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Projet de loi de finances pour 2015
Texte du projet de loi - n° 2234
MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES
ET DISPOSITIONS SPÉCIALES
AUTORISATIONS BUDGÉTAIRES POUR 2015 –
CRÉDITS ET DÉCOUVERTS
Il est ouvert aux ministres, pour 2015, au titre du budget général, des autorisations d’engagement et des crédits de paiement s’élevant respectivement aux montants de 410 613 652 074 € et de 395 617 020 335 €, conformément à la répartition par mission donnée à l’état B annexé à la présente loi.
ÉTAT B
(Article 32 du projet de loi)
Répartition, par mission et programme, des crédits du budget général
BUDGET GÉNÉRAL
(En euros) | ||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Défense |
46 638 093 580 |
36 890 763 254 |
Environnement et prospective de la politique de défense |
1 350 090 770 |
1 333 872 141 |
Préparation et emploi des forces |
8 783 103 088 |
7 087 734 433 |
Soutien de la politique de la défense |
21 319 016 247 |
20 682 639 471 |
Dont titre 2 |
18 721 819 581 |
18 721 819 581 |
Équipement des forces |
15 185 883 475 |
7 786 517 209 |
Amendement n° 189 présenté par M. de Rugy, Mme Abeille, M. Alauzet, Mme Allain, Mme Auroi, M. Baupin, Mme Bonneton, M. Cavard, Mme Duflot, M. François-Michel Lambert, M. Mamère, M. Molac, Mme Pompili, M. Roumegas et Mme Sas.
I. Modifier ainsi les autorisations d'engagement :
(en euros) | ||
Programmes |
+ |
- |
Environnement et prospective de la politique de défense |
0 |
0 |
Préparation et emploi des forces |
0 |
392 750 000 |
Soutien de la politique de la défense |
0 |
170 000 000 |
Dont titre 2 |
0 |
0 |
Équipement des forces |
0 |
117 987 905 |
Surcoûts et soutien liés aux opérations extérieures (ligne nouvelle) |
680 737 905 |
0 |
Dont titre 2 (ligne nouvelle) |
285 368 952 |
0 |
TOTAUX |
680 737 905 |
680 737 905 |
SOLDE |
0 |
II. Modifier ainsi les crédits de paiement :
(en euros) | ||
Programmes |
+ |
- |
Environnement et prospective de la politique de défense |
0 |
0 |
Préparation et emploi des forces |
0 |
390 000 000 |
Soutien de la politique de la défense |
0 |
170 000 000 |
Dont titre 2 |
0 |
0 |
Équipement des forces |
0 |
118 875 161 |
Surcoûts et soutien liés aux opérations extérieures (ligne nouvelle) |
678 875 161 |
0 |
Dont titre 2 (ligne nouvelle) |
284 437 580 |
0 |
TOTAUX |
678 875 161 |
678 875 161 |
SOLDE |
0 |
Amendement n° 190 présenté par M. de Rugy, Mme Abeille, M. Alauzet, Mme Allain, Mme Auroi, M. Baupin, Mme Bonneton, M. Cavard, Mme Duflot, M. François-Michel Lambert, M. Mamère, Mme Massonneau, M. Molac, Mme Pompili, M. Roumegas et Mme Sas.
I. Modifier ainsi les autorisations d'engagement :
(en euros) | ||
Programmes |
+ |
- |
Environnement et prospective de la politique de défense |
0 |
99 500 000 |
Préparation et emploi des forces |
0 |
0 |
Soutien de la politique de la défense |
0 |
0 |
Dont titre 2 |
0 |
0 |
Équipement des forces |
99 500 000 |
0 |
TOTAUX |
99 500 000 |
99 500 000 |
SOLDE |
0 |
II. Modifier ainsi les crédits de paiement :
(en euros) | ||
Programmes |
+ |
- |
Environnement et prospective de la politique de défense |
0 |
116 000 000 |
Préparation et emploi des forces |
0 |
0 |
Soutien de la politique de la défense |
0 |
0 |
Dont titre 2 |
0 |
0 |
Équipement des forces |
116 000 000 |
0 |
TOTAUX |
116 000 000 |
116 000 000 |
SOLDE |
0 |
ÉTAT B
(Article 32 du projet de loi)
Répartition, par mission et programme, des crédits du budget général
BUDGET GÉNÉRAL
(En euros) | ||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Médias, livre et industries culturelles |
717 202 599 |
714 229 483 |
Presse |
256 258 114 |
256 258 114 |
Livre et industries culturelles |
271 527 775 |
268 554 659 |
Contribution à l’audiovisuel et à la diversité radiophonique |
189 416 710 |
189 416 710 |
Amendement n° 180 présenté par Mme Duby-Muller, M. Riester, M. Reiss, Mme Genevard et M. Martin-Lalande.
Modifier ainsi les crédits de paiement :
(en euros) | ||
Programmes |
+ |
- |
Presse |
0 |
1 500 000 |
Livre et industries culturelles |
1 500 000 |
0 |
Contribution à l'audiovisuel et à la diversité radiophonique |
0 |
0 |
TOTAUX |
1 500 000 |
1 500 000 |
SOLDE |
0 |
Amendement n° 186 présenté par M. Tardy.
Après l'article 56, insérer l'article suivant :
I. – Le chapitre V du titre Ier du livre Ier du code du cinéma et de l'image animée est ainsi modifié :
1° Après le mot : « Impositions », la fin de l'intitulé du chapitre est ainsi rédigée : « en faveur du cinéma et de l’image animée » ;
2° Le troisième alinéa de l’article L. 115-6 est supprimé ;
3° L’article L. 115-10 est ainsi rédigé :
« Art. L. 115-10. – Les redevables procèdent à la liquidation de la taxe due au titre de l’année civile précédente lors du dépôt de leur déclaration de taxe sur la valeur ajoutée du mois de mars ou du premier trimestre de l’année civile.
« La taxe est recouvrée et contrôlée selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties, sûretés et privilèges que la taxe sur la valeur ajoutée. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à cette même taxe. » ;
4° Les articles L. 115-11 à L. 115-13 sont abrogés.
II. – Le présent article s'applique à compter du 1er janvier 2016.
III. – La perte de recettes pour le Centre national du cinéma et de l'image animée est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Amendement n° 187 présenté par M. Tardy.
Après l'article 56, insérer l'article suivant :
Le second alinéa de l’article L. 311-6 du code de la propriété intellectuelle est ainsi rédigé :
« 99 % de son montant global annuel est réparti entre les ayants droit par les organismes mentionnés à l’alinéa précédent, à raison des reproductions privées dont chaque œuvre fait l’objet. Les 1 % restants sont affectés au budget de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet, mentionnée à la section 3 du chapitre 1er du titre III du présent livre. ».
Amendement n° 194 présenté par le Gouvernement.
Après l'article 56, insérer l'article suivant :
Le III de l’article 27 de la loi n° 2013-1279 du 29 décembre 2013 de finances rectificative pour 2013 est ainsi rédigé :
« III. – Les 1° et 2° du I entrent en vigueur à une date fixée par un décret, qui ne peut être postérieure de plus de six mois à la date de réception par le Gouvernement de la réponse de la Commission européenne permettant de considérer le dispositif législatif lui ayant été notifié comme conforme au droit de l’Union européenne en matière d’aides d’État. ».
Amendement n° 193 présenté par le Gouvernement.
Après l'article 56, insérer l'article suivant :
Le III de l’article 28 de la loi n° 2013-1279 du 29 décembre 2013 de finances rectificative pour 2013 est ainsi rédigé :
« III. – Le I entre en vigueur à une date fixée par un décret, qui ne peut être postérieure de plus de six mois à la date de réception par le Gouvernement de la réponse de la Commission européenne permettant de considérer le dispositif législatif lui ayant été notifié comme conforme au droit de l’Union européenne en matière d’aides d’État. ».
Il est ouvert aux ministres, pour 2015, au titre des comptes d’affectation spéciale et des comptes de concours financiers, des autorisations d’engagement et des crédits de paiement s’élevant respectivement aux montants de 183 208 963 328 € et de 183 066 646 102 €, conformément à la répartition par compte donnée à l’état D annexé à la présente loi.
(Article 34 du projet de loi)
RÉPARTITION, PAR MISSION ET PROGRAMME,
DES CRÉDITS DES COMPTES D’AFFECTATION SPÉCIALE
ET DES COMPTES DE CONCOURS FINANCIERS
I. – COMPTES D’AFFECTATION SPÉCIALE
(En euros) | ||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Gestion et valorisation des ressources tirées |
2 067 000 000 |
2 067 000 000 |
Désendettement de l’État |
0 |
0 |
Optimisation de l’usage du spectre hertzien et interception et traitement des émissions électromagnétiques (ministère de la défense) |
2 067 000 000 |
2 067 000 000 |
Optimisation de l’usage du spectre hertzien et des infrastructures du réseau physique de télécommunications du ministère de l’intérieur |
0 |
0 |
II. – COMPTES DE CONCOURS FINANCIERS
(En euros) | ||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Avances à l’audiovisuel public |
3 666 787 593 |
3 666 787 593 |
France Télévisions |
2 369 360 683 |
2 369 360 683 |
ARTE France |
267 249 469 |
267 249 469 |
Radio France |
614 392 236 |
614 392 236 |
France Médias Monde |
247 082 000 |
247 082 000 |
Institut national de l’audiovisuel |
90 869 000 |
90 869 000 |
TV5 Monde |
77 834 205 |
77 834 205 |
Compte rendu de la commission élargie du jeudi 23 octobre 2014
(Application de l’article 120 du Règlement)
Défense
La réunion de la commission élargie commence à neuf heures dix, sous la présidence de M. Gilles Carrez, président de la Commission des finances, et de Mme Patricia Adam, présidente de la Commission de la défense nationale.
M. le président Gilles Carrez. Monsieur le ministre de la défense, je suis heureux de vous accueillir, avec Mme Patricia Adam, présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées, et Mme Odile Saugues, vice-présidente de la commission des affaires étrangères.
