type Air Tractor. Quelles conclusions en ont été tirées ?
Les moyens affectés au FAI des SDIS ne cessent de diminuer depuis plusieurs années. Pouvez-vous nous éclairer sur les causes de cette évolution ?
Le Président de la République a récemment présenté un plan d’encouragement du volontariat sapeur-pompier qui apporte une contribution essentielle à notre dispositif de sécurité civile. Quelles mesures innovantes comptez-vous prendre sur ce point dans les mois qui viennent ?
Les années 2012 et 2013 ont été marquées, en matière de risques naturels, par la multiplication des phénomènes d’inondations et d’intempéries dans plusieurs de nos régions. Quels progrès pourraient, selon vous, être réalisés dans ce domaine ?
M. le président Jean-Jacques Urvoas remplace M. Dominique Raimbourg à la présidence.
M. Daniel Boisserie, rapporteur pour avis de la commission de la défense, pour les crédits relatifs à la gendarmerie nationale. Avant tout, je tiens à saluer l’action de nos forces de sécurité et notamment de nos gendarmes. Ces femmes et ces hommes qui consacrent leur vie au service des autres et de leur sécurité font preuve, quotidiennement, d’un grand courage, d’un extrême professionnalisme et d’un sens aigu du devoir. Ils méritent tout notre soutien et toute notre admiration.
Je souhaite également exprimer une satisfaction lucide quant aux ressources qui seront consacrées à la gendarmerie nationale en 2014. En effet, avec des autorisations d’engagement en hausse de 1 % et des crédits de paiement en croissance de 0,8 %, le budget 2014 assure la préservation des moyens de la gendarmerie.
Cependant, cette satisfaction ne va pas sans quelques interrogations. Ainsi, l’an dernier, 92,6 millions d’euros de crédits de paiement ont fait l’objet de gels, voire de surgels. À ce stade, seuls 15 millions ont effectivement été restitués aux gendarmes et une mise en réserve initiale de 7 % hors titre 2 touchera l’ensemble des programmes du budget général dès le début de l’année 2014. Sans remettre en cause la légitimité des mises en réserve – qui peuvent s’avérer nécessaires pour maîtriser efficacement la dépense publique –, je juge inacceptable le maintien de ces gels aussi tard dans l’année : une telle position revient, en définitive, à réduire la capacité opérationnelle de nos gendarmes et à dégrader leurs conditions de travail. J’ai alerté le Premier ministre et le ministre du budget : il faut que le solde des crédits mis en réserve en 2013 soit immédiatement restitué. Si tel n’était pas le cas, une mesure qui se veut budgétairement vertueuse pourrait aboutir, paradoxalement, à la création de nouvelles charges : au-delà d’un certain retard dans le paiement de ses loyers, la gendarmerie se verrait contrainte d’acquitter des intérêts moratoires.
L’évocation des loyers m’amène à la question du casernement. L’urgence immobilière dure et perdure depuis de trop nombreuses années, faute des moyens nécessaires à l’entretien ou à la remise en état de logements qui se trouvent souvent à la limite de l’insalubrité. Au 1er janvier prochain, il ne serait plus possible de recourir à la procédure des baux emphytéotiques administratifs (BEA) pour les opérations liées aux besoins de la justice, de la police et de la gendarmerie. Or, si elle n’est pas la solution miracle aux graves problèmes immobiliers que connaît la gendarmerie depuis plus de dix ans, cette procédure reste un levier auquel il ne faut pas renoncer. Êtes-vous favorable à la pérennisation ou à la prorogation – et le cas échéant pour combien d’années – du régime codifié à l’article L. 1311-2 du code général des collectivités territoriales pour les opérations liées aux besoins de la justice, de la police et de la gendarmerie ? Y êtes-vous également favorable pour les opérations liées aux SDIS ?
Mon troisième motif d’inquiétude concerne les effectifs de la gendarmerie qui fait face à des « trous à l’emploi », selon l’expression de la DGGN, reprise dans le rapport de la Cour des comptes de mars 2013. Ainsi que l’a relevé la haute juridiction financière, ces emplois manquants représentaient 1 841 ETPT en 2013, soit l’équivalent de 300 brigades.
J’ai pleinement conscience de nos difficultés budgétaires. Toutefois, compte tenu de la demande croissante et légitime de nos concitoyens en matière de sécurité, de l’évolution de la délinquance en zones gendarmerie, et des réductions d’effectifs aveugles et inconséquentes menées dans le cadre de la RGPP entre 2007 et 2012, j’estime nécessaire de rapprocher les effectifs réels de la gendarmerie de leur niveau théorique autorisé par le Parlement en dégageant, à terme, les moyens nécessaires au comblement de ces « trous à l’emploi ».
Il ne s’agirait pas forcément de combler cet écart à l’unité près. Une réorganisation de la carte de la gendarmerie devrait permettre de rationaliser les implantations, dont certaines ne sont plus en mesure de contribuer réellement à la sécurité. Toutefois – et, sur ce point, je m’écarte des recommandations de la Cour des comptes –, afin d’assurer la protection de tous nos concitoyens, l’essentiel de ces emplois doivent, à terme, être effectivement pourvus et, par conséquent, faire l’objet d’une budgétisation.
M. Jean-Pierre Blazy, rapporteur pour avis de la commission des lois, pour les crédits relatifs à la sécurité. Le projet de budget de la mission « Sécurités » consolide la rupture observée l’an dernier en matière d’effectifs. Après 480 postes supplémentaires créés en 2013, 405 seront créés en 2014 : 243 dans la police et 162 dans la gendarmerie. L’année qui vient verra le recrutement de 2 809 fonctionnaires du corps d’encadrement et d’application, dont 1 239 par concours externe. Cette évolution tranche avec la situation observée en 2010 et 2011 où seuls 500 recrutements par an – internes et externes confondus – avaient été effectués.
Globalement, l’ensemble des catégories de la police nationale bénéficieront de 7 380 entrées, dont 4 939 recrutements externes. De son côté, la gendarmerie recrutera 9 494 personnels, dont 85 officiers, 3 231 sous-officiers, 5 654 volontaires et 300 civils. L’ensemble des organisations syndicales que j’ai rencontrées se félicitent de cette progression.
Toutefois, les syndicats dénoncent la décision de limiter le montant de l’indemnité de sujétions spéciales de police (ISSP) pour les élèves policiers et gendarmes issus des concours externes. Ils estiment que cette indemnité est consubstantielle à l’état de policier actif et que la mesure proposée remet en cause le statut même de ces personnels. J’ai déposé deux amendements pour maintenir en l’état le montant de l’ISSP. Monsieur le ministre, quelles sont les perspectives en cette matière ?
Par ailleurs, malgré une légère hausse en 2014, les dépenses de fonctionnement et d’investissement sont particulièrement contraintes, alors que ce budget avait baissé de 17,8 % pour la police et de 56,3 % pour la gendarmerie entre 2007 et 2012. Le gel d’une grande partie de ces crédits dès le début de la gestion – on parle de 7, voire de 8 %, pour 2014 ! – rend leur maniement délicat. Les responsables de programmes ne connaissent pas les dates du dégel, et ne savent même pas s’il est prévu. Si l’on y ajoute des surgels, la gestion des crédits de nos forces de sécurité devient mission impossible. Je sais, monsieur le ministre, les efforts que vous déployez à l’attention de votre collègue chargé du budget, mais la situation actuelle ne nous semble plus tenable. Les crédits votés par le Parlement doivent être débloqués, et dès le début de la gestion. Pourra-t-on limiter la régulation budgétaire en 2014 ?
Les crédits dédiés à l’informatique seront totalement absorbés par le passage à Windows 7 qui nécessite de changer les ordinateurs. À quoi faut-il s’attendre, en cette matière, dans les années à venir ?
Dans ce contexte budgétaire contraint, les mutualisations entre la police et la gendarmerie doivent être approfondies. Les crédits de renouvellement automobile apparaissent importants – 50 millions d’euros pour la police et 40 millions pour la gendarmerie ; pourtant, en 2013, avec cette même enveloppe, la gendarmerie n’a commandé aucun véhicule et la police a plus que limité ses achats en raison des gels de crédits. Puisque les crédits de renouvellement automobile sont les premières victimes de la régulation budgétaire, il convient d’accélérer le rapprochement des procédures de réparation des véhicules entre police et gendarmerie pour s’assurer que, faute d’être suffisamment renouvelé, le parc est correctement entretenu. En 2015, 17,5 % du parc de la police nationale devraient être entretenus par la gendarmerie nationale, la police assurant, à la même échéance, le soutien de 7,5 % du parc de la gendarmerie. Pensez-vous, monsieur le ministre, que nous progressions assez vite ? Cette proportion pourrait-elle être encore augmentée ?
La question des carburants est également essentielle. Le DGGN m’a indiqué avoir donné des consignes pour en réduire la consommation. En 2014, nos forces de sécurité disposeront-elles de crédits dégelés pour pouvoir assurer correctement leurs patrouilles ?
Cette année, j’ai choisi de mettre en avant, dans mon rapport, le thème de l’immobilier. Avant tout, je tiens à souligner l’abandon bienvenu des partenariats public-privé (PPP) qui n’ont eu d’effets bénéfiques que pour les prestataires privés. Si les bâtiments sont sortis de terre plus vite que dans le cadre d’une procédure classique, c’est au prix de nombreuses malfaçons. Surtout, le montant des loyers acquittés par l’État et par les collectivités territoriales est très élevé.
Les besoins, dans ce domaine, sont énormes : 2 milliards d’euros sur les dix ans qui viennent pour les constructions et 100 millions d’euros par an pour le gros entretien seraient nécessaires à la gendarmerie ; plus de 600 millions d’euros – dont près de 320 millions pour des constructions neuves –, à la police. Ces montants, monsieur le ministre, sont inatteignables dans le cadre de votre budget. C’est pourquoi je préconise de décentraliser l’immobilier de la police et de la gendarmerie nationales aux régions et aux départements, et de lui affecter une partie des recettes liées au produit des radars automobiles et des amendes relatives aux infractions routières. Je souhaite que l’on engage une réflexion approfondie sur cette question, voire que l’on crée une mission d’expertise. Que pensez-vous de cette proposition ?
M. Pierre Morel-A-L'Huissier, rapporteur pour avis de la commission des lois, pour les crédits relatifs à la sécurité civile. Monsieur le ministre, comme je l’observais il y a un an lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2013, la sécurité civile fait partie des sujets sur lesquels opposition et majorité peuvent se rencontrer. Les grands choix dans ce domaine ont généralement fait l’objet d’un consensus, par exemple lors de la discussion de la loi de 2011 sur le statut des sapeurs-pompiers volontaires, et l’on ne peut que s’en réjouir. La sécurité civile française concerne tout le monde et, surtout, repose pour une grande part sur un volontariat que nous avons déjà du mal à préserver ; cet engagement désintéressé, au service de tous, serait gravement menacé si les questions relatives à la sécurité civile divisaient notre pays. En outre, dans le contexte budgétaire difficile que nous connaissons, la sécurité civile devra faire des choix engageant son avenir à long terme – qui seraient d’autant plus compliqués s’ils devaient être remis en cause à chaque alternance.
En tant que rapporteur pour avis de la commission des lois, je ne cherche pas à produire une stricte analyse budgétaire du programme « Sécurité civile » – qui ne reflète d’ailleurs que très imparfaitement les actions menées dans ce domaine –, mais plutôt à porter un regard général sur certains sujets centraux. Aussi, mon rapport aborde deux thèmes principaux : les moyens aériens et la préservation du volontariat des sapeurs-pompiers.
En ce qui concerne les moyens aériens, je souhaite exprimer ma satisfaction à propos de la décision de relocaliser la base d’avions de la sécurité civile (BASC) sur le site de Nîmes-Garons. Cette décision, que nous étions nombreux à recommander il y a un an, est très certainement la bonne. Maintenant que la question a été tranchée, pourriez-vous nous informer du calendrier de ce transfert ?
Dans un domaine voisin, en revanche, le choix de l’appareil de lutte contre le feu dont la sécurité civile devra bientôt s’équiper n’a pas encore été fait. L’Air Tractor n’a pas semblé donner satisfaction – notamment aux pilotes – et le Beriev 200 paraît également poser quelques problèmes. Les choses ont-elles avancé depuis l’année dernière ? Quand peut-on espérer que sera arrêté un choix qui est urgent puisqu’il aura des conséquences en termes de doctrine d’emploi ?
En ce qui concerne les hélicoptères, un rapport conjoint de l’Inspection générale de l’administration (IGA) et de l’Inspection générale des finances (IGF) s’est penché sur la question de la mutualisation des moyens héliportés du ministère de l’intérieur. En effet, ceux-ci sont coûteux et de ce fait strictement comptés, et la mise aux normes des systèmes de navigation des appareils EC135 qui nous est imposée au cours des prochaines années – elle-même coûteuse et longue à mettre en œuvre – pourrait nous amener à devoir accepter une réduction de nos flottes. Si l’on veut en préserver la capacité opérationnelle, nos moyens devront par conséquent être rationalisés. Cependant, si cette opération reste théoriquement possible, la mutualisation s’est révélée plus difficile que prévu, sans doute en raison de l’hétérogénéité du fonctionnement des différents services du ministère. À ce problème s’ajoute celui des hélicoptères du ministère de la santé, avec lesquels la coordination s’avère particulièrement difficile du fait d’un mode d’organisation et de financement très différent.
Monsieur le ministre, que pense le Gouvernement d’une unification des flottes d’hélicoptères du ministère de l’intérieur en un service unique – idée désormais couramment évoquée –, voire de leur fusion avec celle du ministère de la santé ? Une telle solution, sans doute difficile à mettre en œuvre dans un premier temps, présenterait l’avantage de faire directement correspondre les moyens aux missions. Envisage-t-on de prendre cette direction ?
En matière de volontariat des sapeurs-pompiers, lors du Congrès de Chambéry qui s’est tenu ce mois-ci, vous avez signé « l’engagement pour le volontariat », tout comme Claudy Lebreton, Yves Rome, Jean-Paul Bacquet, le colonel Éric Faure et moi-même au nom de l’Association des maires de France (AMF). Ce document, qui bénéficie de l’appui du Président de la République, contient vingt-cinq mesures nouvelles qui constituent une réponse que nous espérons forte à la crise du volontariat. Je ne peux que me féliciter de la prise de conscience dont il témoigne.
Je vous demanderai à nouveau cette année, monsieur le ministre, de nous informer de l’état de révision de la directive européenne relative au temps de travail par rapport à l’activité de sapeur-pompier.
Si l’on veut préserver l’avenir du volontariat, c’est aussi vers la jeunesse qu’il faut se tourner. Les écoles de jeunes sapeurs-pompiers sont le vivier du volontariat, mais leur place reste encore réduite. En quoi consistera la « coproduction entre les SDIS et les unions départementales de sapeurs-pompiers » qui fait l’objet de la mesure 21 de « l’engagement pour le volontariat » ? Le Gouvernement entend-il accroître la contribution de l’État à ces écoles, qui représentent aujourd’hui le principal outil dont nous disposons pour faire émerger la culture du volontariat qu’appelait de ses vœux la commission « Ambition volontariat » dans son rapport de 2009 ?
Pour inciter les entreprises – notamment privées – à accepter plus facilement que leurs employés exercent une activité de sapeur-pompier volontaire, nous comptions sur le dispositif de mécénat d’entreprise. Étant donné l’impossibilité d’obtenir les chiffres du ministère du budget pour en évaluer l’efficacité, je propose de créer un groupe de travail sur ce thème.
Je souhaiterais également vous interroger sur la mise en place du dispositif ANTARES. L’infrastructure tarde à s’implanter dans les zones rurales, et la couverture est parfois insuffisante pour que les SDIS soient incités à s’équiper.
Enfin, en matière de gouvernance des SDIS, il faudrait s’orienter vers davantage de cohérence entre la direction générale, le conseil d’administration (CASDIS), les préfets qui ont compétence sur les schémas départementaux d’analyse et de couverture des risques (SDACR), les conseils généraux, les unions départementales et les maires.
Je remercie le directeur général de la sécurité civile (DGSC) pour l’audition menée dans la plus grande transparence et j’émets un avis favorable à vos propositions budgétaires.
M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Vous avez été plusieurs à exprimer votre préoccupation à l’égard des gels et surgels qui ont affecté les budgets, non seulement pour les forces de l’ordre, mais pour tous les services de l’État. La police et la gendarmerie se trouvent néanmoins dans une situation particulière. Comme l’éducation nationale ou la justice, elles font partie des services qui mettent en œuvre les priorités du Président de la République et du Gouvernement, en l’occurrence celle touchant à la sécurité de nos concitoyens. Cette priorité s’est d’abord traduite cette année par des recrutements : 480 postes de policiers et de gendarmes en 2013, 405 l’an prochain, dont deux tiers de titulaires ; par contraste, au cours du quinquennat précédent, 13 700 emplois ont été supprimés. Même si les effectifs ne font pas tout, les élus de terrain, les citoyens et surtout les forces de l’ordre elles-mêmes et leurs directeurs généraux – le DGPN, Claude Baland, et le DGGN, le général Denis Favier, qui nous font aujourd’hui l’honneur de leur présence – constatent leur manque.
Malgré l’arrêt de l’hémorragie, les 2 500 postes de policiers et de gendarmes qui seront créés au cours de ce quinquennat ne remplaceront pas ceux qui ont été supprimés durant les dernières années ; il faudra donc s’habituer à travailler avec l’état de nos forces. Nous devrons apprendre à mieux organiser les personnels sur le terrain, envisager des partenariats toujours plus forts avec les polices municipales et intégrer dans nos réflexions la place croissante de la sécurité privée, désormais mieux encadrée par la législation. Ces adaptations s’avèrent nécessaires, car la population augmente, la délinquance – notamment les cambriolages – se propage sur le territoire, et la violence gangrène la société.
Les services de police et de gendarmerie sont également soumis à des sujétions de service public particulières : disponibilité et présence vingt-quatre heures sur vingt-quatre, 365 jours par an, en projection sur la voie publique. Cette exigence de proximité répond à des attentes fortes de nos concitoyens, confrontés à l’augmentation des violences – violence à l’encontre de personnes depuis trois ou quatre décennies, explosion des cambriolages depuis cinq ans.
Le projet de budget pour 2014 préserve les capacités de fonctionnement et d’investissement des deux forces – signe de la priorité attachée à la sécurité des Français. Comme chaque année, la fin de gestion des budgets de l’État a fait l’objet de discussions serrées ; pourtant, je suis – comme tout un chacun – totalement solidaire de la volonté du Président de la République et du Premier ministre de redresser nos finances publiques. Le Premier ministre vient de décider de dégeler 111 millions d’euros de crédits de paiement pour la police et la gendarmerie, ainsi que 10 millions d’autorisations d’engagement pour répondre aux besoins les plus pressants en matière de logement des familles des gendarmes. Grâce à cette décision du Gouvernement – et je remercie particulièrement le Premier ministre et le ministre délégué chargé du budget –, pour la première fois depuis 2007, les crédits exécutés par la police et la gendarmerie nationales augmenteront de 2 % – soit 40 millions d’euros – par rapport à l’année précédente, alors que, entre 2007 et 2012, ils ont baissé de 18 %, plaçant les deux forces dans une situation extrêmement difficile. Cette décision – qui confirme à nouveau, en actes, la priorité accordée par le Gouvernement à la sécurité – donnera à toutes les brigades de gendarmerie et à tous les commissariats de police les moyens nécessaires à leur fonctionnement jusqu’à la fin de l’année ; les deux directeurs généraux devront y veiller. Alors que, comme le DGGN l’a rappelé il y a quelques jours, et comme je le constate dans mes déplacements sur le terrain, nos forces armées ont subi des restrictions importantes, ils disposeront désormais de suffisamment de carburant, de fluides, d’équipements de protection et de tenues. Tous ces éléments sont indispensables pour l’action, mais également pour le moral des forces de l’ordre – moral qui, malgré les difficultés, reste bon au sein des forces de l’ordre, et que je tiens à saluer.
Les forces mobiles bénéficieront également de tous les crédits nécessaires pour faire face à leur engagement exceptionnel sur le terrain depuis le début de l’année. Dans la répartition des postes nouvellement créés ou destinés à remplacer des départs en retraite, je veillerai à ce que leur place soit respectée.
Un effort sera fait pour le parc automobile de la gendarmerie. M. Boisserie, qui connaît parfaitement ce dossier, a souligné qu’aucun véhicule n’a été acquis en 2012. On ne pouvait pas continuer ainsi ; les choses vont donc changer, et le général Denis Favier a pour mission d’avancer le plus vite possible sur ce dossier, dans la métropole comme dans les outre-mer.
Les équipements informatiques de la gendarmerie seront financés, ainsi que les projets informatiques indispensables à la modernisation de la police nationale : développement de la capacité radio à Paris, projet de réseau radio numérique aux Antilles, déploiement du logiciel de rédaction des procédures de la police nationale (LRPPM). Dès cette année, certains investissements nécessaires à la montée en puissance du renseignement intérieur, décidés par le Gouvernement, seront financés dans la perspective de la transformation de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) en Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), avec des moyens humains, techniques et financiers supplémentaires, pour que le renseignement puisse faire face aux défis du terrorisme et aux autres menaces qui pèsent sur notre pays.
La reconstruction de la police judiciaire de la préfecture de police (PJPP) sera poursuivie.
Nous lancerons des travaux urgents pour les logements de gendarmes les plus dégradés, avec un financement de 10 millions d’euros. J’ai tenu à réserver à la représentation nationale la primeur de cette annonce : le vote du budget est au cœur des attributions du Parlement, et il est légitime que vous ayez des assurances sur l’adéquation entre les crédits que vous votez et la réalité de la gestion qui en est faite. La mise en œuvre de la loi de finances pour 2014 devra être menée avec beaucoup de précautions.
Madame Mazetier, monsieur Blazy, vous m’avez interrogé sur la poursuite de la rationalisation et de l’approfondissement de la mutualisation et de la coopération entre les deux forces, dans l’optique de nouvelles économies – qui restent nécessaires. Beaucoup a déjà été fait depuis dix-huit mois, mais également par le passé. Comme en témoigne le rapport de la Cour des comptes de fin 2011, l’essentiel des achats de la police et de la gendarmerie sont aujourd’hui communs aux deux forces et portés par des marchés uniques. Plusieurs avancées substantielles sont néanmoins en cours. D’abord, nous rassemblons dans une structure unique les services achat, la gestion des équipements et la logistique de la police, de la gendarmerie et de la sécurité civile. Cette structure, que j’avais annoncée l’an dernier, sera opérationnelle dès le 1er janvier 2014. Ensuite, nous rationalisons nos fonctions logistiques au niveau territorial, avec la transformation des secrétariats généraux pour l’administration de la police en secrétariats généraux à l’administration du ministère de l’intérieur (SGAMI), qui prendra effet au 1er mars 2014. Ces services auront en charge l’essentiel des fonctions de soutien – hors ressources humaines – de la police, de la gendarmerie et de l’administration territoriale.
Par ailleurs, nous avançons en matière de mutualisation dans le domaine de la police technique et scientifique : dans le département de la Creuse, la gendarmerie assure désormais l’ensemble des missions de premier niveau pour la police comme pour la gendarmerie ; trois autres départements seront concernés au début de 2014, et je souhaite que nous avancions plus vite et plus en profondeur sur ce dossier.
Nous travaillons également activement au rapprochement des flottes d’hélicoptères de la sécurité civile et de la gendarmerie nationale ; j’annoncerai bientôt des décisions dans ce domaine, sans pour autant mettre en cause l’identité de chacune des forces.
Vous m’avez également interrogé, madame Mazetier, sur les dispositions prises pour remédier à la dérive du taux de rémunération des heures supplémentaires dans la police entre juillet 2011 et juin 2012. En effet, la Cour des comptes a relevé dans un rapport récent que les modalités d’indemnisation n’auraient alors pas été conformes à la réglementation – pratique qui s’explique par une certaine ambiguïté dans les textes. Les dispositions que j’ai prises pour y remédier sont simples : là où mes prédécesseurs avaient recours à des heures supplémentaires pour compenser les effets désastreux des suppressions d’emplois dans la police, je préfère recruter des effectifs : 2 000 recrutements de gardiens de la paix en 2013, 2 500 en 2014, contre 500 en 2011 et en 2012.
Monsieur Boisserie, s’agissant de la prolongation du dispositif des BEA pour la police, la gendarmerie et les SDIS, la loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (LOPSI) de 2002 a ouvert la possibilité, pour les services de police, de gendarmerie et de justice, ainsi que pour les SDIS, de recourir à cette procédure pour leurs opérations immobilières. Malgré quelques dérives, ce dispositif qui permet un partenariat étroit entre l’État et les collectivités locales a fait la preuve de son utilité ; il a d’ailleurs été reconduit à plusieurs reprises entre 2008 et 2011.
La police nationale a eu recours à des BEA pour trois opérations livrées en 2011, à Sélestat, Mulhouse et Saint-Louis, pour un coût annuel global de 2,6 millions d’euros. Parallèlement à l’utilisation des dispositions du décret de 1993, la gendarmerie nationale a, par le passé, utilisé les BEA par le biais d’un montage sécurisé. En 2005, le nombre de mises en chantier s’élevait à trente ; ce chiffre tombe à deux pour l’exercice 2012. En 2013, la prévision de versement des loyers de la gendarmerie nationale aux collectivités territoriales au titre des BEA conclus est de 187,2 millions d’euros : près de 129 millions aux communes et 58,4 millions d’euros aux départements.
Favorable à la conservation de cet outil juridique, le Gouvernement déposera un amendement en ce sens en séance publique. Il est utile de garder tous les mécanismes susceptibles de répondre aux immenses besoins immobiliers des forces de l’ordre, même si, à l’heure actuelle, d’autres procédures sont préférées pour des raisons de coût : le montage en maîtrise d’ouvrage publique classique pour la police ; l’application du décret de janvier 1993 pour la gendarmerie, où l’État verse une subvention à une collectivité locale maître d’ouvrage, puis paye des loyers. En 2013, le loyer annuel prévisible moyen d’un équivalent-unité-logement livré est évalué à 13 971 euros dans le cadre d’un BEA, et à 11 284 euros dans le cadre du dispositif subventionné du décret de 1993, hors amortissement de la subvention.
