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Texte du projet de loi – n° 1395
MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES
ET DISPOSITIONS SPÉCIALES
AUTORISATIONS BUDGÉTAIRES POUR 2014 –
CRÉDITS ET DÉCOUVERTS
Il est ouvert aux ministres, pour 2014, au titre du budget général, des autorisations d’engagement et des crédits de paiement s’élevant respectivement aux montants de 410 458 992 562 € et de 407 409 515 462 €, conformément à la répartition par mission donnée à l’état B annexé à la présente loi.
ÉTAT B
(Article 44 du projet de loi)
Répartition, par mission et programme, des crédits du budget général
BUDGET GÉNÉRAL
(En euros) | ||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits |
Culture |
2 567 652 348 |
2 581 955 157 |
Patrimoines |
760 668 036 |
746 150 359 |
Création |
725 794 659 |
746 473 653 |
Transmission des savoirs et démocratisation de la culture |
1 081 189 653 |
1 089 331 145 |
Dont titre 2 |
658 087 228 |
658 087 228 |
Amendement n° 379 présenté par M. Féron, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires culturelles et de l'éducation, M. Bloche, Mme Bouillé, M. Bréhier, M. Allossery, M. Belot, Mme Bourguignon, M. Boutih, Mme Corre, M. Daniel, M. Deguilhem, Mme Dessus, Mme Sandrine Doucet, M. William Dumas, Mme Françoise Dumas, M. Durand, M. Feltesse, M. Féron, M. Françaix, Mme Langlade, M. Léautey, Mme Lousteau, Mme Martinel, M. Le Roch, M. Ménard, Mme Tolmont et M. Travert.
Après l’article 62 , insérer l'article suivant :
I. – Au premier alinéa de l’article L. 115-1 du code du cinéma et de l’image animée, après le mot : « métropolitaine », sont insérés les mots : « ou dans les départements d’outre-mer ».
II. – Pour les séances organisées par les exploitants d’établissements de spectacles cinématographiques situés dans les départements d’outre-mer, le taux de la taxe prévue à l’article L. 115-1 du code du cinéma et de l’image animée est fixé, pour les années 2015, 2016, 2017, 2018, 2019 et 2020, par dérogation aux dispositions de l’article L. 115-2 du même code, à :
- 1 % du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2015 ;
- 2 % du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2016 ;
- 3 % du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2017 ;
- 5 % du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2018 ;
- 6,5 % du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2019 ;
- 8 % du 1er janvier 2020 au 31 décembre 2020.
III. – Le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2015.
ÉTAT B
(Article 44 du projet de loi)
Répartition, par mission et programme, des crédits du budget général
BUDGET GÉNÉRAL
(En euros) | ||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits |
Médias, livre et industries culturelles |
869 697 170 |
815 903 270 |
Presse |
258 076 014 |
258 076 014 |
Livre et industries culturelles |
315 983 400 |
262 189 500 |
Contribution à l’audiovisuel et à la diversité radiophonique |
143 499 929 |
143 499 929 |
Action audiovisuelle extérieure |
152 137 827 |
152 137 827 |
Amendement n° 789 présenté par M. Aubert.
I. Modifier ainsi les autorisations d'engagement :
(en euros) | ||
Programmes |
+ |
- |
Presse |
28 000 000 |
0 |
Livre et industries culturelles |
0 |
28 000 000 |
Contribution à l'audiovisuel et à la diversité radiophonique |
0 |
0 |
Action audiovisuelle extérieure |
0 |
0 |
TOTAUX |
28 000 000 |
28 000 000 |
SOLDE |
0 |
II. Modifier ainsi les crédits de paiement :
(en euros) | ||
Programmes |
+ |
- |
Presse |
0 |
28 000 000 |
Livre et industries culturelles |
28 000 000 |
0 |
Contribution à l'audiovisuel et à la diversité radiophonique |
0 |
0 |
Action audiovisuelle extérieure |
0 |
0 |
TOTAUX |
28 000 000 |
28 000 000 |
SOLDE |
Il est ouvert aux ministres, pour 2014, au titre des comptes d’affectation spéciale et des comptes de concours financiers, des autorisations d’engagement et des crédits de paiement s’élevant respectivement aux montants de 194 838 355 449 € et de 194 908 155 449 €, conformément à la répartition par compte donnée à l’état D annexé à la présente loi.
(Article 46 du projet de loi)
Répartition, par mission et programme, des crédits des comptes
d’affectation spéciale et des comptes de concours financiers
COMPTES D’AFFECTATION SPÉCIALE
(En euros) | ||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits |
Gestion et valorisation des ressources |
11 000 000 |
11 000 000 |
Désendettement de l’État |
||
Optimisation de l’usage du spectre hertzien et interception et traitement des émissions électromagnétiques (ministère de la défense) |
11 000 000 |
11 000 000 |
Optimisation de l’usage du spectre hertzien et des infrastructures du réseau physique de télécommunications du ministère de l’intérieur |
0 |
0 |
Amendement n° 688 présenté par M. Carrez et M. Riester.
Modifier ainsi les autorisations d'engagement et les crédits de paiement :
(en euros) | ||
Programmes |
+ |
- |
France Télévisions |
0 |
20 000 000 |
ARTE France |
0 |
0 |
Radio France |
0 |
0 |
Contribution au financement de l'action audiovisuelle extérieure |
0 |
0 |
Institut national de l'audiovisuel |
20 000 000 |
0 |
TOTAUX |
20 000 000 |
20 000 000 |
SOLDE |
0 |
Amendement n° 212 présenté par M. Amirshahi et M. Vauzelle.
Modifier ainsi les autorisations d'engagement et les crédits de paiement :
(en euros) | ||
Programmes |
+ |
- |
France Télévisions |
0 |
6 000 000 |
ARTE France |
0 |
0 |
Radio France |
0 |
0 |
Contribution au financement de l'action audiovisuelle extérieure |
6 000 000 |
0 |
Institut national de l'audiovisuel |
0 |
0 |
TOTAUX |
6 000 000 |
6 000 000 |
SOLDE |
0 |
Amendement n° 330 présenté par M. Frédéric Lefebvre.
Modifier ainsi les autorisations d'engagement et les crédits de paiement :
(en euros) | ||
Programmes |
+ |
- |
France Télévisions |
0 |
5 000 000 |
ARTE France |
0 |
0 |
Radio France |
0 |
0 |
Contribution au financement de l'action audiovisuelle extérieure |
5 000 000 |
0 |
Institut national de l'audiovisuel |
0 |
0 |
TOTAUX |
5 000 000 |
5 000 000 |
SOLDE |
0 |
COMPTES DE CONCOURS FINANCIERS
(En euros) | ||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits |
Avances à l’audiovisuel public |
3 551 099 588 |
3 551 099 588 |
France Télévisions |
2 430 324 798 |
2 430 324 798 |
ARTE France |
266 290 903 |
266 290 903 |
Radio France |
615 174 966 |
615 174 966 |
Contribution au financement de l’action audiovisuelle extérieure |
168 357 945 |
168 357 945 |
Institut national de l’audiovisuel |
70 950 976 |
70 950 976 |
Compte rendu de la commission élargie du lundi 4 novembre2013
(Application de l’article 120 du Règlement)
Culture
La réunion de la commission élargie commence à vingt-et-une heures cinq, sous la présidence de M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de Mme Marie-Odile Bouillé, vice-présidente de la commission des affaires culturelles.
M. le président Gilles Carrez. Nous avons le plaisir d’accueillir ce soir Mme Aurélie Filipetti, ministre de la culture et de la communication pour l’examen en commission élargie des crédits de la mission « Culture » du projet de loi de finances pour 2014. Cette commission sera coprésidée par Mme Marie-Odile Bouillé, vice-présidente la commission des affaires culturelles et de l’éducation, le président Patrick Bloche ayant été retenu par un conseil d’arrondissement.
Le but des commissions élargies étant que les députés aient un échange aussi interactif et concis que possible avec les ministres concernés, nous donnerons d’abord la parole aux rapporteurs spéciaux de la commission des finances, M. Pierre-Alain Muet et M. Jean-François Lamour, puis aux deux rapporteurs pour avis de la commission des affaires culturelles, M. Hervé Féron et M. Christian Kert – chacun d’entre eux disposant de cinq minutes pour s’exprimer. Une fois que Mme la ministre aura répondu à cette première série de questions, nous cèderons la parole aux orateurs des groupes, pour cinq minutes également, ainsi qu’aux autres membres des deux commissions souhaitant intervenir, pour deux minutes.
Mme Marie-Odile Bouillé, présidente. Je tiens tout d’abord, comme le président Carrez, à excuser le président Patrick Bloche qui m’a demandé de le remplacer ce soir. C’est effectivement avec grand plaisir que nous accueillons Mme la ministre et j’espère que cette réunion sera l’occasion d’un échange très large et très sincère sur les crédits de la mission « Culture » pour 2014.
La Commission des affaires culturelles et de l’éducation a nommé deux rapporteurs pour avis sur cette mission : M. Hervé Féron sur les programmes consacrés à la transmission des savoirs et à la démocratisation de la culture, d’une part, et à la création d’autre part ; et M. Christian Kert sur le programme consacré aux patrimoines. Lors de la réunion de notre commission le 30 octobre dernier, ceux-ci nous ont présenté en détail la partie thématique de leur rapport : celui d’Hervé Féron porte cette année sur le « 1 % artistique », et celui de Christian Kert, sur les moyens réellement disponibles pour la poursuite de l’action du ministère en faveur des patrimoines. Je les remercie et les félicite tous deux pour le travail remarquable qu’ils ont accompli – et qu’ils ont nourri de très nombreuses auditions. J’indique enfin aux membres de la commission des affaires culturelles et de l’éducation que nous voterons sur les crédits de la mission « Culture » à l’issue de la réunion de cette commission élargie.
M. Pierre-Alain Muet, rapporteur spécial pour les crédits des programmes « Création » et « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ». Les programmes « Création » et « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » représentent plus de deux tiers des crédits de la mission « Culture », le second programme mutualisant les fonctions de soutien de l’ensemble du ministère.
Dans un cadre budgétaire très contraint, je me félicite de l’attention que vous avez portée, madame la ministre, au soutien aux réseaux de création, à la diffusion des œuvres sur les territoires et au développement des arts plastiques.
Les milieux culturels ont exprimé une attente forte à l’égard du projet de loi sur la création artistique, qui étend en quelque sorte l’engagement pris par le Président de la République en matière de spectacle vivant à l’ensemble de la création artistique. Pourriez-vous nous en indiquer les axes principaux ?
S’agissant du programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », je salue l’effort réalisé en faveur de l’enseignement supérieur culturel et l’ambition du programme d’éducation artistique et culturelle à l’école. L’inscription de l’éducation artistique et culturelle dans la loi pour la refondation de l’école et la circulaire instituant la notion de « parcours d’éducation artistique et culturelle » confèrent ainsi une dimension essentielle au développement de la pratique artistique dès le plus jeune âge. Ayant eu l’opportunité de voir travailler le quatuor Debussy avec les enfants des écoles de la Croix-Rousse, j’ai pu mesurer la richesse que représentait le contact direct entre l’enfant et l’artiste. Cette politique traduit enfin la reconnaissance du fait que les artistes, comme les scientifiques, ont une mission de création, mais aussi de transmission. C’est pourquoi il me paraît important, pour les intermittents du spectacle, d’augmenter le volume d’heures d’enseignement pouvant être assimilées à des heures travaillées au titre de l’Annexe X, comme le suggère le rapport de la mission d’information commune sur les conditions d’emploi dans les métiers artistiques de notre collègue Jean-Patrick Gille.
Si les recettes du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) ont fait l’objet d’un prélèvement de 150 millions d’euros en 2013, le présent projet de loi de finances prévoit un nouveau prélèvement de 90 millions en 2014. Or, j’ai eu l’occasion de rappeler lors du débat sur la première partie de ce projet de budget que les taxes affectées constituant ses ressources ne sont pas des impôts d’État, mais correspondent à un système vertueux de mutualisation du financement de la création par les usagers du secteur. C’est pourquoi le Gouvernement a eu raison de ne pas en plafonner le montant car les ressources excédentaires éventuellement dégagées grâce à ces taxes n’ont aucune raison d’être durablement affectées au budget général. Elles ont vocation à être rétrocédées sous la forme d’un ajustement des taux ou d’un élargissement du financement de la création du secteur. Le même raisonnement s’applique au prélèvement exceptionnel, qui non seulement devrait effectivement demeurer exceptionnel mais devrait en outre être principalement affecté au secteur culturel, comme cela est heureusement réalisé en partie – mais en partie seulement – en 2014 au profit de l’Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC).
Je conclurai mon propos par des remarques d’ordre général sur le budget de la culture.
Les financements alloués à ce secteur constituent des investissements fondamentaux, au même titre que ceux consacrés à l’éducation, à l’enseignement supérieur ou encore à la recherche. C’est d’ailleurs cette conception qui avait conduit au doublement du budget de la culture lors des quatre premières années de la présidence de François Mitterrand et son augmentation sous tous les précédents gouvernements de gauche. En outre, une partie importante des dépenses culturelles, et notamment celles qui bénéficient au spectacle vivant, sont soumises à ce que les économistes appellent la « Loi de Baumol ». En d’autres termes, les gains de productivité du travail y sont quasiment inexistants : la représentation du Médecin malgré lui ou l’interprétation de la Flûte enchantée nécessitent à peu près la même quantité de travail qu’à l’époque de Molière ou de Mozart, alors même qu'on produit vingt fois plus de biens aujourd’hui en une heure de travail qu’au début de la révolution industrielle et que les salaires ont augmenté dans les mêmes proportions. Cela signifie que ce secteur est par essence confronté à des coûts croissants, de sorte qu’on ne pourra le préserver que si l’on accepte de le soutenir par un financement public important et qui doit augmenter.
Loin d’ignorer à quel point le redressement de nos comptes publics est nécessaire, j’ai approuvé la réduction importante et sélective des dépenses publiques opérée depuis deux ans par le Gouvernement, bien plus pertinente que le rabot uniforme appliqué précédemment. Et c’est précisément au nom de cette sélectivité que je plaide inlassablement pour que le budget de la culture soit sanctuarisé, au même titre que celui de l’éducation et de la recherche. Car si la baisse du budget de la culture représente une goutte d’eau dans l’océan des déficits hérités de l’ancienne majorité, cette goutte, minuscule à l’échelle de nos déficits, peut avoir d’importants effets regrettables sur la créativité de notre pays. Lorsqu’en 1966, André Malraux défendait au sein de notre Assemblée la création des maisons de la culture dans les départements, il eut cette comparaison : « Mesdames et messieurs, ce que je vous demande, c’est exactement vingt-cinq kilomètres d’autoroutes ». Prolonger sur plusieurs années la baisse du budget de la culture serait un non-sens économique. C’est pourquoi je souhaite que le prochain budget marque un net changement d’orientation en ce domaine.
En conclusion, je salue votre action, madame la ministre, car vous parvenez, dans un cadre fort contraint à préserver les missions essentielles de votre ministère.
M. Jean-François Lamour, rapporteur spécial pour les crédits du programme « Patrimoines ». Cette année encore, les moyens consacrés aux patrimoines témoignent des difficultés budgétaires que rencontre notre pays. Après avoir enregistré une baisse très substantielle en 2013 – les autorisations d’engagement ayant alors diminué de 10 %, et les crédits de paiement, de 5,5 % –, les crédits inscrits au projet de loi finances pour 2014 sont de nouveau en diminution. Ainsi, avec 760,5 millions d’euros, les autorisations d’engagement devraient baisser de 1,2 %, tandis que les crédits de paiement présentent une baisse plus importante encore, de près de 4 %. Ils s’élèveraient ainsi à hauteur de 760,67 millions d’euros, soit près de 9 millions d'euros de moins qu'en 2013.
Si l’on compare l’évolution des crédits du programme « Patrimoines » à ceux des deux autres programmes de la mission « Culture », intitulés « Création » et « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », on s’aperçoit que le secteur patrimonial supporte pour la deuxième année consécutive une part substantielle de l’effort de maîtrise de la dépense du ministère de la culture, alors même que le programme « Transmission des savoirs » voit ses crédits augmenter d’environ 7 millions d’euros en autorisations d’engagement et 3 millions d’euros en crédits de paiement. Le déséquilibre ainsi créé au détriment du programme « Patrimoines » me semble préjudiciable au rayonnement international de notre pays, à son économie et à la démocratisation de la culture.
J’en viens à présent aux moyens alloués aux opérateurs du programme. Avec 360 millions d’euros en autorisations d’engagement et 356 millions d’euros en crédits de paiement, les crédits de ces derniers représentent presque la moitié des crédits du programme. Comme l’an dernier, le présent projet de loi de finances demande un effort financier important aux opérateurs. En premier lieu, le montant de leurs subventions pour charges de service public devrait connaître une baisse pérenne globale de 6,5 millions d’euros. En outre, est également prévue une nouvelle baisse d’environ 21,6 millions d’euros – que vous qualifiez d’exceptionnelle, madame la ministre. Mais ainsi reconduit, ce prélèvement sur le fonds de roulement des opérateurs n’a plus rien d’exceptionnel !
Au-delà d’une telle observation sémantique, je m’interroge quant à l’adéquation entre les moyens alloués aux opérateurs et la mission de service public qui leur est confiée. Il me semble en effet qu’il s’agit là d’un exercice périlleux, qui, s’il devait perdurer pourrait s’avérer problématique. S’il convient de souligner la capacité d’adaptation dont les opérateurs du programme « Patrimoines » ont su faire preuve, il reste que cette année encore, nombre d’entre eux m’ont fait savoir, lors des auditions préparatoires au projet de loi de finances, que ces mesures de restrictions budgétaires les obligeaient à des arbitrages délicats en termes d’investissement, de développement et de calendrier de travaux, dont l’impact pourrait s’avérer néfaste à moyen terme.
Concernant la redevance d’archéologie préventive, je vous avais fait part l’an dernier de mon scepticisme à l’égard de l’article 63 du projet de loi de finances pour 2013, notamment parce qu’il entérinait le principe d’une dépense supplémentaire reposant sur le contribuable plutôt que de procéder à une réforme du pilotage de cette redevance. L’exercice budgétaire en cours a mis en évidence que cette réforme, discutable dans son principe, était de surcroît très mal préparée : en effet, à ce jour et selon les informations qui m’ont été transmises, il semble que le ministère de la culture n’a perçu aucune recette en provenance du ministère du logement, chargé du recouvrement de cette redevance. Il s’agit donc là d’un véritable fiasco.
En conclusion de cette intervention, je vous poserai quatre questions.
La première concerne les contraintes que doivent subir les opérateurs en même temps que la baisse de leurs dotations. D’une part, certains d’entre eux m’ont alerté sur l’effet d’aubaine que constitue, au profit des sociétés de tourisme, les « tour-opérateurs », la possibilité pour les touristes de visiter gratuitement certains monuments et musées le premier dimanche de chaque mois. Quelles mesures comptez-vous prendre pour éviter les problèmes suscités par ce dispositif, tant en termes de perte de recettes que de gestion des flux de visiteurs ? Certains opérateurs déplorent d’autre part la rigidité de recrutement qu’impose la structure d’emploi de la fonction publique en ce qui concerne les effectifs sous plafond. Un tel manque de souplesse leur semble préjudiciable à leur activité. Est-il envisageable de leur accorder une plus grande liberté de recrutement, de façon à répondre au plus près à leurs besoins ?
Ma deuxième question a trait à la redevance d’archéologie préventive : quand les problèmes techniques liés à son recouvrement seront-ils résolus ? Pourriez-vous nous fournir une évaluation de son rendement ? Correspond-il peu ou prou aux 122 millions d’euros prévus en 2013 ?
Troisièmement, il m’a été indiqué, lors de mes auditions préparatoires, que l’un des objectifs poursuivis par votre ministère consistait à recentrer son action sur les opérateurs de second rang du programme « Patrimoines ». Or, je considère, pour ma part, que notre politique muséale et patrimoniale a au contraire besoin de leaders puissants, attractifs, et disposant d’une capacité d’entraînement suffisante pour en faire profiter les établissements plus petits et moins prestigieux, et, en définitive, tous les acteurs de la culture sur le territoire. Je crains qu’un tel objectif ne se résume en fait qu’à des mesures de saupoudrage, forcément inefficaces. Êtes-vous en mesure de répondre à cette inquiétude ?
Enfin, je n’ai pas souhaité redéposer cette année les amendements visant à supprimer les dépenses fiscales inutiles ou, du moins, peu efficientes du programme « Patrimoines ». Il m’a en effet paru préférable d’attendre l’examen du futur projet de loi relatif au patrimoine, annoncé pour janvier prochain. Pourriez-vous néanmoins nous indiquer dès aujourd’hui si un toilettage des niches fiscales est prévu dans le cadre de ce texte ?
M. Hervé Féron, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour les crédits des programmes « Création » et « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ». Dans un contexte budgétaire difficile, l’évolution des crédits en faveur de la création, de la transmission des savoirs et de la démocratisation de la culture est marquée par les priorités établies par votre ministère – au premier rang desquelles figure le programme « Création », qui a pour objet le soutien à la diversité et le renouvellement de l’offre culturelle. En effet, si les crédits de paiement de ce programme diminuent de 3,7 %, ses dépenses d’intervention sont préservées : le niveau des crédits déconcentrés alloués à l’intervention en fonctionnement demeure stable en ce qui concerne l’action « soutien à la création, à la production et à la diffusion du spectacle vivant », et augmente de 4,5 % en ce qui concerne l’action « soutien à la création, à la production, et à la diffusion des arts plastiques ».
Pourriez-vous par ailleurs nous préciser quelles seront les grandes lignes du projet de loi d’orientation pour la création dont la présentation est prévue en 2014 ?
À Marseille, une vente de photographies réalisées par cinq artistes de renom dans le cadre de commandes financées par des fonds publics – vente que vous avez vous-même contestée – a été maintenue pour des raisons financières par l’Agence pour le développement et la valorisation du patrimoine. Les cinq auteurs considèrent pourtant que ces œuvres relèvent d’une commande publique et qu’à ce titre, elles ne peuvent être vendues à des tiers ne poursuivant pas les objectifs d’intérêt général ayant motivé cette commande. Le projet de loi précité apportera-t-il une solution à ce type de problème ?