Nous sommes réunis en commission élargie afin d’examiner les crédits du projet de loi de finances pour 2014 consacrés à la mission « Défense ».
Nous donnerons d’abord la parole aux rapporteurs de nos trois commissions, qui interviendront pour une durée de cinq minutes, sous la forme de questions posées au ministre. Les orateurs des groupes s’exprimeront, pour deux minutes chacun, après la réponse du ministre.
Enfin, tous les députés qui le souhaitent pourront interroger le ministre, leur intervention étant également limitée à deux minutes.
Mme la présidente Patricia Adam. Je voudrais d’abord remercier le ministre de nous avoir envoyé le bilan d’étape semestriel, pratiquement conforme à ce qui était prévu, comme l’est ce projet de loi de finances 2015, au titre de la deuxième année de la loi de programmation militaire. Cet exercice est une étape particulièrement importante de la vie de la LPM.
La réserve et les reports de charges restent, chaque fin d’année, une question habituelle. Les documents que vous nous avez fournis, monsieur le ministre, font apparaître, pour le ministère de la défense, un surcoût en fonctionnement de 150 millions d’euros du fait de l’opération Louvois, que l’on peut qualifier de « grand ratage ». Cela affectera le budget de la défense pendant quelque temps encore, compte tenu du fait que le futur logiciel, dont je veux espérer qu’il sera réellement efficient cette fois, est à l’étude. Durant cette période, nous resterons confrontés à de vraies difficultés, avec toutes les conséquences que cela peut avoir, notamment sur le moral des troupes.
Ma deuxième question porte sur la vigilance accrue de notre commission et de celle des finances sur les recettes exceptionnelles et leur date d’arrivée. Elles sont importantes, comme dans la précédente loi de programmation. Vous avez évoqué, lors de votre audition, monsieur le ministre, le travail que vous menez actuellement sur la société de projet. Nous vous accompagnerons dans cette démarche. Si elle pouvait aboutir très rapidement, dès l’année prochaine, si possible avant l’été, cela sécuriserait la trajectoire de l’année 2015 et celle de la LPM.
Cependant, la commission de la défense s’inquiète de savoir si cette société de projet aura une durée de vie bien définie. C’est indispensable si nous voulons être à même d’évaluer correctement ce type de montage et savoir si nous pouvons continuer dans cette voie ou, à l’inverse, s’il faut l’abandonner. Bien entendu, le coût doit être le plus faible possible.
Se pose également la question de l’assurance des équipements, qui aura une importance considérable dans le budget de cette société. Il faudra envisager, chaque fois que ce sera possible, que l’État soit son propre assureur en la matière.
J’en viens à la question de la création de syndicats, posée en langue anglaise – c’est-à-dire dans des termes qui n’ont pas forcément la même acception en français –, par la Cour européenne des droits de l’homme. Nous travaillons sur ce sujet ; une mission de réflexion a été confiée à M. Pêcheur, qui viendra devant notre commission exposer ses conclusions devant notre commission.
Sur le plan financier, quelle que soit l’issue des propositions qui seront faites, nous avions inscrit ce point dans la loi de programmation militaire et nous avons voté un amendement permettant d’améliorer la concertation au sein des armées. Vous avez commencé ce travail, en concertation avec les actuels représentants au sein de nos armées. Mais à l’évidence, si une proposition est faite en réponse à la délibération de la Cour européenne des droits de l’homme, elle aura des conséquences sur les instances de concertation actuelles. Certains militaires estiment en effet que s’ils avaient des représentants syndicaux, ils seraient peut-être mieux entendus concernant leur budget. Je n’en suis pas sûre, car si l’on compare les budgets des pays européens qui ont, pour beaucoup d’entre eux, des syndicats, c’est bien pire chez eux.
M. Guy Teissier, rapporteur pour avis pour la commission des affaires étrangères. Absolument !
Mme la présidente Patricia Adam. Je peux dire aux militaires que la meilleure défense de leurs intérêts, en termes de logistique humaine comme en matière d’équipement, est certainement assurée par le Parlement, avec la commission de la défense et la commission des finances, qui travaillent en parfaite harmonie sur ce point.
M. le président Gilles Carrez. Je tiens à souligner que les préoccupations budgétaires et financières exprimées par la commission de la défense sont totalement partagées par la commission des finances.
M. Jacques Myard. Pour une fois !
M. le président Gilles Carrez. Ce n’est pas si rare, monsieur Myard ! En l’occurrence, il y a totale convergence.
M. Guy Teissier. C’est une cause nationale !
Mme Odile Saugues, vice-présidente de la commission des affaires étrangères. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, la commission des affaires étrangères accorde une grande importance aux crédits de la défense.
Ce budget est cohérent par rapport à la loi de programmation militaire, mais nombreux sont les terrains où nos forces sont engagées, et la France est parfois bien seule –, en République démocratique du Congo ou au Mali, par exemple.
Monsieur le ministre, combien de temps pourrons-nous soutenir cet effort ? Où en est la coopération avec nos partenaires européens, afin de mieux répartir les responsabilités et le fardeau financier ?
M. François Cornut-Gentille, rapporteur spécial de la commission des finances pour le programme « Préparation de l’avenir ». Je concentrerai mes propos sur les recettes exceptionnelles, non sur les 200 millions liés aux recettes immobilières, mais sur les 2,1 milliards qui restent beaucoup plus flous.
Il s’agit d’un enjeu majeur. Si ces recettes n’étaient pas là en temps utile, c’est tout l’édifice de la LPM qui s’effondrerait. Dans la situation où nous sommes, l’absence de ces recettes, et donc, l’écroulement de la LPM, aurait pour conséquences, d’une part, une crise sans précédent dans nos armées, engagées dans un processus difficile depuis un certain nombre d’années et qui ne supporteraient pas le manque de parole de l’État, et d’autre part, une perte de crédibilité totale de la France sur le plan international.
Le paradoxe est double et concerne aussi bien la majorité actuelle que la précédente, qui a mis le doigt dans l’engrenage des ressources exceptionnelles.
Nous élaborons des LPM depuis la période gaullienne. Celles-ci ont vocation à sécuriser le budget de la défense, l’un des points essentiels étant la modernisation des équipements. Or c’est précisément sur les équipements que l’on fait porter les ressources exceptionnelles, lesquelles ont un caractère aléatoire. Tel est le paradoxe d’un texte qui, alors qu’il a été conçu pour sécuriser, introduit une insécurité.
Le second paradoxe, qui découle du précédent, monsieur le ministre, c’est que nous sommes tous, majorité et opposition, amenés à soutenir des mesures que nous réprouvons par ailleurs.
J’en viens à quatre séries de questions portant sur les sociétés de projet.
Pendant un certain temps, on a évoqué les investissements d’avenir, mais aujourd’hui, on n’en parle plus. Il y a deux semaines, en réponse à une question de Jean-François Lamour, M. Macron a évoqué les sociétés de projet, tout en laissant entendre que d’autres solutions étaient possibles. Existe-t-il un plan B ou non ? La seule solution pour ces 2,1 milliards réside-t-elle dans les sociétés de projet ou y a-t-il d’autres pistes ?
Ma deuxième série de questions découle de la visite que Patricia Adam, Jean Launay et moi-même avons rendue à Christian Eckert en juillet dernier à Bercy. Le débat sur les sociétés de projet a été engagé il y a plus de six mois par le ministère de la défense et Bercy. Les courriers que nous avons reçus montrent qu’il y a eu des discussions sur ce sujet, mais ils font apparaître des tensions très fortes et, pour le moins, une absence de convergence de vues. En juillet, nous n’avions pas beaucoup avancé. Aujourd’hui, vous nous dites, monsieur le ministre, que les choses vont avancer. Qu’est-ce qui vous fait penser cela puisque rien ne bouge depuis un an et que les positions sont, au contraire, très tranchées ? Le chef d’état-major des armées, Pierre de Villiers, insiste sur le fait que les recettes exceptionnelles doivent être là en temps utile. Quel est, selon vous, le bon timing pour constituer ces sociétés et enclencher le processus ?
Ma troisième série de questions porte sur le capital des sociétés. On entend dire qu’elles seraient purement publiques ou qu’elles reposeraient éventuellement sur un mix public-privé. N’y aurait-il pas conflit d’intérêts si le secteur privé pouvait entrer au capital de ces sociétés ?
Ma quatrième série de questions concerne les types d’armement qui pourraient entrer dans le cadre de ces sociétés de projet. On parle des ravitailleurs ; mais si l’on s’oriente vers une sorte de leasing pour les questions touchant au nucléaire, cela créera beaucoup de problèmes.
Une dernière série de questions plus générale. L’argument très souvent avancé en faveur des sociétés de projet par le ministère de la défense consiste à dire que ce ne serait plus une dépense au sens maastrichtien du terme. Mais Bercy nous assure que c’en est bien une. N’y a-t-il pas là un risque de fragiliser l’ensemble ?
Par ailleurs, s’agissant du report de charges, monsieur le ministre, comment voyez-vous les choses pour la fin de l’année ? Quelle est la ligne rouge à ne pas franchir en la matière ?
Enfin, j’ai rendu, il y a quelques semaines, un rapport sur l’École polytechnique. Il ne prétendait pas apporter une solution ou promouvoir une idée particulière, mais indiquait qu’il était indispensable pour l’État de se poser certaines questions pour clarifier le projet de l’école. Comptez-vous donner une suite à ce rapport ?
M. le président Gilles Carrez. Je vous confirme que les dépenses militaires, jusqu’à nouvel ordre, sont maastrichtiennes.
M. Jean Launay, rapporteur spécial de la commission des finances pour le programme « Budget opérationnel de la défense ». Monsieur le ministre, je ne reviendrai pas sur la question des sociétés de projet ; François Cornut-Gentille et moi-même venons de commettre une tribune sur le sujet afin de vous aider à sécuriser le processus afin que la recette – et donc la capacité de dépense – tombe bien dès l’année 2015.