Le Gouvernement n’a aucune objection non plus à la prorogation de la mesure pour les SDIS. Tout cela devra être maîtrisé, mais, en attendant les réflexions, le Gouvernement est ouvert aux propositions concernant le rôle des collectivités territoriales, dans le respect de leur autonomie et de la loi actuelle.
S’agissant des « trous à l’emploi » de la gendarmerie, celle-ci a beaucoup souffert de la mise en œuvre de la RGPP entre 2008 et 2012 – tout en assumant cet effort –, puisque près de 6 700 emplois ont été supprimés en quatre ans. C’est plus que les créations de postes qui avaient été réalisées au cours du quinquennat précédent. C’est de cette politique que résultent les « trous à l’emploi » : certaines brigades, unités ou compagnies ont vu leurs effectifs réels s’éloigner significativement du niveau théorique nécessaire à un fonctionnement optimal.
Cette année, le Gouvernement a rompu avec cette logique : non seulement tous les départs en retraite sont remplacés dans la gendarmerie comme dans la police, nombre pour nombre, mais nous créerons 162 emplois supplémentaires dans la gendarmerie nationale et 243 dans la police nationale en 2014, après en avoir créé respectivement 192 et 288 en 2013.
Nous devons cependant nous montrer inventifs et audacieux pour employer au mieux le potentiel humain, notamment par le biais de redéploiements de la police et de la gendarmerie – qui satisfont d’ailleurs en général les élus, malgré leurs inquiétudes. Il faudra avancer dans ce sens, en prenant le temps de la concertation avec les élus et les personnels des forces de l’ordre. L’amélioration des résultats passera également par la réorganisation des régions de gendarmerie non zonales et par une mutualisation plus poussée dans le domaine des achats et des fonctions support – à l’instar des réformes que j’ai engagées et qui commencent à voir le jour. Il appartient aux deux directeurs généraux de me faire des propositions ; l’engagement du général Favier pour la réorganisation des brigades est, à ce titre, exemplaire.
Monsieur Blazy, les problèmes de l’immobilier s’expliquent par le fait que, depuis dix ans, les crédits sont insuffisants pour entretenir et reconstruire. Toutes les études sont les bienvenues, mais il faut surtout dégager des marges budgétaires pour pouvoir investir. Essayons d’y travailler ensemble ; je suis ouvert à toutes les suggestions du Parlement et ferai de cet enjeu une priorité pour le budget triennal 2015-2017 dont nous discuterons bientôt sous l’autorité du Premier ministre.
Les prestations croisées de soutien automobile entre police et gendarmerie nationales progressent ; d’ici à la fin 2015, 60 % des garages seront complètement mutualisés.
J’entends vos arguments concernant la réforme de l’ISSP pour les élèves policiers et gendarmes ; mais 2014 marque une nette amélioration catégorielle pour ces deux professions, notamment grâce au passage des gardiens de la paix et gradés de la police et des sous-officiers de gendarmerie à la catégorie B, qui représente un coût de 58 millions d’euros sur la période 2013-2015. Parmi les autres mesures, rappelons l’alignement complet des taux d’ISSP des officiers de police sur ceux des officiers de gendarmerie ; l’extension du dispositif de l’indemnité de responsabilité et de performance aux officiers de police ; la création d’une indemnité de responsabilité pour 3 000 responsables d’unités dans la gendarmerie. Au total, 48 millions d’euros seront consacrés aux mesures catégorielles des deux forces, dont 29 millions dans la police – soit le même montant qu’en 2013. Globalement – et il y a là une continuité par rapport à la réforme des corps et carrières, car j’ai tenu à respecter la parole de l’État –, depuis dix ans, les policiers ont gagné environ un mois et demi de salaire en plus grâce aux mesures de ces différents protocoles.
Lorsque j’ai rencontré Claude Guéant pour la passation de pouvoirs, il m’a annoncé que les effectifs baissaient, alors que les charges – notamment liées aux salaires – augmentaient. Comprenant que cette situation risquait de paralyser très vite le ministère, j’ai souhaité engager un effort en matière de postes à créer, mais aussi de crédits de fonctionnement, qui progressent pour la première fois depuis 2007. Je l’ai obtenu au terme d’une discussion budgétaire difficile qui s’inscrit dans la recherche d’un équilibre global.
Pour revenir à l’ISSP, j’entends les préoccupations des personnels et de leurs représentants, que je reçois régulièrement. J’ai abordé le sujet tant avec les policiers qu’avec les gendarmes. Je les verrai d’ailleurs prochainement pour évoquer avec eux les mesures d’accompagnement de cette réforme qui concerne uniquement les élèves actuels et futurs. N’oublions pas que l’indemnité est seulement baissée, et non supprimée ; de plus, j’ai d’ores et déjà annoncé la création d’une indemnité compensatrice pour les lauréats des concours internes, qui, aujourd’hui, perdent de l’argent. Mes services travaillent sur d’autres mesures qui confirmeront tout l’attachement que je porte à la situation des hommes et des femmes qui choisissent de servir la police et la gendarmerie. C’est pourquoi je ne peux apporter le soutien du Gouvernement à votre amendement qui vise à prélever 6 millions de crédits de fonctionnement sur chacune des deux forces pour financer l’abandon de la réforme de l’ISSP des élèves. J’espère que vous comprendrez ma position.
Un dernier mot sur les questions immobilières des forces de l’ordre. La gendarmerie nationale s’appuie sur un maillage territorial garantissant la continuité du service public de sécurité dans l’espace et dans le temps, en métropole comme dans les outre-mer. La disponibilité des gendarmes repose notamment sur l’obligation d’occuper le logement concédé par nécessité absolue de service. Le fait d’habiter sur le lieu de travail constitue un élément fondamental dans le fonctionnement de la gendarmerie, tant d’un point de vue professionnel que d’un point de vue humain et social, étant donné l’impact de cette disposition sur les familles des militaires.
La gendarmerie occupe 3 923 casernes, dont 694 domaniales : cela représente 76 105 logements, dont 42 % dans les emprises domaniales. De nombreuses casernes particulièrement vétustes ne répondent plus aux normes actuelles de sécurité et de confort, et nécessitent de lourds investissements d’entretien ; quarante-trois d’entre elles – correspondant à 3 220 logements – sont jugées prioritaires. Le maintien à niveau du parc immobilier de la gendarmerie nécessite une dépense annuelle de 200 millions d’euros pour la reconstruction de casernes et les réhabilitations lourdes, et de 100 millions pour la maintenance – besoin qui ne peut être honoré depuis dix ans en raison des contraintes budgétaires. Les produits de cession des emprises domaniales de la gendarmerie pourraient constituer la seule ressource d’investissement budgétaire. Nous réfléchissons à la possibilité d’un contrat de partenariat entre le ministère de l’intérieur et un opérateur qui se chargerait de l’entretien et de la restructuration du parc domanial. Mais, avant de lancer le ministère dans cette opération, je veux avoir toutes les garanties quant à son coût complet, et quant aux délais dans lesquels les améliorations substantielles pourront être apportées au logement des gendarmes.
Pour la police, nous maintenons une capacité d’investissement de l’ordre de 100 millions d’euros par an. Quelques opérations très importantes seront conduites en 2014 : l’installation de la PJPP à Batignolles, les commissariats de Livry-Gargan, de La Rochelle, de Sevran et des Mureaux, le cantonnement de CRS de Pondorly ; l’accent est mis sur les zones de sécurité prioritaires.
J’en viens aux questions relatives à la sécurité civile. Monsieur Lebreton, s’agissant des moyens affectés à la lutte contre les feux de forêt, la mission principale de la flotte des Tracker est l’attaque des feux naissants dans le cadre d’un guet aérien armé ; cette stratégie, qui est au cœur de la sécurité civile de notre pays, a largement prouvé son efficacité. Dans son rapport de mars 2012, le groupe de travail interministériel sur le renouvellement de la flotte des Tracker privilégiait leur remplacement par des Air Tractor, qui disposent d’une capacité d’emport comparable, d’environ trois tonnes, et d’un dispositif très intéressant de largage. Cependant, leur vitesse est plus faible, et leur conception laisse planer un doute sur la possibilité de les utiliser par vent fort. C’est pourquoi une évaluation de l’Air Tractor en conditions opérationnelles a été entreprise durant les saisons de feu de cette année 2013 : si elle ne se révélait pas concluante et si aucune autre solution industrielle ne surgissait d’ici là, les missions actuellement assurées par les Tracker devraient l’être par des Dash 8 et par des Canadair. Le coût d’acquisition de deux Canadair et de quatre Dash 8 serait toutefois plus élevé – 160 millions d’euros. Nous aurons sans doute à faire face à un tel choix, car nous ne pouvons pas dégarnir nos capacités de défense face aux feux de forêt.
Si, au contraire, il était donné une suite favorable à cette évaluation, une première phase d’achat de dix Air Tractor pourrait débuter d’ici à 2020. En fonction du retour d’expérience, il pourrait être ensuite acquis soit dix Air Tractor supplémentaires – le coût total de vingt appareils est estimé à 70 millions d’euros –, soit deux Dash 8 supplémentaires pour 50 millions d’euros.
Monsieur Lebreton, les moyens affectés au fonds d’aide aux investissements des SDIS ne cessent de diminuer depuis plusieurs années. L’État a distribué via le FAI 380 millions de subventions pour l’équipement des SDIS dans une période où leur mise à niveau était une priorité. Aujourd’hui, les efforts consentis par les collectivités territoriales, notamment les conseils généraux depuis 2002 en matière de plan d’équipement et de plan de casernement, ont permis aux SDIS d’atteindre un niveau d’équipement très satisfaisant. L’engagement des collectivités territoriales donne, monsieur Blazy, un certain poids à votre proposition : d’ailleurs, les collectivités territoriales interviennent déjà souvent dans le financement des commissariats – c’est le cas de l’Île-de-France –, ou les communautés de communes dans celui des gendarmeries. Ces efforts ont donné des résultats. En témoigne le fait que, après avoir progressé jusqu’en 2009, les dépenses d’investissements des SDIS ont enregistré une baisse de 5,6 % en 2010 et de 3,1 % en 2011. Surtout, avec moins de 20 millions d’euros, la capacité d’intervention de l’État était devenue quasiment anecdotique, si on la compare au plus de 1,2 milliard que les SDIS consacrent à ces investissements. Face aux choix imposés par la situation budgétaire, j’ai décidé l’an dernier de privilégier en 2013 l’amélioration du réseau de transmissions terrestres et le rétablissement des crédits nécessaires à la maintenance de la flotte aérienne de sécurité civile. Ces choix sont confirmés cette année.
Monsieur Morel-A-L’Huissier, vous l’avez rappelé, un engagement pour soutenir le volontariat des sapeurs-pompiers a été signé au congrès de Chambéry du début du mois d’octobre dernier – le Président de la République l’a évoqué dans son discours. Il s’agit du premier document programmatique commun à l’État, aux collectivités territoriales et à la profession des sapeurs-pompiers sur ce thème. Je tiens à la fois à remercier les élus, notamment le député Jean-Paul Bacquet et le sénateur Yves Rome qui se sont engagés très fortement sur ce dossier, sans oublier la Fédération des sapeurs-pompiers, et à saluer le rôle très positif du directeur général.
Cinq axes de travail ont été identifiés : inverser la courbe décroissante des effectifs par l’élargissement et la diversification du vivier de recrutement, le développement de la pratique de la validation des acquis de l’expérience dans les SDIS et les campagnes de communication ; consolider le modèle du volontariat en préservant chaque fois que c’est possible le maillage territorial des centres d’incendie et de secours, en replaçant l’astreinte comme le positionnement de principe du volontaire qui participe à un dispositif opérationnel et en offrant aux volontaires un accès privilégié aux logements sociaux ; reconnaître la place des volontaires au sein de l’encadrement des SDIS en aménageant leur déroulement de carrière et en améliorant le management du volontariat ; encourager les dispositifs de jeunes sapeurs-pompiers volontaires, qui donnent une bonne image de la jeunesse de notre pays – le Président de la République a insisté sur cette question – en les valorisant dans le milieu scolaire et en favorisant leur insertion professionnelle ; enfin, tenir compte de l’inflation dans l’évaluation du montant de l’indemnité horaire des sapeurs-pompiers volontaires.
Le Président de la République a également proposé de doubler l’attribution des distinctions, notamment les ordres nationaux, aux sapeurs-pompiers volontaires – ce sera le cas dès les 11 novembre et 1er janvier prochains.
Monsieur Lebreton, vous m’avez posé une question sur les risques d’inondation, qui sont très courants sur le territoire métropolitain – plus du tiers des communes y est confronté. Les politiques de prévention et de gestion des crises qu’ils provoquent associent étroitement le ministère de l’intérieur et le ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Plusieurs évolutions sont en cours pour limiter les conséquences matérielles et humaines des inondations. La mission effectuée l’an dernier par le sénateur Pierre-Yves Collombat a apporté des éclaircissements et ouvert de nouvelles pistes de travail qui me paraissent intéressantes.
Du point de vue du ministère de l’intérieur chargé de la gestion de crise, il faut essentiellement encore améliorer le dispositif de prévision et d’alerte. Lorsque survient une crue rapide, l’alerte repose en premier lieu sur le dispositif de prévision des inondations, avec la vigilance météorologique et la vigilance « crues ». Ce sont des dispositifs éprouvés que, désormais, le grand public connaît bien. Il arrive cependant que des phénomènes très localisés produisent des dégâts mal anticipés. Il est donc nécessaire d’apporter un outil complémentaire pour les pluies intenses très localisées. Météo France a développé en partenariat avec le ministère de l’intérieur un service qui envoie automatiquement aux communes qui le désirent un avertissement dès que des pluies intenses, voire exceptionnelles, sont constatées sur le territoire. Parallèlement, la désignation de référents départementaux « inondation » doit permettre d’améliorer la connaissance historique des événements souvent lacunaires. Enfin, la poursuite du développement du système d’alerte et d’information des populations reste une priorité du Gouvernement en matière de sécurité civile : 7,1 millions d’euros en crédits de paiement sont ouverts au titre de l’année 2014 pour mettre en œuvre la première vague de déploiement des 10 830 sirènes qui doivent remplacer l’outil existant devenu aujourd’hui obsolète.
Monsieur Morel-A-L’Huissier, à la suite de la publication du rapport de l’IGA et de l’IGF sur les flottes d’hélicoptères du ministère, j’ai chargé les deux directeurs généraux de faire des propositions qui respectent deux objectifs : mettre en place une organisation plus rationnelle et veiller à ce que la capacité opérationnelle, notamment la capacité à porter secours, soit préservée. Il s’agit de retrouver des marges de manœuvre dans un univers très contraint. Les utilisateurs comme les usagers des machines sont en droit d’attendre des prestations de qualité, qui passent par une meilleure maintenance à Orléans ou à Nîmes – j’ai visité les ateliers – et, pour les missions de secours, par une régulation placée sous l’autorité des préfets du département qui doivent pleinement assumer leurs responsabilités. Dans le domaine de la sécurité civile, le pacte est bien équilibré entre, d’un côté, les collectivités territoriales et, de l’autre, l’État qui doit assurer l’intérêt général. La mise en œuvre de ces principes devrait permettre de réduire progressivement le parc des machines les plus anciennes sans dégrader notre capacité à agir. La direction générale de la sécurité civile s’est séparée dès 2012 de ses quatre derniers Écureuil qui étaient devenus obsolètes et l’effort doit être poursuivi et adapté. Je serai attentif à la préservation des équilibres généraux qui fonde notre pacte de sécurité civile et à la consolidation d’une capacité de secours qui repose sur des acteurs multiples, notamment la DGSC, la DGGN et le ministère de la santé. Je serai également attentif à la préservation des équilibres locaux dans le respect des identités et des couleurs de chacune des forces.
Le transfert de la BASC, préparé sous le précédent gouvernement et dont j’ai pris la décision après une étude complémentaire, devra intervenir entre les saisons « feux » de 2016 et de 2017 sans affecter sa capacité opérationnelle. Les opérations ont débuté dès l’automne 2013 avec la mise en place d’une structure de conduite du projet chargée d’assurer la maîtrise d’ouvrage. Dès 2014, seront lancées les procédures de marchés pour la réalisation des travaux de construction de 2015 à 2017. La réception des premiers bâtiments courant 2016 devrait permettre de lancer la phase de déménagement de la BASC qui serait finalisée au printemps 2017. Le coût global de la relocalisation a été estimé à 16,6 millions d’euros et les mesures d’accompagnement des personnels à quelque 1,6 million d’euros. Dès 2014 sont prévus 2,2 millions d’euros en autorisations d’engagement et 1,1 million en crédits de paiement. Si leurs inquiétudes sont levées, il conviendra toutefois d’accompagner les personnels, que j’ai rencontrés. Cette opération devrait engendrer des économies sur le montant des investissements qu’il aurait fallu effectuer sur le site de Marignane pour le remettre aux normes techniques et opérationnelles – ils avaient été évalués à 7,5 millions d’euros au moins. Le volet social, qui est déterminant pour la réussite du transfert, comprendra, outre les aides et indemnités réglementaires – primes de restructuration, aide à la mobilité du conjoint, indemnités de déménagement –, des mesures d’accompagnement individualisées dans le cadre d’une cellule spécifique dédiée à la recherche du logement, à l’emploi du conjoint, à la scolarisation des enfants ou aux possibilités de mutation.
La généralisation de l’utilisation de réseau ANTARES à l’ensemble des SDIS est engagée depuis 2007 : au 31 décembre 2012, soixante-huit services avaient migré et sept étaient en cours de migration. Un taux d’adhésion de 75 % des services départementaux est prévu pour la fin de 2013 et la couverture du territoire métropolitain avoisine les 95 %. L’État a consacré 90,7 millions d’euros au financement des marchés de services et de fournitures. Il a également participé à l’acquisition des équipements – les terminaux – par les SDIS. Cependant les insuffisances de couverture et des anomalies de fonctionnement entraînent de nouveaux investissements pour améliorer l’efficacité, favoriser l’adhésion de la totalité des SDIS et mettre fin aux difficultés rencontrées pour recouvrer auprès de certains SDIS leur contribution au fonctionnement et à l’entretien du réseau, les difficultés étant motivées par l’insuffisance de la qualité de la couverture. Il convient donc de parvenir à l’amélioration de la qualité de la couverture du territoire métropolitain, notamment dans les territoires ruraux. De même, les Antilles et La Réunion constituent des zones géographiques particulièrement sensibles, pour lesquelles la mise en place de l’infrastructure nationale partageable des transmissions est très souhaitable. En 2012, l’État a consacré 4 millions d’euros à la réalisation de travaux dans trente-cinq départements confrontés à des problèmes de couverture et leur réalisation a déjà permis d’améliorer la qualité des transmissions opérationnelles. À compter de 2013, de nouveaux travaux destinés à parfaire la couverture du territoire national sont d’ores et déjà engagés à hauteur de quelque 25 millions d’euros. Ces efforts témoignent de la volonté de l’État de parvenir à la couverture la plus satisfaisante possible.
J’ai également été interrogé sur le volontariat et la directive européenne « temps de travail ». La Commission européenne a annoncé en mars 2010 une mesure de consultation des partenaires sociaux au niveau européen sur l’opportunité d’une réforme de la directive « temps de travail ». L’assimilation du sapeur-pompier volontaire au travailleur, qui impliquerait de respecter le repos dit de sécurité, remettrait en cause l’organisation et le modèle de la sécurité civile dans notre pays en conduisant notamment au recrutement de sapeurs-pompiers professionnels dont le coût salarial obérerait gravement les finances publiques. Il ressort des dernières informations que, la procédure de consultation des partenaires sociaux n’ayant pas abouti, la Commission, en se fondant sur son pouvoir de proposition, présentera un projet en s’appuyant sur la consultation précédemment menée et fondée sur les travaux d’analyse d’impact. C’est la raison pour laquelle il convient de défendre l’exclusion des sapeurs-pompiers volontaires du champ d’application de la directive. Ce débat doit être porté au cours du prochain scrutin européen. Thierry Repentin, ministre délégué chargé des affaires européennes, était présent à Chambéry, où il est chez lui : il assure le relais politique et technique de cette préoccupation auprès de la Commission européenne – je l’ai moi-même relayée.
Les entreprises qui mettent à la disposition des SDIS leurs salariés sapeurs-pompiers peuvent bénéficier d’avantages fiscaux dans le cadre du mécénat. C’est vrai, il est difficile d’identifier avec précision ce dispositif fiscal dans les statistiques produites par le ministère des finances. Je suis donc favorable à la proposition de créer un groupe de travail visant à obtenir de meilleures informations sur le résultat de ce dispositif fiscal.
L’activité du secours à personne, qui est dominante chez les sapeurs-pompiers, est un sujet sur lequel nous ne devons pas transiger et qui exige une bonne complémentarité des acteurs. Dans la suite des engagements pris par le Président de la République au cours du dernier congrès, Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé, et moi-même avons signé, cette semaine, une lettre de mission demandant à deux inspections – l’IGAS et l’IGA – d’évaluer le référentiel « secours à personne » qui détermine les missions des uns et des autres. Le plan d’action que nous proposerons à l’issue de cette mission intégrera la question de la mutualisation des moyens, qu’il s’agisse de ceux des pompiers et du SAMU ou d’autres services du conseil général. La mutualisation fonctionne très bien dans de nombreux départements. C’est une question d’état d’esprit et de volonté. Il ne saurait y avoir de mise en cause de l’engagement du Président de la République relatif au secours à personne en moins de trente minutes, uniquement parce que les différents services n’arriveraient pas à travailler ensemble sur le terrain.
La question de la gouvernance des SDIS est un sujet essentiel. J’ai souhaité rénover les rapports entretenus entre l’État et les collectivités territoriales – c’est le pacte de sécurité civile que nous avons signé. Cinq axes de progrès ont été identifiés pour pérenniser le modèle français : protéger et pérenniser le concours des forces volontaires ; assurer la mise en place des emplois supérieurs de direction des services d’incendie et de secours – réforme essentielle pour rénover la gouvernance des SDIS et qui comporte deux volets : la transformation en emplois fonctionnels des postes de directeurs et de directeurs adjoints des SDIS et la rénovation du cadre d’emploi de catégorie A ; assurer le dialogue social sur les modalités et les conditions de travail au sein des SDIS – le contentieux européen sur le temps de travail des professionnels a rendu nécessaires des adaptations de l’organisation ; optimiser l’emploi des équipements et des moyens pour assurer durablement la capacité de réponse à la crise et de secours aux populations ; enfin, mettre en synergie les forces de secours aux personnes et de réponse à l’urgence médicale.
Tels sont les points que je souhaitais développer. Je suis passionné par ma mission et j’ai les moyens de mener à bien l’action qui doit être la mienne pour répondre à l’attente des Français en matière de sécurité.
M. Daniel Boisserie, rapporteur pour avis. Monsieur le ministre, les BEA seront-ils seulement prolongés pour quelques années ou pérennisés ?
Quelle sera la répartition entre la police et la gendarmerie des 111 millions d’euros qui viennent d’être dégelés ?
M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Les BEA seront prolongés jusqu’à la fin de 2017, si le Parlement y est favorable.
La répartition des sommes dégelées n’a pas encore été décidée : il sera bien sûr tenu compte de la spécificité des uns et des autres.
M. Pierre Morel-A-L'Huissier, rapporteur pour avis. Il existe deux types d’écoles de jeunes sapeurs-pompiers (JSP) : celles des unions départementales et celles de l’éducation nationale. Il serait intéressant de voir préciser l’action gouvernementale en la matière.
M. Jean-Pierre Blazy, rapporteur pour avis. Monsieur le ministre, vous n’avez pas répondu à ma question sur les crédits informatiques, qui seront absorbés en 2014 par le passage à Windows 7, qui implique de changer les ordinateurs.
M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Les écoles de jeunes sapeurs-pompiers sont assumées par les unions départementales de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers, présidée par le colonel Faure. Il faut les soutenir, assurément, mais c’est aux SDIS, comme cela a été souligné lors du congrès de Chambéry, de faire le premier pas, car c’est à eux que profite ce vivier. L’État a davantage vocation à faire évoluer l’encadrement juridique. Il appartient au Gouvernement de faciliter la formation des jeunes sapeurs-pompiers – tel est le sens de l’engagement signé à Chambéry. D’une manière générale, le chantier de leur formation est prioritaire.
S’agissant des crédits informatiques, Windows 7 sera financé sur le dégel 2013 et sur le budget 2014 – 12 millions sur les 130 millions consacrés aux systèmes d’information et de communication en 2014. Le dégel permettra donc de financer une partie des dépenses liées à l’informatique.
M. Sébastien Pietrasanta. Monsieur le ministre, vous nous présentez aujourd’hui votre deuxième budget relatif aux sécurités. Comme l’année précédente, et malgré un contexte financier difficile, il s’agit d’un bon budget, qu’améliorent encore vos annonces de ce matin. Certes, on peut toujours espérer davantage. Les Français sont exigeants et les personnels impatients, d’autant qu’ils ont dû subir durant cinq ans une politique de Gribouille. N’est-il pas délicieux, d’ailleurs, d’entendre les députés UMP attaquer ce budget, alors qu’ils n’ont cessé de réduire les crédits de la sécurité sous la précédente mandature législature ? Mais il faut rappeler la situation du ministère lorsque vous êtes arrivé place Beauvau : une application mécanique et aveugle de la RGPP avait vidé les services de leurs forces vives, à hauteur de 13 700 postes en moins de cinq ans. Vous, monsieur le ministre, vous recréez des postes, et le plafond d’emploi augmente de 1 289 ETP pour la seule police.
Ce budget traduit une vision très moderne de ce que doivent être les forces de l’ordre. Vous assurez leurs missions de prévention, de protection et de secours des personnes et des biens sur l’ensemble du territoire. Soixante-neuf zones de sécurité prioritaires (ZSP) ont été mises en place dès l’an dernier : elles n’ont pas vocation à s’enraciner sur le même territoire, mais à évoluer vers d’autres zones, dès qu’elles ont atteint leur objectif. L’augmentation très nette des postes ETP – 400 policiers et gendarmes supplémentaires –profitera en priorité à ces zones.