Quant à la collection Lambert à Avignon – collection privée unique en France comprenant actuellement plus de 1 200 œuvres –, elle fait l’objet d’un projet d’extension chez son voisin, l’hôtel particulier de Montfaucon, qui abritait jusqu'à cet été une école d’art. Ce projet, qui doit être terminé avant l’été 2015, a été validé par François Hollande à la suite d’une donation à l’État par Yvon Lambert, de son exceptionnelle collection d’art contemporain. La ville d’Avignon l’a par ailleurs adossé à un second projet de construction d’une nouvelle école d’art. Comment les travaux sur ce projet se déroulent-ils ?
Pourriez-vous nous présenter le plan de soutien aux galeries d’art, au profit duquel un budget de 800 000 euros est prévu dans le cadre du projet de loi de finances ?
S’agissant à présent du programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », il est lui aussi marqué par les priorités définies par le ministère, à commencer par celle que vous entendez accorder à la jeunesse. Cette dernière bénéficiera ainsi de 5 millions d’euros supplémentaires dans le cadre du plan national en faveur de l’éducation artistique et culturelle. En outre, sont renforcés les moyens affectés à l’enseignement supérieur culturel, qui forme 35 000 étudiants chaque année. Enfin, les crédits alloués à l’enseignement supérieur augmentent de 7 %.
Je vous invite, madame la ministre, à prendre connaissance de la partie thématique de mon rapport, consacré au « 1 % artistique », c’est-à-dire à l’obligation de consacrer 1 % du coût des constructions publiques à la réalisation d’une œuvre d’art adossée à celles-ci. Lors de son audition, le Directeur de la création artistique chargé des arts plastiques a évoqué le projet du ministère, d’instauration d’une journée du « 1 % » dans les établissements scolaires. Qu’en est-il concrètement de ce projet ? Plus largement, comment valoriser le « 1% artistique », instrument de soutien à la création artistique et de mise en contact du public avec l’art contemporain dans l’univers quotidien – notamment dans le cadre de l’éducation artistique et culturelle ?
J’évoquerai pour terminer le succès du cinéma français, fruit d’une politique publique ambitieuse, menée notamment grâce au CNC. Ce dernier est en effet chargé de financer les créateurs, de réguler les marchés du cinéma et de l’audiovisuel, et d’entretenir et de valoriser la mémoire du passé. Profondément ancré dans le secteur du cinéma, le centre intervient également dans tous les champs de l’image animée, depuis les œuvres audiovisuelles jusqu’aux univers interactifs. Or, depuis 2009, le CNC est exclusivement financé grâce au produit de trois taxes qui lui sont directement affectées : la taxe sur les prix des places de cinéma, la taxe sur les éditeurs et les distributeurs de services de télévision et les taxes sur la vente de vidéogramme sous forme physique et de vidéo à la demande. Comme le rappelle le document stratégique de performances du CNC, l’assiette de la taxe sur les services de télévision due par les éditeurs et les distributeurs de services de télévision (TST-D) a été modifiée dans le cadre de la loi de finances pour 2012, compte tenu des pratiques commerciales de certains opérateurs de télécommunication visant à restreindre l’assiette imposable en isolant et en minimisant de façon artificielle la valeur des services audiovisuels dans leurs offres. Le CNC indique ainsi que l’évaluation du produit de la TST-D en 2014 intègre les effets attendus de la réforme de la taxe et son entrée en vigueur effective au 1er janvier 2014 « sous réserve de l’adoption par le Parlement d’une mesure transitoire prévoyant que les acomptes versés par les redevables en 2014 seront calculés sur la base de l’assiette réformée et non sur l’assiette 2013 ». Prévoyez-vous effectivement de proposer une telle mesure transitoire ?
M. Christian Kert, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour les crédits du programme « Patrimoines ». Cette année encore, le programme « Patrimoines » sera marqué par une extrême rigueur budgétaire : de fait, au total, sur les deux premières années de cette législature, les crédits en faveur des patrimoines auront baissé de plus de 13 % ! Si la ministre se félicite tout de même dans ce contexte du maintien des crédits en région, il convient de nuancer un tel constat.
Tout d’abord, parce que le centre des monuments nationaux (CMN), qui bénéficiait d’une fraction du produit de la taxe sur les jeux en ligne à hauteur de 8 millions d’euros, n’en est plus affectataire à compter de cette année. Ne lui sera versée en contrepartie qu’une subvention de 5 millions d’euros. Ce sont donc là 3 millions d’euros de dotations en moins pour le CMN et donc pour le réseau des monuments répartis sur l’ensemble du territoire !
Ensuite, si les crédits consacrés aux monuments historiques appartenant aux communes et aux propriétaires privés augmentent de 5 millions d’euros, à l’inverse, ceux qui sont affectés aux monuments historiques appartenant à l’État diminuent de 13,3 millions d’euros. Or, ces monuments sont eux aussi répartis sur tout le territoire – à commencer par les plus emblématiques d’entre eux, nos cathédrales !
Enfin, si, comme nous venons de le souligner, les crédits d’intervention alloués aux monuments n’appartenant pas à l’État sont en augmentation, il reste que la réforme ayant eu pour fin de confier la maîtrise d’ouvrage des travaux de restauration de ces monuments à leurs propriétaires, alors qu’elle était autrefois assurée par les directions régionales des affaires culturelles (DRAC), est source de nombreuses difficultés. Financement de l’opération, nécessité de sélectionner une équipe de maîtrise d’œuvre, organisation des appels d’offre, choix des variantes de travaux : la conduite d’un tel projet est si complexe pour le maître d’ouvrage – notamment lorsqu’il s’agit de petites communes – que la consommation des crédits de paiement est difficilement prévisible, tant pour l’État que pour les partenaires publics – régions, départements – cofinançant ces projets. Dans ces conditions, les crédits inscrits en projet de loi de finances pourront-ils être consommés ? Ne risque-t-on pas de se trouver à nouveau confronté à un phénomène de sous-consommation chronique et de reports croissants de ces crédits ?
Deuxième observation : les opérateurs du programme sont lourdement mis à contribution, puisque la diminution de leurs dotations s’échelonne de 1 % pour le musée du Louvre à 16 % pour le musée d’Orsay. J’ai donc deux sujets d’inquiétude.
En premier lieu, contrairement aux engagements auxquels vous aviez souscrit l’an passé, cette année encore, des prélèvements sur fonds de roulement seront opérés. On ne peut que s’émouvoir d’une pratique risquant d’obérer la capacité d’investissement des établissements et, au-delà, de faire passer le niveau des fonds de roulement en deçà du seuil critique de trente jours de fonctionnement. Vous vous en êtes d’ailleurs vous-même émue, madame la ministre, s’agissant du CMN, dans votre réponse aux observations formulées par la Cour des comptes dans son dernier rapport public. Pourriez-vous prendre l’engagement de ne pas reproduire cette pratique l’an prochain ?
En second lieu, la compensation de la gratuité d’accès aux collections en faveur des jeunes diminue d’environ un tiers. Or, d’après les informations transmises par vos services, cette compensation est vouée à disparaître. Je formulerai donc trois remarques à cet égard. Tout d’abord, si, au cours des premières années, la compensation a été « surcalibrée » par rapport à la perte réelle de ressources supportée par les musées, ainsi que l’avait souligné la Cour des comptes, ce trop-perçu a cependant été utilisé pour financer des investissements qui auraient de toute façon dû être réalisés, comme le schéma directeur incendie du Louvre. Il ne me paraît donc pas pertinent d’arguer de cette surcompensation pour justifier la suppression pure et simple, à terme, de la compensation. Ensuite, madame la ministre, la gratuité relève d’une politique de démocratisation culturelle dont vous aviez vous-même souligné la pertinence l’an dernier. Je trouve donc anormal qu’une telle politique de solidarité ne soit pas prise en charge par l’ensemble des contribuables par le biais d’une subvention aux musées. Enfin, vous vous trouvez contrainte de diminuer les dotations accordées aux musées. Une telle baisse peut avoir des vertus, à condition d’avoir pour finalité de les inciter à accroître le niveau de leurs ressources propres, notamment dans le cadre de la vente de billets. Cependant, la gratuité d’accès aux musées les en empêche. Vous adressez donc des injonctions contradictoires aux opérateurs du ministère.
Afin de dissiper le malaise ainsi provoqué, pourriez-vous préciser le montant global de la compensation de la gratuité pour 2014 et nous indiquer si cette mesure de gratuité continue à vous apparaître comme une condition certes non suffisante, mais néanmoins nécessaire, de la démocratisation de l’accès aux collections des musées ? Si oui, la compensation me semble devoir être maintenue, ne serait-ce que pour permettre aux musées de disposer des moyens d’accompagner cette gratuité d’accès de mesures indispensables de médiation culturelle.
En conclusion, j’enjoins notre commission à émettre un avis défavorable à l’adoption des crédits du programme 175.
Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication. Avec des crédits s’élevant à 7,26 milliards d’euros, mon budget connaît cette année une baisse de 2 %. Bien entendu, cette évolution correspond à la participation du ministère de la culture à l’indispensable effort de redressement des finances publiques de notre pays. Pour autant, contrairement à d’autres ministères, il ne s’est pas vu demander un effort supplémentaire par rapport à ce que prévoyait le budget triennal élaboré l’année dernière.
En outre, aucun frein n’est mis à ses missions, car la diminution de 2 % s’accompagne d’une restructuration du budget, d’une redistribution des crédits. Tout d’abord, nous continuons à recueillir les fruits de la décision, annoncée l’année dernière, de mettre fin à certains chantiers surdimensionnés. Ensuite, certaines grandes opérations qui avaient pour effet d’alourdir les charges du ministère sont désormais parvenues à maturité. Enfin, nous faisons porter la plus grande part de l’effort sur quelques « gros » opérateurs, c’est-à-dire sur ceux qui ont les reins suffisamment solides pour supporter une baisse de leur dotation ou un prélèvement sur leur trésorerie sans pour autant voir remises en question leurs missions fondamentales.
Cette politique permet de préserver les actions réalisées en faveur de l’ensemble des secteurs de la création en donnant une priorité à la jeunesse, et en particulier aux 35 000 étudiants qui fréquentent les établissements d’enseignement supérieur dépendant du ministère de la culture et de la communication. Les crédits consacrés au projet national de l’éducation artistique sont ainsi en augmentation.
Par ailleurs, l’effort en faveur du patrimoine est maintenu : les réductions de crédits dont vous avez fait mention s’expliquent en fait par l’arrivée à échéance d’un certain nombre de chantiers.
Je préserve, et même j’augmente les capacités d’intervention de l’État en région, en particulier dans le domaine de la création. Les directions régionales de l’action culturelles disposeront ainsi de moyens supplémentaires dans les domaines des arts visuels – plus 6 % – et du spectacle vivant. En outre, à l’heure de la transition numérique, nous allons mettre en place des moyens de régulation adaptés.
Le budget est donc organisé pour répondre à ces orientations et priorités, le tout en relation étroite avec les collectivités locales.
M. Muet m’a interrogée sur le calendrier législatif. Deux grands projets de loi seront présentés en 2014 devant le Conseil des ministres, l’un sur la création, en février, et l’autre sur le patrimoine, en janvier.
Le projet de loi sur la création permettra de mettre en œuvre les orientations annoncées par le Président de la République sur les arts visuels et le spectacle vivant, mais aussi d’adapter aux enjeux propres à la transition numérique le droit de la création – je pense par exemple au contrat d’édition – et l’économie de la culture. Il aura également pour objectif de préserver et de développer l’emploi culturel, de garantir la diversité à l’ère du numérique, d’améliorer l’enseignement supérieur dans les secteurs de la création. Enfin, il donnera pour la première fois à la représentation nationale l’occasion de débattre de la place de la création dans la société.
Quant au projet de loi sur le patrimoine, il se donne deux objectifs. Le premier est de simplifier l’ensemble des classifications existantes en matière de protection du patrimoine. Même si, monsieur Lamour, les mesures fiscales spécifiques applicables dans ce domaine ont plutôt vocation à être examinées dans le cadre d’un projet de loi de finances, l’examen de ce texte pourra être l’occasion de dresser un panorama des dispositifs existants, qui ne manqueront pas d’être affectés par le processus de simplification engagé.
Le deuxième objectif du projet de loi est d’améliorer la circulation des œuvres, des collections – et donc de la plus-value de notre patrimoine – dans l’ensemble de nos territoires.
J’ai répondu à M. Muet sur les crédits d’interventions sur l’école. Nous allons également travailler sur la structuration des réseaux de création et de diffusion, les labels, les scènes émergentes, les jeunes artistes, les plus de 1 200 équipes artistiques – tout cela, naturellement, en partenariat avec les collectivités locales.
En ce qui concerne les intermittents, la négociation sociale est reportée au mois de mars, même si la convention devait initialement être renouvelée avant le 31 décembre. L’initiative des discussions revient aux partenaires sociaux, mais le Gouvernement, en s’appuyant notamment sur les travaux des députés Gille et Kert sur l’emploi culturel, y portera naturellement une grande attention. Nous souhaitons vivement préserver l’emploi culturel et l’accompagnement spécifique dont il fait l’objet.
Le prélèvement sur le fonds de roulement du CNC relève exactement de la même procédure que ceux qui ont concerné les opérateurs patrimoniaux. La Cour des comptes comme le ministère des finances avaient demandé au CNC de suivre des règles prudentielles et de constituer des provisions suffisantes pour financer les dépenses à venir. Mais dès lors qu’ils sont revenus sur leurs propres préconisations et ont autorisé le Centre à détenir un fonds de roulement moins important – à condition de ne pas entraver le fonctionnement du fonds de soutien ni celui du programme de numérisation des œuvres –, j’ai considéré qu’il fallait accepter ce prélèvement pour cette année encore, d’autant qu’une partie – à hauteur de 20 millions d’euros – va alimenter l’IFCIC.
Par ailleurs, je suis sûr que tout le monde, dans la salle, y compris le président de la commission des finances, partage votre conclusion sur le budget du ministère de la culture et sur le rôle de levier de croissance économique qu’il joue dans notre pays. Le rapport que les inspections générales des finances et des affaires culturelles doivent rédiger sur ce qui constitue un de mes chevaux de bataille devrait d’ailleurs être rendu fin novembre, et j’espère avoir bientôt l’occasion d’en parler devant vous.
Monsieur Lamour, la Cour des comptes a considéré que le montant de la redevance pour l’archéologie préventive, calibré pour permettre de collecter 105 millions d’euros, était insuffisant au regard des besoins de l’Institut de recherches archéologiques préventives – INRAP. La réforme de la RAP, en 2012, a permis de fixer une nouvelle cible de 122 millions d’euros ; elle s’appliquera pleinement à partir de 2014. Le pilotage des perceptions de la redevance adossée à la taxe d’aménagement va être amélioré de façon à atteindre progressivement ce plafond, et un compte d’affectation spéciale va être créé.
Il est vrai, cependant, que des problèmes informatiques ont compromis le recouvrement de la part logement de la redevance pour l’archéologie préventive. Ces difficultés vont toutefois bientôt être surmontées, et l’INRAP va pouvoir enregistrer à la fin de l’année les premiers versements de la part du ministère du logement. Le plein rendement de la RAP, compte tenu de sa nouvelle assiette, est attendu pour 2015. Pour 2014, il faut faire preuve d’une certaine prudence, ce dont le budget tient d’ailleurs compte.
J’en viens à la gratuité de l’accès aux musées nationaux pour les visiteurs âgés de 18 à 25 ans et à la gratuité de l’accès le dimanche, deux mesures qui donnent lieu à une compensation budgétaire. La première produit des effets intéressants en termes de fréquentation des musées par les jeunes ; il n’est donc pas question de la remettre en cause.
La compensation versée par l’État n’avait d’autre but que de laisser aux établissements le temps d’adapter leur tarification de façon à intégrer le coût des mesures de gratuité – ce qu’ils ont fait désormais. Il est donc normal qu’elle diminue progressivement – comme je l’avais d’ailleurs annoncé l’année dernière –, d’autant que son montant avait été surestimé dès l’origine.
Les dimanches gratuits ont un effet positif dans nombre d’établissements, où ils favorisent la venue de catégories sociales qui jusqu’alors fréquentaient beaucoup moins les musées. Mais il est vrai que certains établissements, comme le Château de Versailles, s’interrogent sur les effets d’aubaine qu’ils peuvent produire. Des touristes étrangers ont par ailleurs été les victimes de véritables arnaques. C’est pourquoi Versailles a décidé de ne pas appliquer la gratuité le dimanche au cours des mois d’été, période où les touristes étrangers sont les plus nombreux, afin de pénaliser le moins possible les visiteurs français. Des mesures spécifiques ont par ailleurs été prises dans le même temps à destination des publics en difficulté. Je considère que cette politique est adaptée à la situation de l’établissement.
Le Louvre vient de me proposer une orientation similaire : l’accès ne serait plus gratuit le dimanche entre mai et octobre, mais en contrepartie, certains publics bénéficieraient de dispositions ciblées. Dans la mesure où les visiteurs, en été, sont pour la plus grande part des touristes étrangers, la démarche me semble intéressante et je pense y donner suite. Mais de telles demandes doivent être traitées au cas par cas.
Je ne peux pas vous laisser dire que je favorise les petits opérateurs au détriment des opérateurs plus importants, notamment pour le rayonnement de la France. Quand je parle de gros opérateurs, je raisonne en termes de surface financière et de capacité à compenser une réduction des dotations grâce à leurs propres ressources. Cela ne signifie pas, toutefois, que le ministère se désintéresse de leur sort. Ainsi, le Louvre a été mis à contribution de manière importante, mais il bénéficie d’investissements comme le projet Pyramide, destiné à rénover entièrement les structures d’accueil, que nous allons pouvoir financer grâce à la bonne tournure que prend le projet « Louvre Abu Dhabi ». Il en est de même du Musée de Cluny – car le rééquilibrage en faveur des régions ne veut pas dire, monsieur Lamour, que la ville de Paris est négligée –, dont l’accueil va être totalement rénové ; du projet Lascaux 4 – dont le financement est désormais acquis, même si la part versée par l’État est redimensionnée à 4 millions d’euros – ; de la Maison des cultures et des mémoires de la Guyane Jean Martial ; du Pôle de recherches interdisciplinaires archéologiques de Moselle – PRIAM – ; du projet d’archives numériques VITAM – valeurs immatérielles transférées aux archives pour mémoire –, etc. Tous ces projets importants bénéficient à des établissements qui ne le sont pas moins. Dans le domaine patrimonial, il n’y a donc pas coup d’arrêt, mais réorientation de la politique du ministère de la culture, assortie de nouvelles priorités.
De même, on ne peut pas parler de rigidité du droit de la fonction publique, dans la mesure où il est déjà possible de recruter des agents contractuels quand on ne peut pas recourir à des agents titulaires. Une réforme du décret liste, élaborée par Marylise Lebranchu, permettra toutefois aux établissements expressément cités d’aller au-delà des règles applicables. Une telle évolution peut cependant poser un problème dans ceux qui, à l’instar du Centre des monuments nationaux – CMN –, ont une implantation territoriale très largement répartie. Dans leur cas, il convient de réfléchir avec les autres ministères concernés à la possibilité de recruter des agents titulaires directement dans le bassin d’emploi.
S’agissant du CMN, monsieur Kert, personne n’était satisfait de voir son financement dépendre d’une taxe sur les jeux en ligne. Une taxe affectée peut à la limite se justifier lorsqu’il existe un lien entre le support de la taxe et son objet, mais en l’occurrence, tel n’était pas le cas. Il me paraissait donc plus sain de remplacer cette ressource par une subvention budgétaire de 5 millions d’euros, qui permettra à l’établissement d’assurer l’ensemble de ses missions.
Le CMN pourra réaliser 40 millions d’investissements en 2014 et en 2015 sans se mettre en difficulté. En effet, il a fait ces dernières années l’objet d’une gestion erratique se traduisant par une importante sous-consommation de crédits : 100 millions d’euros au compte financier de 2012, ce qui équivaut à 450 jours de fonctionnement. C’est pourquoi le passage d’une ressource affectée de 8 millions à une subvention de 5 millions d’euros n’entravera pas le fonctionnement du Centre, d’autant que le niveau de l’emploi est maintenu à celui de 2013. La priorité, désormais, est d’assurer à l’avenir un bon niveau de consommation des crédits, grâce à un programme pluriannuel d’investissement applicable entre 2015 et 2017.
Je pense avoir répondu à M. Féron sur le calendrier et le contenu du projet de loi sur la création, dont une part importante sera consacrée à l’éducation artistique. Je le remercie d’avoir rappelé l’effort important consenti dans ce domaine, qui fait l’objet d’une forte volonté politique au niveau interministériel : les mesures nouvelles – 2,5 millions d’euros en 2013, puis 7,5 millions en 2014, dont 30 % au bénéfice des zones prioritaires en matière de politique de la ville – viennent s’ajouter au budget initial de 30,7 millions dont l’éducation artistique bénéficiait en 2012, sans compter les financements assurés par les institutions culturelles subventionnées par le ministère ou par les établissements publics placés sous notre tutelle mais soutenus au titre d’autres programmes budgétaires de la mission « Culture », ni ceux correspondant aux opérations organisées par les structures labellisées, les réseaux soutenus en région, etc. L’effort en faveur de l’éducation artistique et culturelle est donc manifeste dans le budget pour 2014, d’autant qu’il vient après l’adoption de dispositions spécifiques dans la loi d’orientation sur l’école.
En 2011, 23 % des élèves scolarisés dans le primaire et le secondaire ont pu bénéficier d’actions d’éducation artistique et culturelle subventionnées par le ministère de la culture. Et l’augmentation importante des crédits permettra de financer mille initiatives supplémentaires par an au cours des deux années à venir.
Je partage votre analyse sur la disposition du « 1 % artistique », dont nous avons fêté le cinquantième anniversaire, et qui présente un grand intérêt. Les réalisations concernent aussi bien les universités que les établissements relevant de petites communes. Elles supposent un effort important de la part des services administratifs pour accompagner les maîtres d’œuvre, mais aussi en termes d’information et de sensibilisation à destination des aménageurs et constructeurs. Je rappelle que 80 % des opérations réalisées le sont à l’initiative des collectivités locales et qu’un tiers d’entre elles ont été conduites en dehors de toute contrainte réglementaire. Cela prouve la popularité et l’efficacité du dispositif.
Je ne crois pas, toutefois, qu’il soit souhaitable de l’étendre aux bâtiments publics, faute de briser la dynamique observée. De même, l’œuvre doit être pérenne et ne peut donc pas relever d’autres disciplines artistiques – même si on peut envisager l’intervention de musiciens dans le domaine du design sonore, par exemple. Le dispositif pourrait cependant évoluer à la marge, et par exemple être étendu aux projets faisant l’objet d’un partenariat public-privé.