Je partage l’ambition que la loi de programmation militaire soit exécutée à l’euro près dès 2015, car c’est une année charnière tant sur le plan de l’activité opérationnelle que pour les équipements.
Notre capacité d’expression en séance publique la semaine prochaine étant désormais limitée, c’est pour nous le moment de vous faire part de nos interrogations concernant cette mission dont vous avez la responsabilité. Chacun d’entre nous, ici, veut vous accompagner. Le président Carrez a bien fait de rappeler le soutien de toutes les commissions aux objectifs que vous vous fixez dans cette mission.
Premièrement, la question du report de charges me paraît cruciale. La solution qui consistait à recourir à des investissements d’avenir pour financer les recettes exceptionnelles en 2015 semblait être une bonne solution – ce qui nous ramène à la question des sociétés de projet. Il faut éviter de voir le report de charges progresser, alors qu’il a déjà atteint un niveau inédit. Pourquoi la solution des investissements d’avenir, recommandée dans le rapport Charpin, n’a-t-elle pas été retenue ? Le rapport indique que la mise en réserve des crédits est une pratique budgétaire courante, mais que si le gel des crédits n’était pas levé, il pourrait mettre en difficulté les responsables de programmes, et donc accroître le report de charges.
Deuxièmement, je m’interroge sur la question du repyramidage au sein du ministère de la défense. Si les crédits de personnel ont diminué pour la première fois en valeur absolue en 2014, l’effort demandé aux armées est sévère. Nous avons pu aborder le sujet avec le chef d’état-major des armées : il est dommage de nous priver prématurément d’officiers supérieurs ayant une longue expérience et pouvant être encore utiles.
Quelle solution pourrait être mise en place à cet égard, afin de rétablir la cohérence de la pyramide des grades, tout en ne prenant pas le risque de gâcher certaines compétences ? La spécificité propre à chaque armée rajoute aux difficultés, s’agissant notamment des pilotes dans l’armée de l’air.
Ma troisième question portera sur les crédits consacrés à la modernisation et à la rénovation des infrastructures. Ils s’élèvent à 1,1 milliard d’euros dans le projet de loi de finances pour 2015. Cet effort est important et, monsieur le ministre, vous avez mis en place un plan d’urgence de 30 millions d’euros dans le second semestre 2013, qui a renforcé cet élan.
Toutefois, de nombreuses difficultés demeurent. À titre d’exemple, la mise à niveau des réseaux électriques, notamment à l’Île Longue ou à Toulon, ou celle des réseaux de distribution d’eau peinent à se concrétiser. La loi de programmation militaire prévoit 6,2 milliards d’euros de crédits pour les infrastructures alors que l’estimation des besoins, effectuée avant la LPM, dépassait les 7 milliards. Monsieur le ministre, comment ressentez-vous cette situation et quelles réponses pourraient être apportées ? Nos militaires sont parfois contraints de vivre dans des conditions difficiles.
Je terminerai par une question un peu plus précise concernant les véhicules de l’avant blindés (VAB). Cette année, je me suis intéressé à la question du maintien en condition opérationnelle des équipements et j’ai pu constater qu’il existait des solutions industrielles pour rénover et prolonger la durée de vie des VAB, comme le prévoit la LPM.
M. Jacques Myard. Ils seront bientôt centenaires !
M. Jean Launay, rapporteur spécial de la commission des finances pour le programme « Budget opérationnel de la défense ». Ces solutions pourraient être portées par des sociétés françaises, ce qui contribuerait à créer ou à maintenir des emplois et des compétences sur le territoire. J’aimerais savoir si le ministère de la défense prévoit de mettre en place des solutions adaptées à la rénovation de ces engins.
M. Jean-Yves Le Déaut, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour le programme « Environnement et prospective de la politique de défense ». Le programme 144 « Environnement et prospective de la défense » tient une place singulière dans le budget de la défense : bien qu’il n’en représente que 4,2 %, ce budget a une importance stratégique. Malgré un contexte budgétaire contraint, il connaît une légère hausse de ses crédits, de 1,28 %. L’effort est concentré dans le domaine du renseignement et de la cyberdéfense, avec une augmentation conséquente des autorisations d’engagement.
Les études amont ne connaissent qu’une très faible diminution de leurs crédits. Je me félicite de constater la persistance de l’importance donnée à l’innovation technologique. Cependant, pour la deuxième année, les écoles sous tutelle du ministère de la défense voient leur budget baisser. C’est un sujet de préoccupation, car nous avons pour ainsi dire quinze ministères de l’enseignement supérieur en France, mais ils ne connaissent pas du tout les mêmes baisses et augmentations budgétaires…
J’ai consacré cette année une partie de mon rapport à deux points particuliers : les drones et la lutte contre le bioterrorisme, dont on parle peu.
Les OPEX successives ont démontré l’importance des drones dans notre système de forces actuel. Le bilan des Reaper est positif. Ils sont devenus indispensables aux opérations sur la bande sahélo-saharienne. Cependant, les deux Reaper ne suffisent pas à combler les besoins opérationnels de l’armée de l’air, qui doit compter sur l’aide américaine sur le terrain. Face à cette dépendance dont les effets sont bienvenus, mais qui reste difficilement acceptable sur le fond, la francisation des équipements est-elle hypothétique ou arrivera-t-on à installer certains équipements supplémentaires sur ces Reaper ? Mais avant tout, monsieur le ministre, un drone MALE européen semble de plus en plus indispensable. Il faudrait prendre une décision afin d’être prêts en 2015.
On peut du reste s’interroger, comme Mme la vice-présidente des affaires étrangères, sur l’attitude de Bruxelles qui nous demande, à raison certes, de réduire notre déficit, mais qui, en même temps, fait preuve de nanisme politique en matière de défense, s’agissant notamment de la préparation de l’avenir. Le drone MALE européen, à mon sens, fait partie des priorités qui devraient être données au niveau de Bruxelles. C’est au tour des décideurs politiques de s’engager rapidement.
En ce qui concerne les drones de combat, on peut se réjouir de voir la France, forte de l’expertise acquise lors du programme nEUROn, prendre l’initiative, avec les Britanniques, de développer un drone de combat commun opérationnel à l’horizon 2030. Je me félicite également du lancement d’une consultation pour le renouvellement du drone tactique de l’armée de l’air.
Comme le démontre aujourd’hui l’épidémie d’Ebola, nous sommes vulnérables aux contaminations biologiques. La lutte contre le bioterrorisme ne doit pas faiblir et nécessite des investissements à la hauteur. Au cours de mes auditions, j’ai pu remarquer que des efforts significatifs avaient été réalisés ces dernières années. Il y a sept ou huit ans, j’avais souligné le fait que nous n’étions pas opérationnels en matière de détection rapide. Depuis, j’ai pu me rendre compte que des progrès importants avaient été réalisés au sein de nos armées. Cela étant, le dispositif reste perfectible. Un effort supplémentaire doit être fait dans le domaine de la formation et des entraînements, il faut maintenir les équipements à niveau en dépit des contraintes budgétaires et sensibiliser l’opinion, notamment les chercheurs, à l’importance de la biosécurité. Les scientifiques doivent prendre conscience du danger en adoptant des comportements vertueux et en participant à l’effort de recherche dans les domaines liés à la lutte contre le bioterrorisme.
Pour toutes ces raisons, j’émets un avis globalement favorable aux crédits du programme 144, qui sont préservés.
Permettez-moi enfin, monsieur le ministre, deux questions complémentaires.
En ce qui concerne, d’abord, la lutte contre le bioterrorisme, quel est aujourd’hui, selon vous, l’état de la menace bioterroriste ? Quel est son lien avec les conflits en cours ? Nos forces armées sont-elles bien protégées et comment ?
S’agissant du drone MALE européen, quelle est la réponse politique au projet d’étude du drone MALE européen proposé par Dassault, Airbus et Alenia ? À combien s’élève le financement envisagé pour l’étude de faisabilité ? Quelle est la feuille de route du projet ? Enfin, avez-vous, sur ce dossier, le soutien de la Commission européenne et du Conseil des ministres ?
M. Charles de La Verpillière, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour le programme « Soutien et logistique interarmées ». Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, les crédits du soutien et de la logistique interarmées sont répartis dans les programmes 178 et 212, ce qui n’en facilite pas la lecture globale, d’autant que les dépenses de personnel ont été totalement reventilées cette année et figurent pour la première fois en totalité dans le programme 212, ce qui oblige à une petite gymnastique comptable pour effectuer les comparaisons d’une année sur l’autre.
Sous cette réserve de cette méthode, on observe que ces crédits sont globalement orientés à la baisse : moins 3,6 % en crédits de paiement. Vous me direz que c’est un des principes de la loi de programmation militaire que de faire porter autant que possible l’effort d’économie sur les soutiens plutôt que sur l’opérationnel ; mais il faut se rendre compte que la technique consistant à comprimer sans cesse les moyens de soutien atteint ses limites. L’exercice 2013 l’a montré puisque, pour les bases de défense, vous avez dû, monsieur le ministre, lancer en fin d’année un plan de soutien exceptionnel doté de 30 millions d’euros afin de parer au plus pressé.
Comme notre commission en a pris l’habitude depuis 2012, j’ai choisi de consacrer la plus grande partie de mes travaux à l’étude d’un thème, à savoir, cette année, les surcoûts liés aux opérations extérieures, les fameuses OPEX.
On entend souvent affirmer, y compris par vous, monsieur le ministre, que le système de financement de ces surcoûts préserve intégralement le budget des armées. À y regarder de plus près, ce n’est pas exact.
Certes, il existe un mécanisme de financement des surcoûts liés aux OPEX. Depuis la loi de programmation militaire 2009-2014, on inscrit une provision dans la loi de finances initiale. Elle est, cette année, de 450 millions d’euros. Cette provision étant systématiquement dépassée depuis plusieurs années, du fait de l’ampleur et du rythme soutenu de nos opérations, une procédure de refinancement sur la réserve interministérielle de précaution a été mise en place.