Le budget illustre également votre volonté de lutter contre la délinquance organisée. Vous souhaitez mobiliser les services de renseignement, tant au plan local qu’aux plans national et international, ainsi que les polices scientifiques et techniques. C’est fondamental, parce que le petit dealer qui empoisonne la vie de ses voisins dans telle ou telle cage d’immeuble est à rattacher, directement ou indirectement, au producteur, au transporteur, au grossiste. Lutter contre la délinquance internationale, c’est protéger chaque particulier.
Pour mener à bien ce projet ambitieux, vous faites appel aux moyens les plus modernes, notamment informatiques, et aux grands fichiers transversaux. Mieux encore, vous mettez en œuvre une action interministérielle pour garantir cette sécurité qui, avec la lutte contre le chômage, demeure la priorité des Français. Saluons cette nouveauté, car, jusqu’à présent, le ministère de l’intérieur et celui de la justice ne savaient ni parler le même langage ni partager les mêmes préoccupations. Ne faut-il pas aller encore plus loin en faisant évoluer le fichier automatisé des empreintes digitales (FAED) pour une utilisation à la fois plus simple et plus opérationnelle ? Ne faut-il pas améliorer le fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG) qui facilite également l’élucidation des enquêtes criminelles ou délictuelles ? Quant au fichier des personnes recherchées (FPR), ne doit-il pas acquérir une autre envergure puisqu’il est complémentaire du précédent ?
Pour être plus efficace encore, ce budget développe la mutualisation des moyens entre la police nationale et la gendarmerie. Dans le respect de chacun, nous devrons sans doute aller encore plus loin dans les années à venir.
Dans le domaine de l’immobilier, faut-il rappeler l’utilisation par la droite de la désastreuse formule des PPP, qui reportent l’essentiel du coût d’une opération sur une ou deux générations à venir, qui en paieront finalement quatre fois le prix ? Certes, le bleu budgétaire comporte quelques dépenses immobilières financées en partenariat public-privé, mais il s’agit de crédits engagés avant votre arrivée. Il aurait été encore plus onéreux de rompre ces contrats que de les honorer. Pour exemple, je citerai l’opération de Sélestat – construction d’un hôtel de police – pour un montant de 16,5 millions d’euros au total, qui engagera, après 2015, la France à payer chaque année, jusqu’en 2049, de 6 à 7 millions d’euros, voire plus. Laissant à mes collègues le soin de mesurer le poids budgétaire d’une telle formule, je les renvoie aux pages 47 à 49 du bleu. Je note avec satisfaction que vous avez su financer d’une manière classique et bien plus courageuse de nouveaux chantiers, que ce soit le cantonnement des CRS de Pondorly ou l’hôtel de police du XIIIe arrondissement de Paris.
Monsieur le ministre, il conviendra également de se montrer plus attentifs aux crédits de fonctionnement et de petit investissement pour ne pas entraver la bonne marche de nos forces de l’ordre : vos annonces de ce matin sont rassurantes.
Au-delà des questions budgétaires, il est important de rapprocher la police et la gendarmerie de la population. La prévention de la délinquance, la baisse du sentiment d’insécurité si prégnant chez nos concitoyens et le rétablissement de la confiance des Français vis-à-vis de leurs policiers et de leurs gendarmes sont indispensables. Quelles mesures comptez-vous prendre en ce domaine ?
Enfin, permettez-moi de saluer au nom du groupe SRC les policiers et les gendarmes qui exercent un métier difficile pour la protection des biens et des personnes.
M. Éric Ciotti. Monsieur le ministre, votre talent avéré en matière d’affichage et de communication trouve une nouvelle illustration avec la présentation de ce deuxième budget de la législature de la mission « Sécurités ». C’est pour nous l’occasion de dénoncer ses faux-semblants et d’évaluer les résultats de votre politique, en fonction d’indicateurs différents de vos indicateurs maison que vous avez opportunément constitués au cours de l’année. L’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) a récemment publié les chiffres de la délinquance : sur douze mois, de septembre 2012 à septembre 2013, ils traduisent une augmentation très forte, qu’il s’agisse des atteintes aux biens – plus 4,1 % – ou des atteintes à l’intégrité physique des personnes – plus 3 %. Ces chiffres traduisent un niveau historiquement élevé de la délinquance. Les résultats sont particulièrement mauvais.
Votre budget s’inscrit dans le contexte de très grande morosité qui frappe les forces de l’ordre, policiers et gendarmes. Pour la première fois depuis de très nombreuses années, un mouvement syndical de revendication puissant se dessine, avec une journée de revendication annoncée pour le 13 novembre prochain qui vise notamment à contester la mesure illégitime de suppression de l’ISSP à l’encontre des élèves des écoles de police et de gendarmerie.
La morosité est également entretenue par la défiance que certains messages de la majorité ont comportée à l’encontre de l’autorité républicaine qu’incarnent les forces de police et de gendarmerie : je pense à la mise en œuvre du matricule ou au « manque de discernement » que vous avez reproché aux policiers qui n’ont fait qu’appliquer les lois de la République dans l’affaire Leonarda.
La morosité a enfin pour origine la politique pénale qui est le premier facteur de l’augmentation de la délinquance. Vous avez opportunément dénoncé les risques du premier projet de Mme Taubira, et je vous ai alors soutenu. Les policiers sont en droit de réclamer une pause pénale dans les projets de la ministre, qui sont dangereux pour la sécurité et préoccupent donc légitimement les forces de l’ordre.
Vous avez parlé d’un dégel : est-ce pour calmer l’incendie allumé par le directeur général de la gendarmerie nationale qui n’avait fait que révéler la vérité de la situation des forces de l’ordre ? Il y a l’affichage – quelques effectifs supplémentaires : un peu moins de 0,2 % de la totalité des effectifs – et la réalité : cette augmentation des effectifs est accompagnée d’une diminution historique, elle aussi, des moyens mis à la disposition des forces de l’ordre. La situation actuelle des brigades de gendarmerie et des commissariats de police s’aggrave et le dégel de 111 millions d’euros intervient bien tard. Il n’aura aucun effet sur la fin de l’année 2013 et nous savons déjà qu’il y aura des reports de dépenses sur l’année 2014. Je reprends à mon compte les propos du directeur général de la gendarmerie nationale : budget sous tension, amplifié par les gels et surgels. Aucune commande de véhicule n’a pu être passée et les paiements incontournables n’ont pu être assurés. J’ai pu le vérifier dans mon département : à l’heure où je vous parle, un titre de recette d’un montant de 1,3 million sur les loyers des bâtiments construits par le conseil général des Alpes-Maritimes pour la gendarmerie, la police et la sécurité civile, n’est toujours pas honoré. Le projet de budget ne pourvoit pas aux dettes et aux retards. C’est, je le répète, un budget de faux-semblants qui ne répond pas aux préoccupations de nos concitoyens et aux attentes des forces de l’ordre en matière de sécurité. C’est la raison pour laquelle le groupe UMP s’y opposera.
M. Yannick Favennec. La sécurité demeure l’une des prérogatives essentielles de l’État et, dans un contexte budgétaire contraint, la principale difficulté réside dans la nécessité de concilier deux impératifs distincts : améliorer l’efficacité de la lutte contre la délinquance et assurer la protection de nos concitoyens tout en participant à l’effort de maîtrise accrue des dépenses publiques.
La lutte contre la délinquance doit demeurer une priorité absolue, renforcée par la nécessité de concilier ordre public et protection des citoyens. Aussi faut-il saluer la progression constante des effectifs de police et de gendarmerie. La tâche des forces de l’ordre est très difficile face à une délinquance plus forte, plus virulente et plus jeune. Je le constate notamment en zone rurale dans le département de la Mayenne. Je vous ai récemment écrit, monsieur le ministre, pour vous demander d’être aussi le ministre de l’intérieur des territoires ruraux. Savez-vous que 8 000 vols ont été recensés dans les exploitations agricoles entre janvier et septembre 2013, ce qui représente une progression de 7,5 % – vols de matériels, de bétail, de cultures ? Ces vols et ces dégradations, qui peuvent anéantir des années de travail, constituent un préjudice moral et financier considérable pour des agriculteurs qui ont déjà bien du mal à faire face à une situation économique difficile. Cette délinquance touche également l’ensemble des habitants des territoires ruraux : il ne se passe pas de semaine sans que j’en reçoive des témoignages.
Comme le groupe UDI l’avait souligné l’an dernier, une politique de sécurité efficace ne peut se résumer à la hausse des effectifs de la police et de la gendarmerie. Toutefois, les apports de ce que le Gouvernement présente comme un budget salvateur pour la gendarmerie et la police nationale doivent être nuancés.
En premier lieu, l’évolution des dépenses de personnel s’accompagne d’une baisse très significative des dépenses de fonctionnement. En second lieu, les 405 créations de postes que prévoit ce budget seront à elles seules insuffisantes si elles ne s’accompagnent pas de projets structurants, d’investissements et de stratégies à long terme, s’inscrivant dans une politique globale de sécurité.
La motivation des forces de sécurité intérieure doit avant tout être entretenue par des moyens suffisants pour assurer leur fonctionnement. La question immobilière, qui est un élément clé du fonctionnement de la gendarmerie, est devenue particulièrement préoccupante : certaines casernes se trouvent dans un état très dégradé. La gendarmerie rencontre également d’importantes difficultés pour entretenir le matériel, notamment pour renouveler son parc automobile. Je prends toutefois acte de vos annonces de ce matin relatives au budget de la gendarmerie.
En ce qui concerne la sécurité civile, la préservation du service des pompiers, en particulier des sapeurs-pompiers volontaires, et de son mode de fonctionnement demeure le principal enjeu de la mission. Le volontariat est au cœur de notre système national de sécurité civile et, à ce titre, il convient de promouvoir l’activité des sapeurs-pompiers volontaires dans notre dispositif de secours. Les sapeurs-pompiers volontaires assurent 85 % des secours dans les territoires ruraux. Ils forment un service de proximité indispensable à la sécurité quotidienne de nos concitoyens.
Malheureusement, on assiste aujourd’hui à une crise du volontariat qui se traduit par une baisse des effectifs des sapeurs-pompiers volontaires. C’est la raison pour laquelle il est urgent de rendre plus attractif encore l’engagement volontaire. Pour cela, il faut une politique exemplaire des SDIS : le département de la Mayenne conduit une politique volontariste dans ce domaine, notamment en construisant de nouveaux centres de secours.
Toutefois, ce qui est fait au plan local doit trouver un écho au plan national à travers une politique ambitieuse visant à favoriser le recrutement de sapeurs-pompiers volontaires et à lutter, en particulier, contre la baisse de la disponibilité en journée, qui est constatée dans tous les départements français.
C’est pourquoi, monsieur le ministre, il me paraît essentiel d’inciter davantage les entreprises privées à engager en leur sein des salariés pompiers volontaires. Si des mesures, somme toute assez symboliques, ont été prises dans cette direction par le passé, force est de constater que ces dispositifs, comme le mécénat d’entreprise, sont encore insuffisants. Ne pourrait-on pas permettre aux entreprises qui recrutent des pompiers volontaires de bénéficier d’une ristourne sur leurs primes d’assurance ou d’allégements de charges ?
Le Président de la République a, lors du dernier congrès national des sapeurs-pompiers, présenté un plan d’action pour les volontaires. Ses engagements me paraissent aller dans la bonne direction, même si je considère qu’on peut faire davantage encore pour inciter les entreprises et les collectivités locales à recruter davantage de sapeurs-pompiers.
M. Jean-Jacques Candelier. Il y a les gagnants et les perdants du projet de loi de finances pour 2014. L’enveloppe de cette mission, qui regroupe les programmes de la police nationale, de la gendarmerie, de la sécurité routière et – c’est nouveau – de la sécurité civile, voit ses crédits hors pensions portés à 12,19 milliards d’euros en 2014, soit une hausse de 1 % par rapport à 2013. Les dépenses de fonctionnement seront d’environ 1,2 milliard d’euros, soit 10 % du budget de la mission. Les mutualisations permettront une baisse de ces dépenses de 0,4 %, ce qui représente une économie de 7 millions d’euros.
Les programmes « Police nationale » et « Sécurité et éducation routières » sont également réduits tandis que la sécurité civile et la gendarmerie nationale profitent pleinement des crédits supplémentaires.
Police et gendarmerie bénéficieront de la création de 405 emplois en 2014, en sus des 480 créés en 2013. La police bénéficiera de 60 % de ces créations de postes et la gendarmerie de 40 %. Elles viendront renforcer prioritairement les zones de délinquance les plus sensibles, en particulier les ZSP, Marseille et la Corse.
Le Nord ne doit pas être oublié : les chiffres de la délinquance y virent globalement au rouge depuis plusieurs mois. Combien de postes y seront créés dans les mois à venir ?
Après que l’UMP a détruit, au cours de la treizième législature, près de 10 700 emplois au sein des forces de sécurité, il était urgent de renforcer les effectifs dans les zones de délinquance les plus sensibles, en particulier dans les ZSP. Il faut redonner toute sa place à la police de proximité, car c’est le gage d’une amélioration du contact avec la population.
Il est bon que ce budget recrute, mais nous regrettons que toutes les créations de postes se fassent au détriment d’autres services publics : nous n’acceptons pas cette logique à effectifs constants. Avec un rythme de création de 405 postes par an dans la police et la gendarmerie, il faudra plus de vingt ans pour revenir sur les suppressions décidées sous la droite !
Selon les engagements présidentiels, il n’est prévu la création que de 5 000 emplois sur le quinquennat au bénéfice de la sécurité et de la police. Il nous paraît indispensable de recréer tous les emplois détruits sous les gouvernements de droite en cinq ans dans le domaine de la sécurité.
Il est par ailleurs urgent de revaloriser les conditions de travail des forces de l’ordre, qui accomplissent des missions souvent périlleuses. Il faut répondre à certaines revendications. Le pouvoir d’achat des policiers et des gendarmes doit être préservé.
Parmi les principales évolutions pour 2014, Bercy signale l’économie de 12 millions d’euros permise par la diminution de l’ISSP des élèves en école. Cette indemnité, communément appelée « prime de risques », passera de 26 % de la rémunération à 12 % pour les élèves gardiens de la paix et sous-officiers de gendarmerie au cours de leur année de formation. Elle sera également réduite pour les élèves officiers et commissaires. Cette mesure représente une baisse mensuelle d’environ 200 euros pour ces jeunes fonctionnaires ou militaires. Comment la justifiez-vous ? De plus, le paiement des points de catégorie B pour les gradés et gardiens de la paix et sous-officiers de la gendarmerie qu’entraîne une modification catégorielle accusera un retard de neuf mois. Pourquoi un tel retard ? Comment accepter le non-paiement de la nouvelle bonification indiciaire due à certains majors de police ?
S’agissant par ailleurs du renseignement, certains emplois nouveaux permettront de créer la DGSI. La filière du renseignement territorial est actuellement revue, dans un objectif de coopération accrue entre les services de police et les unités de gendarmerie à tous les niveaux. On le sait, la gendarmerie traverse une crise d’identité. Jusqu’à présent, l’État aurait négligé sa contribution au renseignement, alors qu’elle couvre 95 % du territoire national. Pouvez-vous nous expliquer comment le rôle de la gendarmerie sera renforcé dans la réforme du renseignement ?
M. Paul Molac. Je tiens tout d’abord à féliciter les forces de gendarmerie qui ont encadré le blocage de l’abattoir de Josselin la semaine dernière alors que la tension était extrême entre les ouvriers de Josselin et ceux de Lampaul, le moment le plus périlleux ayant été le blocage de la quatre voies à la sortie d’un virage. Les forces de gendarmerie, placées sous l’autorité du préfet, ont géré la situation avec professionnalisme et doigté. Aucun incident n’est à déplorer. L’abattoir tourne normalement : il sera donc possible de restructurer la filière porcine en Bretagne.
Nous nous félicitons de la fin de la RGPP et d’une politique du chiffre qui incitait les forces de l’ordre à se concentrer sur les petites affaires plutôt que sur les affaires compliquées.
S’agissant de l’immobilier, d’importants retards ont été pris au cours des dernières années, l’immobilier ayant en quelque sorte servi de variable d’ajustement. Selon la DGPN, 41,5 % des bâtiments de police seraient dans un état « vétuste » ou « dégradé » – c’est ce que souligne un récent rapport sénatorial. La dégradation des locaux pèse autant sur les gardés à vue que sur les personnels et les victimes qui se rendent dans les commissariats.
Je vous avais alerté l’année dernière sur le cas d’une gendarmerie menacée d’écroulement. La réactivité de vos services a permis d’enclencher les procédures de rénovation. Nous avons également inauguré samedi dernier en présence du ministre de la défense une nouvelle gendarmerie. Une autre est en cours de construction. Vous avez identifié quarante-trois points noirs et pensez accélérer la politique de rénovation à compter de 2015-2017 : vous aurez tout notre soutien en ce domaine, car la situation réclame des solutions urgentes.
Depuis quelques années, le nombre des cambriolages a tendance à augmenter en zone rurale. Quelles actions peuvent être décidées pour y faire face ? Peut-on s’appuyer sur l’expérience des ZSP ? Certaines ont été mises en place sur des territoires où les cambriolages avaient fortement augmenté.
Concernant les commerces, la généralisation de systèmes de prévention situationnelle a été évoquée, comme le marquage ADN, qui est invisible et permet d’asperger sur un délinquant des empreintes durables par un nuage inoffensif. Où en est-on de la mise en place de cette technique ?
S’agissant des fichiers, un arrêt de chambre de la Cour européenne des droits de l’homme – il n’est donc pas définitif –, rendu le jeudi 18 avril 2013, a conclu que la conservation des empreintes d’une personne non condamnée constitue une violation de son droit au respect de sa vie privée, au titre de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. Est-il envisagé de faire évoluer le droit à l’oubli pour les personnes innocentées ?
Malgré les coûts très lourds de la vidéosurveillance – le plan « 1 000 caméras pour Paris » coûtera 250 millions d’euros sur quinze ans –, son incidence reste souvent faible et non démontrée, comme l’a souligné la Cour des comptes. Qu’en est-il du financement via le Fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) de l’installation de programmes de caméras, dont certains étaient assez contestables ? Je pense à Rennes-les-Bains, dans l’Aude, – 170 habitants en basse saison –, qui souhaitait que le FIPD finance 40 % des 60 000 euros que coûtait l’installation de caméras. L’enveloppe du FIPD sera-t-elle maintenue ?
Je suis heureux que le Président de la République ait décidé d’augmenter le nombre des distinctions honorant les sapeurs-pompiers volontaires : c’était une de leurs revendications. Qu’en est-il des 2 % de revalorisation de leurs indemnités ?
M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Le FAED, pour sa partie rapprochement, a été modernisé en 2008-2010 : l’amélioration de ses performances est incontestable. Ce fichier sait désormais traiter les empreintes palmaires. Toutefois, comme la composante alphanumérique – les fiches individuelles – est technologiquement obsolète et ne prend pas en considération toutes les contraintes juridiques relatives notamment aux mineurs, ce fichier sera modernisé en 2014 et 2015. Le FNAEG est, quant à lui, en cours de modernisation pour améliorer la puissance du moteur de rapprochement et prendre en considération de manière automatisée les échanges avec les pays signataires du traité de Prüm. Le FPR sera rénové en 2014-2015, sans lien avec le FNAEG, compte tenu des contraintes juridiques de non-croisement des fichiers. Nous devons être prudents.
Le rapprochement de la population et de sa police est une priorité qui doit irriguer l’action des services. Un code de déontologie commun à la police nationale et à la gendarmerie sera publié à la date du 1er janvier, après son passage devant le Conseil d’État. Intégré au code de la sécurité intérieure, il aura une valeur quasiment normative, ce qui correspond à votre attente.
La transparence de l’action de la police passe par la mise en place d’un numéro d’identification sur les uniformes à compter du 16 décembre prochain. Cette disposition n’est en rien un signe de défiance à l’égard des forces de l’ordre, bien au contraire. Quant à la multiplication des occasions d’échanges par une présence plus forte sur la voie publique, en particulier – mais pas seulement – dans les ZSP, elle sera facilitée par la mise en place des délégués à la cohésion police-population. L’accueil dans les commissariats doit continuer de s’améliorer, s’agissant en particulier de la prise en charge des victimes, notamment des femmes. J’ai bien conscience qu’il faut s’attendre à une augmentation du signalement des faits de délinquance en ce domaine : en effet, l’amélioration de l’accueil des femmes victimes de violences, notamment intrafamiliales, se traduira inévitablement par une augmentation des déclarations. Nous pourrons ainsi mieux combattre cette violence, dans le prolongement de l’action menée par les travailleurs sociaux des collectivités territoriales.
La DGPN a tenu cette année des assises de la formation, qui conduisent à axer l’apprentissage du métier de policier sur la gestion des événements difficiles, en passant par des mises en situation pratique en termes de gestes techniques ou de lien avec les citoyens.
Enfin, la réforme de l’IGPN, mise en œuvre dès le 2 septembre 2013, conduira à renforcer le lien entre la police et la population, à la fois en termes d’ouverture, par la création d’une plateforme de signalement accessible aux citoyens, de lisibilité et de cohérence, par l’intégration pleine de l’IGS, actuellement sous l’autorité du préfet de police de Paris, dans l’IGPN en tant que délégation régionale francilienne, et de couverture territoriale, par la création des délégations de Rennes, Lille et Metz, en sus de celles de Lyon, Marseille et Bordeaux, avec une antenne à Nice.
Monsieur Ciotti, je suis convaincu que, au-delà des postures, la majorité et l’opposition pourraient se retrouver sur les questions de sécurité. Ayant été maire durant onze ans, parcourant aujourd’hui les territoires tant urbains que ruraux, je constate souvent que les mêmes politiques sont menées au plan local, qu’il s’agisse de l’existence de conventions entre la police nationale et la gendarmerie et les polices municipales, de la prévention et de la répression ou de la vidéoprotection. Tous, au plan local, vous partagez le même souci d’assurer la sécurité de nos concitoyens.
Il existe bel et bien de la violence dans la société. Contrairement à ce qui s’est fait dans le passé, je ne la cache pas et ne manipule pas les chiffres. D’ailleurs, comment pouvez-vous me reprocher d’avoir bâti un outil propre au ministère pour aussitôt souligner les chiffres récemment publiés par l’ONDRP, que je ne conteste en aucun cas ? La violence, notamment sur les personnes, augmente depuis trente ans et personne n’est parvenu à inverser la courbe. Les chiffres des cambriolages ont augmenté de 40 % entre 2009 et 2012. Monsieur Favennec, vous avez raison : je suis très préoccupé par les cambriolages en territoire rural. Je ne cesse de parcourir le pays. Je viendrai avec grand plaisir en Mayenne. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, et moi-même consacrerons à ces questions un déplacement, qui nous permettra de rencontrer les exploitants agricoles.
En matière de statistiques, monsieur Ciotti, l’IGA s’est ouverte pour la première fois à l’inspection générale de l’INSEE. Je vous invite à lire avec attention le rapport, qui met en lumière tous les arrangements liés à la politique du chiffre : plus de 130 000 délits requalifiés chaque année en contraventions depuis 2004-2005 ! On peut se renvoyer les statistiques. Qu’il y ait une augmentation des violences aux personnes et des cambriolages, je le reconnais et cela m’inquiète. Ce phénomène, je le sais, s’inscrit dans une continuité. Je préfère assumer la réalité et publier des données exhaustives, sans remettre à plus tard la modernisation des systèmes d’enregistrement. Nous avons généralisé la pré-plainte en ligne, nous ne décourageons pas le dépôt de plainte par les victimes. À la suite des propositions formulées par MM. Le Bouillonnec et Quentin, nous avons en outre décidé de créer un service statistique ministériel dirigé par un membre de l’INSEE.
C’est votre droit absolu, mesdames et messieurs les députés de l’opposition, de ne pas voter ce budget. Mais nous augmentons le nombre de gendarmes et de policiers là où vous-mêmes supprimiez les postes. Le budget de fonctionnement connaît une augmentation historique. Vous invoquez la communication, vous renvoyez à la politique pénale, mais c’est bien du budget du ministère de l’intérieur qu’il s’agit ici, pas de celui de la justice ! Je m’étonne de votre attitude, car ces éléments vont dans le bon sens. Qu’il faille ensuite aller plus loin dans l’organisation territoriale du travail de la police et de la gendarmerie, vous avez raison d’y insister. J’observe avec intérêt ce que font les Britanniques en ce domaine, non que je compte m’inspirer de leur politique de privatisation, mais parce que leur objectif est d’occuper d’abord et avant tout le terrain.
Monsieur Ciotti, puisque vous vous improvisez porte-parole des syndicats – ou plus exactement d’un syndicat –, permettez-moi de vous rappeler qu’un mouvement syndical très puissant a eu lieu entre les deux tours de la dernière élection présidentielle. L’ISSP n’est pas supprimée : son taux est abaissé. Entre 2008 et 2012, en revanche, la police nationale et la gendarmerie ont perdu 400 millions d’euros de crédits de fonctionnement et d’investissement et 13 700 emplois. En 2013, je confirme que, malgré un dégel tardif, tous les crédits seront consommés. Précisons que ces crédits ont augmenté de 2 % entre 2012 et 2013 et augmenteront de 1 % entre 2013 et 2014. Je ne méconnais pas les difficultés. Cette année, cependant, les loyers seront payés partout.
Dans la lutte des forces de l’ordre contre la délinquance, il peut y avoir parfois du vague à l’âme ou de la morosité ; mais quand même, quel engagement extraordinaire ! Vous êtes les premiers à le saluer sur le terrain : ne contribuez pas à alimenter le doute à ce sujet.
Bien entendu, les directeurs généraux de la gendarmerie nationale et de la police nationale m’alertent des difficultés rencontrées. Le Premier ministre, qui connaît bien ces questions, est totalement à l’écoute. Les parlementaires qui rapportent ce budget contribuent eux aussi à faire passer différents messages.