Le ministère a mobilisé toutes les DRAC pour établir le recensement de toutes les œuvres financées par le 1 %, afin qu’elles soient mieux connues et puissent constituer un véritable musée de proximité. Je vais par ailleurs adresser aux préfets une circulaire relative à leur conservation. Enfin, une journée nationale du 1 % sera organisée dès la rentrée 2014, de façon à mieux faire découvrir ces œuvres présentes dans l’espace public.
Le fonds d’avance remboursable destiné à soutenir l’écosystème des galeries sera géré par l’IFCIC. L’État versera 800 000 euros, mais le fonds bénéficiera aussi d’autres ressources, y compris privées, à hauteur de 300 000 euros. Il permettra aux galeries existant depuis plus de deux ans de financer des projets de développement : extension, productions spécifiques, présence sur des marchés émergents. Les critères d’attribution, très précis, prendront notamment en compte les relations entre les artistes et leur galerie.
Vous m’avez interrogée sur la donation signée en juillet 2012 par Yvon Lambert. Sa collection, d’une valeur estimée 90 millions d’euros, sera transférée à l’État à deux conditions, dont l’une est la livraison, avant le 15 juillet 2015, de nouveaux locaux pour l’école supérieure d’art d’Avignon. Ce calendrier devrait pouvoir être tenu : je souhaite que le chantier puisse démarrer en janvier 2014. Sur les 14 millions d’euros que coûteront les travaux, toutes dépenses confondues, le ministère prendra en charge 8 millions. Toutes les autorisations d’engagement ont été appelées en 2013 ; en 2014, les crédits de paiements consacrés à cette opération atteindront 2,78 millions d’euros. Le ministère a donc pris toutes ses responsabilités et a accompli sa part du travail. Il reste désormais à la région et à la ville de tenir leurs propres engagements. C’est pourquoi j’organiserai très prochainement une réunion au ministère avec nos partenaires et avec le préfet du Vaucluse afin de faire le point sur le financement du projet de transfert de l’école, qui est évidemment une priorité.
S’agissant de la TST-D, une nouvelle notification a été adressée à Bruxelles après la modification de l’assiette. Compte tenu de la récente décision de la Cour de justice de l’Union européenne, la nouvelle mouture de la taxe a toutes les chances d’être validée par la Commission. Le changement d’assiette sera appliqué dès 2014, avec un nouveau mode de calcul permettant une mise à jour des sommes ainsi collectées.
Les photographies vendues aux enchères à Marseille en octobre dernier avaient été acquises grâce à des subventions publiques, mais elles appartenaient à une association, et elles n’étaient pas protégées comme une collection nationale. Il n’a pas été donné suite à ma demande de suspension de la vente, et l’État ne pouvait en tout état de cause par préempter des œuvres qu’il avait déjà payés. Il faudra que le projet de loi relatif à la création et celui relatif au patrimoine règlent ce problème juridique. La question se pose par exemple pour un certain nombre de fonds régionaux d’art contemporain (FRAC) sous statut associatif. Les collections constituées avec l’argent public doivent être protégées.
Monsieur Kert, un bilan relatif au transfert de maîtrise d’ouvrage vient de m’être transmis car j’avais retenu ce sujet pour une analyse dans le cadre de la modernisation de l’action publique (MAP). Nous savons que les crédits des monuments historiques sont désormais consommés, et je souhaite que les propriétaires soient aidés dans la conduite de la maîtrise d’ouvrage.
L’État ne se désengage pas des travaux des cathédrales : les travaux se poursuivent à leur rythme avec des contraintes qui ne sont pas seulement financières mais aussi techniques. Nous sommes au cœur des priorités de la politique du ministère en matière de protection et d’entretien des monuments historiques. Nous défendons un secteur qui crée de l’emploi pour des entreprises localisées en France, et qui détient des savoir-faire très spécifiques qu’il faut transmettre aux jeunes générations.
Vous souhaitez que je m’engage à ce que le prochain budget ne comporte plus de prélèvements sur les fonds de roulement. Un tel engagement serait sans doute contraire au principe d’annualité budgétaire. Je puis en tout cas affirmer que je mettrai toute mon énergie afin d’éviter de nouveaux prélèvements – vous constatez d’ailleurs que, dès cette année, leur montant connaît une baisse sensible. En la matière, une mobilisation transpartisane des parlementaires impliqués dans les questions culturelles – à la manière de ce qui s’est produit pour le budget de la défense – ne me paraîtrait pas totalement incongrue afin d’entretenir un patrimoine qui permet à la France d’être la première destination touristique mondiale. 80 % des touristes disent venir dans notre pays pour découvrir son patrimoine, et nous savons que1 euro investi dans la culture en rapporte entre 4 et 7 selon les lieux, où que l’on se trouve sur le territoire.
M. Michel Pouzol. Les crédits de la mission « Culture » témoignent d'une volonté forte de préserver notre modèle et de ne pas faire de la culture une variable d'ajustement budgétaire. Merci, madame la ministre ! Ce budget vient soutenir l'ambition du Gouvernement maintes fois réaffirmée : préserver la diffusion de la culture à tous les niveaux, et favoriser l'inclusion sociale tout en participant à l'effort global de redressement des comptes publics engagés sur le budget de l'État.
Si le budget de la Culture connaît, en 2014, une baisse globale de 2 %, conformément aux orientations générales du budget de l'État – ce que peuvent regretter ceux qui comme moi pensent qu'on ne devrait pas toucher au budget de votre ministère –, force est de constater que les choix qui ont été faits pour arriver à ce résultat font preuve de discernement.
La priorité donnée à la jeunesse et à l'enseignement est ainsi clairement réaffirmée. Les moyens dédiés à l'éducation artistique et culturelle augmentent de 15 % par rapport à 2013, augmentation en liaison directe avec le déploiement du plan national d'éducation artistique et culturelle doté de 7,5 millions en 2014, contre 2,5 millions seulement en 2013.
L'effort budgétaire en faveur de l'éducation artistique et culturelle portera plus spécifiquement sur les territoires éloignés socialement ou géographiquement de la culture, ZUS et territoires ruraux notamment.
Les moyens de l'enseignement supérieur culturel sont également en hausse de 7,5 millions d'euros, soit plus de 5 % par rapport à 2013. La politique de recherche et d'enseignement supérieur, indispensable à la professionnalisation et à l'excellence des métiers de l'art et de la culture, participe au socle commun aux politiques culturelles.
Les crédits affectés aux bourses sur critères sociaux bénéficient par ailleurs d'une augmentation de 9 % par rapport à 2013 soit 2,6 millions d'euros supplémentaires, permettant à un nombre croissant d'étudiants de poursuivre leurs études dans de bonnes conditions.
L'évolution du budget de la mission « Culture » devrait permettre de soutenir efficacement la diversité et le renouvellement de l'offre culturelle à toutes les étapes de la vie d'une œuvre, de la commande à la création en passant par la production, le montage et la diffusion. Grands oubliés des politiques culturelles précédentes, les budgets alloués au spectacle vivant et aux arts plastiques sont préservés et renforcés ; madame la ministre, nous vous en félicitons !
Dans le domaine du cinéma, le projet de loi de finances (PLF) pour 2014 consacre un budget de souveraineté. La mise à contribution du fond de roulement du CNC doit néanmoins nous questionner sur l'opportunité de revoir le fonctionnement de cette institution. On peut notamment s'interroger sur un plafonnement éventuel des recettes ou une redistribution plus ouverte de celles-ci vers le cinéma de création bien sûr, mais aussi vers d'autres secteurs culturels pris dans une conception plus large : la musique, le jeu vidéo, la presse, le théâtre et le spectacle vivant dans sa diversité.
Nous notons avec satisfaction l'abaissement de la TVA sur le prix des entrées, qui passe de 7 % à 5,5 % ce qui profite à l'ensemble du secteur. La mesure est d'autant plus nécessaire pour l'équilibre global du système que la fréquentation des salles de cinéma a reculé de plus de 10 % en une année d'après les chiffres du CNC. À l’évidence une hausse de la TVA dans ce secteur aurait eu un effet dévastateur. Je remercie le président de notre Commission, M. Patrick Bloche, pour son investissement et sa détermination sur ce dossier.
Le relèvement du seuil du crédit d'impôt cinéma audiovisuel de 10 à 20 millions, permettra de « booster » les relocalisations de tournages en France et, par conséquent, de maintenir le volume de notre production cinématographique dans ce secteur – ce qui aura un impact sur la discussion à venir relative à l’intermittence. Cette mesure était une impérieuse nécessité pour sauver l'emploi et développer la production cinématographique française. Grâce au PLF 2014, c'est chose faite !
En matière de patrimoine, il est bon de rappeler que si un effort a été demandé aux opérateurs, les autorisations d'engagement sont restées très élevées : elles passent de 770 millions d'euros à 761 millions. Je tiens à saluer le choix de Mme la ministre de porter au tiers des crédits totaux les crédits déconcentrés pour les monuments historiques, la protection des espaces, l’architecture, les archives, les musées, les patrimoines linguistiques et archéologiques. Dans un contexte économique difficile, le financement d’une politique territoriale soutenue est réaffirmé de manière prioritaire et consolidée à un haut niveau.
Le financement des grands équipements qui ont marqué les précédents exercices est aujourd’hui achevé, les efforts sont redéployés en faveur d’une nouvelle génération de projets directement tournés vers le développement de l’accueil du public et de l’éducation artistique.
Dans le cadre de la future loi sur le patrimoine, il faudra faire œuvre de simplification pour mieux protéger et aborder la question de la circulation des collections et aller dans le sens d’une démocratisation plus grande de l’accès au patrimoine culturel.
Permettez-moi, avant de conclure, de me féliciter de l’application du taux de 5,5 % sur les importations d’œuvres d’art, au lieu des 10 % initialement prévus – le combat mené par nos collègues Patrick Bloche et Pierre-Alain Muet n’a pas été facile !
Ce budget qui se présente à bien des égards comme un budget pouvant préfigurer celui qui accompagnerait une future loi d'envergure sur la création artistique et le patrimoine est résolument tourné vers l'avenir, sans pour autant ignorer les contraintes qui sont les nôtres. Je me permettrai, comme notre collègue Pierre-Alain Muet, de militer inlassablement pour la sanctuarisation des budgets de la culture, mais c'est conscient de la qualité du travail accompli que tout naturellement le groupe SRC votera ce budget.
M. Michel Herbillon. Madame la ministre, c’est le second projet de budget pour la culture que vous nous présentez depuis votre arrivée rue de Valois. Force est de constater que les années se suivent sous la présidence Hollande et que, pour la culture, elles ont une fâcheuse tendance à se ressembler ! 2014 s'annonce comme une nouvelle année noire : après 4 % de baisse en 2013, ce sera encore 2 % de moins en 2014 alors même que le budget de la culture représente 0,87 % du budget de l’État. François Hollande promettait un budget de la culture « sanctuarisé, préservé, protégé » ; ses engagements résonnent aujourd’hui de façon singulière et cruelle.
Le Président de la République et vous-même êtes désormais assurés de laisser, à votre manière, une trace dans l'histoire de l'action culturelle de notre pays car jamais, depuis la création du ministère de la culture, aucun Gouvernement n'avait osé lui faire subir une telle saignée. Alors, bien sûr, madame la ministre, vous vous efforcez de minimiser l'impact de ces coupes budgétaires. À vous écouter et à vous lire, nous devrions être soulagés car ces réductions sont conformes à la programmation budgétaire triennale. Tout est donc « normal » ! Dans le dossier de presse présentant le projet de budget, il est même écrit en gros caractères : « Les priorités de la mission culture : toujours la jeunesse, encore le patrimoine et plus que jamais la création. » On se pince pour le croire au regard des chiffres. Comment oser écrire « Plus que jamais la création », alors que les crédits qui lui sont dédiés vont être amputés de presque 4 % en 2014, et que les moyens alloués au spectacle vivant vont être réduits au détriment notamment des opérateurs nationaux ? L'Opéra de Paris, le Centre national de la danse, la Cité de la musique, la Grande Halle de la Villette seront par exemple impactés par ces baisses de subventions. Certains opérateurs connaîtront même, comme l'an dernier, un prélèvement sur leur fonds de roulement, alors que vous nous aviez assurés ici même il y a un an, madame la ministre, que cette pratique avait un caractère exceptionnel.
« Encore le patrimoine » écrivez-vous en exergue de votre document budgétaire ! Mais que va-t-il rester de la politique du patrimoine au rythme où vont les choses – après une baisse de 10 % des crédits en 2013, et une réduction de 4 % en 2014 ? En fait, le patrimoine est sacrifié sur l'autel de la rigueur budgétaire ; il est devenu une simple variable d'ajustement du budget de la culture. Les crédits dédiés au patrimoine monumental vont ainsi être réduits de plus de 12 % en deux ans.
Pour la politique muséale, si les crédits du « plan musée » en région sont maintenus, les coupes budgétaires dans les grands musées se poursuivent, que ce soit pour le Louvre, Pompidou, Orsay, Guimet, ou le quai Branly.
Non seulement, vous réduisez le budget de ces institutions mais, en outre, vous maintenez pour certaines les prélèvements sur leur trésorerie, les affaiblissant doublement alors qu’elles participent à l'attractivité de notre pays.
Les crédits pour l'enrichissement des collections publiques sont reconduits mais après avoir été amputés de 50 % en 2013.
Un tel désintérêt du Gouvernement pour ces questions nous inquiète, en particulier au moment où vous vous apprêtez, madame la ministre, à présenter un nouveau projet de loi sur le patrimoine. Nous craignons qu’il ne marque un vrai recul de l'action de l'État en matière de préservation et de valorisation du patrimoine.
Alors reste la politique en faveur de la jeunesse, dont vous affirmez faire une priorité depuis votre arrivée rue de Valois. Certes, il est vrai, et c'est une bonne chose, qu'un effort budgétaire sera réalisé en 2014 pour l'enseignement supérieur. Vous augmentez aussi de 5 millions d’euros les crédits consacrés à l’enseignement culturel et artistique pour accompagner le nouveau parcours d'éducation artistique et culturelle.
Mais, au-delà de 1’affichage politique, cette prétendue priorité donnée à la jeunesse a ses limites dans les faits. Vous réduirez ainsi l'an prochain de 8 millions d’euros la compensation par l'État de la gratuité des musées pour les jeunes de moins de vingt-six ans. Vous abaisserez également de 30 % les aides de l'État aux établissements d'enseignement spécialisé de danse et de musique marquant un nouveau désengagement de l'État à l’égard des jeunes talents mais aussi des collectivités locales.
En vérité, votre politique culturelle se résume depuis dix-huit mois à une gestion des restrictions et de la pénurie.
Abandon de tous les grands projets ; multiplication des coupes budgétaires ; renoncement à toute mesure ambitieuse et manque de véritable cap : cette réalité inquiète et interroge bien au-delà des rangs de l'opposition parlementaire. Elle inquiète les acteurs de la culture, les créateurs, les producteurs, les diffuseurs, et même les syndicats. Cet été, une déclaration a retenu mon attention dans le journal Le Monde à propos du budget de la culture. « Une fois de plus, les arbitrages budgétaires pour 2014 diminuent ses crédits au-delà du raisonnable. Mais gardons-nous que ce nouvel écrêtage des crédits de la culture n'ampute irrémédiablement des acquis nationaux. » L’auteur ajoutait : « Ne laissons pas le ministère de la culture s'affaiblir au point de ne plus pouvoir faire entendre sa voix, les générations futures ne comprendraient pas ce renoncement et nous le reprocheraient. » Madame la ministre, je ne saurais mieux dire nos craintes actuelles. Ce commentaire sombre quant à l'avenir de la politique culturelle de l'État ne vient pas d'un opposant à votre gouvernement mais de l'ancienne ministre socialiste de la culture, Mme Catherine Tasca, aujourd’hui sénatrice socialiste des Yvelines. Cela en dit long sur le désarroi actuel que fait naître l'absence d'ambition, de vision et de moyens en matière culturelle qui conduiront le groupe UMP à s'opposer à votre projet de budget.
M. Rudy Salles. 2014 ne sera pas une grande saison culturelle pour la France ! La mission qui nous est présentée n'est, on le sait, qu'une part de l'effort financier de l'État dans le domaine de la culture et de la communication, qui avoisine 13 milliards d'euros. Il n'est pas inutile d'avoir en tête ce panorama culturel. C’est cependant l'expression essentielle du choix culturel de notre pays.
Quel est ce choix ? C'est celui de la soustraction : moins 1,1 % en autorisations d'engagement, et moins 2,1 % en crédits de paiement, après un premier coup de canif de 2,3 % l'année dernière en regard du budget 2012.
En mai 2012, dans son analyse de l'exécution du budget de l'État par missions et programmes, la Cour des comptes avait souligné que la gestion des crédits de la mission « Culture » n'avait « pas encore été affectée de manière significative par les contraintes fortes pesant sur le budget de l'État ».
Nous avons au cours des mois précédents réfléchi à plusieurs reprises au sein de la commission des affaires culturelles et de l'éducation, et à l'occasion de plusieurs textes qui étaient proposés à la discussion, à l'exception culturelle française. Je serai tenté de dire « beaucoup de bruit pour rien ». En définitive les moyens de l'exception culturelle sont reniés.
Comment exciper d'un sens singulier à donner à la culture pour en faire un levier de référence et de développement dans un environnement mondialisé, mais aussi un vecteur d'innovations sociales, si d'emblée on se prive du premier ressort de l'action ? Et pour éviter d'être désagréable, je n'évoquerai pas vos promesses, que dis-je, vos assurances de sanctuarisation, tombées aux oubliettes.
Je suis d'autant plus navré de cette situation qu'elle donne la désagréable impression d'un acte automatique et, plus encore, d'un acte gratuit. En effet, pourquoi sacrifier ce petit budget de la culture quand, par ailleurs, tout indique que l'État dépense trop ? C'est ce que nous dit, en tout cas, le Haut Conseil des finances publiques, par la voix de son président, M. Didier Migaud, qui note que les prévisions de déficit ne correspondent plus aux engagements précédents du Gouvernement. Il a même prévenu que, « cela rendra vraisemblablement nécessaire le déclenchement du mécanisme de correction au mois de mai 2014 ».
L'exercice du pouvoir fait tomber certains marqueurs politiques ce qui n’est pas inutile, mais, en l'espèce, nous aurions préféré que vous vous contentiez, madame la ministre, de vous inscrire dans la seule continuité de votre prédécesseur. Cela suffisait amplement ! Il est vrai que même vos économies ne sont pas, en elles-mêmes, une signature politique, puisqu'elles sont dégagées essentiellement grâce à la fin de grands chantiers, comme celui du Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée, inauguré en juin dernier à Marseille.
Mais elles tiennent aussi à un matraquage des opérateurs, qui sont pourtant les vrais porteurs des politiques culturelles sur tous nos territoires de France et de Navarre. Outre une réduction forfaitaire de leur dotation, ils subiront un prélèvement exceptionnel tenant compte du niveau de leur fonds de roulement. De surcroît, la compensation de la gratuité pour les 18-25 ans diminuera fortement pour les établissements concernés avec un recul de 65,14 %. Le CNC fera quant à lui l'objet d'un prélèvement exceptionnel de 90 millions d'euros sur son fonds de roulement.
La potion de ce programme 175 est amère pour les passeurs de culture et pour la culture populaire, au risque de l'amputer de sa jeunesse.
Nous aurions préféré que cette démarche soit au moins inscrite dans le cadre de contrats d'objectifs, qui permettent à chacun des établissements de viser des jours meilleurs. Malheureusement, seuls vingt-trois opérateurs sont dotés d'un contrat de performance – seize documents stratégiques sont en cours de préparation – sur un total de quatre-vingt-un.
Au total, les subventions pour charges de service public des opérateurs du programme 175 « Patrimoines » diminuent de 5,8 millions d'euros, contre plus de 10 millions l'an dernier, soit une diminution de 1,6 % par rapport à 2013. Le programme 131 « Création » subit une réduction globale de ses crédits de près de 4 %. Sur le programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », le soutien à l'enseignement supérieur augmente fortement, tandis que les crédits alloués à l'action culturelle internationale et aux établissements d'enseignement spécialisé diminuent.
Vous avez donc troqué l'activisme culturel, que l'on pouvait espérer de vous, contre une logique comptable « d’austérisation » – parce que s'il fallait de l'austérité, d'autres budgets s'y prêtaient beaucoup mieux. Par là même où nous pouvions espérer un signe de réveil et de vie, un nouveau souffle, nous ne percevons plus qu'un filet d'air : celui qu'exhale une culture essoufflée. Où sont les objectifs ? Où est la méthode ? Quel encouragement pour les talents ? Quel projet culturel pour les Français et pour la France ? Nous ne sommes pas devant un choc esthétique, mais devant un choc historique dans le pays où l'État a toujours fait le pont entre l'art et la société.
Madame la ministre, votre budget exprime une réalité : la culture n'est pas du goût des conservateurs ; aujourd'hui, l'on sait donc où sont les conservateurs. Dans ces conditions, le groupe UDI ne peut approuver cette mission budgétaire relative à la culture.
Mme Isabelle Attard. Je me joins à la supplique de M. Pierre-Alain Muet qui espère voir enfin cesser la diminution du budget de la culture. Avec un recul de 5 % en deux ans, nous sommes loin du 1 % du budget consacré à la culture ou d’une quelconque sanctuarisation. Bien que nous regrettions la rigueur budgétaire qui touche cette mission, nous soutenons les choix courageux faits pour la deuxième année consécutive, et nous voterons ce budget.
Je souhaite revenir sur la gratuité des musées et sur la circulation des collections publiques évoquées par M. Christian Kert dans son rapport pour avis.
La gratuité en matière de musée renvoie le plus souvent aux entrées gratuites alors qu’une autre forme de gratuité se développe : celle de l'accès numérique aux œuvres. L'accès numérique porte en lui la promesse de matérialiser enfin le droit de participer à la vie culturelle, consacré par la Déclaration universelle des droits de l'Homme de 1948 dans son article 27. Bien sûr, nous savons tous que ce droit de participer à la vie culturelle est intimement lié à la protection des intérêts moraux et matériels découlant de la production artistique. Ces deux principes se heurtent régulièrement, tant il est difficile de tracer la ligne entre ce qui relève de la participation à la vie culturelle et les intérêts moraux et matériels des auteurs.
Fort heureusement, l'immense majorité des œuvres de nos musées publics ne sont plus couvertes par le droit de la propriété intellectuelle. Elles relèvent donc de ce que la doctrine et la jurisprudence ont dénommé « le domaine public ». Tous les citoyens peuvent donc en profiter, les consulter, les réutiliser, et même les modifier. C'est ainsi que Mona Lisa, la Joconde de Léonard de Vinci, est devenu un des tableaux les plus célèbres du monde.