En apparence, cette procédure fonctionne bien et permet d’éviter de compenser ces surcoûts par des annulations de crédits d’armement, comme c’était le cas jusqu’en 2003. Mais ce n’est qu’une apparence. Si, comme c’était le cas l’année dernière, il manque 750 millions d’euros pour financer le surcoût des OPEX, en plus de la provision inscrite dans la loi de finances initiale, on prélève sur la réserve de précaution interministérielle. Mais cette réserve est elle-même financée à hauteur de 20 % par le ministère de la défense… Autrement dit, lorsqu’on lui compense 750 millions d’euros, il doit en réalité en financer lui-même un cinquième sur ses propres crédits. On ne compense donc en fait que 80 % du dépassement.
En outre, il n’est pas certain que la méthode de calcul des surcoûts soit la bonne. J’ai relevé, au fil des auditions, qu’on ne compense pas, par exemple, le coût des matériels détruits en opération ou perdus. Il en est de même pour l’usure prématurée des matériels. Au Mali, les blindés, les VAB et surtout les hélicoptères, connaissent une usure accélérée. Ce surcoût n’est pas compensé par le mécanisme de financement des surcoûts OPEX.
Enfin, ce mécanisme de financement par la solidarité interministérielle n’est pas une assurance tous risques. Vous l’avez dit vous-même lors de vos auditions, monsieur le ministre, c’est un combat qu’il faut livrer tous les ans. Quelles assurances pouvez-vous nous donner sur le remboursement des surcoûts OPEX de 2014, qui atteignent 1,150 milliard d’euros ? Êtes-vous certain, alors que la provision a été abaissée à 450 millions, d’obtenir la compensation intégrale des 700 millions qui vont manquer ?
Il y a probablement un lien entre ce mécanisme insuffisant de compensation des surcoûts OPEX et l’annulation, l’année dernière, de 650 millions d’euros de crédits d’armement dans le budget de la défense.
Pour toutes ces raisons, j’émets un avis défavorable à ces crédits.
M. Joaquim Pueyo, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour le programme « Préparation et emploi des forces : Forces terrestres ». Les crédits de l’armée de terre, dont je suis le rapporteur depuis 2012, sont, pour 2015, conformes à la LPM. Comme l’a dit devant la commission le chef d’état-major de l’armée de terre, c’est désormais à l’exécution de ce budget qu’il faudra accorder toute notre vigilance, car l’année 2015 s’annonce comme étant l’année charnière, l’année de vérité de la LPM.
En effet, les crédits de l’armée de terre, même fidèles à la programmation 2014-2019, n’en représentent pas moins une équation budgétaire très serrée, sans marge de manœuvre, tant la LPM est calculée au plus juste.
Il faut néanmoins souligner qu’un effort est consenti au profit de l’entraînement des forces, de façon à mettre un terme à la baisse continue, et ô combien dangereuse, des moyens consacrés à la préparation opérationnelle de nos forces. L’entretien programmé du matériel bénéficiera lui aussi de moyens supplémentaires, ce qui n’a rien de superflu lorsqu’on voit le vieillissement de certains équipements. Il suffit de penser aux VAB pour s’en convaincre.
Le programme SCORPION, crucial pour l’armée de terre, devrait être enfin lancé. Il vise à régénérer nos équipements, dans un programme cohérent et standardisé qui en limite les coûts d’entretien. La loi de programmation militaire a déjà opéré toutes les économies envisageables sur ce programme : les calendriers de livraison ont été étalés dans le temps au maximum et les volumes de commandes réduits au strict minimum. Outre l’opération SCORPION, la LPM a planifié le lancement ou la livraison de plusieurs équipements majeurs pour l’armée de terre : le lance-roquettes unitaire, les véhicules blindés de combat de l’infanterie, le programme FÉLIN, l’armement individuel du futur appelé à remplacer le FAMAS ou les différents types d’hélicoptères de combat, sans compter les drones tactiques. Pourriez-vous, monsieur le ministre, confirmer ces livraisons et leur planification ?
L’année 2015 sera difficile pour l’armée de terre puisqu’elle sera marquée par une déflation conséquente des effectifs. Certes, le choix a été fait de préserver au maximum les capacités opérationnelles de nos forces armées, en faisant peser les deux tiers des suppressions de postes sur les soutiens. Il n’en demeure pas moins que, sur un total de plus de 30 000 suppressions de postes prévues par la LPM pour la période 2014-2019, 15 500 suppressions seront opérées au sein des trois armées. Pouvez-vous préciser le cadencement et la répartition de ces suppressions entre les trois armées ?
J’en viens à la partie thématique de mon rapport : elle porte sur le rôle social de l’armée de terre. Certes, une armée professionnelle se juge à ses résultats opérationnels. Mais il est incontestable que, par son histoire, par les chances qu’elle offre aux jeunes qu’elle forme, voire qu’elle éduque, comme par son volume – plus de 100 000 personnels –, l’armée de terre reste un intégrateur social majeur.
Dans un contexte de déflation d’effectifs, il me paraît important d’éviter les déflations sèches : ce serait indigne envers des hommes qui ont servi la France. Le dispositif de reconversion existant, avec l’agence « Défense mobilité », a fait ses preuves, mais il reste des marges de progrès. Qu’envisagez-vous de faire pour en améliorer le fonctionnement, par exemple en prospectant davantage dans la fonction publique territoriale ?
Les déflations, et la réforme en général, ont un impact sur le moral de l’armée, notamment sur les unités qui vont le moins en OPEX. Dans un contexte de réforme anxiogène, les militaires cherchent avant tout de la considération. Cela passe, bien sûr, par la rémunération, mais pas seulement : la tenue des infrastructures de vie et de travail, la qualité des équipements, la restauration ou l’habillement sont autant de domaines dans lesquels des efforts relativement peu coûteux peuvent redresser le moral. Quelles mesures sont prévues en ce sens ?
Enfin, dans un contexte où le plan de déflation est très compliqué à mettre en œuvre, alors même qu’en toile de fond, la jeunesse de notre pays connaît de plus en plus de problèmes d’insertion sociale et que le Président de la République prévoit de tripler le nombre de jeunes dans le service civique d’ici à 2017, je propose de réfléchir à des structures qui, sous un nom ou sous un autre, correspondraient en métropole à ce qu’est le service militaire adapté outre-mer et présenteraient l’avantage de reclasser des militaires touchés par la déflation des effectifs. Le besoin est là, les hommes sont là, forts de leur savoir-faire et de leur savoir-être. Le financement peut aisément être trouvé dans les 32 milliards consacrés à la formation professionnelle. On pourrait imaginer un système similaire à ce qu’il se passe dans les établissements publics d’insertion de la défense (EPIDE). Qu’en pensez-vous, monsieur le ministre, pour relancer le lien nation armée ?
Pour les raisons que je viens d’exposer, je donne un avis favorable à ces crédits.
M. Gwendal Rouillard, suppléant M. Gilbert Le Bris, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour le programme « Préparation et l’emploi des forces : Marine ». Gilbert Le Bris, rapporteur en titre des crédits de la Marine, vous prie de bien vouloir excuser son absence et m’a demandé de bien vouloir le suppléer. Je m’efforcerai donc de vous relayer le plus fidèlement possible ses analyses et ses interrogations.
Je tiens avant tout à saluer l’action de nos forces armées, et notamment de nos marins. Ces femmes et ces hommes, qui ont choisi de consacrer leur vie au service de leur pays et de leurs concitoyens, font preuve au quotidien d’un grand courage, d’un extrême professionnalisme et d’un sens aigu du devoir, qu’ils agissent en métropole, dans nos territoires ultramarins ou en opérations extérieures. Je tiens à leur manifester ici tout mon soutien et toute ma reconnaissance.
Je souhaite également rassurer quiconque s’intéresse aux débats budgétaires et à l’effort financier de la nation au profit de nos forces armées. La diminution constatée pour 2015 des crédits de la Marine est en réalité purement optique et résulte d’un changement de maquette budgétaire, puisque l’ensemble des crédits du titre II du ministère de la défense sont dorénavant concentrés au sein d’un programme unique.
En dehors de ces mesures techniques, l’effort financier en faveur des forces navales est maintenu à hauteur de 3 milliards d’euros en autorisations d’engagement et de 1,96 milliard d’euros en crédits de paiement.
Ces niveaux de ressources traduisent notamment, pour la deuxième année consécutive, la priorité accordée à l’entretien programmé des matériels, conformément à votre engagement, monsieur le ministre, ce qui est particulièrement bienvenu. Une telle dynamique est conforme à la loi de programmation militaire, qui a fait de la remontée de l’activité opérationnelle des forces un axe majeur.
L’augmentation de près de 55 % des autorisations d’engagement assurera ainsi le renouvellement d’importants contrats pluriannuels relatifs à l’entretien des sous-marins, des bâtiments de surface et des aéronefs. Ils permettront la nécessaire régénération des matériels et des équipements et prépareront ainsi la remontée de l’activité opérationnelle vers les standards OTAN à partir de 2016.
Monsieur le ministre, mes premières questions auront trait aux ressources humaines et à la rationalisation des implantations.
L’an prochain, 7 500 suppressions de postes sont prévues. Quelle sera exactement la contribution de la Marine dans ce domaine, sachant qu’elle reste l’armée la moins dotée en hommes ?
Cette nécessaire participation à l’effort global va-t-elle se limiter aux personnels présents dans les deux organismes qu’il est prévu de fermer : la base navale de l’Adour à Anglet, dans les Pyrénées-Atlantiques, et le commandement maritime de Strasbourg ?