Encore une fois, je regrette le choix de l’opposition. Nous pourrions apporter ensemble la démonstration d’une volonté commune de combattre l’insécurité. Dans le contexte de redressement des finances publiques que vous connaissez, le budget des forces de sécurité est prioritaire. Au moins sur ce sujet, nous pourrions nous retrouver !
En Mayenne comme ailleurs, monsieur Favennec, la réorganisation de la gendarmerie doit permettre d’améliorer l’occupation du terrain et la capacité d’adaptation. Il est vrai que le ministère de l’intérieur éprouve souvent des difficultés à anticiper les évolutions de la délinquance. Or, ces dernières années, on a assisté à un transfert de cette délinquance et à l’apparition de nouveaux phénomènes. L’émergence de réseaux en provenance des Balkans et de l’est de l’Europe explique en partie la hausse du nombre de cambriolages – à ce propos, je me suis rendu récemment à Créteil pour saluer le travail qui a abouti au démantèlement d’un réseau responsable de plusieurs centaines de cambriolages et de vols à l’arraché. Pour des raisons sociologiques, la délinquance se déplace aussi de la zone police vers la zone gendarmerie, si bien que le métier du gendarme évolue. Ses missions rejoignent souvent celles de la police nationale, non seulement en matière de lutte contre les cambriolages, mais aussi en matière de lutte contre les trafics, notamment de stupéfiants. Nos forces doivent s’adapter et se montrer mieux aptes à occuper le terrain et à faire face à ces formes de délinquance, en métropole comme dans les outre-mer – ce que j’ai vu en Martinique et en Guadeloupe est très préoccupant.
On me signale que les cambriolages sont en baisse de 6 % dans les Alpes-Maritimes. On voit là, sans doute, les effets de l’action de MM. Estrosi et Ciotti ! (Sourires.)
Il fallait également envoyer des renforts dans le Nord, car ce département, délaissé ces dernières années, se trouvait en dessous de l’effectif de référence. Mme Martine Aubry, avec l’affection qu’elle me témoigne régulièrement, me l’a fait remarquer à plusieurs reprises. Plus de la moitié de l’écart aura été comblée en 2013. Le solde le sera en 2014 grâce aux nombreux recrutements.
Le volontariat est au cœur de notre dispositif de sécurité civile et nous devons l’encourager. Je suis très favorable, je le répète, à la proposition de M. Pierre Morel-A-L’Huissier de constituer un groupe de travail pour y voir plus clair s’agissant du mécénat et du rôle des entreprises. Le taux de l’indemnité horaire des sapeurs-pompiers volontaires a été revalorisé de 1 % au 1er octobre 2013 et le sera de nouveau de 1 % au 1er janvier 2014.
Le financement de la vidéoprotection par le FIPD, monsieur Molac, sera en 2014 comme en 2013 de 20 millions d’euros. Je souhaite que tous les ministères participent à ce financement, afin que les nombreux dossiers, notamment ceux des ZSP que le fonds subventionne à 50 %, puissent être mis en œuvre. Je crois à l’efficacité de la vidéoprotection. Le pragmatisme exige que nous maintenions l’effort en le ciblant davantage.
Vous avez raison de souligner l’efficacité croissante de la police scientifique et technique (PTS). Les traces d’ADN ont permis de résoudre 8 211 affaires en 2009 et 17 922 dans les neuf premiers mois de 2013. La « PTS de masse » est à l’évidence la police de demain. Nous devons tirer parti de toutes les nouvelles techniques. Avec les professions concernées, nous souhaitons en particulier généraliser les dispositifs permettant aux commerçants d’entrer directement en relation avec la police et la gendarmerie. Les bijoutiers, les joailliers, mais aussi les buralistes, sont aujourd’hui les victimes des évolutions de la délinquance.
Plus généralement, nous travaillons à cibler les nouvelles formes de délinquance pour y apporter les solutions adaptées. Bien entendu, la police et la gendarmerie ne résoudront pas seules le problème de la violence dans la société. Mais ce budget leur donnera, en grande partie, les moyens d’y faire face.
M. Pascal Popelin. Les ZSP ont avant tout une vocation opérationnelle. La concentration des moyens humains et financiers sur un territoire ciblé et les efforts consentis pour une meilleure coordination de toute la chaîne d’intervention convergent vers un objectif : déraciner la délinquance dudit territoire, rétablir l’État de droit, améliorer les conditions de vie et de sécurité des habitants. On peut donc penser que le dispositif est limité dans le temps : une fois le but atteint, il n’y a plus nécessairement lieu de maintenir les moyens que l’on a déployés. Avez-vous fixé des échéances de réalisation des objectifs ? Le constat de la réussite du dispositif entraînera-t-il son arrêt et, éventuellement, son redéploiement dans d’autres territoires ?
Ne doit-on pas craindre des effets de transfert de la délinquance dans les territoires riverains des ZSP ? Pour prendre l’exemple de la ville de Livry-Gargan – où le projet de reconstruction du commissariat, dont je vous remercie d’avoir confirmé le financement dans le budget 2014, remonte à 2001 : en ce domaine comme en bien d’autres en matière de sécurité, on aura perdu dix ans ! –, on déplore le déplacement de certains trafics en raison, précisément, de l’efficacité de l’action menée dans la ZSP toute proche de Sevran. Quelle réponse entendez-vous apporter à ce problème ?
M. Sébastien Denaja. En tant que représentant de l’Assemblée nationale à la Conférence nationale des services d’incendie et de secours, je m’associe à l’appel au consensus lancé par Pierre Morel-A-L’Huissier en matière de sécurité civile. Je sais, monsieur le ministre, que les sapeurs-pompiers peuvent compter sur votre écoute et votre capacité de dialogue.
Pour arriver au consensus, il faut réunir deux conditions : avoir un bon ministre –et, comme plus de 70 % des Français, je suis convaincu que c’est le cas – et avoir un bon budget. Celui de la sécurité civile l’est, car il est marqué par une grande stabilité. La contribution à l’effort national de redressement est mesurée, et elle repose surtout sur la rationalisation et la mutualisation des moyens.
Vous avez déjà évoqué le déplacement de la base de Marignane à Nîmes, le renouvellement de la flotte et la mutualisation du parc d’hélicoptères – ce dernier sujet posant des questions quasi identitaires entre les « bleus » et les « rouges ». Pourriez-vous néanmoins nous rassurer sur la capacité de vol du parc, compte tenu de la hausse des carburants et des contraintes budgétaires qui affectent ce poste ?
M. Philippe Goujon. L’audit récent dont la police d’agglomération parisienne a fait l’objet devait alimenter, selon vous, une réflexion stratégique sur l’évolution du dispositif. Cette réflexion a-t-elle abouti ? D’autres zones seront-elles concernées ?
En matière de vidéoprotection, vous avez évoqué la mise en synergie et en cohérence de différentes salles de commandement dans la zone de police d’agglomération. Où en êtes-vous à ce sujet ? Entendez-vous appliquer un plan de vidéoprotection à l’ensemble du Grand Paris ? À Paris même, engagerez-vous une deuxième tranche du plan de vidéoprotection, sachant que l’État a financé la première à 95 % ?
Concernant les multiréitérants, sujet abordé dans une proposition de loi que j’avais présentée avec Éric Ciotti et que la majorité précédente avait adoptée en première lecture, nous ne disposons d’aucun outil judiciaire efficace. À Paris, plus d’un millier de multiréitérants sont mis en cause pour cent faits par chacun. Avez-vous des pistes pour améliorer la sanction ?
Parmi les délinquants mis en cause à Paris, environ 10 000 sont des ressortissants roumains, dont 400 mineurs. Quelles solutions préconisez-vous ? Le procureur de la République nous a indiqué que 60 % des faits de délinquance dans la capitale concernaient les mineurs, qu’ils soient auteurs ou victimes.
Enfin, une directive européenne sur l’accès des avocats au dossier lors des gardes à vue doit être prochainement transposée en droit français. Certains avocats en profitent pour contester la légalité des gardes à vue. Quelle est votre position à ce sujet ?
M. Erwann Binet. La RGPP, vous l’avez rappelé, s’est traduite par 13 700 suppressions de poste. Le virage engagé par le Gouvernement dès le PLF 2013 pour renforcer la présence sur le terrain des policiers et des gendarmes a permis de rétablir une certaine sérénité dans les brigades et les commissariats, tant pour ce qui concerne les perspectives d’avenir que pour les missions quotidiennes. Cela dit, la gestion des effectifs reste très tendue et les « trous à l’emploi » ne sont pas toujours pourvus. La RGPP avait également entraîné la fermeture de nombreuses écoles de formation. Cela ne risque-t-il pas de freiner la dynamique de création de postes ? Que comptez-vous mettre en œuvre pour accélérer les effets de cette dynamique sur le terrain ?
M. Guillaume Larrivé. Je n’avais pas voté contre les crédits de la mission « Sécurité » pour 2013, considérant qu’il vous appartenait de définir les moyens de votre politique et d’apporter la preuve de vos résultats. Un an après, les résultats ne sont pas au rendez-vous. Vous le reconnaissez vous-même : vous n’avez pas enrayé la spirale d’augmentation des faits de délinquance. Les cambriolages, tant en zone police qu’en zone gendarmerie, ont augmenté de plus de 9 %. Plus préoccupant encore, l’activité opérationnelle des forces de sécurité a diminué. Entre juillet 2012 et juillet 2013, le nombre de patrouilles de surveillance de la police nationale a connu une baisse de 4,63 % sur l’ensemble du territoire. Dans cette même période, le nombre d’actions de surveillance des réseaux de transport terrestre a chuté de 15,42 %.
Il me semble nécessaire de changer le cap en privilégiant trois axes.
Tout d’abord, à enveloppe constante, il faut plus d’activité opérationnelle. Cela suppose de mieux reconnaître l’activité des policiers et des gendarmes en établissant, le cas échéant, un nouveau système de pilotage de la performance et des primes en fonction des résultats obtenus par les différentes unités.
Ensuite, il conviendrait de renforcer les partenariats avec les autres forces de sécurité, non seulement les services privés, dont la rationalisation est engagée, mais aussi les polices municipales – ce qui suppose des changements, à Auxerre notamment.
Enfin, le Gouvernement doit faire preuve de cohérence. C’est là, me semble-t-il, votre principal problème depuis dix-huit mois. Ce que fait la place Beauvau avec ardeur, la place Vendôme ne doit pas le défaire !
M. Christian Assaf. Je salue le déploiement des soixante-quatre ZSP en milieu tant urbain que rural. Au-delà se pose néanmoins la question de la territorialité de l’insécurité. Si l’on concentre les moyens humains et financiers de lutte contre la délinquance dans certaines zones – et c’est le cas de la totalité des 243 nouveaux emplois de policiers –, ne prend-on pas le risque de voir la violence se déplacer vers d’autres territoires ? Quel premier bilan peut-on dresser des ZSP ? Portent-elles leurs fruits en termes de réduction de la délinquance ? Quelles en sont les conséquences dans les zones limitrophes ? Quel est leur coût réel ?
Le corollaire de leur mise en place – en milieu urbain tout au moins – n’est-il pas une redynamisation des contrats locaux de sécurité, qui connaissent un certain essoufflement depuis la fin des années 2000, mais qui ont l’avantage de mettre en cohérence les différentes actions de prévention et de répression ? En particulier, la coordination entre la police nationale et les polices municipales doit être améliorée, en privilégiant la collaboration, la proximité et la réactivité. Cela permettrait de compléter le canevas des ZSP dans leur géographie et dans leur finalité.
Mme Marie-Anne Chapdelaine. Ma question porte sur les quartiers contigus ou proches des ZSP lorsque celles-ci sont situées dans un tissu métropolitain très dense. On le sait, le lien entre la population et la police peut contribuer à l’établissement d’un sentiment de sécurité, tout comme la construction de dispositifs d’échanges entre toutes les forces de police. Nous prenons note, à l’occasion de ce budget, des nouvelles stratégies qui seront mises en œuvre. Pourriez-vous détailler comment celles-ci se déclineront sur le terrain ? En particulier, quel lien établira-t-on entre les acteurs de l’éducation, la police municipale et la police nationale ?
Mme Marianne Dubois. Nos compatriotes sont très attachés à la gendarmerie, qui, notamment en milieu rural, est un acteur indispensable. Outre ses fonctions traditionnelles, elle tisse du lien social, accueille le public et aide les personnes fragiles. Les gendarmes effectuent des missions très diverses : rendre visite aux personnes isolées, écouter le public, le sensibiliser, le prévenir, mais aussi contrôler.
Or l’audition par la commission de la défense du directeur de la gendarmerie nationale, le général Favier, le 16 octobre dernier, a soulevé de légitimes inquiétudes. Le budget pour 2013 prévoyait déjà une baisse de 2,8 % des dépenses de fonctionnement et d’investissement – jusqu’à moins 43 % pour les seules dépenses d’investissement. Cette situation engendre un réel malaise chez les militaires et chez les élus de tous bords. Vous avez annoncé des mesures nouvelles concernant le parc automobile, les dépenses d’énergie, l’immobilier, l’informatique. Nous serons très vigilants quant à leur concrétisation.
D’autre part, les gendarmes interviennent de plus en plus dans des conflits familiaux, qui occupent près de 40 % de leur temps. Le travail de secrétariat leur prend également beaucoup de temps et les éloigne de leur cœur de métier. Quelles dispositions comptez-vous prendre pour décharger nos militaires de ces interventions chronophages ?
M. David Douillet. Avec cette maigre augmentation de 0,8 % hors pensions – c’est-à-dire un budget quasi gelé –, comment comptez-vous atteindre les objectifs que vous annoncez aux Français alors que la criminalité, vous l’avez reconnu, ne cesse d’augmenter ? Vous envisagez de recruter environ 400 personnels supplémentaires affectés aux ZSP actuelles et nouvelles, mais, parallèlement, vous baissez les dotations de fonctionnement. La base et les syndicats nous font pourtant savoir que, sur le terrain, les policiers en sont déjà à compter les ramettes de papier et que les gendarmes n’ont plus d’essence pour leurs véhicules. Ayez donc le courage de reconnaître que la direction du budget refuse de vous accorder des moyens : sur l’autel des arbitrages, les technocrates de Bercy ont vidé votre ambition politique de sa substance !
La réalité du terrain, c’est aussi le manque de reconnaissance à l’égard des forces de l’ordre, manifesté par la baisse de l’ISSP. Il n’y a pas meilleur moyen pour démotiver les jeunes recrues qui ont la volonté de s’engager au service de leurs concitoyens ! Je vous conjure de réfléchir à un palliatif. C’est la première fois qu’un Gouvernement s’attaque à la rémunération des fonctionnaires, et c’est par la police qu’il commence. C’est un peu triste ! Comment pouvez-vous encore prétendre que la sécurité des Français – et, partant, les moyens humains et matériels dont elle dépend – est pour vous une priorité ?
Mme Françoise Descamps-Crosnier. La mise en place des ZSP répond au besoin de rendre plus opérationnelle l’action des forces de sécurité dans des territoires où l’attente des populations est forte face à une délinquance marquée et diverse. Aujourd’hui, les soixante-quatre ZSP ont permis, avec le concours de l’ensemble des acteurs locaux de la sécurité, de trouver de nouvelles méthodes de travail afin de s’adapter aux spécificités de chaque terrain.
Votre circulaire du 30 juillet 2012 incitait les préfets à privilégier « les collectivités ayant une volonté d’action partenariale particulièrement dynamique en matière de sécurité et de prévention de la délinquance » pour déterminer les territoires à intégrer à ce dispositif. Les territoires où cette logique prévaut, ceux où les partenaires locaux, notamment les collectivités territoriales, sont entrés dans cette dynamique, usant de toute la palette des moyens fournis par le dispositif, connaissent des premiers résultats encourageants. Les dynamiques créées ont permis de modifier les habitudes de travail des uns et des autres au profit d’une plus grande coordination – en matière de relations entre la police et la justice, entre autres – et d’une meilleure complémentarité. Elles ont également permis d’explorer de nouveaux champs du spectre de la sécurité prise au sens large.
Dans d’autres territoires, la dynamique est parfois freinée par une vision des acteurs plus restreinte. Les résultats ne peuvent que s’en ressentir. Comment inciter les partenaires à développer l’intégralité des possibilités offertes par les ZSP ?
Je me réjouis des créations de postes au profit de ces zones. Les retours de terrain confirment l’importance du renforcement des liens entre police et population à travers la désignation d’interlocuteurs privilégiés. Ces liens de proximité sont indispensables à la compréhension de l’action des forces de sécurité. À cet égard, prévoit-on, parmi les nouveaux postes, des emplois spécialement destinés au renforcement du lien entre police et population, à l’instar des délégués à la cohésion police-population ? Comment définir le profil de ces délégués afin que les citoyens les identifient clairement ? Comment articuler le statut de policier et la création de liens avec la population ?
Mme Gabrielle Louis-Carabin. Avec trente-huit homicides commis depuis le début de l’année, la Guadeloupe est devenue la région la plus meurtrière de France. Lors de votre visite, vous avez confirmé les annonces du Premier ministre et décidé d’élargir la ZSP à la commune de Baie-Mahault. J’approuve vos décisions et reconnais votre engagement pour combattre la délinquance en dépit des difficultés.
Je souhaite néanmoins réitérer ma demande : ne serait-il pas possible de mener des actions inopinées en dehors des ZSP ? La délinquance, en effet, se déplace, et la violence a pris une telle ampleur qu’il faut lutter non seulement contre les armes et les vols, mais aussi contre la drogue qui se répand sournoisement. Nos côtes poreuses ont une configuration archipélagique qui les expose à tous les types de trafic. Comment les protéger davantage ?
Il arrive que la population se mobilise contre les forces de l’ordre lorsque celles-ci interviennent. Quelles actions entendez-vous mener pour améliorer ces relations ? Je reconnais que vous aviez raison : dans un contexte d’insécurité, la clé du succès est bien le renforcement de la coordination entre les différents corps de sécurité et la population.
M. Olivier Marleix. Par tradition et par nature, je suis enclin à faire confiance au ministre de l’intérieur. S’agissant des effectifs, néanmoins, on a le sentiment d’un jeu de bonneteau. Vous affichez un nombre important de recrutements, mais ceux-ci sont essentiellement la conséquence de départs à la retraite. Vous affichez également, avec peut-être plus d’habileté que vos prédécesseurs, des schémas d’emplois théoriques à la hausse, même si celle-ci est très modeste : 0,2 % pour la gendarmerie, par exemple. Dans la réalité, pourtant, les effectifs ne sont pas dans les commissariats ou dans les brigades. L’effectif théorique, c’est bien ; l’effectif pourvu, c’est mieux !
J’aimerais aussi que vous usiez de votre force de persuasion pour nous expliquer comment, avec une baisse des crédits de fonctionnement hors immobilier de près de 10 % dans la gendarmerie, les gendarmes pourront faire face en 2014 à une hausse sensible de la délinquance – 12 % selon le dernier rapport de l’ONDRP – et à l’aggravation de la nature des faits – en particulier des trafics – dans leur zone de compétence.
Vous l’avez dit, les réseaux à l’origine des cambriolages sont européens. À quand un conseil des ministres de l’intérieur de l’Union européenne pour mieux coordonner la lutte ?
Mme Cécile Untermaier. La délinquance, vous l’avez dit, s’est en partie déplacée dans le monde rural, où des ZSP ont d’ailleurs été mises en place. Pour faire face aux spécificités de la délinquance rurale, des méthodes et des moyens particuliers sont-ils mis en œuvre dans ces zones ?
S’agissant du parc immobilier de la gendarmerie, le constat est largement partagé au niveau local. Des efforts importants sont nécessaires. Dans ma circonscription, qui est loin d’être un cas isolé, la situation du parc contraint les gendarmes à laisser derrière eux leurs familles faute de locaux décents. Une telle situation est contraire à l’esprit même de la gendarmerie nationale, qui doit être installée au cœur de la vie locale et citoyenne. Nous avons hérité de ce délabrement des locaux. Nous devrons y remédier, même si cela semble difficile en investissement. J’ai pris bonne note des quarante-trois projets qui seront pris en compte l’année prochaine, mais il faudra avancer rapidement sur cette question !
M. Patrick Lebreton, rapporteur spécial. Votre visite aux Antilles il y a deux semaines vous a permis de vous rendre compte par vous-même de la réalité des outre-mer. Nous apprécions ce geste : en dehors des campagnes électorales, aucun de vos prédécesseurs n’avait pris la peine de se déplacer sur le terrain pour traiter les difficultés.
Certes, tout ne se règle pas par la sécurité, et nous saluons l’action forte que le Gouvernement et le ministre Victorin Lurel mènent en matière économique et sociale. Il faut néanmoins traiter en parallèle la question urgente de l’insécurité si l’on ne veut pas retrouver ailleurs la situation qui prévaut en Guadeloupe, les mêmes causes produisant les mêmes effets. Nous appelons donc de nos vœux une police plus performante.
Je rendrai prochainement mon rapport au Premier ministre sur la régionalisation de l’emploi dans les outre-mer. Au-delà de la question de la mutation des fonctionnaires de police ultramarins dans leur région d’origine, je relève un phénomène particulier à La Réunion. En effet, les conditions d’emploi très attractives, cumulées à l’application des règles d’ancienneté administrative pour les affectations – décidée par l’un de vos prédécesseurs à la fin de 2002 –, font que l’âge moyen des policiers dans ce département est de quarante-cinq ans, contre trente-cinq ans en moyenne sur l’ensemble du territoire. Il en résulte une proportion élevée de fonctionnaires interdits de voie publique (IVP). Sans verser dans le jeunisme, ne pensez-vous pas qu’une pyramide des âges déséquilibrée est nuisible à l’efficacité des services de police ? Ne pourriez-vous envisager d’adapter les règles de mobilité pour rajeunir les effectifs de la police dans les DOM et, singulièrement, à La Réunion ?
M. Dominique Baert, président. Je ne voudrais pas que les effectifs supplémentaires que vous annoncez dans le département du Nord soient affectés au seul pôle lillois. Combien viendront renforcer la ZSP de Roubaix-Tourcoing-Wattrelos ?
M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Nombre de questions portent sur les ZSP. Celles-ci ont été créées sur des territoires où la délinquance est enracinée ou connaît, comme c’est souvent le cas dans les territoires ruraux, une évolution anormale. Elles visent à apporter une réponse en profondeur. Les méthodes employées peuvent être mises en œuvre dans d’autres zones.
À ce stade, il ne me semble pas opportun de fixer des échéances à la réalisation des objectifs. Chaque zone fait appel à des mesures déployées par plusieurs institutions dans le cadre d’une coordination renforcée. La coordination avec les parquets, notamment, fonctionne bien dans la plupart des cas. Nous avons fait le bilan en mai dernier avec Christiane Taubira et l’ensemble des procureurs et des préfets concernés par les ZSP. Quand je vois le travail conjoint mené par les parquets et les forces de l’ordre, je suis excédé, je ne le cache pas, des critiques exprimées contre la justice !
Les ZSP bénéficient de moyens supplémentaires pour s’attaquer aux violences urbaines, à l’économie souterraine, aux cambriolages, aux incivilités. Les postes de policiers et de gendarmes créés pendant la durée du quinquennat y seront prioritairement affectés. La création d’autres ZSP à laquelle nous procéderons sans doute sera compatible avec nos moyens de fonctionnement.
À cet égard, je souhaite dire à M. Larrivé que les ZSP produisent des résultats en matière de lutte contre les trafics des stupéfiants, contre les nuisances – baisse de 11 % des atteintes à la tranquillité publique –, contre les violences urbaines – recul de 27 % des infractions – et même des cambriolages, dont le nombre diminue de 3 %.
Bref, lorsque l’on cible les phénomènes de délinquance dans certains territoires, on peut obtenir des résultats. Le discours de M. Larrivé et de M. Douillet serait crédible si les effectifs n’avaient pas chuté, si les violences n’avaient pas augmenté et si les cambriolages n’avaient pas explosé au cours des dernières années. Plutôt que de nous renvoyer des chiffres, nous ferions mieux de lutter ensemble contre la délinquance !
Votre suggestion d’améliorer le travail avec les polices municipales est intéressante, monsieur Larrivé. Le nombre des policiers municipaux – moins de 20 000 – reste très faible en France. J’encourage les collectivités à mettre sur pied des polices municipales et à engager des partenariats avec la police nationale et la gendarmerie.
Le secteur privé est aussi un partenaire. Le dispositif mis en place à Lyon pour protéger davantage les commerces tout en respectant la loi va dans ce sens. Nous entendons bien conforter le professionnalisme des métiers de la sécurité privée. J’espère présenter un projet de loi en 2013 pour aller plus loin dans ce domaine et dans celui des polices municipales. Vous avez parfaitement raison, madame Louis-Carabin, de dire que la coordination est la clé de tout. À ce propos, monsieur Lebreton, j’espère me rendre prochainement à La Réunion et à Mayotte, où la situation est préoccupante.
Les trafics auxquels nous devons faire face n’ont pas de frontières. Nous en parlons beaucoup au niveau européen et international, où nous devons être plus efficaces.
Votre question sur les effets de report de la délinquance sur les territoires voisins des ZSP m’est souvent posée, monsieur Popelin. C’est un phénomène que l’on constate parfois dans certains départements. On peut envisager plusieurs solutions pour y faire face. La ZSP ne saurait constituer un carcan, un territoire aux frontières infranchissables : c’est bien pourquoi je demande aux forces de l’ordre de faire preuve de réactivité et d’imagination ! Grâce aux polices d’agglomération, à la coopération entre police et gendarmerie qui est encore à parfaire, aux zones de sécurité mixtes que nous avons créées, nous pourrons agir dans des territoires aux frontières aussi mouvantes que celles de la délinquance. Il est d’ailleurs possible d’intégrer dans la ZSP – de manière limitée, afin de respecter la philosophie du dispositif – les zones limitrophes touchées.
Permettez-moi d’insister sur les possibilités offertes par les communautés de communes et d’agglomération en zone gendarmerie comme en zone police. La création de polices municipales au niveau intercommunal, dans le domaine des transports entre autres, permettra des améliorations. Je l’ai constaté dans les ZSP de Louvres et de Roissy, où les phénomènes de délinquance sont particulièrement mouvants.