La possibilité d'accéder à une version numérique de ces œuvres accroît considérablement leur diffusion. Enfin, en théorie ! Car nous assistons à un phénomène dénommé le « copyfraud ». Des organisations prétendent détenir des droits, des copyrights, sur des œuvres ou sur leur reproduction numérique. Le 2 octobre dernier, M. Stéphane Martin, le président du Musée du quai Branly, le reconnaissait devant nous : « La formule de notre site internet relative à la "propriété exclusive du Musée du quai Branly" est en grande partie infondée puisque nos collections ne nous appartiennent pas. » Je peux aussi faire mon mea culpa car sur ordre de ma hiérarchie, j'ai facturé durant des années l'accès aux reproductions numériques de la Tapisserie de Bayeux.
Nos musées publics ont tous cette tentation du copyfraud : ils sentent bien l'opportunité que représente le numérique, mais craignent de perdre le contrôle qu'ils détiennent sur l'accès à leurs collections. Nous voyons donc des plateformes numériques, comme Gallica pour la Bibliothèque nationale de France, facturer la réutilisation commerciale d'œuvres du domaine public. Les directions des musées pensent profiter ainsi d'une source de financement supplémentaire. Il me paraît difficile de les en blâmer, mais je pense qu’elles se trompent.
Nos musées ont en effet beaucoup à gagner, directement ou indirectement, grâce au domaine public du moment qu'on ne le bride pas artificiellement. Tout d'abord, l'accès à des œuvres en ligne est déterminant pour provoquer des visites. Un enseignant emmènera sa classe en priorité dans un musée dont il peut imprimer ou projeter les œuvres à ses élèves avant ou après la visite. Croyez-vous que le Louvre aurait autant de visites s'il avait interdit les réutilisations commerciales de la Joconde ? Ensuite, rappelons que la raison d'être de nos musées est de diffuser la culture. Les plus grands musées mondiaux donnent aujourd'hui accès librement à leurs œuvres. La bibliothèque du Congrès américain et le Rijksmuseum d'Amsterdam offrent leurs œuvres du domaine public en version numérique haute définition sans aucune contrainte. Les causes de ce changement de politique seraient-elles totalement inopérantes chez nous ? Que croyez-vous qu'il se passerait si seule la culture américaine était accessible gratuitement en ligne ? Aurions-nous rempli notre mission de diffusion ?
Enfin, il est absurde de vouloir interdire les réutilisations commerciales. Dans le pire des cas, la réutilisation n'a pas lieu, et c'est une occasion manquée. Dans le meilleur des cas, une reproduction de mauvaise qualité est utilisée, et le musée rate une occasion de faire connaître ses œuvres. La réutilisation commerciale est une bonne chose : le commerce permet de percevoir des taxes qui viennent accroître le budget de l'État et, indirectement, la renommée d'une œuvre augmente.
Monsieur le rapporteur pour avis, je regrette que vous n'ayez pas abordé cette question dans votre rapport. La question de la numérisation du patrimoine est d'une brûlante actualité. C'est pourquoi je déposerai mercredi prochain une proposition de loi visant à établir une meilleure protection du domaine public, notamment en matière d'usages numériques. Madame la ministre, j’aimerais connaître votre avis sur la circulation virtuelle des collections publiques.
M. Thierry Braillard. « Parler est le plus moche moyen de communication. L’homme ne s’exprime pleinement que par ses silences » : voilà une phrase de Frédéric Dard qui pourrait inspirer nos collègues de l’UMP et de l’UDI ! Si le budget de la culture est contraint, ce n’est pas parce qu’on souhaite limiter ou combattre la culture, mais parce qu’on doit remettre à flot les comptes publics de notre pays grevés par le passif abyssal qu’ils nous ont laissé. À l’instar de Pierre-Alain Muet, le groupe RRDP souhaite qu’à l’avenir, les crédits de la culture reprennent vigueur et soient pour le moins sanctuarisés.
L’année 2013 restera marquée par une série de concertations aux résultats importants : la mission Lescure, le rapport de M. Roch-Olivier Maistre concernant l’aide à la presse, celui de MM. Christian Kert et Jean-Patrick Gille sur les intermittents du spectacle. Elles ont permis de faire le point sur les directions à prendre, notamment celle de l’indépendance de l’audiovisuel public votée il y a quelques jours.
Le budget de la culture s’inscrit dans l’effort de redressement budgétaire, tout en permettant le financement des axes prioritaires. Le programme 175 « Patrimoines » finance les politiques publiques destinées à constituer ou à préserver le patrimoine culturel et à en assurer la diffusion auprès du public le plus large. Malgré les contraintes, ce budget préserve les priorités, et tout d’abord l’entretien, la valorisation et l’accessibilité du patrimoine. Certes, les dépenses de fonctionnement baissent de 355 à 339 millions d’euros, mais d’autres acteurs – comme le mécénat d’entreprises, que vous avez su protéger – participent à cette mission. Par ailleurs, les crédits alloués à la politique en faveur des musées restent stables. Une autre priorité – le maintien d’une homogénéité de l’offre culturelle sur l’ensemble du territoire – se traduit par le choix de reconduire les crédits déconcentrés, actant la réalisation définitive du Musée des civilisations de l’Europe et de la méditerranée – MUCEM – à Marseille, du Louvre Lens, du plan « Musées en région » pour 15 millions d’euros, et entérinant le rôle important conféré aux DRAC et aux directions aux affaires culturelles – DAC – ultramarines. Il fallait faire des économies, et vos choix nous apparaissent pertinents.
Les programmes 131 « Création » et 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » consacrent la valorisation de l’éducation artistique et culturelle. Cet engagement s’est traduit, dans la loi du 8 juillet 2013 pour la refondation de l’école de la République, par la réforme des rythmes scolaires, et nous nous félicitons de la transversalité des politiques au service de cet objectif. L’augmentation des crédits de 5 millions d’euros en 2014 permettra d’intensifier la transmission de la culture au plus grand nombre, de l’enfance à l’université, particulièrement dans les zones urbaines en difficulté. Notons également le soutien réaffirmé au spectacle vivant, avec une augmentation de 4 millions d’euros, et aux arts plastiques. Des moyens sont affectés aux structures de la création et de la diffusion, particulièrement aux labels et aux réseaux, aux jeunes artistes, ainsi qu’à plus de 1 200 équipes artistiques.
Enfin, les programmes 180, 334 et les suivants, relatifs aux médias et aux livres, restent également prioritaires. L’aide à la presse est maintenue avec un soutien affiché pour l’amélioration de l’aide au portage ; il faut également saluer l’appui apporté à France Télévision, malgré les réserves que notre groupe avait émises en commission sur le contrat d’objectifs et de moyens – COM – actuel et les difficultés d’identité rencontrées notamment par les chaînes France 4 ou encore France Ô.
La rigueur budgétaire ponctuelle n’étant pas antagoniste d’une ambition politique en matière culturelle, le groupe RRDP votera le budget de la mission « Culture ».
Madame la ministre, le projet de loi sur la création qui sera présenté en février 2014 intégrera-t-il les propositions du rapport Lescure ?
Mme Marie-George Buffet. Le budget de la culture est contraint par le choix du Gouvernement de faire porter 80 % de l’effort de réduction du déficit sur la diminution de la dépense publique. Un autre choix était pourtant possible : celui d’une grande réforme fiscale permettant de financer les investissements publics et d’assurer les droits des citoyennes et des citoyens – notamment celui à la culture.
Vous nous assurez, madame la ministre, de « l’engagement du Gouvernement de faire de l’accès à la culture pour tous une priorité ». Je salue cet engagement, mais comment le concilier avec celui du « respect de l’effort global engagé sur le budget de l’État » ? La réponse tient dans un seul chiffre : moins 2 % sur votre budget en 2013. La culture a perdu 4,5 % de ses moyens en deux ans, à un moment où – vous l’avez souligné dans d’autres débats – la mobilisation pour l’exception culturelle est plus nécessaire que jamais.
Vous affirmez également vouloir mener une « politique volontariste d’éducation artistique et culturelle » par une action qui repose sur « le renforcement du partenariat avec les collectivités et la valorisation de l’innovation dans les dispositifs et les modes d’intervention ». Qu’entendez-vous par là ? Va-t-on vers le déplacement de compétences, et donc de charges de l’État, vers les collectivités territoriales ?
Dans le cadre de ce budget contraint, vous êtes amenée à faire des choix – prenant à Pierre pour donner à Pauline – entre les lignes budgétaires d’un même programme, entre les trois programmes, voire entre la partie recettes du projet de loi de finances et les missions dont nous discutons ici. Pouvez-vous nous éclairer sur les raisons qui y président ? Ainsi, une nouvelle ponction de 90 millions d’euros est opérée sur le fonds de roulement du Centre national du cinéma, après l’adoption – bienvenue ! – de baisse de la TVA sur les places du cinéma.
Si le budget global diminue de 2 %, les programmes « Patrimoines » et « Création » perdent respectivement 4,1 et 3,7 %, alors que le programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » augmente. Dans le programme « Création », l’Opéra national de Paris et l’École de danse de Nanterre sont amputés de 5 millions d’euros, alors que l’Opéra Comique reçoit 200 000 euros en plus.
En matière de crédits déconcentrés, on retire près de deux millions d’euros d’aides aux lieux hors réseaux et labels, mais on ajoute 67 000 euros pour les équipes non conventionnées et 63 000 euros pour les labels et réseaux.
En outre, quand on regarde le détail du seul programme en augmentation – « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », en hausse de plus de 7 millions d’euros –, on s’aperçoit que l’augmentation globale cache quelques hausses substantielles – plus de vingt millions en plus alloués aux établissements d’enseignement supérieur, dont 5 millions pour la titularisation des enseignants des écoles d’architecture – et des baisses importantes pour les autres actions, notamment plus de 4 millions en moins pour le « Soutien à la démocratisation et à l’éducation artistique et culturelle », au moment même où vous dites, madame la ministre, en faire une priorité. On peut s’inquiéter de cette baisse, surtout lorsque l’on voit les difficultés, en termes de moyens, que rencontre la mise en œuvre des activités artistiques dans le cadre des nouveaux rythmes scolaires.
Les établissements spécialisés que constituent les conservatoires de musique ou d’art dramatique perdent 6,921 millions d’euros de soutien. Comment pourront-ils développer leur activité alors que les budgets des collectivités seront eux aussi soumis aux réductions drastiques de leurs dotations d’État ?
Quant au coût des partenariats public-privé – PPP – sur lesquels nous avons émis d’importantes réserves, il s’avère très élevé : celui du centre de conservation du MUCEM, inauguré en grande pompe cet été à Marseille, a ainsi dû être revu à la hausse, passant de 90,2 à 92,2 millions d’euros – dont 21 millions de frais financiers –, soit une augmentation d’un million et demi en un an. La fin des remboursements étant prévue pour 2037, ne risque-t-on pas, chaque année, de subir une révision à la hausse de même ampleur ?
Enfin, vous nous annoncez – et je m’en félicite – plusieurs textes pour 2014 : un projet de loi sur la création artistique au second semestre et un projet de loi sur les patrimoines. De quels moyens comptez-vous doter ces projets ? En effet, les personnels de ces secteurs craignent qu’étant donné les conditions budgétaires actuelles, « faute de moyens, ces nouveaux dispositifs législatifs se traduisent par un transfert de compétences à des collectivités territoriales qui (…) serait terrible pour le réseau des DRAC ».
Madame la ministre, comme d’autres l’ont déjà exprimé ce soir, je souhaite la sanctuarisation du budget de la culture, qui mérite qu’on lui donne les moyens de financer les missions dont vous avez la charge. Le budget que vous présentez ne satisfaisant pas à ces conditions, les députés du groupe GDR ne pourront pas l’approuver.
Mme Colette Langlade. Élue d’un territoire rural, éloigné de Paris et des grands centres urbains, je tiens à saluer le choix de porter à un tiers du budget total la part des crédits déconcentrés, destinés aux monuments historiques, à la protection des espaces, à l’architecture, aux musées, aux archives, au patrimoine linguistique et archéologique. Dans un contexte économique difficile, le financement prioritaire de la politique territoriale est réaffirmé et consolidé à un niveau élevé.
Je me félicite de la mobilisation de crédits en faveur d’une nouvelle génération de projets de taille raisonnable, conduits en partenariat avec les collectivités territoriales et répartis sur l’ensemble du territoire : le musée de Cluny à Paris, le pôle archéologique à Metz, la Maison des cultures et des mémoires à Cayenne. Vois avez également réaffirmé la participation de l’État au projet de centre international d’art pariétal à Lascaux IV, et je me réjouis de votre soutien.
En finançant la conservation du patrimoine, le programme 175 en assure la transmission aux générations futures, tout en contribuant à l’attractivité économique des territoires. Comment pourrait-il servir la politique de la jeunesse ?
Mme Virginie Duby-Muller. Madame la ministre, nous ne pouvons qu’approuver votre volonté de défendre une loi sur le patrimoine. Mais ne craignez-vous pas que les contraintes budgétaires à venir obèrent les moyens dont vous disposez, vous obligeant à vous contenter d’un petit texte sans conséquence ?
Je voudrais également connaître votre avis sur la proposition de loi de nos collègues sénateurs Françoise Férat, Jacques Legendre et Catherine Morin-Dessailly, relative à la politique nationale du patrimoine de l’État. Dans le contexte actuel de responsabilité budgétaire, de nombreux citoyens craignent que l’État ne soit tenté de brader son patrimoine –appréhensions liées à la dévolution du patrimoine monumental aux collectivités. En 2010, un groupe de travail sur l’avenir des centres des monuments nationaux, présidé par M. Legendre, émettait des propositions pour définir un principe de précaution applicable à tout transfert de propriété des monuments historiques appartenant à l’État. La proposition de loi sénatoriale « vise à traduire ces recommandations en réactivant le principe de “transférabilité” des monuments appartenant à l’État, en identifiant les monuments ayant une vocation culturelle et en encadrant la procédure de transfert aux collectivités territoriales ». Que pensez-vous de cette initiative ?
Enfin, on ne peut que saluer votre soutien aux Assises du mécénat. Le mécénat culturel, en plein redéploiement, s’ouvre en direction des actions humanitaires et des sports. Pensez-vous que l’on puisse également espérer en faire profiter le patrimoine, et plus précisément les opérations de restauration des monuments historiques ?
Mme Sylvie Tolmont. Malgré un contexte budgétaire difficile, les crédits alloués en 2014 à votre ministère témoignent de l’attachement du Gouvernement à la question culturelle. Nous nous réjouissons de leurs orientations qui promeuvent l’égalité d’accès et la démocratisation de la culture.
Dans son rapport, M. Hervé Féron a abordé avec pertinence le dispositif du « 1 % artistique ». Véritable instrument d’ouverture culturelle, ce dispositif – qui oblige les structures publiques à consacrer 1 % du coût des travaux de construction d’un bâtiment public à l’édification d’une œuvre d’art à l’intérieur ou dans les environs – présente un double objectif précieux. Il apparaît à la fois comme un soutien à la création artistique contemporaine et comme un outil de sensibilisation du public à l’art contemporain et aux artistes vivants. Grâce à ce dispositif, l’art s’installe dans l’univers quotidien et investit l’espace public ; désacralisé, il sort des espaces formels qu’on a tendance à lui réserver.
Malgré son intérêt, ce dispositif souffre pourtant de certaines limites ; dans votre intervention, madame la ministre, vous avez ainsi manifesté votre engagement en faveur du recensement de la mise en valeur et de l’appropriation des œuvres concernées. Au-delà, le parcours d’éducation artistique et culturelle prévu par le projet de refondation de l’école peut constituer un cadre idéal à l’exploitation et à la valorisation des œuvres présentes dans le cadre de ce dispositif dans les établissements scolaires. Comment comptez-vous, en concertation avec le ministre de l’éducation nationale, encourager la transmission, la médiation et l’animation autour de ces œuvres dans le cadre de ce parcours ?
Mme Marie-Christine Dalloz. Quelle vision le Gouvernement a-t-il de l’archéologie préventive ? La dernière loi de finances lui semblait favorable ; pourtant, ce domaine souffre aujourd’hui d’une grande opacité et d’une absence de réels financements. Qu’en est-il des grands chantiers ?
La baisse des crédits alloués au programme « Patrimoines » est telle que nous aurons du mal, demain, à préserver le niveau de notre patrimoine monumental et historique national. C’est regrettable !
M. William Dumas. Au sein du projet de loi de finances pour 2014, les crédits de la culture s’inscrivent pleinement dans l’effort de redressement budgétaire, tout en permettant de financer les grandes orientations arrêtées par le Gouvernement et par votre ministère.
À titre d’exemple, citons la priorité donnée à la jeunesse à travers le projet national pour l’éducation artistique et culturelle, et le renforcement des moyens de l’enseignement supérieur du ministère, qui forme 35 000 étudiants par an, ainsi que le maintien de l’effort national en faveur du patrimoine. En tant que président de l’établissement public de coopération culturelle du Pont du Gard, je ne peux que saluer cette orientation budgétaire qui participe au développement touristique et économique de notre région.
Je tiens également à vous féliciter pour votre soutien aux musées de France en régions, et notamment à vous dire ma satisfaction et mon soulagement de voir inscrite dans les projets retenus la rénovation du Musée des vallées cévenoles à Saint-Jean-du-Gard, dans ma circonscription. Avec ce projet, ce territoire – qui vient d’être classé au patrimoine mondial de l’UNESCO – se voit doté d’un atout supplémentaire. Nos Cévennes regorgent de richesses patrimoniales, historiques et humaines ; ce musée leur rend hommage, et je vous remercie vivement pour votre appui.
Mme Martine Faure. Madame la ministre, je m’associe aux félicitations : merci de votre courage et de votre engagement ! Le projet national en faveur de l’éducation artistique et culturelle a pour ambition d’étendre celle-ci à tous les temps de l’enfant – scolaire et périscolaire. Ne pourrions-nous pas imaginer un nouveau métier, celui d’un animateur-éducateur chargé de coordonner les différentes actions qui s’inventeront au quotidien, dans les interactions entre les enseignants, les collectivités territoriales, les artistes et le monde associatif des territoires ?
M. Jean-Pierre Allossery. Le budget que vous présentez, madame la ministre, est porteur de choix concrets en faveur de l’innovation. La hausse des crédits pour la création et l’éducation artistique, ainsi que la stabilité des crédits en régions illustrent vos priorités – le soutien aux artistes et la diffusion culturelle sur l’ensemble du territoire – qui répondent à l’ambition d’une action culturelle globale, vivante et dynamique.
Les disparités entre les territoires – en termes de diffusion, de démocratisation ou de création – restent énormes. Les acteurs faiseurs de culture ne sont pas les seuls à en subir les conséquences : nos concitoyens les plus éloignés de la culture ont également été délaissés. Je me réjouis donc de votre volonté de mettre un terme à cette situation avec le tant attendu projet de loi sur la création. Arts plastiques, spectacle vivant, protection des artistes, rôle des collectivités représentent autant d’axes qui devraient le composer. À l’heure où l’Assemblée des départements de France – ADF – mène un travail important sur les droits culturels pour tous, dans le cadre de la déclaration de Fribourg, et alors que le Syndicat national des arts vivants – SYNAVI – demande une démarche concertée autour du texte sur le spectacle vivant, comment comptez-vous associer l’ensemble des partenaires culturels et les collectivités territoriales au travail sur ce projet de loi ?
M. Stéphane Travert. Je voudrais souligner la qualité du rapport d’Hervé Féron consacré au « 1 % artistique ». Je le remercie particulièrement d’avoir mis en valeur le travail réalisé par la région Basse-Normandie – dont je suis élu – qui a mis en place une véritable signalétique, avec l’apposition de QR Codes sur les œuvres issues de ce dispositif.
L’effort de 2 % imposé en 2014 aux crédits de la mission « Culture » – qui s’élèvent à 2,7 milliards d’euros – contribue au redressement des comptes publics. La priorité à la jeunesse demeure, et les missions essentielles de l’État et du Gouvernement sont confortées dans ce budget ; les crédits en région notamment sont stabilisés.
Madame la ministre, ma question porte sur la décentralisation culturelle. Maintenir les crédits destinés aux DRAC, c’est s’assurer que l’État reste garant de la cohérence nationale par l’édiction de règles et l’exercice du contrôle scientifique. Car si certaines compétences culturelles relèvent d’un échelon territorial spécifique – la gestion des archives revient par exemple aux départements –, chaque niveau de collectivités peut intervenir dans l’ensemble des fonctions culturelles. Il faut d’ailleurs rappeler que les collectivités territoriales engagent des crédits deux fois supérieurs au budget du ministère de la culture. Le partage de la compétence culturelle se caractérise par l’importance des financements croisés entre échelons territoriaux. Or il n’existe aucun lieu formel de concertation entre les acteurs publics pour l’aménagement culturel du territoire, les DRAC ne jouant pas ce rôle. Ne pensez-vous pas qu’il serait nécessaire de créer un dispositif de ce type, qui mettrait les collectivités territoriales et l’État autour de la table ?
Mme Marie-Odile Bouillé, présidente. Je voudrais féliciter Mme la ministre d’avoir inscrit dans la loi de la République cette éducation artistique et culturelle à laquelle nous sommes tant attachés. Une question cependant : comment articulera-t-on les actions prévues sur le temps scolaire et hors temps scolaire, afin d’éviter les redondances et de privilégier les complémentarités ?
Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication. Monsieur Herbillon, à vous entendre, j’aurais dû m’inscrire dans la continuité de mon prédécesseur. Or si j’avais fait ce choix, le budget aurait été alourdi, au cours des quatre années à venir, d’1 milliard d’euros de dépenses supplémentaires – et inutiles. Le projet de Centre des réserves des musées à Cergy-Pontoise – qui devait d’ailleurs prendre la forme d’un PPP, dont on constate les limites – devait ainsi coûter au minimum 200 millions d’euros en investissements, alors même que les musées exprimaient des désaccords et que le financement s’annonçait difficile. Aucune réflexion réelle sur les besoins et sur le meilleur moyen d’y répondre n’avait été menée. De façon générale, alors que beaucoup d’investissements sont faits dans les collectivités locales, les choix du ministère s’inscrivaient dans une logique de fuite en avant de la dépense, qui compensait l’absence de vision de l’objectif même d’une politique culturelle nationale.