Par ailleurs, est-il prévu d’adapter le cadencement des déflations afin de le synchroniser avec les flux d’entrée et de sortie des bâtiments dans les forces ? En effet, la cible de diminution des effectifs a été déterminée, compte tenu de l’entrée en service de nouveaux bâtiments aux équipages optimisés, tels que les frégates multimissions (FREMM). Or ces matériels ne seront effectivement disponibles qu’en fin de programmation. Il ne faudrait pas que la Marine soit contrainte de consentir l’essentiel des efforts de déflation de manière trop prématurée. En somme, il s’agit d’honorer le contrat dans le domaine d’emploi des ressources humaines, sans pour autant dégrader la tenue du contrat opérationnel.
J’en viens à quelques questions concernant les bâtiments qui seront désarmés en 2015.
J’ai cru comprendre que les deux patrouilleurs de surveillance des sites, Athos et Aramis, pourraient être reversés à la gendarmerie maritime. Pourriez-vous nous donner quelques précisions à ce sujet ?
Qu’adviendra-t-il des autres navires, Sirocco et Albatros ? Seront-ils démantelés ou bien seront-ils revendus ?
Mes dernières questions porteront sur l’Adroit. Conçu par l’entreprise DCNS, ce navire avait été mis à la disposition de la Marine le 21 octobre 2011, pour une durée de trois ans. Alors qu’il devait être restitué cet automne par la Marine, la convention avec DCNS a été reconduite. Quelle est la durée de cette nouvelle mise à disposition ? Que se passera-t-il une fois l’accord parvenu à échéance ? Puisqu’il n’est pas interdit d’espérer, pourrait-on envisager une intégration pleine et entière du bâtiment à nos forces navales ? Ou, plus probablement, espère-t-on une vente à l’export puisque le navire peut désormais se prévaloir du label « sea proven » (éprouvé en opérations) et d’une utilisation par la Marine française ?
M. Christophe Guilloteau, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour le programme « Préparation et emploi des forces : Air ». Monsieur le ministre, le projet de loi de finances pour 2015 que vous nous avez présenté correspond à un budget tendu, dans une loi de programmation militaire taillée au plus juste. Je dirais qu’il est juste cohérent, voire juste suffisant, avec les choix de réduction des formats et des contrats opérationnels, que nous avons décidés dans le cadre du Livre blanc de 2013 et de la LPM.
Je salue l’effort particulier fait cette année pour augmenter de 5,96 % les crédits de l’entretien programmé des matériels (EPM), gage d’une meilleure disponibilité technique des matériels.
S’agissant du programme « Préparation et emploi des forces : Air », je tiens à signaler que, cette année encore, l’armée de l’air va poursuivre la réduction de ses effectifs. À cet égard, j’appelle votre attention sur la réduction du nombre d’officiers, qui a certainement atteint ses limites. Comme vous le savez, les missions spécifiques de l’armée de l’air nécessitent un taux d’encadrement important. L’essentiel est de maîtriser la masse salariale.
Vous avez annoncé, monsieur le ministre, le 15 octobre dernier, un plan de restructuration pour l’armée de l’air. J’aimerais que les restructurations à venir puissent être annoncées avec suffisamment de préavis afin que les militaires et leurs familles puissent les anticiper dans les meilleures conditions.
L’enjeu du projet de loi de finances pour 2015 est de maintenir la cohérence et l’équilibre du modèle d’armée que nous avons choisi, ce qui implique un plein et entier respect de la loi de programmation militaire. Or cette cohérence est fragile. Le 2 octobre 2013, vous avez déclaré devant la commission de la défense : « nous avons atteint un équilibre tel que si on enlevait une brique de l’édifice, il s’effondrerait ». Le général Denis Mercier, chef d’état-major de l’armée de l’air, a quant à lui déclaré que l’armée de l’air avait atteint aujourd’hui la dernière étape où la pleine souveraineté est maintenue sans abandon de compétence.
Je ne reviendrai pas sur les craintes légitimes de certains, que je partage, sur l’obtention en 2015 des recettes exceptionnelles prévues par la LPM ni sur la faisabilité de mettre en place une société de projet avant le mois de septembre 2015.
Je voudrais vous interroger sur un élément déterminant, qui conditionne la cohérence du nouveau modèle de l’armée de l’air : la préparation opérationnelle différenciée et le projet « Cognac 2016 » visant à moderniser la formation des pilotes. Les auditions que j’ai menées ont montré que nous pourrions au mieux espérer un projet « Cognac 2017 » voire 2018 ou 2019… Comment expliquer le retard pris pour s’équiper d’avions de type Pilatus, indispensables à la réalisation de l’entraînement différencié ?
Dans la partie thématique de mon avis, j’ai souhaité mettre l’accent sur les forces spéciales de l’armée de l’air, qui me semblent trop souvent oubliées, au regard de la capacité de premier plan qu’elles ont prise dans les opérations récentes. Je tiens à rendre hommage aux hommes et aux femmes que j’ai rencontrés à l’occasion d’un déplacement récent auprès des forces spéciales dans la bande sahélo-saharienne. Leur implication, leur dévouement et leur abnégation forcent l’admiration.
Les militaires que j’ai rencontrés m’ont fait part de leur inquiétude sur un risque de « trou capacitaire » en matière de transport tactique des forces spéciales, entre l’extinction progressive de la flotte de C-160 et la lente montée en puissance de l’A400M. Qu’est-il prévu pour le transport tactique des forces spéciales ? Où en est le programme de rénovation du C- 130 qui, d’après mes informations, se limite à un traitement des obsolescences ? Ne pourrait-on pas, dans le cadre de l’Europe de la défense, envisager un partenariat avec l’Allemagne, qui dispose de C-160 à mi-vie ?
Pour ce qui concerne les équipements, où en est le programme à effet majeur relatif aux véhicules des forces spéciales, qui tarde à se mettre en place et qui est particulièrement attendu par les acteurs de terrain ? Comment comptez-vous relever le défi de la LPM du « + 1 000 effectifs » dans les forces spéciales, sans sacrifier la qualité à la quantité ? Ne pensez-vous pas qu’il serait opportun de réfléchir à la mise en place d’un système qui prendrait mieux en compte la prise de risque des forces spéciales et qui répondrait à leur besoin de reconnaissance ?
Pouvez-vous préciser le calendrier d’acquisition du troisième vecteur et d’un deuxième système de drone Reaper, dont j’ai pu mesurer l’efficacité sur le théâtre de l’opération Barkhane ?
Enfin, j’aimerais que vous indiquiez à la représentation nationale où en est le projet, prévu par la LPM, de rapprochement de la flotte de Caracal sur un seul site, ainsi que le projet d’intégration de tout ou partie de l’escadron « Pyrénées » dans le commandement des forces spéciales ?
M. Jean-Jacques Bridey, rapporteur pour avis sur l’équipement des forces – dissuasion. L’année 2015 sera, nous en avons tous conscience, une année décisive, « une année de vérité », selon l’état-major, et sa réussite sur le plan budgétaire conditionnera la bonne exécution de l’ensemble de la LPM 2014-2019.
Le projet de loi de finances pour 2015 traduit l’engagement du Président de la République de préserver les ressources affectées au ministère de la défense. Les 31,4 milliards d’euros prévus par la LPM permettront de franchir une étape clé de la modernisation de nos armées, qui se traduira par le passage au stade de la réalisation de 11 programmes, pour un montant de 2,75 milliards d’euros. On peut citer le système de drones tactiques, le système de commandement de gestion de crise DESCARTES, les satellites CERES, les bateaux de soutien et d’assistance hauturiers (BSAH), la rénovation de nos croisières de missiles longue portée SCALP ou encore les véhicules des forces spéciales.
À l’instar de mes collègues, je relèverai le niveau élevé de ressources exceptionnelles (REX), porté à 2,3 milliards d’euros en 2015 par la programmation triennale des finances publiques. C’est pour nous un risque de fragilisation de la trajectoire financière de la LPM.
Le calendrier de la cession de la bande des fréquences des 700 mégahertz, qui constitue l’essentiel des REX inscrites pour 2015, est en effet très ambitieux. Nous avons interrogé l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) sur ce point et, si elle a assuré être en ordre de marche pour la réaliser au plus vite, cette cession implique la réalisation d’un certain nombre de consultations, de procédures qui elles-mêmes nécessiteront de la part du Gouvernement une mobilisation sans faille tout au long de l’année qui vient. Je sais que le Gouvernement est prêt à relever ce défi mais les recettes ne devraient pas être disponibles au profit de la mission « Défense » avant le mois de décembre 2015, ce qui ne paraît pas compatible avec l’exécution budgétaire. Or la direction générale de l’armement (DGA) et l’état-major des armées nous ont fait savoir qu’il était fondamental pour eux de disposer de ces ressources dès l’été, au plus tard en septembre-octobre.
Il ne serait naturellement pas possible de faire supporter ce décalage calendaire par une augmentation du report de charges, qui est déjà aujourd’hui, pour le seul programme 146, proche du seuil critique de 2,1 milliards d’euros si la réserve de précaution était levée – sinon, nous en serions à 2,6 milliards d’euros –, tandis que la renégociation des contrats en cours a également atteint ses limites. C’est pourquoi vous envisagez d’utiliser la palette des outils mis à votre disposition par la clause de sauvegarde de la LPM qui vous permet de mobiliser le produit de cessions additionnelles de participations d’entreprises publiques en cas de décalage calendaire des REX. La difficulté restant de définir les modalités d’utilisation du produit de ces cessions, mais aussi de les intégrer dans un calendrier compatible avec l’exécution budgétaire.
Plusieurs hypothèses ont été envisagées. Une nouvelle sollicitation du programme d’investissements d’avenir, à l’image du schéma déjà utilisé en 2014, a été écartée. Seuls deux opérateurs de la défense, le commissariat à l’énergie atomique et le centre national d’études spatiales, sont en effet éligibles à ces crédits et il leur aurait été difficile d’absorber 2 milliards d’euros de nouvelles dépenses en 2015 alors que d’après leurs propres estimations ils n’auraient pu aller au-delà de 500 millions d’euros. Il aurait pu être envisagé d’ajouter la délégation générale à l’armement à la liste des opérateurs éligibles mais cette solution n’a pas été retenue. Pouvez-vous nous en dire un peu plus, monsieur le ministre ?