Mais la politique de sécurité que je souhaite mener ne peut se résumer aux ZSP, madame Chapdelaine. À travers ces dispositifs, nous expérimentons des méthodes et des objectifs qui amélioreront notre efficacité sur l’ensemble du territoire.
L’activité des services, monsieur Larrivé, est en hausse. Elle a par exemple augmenté de 12 % pour les trafics et reventes, de près de 8 % pour les stupéfiants, avec une hausse de 8,5 % des mises en cause dans ces domaines. Si nous avons trouvé moins de policiers et de gendarmes sur le terrain, c’est que l’ancienne majorité avait supprimé 13 700 postes ! Ce qui est étonnant, d’ailleurs, c’est que vous avez créé des postes entre 2002 et 2007 – j’étais député à l’époque et j’avais voté, tout comme Jean-Pierre Blazy, la confirmation des créations de postes engagées par le prédécesseur de Nicolas Sarkozy au ministère de l’intérieur, Daniel Vaillant. Mais Nicolas Sarkozy a défait en tant que Président de la République ce qu’il avait fait en tant que ministre de l’intérieur, et cela sans que ses ministres de l’intérieur puissent s’y opposer.
Pour ma part, monsieur Douillet, je ne suis nullement dans un rapport de force avec Bercy. Le ministre délégué chargé du budget s’est montré très attentif à la mise en œuvre de l’engagement du Président de la République. Les choix du Premier ministre concernant le dégel des crédits pour 2013 vont dans le même sens. Comme vous l’avez dit très justement, madame Dubois, il faut donner à la gendarmerie – tout comme à la police – les moyens de son action de proximité, s’agissant notamment des véhicules et du carburant, tout en faisant évoluer son rôle face aux nouveaux phénomènes de délinquance.
Nous poursuivons la mise en cohérence de la vidéoprotection, monsieur Goujon. Le système développé pour Paris intra-muros permet désormais des extensions de raccordement en petite couronne. Grâce au FIPD, nous pourrons progressivement raccorder au réseau de la préfecture de police l’ensemble des centres de supervision urbains, les systèmes des grands équipements commerciaux et sportifs et ceux du réseau de transports. Les services de police ont déjà accès à plus de 10 000 caméras grâce à des partenariats, notamment avec Rosny 2, le CNIT et le centre commercial des Quatre Temps à La Défense, la RATP et la SNCF. Ces raccordements font l’objet d’une prise en charge par les sociétés concernées, avec le nécessaire soutien du FIPD.
La dynamique de la police d’agglomération se poursuit. J’ai demandé au préfet de police de Paris, Bernard Boucault, d’étendre à la grande couronne les interventions de la police des transports. J’en constate les résultats, notamment sur la ligne 402 – je n’oublie pas que je suis conseiller municipal d’Évry –, une des plus touchées par les violences.
J’ai également demandé au préfet de police de créer une sous-direction à vocation judiciaire pour mieux lutter contre la petite et moyenne délinquance des bandes et des cambrioleurs d’habitude. La délinquance des mineurs est l’un des plus grands défis de la société actuelle. C’est un sujet extrêmement compliqué, devant lequel la police elle-même se trouve en grande difficulté et qui nécessite de la part de nos systèmes éducatif et judiciaire des réponses parfaitement adaptées. Souvent, les mineurs sont utilisés. En région parisienne, la délinquance d’origine roumaine entre pour beaucoup dans l’augmentation de la délinquance des mineurs. Il ne s’agit pas de généraliser ou de stigmatiser : c’est une réalité indéniable. Nous obtenons des résultats très significatifs dans les lieux touristiques. J’en ai longuement discuté avec la première adjointe au maire de Paris, s’agissant notamment de l’action à mener dans les grands magasins. Je me suis également entretenu avec les directeurs de la SNCF et de la RATP des moyens de gagner en efficacité dans les transports en commun, où la délinquance est préoccupante. Plus généralement, nous devons obtenir des résultats contre les réseaux qui exploitent les mineurs et la misère humaine.
En matière de formation, monsieur Binet, les écoles devraient avoir une capacité suffisante pour accueillir les nouveaux recrutés en 2014. Alors qu’on les avait vidées, elles seront pleines ! Avec le directeur général de la police nationale, M. Baland, je suis très attentif aux conditions d’accueil et de formation. J’aurai d’ailleurs l’occasion de m’exprimer devant les nouveaux policiers et gendarmes qui sortiront de ces écoles. La baisse de l’ISSP n’atteint en aucune manière leur volonté de s’engager dans les forces de l’ordre.
Vous avez posé une question très intéressante, monsieur Assaf, sur le rapport entre les ZSP et les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance. Pour en avoir beaucoup parlé avec le ministre délégué chargé de la ville, François Lamy, je crois qu’il faut réactiver ces derniers. Une convention lie l’action de nos deux ministères dans ce domaine. La situation varie selon les territoires. Je crois beaucoup à l’implication des élus : nous devons faire confiance aux maires qui s’engagent dans ce domaine – sachant qu’il y a parfois loin de la parole aux actes lorsque l’on entend certaines prises de position ! Tout ce qui permet une coproduction associant la justice, l’éducation nationale et les acteurs économiques dans la lutte contre les violences est bénéfique.
Les crédits de fonctionnement de la gendarmerie augmenteront de 1 % entre 2013 et 2014, monsieur Marleix. On vous aura donné des chiffres erronés !
Toutes les ZSP sont dotées d’un délégué à la cohésion police-population, madame Descamps-Crosnier. Je souhaite que ces personnels bénéficient d’une bonne formation, car j’attache beaucoup d’importance à l’amélioration du lien avec la population. Je demande aux policiers et aux gendarmes non pas de se justifier, mais d’expliquer la nature de leur mission.
Les mutations des agents du corps d’encadrement et d’application dans les départements de la Martinique, de la Guadeloupe et de La Réunion s’effectuent en effet, monsieur Lebreton, dans le cadre spécifique du « mouvement général polyvalent ». Les candidats obtiennent satisfaction grâce à un capital de points qui leur est attribué, notamment, en fonction de leur ancienneté, de leur service dans un secteur difficile, de leur situation matrimoniale ou familiale. A priori, ce système garantit l’égalité de traitement de tous les fonctionnaires, quelle que soit leur origine, à partir de critères qui se veulent objectifs. Il permet également de concilier au mieux le légitime souhait de retour des originaires – qui bénéficient, contrairement aux non-originaires, d’une mutation à titre définitif s’ils le souhaitent – et les impératifs de gestion des ressources humaines de l’administration. Accorder des mutations plus rapides et plus massives, comme m’y invitent les nombreux courriers que je reçois des parlementaires de La Réunion, reviendrait à bloquer le système, les nouveaux arrivants devant attendre les départs en retraite pour pouvoir prétendre à une mutation. Je reconnais néanmoins qu’il existe là une vraie difficulté et qu’il nous faudra y travailler.
En Guadeloupe, madame Louis-Carabin, j’ai en effet annoncé l’extension de la ZSP à Baie-Mahault ainsi que la mise en place de deux équipes cynophiles, la rationalisation de la compagnie départementale d’intervention, l’adaptation des horaires à la délinquance – ce qu’on appelle la « semaine antillaise ». Je confirme le maintien des escadrons de gendarmerie, en particulier dans la ZSP de Pointe-à-Pitre, et la création de postes qui devraient démultiplier l’action des forces de l’ordre à condition que les réformes de fond soient menées. Je vais également confier à un préfet une mission de six mois pour que l’on puisse s’assurer, notamment dans votre département, de ce nouvel élan. En matière de police judiciaire, de coopération entre police et gendarmerie et d’action des forces de l’ordre, nous devons renforcer le dispositif.
Comme en 2012 et en 2013, monsieur Denaja, le potentiel opérationnel de la flotte aérienne de la sécurité civile est garanti en 2014. Le budget prévoit même une augmentation de 4 millions d’euros pour la maintenance.
Je remercie la majorité de son soutien exigeant à la mise en œuvre d’une des priorités du Président de la République. Je remercie aussi l’opposition de me soutenir sans vouloir le dire. (Sourires.)
M. Dominique Baert, président. Sans doute me transmettrez-vous ultérieurement la réponse à la question que je vous ai posée. Quoi qu’il en soit, nous vous remercions pour le temps que vous nous avez consacré et pour la qualité de vos réponses, qui témoignent de votre attachement au Parlement.
La réunion de la commission élargie s’achève à douze heures cinq.
Compte rendu de la commission élargie du mardi 5 novembre 2013
(Application de l’article 120 du Règlement)
Immigration, asile et intégration
La réunion de la commission élargie commence à seize heures vingt, sous la présidence de M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères, et de M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois.
M. le président Gilles Carrez. Nous sommes réunis cet après-midi pour examiner les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » en commission élargie. Vous connaissez tous désormais cette procédure, dont l’intérêt est de permettre, entre le ministre et les parlementaires, des échanges précis et concis.
Mme la présidente Élisabeth Guigou. La Commission des affaires étrangères se saisit chaque année pour avis de cette mission, portant sur trois sujets qui sont bien loin de se réduire à des questions de politique intérieure.
Le droit d’asile, qui devrait bientôt faire l’objet d’une vaste réforme, annoncée depuis bien longtemps d’ailleurs, est certes garanti par la Constitution mais repose aussi et surtout sur la convention de 1951 sur le statut des réfugiés, dite « convention de Genève » ; un travail d’harmonisation vient d’être mené à son terme au niveau européen et l’un des enjeux de la réforme à venir sera sa bonne transposition en France.
En matière d’intégration, des politiques nationales efficaces sont nécessaires au niveau national afin d’assurer la cohésion sociale au sein de l’Union européenne. La question des Roms présente à cet égard un caractère spécifique, s’agissant pour l’essentiel de ressortissants communautaires, et non de pays tiers, mais elle illustre la même nécessité.
Enfin, le drame tout récent de Lampedusa, qui n’est hélas pas isolé, a tragiquement montré le besoin d’une politique européenne en matière d’immigration, d’asile et de gestion des frontières extérieures de l’Union. Sans revenir sur les conclusions du Conseil européen des 24 et 25 octobre derniers, je voudrais insister sur la nécessité de nous doter sur ces sujets d’une stratégie et de moyens plus importants : c’est une dimension que nous ne devons pas oublier, même lorsque nous débattons de politiques nationales.
M. le président Jean-Jacques Urvoas. La mission « Immigration, asile et intégration » suscite traditionnellement beaucoup de commentaires, et l’actualité en ce domaine est toujours riche.
La commission des lois a désigné deux rapporteurs pour avis, l’une, Mme Marie-Anne Chapdelaine, appartenant à la majorité, l’autre, M. Éric Ciotti, à l’opposition, ce qui est la garantie d’une expression plurielle. La première a consacré la partie thématique de son avis à l’accueil des étudiants étrangers, question essentielle pour l’influence de la France dans le monde mais aussi domaine où des choix malheureux ont été faits par le passé et où il convient donc de redoubler d’efforts. Le second s’est quant à lui, comme l’an dernier, penché sur le droit d’asile, qu’il souhaite voir réformer – chantier dont personne ne conteste l’intérêt et que vous avez d’ailleurs lancé, monsieur le ministre de l’intérieur, en confiant une mission en ce sens à deux parlementaires. Je tiens à souligner à ce propos que, pour beaucoup d’entre nous, cette question doit être clairement distinguée de celle de la gestion des flux migratoires.
M. Laurent Grandguillaume, rapporteur spécial de la commission des finances. Le projet de budget pour la mission « Immigration, asile et intégration » s’attache à conjuguer humanité, efficacité et économie.
Fixées à 653,5 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 664,9 millions d’euros en crédits de paiement, les dotations de la mission diminueront respectivement de 8,8 et de 5,6 millions d’euros par rapport aux crédits initiaux pour 2013. Cette baisse traduit les contributions de la mission à la réduction des déficits.
L’action 02 « Garantie de l’exercice du droit d’asile » connaîtra une légère progression : de 0,5 %, soit de 2,6 millions d’euros, portant ces crédits à 503,7 millions d’euros. Mais cette quasi-stabilité masque un nouveau renforcement des capacités d’accueil et de traitement de la demande d’asile. Ces mesures permettent d’espérer que l’on réussira enfin à endiguer les dépenses d’urgence tout en offrant une prise en charge de meilleure qualité.
Les autres actions de la mission seront, quant à elles, marquées par une optimisation des dépenses, sans renoncement aux objectifs poursuivis : ainsi, s’agissant de la lutte contre l’immigration irrégulière, la réduction des dotations ne traduit pas une diminution programmée de ces activités, mais une rationalisation des frais engagés que nous avions souhaitée. Et, si l’on peut regretter la nette baisse des crédits alloués aux actions d’intégration, l’année 2014 verra la poursuite des évaluations et réflexions lancées en 2013 pour tendre vers des dispositifs plus pertinents et plus efficaces.
Monsieur le ministre, dans le cadre de la modernisation de l’action publique, le Gouvernement a demandé aux inspections générales de l’administration et des affaires sociales d’évaluer, d’ici à la fin de l’année, les dispositifs d’accueil développés autour du contrat d’accueil et d’intégration (CAI), proposé aux primo-arrivants s’installant durablement en France. Si ce rapport vous a été remis, pouvez-vous nous présenter les principales orientations que vous en retenez ? Si ce n’est pas le cas, pouvez-vous néanmoins préciser de premières pistes de réforme ?
L’apprentissage du français est considéré comme un facteur puissant d’intégration, voire comme la condition d’une insertion réussie. Des formations linguistiques sont ainsi proposées aux signataires du CAI ainsi qu’aux personnes étrangères déjà installées, par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) ou dans le cadre des programmes régionaux d’intégration des personnes immigrées (PRIPI). Plusieurs opérateurs m’ont toutefois fait part de dysfonctionnements et d’opacité en matière d’appels à projets, de labellisation ou de définition des prestations. Comment le ministère travaille-t-il à l’harmonisation et à l’amélioration de ces prestations, qui constituent un des piliers de la politique nationale d’intégration ?
Dans ce champ de l’intégration comme dans celui de l’accueil des demandeurs d’asile, beaucoup d’intervenants appartiennent à des associations dont l’équilibre budgétaire dépend fortement des ressources publiques qu’elles reçoivent. Elles sont particulièrement sensibles aux retards de paiement des fonds de concours européens – retards pouvant aller jusqu’à trois ans – et la complexité du montage et du suivi des dossiers nécessaires pour bénéficier de ceux-ci est telle que certaines envisagent de renoncer à cette ressource. La France pourrait alors sous-consommer des financements auxquels elle contribue pourtant. Comment le Gouvernement prévoit-il d’aider les associations à utiliser au mieux le nouveau fonds de concours européen « Asile et migration » (FAM), au cours de la période 2014-2020 ?
Le rapport commun des trois inspections générales des finances, de l’administration et des affaires sociales d’avril 2013 sur l’hébergement et la prise en charge financière des demandeurs d’asile a fait état de dysfonctionnements dans la gestion de l’allocation temporaire d’attente (ATA) par Pôle Emploi, ce qui se traduit par un taux de versements indus non négligeable. Quelles mesures envisagez-vous pour, à court terme, corriger ces dysfonctionnements et, à plus long terme, améliorer la gestion de cette allocation ?
La lutte contre l’immigration irrégulière hors des frontières nationales s’organise, notamment, autour de l’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures, Frontex. Pouvez-vous nous préciser le coût financier des contributions de la France à cette agence et à ses actions ? Comment l’Union européenne envisage-t-elle de la mobiliser pour éviter que ne se renouvellent des drames comme ceux de Lampedusa ?
S’agissant enfin de la prise en charge qu’offre notre pays aux mineurs étrangers isolés, j’ai eu l’occasion d’exprimer mes doutes sur les tests osseux pratiqués, et j’appelle votre attention sur les grandes disparités d’accueil d’un département à un autre. Mon département de la Côte-d’Or est le troisième à suspendre l’accueil de ces mineurs étrangers. Qu’envisage le Gouvernement pour assurer un traitement digne et égal à ces enfants particulièrement fragiles et pour faire appliquer la loi dans tous les départements ?
M. Jean-Pierre Dufau, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. Ce budget est en partie un budget de transition ; en effet, de vastes réformes ont été annoncées pour la fin de cette année ou pour l’année prochaine : une profonde révision de notre système d’asile, dont on peut dire qu’il est aujourd’hui à bout de souffle, une refondation de notre politique d’intégration, qui semble en panne, mais aussi la création de titres de séjour pluriannuels, afin de mieux sécuriser les parcours.
Pour autant, ce budget comporte déjà des inflexions que je veux saluer. Dans le domaine de l’asile, tout d’abord, les grandes orientations fixées par le Président de la République vont conduire à une réorientation particulièrement bienvenue des crédits vers l’hébergement de droit commun – dans les centres d’accueil des demandeurs d’asile (CADA) – et à un nouvel effort, volontariste et salutaire, de réduction des délais de réponse aux demandes d’asile. Les résultats ne pourront être que positifs, mais il faut avouer aussi que la course de vitesse perpétuelle entre l’augmentation des demandes d’asile et l’augmentation des moyens nécessaires pour les traiter est de plus en plus difficilement soutenable. Une réforme du système d’asile a donc été annoncée.
Toute la difficulté sera de bien placer le curseur entre les garanties indispensables à accorder aux demandeurs d’asile et la nécessaire efficacité du dispositif, qui ne doit pas pour autant devenir expéditif. Sans préjuger des résultats de la concertation en cours, quelles seraient les marges de manœuvre et sur quels paramètres agir ? Que pensez-vous de l’idée, parfois avancée mais controversée, selon laquelle il faudrait donner un signal de durcissement du système d’asile, afin d’enrayer l’augmentation des demandes ? Partagez-vous cette conception ?
Les crédits de notre politique d’intégration doivent connaître une baisse sensible en 2014, dans le cadre général de l’effort de redressement des comptes publics, mais aussi dans le cadre plus particulier de cette mission, dont certaines dotations sont en hausse. Cette évolution budgétaire suscite des questions, au regard de l’importance que revêt une politique d’intégration efficace et bien conçue pour la cohésion sociale de notre pays.
Comme le rapporteur spécial, je voudrais connaître, monsieur le ministre, vos projets en matière d’accueil des étrangers primo-arrivants. Devant les limites de l’actuel contrat d’accueil et d’intégration, et sans préjuger là encore des réflexions en cours, quel sort pensez-vous réserver à l’idée selon laquelle il faudrait changer de paradigme et raisonner désormais sur plusieurs années, dans le cadre de véritables parcours d’intégration ?
Pour les Roms, dont la situation est spécifique puisqu’il s’agit de ressortissants communautaires, la Commission européenne a engagé un effort en faveur de leur intégration en demandant aux États membres d’adopter des stratégies nationales. Une sorte de triptyque a été constitué entre les États « d’origine », les États « de résidence » et l’Union européenne. Même si la situation est contrastée selon les pays, elle reste globalement insatisfaisante, voire parfois choquante. Quel jugement portez-vous sur l’action engagée par la Commission depuis 2011 ? Pensez-vous qu’il conviendrait de passer à la vitesse supérieure en renforçant son action, et, le cas échéant, de quelle manière ? Avons-nous besoin, selon vous, d’une véritable politique européenne des Roms ?
Dans le domaine de l’immigration, le drame de Lampedusa a mis en lumière la nécessité d’une action européenne plus déterminée en matière de protection, de prévention et de solidarité. Cela nécessitera des moyens supplémentaires, notamment pour la surveillance des frontières maritimes. Des crédits supplémentaires seront-ils prévus pour Frontex, ainsi qu’une participation accrue de la France à ses opérations ? Quelle position défendra la France en ce qui concerne la solidarité à manifester à l’égard des États membres les plus sollicités ?
Les aides au retour ont été réformées en 2013, en raison des effets pervers constatés au cours des années précédentes. Depuis, le nombre des bénéficiaires a nettement chuté, parfois dans des proportions considérables pour certains pays. Pensez-vous que nous avons aujourd’hui atteint un point d’équilibre ? Estimez-vous le niveau des aides désormais satisfaisant ?
Le dernier sujet que je voudrais aborder est la nécessité de maintenir l’attractivité de notre pays pour certains publics bien ciblés. La Grande-Bretagne met en place pour la délivrance des visas un nouveau système dont on dit qu’il permettra prochainement de faire une demande de visa aussi facilement que l’on peut réserver son billet d’avion. Nous avons appris que le ministère de l’intérieur et le ministère des affaires étrangères avaient eux aussi le projet de simplifier les procédures et de fluidifier la situation. Quels sont le calendrier de ce projet, son coût prévisionnel et surtout ses objectifs précis ? Dans ce domaine, deux impératifs doivent être conciliés : l’attractivité, certes, mais aussi le contrôle. Quelles évolutions concrètes prévoyez-vous ?
Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure pour avis de la commission des lois, pour l’immigration, l’intégration et l’accès à la nationalité française. Je commencerai par saluer le travail qu’avait effectué l’an dernier, à cette place, Patrick Mennucci ; je me suis d’ailleurs attachée à examiner les suites données à ses propositions.
Mon avis porte pour la plus grande part sur la mobilité des étudiants, enjeu économique, culturel et diplomatique considérable pour notre pays et pour sa place dans le monde. Chacun se souvient que la circulaire du 31 mai 2011, dite « circulaire Guéant », avait considérablement durci les conditions d’accès au marché du travail des étudiants à l’issue de leurs études. Les effets directs de cette circulaire ont été massifs : pendant sa durée d’application, environ quatre demandes de changement de statut sur cinq ont été refusées par la préfecture de police de Paris, alors qu’auparavant la proportion était inverse. Au niveau national, le taux de refus des autorisations de travail demandées dans le cadre d’un changement de statut a plus que doublé, passant de 20 % à 43 %.
Les effets indirects de ce texte ont également été considérables. Le nombre d’étudiants étrangers accueillis par la France a chuté de 10 % en 2012. Notre pays, qui était le premier pays non anglophone pour cet accueil, est passé au cinquième rang mondial, derrière l’Allemagne. La France a donc perdu du terrain et le signal de fermeture au monde envoyé par la circulaire Guéant a durablement dégradé notre image.
Celle-ci devait être restaurée. Un premier signal très positif a été envoyé, immédiatement après l’élection présidentielle, par l’abrogation de cette circulaire. D’autres mesures concrètes ont suivi, notamment avec la loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche qui a assoupli les conditions d’accès au marché du travail des étudiants ayant obtenu un master. Pour que la France reste une destination de choix pour les meilleurs étudiants, il convient d’aller plus loin.
Nous devons nous doter d’une politique d’attractivité universitaire et scientifique ambitieuse. À cette fin, grâce aux auditions que j’ai effectuées, j’ai formulé une quinzaine de propositions concrètes, et j’aimerais recueillir votre avis sur certaines d’entre elles, même si elles ne relèvent pas exclusivement de votre ministère.
Il convient tout d’abord de faciliter les démarches de ceux qui souhaitent venir étudier en France. Seriez-vous favorable, par exemple, au rétablissement de la motivation des refus de visas de long séjour « étudiants » et « scientifiques » ? Prévue par la loi dite Chevènement de 1998, elle a été supprimée en 2003 ; or il me paraît indispensable qu’un étudiant qui s’est vu opposer un refus puisse en comprendre les motifs.
Il faut aussi répondre aux difficultés que rencontrent certains étudiants lorsque la validité de leur visa de long séjour valant titre de séjour (VLS-TS) expire au cours de l’été, en particulier lorsqu’ils souhaitent retourner, durant les congés, dans leur pays d’origine. Certaines préfectures délivrent, pour surmonter ces difficultés, des « récépissés d’été », d’une durée de validité maximale de trois mois, mais les pratiques sont très variables d’un département à l’autre. Ne pourrait-on envisager d’allonger la durée de validité maximale des VLS-TS étudiants de quelques mois, afin qu’elle couvre systématiquement la période de réinscription universitaire ? Ce serait une simplification pour les étudiants et allégerait la charge de travail des préfectures.
Il convient aussi de simplifier et d’alléger les formalités que doivent accomplir les étudiants étrangers une fois admis en France. Certains départements ont imaginé des « guichets uniques » qui permettent aux étudiants de déposer leur demande de titre de séjour dans leur université, sans avoir à se déplacer jusqu’à la préfecture. J’ai pu constater à Rennes que ce dispositif fonctionnait bien : son extension me semble donc hautement souhaitable, afin d’assurer à terme une couverture quasi complète des sites universitaires.
Je suis également favorable à une banalisation de la visite médicale obligatoire que doivent actuellement effectuer les étudiants auprès de l’OFII. Ne serait-il en effet pas plus simple qu’elle puisse être effectuée auprès d’un médecin de ville ou des services universitaires de médecine préventive des CROUS ?
Par ailleurs, je souhaite que les titres de séjour pluriannuels soient étendus aux étudiants suivant un cursus de niveau licence, à l’issue de leur première année d’études. Pourriez-vous nous confirmer que cette extension figurera dans le futur projet de loi relatif à l’immigration ?
Je suis enfin convaincue que notre pays doit accompagner et respecter, plus qu’il ne l’a fait ces dernières années, celui qui y construit son avenir avec le nôtre, en apportant la valeur ajoutée de son travail et de son histoire. Il est dès lors essentiel que notre politique d’accueil de l’immigration estudiantine s’accompagne d’un profond changement d’orientation dans les perspectives que nous voulons nous donner en matière d’immigration économique. Il y a en effet un décalage entre l’attractivité et la qualité de notre système de formation et la difficulté pour les entreprises et les jeunes diplômés de concrétiser un dessein professionnel commun.
L’abrogation de la « circulaire Guéant » était un pas dans la bonne direction. Il convient d’aller plus loin, d’abord en supprimant le délai de quatre mois imposé aux étudiants pour déposer leur demande d’autorisation provisoire de séjour, ensuite – et c’est une réforme plus ambitieuse – en supprimant l’opposabilité de la situation de l’emploi pour les étudiants étrangers titulaires d’un master : ce serait une simplification bienvenue, car il n’est guère justifiable, lorsqu’un étudiant a obtenu une promesse d’embauche avant la fin de ses études, de l’obliger à solliciter une autorisation provisoire de séjour, afin de bénéficier du régime favorable procuré par ce dispositif. Il conviendrait également d’assouplir l’accès des scientifiques et chercheurs à une carte de séjour « salarié ».