Le temps était venu pour une vraie réorientation et une vraie réflexion sur la façon dont la politique de l’État peut apporter une plus-value indispensable en matière de politique culturelle. Comment assurer l’égalité entre les territoires et entre les citoyens ? Comment soutenir la création, notamment émergente ? Comment encourager les jeunes artistes ? Comment améliorer la diffusion et la circulation des œuvres sur tout le territoire et à destination de toutes les populations ? C’est tout cela qui justifie, aux yeux de nos concitoyens, l’investissement dans la politique culturelle ; la réorientation est donc claire et assumée.
La diminution globale du budget des programmes « Patrimoine » et « Création » peut se justifier. Ainsi, en matière de patrimoine, plusieurs grands chantiers, arrivés à maturité, n’ont plus besoin de financement. Dans le domaine de la création également, la seule construction de la Philharmonie de Paris bénéficiera de 25 millions de moins que par le passé.
Du côté des opérateurs nationaux de spectacle vivant, le seul qui ait réellement eu un effort important à fournir est l’Opéra de Paris. À crise exceptionnelle, effort exceptionnel : sur les 100 millions d’euros de subvention que l’État lui alloue, il peut bien se passer de 5 millions. Pour autant, ce qu’il n’a pas eu n’est pas forcément allé au financement de l’Opéra Comique. Je n’ai pas raisonné en détail mais en termes de budget global.
Par ailleurs, la politique culturelle ne se résume pas à une accumulation de dépenses. Une dépense doit avoir du sens, remplir une fonction. C’est le cas à l’Opéra Comique et au Théâtre national de Chaillot dont le plateau fait l’objet d’un plan de rénovation : j’ai dégagé des crédits à cet effet. Par contre, là où la dépense n’est pas nécessaire, je préfère ne pas l’engager et préserver ainsi des marges de manœuvre. Telle est la logique qui a prévalu.
La régulation va être abordée à travers les deux lois à venir. Certains des chantiers laissés en friche par le gouvernement précédent avaient commencé à s’en préoccuper, s’agissant notamment des intermittents et de la dimension numérique. Le ministère de la culture a organisé le premier Automne numérique en vue de valoriser l’open data en matière culturelle. À ma demande, les établissements publics ont libéré un certain nombre de données dont se sont servi de jeunes créateurs du numérique pour créer des services informatiques innovants en matière culturelle dans le cadre d’un hackathon. Le lauréat a présenté un projet établissant des liens entre les photographies de la guerre de 1914-1918 stockées dans nos archives et les lieux où ces photographies avaient été prises.
De la même manière, j’ai demandé qu’un calculateur du domaine public soit mis au point, de manière à connaître le moment où les œuvres entreront dans le domaine public. Toujours dans le cadre de l’Automne numérique, un atelier de mashup a été organisé à partir des œuvres du domaine public culturel. Des étudiants de l’École nationale supérieure de création industrielle (ENSCI) ont travaillé avec ces nouvelles pratiques artistiques transformatives. Le numérique, ce n’est pas seulement de la diffusion, ce sont aussi de nouveaux processus de création. Les questions soulevées par Isabelle Attard sont donc au cœur de cet Automne numérique, qui se conclura jeudi par une journée de colloques et de discussions sur les enjeux du numérique comme outil de création. De même, la loi sur la création donnera suite au rapport sur l’acte II de l’exception culturelle. Je souhaite qu’elle intègre le numérique, à travers des outils comme le contrat d’édition numérique, qui doit permettre de retisser un lien de confiance entre les créateurs, les publics et les outils numériques.
En cette année où nous fêtons les dix ans de la loi sur le mécénat, permettez-moi de rappeler que la France possède l’un des systèmes les plus incitatifs. Je me suis personnellement engagée à préserver et à développer le mécénat à destination des particuliers ou des entreprises. Sans doute faut-il communiquer davantage sur les dispositifs existants qui leur permettent d’investir dans la culture.
Les partenariats public-privé (PPP) font partie de l’héritage laissé par les précédents gouvernements. C’est un modèle de construction budgétaire que je ne souhaite vraiment pas voir perdurer dans le domaine culturel. Un article a été adopté dans la loi sur la décentralisation, qui permet des délégations de compétences, soumises à accord de l’État, dans différentes matières souhaitées par les collectivités. Aujourd’hui, les relations entre le ministère de la culture et les associations représentatives des collectivités locales en matière culturelle fonctionnent bien. Ensemble, ils élaborent, au sein du Conseil des collectivités territoriales pour le développement culturel – qui va d’ailleurs être intégré ès qualités au sein du Haut conseil des territoires –, des politiques culturelles. Je souhaite que cette relation de confiance continue ainsi.
Je suis extrêmement vigilante s’agissant de la dévolution aux collectivités locales des bâtiments et du patrimoine national. On a vu, à travers l’exemple du château du Haut-Kœnigsbourg, sur quoi pouvait déboucher le transfert du Centre des monuments nationaux à une collectivité. Évidemment, dans de telles opérations, les collectivités demandent les éléments les plus rentables. Si l’on avait continué sur ce modèle, le Centre des monuments nationaux n’aurait plus eu à gérer que des monuments peu rentables, se retrouvant dans l’impossibilité de pratiquer une péréquation. La loi patrimoine, sans reprendre l’intégralité de la proposition de loi Legendre-Ferrat, en conservera l’esprit en disposant que tout acte de dévolution d’un patrimoine national devra être soumis à la Commission nationale des monuments historiques. En particulier, les monuments du CMN devront faire l’objet d’un avis conforme de cette commission. Autant dire qu’on verrouille le système pour préserver au maximum le périmètre du Centre des monuments nationaux, car c’est vraiment la mutualisation qui permet d’avoir des investissements harmonieux sur l’ensemble du territoire.
La redevance d’archéologie préventive ira à un compte d’affectation spéciale qui sera créé l’année prochaine. Ce compte offrira une totale transparence sur l’utilisation de la RAP. Jusqu’à présent, les difficultés de perception de cette redevance étaient liées à une défaillance de logiciel au sein du ministère du logement. Ce problème technique est en voie de résolution.
S’agissant, enfin, des parcours d’éducation artistique et de l’utilisation des œuvres du « 1 % logement », nous avons lancé, avec Vincent Peillon, l’opération « Un établissement, une œuvre » pour inciter l’implantation d’œuvres des fonds régionaux d’art contemporain (FRAC) dans des établissements scolaires, accompagnée d’un travail de médiation autour de ces œuvres. La rentrée 2014 sera marquée par une initiative, sous forme de journée nationale, par exemple, dédiée aux « œuvres du 1 % », dont près de 60 % sont installées dans des établissements scolaires. Voilà un formidable levier pour des actions de médiation. C’est ainsi qu’on construit les publics de demain, qu’on lutte contre les inégalités, qu’on participe à l’épanouissement et à l’enrichissement des élèves, voire qu’on fait émerger les créateurs de demain. En tout cas, cela constitue le terreau sur lequel développer une politique culturelle d’avenir, au niveau de l’État comme au niveau des collectivités locales. C’est pourquoi j’ai demandé, dans le cadre de la coordination des établissements publics d’enseignement supérieur Culture, que chaque établissement propose des modules de formation à la médiation et, plus largement, à la mise en œuvre d’actions dans le cadre de l’éducation artistique et culturelle. Former eux-mêmes les formateurs sera ainsi leur priorité.
M. le président Gilles Carrez. Merci, madame la ministre.
La réunion de la commission élargie s’achève à vingt-trois heures quinze.
Compte rendu de la commission élargie du mardi 5 novembre 2013
(Application de l’article 120 du Règlement)
Médias, livre et industries culturelles ;
Compte d’affectation spéciale « Gestion et valorisation
des ressources tirées de l’utilisation du spectre hertzien,
des systèmes et des infrastructures de télécommunications de l’État » ;
Compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public »
La réunion de la commission élargie commence à vingt-et-une heures cinq, sous la présidence de M. Dominique Baert, vice-président de la commission des finances, de M. Patrick Bloche, président de la commission affaires culturelles et de l’éducation, et de Mme Pascale Boistard, secrétaire de la commission des affaires étrangères.
M. Dominique Baert, président. Avec Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, et Pascale Boistard, qui remplace Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères, je suis heureux de vous accueillir, madame la ministre de la culture et de la communication, pour vous entendre sur les crédits du projet de loi de finances pour 2014 consacrés à la mission « Médias, livre et industries culturelles » et sur les deux comptes spéciaux qui y sont associés.
Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que, cette année, l’ensemble des missions serait discuté en commission élargie, procédure destinée à favoriser des échanges aussi interactifs que possible entre les ministres et les députés.
Selon les règles des commissions élargies, le rapporteur spécial et les rapporteurs pour avis prendront la parole les premiers pour une durée de cinq minutes, sous forme de questions. Après la réponse de la ministre, les porte-parole des groupes s’exprimeront à raison de cinq minutes chacun. Tous les députés qui le souhaitent pourront enfin interroger la ministre, la durée de leurs interventions étant limitée à deux minutes.
M. le président Patrick Bloche. Au-delà de l’examen des crédits, les trois rapporteurs pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation ont souhaité apporter une contribution sur des thématiques particulières. Stéphane Travers, rapporteur pour avis pour les crédits de l’audiovisuel et pour le compte spécial « Avances à l’audiovisuel public », s’est ainsi intéressé aux stations régionales de France 3 ; Rudy Salles, rapporteur pour avis pour les crédits de la presse, à la presse quotidienne régionale, et Brigitte Bourguignon, rapporteure pour avis pour les crédits du livre et des industries culturelles, à la politique de développement de la lecture publique. Je les remercie pour leur travail ô combien utile !
Je vous prie d’excuser les membres de notre commission qui, à partir de vingt et une heure trente, participeront dans l’hémicycle à la suite de la discussion des crédits de l’enseignement supérieur et de la recherche pour 2014. Les parlementaires n’ayant pas le don d’ubiquité, nous essayons de gérer au mieux ces deux débats concomitants !
M. Jean-Marie Beffara, rapporteur spécial. Il est proposé dans le présent projet de loi de finances d’inscrire à la mission « Médias, livre et industries culturelles » 869,6 millions d’euros en autorisations d’engagement et 815,9 millions d’euros en crédits de paiement, soit des baisses respectives de 9,3 % et 9,6 % par rapport à 2013. Cette année encore, la mission prend donc toute sa part dans la maîtrise des dépenses publiques.
Je limiterai mon propos à deux sujets, celui de l’audiovisuel public et celui de la presse. Les autres points sont traités dans mon rapport.
Commençons par l’audiovisuel public et par France Télévisions en particulier. Brutalisée par la réforme de 2009, France Télévisions n’en finit pas de subir les répliques de décisions inconséquentes et irresponsables prises par le précédent gouvernement, décisions pour le moins improvisées et inappropriées dans un contexte économique en pleine mutation.
Je tiens, madame la ministre, à saluer votre volonté de poursuivre le rééquilibrage du financement entre dotations budgétaires et contribution à l’audiovisuel public. La hausse de 50 millions d’euros de cette contribution, conformément aux dispositions de la loi de finances rectificative de 2008 qui l’indexait sur l’inflation, compense partiellement la diminution de la dotation budgétaire à France Télévisions, qui passe de 255 à 114 millions d’euros pour l’année 2014.
Tout en faisant participer le groupe public aux efforts d’économie budgétaire, ces mesures permettent de garantir sur le long terme la pérennité du financement de France Télévisions et son indépendance.
Au cours de mon travail, j’ai pu mesurer les efforts de France Télévisions pour clarifie la ligne éditoriale de France Ô et faire évoluer celle de France 4. Je nourris néanmoins quelques inquiétudes au sujet de France 2, dont les audiences, notamment en avant-soirée, ne reflètent pas les ambitions qu’on est en droit d’attendre d’une grande chaîne généraliste et familiale. Concernant France 3, il me semble nécessaire de mieux affirmer la vocation régionale de la chaîne.
J’ai été satisfait de constater une amorce de réduction de la masse salariale au cours de l’année 2013. Cette bonne nouvelle contraste néanmoins avec le sentiment que je peux avoir à l’égard de la gestion de France Télévisions. Il se révèle en effet extrêmement difficile de lire la trajectoire budgétaire du groupe. J’ai notamment rencontré des difficultés pour connaître l’impact de certaines mesures budgétaires engagées, en particulier le coût de l’accord social signé en mai 2013. À terme, je comprends bien que cet accord doit entraîner des économies, mais, à ce jour, il m’est impossible d’en mesurer le coût financier et d’en estimer les retombées positives.
Cela me conduit, madame la ministre, à vous poser une première question : serait-il possible de connaître dans le détail les efforts de gestion que France Télévisions a entrepris, et plus particulièrement le coût de l’accord social dont la presse s’est fait l’écho dernièrement ?
Si le bilan de France Télévisions est pour le moins contrasté en matière de maîtrise des coûts, Arte France a entrepris, depuis deux ans au moins, tout en maîtrisant ses coûts de gestion, un véritable travail sur les contenus, notamment numériques, qui a eu comme conséquence une amélioration continue de l’audience. La baisse de 2 millions d’euros des ressources allouées à la chaîne ne me paraît pas, de fait, des plus opportunes.
Ne craignez-vous pas, madame la ministre, que cette diminution de la dotation française n’entraîne une baisse symétrique de la dotation allemande, ce qui s’apparenterait pour Arte à une double peine ?
J’en viens maintenant aux aides à la presse.
L’année dernière, j’avais évoqué la nécessaire remise à plat d’un système d’aides hétéroclites et juxtaposées qui ne facilitait pas la lecture du dispositif et en altérait sans doute l’efficacité. Je salue donc votre volonté, annoncée en juillet dernier, d’engager une réforme visant à améliorer la cohérence et la gouvernance de cette politique publique. La fusion des trois sections du fonds stratégique et la valorisation de la mutualisation permettront, sans doute, une plus grande fluidité des aides et plus d’efficacité dans l’utilisation de l’argent public.
Au sujet des nombreux problèmes liés à la distribution et à la diffusion que j’ai identifiés au cours de mes auditions, les acteurs du secteur ont tous des idées très précises mais proposent des solutions qui ne sont pas toujours convergentes. Malgré les nombreux rapports – celui du groupe de travail animé par Roch-Olivier Maistre, celui du député Michel Françaix, ou encore celui de la Cour des comptes –, des désaccords subsistent. C’est pourquoi votre annonce de la nomination prochaine d’un médiateur pour réfléchir avec l’ensemble des acteurs de la filière à la complémentarité des modes de diffusion de la presse va dans le bon sens. Ce dialogue doit être l’occasion, pour les acteurs, de se rassembler pour mener une réflexion industrielle sur la filière, seul moyen pour sortir par le haut de la crise actuelle.
À ce sujet, je souhaite attirer votre attention sur deux points.
D’abord sur la fin du moratoire sur l’aide postale, qui est un des sujets les plus sensibles. Sa mise en œuvre risque de conduire à une augmentation de 10 à 15 % du tarif postal, notamment pour la presse magazine, ce qui, dans un contexte déjà défavorable, menace gravement l’économie de la filière. Je souhaite que le dialogue orchestré par le futur médiateur se déroule dans les meilleures conditions. Afin de faciliter cette médiation, une mission sur le mode de calcul des tarifs postaux appliqués à la presse ne pourrait-elle pas être confiée à une autorité indépendante ?
Ensuite, de plus en plus de diffuseurs de presse disparaissent alors que le service commercial de proximité qu’ils proposent est essentiel à la diffusion de la presse et au maintien de la vitalité de nos territoires. Chaque année, le fonds de modernisation pour les diffuseurs de presse, abondé à hauteur de 4 millions, se révèle insuffisant pour faire aux demandes, et les marges consenties par les éditeurs sont elles aussi trop faibles. Ces questions devront, me semble-t-il, être examinées lors de la médiation qui s’engagera au cours de l’année 2014.
Les changements que l’émergence de l’Internet a imprimés à nos habitudes et à nos usages ont bouleversé les secteurs de la presse écrite et de l’audiovisuel. Ceux-ci devront engager des réformes pour adapter leur modèle économique. Je souhaite saluer ici l’action et l’engagement du Gouvernement à leurs côtés. L’accompagnement des pouvoirs publics est en effet essentiel pour réussir à relever ces défis.
M. Stéphane Travert, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour l’audiovisuel et les avances à l’audiovisuel public. Permettez-moi tout d’abord, en tant que rapporteur pour avis des crédits du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public », de rendre hommage aux journalistes de Radio France internationale, Ghislaine Dupont et Claude Verlon. Ce soir, nous pensons à eux, à leurs familles et à leurs collègues de France Médias Monde.
Le Gouvernement a choisi la voie du dialogue et de la responsabilité afin que l’audiovisuel public participe lui aussi à l’effort national de redressement des comptes publics. Pour autant, il convient d’être attentif à ce que cet effort n’affecte pas ses missions essentielles de service public et ne remette pas en cause les stratégies défendues par chacune des sociétés composant l’audiovisuel public français.
En ce qui concerne France Télévisions, l’exercice 2013 fait apparaître des motifs de grande préoccupation.
Les ressources propres se présentent en retrait sensible, avec une perspective de moins-values publicitaires, à ce stade de l’année, de 15 millions voire de 20 millions d’euros, par rapport au budget. Ce recul s’explique par un contexte globalement défavorable et par certains choix éditoriaux de la direction. On ne peut également que déplorer la perte par France Télévisions de la diffusion du tirage du loto, qui représentera un manque à gagner de plus de 10 millions d’euros par an.
Quant aux ressources publiques, à la fin de l’année, elles pourraient être en retrait de 31 millions d’euros par rapport au budget, en raison du cumul de la réserve de précaution et d’un surgel sur la dotation budgétaire destinée à compenser la suppression de la publicité après vingt heures dans le service public depuis 2009.
Il convient de rappeler que le plan d’affaires du projet d’avenant 2013-2015 au contrat d’objectifs et de moyens (COM) 2011-2015 de France Télévisions, qui a reçu un avis favorable des commissions en charge des affaires culturelles de l’Assemblée nationale et du Sénat, prévoit pour 2013 l’attribution à l’entreprise de l’intégralité des crédits votés en loi de finances initiale pour 2013, soit 2 501,8 millions d’euros. Madame la ministre, pouvez-vous indiquer quel pourrait être le sort de ces 31 millions d’euros gelés ?
Dans un contexte budgétaire pourtant contraint, le Gouvernement a décidé d’accorder à France Médias Monde les moyens nécessaires à l’enrichissement des grilles de programme, d’une part ; à la consolidation des antennes dans les zones d’influence prioritaires au Maghreb, en Afrique et au Moyen-Orient, d’autre part. Je m’en félicite, car les échos que nous avons de la gestion de l’entreprise par Mme Marie-Christine Saragosse sont excellents.
Cependant, afin que le Parlement puisse avoir une vision précise de la stratégie, des objectifs et des moyens mis en œuvre, dans quels délais pensez-vous pouvoir nous présenter un contrat d’objectifs ? L’adoption d’un COM, très attendue, aura également pour effet de nous permettre d’entendre la présidente lors de l’audition annuelle consacrée à l’exécution du contrat.
J’ai souhaité consacrer la partie thématique de mon rapport pour avis à la question de l’offre régionale du service public audiovisuel France 3.
Le projet d’avenant au COM de France Télévisions souligne à juste titre le caractère très limité de l’offre de service public régionale et locale, et la nécessité d’une réforme en profondeur de l’offre régionale de télévision publique. Je me réjouis vivement, et de nombreux collègues avec moi, que vous ayez décidé d’engager une réflexion poussée sur ce que doit être l’avenir de l’offre régionale de France 3, dans l’objectif d’apporter une réponse durable à cette question. À cet effet, vous avez confié une mission à Mme Anne Brucy. Pouvez-vous nous en dire plus sur la mise en place et le calendrier des travaux de cette mission ?
Élément fondamental de différenciation, car par définition ignoré des chaînes commerciales faute de rentabilité, l’exercice de la mission de proximité et de présence territoriale constitue un objectif incontestable du service public. Cette mission est d’autant plus nécessaire que les autres médias locaux – presse quotidienne régionale et chaînes locales privées – traversent une crise si grave que leur pérennité ne paraît pas garantie.
Pour son offre régionale de service public audiovisuel, la France a historiquement fait le choix d’un modèle très centralisé de chaîne nationale avec des fenêtres régionales : la chaîne des territoires. Alors même qu’un réseau de proximité mobilise nécessairement des moyens importants, les programmes dits « régionaux » sont diffusés dans des créneaux très limités et difficilement accessibles, qui ne leur permettent pas de rencontrer le public de manière satisfaisante.
Le moment est venu de refonder France 3, de retrouver la véritable identité de cette chaîne qui doit s’ouvrir sur nos territoires. Faute de réforme, se posera rapidement la question de l’existence d’un réseau de proximité et, plus largement, de la spécificité de l’offre du service public. Je propose d’inverser la logique actuelle et de faire de France 3 une chaîne régionale avec des décrochages nationaux, sur le modèle du réseau France Bleu, qui a su démontrer sa capacité à porter un modèle de proximité pérenne.
M. Rudy Salles, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour la presse. Vous le savez, madame la ministre, la presse écrite est engagée dans une spirale préoccupante. Les évolutions récentes montrent même une amplification de la crise qui laisse craindre les plus graves difficultés.
Lors de la campagne présidentielle, le Président de la République s’était engagé à « remettre totalement à plat les aides à la presse ». « Entendons-nous bien, » avait-il précisé, « il ne s’agit pas de les remettre en cause, mais de mieux les cibler vers le lecteur citoyen. » Force est de constater que vous proposez tout le contraire : les aides sont remises en cause dans leur montant sans être réformées ni même ciblées sur la presse citoyenne.
Dans le dossier de presse qui accompagne le projet de loi, vous indiquez que « la réforme des aides à la presse se met en place dès 2014 avec pour objectif de mieux accompagner les mutations rapides du secteur et de renforcer le ciblage des aides ». Cette affirmation est pour le moins surprenante car, hormis la fusion des trois sections du fonds stratégique, mesure de simplification certes bienvenue, je ne vois aucune réforme dans le présent projet de budget. Les indicateurs du programme le montrent clairement : rien n’est fait pour renforcer le ciblage des aides.
Rien n’est fait non plus pour « mieux accompagner les mutations rapides du secteur ». Pis, la diminution importante des aides se traduira inéluctablement par des arrêts de titres et des suppressions d’emplois.
Le projet de loi de finances prévoit en particulier une diminution brutale de l’aide au transport postal dans un contexte de fragilité extrême du secteur. Madame la ministre, quelle étude d’impact avez-vous réalisé avant de mettre fin au moratoire ?