On aurait pu affecter ces 2 milliards d’euros directement à la mission « Défense ». Il aurait alors fallu prévoir une dérogation expresse dans le cadre du PLF pour 2015. Une autre solution aurait été de consacrer cette somme au désendettement et d’abonder d’autant le budget de la mission « Défense ». Ces deux solutions ont été écartées car elles présentaient l’inconvénient de dégrader le solde public.
Conformément à ce que vous laissiez entendre ces derniers mois, vous vous engagez donc, monsieur le ministre, sur une troisième voie, celle de la société de projet (SPV). Ce projet est très volontariste car il doit respecter des contraintes calendaires très fortes. Il convient rapidement de dresser la liste des équipements entrant dans son périmètre. L’état-major des armées m’a indiqué être attentif non seulement à la nature de ces équipements mais aussi à la cohérence entre les équipements qui pourraient être propriété de l’État ou propriété de cette SPV.
La création de la SPV et son fonctionnement engendreront des coûts supplémentaires liés à la rémunération du capital investi, aux différentes garanties et assurances, sans oublier les frais de gestion et les loyers qui lui seront versés : autant de coûts qui seront à la charge du ministère de la défense. C’est pourquoi l’opération, si elle devait être menée à bien, doit viser un débouclage rapide, à l’horizon de deux ou trois ans, à la fin de la LPM au plus tard.
Enfin, des interrogations demeurent sur l’impact d’un tel projet sur la dégradation du solde public.
Compte tenu de ces contraintes, pouvez-vous, monsieur le ministre, nous apporter des éléments complémentaires sur la création de cette ou de ces SPV et nous indiquer si le calendrier prévu est compatible avec l’exécution budgétaire ?
Si le projet n’aboutissait pas d’ici à l’été prochain, serait-il envisageable d’affecter le produit des cessions directement au profit de la mission « Défense » ? Cela rassurerait les parlementaires ainsi que nos soldats et notre état-major.
En attendant, j’émets un avis favorable sur les crédits de la mission.
M. Guy Teissier, rapporteur pour avis pour la commission des affaires étrangères. La France peut être fière de ses armées. À une époque où les rapports de force économiques et politiques ne sont pas forcément à notre avantage, personne ne conteste que la France porte haut son statut de grande puissance militaire. Le courage, l’audace et le savoir-faire de nos armées suscitent partout l’admiration, y compris chez nos grands voisins américains. Nos militaires sont d’excellents ambassadeurs de la France dans le monde, et ils sont fiers de ce qu’ils sont. Ce constat, le Président de la République le partage puisqu’il n’hésite pas à déployer nos armées pour contrer les menaces, nombreuses et inquiétantes, de notre environnement international. Mali et Centrafrique en 2013, mise en place de Barkhane au Sahel et campagne aérienne en Irak en 2014 : nos militaires sont très engagés, sur des théâtres risqués et dans des conditions difficiles et, on l’a mentionné, ils sont trop souvent trop seuls.
Mais notre outil militaire atteint ses limites. Les équipements, fortement sollicités en OPEX, peinent à se régénérer, et les livraisons de nouveaux matériels, étalées dans le temps pour faire face à la baisse des budgets, sont trop lentes au regard des besoins. De manière plus inquiétante encore, les savoir-faire militaires menacent de s’éroder, en raison de l’insuffisance de l’entraînement générique. Pour le moment, nos armées vivent sur leurs acquis, mais cela ne pourra durer qu’un temps.
Tout cela, monsieur le ministre, vous en êtes conscient. Vous avez estimé que le budget de la défense ne devait pas descendre en dessous de 31,4 milliards d’euros. Le Président de la République avait d’ailleurs lui-même pris un engagement en ce sens l’année dernière. Le budget que vous nous présentez pour 2015 affiche nominalement ce montant. Mais, sauf votre respect, ce budget reste à mes yeux insincère et, comme aurait dit un syndicaliste bien connu, le compte n’y est pas : il vous manque 2,1 milliards d’euros de ressources, et vous ne pouvez pas nous dire précisément comment vous allez les trouver. Le pouvoir budgétaire du Parlement implique que nous puissions voter en connaissance de cause ; or tel n’est pas le cas aujourd’hui. La question des sociétés de projet n’est pas un détail purement technique que vous pourriez régler vous-même en cours d’exercice budgétaire : elle a des implications sur l’avenir de notre outil militaire et devrait pouvoir être débattue concrètement dès le vote du budget. Comment comptez-vous associer le Parlement à cette réflexion ?
Même dans l’hypothèse où vous parviendriez à réunir les 31,4 milliards d’euros promis pour 2015, il est plus qu’improbable que la défense bénéficie de l’intégralité de son budget en 2014. En effet, la défense participera à hauteur de 20 % au financement des dépenses soumises à la solidarité interministérielle, dont les surcoûts OPEX, pour 1,1 milliard d’euros. Les 450 ou 500 millions d’euros de la clause de sauvegarde de la loi de programmation militaire – que j’avais créée à l’époque où je présidais la commission de la défense et des forces armées – ayant déjà été intégralement consommés pour compenser la gestion 2014, vous n’aurez plus de marge de manœuvre pour amortir les nouvelles annulations de crédits qui seront décidées inéluctablement en fin d’année. Aussi suis-je inquiet parce que les efforts de rationalisation et l’inventivité des militaires ne pourront pas indéfiniment compenser le manque chronique de ressources.
J’en viens aux questions. Vous avez récemment annoncé un plan de restructurations qui se traduit par un nombre limité de fermetures de sites, dans un souci louable d’en réduire l’impact territorial – on a pu constater les dégâts que peut occasionner une fuite dans la presse. Pour cela, de nombreuses unités vont perdre certaines de leurs composantes et voir leurs effectifs réduits : un bataillon n’a pas l’efficacité d’un régiment. Ne craignez-vous pas d’affaiblir notre outil militaire par ce que les états-majors appellent communément l’« échenillage » ? Par ailleurs, vous avez évoqué l’annonce d’un plan de restructuration pluriannuel dès le début de l’année 2015 afin de donner une meilleure visibilité aux familles et aux territoires : pouvez-vous confirmer cette hypothèse ?
J’ai rencontré les forces spéciales qui se trouvent en première ligne au Sahel – et dont les opérations, souvent tenues secrètes, sont remarquables. Ces hommes sont passionnés par leur métier. Cependant, en raison des déflations d’effectifs, ils sont soumis à un rythme opérationnel excessif au regard de leurs possibilités d’entraînement et de leur vie de famille. Ce déséquilibre ne vous paraît-il pas dangereux, étant donné le profil extrêmement risqué des missions confiées à ces forces ?
Pour ce qui est des crédits de la mission, je m’en remettrai à la sagesse de la commission.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. Je remercie les différents rapporteurs pour la qualité de leurs exposés et pour leurs remarques que, globalement, je partage.
Ainsi que l’article 8 de la loi de programmation militaire m’en fait l’obligation, je me dois d’abord de vous faire un point sur son exécution pour le second semestre de l’année en cours.
L’ensemble de la trajectoire de la LPM, pour 2014, est respecté. J’aborderai trois aspects : la trajectoire en matière de ressources humaines, la trajectoire capacitaire et la trajectoire financière.
Pour ce qui est des ressources humaines, une déflation de 7 880 emplois était prévue par le projet de loi de finances pour 2014. La cible est parfaitement tenue. La manœuvre RH a fait la preuve de son efficacité puisqu’elle s’est appuyée sur un dispositif d’accompagnement social personnalisé, un plan d’accompagnement des restructurations, avec des incitations financières et des aides à la mobilité au profit du personnel civil et militaire.
Dans le même temps, je me suis attaché à renforcer les moyens humains affectés à certaines missions prioritaires prévues par le LPM, comme les services du renseignement, la cyberdéfense ou les forces spéciales. La LPM prévoit une augmentation des effectifs des forces spéciales qui doivent passer de 3 000 à 4 000 personnes. Ils auront crû cette année de 200 personnes par rapport à 2013. Le processus est identique pour la cyberdéfense. Aussi le chiffre de 7 880 emplois tient-il compte des recrutements opérés dans les secteurs prioritaires mentionnés.
L’effort de « dépyramidage », quant à lui, se poursuit. Cet effort, qu’il faut conduire avec précaution, est nécessaire. Nous avons pris l’engagement de réduire la part des officiers au sein de la population militaire de 16,75 % à 16 % en fin de programmation – soit une déflation significative mais pas exceptionnelle. Il s’agit en particulier de sortir de la contradiction à laquelle j’ai été confrontée en arrivant au ministère : les effectifs diminuaient, mais la masse salariale augmentait… Or, pour la première fois, en 2014, la masse salariale aura baissé de 340 millions d’euros. Cette opération exige une gestion très pointue des ressources humaines ; elle devra se prolonger en ce sens à moins de remettre en cause le maintien en condition opérationnelle (MCO) qui est l’une de mes priorités.
Reste le poison que constitue le logiciel Louvois – un fardeau dont je me serais bien passé. Ses dysfonctionnements, par définition, ne cesseront que lorsque le nouveau système sera opérationnel. À la fin de l’année dernière, face à l’impossibilité de transformer le dispositif Louvois, j’ai brutalement décidé de l’arrêter. Le prototype du nouveau modèle sera connu à la fin 2014 et sa mise en œuvre définitive sera effective dès que nous serons assurés que nous ne serons pas exposés à de nouvelles complications ; en attendant, nous resterons en double pilotage. Louvois nous a coûté en 2014 quelque 150 millions d’euros. On compte 90 millions d’euros d’indus nets versés qui ne sont pas récupérés et 35 millions d’euros d’avances non récupérées.