Notre politique d’accueil, d’immigration et d’intégration nécessite une vaste réflexion, nous en convenons tous. Commençons par en faire à nouveau l’un des vecteurs du rayonnement économique et culturel de la France !
M. Éric Ciotti, rapporteur pour avis de la commission des lois, pour l’asile. L’asile est bien sûr au cœur de nos valeurs républicaines et doit être préservé. Pour cela, nous devons réformer profondément notre système de demande d’asile, qui est aujourd’hui à bout de souffle. Tout récemment, les 200 tentes plantées sur une place de Clermont-Ferrand ont montré à quel point nous manquions de places d’hébergement d’urgence et de places en CADA. Je ne reviens pas sur le psychodrame de la reconduite à la frontière de la famille Dibrani ; « l’affaire Leonarda » n’a pas fait honneur à notre pays.
Les demandes d’asile continuent d’augmenter : à la fin de 2013, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) devrait avoir reçu plus de 70 000 demandes, ce qui constitue un record absolu et une hausse prévisible de 11 %, après déjà une hausse de 7 % en 2012. Vous rappellerez certainement, monsieur le ministre, que le nombre de demandeurs d’asile avait déjà fortement crû au cours des années précédentes, mais la situation atteint aujourd’hui un niveau de gravité très préoccupant. Il est faux de penser que nous n’avons pas prise sur cette situation. Ainsi, lorsque l’Arménie a, en 2009, été inscrite sur la liste des pays considérés comme sûrs, les demandes ont chuté de 82 %. En revanche, lorsque le Conseil d’État a rayé de cette liste l’Albanie, le Kosovo et le Bangladesh, les demandes d’asile de ressortissants de ces pays ont augmenté respectivement de 173 %, de 160 % et de 166 %.
Cette hausse des demandes d’asile se traduit par une augmentation du stock d’affaires en instance à l’OFPRA, qui est passé de 24 200 au 1er janvier 2013 à 30 400 au 30 juin 2013, soit une hausse de plus de 25 % en six mois ! Malgré les discours, malgré les annonces, la situation continue de se dégrader. La durée moyenne d’examen d’un dossier est passée de 14 mois et 6 jours en 2012 à probablement 16 mois en 2013. Je note aussi que près de la moitié des protections sont accordées non par l’OFPRA, mais par la Cour nationale du droit d’asile, c’est-à-dire en appel, ce qui constitue une anomalie.
La longueur de ces délais permet un détournement de la procédure à des fins d’immigration économique. Les failles de notre système en font une porte d’entrée dans l’immigration illégale ; il encourage les phénomènes de filière et crée alors un cercle vicieux : les délais longs renforcent l’attractivité de notre système d’asile et donc sa saturation, ce qui allonge encore les délais…
Vous envisagez une réforme du droit d’asile. Envisagez-vous, comme cela a été annoncé, de passer par la voie d’ordonnances ?
Avec cette réforme, la décision de rejet de l’OFPRA, en l’absence de recours, ou de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), en cas de recours et de rejet de ce dernier, vaudra-t-elle automatiquement obligation de quitter le territoire français (OQTF) ? Cela raccourcirait considérablement les délais. Je propose également, comme les trois corps d’inspection, que le demandeur soit tenu de déposer sa demande dans un délai maximal de trois mois à compter de son entrée sur le territoire. J’ai rencontré à l’OFPRA un demandeur d’asile qui était arrivé d’Afghanistan dans notre pays cinq ans avant le dépôt de sa demande !
Ma troisième question concerne les moyens que vous entendez affecter à la réduction des délais. Vous avez recruté dix officiers de protection supplémentaires en 2013, et trente avaient été recrutés en 2011. Vous prévoyez d’en recruter encore dix en 2014 : ce chiffre paraît, au regard des besoins, très insuffisant.
La transposition des récentes directives européennes va rendre la procédure plus complexe encore. Ces questions n’en sont donc que plus urgentes.
M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Monsieur le rapporteur spécial, un rapport sur l’accueil des primo-arrivants m’a été remis le 10 octobre dernier ; il pose un diagnostic très étayé, mais les propositions qu’il formule nécessitent d’être encore expertisées car leur application emporterait des conséquences importantes en termes d’organisation et de financement. Je partage le constat qui y est fait selon lequel le dispositif actuel du contrat d’accueil et d’intégration (CAI) reste trop standardisé pour répondre à l’évolution des besoins des primo-arrivants. Il ne permet pas de lever les principaux obstacles rencontrés par ceux-ci, à savoir l’absence de maîtrise de la langue et l’inadaptation à l’emploi ; la notion de contrat n’est pas assimilée et le suivi décline fortement après trois ou quatre mois alors que ce sont les cinq premières années qui sont déterminantes dans le parcours d’insertion. Le rapport préconise une approche plus personnalisée de la situation de chaque nouvel arrivant grâce à une évaluation initiale plus approfondie, puis, sur cette base, suggère d’accorder une priorité à la maîtrise de la langue française, en élevant le niveau requis, ainsi qu’à la rénovation des outils d’accompagnement à l’emploi.
Je souhaite développer une nouvelle politique de l’accueil autour des orientations suivantes, actuellement en cours d’élaboration : préparer au mieux l’arrivée en France ; réaffirmer la responsabilité régalienne de l’État en matière d’apprentissage des valeurs et de la langue ; refonder notre partenariat avec les acteurs locaux pour permettre aux primo-arrivants d’accéder plus rapidement aux dispositifs de droit commun, au sein desquels leurs besoins particuliers devront être prise en compte ; abandonner la notion de contrat pour privilégier l’idée d’un parcours dont chacun sera acteur et responsable, à charge bien sûr pour l’État de satisfaire aux exigences relevant de sa responsabilité ; enfin, veiller à bien articuler le parcours d’insertion avec les conditions de délivrance des titres – notamment dans la perspective de la création d’un titre pluriannuel.
La maîtrise de la langue française est l’une des conditions d’une bonne insertion et nous devons, je le répète, relever le niveau exigé. La réforme de la politique d’accueil offre un levier pour parvenir à une meilleure adéquation entre la formation et les besoins des migrants – en particulier en matière d’emploi –, pour simplifier et rendre plus transparents les mécanismes d’appel à projet, pour diversifier et coordonner l’offre de formation au niveau local ; elle représentera également l’occasion de mettre à plat les différents dispositifs de labellisation, pour les rendre eux aussi plus simples et plus efficaces.
Enfin, je souhaite recentrer les interventions du ministère de l’intérieur à partir de l’idée que l’insertion se joue au cours des cinq années suivant l’arrivée en France. La tâche de l’administration doit donc être de les accompagner tout au long de cette période.
La France se prépare au déploiement du fonds « Asile et immigration » depuis novembre 2011 ; nous avons surtout cherché à résoudre les difficultés rencontrées par les porteurs de projets – notamment associatifs – dans l’utilisation des crédits du fonds européen pour l’intégration (FEI). À partir de 2014, la mise en place d’un fonds unique couvrant les thématiques de l’asile, de l’accueil, de l’intégration et du retour permettra d’optimiser cette utilisation, grâce à la présence d’une seule autorité garante de la cohérence entre les priorités décidées et les réponses apportées. Les organismes associatifs pourront avoir accès plus simplement à l’argent européen, ce qui permettra de financer des projets de trois ans – et non plus simplement de douze mois ; le plafond de cofinancement du fonds européen sera relevé de 50 à 75 %, ce taux passant même de 75 à 90 % pour les projets relevant de priorités spécifiques, comme ceux à destination des publics vulnérables ; enfin, les règles de gestion seront assouplies grâce à l’application de notions de forfait et de coût unitaire, se substituant à une exigence de justification exhaustive des dépenses..
Malgré l’augmentation significative du nombre de places dans les CADA, les crédits consacrés à l’ATA et à l’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile connaissent un accroissement important ; ainsi, les dépenses liées à l’ATA ont triplé entre 2008 et 2012, passant de 47,5 millions à 150 millions d’euros, et celles allouées à l’hébergement d’urgence ont progressé dans le même temps de 57 millions à 135 millions d’euros. Mes services ont diligenté dès la fin de 2012 une mission d’inspection de ces dépenses, dont le rapport, remis en avril dernier, a été suivi d’un travail de croisement des fichiers afin d’identifier les versements indus ; ceux-ci s’élevaient à 6,9 millions d’euros au 30 mai 2013, soit environ 12 millions d’euros en année pleine, et concernaient 7,2 % des bénéficiaires. Ce n’est pas le Gouvernement actuel qui est responsable de cette situation ! Pour garantir le bénéfice de l’ATA à ceux à qui il revient, nous souhaitons en confier la gestion à un opérateur plus impliqué dans les questions d’asile – l’OFII est sans doute le plus apte à l’assurer –, mais la transition ne pourra s’opérer dans de bonnes conditions qu’au 1er janvier 2015, Pôle Emploi continuant jusque là d’assumer cette mission.
La contribution de la France au budget de Frontex transite par notre contribution au budget général de l’Union européenne ; les crédits de cette agence installée à Varsovie s’élèvent à 85 millions d’euros en 2013 et j’ai demandé, avec plusieurs de mes homologues européens, que soient annulées les amputations décidées sur ce montant. Des opérations maritimes coordonnées par Frontex permettraient d’éviter des drames comme celui de Lampedusa mais, au cours des deux dernières années, Frontex a déjà contribué à sauver 16 000 vies en mer Méditerranée. Afin de prolonger jusqu’en novembre 2013 l’opération Hermès qu’elle supervise au large des îles de Lampedusa et de la Sardaigne, 2 millions d’euros ont été débloqués et Mme Cecilia Malmström, commissaire européenne aux affaires intérieures, demandera aux États membres de lui accorder une rallonge financière. D’autre part, le conseil des ministres Justice et Affaires intérieures (JAI) a décidé de créer une task force de l’Union sur la situation en Méditerranée, composée des États membres de Frontex, d’Europol, du bureau européen d’appui en matière d’asile, de l’Agence des droits fondamentaux et de l’Agence européenne de sûreté maritime. Ce groupe s’est réuni pour la première fois le 24 octobre et le conseil JAI des 5 et 6 décembre prendra des décisions opérationnelles à partir de ses propositions. La Commission européenne a proposé le déploiement d’une opération Frontex de recherche et de secours en mer Méditerranée ; néanmoins, la mission première de Frontex consiste à surveiller les frontières et les États membres de l’agence ont mis en garde contre toute erreur de communication à propos d’une opération de sauvetage qui pourrait être utilisée comme argument « publicitaire » par les passeurs et de ce fait créer un appel d’air pour l’immigration clandestine. Le succès de l’action dans ce domaine reposera largement sur des dispositifs de coopération comme ceux déployés par l’Espagne avec le Sénégal, la Mauritanie ou le Maroc, et il est essentiel d’en développer avec la Libye et avec la Tunisie en particulier.
En 2012, une démarche interministérielle a été entamée sous la conduite du ministère de la justice pour préciser les mécanismes de prise en charge des mineurs étrangers isolés ; un travail important, conduit en association avec l’Assemblée des départements de France (ADF) – les présidents des conseils généraux estimant subir un poids croissant en la matière – a abouti le 31 mai dernier à la signature d’un protocole national de mise à l’abri, d’évaluation et d’orientation de ces mineurs, protocole qui organise la prise d’une décision sur la minorité d’un jeune dont les déclarations suscitent le doute. Du personnel qualifié mènera des entretiens et l’on pourra vérifier les documents d’état civil étrangers produits sur le fondement de l’article 47 du code civil. Le ministère de l’intérieur apportera aux départements et à l’autorité judiciaire son expertise en matière de détection de la fraude documentaire et les conclusions de cette investigation seront adressées au président du conseil général et au procureur de la République concernés. Dans ce cadre, un test osseux pourra être pratiqué, mais uniquement en dernier recours et dans le cadre d’un processus garantissant le respect des droits de la personne.
Je précise que l’État fournit au département une aide quotidienne de 200 euros pendant cinq jours, délai nécessaire à la détermination de l’âge du jeune concerné.
Monsieur Jean-Pierre Dufau, M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères, et moi-même avons pris des initiatives pour fluidifier le traitement des demandes de visa, en nous inspirant du rapport que MM. Bernard Fitoussi et François Barry Delongchamps nous ont remis l’an dernier. Notre politique de délivrance de visas s’articule autour de trois axes. Elle vise d’abord à simplifier la procédure pour certains publics cibles : des instructions conjointes viennent d’être adressées à l’ensemble du réseau pour que le taux de délivrance des visas de circulation et leur durée de validité soient augmentés, afin de faciliter les déplacements des hommes et des femmes d’affaires, des universitaires, des scientifiques, des chercheurs, des artistes et des touristes ayant la France pour destination privilégiée ou récurrente ; au niveau européen, des propositions seront formulées dans le cadre du projet de révision du code communautaire des visas, élaboré sous la conduite de la Commission européenne. La France veillera à assurer une meilleure coordination consulaire au niveau local et à renforcer l’application harmonisée de la politique commune des visas.
En second lieu, nous entendons poursuivre l’amélioration des conditions d’accueil des demandeurs de visa : sur ce point, les postes du réseau ont reçu des instructions conjointes fixant les principes généraux et les critères objectifs de notre politique d’accueil, en vue d’assurer un service quotidien de qualité, des conditions matérielles dignes et des délais d’attente resserrés. Parallèlement, le processus d’externalisation se poursuit avec l’ouverture de centres, l’emménagement dans de nouveaux locaux dans certains pays et l’intégration à des centres délocalisés dans les pays les plus vastes.
Enfin, la refonte du système d’information doit permettre d’importants gains de productivité et une fluidification des procédures de traitement des demandes, au profit des agents comme des demandeurs. Plusieurs orientations se dégagent des études menées à cette fin : constitution d’un portail d’information unique sur Internet, ouverture de téléprocédures, création d’une base centrale partagée permettant le travail en réseau de l’ensemble des services, dématérialisation des dossiers, déploiement d’un outil de collecte biométrique unifié et simplifié et renforcement de la sécurité informatique. Ce projet devrait aboutir d’ici à 2017 sous réserve que nous disposions des 15 millions d’euros nécessaires.
La Commission européenne veille à la fois à la non-discrimination des populations d’origine rom et à leur intégration, et, contrairement à ce qu’on a pu lire ici ou là, elle n’a, sur le premier point, aucun reproche à adresser à la France ; s’agissant de l’intégration, elle a mis en place un cadre institutionnel : le réseau des points de contact, dont l’une des missions consiste à évaluer les politiques nationales d’inclusion. La France lui transmettra très prochainement une nouvelle stratégie marquant une évolution forte, dans la ligne de la circulaire du 26 août 2012 relative à l’anticipation et à l’accompagnement des opérations d’évacuation des campements illicites. La Commission mobilise également le fonds européen de développement régional (FEDER) et le fonds social européen (FSE), même si la politique d’inclusion reste de la seule compétence des États-membres. La France pourrait sans doute mieux utiliser ces fonds, mais le problème majeur réside dans les faibles capacités d’intégration sociale de ces populations par leurs pays d’origine, comme l’admet le Premier ministre roumain, M. Victor Ponta.
J’assume la baisse de l’aide au retour, car elle engendrait des éloignements artificiels ; depuis la réforme du 1er février 2013, les retours aidés – qui s’élevaient à 15 000 en 2012 – ont diminué de plus de 50 %, ce taux atteignant 80 % pour les Roumains et les Bulgares, preuve de l’existence du circuit que dénonçaient les autorités roumaines, les associations et les ONG européennes ; nous constatons une baisse du nombre de Roms venant de ces pays en France. Nous réaliserons un bilan complet de cette réforme en février 2014.
Madame Marie-Anne Chapdelaine, Mme Geneviève Fioraso, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, et moi-même nous sommes engagés à améliorer l’accueil des étudiants étrangers ; ceux-ci sont utiles au rayonnement de la France. L’immigration se trouve souvent diabolisée alors qu’organisée et régulée, elle peut constituer un vecteur de l’attractivité de notre pays. Le nombre d’étudiants étrangers doublera d’ici à 2020 dans le monde : la France doit tenir son rang à cet égard si elle veut compter demain. Longtemps premier pays non anglophone d’accueil des étudiants étrangers, elle se trouve maintenant dépassée par l’Allemagne et le nombre d’étudiants accueillis s’est contracté – de 10 % – pour la première fois en 2012. Il faut voir dans cette baisse brutale et inédite un effet de la circulaire du 31 mai 2011 – dite circulaire Guéant – qui a donné l’impression que la France ne souhaitait plus recevoir d’étudiants étrangers. Dès ma prise de fonctions, nous avons abrogé cette circulaire et nous avons ouvert 22 guichets uniques entre les universités et les préfectures en 2013 ; cet effort doit être poursuivi en 2014, cette mutualisation devant devenir la norme. La délivrance du titre de séjour pluriannuel pour les étudiants en master et en doctorat est maintenant la règle, les conditions du passage du statut d’étudiant à celui de salarié ont été simplifiées et le montant de la taxe sera abaissé le 1er janvier prochain. Cependant, vous avez raison : il faut aller plus loin : le titre de séjour pluriannuel pourrait être généralisé dès la licence ; un titre unique destiné aux chercheurs internationaux ou aux étudiants étrangers trouvant en France un emploi très qualifié pourrait être créé ; le changement de statut pourrait encore être simplifié pour les étudiants de niveau master trouvant un emploi qualifié, correctement rémunéré et en lien avec leur formation, et, dans le cadre de la réforme de l’OFII, la visite médicale pourrait être simplifiée. Enfin, nous devrions motiver les refus de visas étudiants – sans alourdir la charge des consulats – et nous pencher sur les questions de l’accès des étudiants étrangers aux bourses, de l’opportunité de faire davantage contribuer certains étudiants étrangers à leurs frais universitaires et de l’évaluation du rôle de Campus France. Un débat sans vote a eu lieu à l’Assemblée nationale et au Sénat sur ce sujet de l’accueil des étudiants étrangers en France, et il en ressort que les positions sont plus consensuelles qu’on ne le pense ; le Gouvernement s’engage en tout cas à restaurer la place de la France dans l’accueil des étudiants étrangers.
Depuis 2007, le nombre des demandes d’asile augmente en moyenne de 10 % chaque année et devrait atteindre 68 000 à la fin de 2013 ; pour 80 %, ces demandes se concluront par une décision de rejet de l’OFPRA et de la CNDA. Notre système d’asile ne se trouve pas au bord de l’implosion, il implose ! Les délais d’instruction s’allongent, les demandeurs d’asile se concentrent dans certaines régions comme Rhône-Alpes et la Lorraine mais arrivent aussi dans des villes comme Dijon, Rennes ou Roanne qui ignoraient jusqu’ici ce genre de phénomène et les déboutés non éloignés saturent les hébergements et occupent l’espace public au prix de conditions de vie insupportables. Dans un contexte de crise sociale et économique, cette présence tend à rompre les équilibres entre les populations. Ce n’est pas seulement notre politique de l’asile qui part à la dérive, c’est aussi notre politique de droit au séjour qui est mise à mal. M. le président de la Commission des lois a raison d’insister pour que nous tenions ces politiques séparées mais, si nous pouvons tous nous rassembler autour du principe, partagé au sein de l’Union européenne, qui fait de l’asile un droit fondamental à préserver, nous devons prendre conscience que les déboutés du droit d’asile entrent dans le champ des politiques migratoires et que les questions de délais et d’accueil revêtent de ce fait une importance essentielle.
En dépit des efforts considérables consentis par ce gouvernement et par le précédent pour accroître le nombre de places d’hébergement et l’effectif de l’OFPRA, le temps est venu de refonder l’ensemble du système en nous montrant ambitieux et courageux mais aussi en recherchant un consensus. Cette question de l’asile ne doit pas être un sujet d’affrontement politique ! J’ai donc lancé en juillet dernier une concertation que j’ai voulue la plus large possible, puisqu’elle associe les collectivités territoriales, l’Association des maires de France (AMF), l’ADF, les villes de Rennes, Besançon, Nancy et Mulhouse, les administrations, le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), la CNDA et toutes les associations travaillant dans ce champ de l’asile ; j’espère que cette méthode se révélera fructueuse. Dans le même souci d’aboutir à une réforme consensuelle, j’ai demandé à Mme Valérie Létard, sénatrice UDI du Nord, et à M. Jean-Louis Touraine, député SRC du Rhône, d’être les médiateurs de cette concertation et de me transmettre des propositions. La première étape de cette concertation a été consacrée au diagnostic, la deuxième aux pistes de réforme par thème et la dernière, en cours, porte sur l’élaboration de scénarios de réforme globale.
Cette concertation est sur le point de s’achever et les deux parlementaires – très impliqués dans leur mission et conscients des enjeux qu’elle recouvre – me remettront leur rapport avant la fin du mois de novembre. Il nous appartiendra ensuite de fixer le calendrier politique et législatif de la réforme et nous aurons alors l’occasion d’en reparler avec tous ceux d’entre vous que le sujet intéresse. À ce stade, aucun scénario de réforme ne peut être dessiné avec certitude dans la mesure où les différentes hypothèses possibles restent encore en discussion dans les ateliers. Cela étant, les cinq points essentiels autour desquels s’articulera le scénario définitif ont d’ores et déjà été identifiés par Mme Valérie Létard et par M. Jean-Louis Touraine.
Le premier consiste en une réduction significative des délais de traitement des dossiers, qui s’élèvent aujourd’hui à dix-sept mois en moyenne et que nous souhaiterions ramener à neuf mois en 2015. Cela suppose que nous simplifiions les pratiques en vigueur ainsi que la répartition des tâches entre acteurs publics et associatifs, par une mutualisation des structures existantes afin de réduire le nombre des intervenants.
Le deuxième consiste en la détermination, dès l’arrivée d’un demandeur d’asile, de la recevabilité ou non de sa demande. Cette étape, indispensable pour éviter tout engorgement des files d’attente, suppose un traitement réellement accéléré des demandes manifestement infondées.
Le troisième, en un pilotage directif des hébergements, favorisant un certain équilibre entre les territoires. Les filières et trafics se nourrissent en effet de l’extrême permissivité de notre système : lorsque les taxis d’un pays organisent l’acheminement systématique de demandeurs d’une nationalité donnée vers une grande ville française de la région Rhône-Alpes, c’est bien à une filière que l’on a affaire. Et c’est bien la ville de Lyon qui, en l’occurrence, en est la première victime. La conseillère fédérale suisse, que j’ai eu l’occasion de rencontrer ce matin, m’a décrit le système en vigueur dans son pays : déterminé par votation, le délai de traitement des dossiers est actuellement fixé à quarante-huit heures. Ce système est le fruit d’un partenariat très étroit entre la Confédération helvétique et des pays européens tels que le Kosovo, la Serbie et la Bosnie-Herzégovine. Sans doute nous faudrait-il examiner de plus près ce dispositif. En attendant, nous devrons faire en sorte que les demandeurs d’asile soient dirigés vers des centres d’hébergement en fonction des places disponibles et, dans la mesure du possible, qu’ils soient sanctionnés en cas de refus de s’y rendre.
Quatrième objectif : une territorialisation accrue de toute la procédure, car l’efficacité passe par la prise en compte des réalités locales. Si les préfets sont les premiers concernés par la mise en œuvre de cette idée, les collectivités locales devraient également être associées le plus en amont possible à la détermination de schémas régionaux d’hébergement. Cela nécessitera que tous accomplissent un véritable effort de solidarité.
Enfin, il convient de créer des lieux dédiés à l’assignation à résidence et d’éloigner les déboutés du droit d’asile. Ces derniers représentant 80 % des demandeurs, aucune réforme du système actuel ne sera viable s’ils continuent d’engorger nos centres d’hébergement. Rappelons à cet égard que 50 % des places d’hébergement d’urgence sont actuellement occupées par des étrangers en situation irrégulière.
Le Gouvernement se prononcera rapidement sur ces cinq propositions, qui ne sont pas exclusives d’autres.
En tout état de cause, il ne nous paraît pas optimal de réformer le droit d’asile par voie d’ordonnance. Certes, il nous faudra transposer rapidement la directive européenne sur l’asile mais, à l’exception de cette exigence, il me semblerait contradictoire de charger deux parlementaires d’une mission sur un sujet pour ensuite dérober celui-ci au débat parlementaire. Il m’importe donc que le Parlement s’en saisisse afin d’aboutir, j’y insiste, à la solution la plus consensuelle possible.
Enfin, dès sa nomination comme directeur général de l’OFPRA en décembre dernier, j’ai demandé à M. Pascal Brice de réorganiser sans attendre l’office afin de réduire les délais d’instruction des demandes d’asile. Ainsi le contrat d’objectifs et de performance que j’ai conclu à l’été 2013 avec l’établissement public prévoit de ramener ce délai, en moyenne, de six à trois mois d’ici à 2015, dans le cadre d’un délai global de traitement des dossiers par l’OFPRA et par la CNDA ramené à neuf mois. Cette réorganisation s’appuie sur une concertation menée au début de l’année 2013 par la direction de l’office auprès des officiers de protection et de leurs syndicats, concertation qui a abouti à un plan de réforme mis en application depuis l’été et qui produira ses pleins effets dès le début de l’année 2014. Cette évolution repose sur un traitement des dossiers plus adapté à la réalité différenciée des besoins de protection des demandeurs ; sur une polyvalence accrue des officiers de protection, leur permettant de traiter des demandes provenant d’un nombre plus important de pays ; sur le développement d’outils d’instruction harmonisés ; sur le renforcement du contrôle de la qualité des décisions prises, notamment grâce à l’appui fourni par le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés ; et enfin, sur le renforcement de la protection des femmes victimes de violence, des mineurs, des personnes persécutées pour leur orientation sexuelle ainsi que des personnes originaires de territoires en situation de conflit généralisé, tels que les Syriens. C’est dans le cadre de cette réorganisation que l’OFPRA a institué en 2013 des missions de traitement de la demande d’asile en région, à Lyon et à Metz, afin de répondre à des situations locales d’urgence dans des délais de traitement de deux mois. À cette réorganisation en cours s’ajoute le recrutement de dix agents supplémentaires en 2013 et de dix autres encore en 2014. L’OFPRA sera ainsi en mesure d’exercer plus efficacement ses missions dans le cadre d’un droit d’asile réformé.