À ce propos, je note que vous évacuez vers la mission « Économie » les crédits de l’aide postale, en diminution de 40 % alors qu’ils représentent la principale aide à la presse. Si ce n’est par les impératifs d’affichage des crédits de votre ministère, comment justifiez-vous ce revirement par rapport à la loi de finances pour 2013 ?
Dans le même temps, le soutien au portage régresse encore. En deux ans, la diminution atteint 20 %. Alors que le Président de la République s’est engagé à maintenir cette aide cruciale à 37,6 millions jusqu’en 2015, elle a été ramenée après les mesures de gel budgétaire à 28,3 millions d’euros en 2013, ce qui correspond à une diminution de 37 % par rapport à 2012 ! Madame la ministre, pouvez-vous confirmer que le montant de l’aide au portage pour 2013 sera conforme aux engagements pris par le Président de la République ?
En ce qui concerne l’accompagnement à la mutation numérique, la presse en ligne reste pénalisée par un taux de TVA de 19,6 %, qui passera à 20 % à compter de janvier prochain. À quelle échéance vous engagez-vous à ramener ce taux à 2,1 % ?
Le fonds stratégique pour le développement de la presse est présenté comme une « priorité budgétaire ». Madame la ministre, peut-on vraiment parler de priorité budgétaire s’agissant d’une aide dont 35,8 % des crédits sont gelés en 2013 et dont le montant a été réduit de plus de 20 % en deux ans ?
J’ai souhaité, dans le cadre de mon avis, faire un point sur la situation de la presse quotidienne régionale. Mon analyse fait apparaître que le système des aides à la presse n’est pas du tout favorable à cette famille de journaux, qui sont pourtant le premier vecteur d’information citoyenne et de proximité du pays.
Je me contenterai de quelques chiffres. L’Humanité, La Croix et Libération touchent respectivement 48, 32 et 27 centimes d’aide par exemplaire, Le Monde et Le Figaro 19 et 17 centimes, les hebdomadaires d’information politique entre 20 et 30 centimes. Les aides à la presse quotidienne régionale sont d’un niveau très inférieur, puisqu’elles se situent entre 4 et 7 centimes selon les titres. Fait remarquable, les titres de la presse quotidienne régionale sont moins aidés que les magazines de télévision. Comment comptez-vous remédier à cette répartition inéquitable des aides ?
Je montre également que les modalités de calcul de l’aide au portage sont inutilement complexes et provoquent des distorsions contraires à l’équité. Quelles mesures envisagez-vous pour rendre cette aide lisible et équitable ?
Que pensez-vous de l’idée de remplacer l’aide postale et l’aide au portage par une aide globale à la distribution, versée directement aux éditeurs et réservée à la presse d’information politique et générale ?
Enfin, vous avez l’an dernier supprimé brutalement l’opération « Mon journal offert ». Où en est votre réflexion sur la mise en place d’un nouveau dispositif d’accompagnement pour conquérir le lectorat jeune, défi majeur pour la presse ?
Mme Brigitte Bourguignon, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles, pour le livre et les industries culturelles. Étant donné le temps qui m’est imparti, je ne présenterai que les grandes lignes des crédits du programme 334 « Livre et industries culturelles ». Si, dans un contexte budgétaire contraint, celui-ci connaît une légère diminution – de l’ordre de 2 % – de ses crédits de paiements, il faut néanmoins souligner que l’essentiel des actions est préservé et que la majeure partie des subventions sont reconduites.
Le programme comprend deux actions. La première, « Livre et lecture », a pour objectif de favoriser le développement de la création littéraire, d’encourager la pratique de la lecture et de soutenir la chaîne du livre. Ce soutien passe par un opérateur de l’État, le Centre national du livre (CNL), dont le budget s’élèvera à 36,4 millions d’euros en 2013. Le CNL est chargé d’encourager la création, l’édition et la diffusion des œuvres littéraires et scientifiques. Ses actions ont été réorientées en faveur du développement numérique.
Le soutien à la chaîne du livre est marqué cette année par l’annonce d’un ambitieux plan d’aide à la librairie, ce dont je me félicite. Ce plan cible les aides vers deux domaines où les demandes sont les plus importantes : les besoins ponctuels de trésorerie des libraires et la transmission des fonds de commerce.
Alors qu’ils rencontrent aujourd’hui beaucoup de difficultés pour accéder au crédit bancaire, les libraires pourront, via l’Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC), disposer d’un fonds d’avances de trésorerie.
Quant aux transmissions de commerces, le fonds de soutien à la transmission, créé en 2008 et géré par l’Association pour le développement de la librairie de création (ADELC), sera renforcé. En effet, nombre de libraires partiront prochainement en retraite.
S’agissant de la valorisation et de l’encouragement à la pratique de la lecture, l’État soutient un maillage dense de bibliothèques sur tout le territoire et joue un rôle pilote par l’intermédiaire de deux bibliothèques nationales : la Bibliothèque nationale de France (BNF) et la Bibliothèque publique d’information (BPI).
Deux opérations mobilisent les crédits de la BNF.
La première est la rénovation du quadrilatère Richelieu. Pour cette opération estimée à 217,8 millions d’euros, 10,2 millions d’euros sont budgétés en 2014. Le programme « Livre et industries culturelles » participera à hauteur de 141,5 millions d’euros, le reste étant financé par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche. Je déplore que les dépenses de ce projet progressent régulièrement, notamment en raison de travaux imprévus de désamiantage. Prévu initialement à 211 millions d’euros en 2011, le montant global a augmenté de plus de 6 millions d’euros.
La seconde opération est la numérisation des œuvres détenues dans les collections de la BNF afin de les rendre accessibles au plus grand nombre. En juillet 2012, le projet « Gallica » en était à 1,8 million d’ouvrages numérisés.
La BPI bénéficie quant à elle d’une subvention pour charges de service public stable, à hauteur de 7 millions d’euros pour 2014. Depuis 2011, elle a engagé une démarche de rationalisation de ses dépenses, ce qui lui a permis un retour à l’équilibre budgétaire.
La seconde action de ce programme, « Industries culturelles », finance les politiques transversales en faveur du développement des industries culturelles, dont le cinéma, le jeu vidéo et la musique enregistrée, ainsi que la lutte contre le piratage des œuvres culturelles en ligne, par l’intermédiaire d’une autorité publique indépendante, la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (HADOPI). La forte diminution des crédits de paiement de cette action, de l’ordre de 15,3 %, est liée à la baisse de la subvention versée à la HADOPI. Elle ne doit pas occulter la reconduction des crédits en faveur de la musique enregistrée, du cinéma et du jeu vidéo : 1,8 million d’euros seront consacrés à la création musicale et 2,6 millions au secteur du cinéma.
En conclusion, madame la ministre, je souhaite vous interroger sur le plan de soutien à la librairie. Une partie des crédits du CNL, nous le savons, sera redéployée dans cette direction. Pourriez-vous néanmoins nous présenter plus en détail la répartition de ces crédits entre les mesures actées et les mesures à venir ? Dans le cadre de ce plan, quelle est la position du ministère quant à la situation des librairies « Chapitre » et à leur possible transformation en réseau de librairies indépendantes ?
M. Jean-Jacques Guillet, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour l’action audiovisuelle extérieure. Au moment d’aborder l’examen des crédits de l’action audiovisuelle extérieure, vous me permettrez d’avoir une pensée pour les deux journalistes, Ghislaine Dupont et Claude Verlon, qui ont trouvé la mort dans l’accomplissement d’un travail exemplaire de ce que peut être l’audiovisuel extérieur.
Il est incontestable que l’audiovisuel extérieur de la France, sous sa nouvelle appellation, France Médias Monde, se porte mieux depuis un an. L’audience cumulée hebdomadaire de TV5 Monde dépasserait 33 millions de téléspectateurs. Les audiences cumulées hebdomadaires s’élèvent à 45 millions de téléspectateurs pour France 24, à 40 millions d’auditeurs pour RFI, dont 25 millions en Afrique francophone, où elle constitue le média de référence, et à 8 millions pour MCD. Bien que moins connue en France, cette dernière chaîne a une influence très importante au Liban, en Syrie, en Égypte, dans les territoires palestiniens ou en Irak. Cependant, ces sociétés doivent affronter la concurrence de chaînes européennes à vocation internationale, notamment celle de la Deutsche Welle, qui toucherait 90 millions d’auditeurs, et celle évidemment de la BBC World Service, dont l’audience hebdomadaire s’élèverait à 192 millions de personnes.
France 24 souhaiterait opérer un « décrochage » de quelques heures en espagnol, afin d’accéder vraiment à l’Amérique latine, marché émergent dont l’importance n’est pas niable. L’Asie, région la plus peuplée et la plus dynamique au monde, mais très hétérogène au plan audiovisuel, pourrait constituer une autre priorité. RFI, quant à elle, voudrait développer une offre en bambara, langue parlée au Mali. On pourrait également souhaiter une présence de Monte Carlo Doualiya en France, où certains publics suivent d’autres médias en langue arabe, dont les messages et les valeurs peuvent parfois susciter des interrogations. Dans cette perspective, une diffusion de France 24 sur notre territoire serait également utile, par exemple en Ile-de-France sur la TNT. Pourriez-vous nous dire, madame la ministre, quelles suites seront données à ces projets ?
France Médias Monde, ex-AEF, a traversé une profonde crise de confiance et de gouvernance. La page semble tournée depuis l’arrêt de la fusion des rédactions et la nomination de Marie-Christine Saragosse en octobre 2012. Le climat social paraît s’être apaisé et toutes les opérations de déménagement et de réaménagement, qui avaient été très contestées, seraient achevées ou en passe de l’être. Partagez-vous le sentiment que la société semble maintenant être remise en ordre de marche ?
Reste la question de la convergence sociale au sein de l’entreprise. Les statuts sont en effet très différents à France 24, RFI et MCD. Pensez-vous que l’entreprise peut se permettre une harmonisation par le haut ? La Cour des comptes estimait le coût de la convergence à environ 4 millions : qu’en pensez-vous ?
Après deux échecs sous la précédente direction, pouvez-vous nous confirmer que le contrat d’objectifs et de moyens est enfin sur le point d’aboutir ?
Avec 1,6 million d’euros supplémentaires pour France Medias Monde, pour un total de 240,3 millions, 1,2 million supplémentaire pour TV5 Monde, pour un total de 76,2 millions, les crédits demandés pour 2014 sont très légèrement en hausse, ce qui est significatif dans un contexte budgétaire contraint. France Médias Monde espérait, pour sa part, au moins 6 millions d’euros de dotations publiques supplémentaires sur la période du COM pour financer ses projets de développement, en plus de ses propres économies et des redéploiements internes. Pouvez-vous nous dire, madame la ministre, quelles sont les perspectives au-delà de 2014 ?
M. le président Patrick Bloche. S’agissant des crédits de France Télévisions, il est incontestable que nous payons aujourd’hui le prix fort de la décision irresponsable, prise en 2008, de supprimer brutalement la publicité après vingt heures, ce qui provoque la perte de 450 millions d’euros de recettes publicitaires en soirée. C’est depuis cette date que l’État est sollicité, alors que les ressources de France Télévisions ne provenaient jusqu’alors que de la redevance et des recettes publicitaires.
Par ailleurs, je voudrais me faire l’écho des préoccupations exprimées par plusieurs de nos collègues sur deux points précis. Certains, notamment au sein de la commission des affaires étrangères, m’ont alerté sur la cessation des activités de l’Agence internationale d’images de télévision, l’AITV, frappée par un plan de départs volontaires concernant vingt-huit journalistes. Selon la direction, le déficit de l’Agence s’élèverait à 3,5 millions d’euros à la charge de France Télévision. L’entreprise indiquant cependant souhaiter que « le service rendu par l’Agence aux cinquante télévisions partenaires soit maintenu à travers un changement d’opérateur propre à lui offrir des perspectives nouvelles », ne faudrait-il pas envisager un transfert à France Médias Monde des activités de l’AITV ?
Enfin, le prélèvement de 20 millions d’euros sur la trésorerie de l’INA prévu par le projet de budget ainsi que l’ajournement de 55 millions d’euros de dotation que l’État s’était engagé à verser pour la réalisation d’un projet immobilier déjà ancien suscitent également l’inquiétude. Ne faudrait-il pas profiter de la négociation d’un nouveau COM l’année prochaine pour réfléchir à l’engagement d’un nouveau projet immobilier adapté aux nouvelles missions de l’INA à l’ère numérique ?
Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication. Vous avez souligné, monsieur Beffara, que le budget de la communication participait à l’effort de redressement des comptes publics. Je tiens néanmoins à souligner que certaines baisses ont un caractère purement facial puisqu’elles traduisent des transferts de crédits ou la fin de certains projets.
S’agissant de France Télévisions, nous voulons garantir l’indépendance de son financement en faisant reposer celui-ci sur des ressources propres plutôt que sur des subventions publiques. C’est la raison pour laquelle la baisse de 140 millions d’euros de la subvention de l’État est compensée par une hausse de la redevance, à hauteur de 134 millions d’euros. Il est beaucoup plus sain de financer l’audiovisuel public par la redevance, qui est une ressource moderne, dynamique, socialement juste et indépendante des aléas budgétaires.
En ce qui concerne l’identité des chaînes, J’ai tenu à préserver, dans le cadre des négociations autour de l’avenant au COM, la variété de l’offre de chaînes de France Télévisions, un des atouts de l’entreprise. J’ai confié à Anne Brucy, directrice régionale de France 3 Nord-Pas-de-Calais et ancienne directrice du réseau France bleu, le soin de réfléchir à l’avenir de France 3. Cette mission se mettra en place très prochainement et devrait achever ses travaux en mai 2014. Elle aura notamment à réfléchir sur la préservation de l’identité régionale de la chaîne.
S’agissant des missions de service public de France Télévisions, ma position n’a pas varié et elle est très claire : l’effort de 1,7 % sur trois ans demandé à l’entreprise devra être réalisé via une réorganisation en profondeur de l’entreprise et non au prix d’une remise en cause des missions fondamentales du service public de l’audiovisuel. C’est la raison pour laquelle, par exemple, nous avons maintenu le taux de 20 % de soutien à la création audiovisuelle ou de 3,5 % de soutien au cinéma.
L’accord salarial signé en mai 2013 au sein de l’entreprise était attendu depuis longtemps par des salariés jusqu’alors soumis à cinq statuts différents. Ces salariés relèveront désormais d’un statut unique, qui devrait faciliter le travail en équipes et permettre de réaliser des économies. En outre, cette nouvelle convention collective prend en compte l’évolution des métiers. Elle permettra enfin d’homogénéiser les évolutions salariales et d’harmoniser les temps de travail. Une telle évolution était souhaitable dans l’intérêt des salariés comme de l’entreprise et c’est la raison pour laquelle j’avais encouragé l’entreprise à avancer dans la voie du dialogue social.
S’agissant du dégel de la dotation budgétaire de 31 millions d’euros, nous y travaillons, monsieur Travert, et j’espère pouvoir vous l’annoncer très prochainement. Ce dégel est évidemment une condition sine qua non de la signature de l’avenant au COM.
Vous vous êtes inquiété, monsieur Salles, des difficultés engendrées par l’arrêt progressif du moratoire sur les aides postales et de la situation difficile des diffuseurs de presse. L’année dernière déjà, j’avais veillé à ce que ces derniers, qui avaient souffert de difficultés d’une gravité particulière, notamment du fait des grèves, bénéficient d’une aide exceptionnelle. Cette aide est maintenue cette année à hauteur de 4 millions d’euros. Il faut souligner la nécessité impérieuse d’augmenter la rémunération des diffuseurs de niveau 3. Il est en effet inacceptable que ces diffuseurs soient parmi les moins rémunérés d’Europe alors que notre pays soutient fortement la diffusion de la presse dans son ensemble.
S’agissant du moratoire sur l’aide au transport postal, une médiation entre l’État, la presse et la Poste doit être mise en place d’ici à quelques jours. Plutôt que d’attendre 2015 et la fin du moratoire prévu par les « accords Schwartz », ce qui aurait entraîné une hausse brutale des tarifs postaux, j’ai préféré anticiper et ménager une transition en douceur en lissant la hausse sur deux ans. En tout état de cause, l’ensemble de la hausse n’est pas imputable à ce gouvernement. Pour la presse à faibles ressources publicitaires, la hausse sera de 4 % au lieu des 2,3 % prévus, soit une différence de 1,7 point. Pour la presse d’information politique et générale, elle sera de 8 % au lieu de 4,3 %, et pour la presse spécialisée elle sera de 11 % au lieu de 6 %.
C’est dans un objectif de transparence et de clarté que les crédits de l’aide postale ont été rapatriés au ministère des finances, et c’est la raison pour laquelle la mission de médiation impliquera les deux ministères. Je suis en outre tout à fait favorable à ce que la médiation se penche sur la question des modalités de calcul de l’aide au portage.
En gros, monsieur Salles, vous nous reprochez de ne pas avoir véritablement engagé la réforme des aides à la presse prévue dans le programme de François Hollande. Dois-je vous rappeler que j’ai réuni l’ensemble des acteurs de la presse dès mon arrivée au ministère de la culture, avant de charger un groupe d’experts, piloté par Roch-Olivier Maistre, de me faire des propositions dans ce domaine ? Ce groupe de travail préconisait notamment l’application d’un taux de TVA super-réduit à l’ensemble de la presse, sans opérer de distinction entre la presse d’information politique et générale et la presse spécialisée. Cette mesure, qui a l’avantage d’éviter l’usine à gaz, me semble pertinente pourvu qu’elle soit assortie d’exigences très fortes en matière de mutualisation, de modernisation, de rémunération du niveau trois ou d’avancées sociales au bénéfice des diffuseurs et des vendeurs colporteurs de presse.
Ce taux super-réduit devrait d’ailleurs profiter aussi à la presse en ligne. Notre pays étant déjà poursuivi par Bruxelles pour l’application d’un taux réduit de TVA au livre numérique, le Gouvernement a choisi la voie de la négociation, mais si la Commission ne bouge pas, nous irons plus loin en 2014.
Les soutiens versés par le fonds stratégique pour le développement de la presse ont été ciblés pour aller en priorité vers les actions en faveur de la modernisation de la presse et de la mutualisation des opérations.
Le modèle de la PQR est très différent de celui du reste de la presse, monsieur Salles. Cette presse est en particulier beaucoup plus portée et beaucoup moins postée. Elle bénéficie donc du maintien de l’aide au portage, dont les crédits s’élèvent à 36 millions d’euros. Même si nous souhaitons mieux orienter l’aide au portage qui, aujourd’hui, subventionne surtout le stock, nous avons fait le choix clair de la développer, à la condition qu’elle s’accompagne d’une mutualisation.
Le fonds d’aide au pluralisme a été maintenu à hauteur de 11 millions d’euros. Ce fonds relevant de l’exercice de prérogatives démocratiques, j’ai souhaité qu’il ne soit pas soumis au fonctionnement paritaire qui est de règle pour tous les autres dispositifs d’accompagnement de la presse.
Vous voyez que les efforts budgétaires s’accompagnent de choix stratégiques et industriels clairs en faveur de la poursuite de la restructuration industrielle de la distribution, de la modernisation, de l’innovation et de la mutualisation, et de la préservation du soutien au pluralisme de la presse. Tous ces choix constituent une réforme des aides à la presse, fondée sur plusieurs piliers : des mesures budgétaires, un très important volet fiscal et une réforme de la gouvernance. J’ai parlé du « malus », de la conditionnalité sociale, et j’ai évoqué le statut des vendeurs colporteurs de presse. Dans le secteur du photojournalisme, qui connaît une crise financière sans précédent, j’ai confié à Francis Brun-Buisson une mission de médiation entre les éditeurs de presse, les agences de presse et les photographes.
J’ai en outre donné aux collectivités locales la possibilité d’exonérer les marchands de journaux de la contribution économique territoriale. Quant à la loi Bichet, nous devons renforcer les pouvoirs de l’Autorité de régulation de la distribution de la presse (ARDP) afin de résoudre la question du financement du « dernier kilomètre ».
J’en viens à la politique du livre. Le nouveau directeur du Centre national du livre a récemment pris ses fonctions. Dès aujourd’hui, le conseil d’administration a voté un prélèvement sur le fonds de roulement du CNL, qui va permettre le financement des 9 millions d’euros du plan en faveur de la librairie indépendante : 5 millions d’euros iront à l’Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC) – pour aider les libraires en difficulté conjoncturelle –, les 4 autres millions d’euros transiteront par l’Association pour le développement de la librairie de création (ADELC) – pour aider à la reprise des librairies. Dans ce dernier cas, certaines librairies Chapitre pourront être concernées, même si l’État n’a pas à assumer les responsabilités du fonds de pension américain qui gère le groupe Actissia. J’ai demandé à toutes les DRAC de suivre la situation des 57 librairies Chapitre afin de prévoir un accompagnement éventuel des repreneurs potentiels. En outre, le CNL apportera une aide directe aux librairies indépendantes de 2 millions d’euros, soit 8 % de l’ensemble du budget. Je vous rappelle enfin que les éditeurs se sont engagés à financer ce plan à hauteur de 7 millions d’euros.
En ce qui concerne la hausse du coût des travaux du quadrilatère Richelieu de la BNF, estimée à 3 %, le montant passant de 211 millions d’euros estimés à 217 millions d’euros actuellement, il est imputable à la découverte de plomb et d’amiante sur le chantier.
Je remercie Jean-Jacques Guillet d’avoir souligné le travail remarquable de Marie-Christine Saragosse à la tête de France Médias Monde. J’ai tenu à ce que la France honore ses engagements internationaux : aussi le budget de TV 5 augmente-t-il de 1,6 %, soit 1,2 million d’euros, et celui de France Médias Monde de 1,7 million d’euros. Cet effort marque l’attachement du Gouvernement pour RFI, France 24, Monte Carlo Doualiya. France 24 va bénéficier d’une fréquence TNT en Île-de-France à certaines heures, l’appel d’offres devant être lancé ces tout prochains jours.
Patrick Bloche s’est demandé si l’Agence internationale d’images de télévision (AITV) ne devrait pas être logée à France Médias Monde. En tant que fournisseur d’images pour l’Agence française de coopération médias (CFI), l’AITV se trouve confrontée à deux difficultés : l’une sur le métier lui-même et l’autre sur l’orientation de CFI vers la formation des professionnels africains aux métiers de l’audiovisuel, bien plus que vers la fourniture aux pays africains d’images produites en France. Nous avons donc pris cette décision puisque l’AITV n’était pas au cœur des missions de France Télévisions ; reste que pour les 28 salariés de l’AITV, seuls des départs volontaires sont prévus pour une réorientation vers d’autres entités du groupe France Télévisions.