Pour ce qui est de la trajectoire capacitaire et industrielle, elle est intégralement respectée. Nous sommes convenus, avec les chefs d’état-major, des contrats opérationnels préconisés par le Livre blanc. J’ai insisté sur la nécessité de maintenir la qualité et le niveau de la préparation et de l’activité opérationnelle. Or c’était souvent auparavant, pour des raisons de facilité, la variable d’ajustement. J’ai décidé, fin 2013, d’enrayer la diminution, constante depuis de nombreuses années, des crédits affectés à l’ensemble de la préparation opérationnelle. Nous y sommes parvenus en 2014. J’ai souhaité que chaque exercice budgétaire prévoie une augmentation de 4,5 % pour le maintien en condition opérationnelle et pour la préparation opérationnelle des forces, cela afin que nous respections à nouveau les normes OTAN – ce qui sera le cas à la fin de la période couverte par la LPM. Je pense en particulier à la réforme de maintien en condition opérationnelle aéronautique.
Par ailleurs, les programmes d’armement prévus pour 2014 sont intégralement respectés eux aussi : commande du quatrième sous-marin nucléaire d’attaque Barracuda, développement d’une nouvelle version du missile balistique M51, engagement du programme SCORPION, lancement du projet Airbus A330 Multi-Role Tanker Transport (MRTT).
Pour ce qui est de la trajectoire financière, il y a toujours, au moment de l’examen du budget, des interrogations sur les REX, et je dois bien m’arranger avec la réalité à laquelle je suis confronté. Mais en 2014, toutes les ressources exceptionnelles sont au rendez-vous : 1,8 milliard d’euros au titre du PIA et 500 millions d’euros à raison de 250 millions d’euros ouverts dans le cadre de la loi de finances rectificative du 8 août et 250 millions d’euros via une mobilisation supplémentaire du PIA.
En ce qui concerne les OPEX de 2014, sujet de préoccupation – légitime – pour M. de La Verpillière, le surcoût prévisionnel total pour l’ensemble des théâtres est estimé à 1,128 milliard d’euros. Près des deux tiers de ce montant sont imputables aux seules opérations de la bande sahélo-saharienne, pour 487 millions d’euros, et de la République centrafricaine, pour 249 millions d’euros. Au regard de la dotation de 450 millions d’euros prévus par la loi de finances initiale, le différentiel s’élève à 624 millions d’euros. C’est bien en application de l’article 4 de la LPM que nous devons bénéficier d’un financement interministériel : il a été réglé, l’année dernière rubis sur l’ongle. Mais il est vrai qu’il s’agit d’une manœuvre, pour reprendre un terme militaire, qu’il faut démarrer tôt et poursuivre tard. Elle est entamée de mon côté en tout cas, monsieur de La Verpillière. Certains députés se sont demandé s’il fallait consacrer aux OPEX, en dotation initiale, davantage que 450 millions d’euros. Je maintiens que ce montant est plus sécurisant pour le budget de la défense que s’il était plus élevé – et je sais pouvoir compter sur votre soutien.
En outre, nous pouvons poursuivre en 2014 tous les objectifs de la LPM malgré un report de charges prévisionnel de 3,3 milliards d’euros. Ce montant est élevé mais il est gérable, pour peu que soit levée la somme de 1,4 milliard de réserve de précaution ministérielle et que l’on soit assuré de l’application de la clause de sauvegarde.
J’en viens au projet de loi de finances pour 2015.
Je veux d’abord insister sur la cohérence du texte. Les ressources de la mission « Défense » s’élèveront à 31,4 milliards d’euros en crédits de paiements dont 2,3 milliards d’euros de recettes exceptionnelles. Le montant, je le répète, est le même qu’en 2014 et le même qu’en 2013. Quant aux ressources exceptionnelles, je n’ai pas de raison de penser qu’en 2015 elles seraient moins au rendez-vous que les années précédentes, tout simplement parce que c’est une nécessité. La LPM est une loi d’équilibre dans tous les sens du terme : équilibre entre les missions, équilibre de celui qui marche sur un fil. Il ne doit rien manquer ; sinon, c’est toute la logique de l’ensemble qui s’écroule.
Logiquement, l’article 3 et l’annexe V.1 de la LPM prévoient la manière de mobiliser les 2,3 milliards de recettes exceptionnelles pour 2015. Le fruit de la cession de la de la bande de fréquences autour de 700 mégahertz doit être affecté aux REX. La procédure est engagée mais j’ai une interrogation sur la possibilité de disposer des REX liées à la mise aux enchères de ces fréquences avant la fin de l’année et donc une interrogation sur la capacité de passer des commandes puisque ces REX portent sur les équipements et non le fonctionnement. C’est pourquoi j’ai engagé une réflexion sur la mobilisation du produit de la cession des participations d’entreprises publiques.
J’y insiste : ces cessions sont prévues par l’article 3 de la LPM qui offre cette possibilité au ministère de la défense pour alimenter les REX, mais elles ne permettent pas une utilisation directe de ces ressources, qui doivent être réutilisées dans des opérations d’investissement en capital. Aussi avons-nous pensé utile d’investir le produit de ces cessions dans une société de projet grâce à laquelle nous aurions une propriété différée de certains équipements. Vous connaissez le principe : une société rachète des équipements aux armées – certains pouvant même être en cours de construction –, avant remboursement.
Ce projet n’est pas une nouveauté et je n’ai à cet égard aucune vanité d’auteur. Dans la LPM 2003-2008, mon prédécesseur avait également engagé ce processus.
M. Pierre Lellouche. Cela ne veut pas dire que c’était intelligent…
M. Yves Fromion. Heureusement, nous l’avions arrêté en cours de route !
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. Je constate seulement qu’on avait alors tenté de lancer une société de projet à capitaux privés et envisagé un dispositif, avec la société Armaris, permettant une acquisition patrimoniale à paiement différé. Je n’innove donc pas : des prédécesseurs illustres s’y sont essayés.
M. Pierre Lellouche. Pas du temps du général de Gaulle, en tout cas !
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. Il n’y a pas très longtemps, en effet, monsieur Lellouche.
M. Yves Fromion. L’expérience nous commande de ne pas aller plus loin, monsieur le ministre !
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. Je vais aller légèrement plus loin pour M. Fromion afin de lui rappeler – il était là – que le rapporteur du budget de la marine avait alors déclaré à Mme Alliot-Marie que c’était une très bonne idée. Ce rapporteur, c’était votre serviteur. Et je suis aujourd’hui d’autant plus déterminé à aboutir que j’ai un mandat du Président de la République.
La société de projet est la seule solution pour mobiliser les cessions de participation. Il n’y en a pas d’autre. Nous avons donc engagé la réflexion sur le sujet. Je suis tout à fait disposé à ce que cette société de projet soit préparée dans la plus grande transparence.
M. Yves Fromion. Encore heureux !
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. Nous avons lancé deux appels d’offres pour une assistance externe, l’un pour recruter un conseiller juridique, l’autre pour recruter un conseiller financier, afin de compléter nos analyses internes et d’être au rendez-vous mi-2015. Nous verrons alors si la mise aux enchères de la bande de fréquences autour de 700 mégahertz permettra de garantir les ressources exceptionnelles. Dès que le schéma sera établi, je reviendrai et devant la commission des finances et devant la commission de la défense pour faire le point et vous dire le sens de la manœuvre. Je vais recevoir, avec mon collègue Emmanuel Macron, dans quelques jours, les principaux patrons des industries de défense – car nous avons retenu également l’hypothèse d’une participation, dans ces sociétés de projet, d’industriels français, certes pas sur les sujets les plus sensibles, mais sur l’acquisition de certains matériels. Chacun perçoit bien les perspectives à l’exportation que peut dégager ce type de dispositif. Le débat est ouvert et j’ai mandat pour le faire aboutir.
Avant d’en revenir aux OPEX, je réponds à M. Cornut-Gentille sur l’École polytechnique. Après lecture de son rapport, je vais proposer au Premier ministre de mettre en place une commission pour instruire chacun des points qu’il a évoqués car ils sont importants. Nous avons réformé la gouvernance de l’école l’année dernière et je viens de signer le décret réformant le régime dit de la pantoufle, qui va dans le sens de ce que vous souhaitez.
M. de La Verpillière m’a interrogé sur le financement des surcoûts des OPEX. La rationalisation de nos forces stationnées à l’étranger a permis de ne pas dépasser les 450 millions d’euros initialement prévus. Nous avons mis fin à l’opération Kosovo. Nous nous sommes quasiment désengagés de l’Afghanistan : à la fin de l’année, il nous restera une cinquantaine de militaires uniquement affectés à l’application du traité franco-afghan et nous ne participons pas à la nouvelle mission de l’ONU Resolute Support. Nous avons réduit notre part dans l’opération Atalante puisqu’elle a donné des résultats. Nous avons prépositionné des forces qui étaient, auparavant, des forces OPEX – c’est le cas pour la Côte d’Ivoire : l’opération Licorne étant terminée, une base opérationnelle avancée a été installée à Abidjan.
Cela étant, sont venues s’ajouter en décembre l’opération en République centrafricaine, puis l’opération en Irak – qui n’est pas aujourd’hui une opération onéreuse dans la mesure où les avions de chasse mobilisés étaient prépositionnés sur la base d’Al-Dhafra à Abou Dabi, auxquels nous avons ajouté trois Rafale. Si cette opération était amenée à durer, son coût s’en ferait bien sûr ressentir.
Par ailleurs, nous sommes perplexes concernant le dispositif Athena : lorsque l’Union européenne mène une opération à l’extérieur, la prise en charge des coûts est si faible – autour de 8 ou 10 % – qu’elle n’incite pas du tout les États membres à participer : c’est le cas de l’EUFOR (Force de l’Union européenne) en République centrafricaine où nous sommes assez présents en termes d’effectifs, contrairement à l’EUTM-Mali (European Union Traning Mission) où nous ne représentons plus que 10 % de l’effectif. Un des moyens de renforcer l’Europe de la défense, serait de faire en sorte que le dispositif Athena couvre plus largement les frais des déploiements. Nous menons à ce sujet une bataille, avec le renfort de quelques alliés – peut-être pourrons-nous aboutir.