Si telles sont les réponses que je souhaitais vous apporter, je ne doute pas que les porte-parole des groupes et d’autres orateurs comptent eux aussi m’interroger sur ces sujets complexes, dont le traitement politique mérite d’être revu. Vous aurez compris ma détermination à mener ces réformes. J’ignore s’il existe des politiques de gauche ou de droite sur de tels sujets. Je sais en tout cas que la politique que je mène est profondément républicaine et fidèle aux valeurs de la France.
M. le président Gilles Carrez. La parole est maintenant aux orateurs des groupes.
Mme Elisabeth Pochon. Nous examinons ce soir les moyens que l’État entend mettre au service de sa politique d’immigration, d’asile et d’intégration. Si les chiffres des programmes 303 et 104 du budget 2014 traduisent les efforts fournis par la nation en ce domaine, ils nous révèlent surtout quelles priorités politiques le Gouvernement s’est fixées pour assurer un traitement humain des étrangers sur notre territoire.
Cette mission me paraît particulièrement sensible, non seulement parce que sa présentation nous permet d’appréhender quelles conditions d’accueil nous réservons aux migrants, mais aussi parce qu’elle s’inscrit dans un contexte économique, social et politique marqué par une tendance au repli national et par une certaine angoisse de l’avenir – en un mot, dans un contexte défavorable à une approche apaisée de la situation des migrants. Si ces derniers ont quitté leur terre natale et leur famille, c’est tantôt à la recherche d’un avenir meilleur, tantôt pour fuir les persécutions et sauver leur vie. D’autres, déjà installés, aspirent pour leur part à devenir enfin Français. Devant une telle diversité de situations, la France se doit de se maintenir dans le rôle qu’elle a hérité de son histoire mais qui découle également des engagements qu’elle a souscrits dans le cadre des conventions internationales qu’elle a signées.
Sur le traitement des étrangers, la majorité actuelle aspirait à une véritable rupture avec la brutalité dont avait fait preuve l’ancienne majorité en dévissant le bouchon du flacon d’un poison politique qu’il est aisé d’agiter en période de crise mais bien difficile de refermer ensuite, de sorte que ses effluves continuent à nous poursuivre. C’est pourquoi nous saluons les décisions fortes que vous avez déjà prises en la matière, monsieur le ministre, qu’il s’agisse de l’abandon de la politique du chiffre pour le chiffre dans l’éloignement des étrangers, de l’abrogation de la circulaire Guéant sur les étudiants étrangers, de l’interdiction de placer les enfants en centre de rétention, ou encore de la signature d’une circulaire définissant des critères de régularisation transparents.
Si la mission budgétaire que nous examinons ce soir porte sur à la fois sur l’asile, sur l’immigration et sur la naturalisation, je me limiterai ici au premier sujet et, plus particulièrement, à la question des délais de traitement des demandes d’asile dont la longueur actuelle a des conséquences négatives en cascade sur l’hébergement et sur l’accompagnement des personnes concernées, sans parler de son coût. L’actualité récente nous a ainsi rappelé que, si la loi continue à s’imposer, la longueur des procédures fait perdre beaucoup de sens et de poids aux principes fondamentaux en vigueur. Cette remarque est d’ailleurs valable pour la justice en général.
Le budget général de la mission fait apparaître une hausse des demandes d’asile pour la sixième année consécutive, après un accroissement de 61,4 % entre 2007 et 2012. Si cette évolution devait se confirmer en 2013, nous serions confrontés à une hausse sans précédent, sachant que l’on observe depuis 2008 une dégradation progressive des délais de traitement des demandes d’asile et, par conséquent, une augmentation des stocks de demandes.
Jouant les Cassandre, M. Ciotti nous prédit 70 000 demandeurs d’asile et des coûts infinis pour cette année, sous-entendant qu’une telle explosion des chiffres serait le fruit de la libéralité d’un gouvernement de gauche et que la droite aurait, elle, obtenu des résultats probants et fait preuve d’une vraie volonté et d’un véritable savoir-faire, tandis que nous ne serions que des laxistes, voire des aspirateurs à demandeurs d’asile ! Or la réalité est tout autre : notre système d’asile n’est plus satisfaisant depuis plusieurs années. Reconnaissons-le sans quoi nous ne pourrons le sauver, alors même que l’asile est un principe constitutif de notre République.
Pendant sa campagne, le Président de la République avait d’ailleurs fixé le cap de la réforme en soulignant qu’« outre une dotation adéquate du dispositif d’accueil, [c’était] une autre gouvernance du système qu'il [faudrait] également privilégier. » Or, où en est-on aujourd’hui ? Si le budget général de la mission est en légère baisse, la dotation en faveur de notre politique d’asile augmente de 0,5 % en 2014, le Gouvernement affichant deux priorités en la matière : la réduction des délais d’instruction des demandes d’asile et une rénovation du dispositif d’accueil des demandeurs privilégiant l’hébergement pérenne, aujourd’hui saturé. Ces objectifs se traduisent concrètement par une augmentation des moyens budgétaires de l’OFPRA et par l’affectation d’agents supplémentaires à cet établissement. Ils se matérialisent aussi par la création de 2 000 places supplémentaires dans les centres d’accueil des demandeurs d’asile. Si de telles mesures sont temporairement satisfaisantes, elles demeurent cependant insuffisantes à long terme. Mes recherches m’ont d’ailleurs permis de constater qu’une véritable réforme était menée en amont des prochains changements annoncés : un contrat d’objectifs et de performance a ainsi été signé avec l’OFPRA, énonçant les principes d’un renforcement de la protection et du droit d’asile, d’une réduction des délais d’examen des demandes d’asile, d’un traitement adapté de ces dossiers, et d’une réorganisation des conditions de travail des agents qui, s’ils voyaient leurs emplois stabilisés, pourraient travailler plus efficacement.
Monsieur le ministre, vous avez, parallèlement à la conclusion de ce contrat, confié à deux parlementaires, le député Jean-Louis Touraine et la sénatrice Valérie Létard, le soin de mener une concertation nationale sur la réforme du droit d’asile, en vue de transposer en droit français des normes adoptées par l’Union européenne en juin dernier : quels en sont les premiers résultats ? Dans quelle direction le Gouvernement s’oriente-t-il en la matière ? Vous savez la majorité de gauche attachée à une politique de l’asile qui conserve son caractère spécifique. Le président de la Commission des lois a d’ailleurs exprimé le souhait de ne pas voir traités dans une même loi l’asile et l’immigration.
Le besoin d’asile s’explique tant par les conflits internationaux à nos portes que par l’instrumentalisation du viol comme arme de guerre contre les femmes dans certains conflits ou encore par la nécessité de protéger les petites filles contre des coutumes barbares. Or, si la France est le deuxième pays d’accueil des demandeurs d’asile en Europe, elle n’est qu’en vingt-et-unième place pour l’octroi du statut de réfugié. Ces chiffres relativisent donc les procès en laxisme qui nous sont intentés mais notre pays se grandit en prenant sa part à l’accueil des souffrances humaines. C’est pourquoi, dans cette période budgétaire contrainte, le budget consacré à l’asile me paraît satisfaisant.
M. Guillaume Larrivé. Monsieur le ministre, nous nous accordons pour sortir des jeux de rôle artificiels, car dans le dialogue entre le ministre de l’intérieur que vous êtes et les députés d’opposition que nous sommes, il n’y a pas, d’un côté, un laxiste gauchiste et, de l’autre, des crypto-fascistes. Contrairement à ce que semblent penser votre collègue Cécile Duflot et une partie des députés censés appartenir à la majorité, vous êtes républicain, tout comme nous qui respectons l’État dans ses missions régaliennes et savons que l’ordre est la condition de la liberté. Nous sommes donc convaincus que la France doit réguler l’immigration de manière raisonnable et responsable, dans le respect des personnes.
C’est pourquoi notre désaccord ne porte pas sur les finalités de la politique d’immigration que vous cherchez à mener, mais sur la réalité de cette politique éclatée entre différents ministères – sans cap présidentiel clair.
J’évoquerai à cet égard trois sujets de préoccupation immédiate, qui sont autant de signaux d’alerte.
Tout d’abord, la lutte contre l’immigration irrégulière est entravée par des initiatives contradictoires. Lorsque les préfets, les policiers et les gendarmes reconduisent dans leur pays les personnes venues en France sans nous en demander l’autorisation, ils ne font rien que leur travail, qui consiste à faire appliquer la loi. Je regrette très vivement que de tels efforts ne soient pas soutenus par l’ensemble des autorités de la République. Lorsque le Premier ministre – dans l’hémicycle – puis le Président de la République – devant la France entière – expliquent que, dans l’affaire bien connue de tous, les policiers ont manqué de « discernement » en renvoyant au Kosovo des clandestins ayant fait l’objet de trois décisions de justice ordonnant leur reconduite à la frontière, policiers et gendarmes se sentent désavoués au sommet de l’État. On entend dire en ce moment même dans notre pays que la haute hiérarchie préfectorale n’est pas toujours particulièrement motivée pour lutter contre l’immigration irrégulière, tant elle craint d’être désavouée par l’Élysée. On murmure également que le préfet de police a déjà donné instruction orale aux préfets de l’agglomération parisienne de ne plus éloigner de parents de lycéens ou de collégiens. Si tel était le cas – mais sans doute le démentirez-vous –, cela constituerait un renoncement à lutter contre l’immigration clandestine, puisqu'il suffira de scolariser un mineur pour avoir le droit au séjour en France.
Ensuite, l’immigration régulière n’est pas suffisamment régulée. Il est clair qu’en ce domaine, vous avez cherché à envoyer des signaux symboliques à une partie de la majorité, tant sur la question des étudiants étrangers qu’en évoquant la possibilité d’instaurer un titre pluriannuel de séjour. Mais le véritable enjeu est ailleurs : qu’en est-il de la gestion des quelque 2,2 millions de visas – dont 1,9 million de visas de court séjour – et des 200 000 cartes de séjour qui sont délivrés chaque année ? Le Gouvernement souhaite-t-il faire augmenter ou diminuer ces chiffres ? Dans quelles proportions ? Pour quels pays ? Pour quelles voies d’immigration ? Pour que ces visas soient délivrés de manière intelligente, encore conviendrait-il d’entamer un véritable dialogue avec les pays d’origine des demandeurs et négocier avec ces États des traités subordonnant l’aide au développement qui leur est accordée aux efforts de régulation de l’immigration qu’ils fournissent. Cela paraît cependant difficile lorsque notre ministre du développement s’appelle Pascal Canfin et qu’il appartient à un parti écologiste hostile à toute politique de régulation de l’immigration. La cohérence en ce domaine ne nous saute donc guère aux yeux.
Troisième difficulté : il n’existe toujours aucune politique européenne d’immigration. Si un pacte a certes été négocié puis signé par les vingt-sept États membres de l’Union européenne il y a cinq ans, encore faudrait-il passer du pacte aux actes et l’on se croirait d’ailleurs parfois revenu au temps de la Société des nations car l’immigration en provenance des pays tiers n’est guère traitée à l’échelon européen. En outre, le budget de Frontex a diminué puisqu’il s’élevait à 115 millions d’euros en 2011 et qu’il n’est plus que de 85 millions en 2013. Il est également urgent de définir un véritable régime d’asile commun aux États membres, au-delà des directives procédurales et bureaucratiques, afin d’éviter que la France ne soit une destination privilégiée pour les demandeurs. Ce régime d’asile très intégré serait fondé sur une liste de pays d’origine sûrs commune aux cinq ou six pays qui concentrent 80 % des demandes d’asile. Il est vrai, monsieur le ministre, que vous essayez de faire progresser ce dossier dans le cadre du conseil Justice et Affaires intérieures, mais sans doute le sujet doit-il être pris en main directement par les chefs d’État si l’on veut sortir du type de conclusions vaporeuses auquel a abouti le dernier Conseil européen, qui s’est contenté de remettre le traitement de la question à une prochaine réunion. Enfin, il conviendra aussi d’aborder sans tabou la question de l’immigration interne à l’Union européenne. Quel contrôle celle-ci exerce-t-elle aujourd’hui sur l’utilisation, par la Roumanie et la Bulgarie, des 17 milliards d’euros de fonds communautaires versés pour favoriser l’insertion des Roms dans les pays dont ils ont la nationalité ? Quel bilan faites-vous de l’application de la directive sur le détachement des travailleurs ? On recense aujourd’hui 140 000 travailleurs européens détachés en France, dont 70 000 dans le secteur du bâtiment, pour un coût du travail inférieur de 30 % à celui des ouvriers français !
Faute de traiter ces urgences, la politique d’immigration est condamnée à l’échec. C’est pourquoi le groupe UMP votera contre un budget qui n’en est que le reflet.
M. Arnaud Richard. Avec près de 665 millions d’euros de crédits demandés en 2014, le budget consacré à l’immigration baisse de 1 % en autorisations d’engagement et en crédits de paiement par rapport à l’année précédente – preuve que l’on est loin des bonnes intentions affichées par le Gouvernement en début de mandat et que l’immigration n’est pas pour lui une priorité. Certes, on relève l’effort fourni en matière d’asile. Vous avez d’ailleurs eu des propos très forts à ce sujet, monsieur le ministre, affirmant qu’il ne s’agissait d’une politique ni de droite ni de gauche mais bien d’une politique républicaine. Les chiffres étant ce qu’ils sont, vous avez eu le louable courage de reconnaître que le système était à bout de souffle et qu’une large concertation était nécessaire dans le champ du droit d’asile. Sauf qu’il s’agit aujourd’hui d’un champ de ruines ! Nous partageons tous ce point de vue et si vous êtes assez mal à l’aise sur ce sujet, vous n’en êtes pas moins extrêmement courageux lorsque vous affirmez la nécessité d’établir un diagnostic et de définir des pistes de réforme. Espérons que le rapport dont vous avez chargé nos collègues parlementaires aura d’heureux résultats car la permissivité de notre système est flagrante et l’engorgement de nos centres d’hébergement d’urgence atteint un niveau dramatique, non seulement en Île-de-France mais aussi dans toutes les capitales régionales.
Si le groupe UDI déplorait l’an dernier, à propos de cette mission, une forme de non-choix politique, il considère qu’un véritable effort est fourni cette année. Cela étant, nous n’en attendions pas moins compte tenu de l’actualité. Certes, vous semblez mieux assumer vos choix en la matière, mais vous les avez opérés au détriment de la lutte contre l’immigration irrégulière et de la politique d’intégration alors qu’elles constituent des composantes indissociables de notre politique migratoire.
Nous attendons à présent les conclusions du rapport de nos collègues parlementaires en mission. Pour m’en être entretenu avec Valérie Létard, je sais qu’ils auront des scénarios courageux à nous proposer et j’espère que vous saurez les suivre. Compte tenu de la situation actuelle, je doute toutefois de votre capacité à réduire à neuf mois les délais de traitement des dossiers par l’OFPRA et par la CNDA. Mais j’estime encore une fois que vous menez une politique courageuse, même si toute la majorité ne la perçoit pas nécessairement ainsi.
M. Sergio Coronado. Lors de l’examen du budget de l’immigration l’an dernier, plusieurs d’entre nous avaient salué votre volonté d’extraire ce thème du débat politicien et d’un contexte passionnel. Or, aujourd’hui, entendant notre collègue Larrivé et gardant en mémoire certaines déclarations publiques, je m’aperçois qu’à l’approche des échéances électorales, ce vœu risque de s’évaporer, à mon grand regret.
Adopter un budget, c’est aussi valider une orientation politique. Or nous avons des désaccords à exprimer à cet égard. Bien que je n’aie pour ma part jamais remis en cause votre attachement à la République, permettez que ce même attachement ouvre à d’autres le droit à la critique.
J’avais déposé l’an dernier un amendement visant à réduire les montants investis dans les centres de rétention administrative (CRA), amendement qui avait suscité l’intérêt du rapporteur et de l’ancien ministre du budget, Jérôme Cahuzac. Or, rien n’a été fait depuis pour fermer les centres non utilisés, alors même que le taux d’occupation de ces lieux n’est que de 50 %. Seriez-vous opposé par principe à la fermeture à ceux de ces centres qui sont sous-utilisés ?
Je reviendrai ensuite sur une situation qui a provoqué une mobilisation importante de la part des personnels de justice et des associations. L’annexe du tribunal de grande instance de Meaux, située sur le site du CRA du Mesnil-Amelot, a été inaugurée le lundi 14 octobre. D’après plusieurs associations et figures du monde judiciaire, la création de ces villages – qui ont eux aussi un coût – contrevient aux principes d’impartialité et d’indépendance des juges, de respect des droits de la défense, de publicité des débats et de dignité des personnes. Qu’en pensez-vous, sachant que la ministre de la justice a demandé la création d’une mission d’évaluation de ces villages ?
Maintes fois repoussé, l’appel d’offres pour les associations impliquées dans les CRA a été publié le 23 octobre dernier : il entérine la poursuite de la politique menée antérieurement puisque vingt-quatre des vingt-cinq centres de rétention resteront ouverts tout en conservant leur taille actuelle. La prévision du nombre de personnes qui y seront enfermées se fonde sur les chiffres les plus élevés enregistrés au cours des années précédentes – ceux des années 2011-2012. On peut donc supposer que vous nous confirmerez le choix de ne faire diminuer ni le nombre des enfermements ni celui des expulsions.
En ce qui concerne le droit d’asile, nous nous accordons pour juger que notre système est à bout de souffle. L’augmentation de dix unités de l’effectif des officiers de protection pour faire face à l’augmentation des demandes d’asile est une bonne chose. Notre collègue Ciotti l’a d’ailleurs reconnu, même s’il a rappelé que l’ancienne majorité avait accompli un effort supérieur en la matière. Mais quelle est la position de votre ministère à l’égard des demandeurs d’asile syriens ? Plusieurs journalistes se sont en effet étonnés dans des articles de presse qu’un nombre aussi faible d’entre eux obtiennent le statut de réfugiés.
Je rappellerai également que la gauche européenne a mené un combat très déterminé en faveur de l’exclusion du Kosovo de la liste des pays sûrs et a ardemment soutenu Thomas Hammarberg, le commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe, qui avait plaidé en ce sens. Je me réjouis donc de la décision du Conseil d’État à cet égard.
Je me réjouis également de votre détermination à construire 2 000 places supplémentaires en centre d’accueil des demandeurs d’asile. C’est en effet nécessaire, compte tenu de l’augmentation du nombre de demandes, mais n’est-ce pas contradictoire avec la décision de diminuer les crédits destinés à financer l’allocation temporaire d’attente et l’hébergement d’urgence ?
Enfin, la présidence de l’Assemblée nationale ayant pris l’excellente initiative de créer une mission d’information sur les migrants âgés – dont les conclusions, rendues en juin dernier, ont été adoptées à l’unanimité de ses membres –, quelles mesures avez-vous déjà prises sur ce thème et quel sera votre plan d’action pour soutenir les quatre priorités définies par la mission ?
M. Marc Dolez. J’insiste à mon tour sur la nécessité de réformer en profondeur la procédure de traitement des demandes d’asile et le dispositif d’accueil des demandeurs, notamment dans l’esprit du rapport rendu en février dernier par la Coordination française pour le droit d’asile, qui regroupe une vingtaine d’associations. Et je salue le lancement en juillet dernier du processus de concertation que vous venez d’évoquer, monsieur le ministre.
Si la longueur des délais de traitement des demandes d’asile tient au manque de moyens et de personnel de l’OFPRA – ainsi que vous l’avez d’ailleurs souligné –, il convient à mon sens de tenir compte des spécificités propres à ce contentieux et faire en sorte que le raccourcissement de ces délais ne s’opère pas au détriment de la qualité de l’instruction. Je rappellerai d’ailleurs à ce propos que le demandeur ne peut toujours pas se faire assister d’un avocat dans ce cadre.
La Cour nationale du droit d’asile est, elle, une juridiction, mais qui n’intervient qu’en appel ; si ses délais d’instruction peuvent peut-être être réduits, ce n’est que dans une faible mesure, en raison des contraintes propres à la procédure administrative, mais surtout de la nécessité absolue de garantir les droits de la défense.
Les décisions prises par l’Union européenne après le drame de Lampedusa ne sont pas satisfaisantes. De nombreux dysfonctionnements majeurs demeurent sans réponse, comme la surcharge supportée par les pays méditerranéens situés en première ligne, et qui doivent traiter les dossiers en vertu du règlement de Dublin II selon lequel cette responsabilité incombe au pays d’arrivée. La Cour de justice de l’Union européenne est appelée à se prononcer sur ce règlement, tant ses dispositions sont insuffisantes à garantir le respect par les États membres des droits fondamentaux énoncés par la charte et applicables aux ressortissants d’États tiers. Ne considérez-vous pas qu’une refonte de ce texte serait bien utile ?
En ce qui concerne la politique migratoire, pouvez-vous faire le point sur l’application de la circulaire du 6 juillet 2012, qui interdit l’enfermement des enfants en centre de rétention ?
N’y a-t-il pas contradiction entre les circulaires du 11 février 2013 et du 11 mars 2013, relatives, respectivement, à la lutte contre le travail illégal et à la lutte contre l’immigration irrégulière, et celle du 28 novembre 2012 ? Autrement dit, les deux premières ne risquent-elles pas de dissuader les employeurs de personnes sans papiers d’engager une procédure en vue de régulariser la situation de ces salariés ? Jusqu’à présent, les employeurs qui entreprenaient de telles démarches n’étaient pas poursuivis. Pouvez-vous nous garantir que ce sera toujours le cas ?
Concernant l’intégration et l’accès à la nationalité française, les assouplissements auxquels la circulaire du 16 octobre 2012 a procédé sont en réalité minimes. En outre, elle ne dit rien sur un motif fréquemment utilisé à l’appui des décisions d’ajournement : le fait d’avoir hébergé des proches, voire son conjoint, en situation irrégulière, parfois des années auparavant. Ne serait-il pas opportun d’exclure explicitement un tel motif ?
Enfin, vous avez beaucoup insisté sur la nécessité pour les migrants de maîtriser la langue française, mais c’est lorsqu’ils ont l’assurance d’un droit au séjour stable qu’ils peuvent apprendre notre langue et s’intégrer. N’y a-t-il pas là contradiction ?
M. le président Gilles Carrez. Ceux de nos collègues qui souhaitent interroger le ministre à titre personnel peuvent maintenant le faire, en se limitant à deux minutes.
Mme Cécile Untermaier. La France, terre des droits de l’homme, est très attachée à la défense du droit d’asile. Notre pays s’est toujours efforcé d’accueillir les personnes dont la situation l’exigeait et, pour cette raison, a toujours refusé de prévoir des causes d’irrecevabilité, sauf lorsque le cas relève de la compétence d’un autre État membre. Or l’article 33-2 de la directive du Parlement et du Conseil européens du 26 juin 2013, destinée à instaurer des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale, prévoit de telles causes d’irrecevabilité, légèrement révisées par rapport à celles retenues auparavant. Sont maintenus en particulier les motifs suivants : protection accordée par un autre État membre ; premier pays d’asile ; pays tiers sûr ; demande distincte déposée sans justification par une personne à charge. La transposition par notre pays de cette directive aura-t-elle pour conséquence l’institution de nouvelles procédures d’irrecevabilité ?
La circulaire du 16 octobre 2012, complétée par celle du 21 juin 2013, a modifié les conditions de naturalisation. Pouvez-vous nous en dire plus sur le livret qu’elle prévoit ? Comment fonctionnent les nouveaux pôles de compétence que vous avez institués sous la forme de trois plateformes régionales d’instruction ? Quelles sont les perspectives d’évolution sur le sujet ?
M. Michel Terrot. Mon expérience permettra d’illustrer le propos de M. Ciotti : alors que la commune de 26 000 habitants dont je suis l’élu, située dans l’agglomération lyonnaise, accueille déjà 220 demandeurs d’asile, le préfet lui demande d’en héberger 300 autres, d’origine kosovare et albanaise. Or la Grande-Bretagne, la Belgique, la Suisse – pour ne citer que ces trois pays – considèrent l’Albanie et le Kosovo comme des pays sûrs. Je suis donc très surpris de voir la France soutenir le contraire depuis un arrêt du Conseil d’État de mars 2012 – soit il y a plus de dix-neuf mois. Pourtant, sur le site du ministère des affaires étrangères, je ne trouve aucune information de nature à mettre en doute le caractère sûr de ces pays. Le Conseil d’État n’étant pas la Bible, que faut-il faire pour amener l’OFPRA à réexaminer sa position ?
Mme Sandrine Mazetier. Je regrette que la mission, telle qu’elle est présentée dans le cadre de la loi organique relative aux lois de finances, ne nous permette pas d’examiner les crédits du titre 2, c’est-à-dire les dépenses de personnel. Tout se passe comme si cette politique était désincarnée. Pourtant, derrière les programmes et les actions se trouvent des hommes et des femmes : agents de la police de l’air et des frontières, fonctionnaires des services préfectoraux, préfets – certains, il est vrai, plus inspirés que d’autres. J’invite donc mes collègues, en particulier ceux de l’opposition, à consulter le document de politique transversale qui retrace l’ensemble des 19 programmes et des 13 missions qui concourent à la politique française de l’immigration et de l’intégration, dont vous êtes, monsieur le ministre, le chef de file.
En revanche, les indicateurs de la mission « Immigration, asile et intégration », qui ont profondément évolué, appellent des félicitations, tant ils marquent une rupture avec la politique du chiffre et avec les pratiques d’affichage de vos prédécesseurs.
De même, je vous félicite pour l’approche pacifiée que vous avez proposée sur ces questions en organisant, à froid et en dehors de tout texte de loi, un débat sur l’immigration de travail et sur l’immigration étudiante. Ce débat s’appuyait sur un rapport très complet auquel les partenaires sociaux et des universitaires avaient pu contribuer.