Le cas de l’INA n’est pas assimilable à celui du CNC dont le fonds de roulement doit assurer automatiquement le soutien des productions qui ont réalisé de nombreuses entrées. Pour l’INA, une réserve de trésorerie de 50 millions d’euros a été constituée en vue de la réalisation d’un projet immobilier auquel l’État devait contribuer à hauteur de 55 millions d’euros. La question à se poser est celle de la mise en sécurité des réserves de l’INA notamment face à certains risques naturels. De la même manière, pour le Louvre, il aurait fallu mobiliser les réserves de presque tous les musées d’Ile-de-France pour financer un projet de 400 millions d’euros destiné à parer à une menace d’inondation. J’ai réorienté le projet pour un budget bien plus réduit. Pour en revenir à l’INA, il n’est pas envisageable que l’État finance un projet immobilier dont on ignore la pertinence, cela à hauteur de 55 millions d’euros. Il est dès lors tout à fait possible d’effectuer un prélèvement de 20 millions d’euros sur le fonds de roulement, d’autant que les missions de l’INA ne seront en rien atteintes. Le fonctionnement de celui-ci ne sera absolument pas perturbé, car le budget ne diminue pas.
Mme Martine Martinel. En 2014, les financements publics permettront à la mission « Médias, livre et industries culturelles » de rester fidèle aux principes qui fondent le dispositif français : démocratisation, pluralisme, préservation de la diversité et qualité de la création.
Dans un environnement fortement concurrentiel où la nécessité de s’adapter aux bouleversements technologiques et aux nouveaux modes de consommation est un impératif, les défis auxquels les médias, le livre et les industries culturelles doivent faire face sont nombreux. L’État doit repenser son intervention avec pour objectif essentiel de garantir le rayonnement et la pérennité de notre modèle culturel tout en accompagnant la modernisation de ces secteurs. Il doit préserver le pluralisme et la neutralité, aider les acteurs de secteurs en difficulté, garantir la diversité de la création et sa diffusion auprès du plus large public, protéger enfin notre exception culturelle. Or le PLF pour 2014 signe précisément le retour de l’État stratège dans le domaine culturel.
Certes, dans un contexte budgétaire contraint, financer ces priorités nécessite de faire des choix. Sur ce point, si le budget du ministère prend sa part d’efforts nécessaires, il faut la relativiser, notamment par rapport aux budgets culturels de nos voisins européens. La culture, pour ce gouvernement, n’est donc pas la variable d’ajustement comme d’aucuns le prétendent.
Le système des aides à la presse se devait d’être réformé, en raison de sa complexité, de son problème de gouvernance et de la nécessaire évolution numérique – ainsi le taux de TVA super-réduit de 2,1 % dont bénéficie la presse est-il maintenu et l’engagement a-t-il été pris non seulement d’étendre cette baisse à la presse numérique, mais encore de porter cette demande au niveau européen dès 2014. La modernisation du secteur passe également par une consolidation du fonds stratégique pour le développement de la presse, maintenu pour l’exercice 2014 qui marquera également le début d’une étape importante de modernisation du modèle économique de l’AFP avec la mise en place du nouveau COM. La mission parlementaire confiée par le Premier ministre à notre collègue Michel Françaix vise à faire de cet opérateur historique, une agence moderne, fortement intégrée dans le paysage européen.
Par ailleurs, les moyens consacrés à la politique du livre et de la lecture sont également consolidés avec des autorisations d’engagement en hausse. Vous affirmez ainsi, madame la ministre, votre soutien au développement et à la création littéraire, ainsi qu’à la promotion et à la diffusion la plus large possible du livre et des pratiques de lecture. Le soutien à notre réseau de librairies indépendantes comme l’accompagnement des projets de développement numériques sont des axes forts de la politique ministérielle en faveur du livre et de ses usages.
En ce qui concerne l’audiovisuel public, les grands objectifs stratégiques de France Télévisions et de France Médias Monde ont été redéfinis afin de préserver la capacité de l’audiovisuel public à assurer ses missions et à conforter la place du secteur public au sein du paysage audiovisuel français. Un nouvel équilibre se traduit pour France Télévisions, dans son projet d’avenant 2013-2015 au COM, par la confirmation d’une volonté de clarté, d’une stratégie ambitieuse d’affirmation de la spécificité du service public, par la valorisation de la création au cœur de l’entreprise et par la volonté de s’adresser à tous les publics. À charge pour France Télévisions de redonner une identité forte à chacune de ses chaînes.
La relance de l’audiovisuel extérieur de la France par une dotation publique en hausse de 0,7 % est la garantie de la cohérence et de l’efficacité de la politique audiovisuelle extérieure française. Cette hausse lui permet de rivaliser avec les autres grands médias internationaux et d’affirmer la présence et l’influence françaises et francophones dans le paysage audiovisuel.
Vous avez réussi à préserver, malgré une très légère baisse de crédits, le soutien à nos radios associatives qui jouent un rôle de proximité auquel nous sommes tous attachés.
Ce budget est celui de la pérennité de notre modèle d’exception et de sa démocratisation. Il permet d’offrir à chacun une source d’ouverture sur le monde, un moyen de dialogue. Le voter s’impose donc.
M. Franck Riester. Je saisis cette occasion pour confronter une nouvelle fois les engagements pris par François Hollande dans les mois précédant son arrivée aux responsabilités à la réalité de la politique menée par son gouvernement.
En janvier 2012, M. Hollande déclarait : « Le budget de la culture sera sanctuarisé pour tout le quinquennat. » Cet engagement est piétiné pour la deuxième année consécutive : le budget du ministère de la culture, qui a déjà diminué de 2 % en 2013, doit à nouveau baisser de 2 % en 2014. Quant aux crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles », ils baisseront de 16,4 %. Cela pose un grave problème de crédibilité de la parole présidentielle.
L’État se désengage et se défausse sur ses opérateurs, par le prélèvement sur la trésorerie des grands musées et institutions culturelles, par la ponction des fonds de roulement du CNC ou de l’INA. Il y a plus inquiétant encore : les budgets sont coupés, les projets abandonnés avant même la définition de projets alternatifs.
Faute d’une stratégie claire, la critique et l’abandon des actions engagées par Nicolas Sarkozy ont d’abord tenu lieu de seule politique. Après avoir abandonné le Centre national de la musique ; après avoir revu à la baisse les pouvoirs de sanction de la HADOPI pourtant saluée pour son action pédagogique dans la lutte contre le téléchargement illégal ; après, enfin, être revenu sur la réforme de l’audiovisuel de 2009, nous attendons toujours la moindre présentation d’une politique alternative.
Mais cette année vous ne pourrez plus vous cacher derrière votre slogan marketing de l’acte II de l’exception culturelle. Pendant un an, vous avez prétexté l’attente des conclusions de la mission Lescure pour remettre à plus tard la moindre décision. Six mois après la sortie du rapport, quelles suites y ont été données ? Sur les 500 pages du rapport, seule une ligne a été mise en œuvre : la suppression de la sanction consistant à couper l’accès à internet dans le cadre de la réponse graduée. Pour le reste, nous avons assisté au lancement d’une multitude de missions – certes intéressantes –, nouveau prétexte pour reporter toute décision.
Dans cette saignée budgétaire, l’audiovisuel public fait particulièrement figure de variable d’ajustement. Prenons le cas de France Télévisions : par la réforme de 2009, nous avions permis aux Français d’avoir accès à un service public de meilleure qualité grâce à la suppression de la publicité en soirée tout en compensant budgétairement le manque à gagner, et nous avions préconisé un grand plan de réforme qui aurait dû permettre, à terme, des économies substantielles qui aujourd’hui font défaut. Faute d’avoir eu le courage de continuer dans le sens de la réforme, vous êtes grandement responsables de la situation dans laquelle se retrouve l’entreprise.
Pis : depuis que François Hollande est Président de la République, vous avez divisé chaque année par deux la subvention de l’État à France Télévisions – elle est passée de 452 millions d’euros en 2012, à 256 millions en 2013, et ne devrait plus atteindre que 114 millions en 2014. Comment pouvez-vous dès lors, sans coup férir, demander des comptes à France Télévisions sur ses difficultés financières ? Même si l’on peut comprendre la nécessité de demander à chaque opérateur public de contribuer à l’effort global de redressement des comptes, ce qui est choquant, voire scandaleux, c’est que ces coupes sont réalisées sans stratégie avec des conséquences gravissimes à moyen et long terme sur la qualité des missions de service public.
S’ajoute la mise en place, à travers la loi sur l’indépendance de l’audiovisuel, d’une double gouvernance nécessairement contre-productive. Cette loi confie au CSA le pouvoir de nomination des présidents des sociétés nationales de programme, créant de fait un mélange des genres qui n’existe dans aucun autre secteur. Le fait que la semaine dernière le CSA ait annoncé la convocation, tous les quinze jours, de représentants de France télévisions pour leur demander des comptes sur le fonctionnement de la société illustre à quel point le régulateur est aussi dans un rôle de tutelle qui se superpose à celui de l’État. C’est l’inefficacité assurée.
Le cas de l’INA est lui aussi frappant. En ponctionnant son fonds de roulement de près de 20 millions d’euros, c’est un établissement public qui a su remplir ses COM et prendre le virage du numérique que vous punissez. Vous mettez fin brutalement à un projet préparé par Emmanuel Hoog et parachevé par Mathieu Gallet et son équipe, un projet qui aurait permis à l’INA d’assurer l’avenir de ses missions de service public et de s’assurer de nouveaux débouchés, un projet qui présentait toutes les garanties sur le plan économique et urbanistique. Comment pouvez-vous balayer d’un revers de main un si beau projet, pertinent pour l’ensemble des activités de l’INA ? Votre décision de mettre fin à cet investissement d’avenir – et Gilles Carrez ainsi que tous les députés du groupe UMP partagent mon incompréhension – est une décision politique à courte vue qui hypothèque l’avenir. Je vous demande solennellement de revenir dessus.
Pourrions-nous auditionner le président de l’INA pour qu’il nous fasse part de ce beau projet immobilier – que certains collègues ne connaissent peut-être pas –, afin que nous jugions de son éventuelle pertinence ?
Ces coupes aveugles, on les retrouve dans le secteur des industries culturelles, particulièrement mises au défi par la transition numérique. HADOPI est sans surprise la première victime de cette politique. Alors que son action a été saluée, l’acharnement dont vous faites preuve contre cette institution, revenant sur ses pouvoirs, sabrant son budget, qui baisse de 28 %, mettant en péril la conduite de ses missions, enfin la désavouant publiquement, envoie un signal déplorable dans la lutte contre le téléchargement illégal et le développement de l’offre légale.
Quant à la musique, après l’abandon du projet de Centre national de la musique, c’est le parent pauvre de votre ministère.
Je note enfin que, dans un contexte de mutation numérique, vous faites le choix de baisser de manière sensible les aides à la presse. Après avoir, l’an passé, sacrifié les aides au portage, vous vous attaquez cette année aux aides au postage, ne prenant la peine de justifier vos coupes que par l’annonce du lancement d’une réflexion sur la complémentarité des modes de diffusion. Ce n’est pas en mettant fin à la dynamique des états généraux de la presse que vous préparerez l’avenir de ce secteur en pleine mutation.
En définitive, ce budget confirme les craintes que laissait présager celui de l’an passé : nulle sanctuarisation de la culture comme promis, mais des coupes budgétaires n’obéissant à aucune stratégie, qui nient le rôle même de la culture comme investissement d’avenir – sur lequel pourtant, madame la ministre, vous insistez régulièrement. Ici encore, la parole du Gouvernement n’est pas suivie d’actes. C’est la raison pour laquelle le groupe UMP votera contre les crédits de cette mission.
Mme Isabelle Attard. Madame la ministre, j’ai du mal à vous suivre. Il y a maintenant plus de quatre mois, vous avez annoncé dans un communiqué de presse la suppression de l’HADOPI et le transfert de la riposte graduée au CSA. Or nous débattons du budget de la mission « Médias, livre et industries culturelles » prévoyant l’attribution de 6 millions d’euros à l’HADOPI.
J’ai conscience du succès impressionnant de la série The Walking
Dead, où de nombreux zombies parcourent les rues, mais croyez-vous vraiment que notre République a besoin d’institutions mortes-vivantes pour bien fonctionner ? Je ne le pense pas. D’ailleurs, la baisse de 25 % du budget de l’HADOPI montre bien que vous partagez mon avis.
Cela n’est pas sérieux. Le mécanisme de riposte graduée a eu amplement le temps de démontrer son inefficacité. Cette Haute autorité a même abandonné d’elle-même une partie de ses missions, annonçant que la définition et la labellisation de « logiciels de sécurisation » étaient trop compliquées pour elle – « compliqué » signifiant en fait « impossible technologiquement ».
Elle s’est en revanche autosaisie d’une mission sur la légalisation du partage non marchand. J’ai eu beau chercher, je ne suis pas parvenue à trouver un rapport avec ses missions officielles. Il ne s’agit pas de l’observation de l’utilisation des œuvres, ni de la lutte contre le piratage, ni de la régulation des mesures techniques de protection des œuvres. Imaginez ce qui se passerait si demain d’autres autorités administratives indépendantes décidaient de s’attribuer des missions hors du cadre légal qui les a créées !
La seule réussite d’HADOPI, c’est d’avoir éloigné les internautes des systèmes d’échanges pair-à-pair. Ce sont pourtant les systèmes qui étaient les moins susceptibles de provoquer des engorgements des réseaux qui constituent internet. Ils ont été remplacés, entre autres, par le streaming, le téléchargement direct et les seedbox. Ces systèmes sont pourtant bien plus profitables à des organisations peu regardantes sur la légalité de leurs activités, et qui en retirent de grands bénéfices. La HADOPI a également étudié la possibilité de surveiller ces échanges, alors qu’il est évident que leur pénalisation provoquerait une nouvelle mutation technologique.
Au motif de mieux financer les acteurs culturels de notre pays, la France finance le développement de logiciels de surveillance des réseaux. L’actualité nous démontre quotidiennement la nocivité de ces technologies. Nous recommandons donc de distribuer le budget de la HADOPI aux artistes. Les mécanismes de redistribution ne manquent pas, et nous sommes persuadés que les créateurs accueilleront avec plaisir ces 6 millions d’euros.
Enfin, nous avons voté aujourd’hui le projet de loi de lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, à la suite du scandale Cahuzac – révélé par la presse en ligne. Or le taux de TVA de cette dernière est resté à 19,6 % tandis que celui de la presse papier est maintenu à 2,1 %. Comment expliquez-vous une telle différence de traitement ?
Mme Marie-George Buffet. Je tiens tout d’abord à rendre hommage une nouvelle fois aux deux journalistes de RFI assassinés parce qu’ils faisaient leur métier. C’est signifier notre attachement à la liberté de la presse sans laquelle aucune démocratie ne peut exister.
Travailler aujourd’hui sur le budget des médias a valeur de symbole. Voulons-nous vraiment que la République se donne les moyens non pas seulement de communiquer, mais également d’informer, de critiquer, de permettre aux citoyens de construire leur libre arbitre et de devenir des acteurs de leur propre destinée ? Soutenir le pluralisme et accompagner le développement qualitatif de l’audiovisuel public demande des moyens qui ne sont pas tous au rendez-vous.
Certes, le programme de l’action audiovisuelle extérieure augmente et une nouvelle direction de France 24 est nommée – ce dont je me félicite car nous allons enfin pouvoir discuter d’un COM. Reste que, en commission des affaires culturelles et de l’éducation, nous avons débattu sur ce choix de sortir RFI de Radio France, de ne pas rattacher France 24 à France Télévisions alors que nous aurions pu renforcer ainsi la qualité de l’information internationale de France Télévisions.
En ce qui concerne RFI, nous avons encore en mémoire la bataille menée par le personnel pour conserver son identité et sa compétence en vue d’assurer le rayonnement international de la radio. À la suite des engagements du Président de la République sur l’audiovisuel extérieur de la France, pouvez-vous nous donner des assurances sur le devenir du label RFI par rapport aux groupes de l’audiovisuel extérieur ?
La baisse de la dotation publique a abouti à l’avenant au COM de France Télévisions contre lequel j’ai voté en commission. Cet avenant se traduit aujourd’hui par la suppression de 650 postes, décision contre laquelle les personnels appellent, avec leurs syndicats, à une grève nationale jeudi 7 novembre. Quelle est votre vision de l’avenir du service public audiovisuel ? Reviendrez-vous sur la loi de 2009 qui a amputé France Télévisions des ressources publicitaires dont elle a besoin ?
Quelle est par ailleurs votre réflexion sur les projets immobiliers de l’INA puisque, dites-vous, le précédent projet n’était pas pertinent ? Comment garantir aux archives de meilleures conditions de préservation ?
S’agissant de la presse, ayant eu l’occasion de travailler avec les syndicats acteurs de la réalisation et de la diffusion, j’ai participé à l’élaboration d’une proposition de loi qui reprend en partie les propositions de Michel Françaix. La crise que la presse traverse ne sera résolue que si l’on joue sur trois facteurs.
Le premier est l’aide au développement afin de garantir le pluralisme de la presse : on ne saurait en effet laisser les marchés décider des titres qui doivent vivre ou mourir en fonction de leur rentabilité financière – je débattrai de la question avec les salariés de Nice-Matin dans quelques jours. L’engagement de l’État est nécessaire pour soutenir les titres de la presse.
Deuxième facteur sur lequel il convient de jouer : la distribution. Je vous félicite d’avoir contribué à l’accord que les syndicats de Presstalis ont signé. À plus long terme, est-il possible de sauver la distribution en laissant la concurrence s’exercer entre les deux principales coopératives ? Michel Françaix et moi-même ne le pensons pas : aussi sommes-nous favorables à l’instauration d’une seule coopérative qui pourrait distribuer à la fois la presse d’information et de politique générale (IPG) et les magazines.
Le troisième facteur est l’aide aux diffuseurs de presse. La ville dont je suis conseillère municipale n’a plus qu’un seul point de distribution de la presse pour quelque 54 000 habitants, les deux gares de RER ne disposant plus de kiosques. Or l’unique maison de la presse est très fragile : elle a failli fermer lorsque ses précédents propriétaires sont partis à la retraite. Quelle est votre conception de l’aide à la diffusion ?
M. Michel Pouzol. À l’issue des états généraux de la presse écrite du 23 janvier 2009, une mesure permettant à tout jeune de dix-huit à vingt-quatre ans de bénéficier d’un abonnement gratuit à un quotidien a été mise en œuvre. Le coût du journal était alors supporté par son éditeur et son transport par l’État. Cette orientation s’est traduite par une augmentation de 15 millions d’euros sur trois ans des crédits accordés au fonds de modernisation de la presse afin de financer le projet « Mon journal offert ». Le but de cette opération était d’abonner 200 000 jeunes à un quotidien de leur choix un jour par semaine durant une année. L’offre a porté sur soixante et un quotidiens – la quasi-totalité des titres de la presse quotidienne nationale, régionale et départementale. L’International Herald Tribune, Le Monde et Le Figaro ont fait l’objet d’une très forte demande. Dans la presse régionale, ce sont les titres du groupe La Voix du Nord qui ont enregistré les meilleures performances, ainsi qu’Ouest-France, Midi Libre et Le Dauphiné Libéré. En 2011, une enquête réalisée par le cabinet Auxipresse a révélé que l’abonnement avait eu un impact positif sur la fréquence de lecture du quotidien auquel les jeunes s’étaient abonnés : cette fréquence était passée de 23 % à 35 % pour la lecture plus d’une fois par semaine et de 17 % à 58 % pour la lecture une fois par semaine. La lecture de la presse par les jeunes publics est un enjeu citoyen et éducatif majeur. Il n’y a pas de fatalité à voir les jeunes générations se désintéresser de la lecture des journaux d’information et de politique générale.
La reconquête du lectorat des jeunes est un enjeu d’avenir pour la survie économique de la presse entière. Sans action décisive, au rythme actuel, la disparition de la presse payante d’information est bien plus qu’une menace à moyen terme, menace qui ne provient pas tant des nouveaux outils qui sont mis à notre disposition – liseuses, smartphones, tablettes – que du désintérêt grandissant de la jeunesse pour ce type de lecture. On pourrait croire que l’habitude de lecture s’acquiert naturellement avec l’âge : il n’en est rien s’agissant de la presse. Lorsque cette habitude n’est pas prise dès le plus jeune âge, elle n’est pas rattrapée à la maturité.
Madame la ministre, vous semble-t-il opportun de lancer une nouvelle opération en faveur du lectorat jeune ?
Mme Sophie Dessus. Ma question porte sur l’accès des médiathèques à l’édition numérique à la suite du projet de loi régulant la diffusion des œuvres numériques.
Les bibliothécaires sont inquiets : en effet, comme jadis pour le droit de prêt, les bibliothécaires ont l’impression que le monde de l’édition ne comprend pas le rôle et l’importance des médiathèques pour la promotion de leurs produits et leur interdit d’acquérir des titres pour leurs liseuses en bloquant la vente d’ouvrages numérisés aux collectivités.
De nombreuses médiathèques, notamment de villes de moins de 20 000 habitants, ont souhaité proposer au public de nouveaux supports de lecture. Elles ont acheté des liseuses – dix pour le cas que je connais : cinq ont été chargées avec des titres gratuits (des classiques) et cinq avec des titres payants (actualités littéraires et best sellers) achetés en ligne à une libraire indépendante, Le Divan, pour un montant de 3 000 euros l’an.
De dix liseuses, nous sommes rapidement passés à vingt en raison du succès de l’opération. Or, très vite, les bibliothécaires ont rencontré de nombreuses difficultés liées aux DRM – verrous présents sur les fichiers numériques pour en interdire la copie. Des solutions techniques et informatiques respectant la transparence et la légalité ont été trouvées. La collectivité a fait l’achat de titres proposés à la vente sans DRM par la même librairie Le Divan. Toutefois, depuis le printemps de cette année, la librairie a bloqué sa vente aux collectivités sous la pression des éditeurs de certaines sociétés qui craignent la duplication anarchique de fichiers non verrouillés.
Il n’est donc plus permis aux bibliothécaires d’enrichir ou de diversifier leurs fonds, ce qu’ils perçoivent très mal car ils ont l’impression que leur bonne foi professionnelle ainsi que la charte d’utilisation des liseuses ne suffisent pas à inspirer confiance. Ils sont perçus, m’ont-ils dit, par les éditeurs comme des « pilleurs de collections » et sont « diabolisés », alors que leur seule volonté est d’accompagner l’évolution des supports de lecture.