Afin de prolonger cette démarche, et pour faire échapper ces questions à toute polémique ou instrumentalisation, ne serait-il pas utile de créer, sur l’immigration, un observatoire statistique indépendant de votre ministère, sur le modèle de l’Observatoire national de la délinquance et de la réponse pénale ?
M. Philippe Cochet. Monsieur le ministre, il y a les déclarations et il y a la vraie vie. Vous, vous êtes confronté à la vraie vie. J’aimerais avoir quelques précisions sur un sujet qui préoccupe nos concitoyens.
Tout d’abord, quel est le coût réel, chaque nuit, de l’hébergement d’urgence ? Cette information est en effet très difficile à obtenir.
Ensuite, quelle est la situation budgétaire des préfectures s’agissant de la gestion de ce même hébergement d’urgence ? Il semblerait que certaines aient d’ores et déjà consommé leurs crédits. De ce fait, la construction de bidonvilles – qu’il sera long de faire évacuer – les arrange bien.
En dépit de certaines représentations caricaturales, l’accueil des demandeurs d’asile est de bonne qualité. C’était déjà vrai avant votre nomination et cela le reste aujourd’hui. Pour avoir visité plusieurs pays confrontés à des demandes comparables, je peux affirmer que la France traite correctement les demandeurs. On ne le dit pas assez souvent.
Cela étant, j’attends des réponses précises à mes questions tant le sujet suscite l’exaspération de nos concitoyens.
Mme Françoise Descamps-Crosnier. Je me réjouis de constater la sincérité du budget de la mission, en rupture avec la pratique précédente de sous-budgétisation des actions en faveur du droit d’asile et avec la politique d’affichage auparavant appliquée en matière de reconduite à la frontière.
L’action n° 3 du programme « Immigration et asile », consacrée à la lutte contre l’immigration illégale, intègre de manière opérationnelle le fonctionnement des centres de rétention administrative, les frais d’éloignement des migrants en situation irrégulière, la construction et l’entretien des centres de rétention, la prise en charge sanitaire dans ces centres, l’accompagnement social, etc. Elle est au centre de changements importants, entre la réorientation dès l’année dernière des priorités vers la lutte contre les filières d’immigration irrégulière – réorientation qui produit des résultats, comme l’atteste l’indicateur 3.2 – et l’ouverture cette année d’une réflexion sur la rétention et sur ses alternatives. Pouvez-vous détailler les perspectives d’évolution de cette action au sein de la mission budgétaire ?
Le système de délivrance des visas dans les consulats repose sur une application informatique ancienne qui, de l’avis général, obère nos capacités de délivrance des visas, notamment dans les pays émergents. Par conséquent, de nombreux demandeurs préféreraient solliciter un visa dans un consulat d’un autre État de la zone Schengen. Ce sont l’attractivité et l’image de la France qui sont en jeu. Est-il envisagé à brève échéance une refonte de cette application ?
Depuis l’arrivée de la gauche aux responsabilités, la politique de naturalisation a été réorientée pour que l’acquisition de la nationalité redevienne l’aboutissement d’un parcours d’intégration réussi. Entre 2011 et 2012, une baisse de 30 % des naturalisations a été constatée. Le Gouvernement a réagi très vite en donnant aux préfets de nouvelles consignes quant à l’interprétation de la loi. Quels en sont les résultats ?
M. Bernard Gérard. Lorsqu’un pays de l’Union ne respecte pas la réglementation européenne, il peut être conduit à verser des pénalités. Or plusieurs pays d’Europe qui reçoivent 17 milliards d’euros pour s’occuper de leurs ressortissants ne font rien ou quasiment rien de cette somme. Comment se fait-il, par exemple, que le non-respect par la Roumanie de ses obligations n’entraîne aucune conséquence ?
Le 5 décembre dernier, nous avons reçu M. Pascal Brice, directeur général de l’OFPRA, qui a expliqué ce qu’il comptait faire pour réduire à neuf mois la durée moyenne d’instruction des dossiers, ce qui entraînerait d’évidentes conséquences budgétaires. Depuis, nous n’avons observé aucune évolution. Or des directives européennes vont bientôt entrer en application, que nous allons devoir transcrire en droit français. La marche à franchir ne risque-t-elle pas d’être beaucoup plus haute ? Je suis très attaché aux libertés publiques et je pense que cette évolution représente un progrès, mais elle est aussi une source de difficultés supplémentaires. Va-t-elle également entraîner un allongement des délais ?
Enfin, nous n’avons pas une idée claire de ce que coûte la politique du droit d’asile en France, entre les CADA, les CHRS, les chambres d’hôtel, les dépenses assumées par les conseils généraux… Pouvez-vous nous donner un chiffre précis ?
M. Erwann Binet. Monsieur le ministre, dans votre analyse de la question de l’accès au droit d’asile, vous avez fortement lié les difficultés relatives aux procédures et à leur longueur et celles qui tiennent à l’hébergement des demandeurs et des déboutés. Depuis la régionalisation de la demande d’asile, décidée en 2009, les difficultés d’hébergement ne sont plus seulement quantitatives – dues à l’insuffisance du nombre de places –, ni qualitatives – liées à la répartition de ces places entre les CADA et l’hébergement d’urgence –, mais aussi d’ordre géographique. Mon département, l’Isère, est un pôle d’accueil régional. Or, comme l’État voit ses dispositifs saturés, le conseil général a dû se substituer à lui, ce qui pose de réels problèmes, non seulement en raison des difficultés budgétaires que connaissent aujourd’hui les conseils généraux, mais aussi parce qu’il en résulte une inégalité, au sein d’une même région, entre les départements dont la préfecture accueille des demandeurs d’asile et les autres.
Dans le budget pour 2014, les crédits pour l’hébergement augmentent globalement, avec un rééquilibrage au bénéfice des CADA. Vous nous avez part de vos réflexions sur cette question en insistant sur la nécessité de mieux répartir l’accueil des demandeurs d’asile sur le territoire national. À très court terme, comment allez-vous prendre en compte ce déséquilibre géographique dans la distribution des moyens supplémentaires prévus ?
M. Didier Quentin. Vous avez convenu vous-même que les délais d’instruction des demandes d’asile tendent à s’allonger, ce qui pèse sur l’ensemble du système. Notre dispositif n’octroie l’asile qu’à une faible part des demandeurs, créant ainsi, après une instruction d’une durée moyenne de vingt mois, les conditions d’une immigration illégale, dans la mesure où la majorité des demandeurs, après refus de leur dossier, demeurent sur le territoire national. De plus, les demandes sont concentrées sur certains territoires, l’Île-de-France en recueillant 45 %.
Vous venez de confirmer votre volonté de réformer notre droit d’asile à partir des recommandations de Mme Létard et de M. Touraine, avec l’objectif d’apporter des garanties nouvelles aux demandeurs d’asile, de renforcer l’efficacité des procédures, l’accès au système d’accueil et d’hébergement sur le territoire et l’insertion des bénéficiaires d’une protection internationale. Mais comment allez-vous éviter de créer de nouveaux immigrés illégaux, compte tenu de la durée d’instruction des demandes ?
S’agissant des régularisations, combien ont été faites sur le fondement de la circulaire de novembre 2012 ? Combien d’éloignements ont été opérés en 2013 ? Le « bleu » budgétaire est muet sur ce point, ce dont on peut s’étonner.
M. Lionel Tardy. La régionalisation des demandes d’asile pose problème dans certains cas. En Bourgogne par exemple, elle a été annulée. L’impact de cette réforme est-il significatif en termes budgétaires ?
Concernant les frais d’éloignement, vous expliquiez l’année dernière que la baisse de 1 million d’euros était due au fait que les éloignements étaient effectués vers des pays proches. Qu’est-ce qui explique la nouvelle baisse des crédits observée cette année, plus importante encore puisqu’elle atteint 3 millions d’euros ?
M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Je remarque que chacun des groupes a confirmé la volonté de rechercher le consensus sur cette question, même si le premier acte posé par l’opposition consiste à voter, par principe, contre ce budget en liant les questions budgétaires à des problématiques politiques plus générales – mais c’est un droit que je ne lui conteste pas ; nous en avons fait autant dans le passé.
Je laisserai de côté la question de l’asile, car je souhaite, dans ce domaine, attendre que la concertation parvienne à son terme.
Monsieur Larrivé, en ce qui concerne les parents d’enfants scolarisés et les jeunes majeurs, ce gouvernement a défini des critères de régularisation pérennes et simples – même si leur application ne l’est pas toujours –, fondés sur une durée minimale de présence sur le territoire et de scolarisation des enfants. Pour une famille, ces durées sont respectivement de cinq et trois ans ; en outre, pour la première fois, la régularisation est possible lorsque les deux parents sont en situation irrégulière, ce que la circulaire signée en 1997 par Jean-Pierre Chevènement n’avait pas autorisé. Un jeune majeur doit, lui, justifier de deux ans de présence sur le territoire lorsqu’il atteint dix-huit ans, ainsi qu’une scolarité assidue. La situation au regard du séjour des parents est également prise en compte.
Enfin, ces critères insistent sur l’importance de l’intégration et de l’absence de troubles à l’ordre public. Et si la seule scolarisation ne peut constituer un motif suffisant de régularisation, ce gouvernement, très attentif à ces questions, en a fait un élément devant être pris en compte.
Il ne peut y avoir de politique en la matière que fondée sur des critères objectifs. Dans le cas contraire, la décision dépend des préfectures ou des familles concernées, et la politique s’adapte en fonction des circonstances. À moins de ne régulariser personne – ou au contraire de régulariser tout le monde –, il faut se doter de critères clairs de régularisation. C’était d’ailleurs un engagement du Président de la République pendant la campagne.
Les préfets appliquent toutes ces règles. Toute politique est mise en œuvre par le ministre concerné ; dès lors que l’application des règles ne donne lieu à aucune faute, les préfets méritent tout le respect. Je leur rends d’ailleurs hommage, ainsi qu’aux forces de l’ordre, policiers et gendarmes qui, en matière d’immigration illégale, assument des missions extrêmement difficiles. Nous disposons d’un corps préfectoral de très grande qualité et le mettre en cause ne pourrait conduire qu’à son délitement, au détriment de la continuité républicaine. J’invite donc à ne pas réclamer la démission de tel ou tel préfet sans raison valable.
J’en viens à la question des flux migratoires après la disparition du programme 301 sur le développement solidaire. Entre 2007 et 2008, la France a conclu une quinzaine d’accords. Depuis 2013, le transfert des crédits du programme 301 au ministère des affaires étrangères a conduit à modifier l’équilibre de gestion des accords existants et à écarter le volet « développement solidaire » du champ des accords à venir. La stratégie du Gouvernement en la matière consiste à évaluer les effets des accords signés et à s’inscrire plus résolument dans la stratégie européenne des partenariats pour la mobilité, dont l’économie est inspirée de celle des accords de gestion concernés. C’est M. Canfin qui conduit cette politique.
Une mission conjointe des ministères de l’intérieur et des affaires étrangères vient d’être lancée en vue de procéder à l’évaluation de ces accords et, plus généralement, de faire des propositions sur la place des questions migratoires dans la politique extérieure de la France.
M. Larrivé m’a également interrogé sur le bilan de la directive relative au détachement des travailleurs – qui, d’ailleurs, ne relève pas directement de ma compétence. Cette directive est une conséquence de la liberté de circulation en Europe, dont les Français bénéficient également. Le problème est son détournement par des entreprises qui organisent le dumping grâce à de faux détachements. Michel Sapin est particulièrement mobilisé contre cette forme de fraude. La lutte a été renforcée et continuera à l’être.
À l’intention de M. Richard, j’indique que la lutte contre l’immigration irrégulière a été marquée en 2013 par trois tendances. La première est la hausse sensible du nombre de filières démantelées : pour la première fois depuis que cet indicateur existe, il atteint un chiffre record de 200, contre 184 en 2012, qui était déjà une très bonne année. Cela étant, des progrès restent à accomplir dans ce domaine, car d’autres filières poursuivent leurs activités.
La deuxième tendance est à la stabilité du nombre des éloignements contraints, qui sera approximativement de 21 000 en 2013, comme en 2012 et en 2011. La dynamique est plus forte qu’en 2009 et en 2012, puisque ce nombre était alors de 17 000. Chacun doit en être conscient. L’un d’entre vous l’a dit : il y a les paroles, et il y a les actes. Voilà les actes. La vraie vie, pour reprendre l’expression de M. Cochet, je la connais, pour avoir été maire pendant onze ans d’une ville ouverte au monde, qui a bénéficié de la force que peut apporter l’immigration mais sait aussi quels problèmes elle peut poser.
Les chiffres que je vous donne rappellent la difficulté, quand on gouverne, de mener des politiques de régularisation et d’éloignement du territoire, et l’écart entre les grands discours et la réalité. C’est pourquoi j’invite l’opposition à mesurer ses critiques. Ce sont des politiques difficiles, mais il faut les mener, avec nos valeurs, avec nos lois, après des débats tels que celui organisé sur l’immigration liée au travail. Cette dernière représente une part très faible de l’immigration, à côté de l’accueil des étudiants étrangers – ils sont 60 000 –, de l’immigration liée à la famille et de l’asile.
La troisième tendance est la diminution du nombre de retours aidés. On comptait 15 000 départs volontaires en 2012 ; nous n’en attendons guère plus de 7 000 pour 2013. Cette diminution de 50 % est quasi exclusivement imputable à la baisse des retours aidés des ressortissants roumains et bulgares. Je revendique cette évolution : les aides au retour trop généreuses accordées aux ressortissants communautaires étaient à l’origine d’installations massives et incontrôlées de populations attirées par un avantage que la France était le seul pays d’Europe à offrir.
Le Gouvernement lutte contre l’immigration irrégulière et il veille à limiter les effets d’aubaine liés à certaines aides. Cette politique claire produit des résultats.
Plusieurs d’entre vous m’ont interrogé sur la baisse des crédits destinés à la lutte contre l’immigration illégale. Entre 2007 et 2012, le précédent gouvernement pratiquait l’affichage budgétaire pour montrer sa détermination, mais les dépenses exécutées étaient systématiquement très éloignées des prévisions. En moyenne, sur la période de 2009 à 2012, seulement 75 % des crédits inscrits en loi de finances initiale ont été consommés dans le périmètre qui nous intéresse. Quant aux crédits de billetterie, ils n’ont été consommés qu’à hauteur de 77 %.
En 2013, en inscrivant 76 millions d’euros en loi de finances initiale, nous avons en conséquence veillé à ajuster la budgétisation à la réalité de la dépense. En 2014, nous proposons d’inscrire 73 millions d’euros. L’ajustement entre 2013 et 2014 s’explique par la passation de nouveaux marchés plus globaux pour le fonctionnement hôtelier des CRA, qui se traduit par une baisse de 0,8 million d’euros des crédits nécessaires; par un recul de 2,7 millions en billetterie – le total des crédits de 21,6 millions correspond au niveau moyen constaté entre 2011 et 2013 –, par la progression de l’investissement immobilier en raison de la construction du centre de rétention de Mayotte et par l’augmentation des dépenses d’action sociale et sanitaire en CRA.
En matière de rétention, madame Françoise Descamps-Crosnier, monsieur Sergio Coronado, le Gouvernement entend garantir que la privation de liberté, parfois inévitable pour assurer l’éloignement, soit la plus brève possible et se déroule dans le respect des droits de la personne étrangère et dans les meilleures conditions. Il souhaite également limiter les déplacements avec escorte qui mobilisent les forces de l’ordre pour des opérations à faible valeur ajoutée en termes de lutte contre l’immigration irrégulière. La fermeture d’un grand nombre de centres de rétention n’est pas souhaitable car elle entraînerait une hausse de la promiscuité. Depuis septembre, le taux d’occupation des CRA est globalement de l’ordre de 60 % – il est plus élevé pour les hommes seuls, atteignant dans ce cas 75 %, que pour les femmes isolées ou les familles. Depuis la circulaire du 6 juillet 2012, les familles ne sont qu’extrêmement rarement placées en détention, j’y reviendrai.
D’autre part, le Gouvernement entend faciliter l’accès des migrants aux droits et à des « temps d’occupation ». Un texte relatif à la simplification de l’accès des associations aux CRA sera publié avant la fin de l’année, et l’accès des journalistes accompagnant des parlementaires sera également facilité. Le marché public pour l’accès des personnes retenues à une procédure d’assistance juridique est en cours de passation pour une période de trois ans. Une concertation avec l’ensemble des associations spécialisées a conclu à la nécessité de développer des activités pour rompre l’isolement des intéressés ; des projets sont à l’étude et une première expérimentation doit avoir lieu avec le GÉNÉPI, le groupement étudiant national d’enseignement aux personnes incarcérées.
Monsieur Coronado, la baisse des crédits destinés à l’allocation temporaire d’attente s’explique par la suppression des versements indus, à la suite de la mission conjointe menée par les inspections générales des finances, des affaires sociales et de l’administration. La baisse des crédits d’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile (HUDA) est due à la création de 4 000 places de CADA en 2013 et 2014, qui devrait avoir pour conséquence une moindre sollicitation de ces dispositifs.
En 2012, la France a reçu sept cents demandes d’asile de la part de ressortissants syriens : en 2013, elle en a reçu le double. Le taux d’attribution de la protection accordée par l’OFPRA s’élève à 85 %. À l’instar d’autres dirigeants européens, le Président de la République a annoncé la volonté de la France d’accueillir, en 2013-2014, cinq cents personnes supplémentaires en provenance des camps de réfugiés gérés par le HCR. Depuis deux ans, la France a accueilli 3 700 Syriens. Elle assume ses responsabilités tout en privilégiant l’accueil par les pays qui se trouvent à proximité de la zone concernée.
Dès la publication du rapport d’information parlementaire consacré aux immigrés âgés, j’ai mis en œuvre une réforme qui va au-delà des préconisations de la mission d’information. Tout immigré âgé de plus de soixante ans qui sollicite le renouvellement de sa carte de résidence doit se voir remettre une carte de résident valable sans limitation de durée – sauf évidemment en cas de problèmes spécifiques liés au demandeur.
Monsieur Dolez, la préservation et l’amélioration de la qualité des procédures mises en œuvre par l’OFPRA et par la CNDA constituent des objectifs essentiels. La concertation en cours sur l’asile s’est pleinement saisie de la question et je souhaite que la future loi apporte des garanties supplémentaires en la matière, particulièrement au bénéfice des personnes vulnérables.
Les employeurs d’étrangers en situation irrégulière qui s’engagent pour la régularisation d’un travailleur migrant satisfaisant aux critères de la circulaire du 28 novembre 2012 ne sont, en pratique, jamais inquiétés. Il n’y a aucune contradiction entre la possibilité de régularisation par le travail, qui implique des employeurs vertueux, et la lutte contre le travail illégal, qui constitue l’une des priorités du Gouvernement.
Le règlement de Dublin vient d’être réformé : il prévoit une procédure renforcée avant la décision de réadmission et un recours suspensif. Même si les débats se poursuivent au niveau européen, l’équilibre ainsi atteint paraît satisfaisant.
La loi du 31 décembre 2012 a supprimé le « délit de solidarité » applicable aux personnes ayant aidé un étranger en situation irrégulière dans un cadre humanitaire. Désormais, ces faits dépénalisés ne peuvent plus être retenus contre les personnes qui souhaitent acquérir la nationalité française.
La circulaire du 6 juillet 2012 a mis fin au primo-placement de parents accompagnés d’enfants mineurs. Un an après, une dizaine de familles seulement avait dû être placée en centre de rétention après avoir mis en échec une procédure d’assignation à résidence ou d’éloignement. Au second semestre 2012, cinquante familles ont été assignées à résidence à l’initiative de seize préfectures, conformément à la procédure prévue par la circulaire. À titre de comparaison, entre le 1er janvier et le 30 avril 2012, au moins soixante-dix familles avaient séjourné en centre de rétention durant au minimum quelques heures.
Madame Untermaier, concernant la déconcentration de la procédure de naturalisation, nous avons tiré les conclusions de l’avis budgétaire présenté l’année dernière par M. Patrick Mennucci. J’ai souhaité la création de plateformes expérimentales en Lorraine et en Franche-Comté, à partir du 1er septembre 2013, et en Picardie, à partir du 1er janvier 2014. Cette expérimentation s’achèvera le 31 décembre 2014 ; elle donnera lieu à un bilan dressé par le préfet du département pilote. Au mois d’octobre, un rapport d’évaluation sera remis par le ministre chargé des naturalisations au Premier ministre.
Je tiens à souligner qu’entre septembre 2012 et septembre 2013, les naturalisations ont augmenté de 18 %. Nous avons donc inversé la tendance par rapport à la période précédente – marquée par un recul qui ne résultait d’aucun texte et n’avait fait l’objet d’aucun débat alors même qu’il nous semble contraire à l’idée que nous nous faisons de la France. Nous poursuivrons dans cette voie sans rien brader, car devenir Français, c’est à la fois une fierté et une exigence !
Monsieur Terrot, j’ai personnellement rencontré les familles et les enfants albanais et kosovars qui risquent de se retrouver sous le pont Kitchener à Lyon dans des conditions insupportables. L’OFPRA a réagi très rapidement, mais les recours devant la CNDA doivent être instruits. En attendant, il faut que le préfet du Rhône trouve les solutions adéquates pour répartir ces personnes sur un territoire où la question de l’accueil des migrants pose déjà de grandes difficultés. Dans le cadre de la réforme du système d’asile, des améliorations devront être apportées concernant l’établissement de la liste des pays d’origine sûrs. Des évolutions ont d’ores et déjà lieu : l’Arménie par exemple est désormais un « pays sûr ». À mon sens, il faut considérer comme tels les pays européens qui frappent à la porte de l’Union. L’OFPRA et le ministère doivent prendre des initiatives et agir rapidement.
Madame Mazetier, vous avez raison, derrière les missions, les programmes et les actions, il y a des hommes et des femmes. Les dépenses de personnel retracées au titre 2 s’élèveront en 2014 à 41 millions d’euros pour la direction générale des étrangers en France (DGEF), l’ex-secrétariat général à l’immigration et à l’intégration (SGII), qui compte quelque 550 emplois équivalents temps plein. Il nous revient de soutenir et d’encourager les personnels du ministère, de l’OFII et de l’OFPRA – ce qui pourrait d’ailleurs aider, pour ce dernier, à réduire un turn-over préjudiciable à l’efficacité du dispositif d’asile.
Monsieur Cochet, le ministère de l’intérieur ne connaît que de l’hébergement d’urgence lié à l’asile, à l’exclusion des dispositifs de droit commun relevant de Mme Cécile Duflot. Les situations rencontrées cette année dans le Rhône ou à Clermont-Ferrand ont démontré l’existence d’une réelle tension en matière budgétaire. J’ai toutefois obtenu de mon collègue chargé du budget, M. Bernard Cazeneuve, le versement au début du mois d’octobre d’une rallonge de 18 millions d’euros aux préfectures les plus en difficulté.
Madame Mazetier, vous proposez la création d’un observatoire statistique de l’immigration. Il existe déjà au sein de la DGEF un service ministériel qui produit de façon indépendante et transparente des statistiques présentées dans un rapport annuel adressé à tous les parlementaires. Nous réfléchissons à renforcer ses moyens afin d’améliorer les statistiques relatives à la lutte contre l’immigration irrégulière. Je reste cependant ouvert à toute proposition en la matière.
La politique d’asile portée par le ministère de l’intérieur coûte environ 500 millions d’euros par an, mais il est exact que nous manquons de données consolidées sur le coût global supporté par l’ensemble des acteurs de cette politique.
Oui, monsieur Binet, le système de l’asile est à bout de souffle et il doit être réformé. Si la répartition géographique des places d’hébergement constitue un enjeu majeur, il faut se souvenir que 45 % de l’accueil se fait en Île-de-France. Nécessairement, ce territoire doit être pris en compte de façon spécifique dans la réforme en cours.
Monsieur Quentin, la circulaire du 28 novembre 2012 a généré des demandes supplémentaires de régularisation en préfecture. On a par exemple constaté un triplement des demandes d’admission exceptionnelle au séjour en Seine-Saint-Denis ou à Paris. Depuis vingt ans et dans de telles circonstances, ces phénomènes sont habituels. Malgré cet afflux, les préfectures ont su gérer la situation avec un grand professionnalisme. L’amélioration de l’accueil est l’un des objectifs prioritaires que je leur ai assignés ; les étrangers doivent évidemment en bénéficier et des progrès certains ont été constatés à cet égard.
Depuis décembre 2012, environ 16 600 personnes ont été régularisées au titre de la circulaire : on ne peut donc pas parler d’opération de régularisation massive. Ces régularisations sont, pour 80 % d’entre elles, demandées pour un motif familial – dans une majorité de cas, il s’agit de parents d’enfants scolarisés. La circulaire résout ainsi des cas autrefois inextricables, mais elle reste exigeante en matière de preuves d’intégration – elle exclut notamment de régulariser au seul motif de l’ancienneté de résidence sur le territoire. Il faut toutefois prendre les données chiffrées avec précaution, d’autant qu’elles ne sont que provisoires et que nombreuses sont les régularisations effectuées au titre de la circulaire qui auraient eu lieu sans celle-ci. Il serait donc faux d’affirmer que la circulaire est à l’origine de 16 600 régularisations supplémentaires. En fait, par rapport au volume de régularisations habituellement constaté, nous devrions enregistrer sur l’ensemble de l’année 2013 une hausse conjoncturelle de l’ordre de 10 000 régularisations. Nous constaterons ces chiffres lors de la publication des données consolidées de l’immigration en 2013, dont les premiers éléments devraient être disponibles à la fin du premier trimestre de l’an prochain. Ce phénomène est évidemment conjoncturel ; il est, je le répète, comparable à ceux provoqués par de précédentes circulaires de régularisation, la dernière datant de 2006.
Monsieur Quentin, le « bleu budgétaire » ne fixe pas d’objectif en matière de reconduites à la frontière car la politique du chiffre a été abandonnée. Les parlementaires sont toutefois informés postérieurement du nombre de reconduites effectuées grâce au rapport annuel du programme.
M. le président Gilles Carrez. Monsieur le ministre, nous vous remercions.
La réunion de la commission élargie s’achève à dix-huit heures quarante-cinq.