Leur seul espoir réside dans un accord qui respecte évidemment le droit de la propriété individuelle tout en leur permettant d’offrir des œuvres sous format numérique à leurs usagers.
M. Lionel Tardy. Concernant le chantier des aides à la presse, quelques pistes ont été amorcées. Pouvez-vous nous confirmer que la réforme sera mise en place pour le prochain budget ? La Cour des comptes suggère une plus grande transparence dans l’attribution des aides : comment comptez-vous y satisfaire dès cette année ?
Le fonds Google pour l’innovation numérique de la presse est, il est vrai, un projet privé. Le chiffre de 60 millions d’euros est évoqué : or, à titre de comparaison, les crédits de l’action « Aides à la presse » s’élèvent à 135 millions. J’imagine que l’existence du fonds Google a été prise en compte dans le projet de budget pour 2014. Si oui, de quelle manière ?
S’agissant du programme « Livre et industries culturelles », je m’interroge sur la baisse de la subvention attribuée à la HADOPI, qui passe de 8 millions d’euros en 2013 à 6 millions pour 2014, d’autant que l’annexe précise que, « conformément aux propositions du rapport Lescure, les missions de la HADOPI devraient être transférées au CSA ». Y a-t-il d’ores et déjà transfert budgétaire vers le CSA en prévision de cette fusion, ce qui expliquerait la baisse en 2014 de la subvention à la HADOPI ? Si oui, avez-vous des précisions à nous donner en termes de calendrier ? L’adoption du projet de loi reprenant les préconisations du rapport Lescure ne me paraissant pas acquise pour 2014, pourquoi ne pas avoir attendu le projet de budget pour 2015 pour opérer ce transfert ?
M. Marcel Rogemont. Comme Stéphane Travert, je note la trop forte proximité des lignes éditoriales de France 2 et de France 3. J’appelle de mes vœux une plus grande régionalisation de France 3. En Bretagne, le coût d’antenne est de 17,5 millions d’euros : en l’augmentant de 8 millions, il serait possible de doubler la présence régionale de France 3 en Bretagne. Madame la ministre, une plus grande régionalisation est-elle envisageable ?
Est-il par ailleurs possible de réserver une part déterminée des 20 % consacrés à la production audiovisuelle à la production en province, afin d’y conforter les filières ?
France Télévisions est sur le point de céder ses parts dans Gulli : espérez-vous la création d’une chaîne enfance-jeunesse sans publicité ?
Je tiens également à souligner l’inquiétude des radios associatives quant à leur fonds de soutien : pouvez-vous les rassurer sur l’évolution de celui-ci pour les prochaines années ?
Mme Annie Genevard. La France s’enorgueillit à juste titre de la qualité de son réseau de nombreuses librairies dont, toutefois, madame la ministre, vous avez rappelé la très grande fragilité en termes de rentabilité.
Votre plan librairies s’inscrit dans la continuité des politiques publiques précédemment mises en œuvre. Vous avez choisi de cibler les aides vers les deux domaines où les demandes sont les plus importantes : répondre aux besoins ponctuels de trésorerie et aider à la transmission des fonds. Ce dispositif existe depuis plusieurs années.
Toutefois, les inquiétudes demeurent sur la pérennité de ce réseau : la récente proposition de loi à l’initiative de notre groupe visant à garantir le respect du prix unique du livre en a été l’expression.
Même si je salue l’effort fourni en la matière, je crains qu’il ne suffise pas : 9 millions d’euros rapportés aux 2 500 librairies indépendantes, cela représente environ 3 600 euros par librairie. Une telle aide ne suffira pas à renforcer et pérenniser ce réseau auquel nous sommes très attachés.
D’autres pistes doivent être explorées : les études de consommation révèlent qu’il n’y a plus nécessairement antagonisme entre l’achat physique et l’achat en ligne. Un appui méthodologique aux libraires est nécessaire pour leur permettre de réaliser cette conversion. Or je ne trouve aucune trace, dans le projet de budget, des préconisations du rapport de M. François Hurard et Mme Catherine Meyer-Lereculeur que vous avez commandé et qui aborde ce point.
Par ailleurs, la librairie n’est pas un commerce comme les autres, mais elle est touchée de plein fouet par la crise que connaît le commerce de proximité. Une approche interministérielle est donc nécessaire, d’une part, avec le ministère de l’éducation nationale – le livre est un écosystème et sa promotion sur un territoire suppose la collaboration entre lecture publique et lecture privée, un travail associatif, une implication des élus et des établissements scolaires – et, d’autre part, avec le ministère chargé du commerce : le commerce du livre ne peut en effet s’épanouir dans un désert commercial. Soutenir la libraire, c’est également soutenir le commerce en général. De ce point de vue, l’abandon d’un dispositif tel que le FISAC est des plus regrettables.
Madame la ministre, êtes-vous favorable à une telle approche interministérielle ? Êtes-vous prête, si nécessaire, à intensifier l’aide aux librairies dont chacun connaît le rôle irremplaçable ?
M. François Loncle. Je tiens à féliciter tous les acteurs de l’audiovisuel extérieur s’agissant de France Médias Monde – ex-Audiovisuel extérieur de la France (AEF). Nous avons assisté au redressement d’une entreprise qui était née dans des conditions douteuses sur le plan politique et qui avait été très déstabilisée par M. et Mme Kouchner, les Thénardier de la sphère politico-médiatique. Le chemin parcouru depuis un an et demi est remarquable.
Mon inquiétude porte sur TV5 Monde, qui n’appartient pas à France Médias Monde mais a dérivé vers France Télévisions, qui est propriétaire de 49 % de son capital depuis mai 2013. Le groupe France Télévisions pourra-t-il garantir la spécificité de TV5 Monde, compte tenu à la fois de l’apport des pays partenaires et de son budget pour 2014 ?
M. Jean-Pierre Allossery. L’action que vous menez, madame la ministre, pour garantir l’accès de tous à la lecture est déjà très concrète : en témoignent la nomination d’un médiateur du livre au sein de votre ministère et votre soutien aux libraires indépendants, en faveur desquels vous vous étiez engagée lors de leurs Rencontres nationales de juin dernier.
L’année 2014 sera donc celle de la mise en œuvre des préconisations du plan librairie et je me réjouis de votre soutien en faveur de la chaîne du livre. Aucun plan de ce type, assorti d’un soutien financier de 18 millions d’euros, n’avait été décidé jusqu’à ce jour ! Le Gouvernement a fait de la jeunesse et de l’éducation sa priorité : en s’attachant à la valorisation de la lecture et du livre, il révèle la cohérence de sa politique. C’est pourquoi je ne peux que souscrire à votre budget et à la priorité donnée à ce programme.
Vous souhaitez encourager la diversité des acteurs de la chaîne du livre : les interventions articulées de l’État et des collectivités sont évidemment essentielles. Poursuivre prioritairement une politique active de contractualisation est donc un signe fort que vous envoyez aux territoires, en vue d’assurer un véritable service d’accès à la connaissance.
Dans le cadre des contractualisations, favoriserez-vous la nécessaire ouverture des bibliothèques à l’ensemble des pratiques artistiques pour en faire des lieux de vie et de mixité sociale, grâce notamment à la présence d’artistes dans le cadre, par exemple, de spectacles vivants ? Les contractualisations encourageront-elles l’inscription de la politique du livre dans une approche non plus sectorielle mais transversale, en vue de conduire des politiques de développement culturel durables ? Je pense particulièrement aux contrats de progrès, dont certains ont été dédiés à la chaîne du livre, ou encore à certains secteurs en grande fragilité comme l’imprimerie française, pour ne pas la citer.
M. Pierre Léautey. Madame la ministre, je souhaite revenir sur l’un des axes forts de votre politique : l’accompagnement et le développement des projets numériques, tout particulièrement dans le domaine du livre.
L’adaptation de ce secteur aux enjeux numériques paraît capitale, en ce qui concerne tant la création que la diffusion. Aujourd’hui, comme le souligne du reste le rapport Lescure, la France accuse un retard dans le développement de la lecture numérique.
C’est pourquoi je souhaite vous poser une première question sur le cadre légal national dans lequel s’inscrit la politique du livre et une seconde sur les moyens financiers déployés dans le cadre du PLF pour 2014 afin de favoriser le développement de la lecture numérique.
Ma première question fait référence au prix unique du livre ainsi qu’aux règles de la propriété littéraire et artistique à la suite de la transposition de la directive européenne : ces domaines constituent aujourd’hui encore l’essentiel de l’intervention de l’État, comme le révèle le projet de budget. L’économie du livre est à l’heure actuelle bouleversée par la révolution numérique : l’adaptation de son cadre paraît donc indispensable. Je citerai, à titre d’exemple, le fait, évoqué dans le rapport Lescure, que la rémunération des auteurs par les éditeurs en valeur absolue est plus faible pour les livres numériques, compte tenu de la différence de prix, ce qui ne laisse pas de susciter de nombreuses interrogations. Aussi souhaiterais-je connaître l’état de vos réflexions sur la question de l’adaptation du cadre légal, s’agissant notamment de la mise en place d’un nouveau contrat d’édition.
S’agissant des moyens, il est important de rappeler que le livre et la lecture représenteront 305,5 millions d’euros en autorisations d’engagement et 251,7 millions en crédits de paiement pour l’année 2014. Ces crédits permettront d’apporter un soutien à la filière à travers notamment des interventions ciblées comme les projets de numérisation. Aujourd’hui, la France est confrontée à une faiblesse de l’offre des éditeurs et des distributeurs : pouvez-vous préciser les actions que vous comptez entreprendre pour aider à la modernisation du secteur et palier le déficit de production ?
M. Dominique Baert, président. Avant de venir présider cette commission élargie, j’ai lancé à Wattrelos les clubs Coup de Pouce, qui regroupent pour un suivi spécifique des enfants, issus de quatorze écoles, qui ont des difficultés d’apprentissage de la lecture. Ces actions sont prises en charge par l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances (ACSÉ) à hauteur de 100 000 euros pour soixante-dix enfants. Le paradoxe de cette action, qui doit se poursuivre sur le long terme pour être efficace, est de n’être financée que par l’ACSÉ sans faire l’objet d’un partenariat avec le ministère de la culture et de la communication. Pour éviter à de telles actions de longue durée d’être soumises aux aléas budgétaires, sans doute conviendrait-il que le ministère de l’éducation nationale, celui de la culture et celui de la ville se mettent en relation pour en assurer le financement.
Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication. Je suis étonnée de votre question, monsieur le président, car des partenariats existent déjà en matière culturelle entre l’ACSÉ et le ministère de la culture. Ce dernier et le ministère chargé de la ville ont en outre renouvelé, il y a quelques mois, un contrat qui avait été laissé en déshérence depuis plusieurs années. Je m’informerai.
M. Dominique Baert, président. Les trois ministères que j’ai évoqués pourraient sans doute renforcer leur collaboration pour pérenniser les actions en faveur de l’apprentissage de la lecture.
Mme Aurélie Filipetti, ministre de la culture et de la communication. Le projet d’éducation artistique et culturelle fait partie des priorités du ministère de la culture. J’ai dégagé des moyens visant à financer 1 000 nouveaux projets chaque année durant trois ans, 30 % de ces projets étant destinés aux zones prioritaires de politique de la ville.
Madame Martinel, vous avez évoqué le rôle des radios associatives, notamment dans les quartiers. Le Fonds de soutien à l’expression radiophonique (FSER) accompagne 630 radios : j’ai veillé à ce qu’il soit maintenu à hauteur de 28,8 millions d’euros.
Monsieur Guillet, le bambara sera présent en 2014 sur RFI. Il est en revanche impossible d’assurer l’espagnol sur France 24 avant 2016, en raison du coût qui résulterait du recrutement de sept ou huit journalistes hispanophones. L’espagnol ne sera donc pas inscrit dans le COM de France 24, qui sera finalisé avant la fin de l’année et sera très prochainement transmis aux commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat.
Monsieur Riester, vos critiques sont étonnantes. Vous appartenez en effet à un groupe politique qui reproche au Gouvernement d’augmenter les impôts pour rétablir l’équilibre des finances publiques, mais verrait d’un bon oeil des dépenses inconsidérées et nous accuse lorsque nous réduisons le coût dispendieux de certains de ses choix culturels. Le projet immobilier de l’INA aurait nécessité 55 millions d’euros, le projet initial du centre des réserves de Cergy-Pontoise 400 millions d’euros, la Maison de l’Histoire de France plus de 350 millions et l’Hôtel de la Marine 500 millions. Autant dire que le déficit des finances publiques serait devenu un abysse ! Vous ne pouvez pas tenir en permanence un double langage. Nous sommes contraints de gérer très strictement l’argent public pour éviter que des projets dispendieux ne retombent sur les contribuables et les générations à venir, sans oublier les frais de fonctionnement qui accompagnent toujours de tels investissements.
En l’occurrence, nous entendons traiter le problème de l’INA de manière rationnelle avant tout nouveau grand projet immobilier : nous répondrons aux besoins avec pragmatisme et dans le souci des deniers publics. En attendant, les bâtiments existants seront sécurisés et mis aux normes. C’est à mon sens la meilleure manière de gérer l’argent public.
De même, je suis choquée de vous entendre dire que l’Etat se défausse sur ses opérateurs. Dès lors qu’il s’agit aussi d’argent public, au nom de quoi les opérateurs du ministère de la culture – qui font partie de la sphère de l’Etat – devraient-ils être exonérés de l’effort de redressement des finances publiques, quand l’ensemble du pays est mis à contribution ? S’ils jouissent d’une certaine autonomie, ce qui est tout à fait légitime, ils ne sont pas pour autant des entreprises privées : ils fonctionnent sur fonds publics, à partir de collections publiques, et avec des personnels et des emplois publics. Il n’est donc pas acceptable qu’ils se constituent des fonds de roulement et des « bas de laine » de dizaines de millions d’euros au moment où l’on demande à l’ensemble de nos concitoyens de faire des efforts. Finissons-en avec cette hypocrisie ; j’assume une politique ambitieuse en matière culturelle, et responsable en matière de gestion de l’argent public.
Madame Attard, nous avons réduit le budget de la HADOPI car celle-ci dispose des moyens d’assumer ses missions – notamment la réponse graduée et la mission d’observatoire de l’offre publique et des comportements et des pratiques culturelles en ligne – dans l’attente de leur transfert au CSA, conformément à l’arbitrage qui a été rendu, par la prochaine loi sur la création. D’ici là, le budget de la HADOPI peut être diminué sans mettre en péril ses salariés et leurs missions, puisque la Haute autorité dispose de réserves. Il n’y a donc pas de transfert des crédits de la HADOPI vers le CSA, monsieur Tardy, mais bien une diminution de ceux-ci rendue possible par une politique d’économies budgétaires.
Quant au Centre national de la musique, il s’agissait là encore d’un projet non financé. En l’état du projet, cet établissement public aurait été une coquille vide, qui aurait généré des frais de fonctionnement sans pour autant sécuriser les sources de financement pouvant être mobilisées en faveur du secteur de la musique. Bref, c’était encore une illusion. Ma méthode consiste à définir les modalités pertinentes pour soutenir le secteur avant de réfléchir au financement. Deux dispositifs sont d’ores et déjà mis en œuvre : l’aide à la production phonographique des petites et moyennes entreprises, qui n’ont pas – ou très peu – accès aux aides existantes dans le secteur, pour répondre aux urgences liées au contexte de crise économique, et l’aide en direction des plateformes musicales, qui ne disposent pas de mécanismes de soutien à l’heure actuelle.
Les chiffres que vous évoquez au sujet de France Télévisions ne sont pas exacts, madame Buffet : il s’agit de supprimer non pas 650 emplois, mais 321 contrats à durée indéterminée (CDI), et dans le cadre d’un plan de départs volontaires.
Monsieur Pouzol, l’expertise conduite l’an dernier sur l’opération « Mon journal offert » a conclu à l’existence d’un effet d’aubaine. Il nous a donc semblé que les 5 millions d’euros consacrés à cette opération seraient mieux employés ailleurs, à savoir pour des projets d’éducation artistique, d’éducation à l’image et d’éducation à la presse, touchant notamment à la pratique de la presse via les nouveaux outils numériques. L’éducation à l’information, c’est aussi le sens du travail du Centre de liaison de l’enseignement et des médias d’information (CLEMI) et de la réorientation vers l’innovation et les nouveaux supports, afin que les jeunes puissent lire sur les supports numériques qui leur sont familiers.
En ce qui concerne la médiathèque numérique et l’édition, madame Dessus, une étude sur l’offre commerciale de livres numériques à destination des bibliothèques de lecture publique, qui procède à des comparaisons internationales, l’étude IDATE, a été publiée en mars dernier. Suite à cette étude, nous avons lancé un groupe de travail qui réunit les éditeurs, les auteurs, les libraires et les bibliothécaires, afin de définir les bonnes pratiques en la matière. Il rendra ses conclusions au mois d’août, au moment même où le Congrès international des bibliothèques, l’IFLA – International federation of library associations –, se tiendra à Lyon. Vous serez bien entendu associée à cette réflexion.
M. Rogemont m’interroge sur France Télévisions en région. La régionalisation peut se faire sans hausse des coûts, par une évolution des organisations et une réflexion sur la place des émissions nationales de France 3. Les modalités d’élargissement des plages régionales peuvent prendre plusieurs formes : il appartiendra à la mission Brucy d’explorer les différentes pistes, aucune n’étant à ce jour privilégiée. Le développement des commandes auprès de producteurs régionaux fait bien entendu partie des perspectives à envisager.
En ce qui concerne la chaîne pour enfants, vous constaterez que j’ai veillé à ce que les programmes pour enfants soient davantage représentés sur France 4 à l’avenir. Même si nous n’avons pas encore de chaîne dédiée à proprement parler, la part des programmes destinés aux enfants et à la jeunesse s’est accrue, en complément de ce qui existe déjà sur France 3 et France 5.
La transparence des aides à la presse que M. Tardy appelle de ses vœux existe déjà : les aides directes à la presse sont rendues publiques sur le site internet du ministère de la culture, titre par titre ; elles le seront également en 2014. La Conférence annuelle des éditeurs se réunira également prochainement sous ma présidence, afin que ces aides soient connues et partagées par toute la profession.
J’en viens au fonds Google d’aide à la presse et à son impact sur la profession. Le fonds Google résulte d’un accord privé. L’État n’a pas à définir sa politique en fonction des stratégies d’autres acteurs privés. Le règlement intérieur du fonds prévoit qu’il ne pourra pas soutenir de projets ayant déjà bénéficié du soutien du fonds stratégique ; L’Etat sera tenu au courant des projets qui seront aidés.
Les librairies indépendantes ne bénéficieront pas seulement de 9 millions d’euros, madame Genevard. Cette somme recouvre l’ensemble des aides à la trésorerie et à la reprise. Il convient d’y ajouter les 2 millions qui viennent abonder les aides du CNL, et les 7 millions apportés par les éditeurs. Nous arrivons donc à 18 millions supplémentaires, ce qui est très important.
L’appui méthodologique des libraires physiques au numérique sera assuré grâce aux 2 millions d’aide supplémentaires du CNL, qui nous permettront notamment de financer des actions de formation des libraires. La dimension interministérielle est pleinement prise en compte puisque le projet de loi relatif à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises que défendra Mme Pinel comporte une disposition sur le lissage de l’augmentation des loyers qui permettra de soutenir les librairies. Nous travaillons par ailleurs ensemble sur le dossier des librairies Chapitre.
L’État tient ses engagements internationaux en matière de soutien à TV 5, monsieur Loncle. Compte tenu du contexte, celui-ci est particulièrement important cette année, avec une hausse de 1,6 % de la contribution de la France au budget de TV 5, soit 1,2 million d’euros. Nous sommes bien sûr très soucieux de l’avenir de TV 5.
Monsieur Allossery, je vous remercie d’avoir salué la création du médiateur du livre dans la loi sur la consommation. C’était l’une des annonces du plan d’aide aux librairies indépendantes. Ce médiateur sera installé en 2014.
En matière de livre, il existe deux types de contrats : les contrats territoires lecture, qui portent sur la lecture publique et les médiathèques, qui sont les lieux naturels de ressources culturelles, avec notamment les ressources numériques, et les contrats de progrès, qui sont davantage centrés sur la filière économique du livre. Quatre contrats de progrès ont déjà été signés.
J’en viens au cadre législatif du livre numérique, monsieur Léautey. Le contrat d’édition à l’ère numérique a été signé par les représentants des auteurs et des éditeurs il y a quelques mois, grâce à la médiation de M. Pierre Sirinelli. Une loi d’habilitation est nécessaire pour modifier le code de la propriété intellectuelle. En l’absence d’autre véhicule législatif, il faudrait qu’elle soit intégrée au plus tard dans le projet de loi sur la création.
En ce qui concerne l’augmentation de l’offre de livres numériques, nous continuons à œuvrer à l’augmentation de l’offre légale par la numérisation du domaine public à la Bibliothèque nationale de France via Gallica, pour 6 millions d’euros par an. Pierre Lemaitre a d’ailleurs salué le rôle important qu’avait joué Gallica dans l’écriture de son dernier roman, Au revoir là-haut, pour lequel il vient de recevoir le prix Goncourt. L’augmentation de l’offre est aussi assurée par l’aide à la conversion des catalogues non numérisés apportée aux éditeurs via le CNL, pour 4 millions d’euros par an, et par le développement de mécanismes juridiques innovants, notamment la gestion collective des droits pour les œuvres indisponibles.
Puisque Mme Buffet a évoqué la liberté de la presse, je rappelle que pour sécuriser l’autonomie et le financement de l’AFP au regard du droit communautaire, nous restons mobilisés dans le cadre du contentieux avec la Commission européenne. L’AFP bénéficie dans le cadre de ce budget d’un traitement qui lui permet d’assumer toutes ses missions. Elle est un instrument essentiel pour donner un regard français sur le monde, et un bel exemple d’information de qualité et de défense de la liberté de l’information.
Je conclurai en rendant à mon tour hommage aux deux journalistes de RFI – Ghislaine Dupont et Claude Verlon – qui ont été assassinés au Mali, dont les corps ont été rapatriés ce matin. Je vous remercie de l’avoir fait, et souhaite redire notre soutien à leurs familles, ainsi qu’à la grande famille de RFI.
M. Dominique Baert, président. Madame la ministre, nous vous remercions pour vos réponses.
La réunion de la commission élargie s’achève à vingt-trois heures vingt.