Contrairement à ce qu’a affirmé M. de La Verpillière, à ma connaissance, les coûts de « remétropolisation » des matériels envoyés en OPEX sont bien pris en compte dans le remboursement. En revanche, l’attrition ne l’est pas.
Au total, le PLF pour 2015 permet de financer toutes les priorités fixées par la LPM.
M. Launay est revenu sur la dégradation des conditions de vie et de travail en base de défense, évoquant l’état de certains bâtiments. J’entends bien remédier à cette situation. Les principes qui président à l’organisation des bases de défense sont sains. On peut toutefois déplorer une trop grande précipitation dans leur mise en œuvre. On peut également regretter une trop grande complexité des procédures qui parfois provoque désespérance et situations proprement ubuesques. J’ai décidé de rendre plus lisible le fonctionnement des bases de défense, clarification qui passe notamment par le double « casquettage » afin d’obtenir la cohérence de commandement et la maîtrise de gestion de l’ensemble des filières de décision et de soutien.
J’avais déjà augmenté, en 2014, le budget des bases de défense car il avait été sous-évalué ; je poursuivrai cet effort en 2015. J’avais décidé la mise en place d’un plan d’urgence pour 2013, 2014 et 2015, visant à y améliorer les conditions de vie et de travail. Il est souvent question de petites réparations urgentes qui traînent depuis des années parfois, en raison non d’un budget insuffisant, mais de l’incapacité à trouver le bon lieu de décision – pour acheter des matelas, des rideaux… Le dispositif que j’ai mis en place est très incitatif pour les chefs de corps : il prévoit 30 millions d’euros à dépenser dans l’immédiat, car ils ne sont pas reconduits.
Pour ce qui concerne les infrastructures, monsieur Launay, j’ai lancé un plan d’urgence destiné à traiter 700 points noirs, dont 300 devraient être éliminés en 2015. Là aussi, je vérifierai sur place. Ces dysfonctionnements ne sont pas forcément spectaculaires, mais ils traînent et leur réparation est essentielle pour le moral des forces.
M. Yves Fromion. Pouvez-vous nous en communiquer la liste ?
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. Tout à fait. Je n’ai aucune réserve à vous la transmettre, monsieur Fromion : tout doit être transparent.
Le maintien en condition et d’entretien programmé des matériels tout comme les conditions de vie et de travail dans les bases de défense participent de la priorité qu’est la préparation opérationnelle globale.
En ce qui concerne la recherche et le développement, je rappelle que, dans la continuité des années 2013 et 2014, 3,6 milliards d’euros y seront consacrés en 2015. J’ai souhaité que les crédits destinés aux études menées en amont – 750 millions d’euros –, dont les effets ne se feront sentir que dans dix ans, soient reconduits. Ces études sont essentielles pour le maintien du niveau d’excellence de la France. Si l’on rogne sur ces crédits, nous ne serons plus à la hauteur.
M. Le Déaut a fait référence à deux sujets très concrets : les drones et le bioterrorisme – menace ancienne mentionnée d’ailleurs dans le Livre blanc précédent avec une menace nouvelle, le cyber-terrorisme. Nous affectons 15 millions d’euros par an aux études amont consacrées au bioterrorisme, en particulier dans le laboratoire biologique confiné P4 sur le site de Vert-le-Petit, pour nous assurer de notre bon niveau d’expertise en une matière où sommes parmi les meilleurs au monde. J’invite les membres de la commission de la défense à visiter ce site exceptionnel.
J’en viens aux drones et en particulier aux drones Reaper : nous disposons de deux machines à Niamey, en attendant l’affectation d’une troisième – je suis allé aux États-Unis pour m’assurer de sa livraison. En 2015, nous commanderons un autre système – la LPM prévoit l’utilisation de 12 drones et je tiens le tempo –, qui a vocation à être « francisé » puisqu’ils ne seront pas appelés à servir sur le territoire africain. Puisque nous jouissons d’une autonomie européenne et bénéficions d’un savoir-faire français, je fais de l’acquisition de ce dispositif une priorité majeure.
Nous avons engagé, pour la génération de drones qui suivra le Reaper, à l’horizon 2025, des discussions avec les Allemands et avec les Italiens qui devraient se terminer au moment du Conseil européen de juin 2015. Nous avons décidé de cette orientation au Conseil européen de décembre 2013, le premier depuis cinq ans à s’être préoccupé de questions de défense. L’Agence européenne de défense a été mandatée pour mener à bien les études, en particulier sur l’intégration des drones dans le ciel européen. Ma détermination est entière sur le sujet. Après le vaste débat public qui s’est instauré en Allemagne autour du drone Euro Hawk notamment, nous allons mettre en place une coopération active dans le domaine des drones d’observation : cela nous permettra de disposer de drones de nouvelle génération, ce qui paraît indispensable.
J’en viens aux drones de combat. Le nEUROn deviendra peut-être un outil de combat à l’avenir. J’ai signé un accord avec mon collègue britannique pour engager un programme de Système de combat aérien du futur (FCAS) : cette coopération avec les Britanniques est sans précédent. La première phase de ce projet est en cours ; il devrait se dérouler jusqu’en 2030.
Conformément à la LPM, le renouvellement des drones tactiques – également tout à fait indispensables – est engagé, et la compétition en cours : je ne ferai donc aucun commentaire sur ce sujet.
Monsieur Bridey, en 2015, la loi de programmation militaire sera intégralement respectée dans le domaine des équipements de l’armée de terre. La masse budgétaire affectée aux équipements nouveaux est plus importante en 2015 qu’en 2014.
Les derniers VBCI (véhicules blindés de combat d’infanterie) seront livrés en 2015. En ce qui concerne les hélicoptères, quatre Tigre, quatre NH90 et cinq Cougar rénovés seront affectés. Je souligne la montée en puissance du porteur polyvalent terrestre (PPT), qui remplace des appareils très anciens : vingt-cinq véhicules supplémentaires seront livrés cette année.
J’engagerai dans les jours qui viennent le programme SCORPION, ce qu’il n’a pas été possible de faire plus tôt pour des raisons techniques. Le processus de renouvellement des matériels blindés de l’armée de terre – les VBMR (véhicules blindés multirôles) qui remplacent les VAB (véhicule de l’avant blindé), les EBRC (engins blindés de reconnaissance et de combat) qui remplacent les AMX 10RC – commence.
La modernisation des VAB se poursuit, malgré leur grand âge, pour les maintenir à un niveau suffisant jusqu’à l’arrivée des VBMR – la livraison d’un millier de ces véhicules étant prévue dans la période de la LPM. L’armée de terre sera ainsi fortement modernisée.
Monsieur Rouillard, cinq bâtiments seront effectivement désarmés ; les vedettes Athos et Aramis, qui armaient la base navale d’Anglet, seront affectées à la gendarmerie nationale – dont une au moins très certainement dans une ville qui vous est chère. Le Siroco peut être revendu, puisque son potentiel opérationnel est intéressant. Nous étudions l’affectation des autres bateaux.
La mise à disposition de l’Adroit a été étendue. Il faut prêter une grande attention à ce patrouilleur, car c’est une bonne vitrine à l’exportation : ce modèle, qui se situe en dessous des FREMM sur le plan du coût et de la technologie, intéresse aujourd’hui une dizaine de pays.
Vous m’interrogez également sur la déflation des effectifs dans la marine. Vous avez évoqué la suppression de la base d’Anglet et du commandement maritime de Strasbourg, mais la déflation touchera l’ensemble des ports. Cela étant, les effectifs de la marine étant inférieurs à ceux des autres armées, et ses efforts antérieurs ayant déjà été significatifs, elle est moins touchée, à hauteur de 660 emplois en 2015.
L’ensemble de la loi de programmation militaire est respecté pour la marine nationale, qu’il s’agisse de la livraison des Rafale Marine ou de la livraison en 2015 de la troisième FREMM, équipée, pour la première fois, de son lot de missiles de croisière navals (MdCN).
Monsieur Guilloteau, pour ce qui concerne Cognac, j’ai tranché le débat : ce sera 2017, avec une obligation de résultat.
Vous m’interrogez sur les forces spéciales. Je vous confirme que l’escadron « Pyrénées », basé à Cazaux, sera placé sous les ordres du Commandement des opérations spéciales (COS). Nous ferons le point dans dix-huit mois.
M. Guy Teissier, rapporteur pour avis pour la commission des affaires étrangères. En sus du « Poitou », donc ?
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. Absolument.
Il faut partout trouver des cohérences et simplifier. La réforme du MCO aéronautique était une nécessité : le maintien en condition opérationnelle d’hélicoptères identiques doit se faire au même endroit, même s’ils appartiennent à des armées différentes… Le rôle de l’autorité politique est de définir les responsabilités de chacun et de bousculer les corporatismes. Cela ne va pas toujours sans mal, mais par la suite, la situation s’en trouve améliorée. C’est dans cet esprit que les commandements ont été fusionnés à Bordeaux.
S’agissant des forces spéciales, le recrutement de nouvelles unités est engagé. J’ai répondu plus tôt sur les drones Reaper, et je vous confirme ici le lancement de la rénovation des avions de transport C-130 dans le courant de l’année 2015.
Plusieurs questions ont porté sur la suite des déflations d’effectifs. J’ai essayé, pour 2015, de m’en tenir au principe que j’indiquais déjà lors de la discussion de la loi de programmation militaire : pas plus d’un tiers de déflation dans les unités opérationnelles et le moins possible de dissolutions d’unités opérationnelles. Par conséquent, les deux tiers des suppressions se font dans le soutien, les états-majors, les services annexes.
L’échenillage n’est pas la solution – même si les annonces que j’ai faites il y a quelques jours ont pu donner l’impression que nous nous engagions dans cette voie. Il y a eu un plan de l’armée de l’air, qui s’appliquera entièrement. Il y a eu un plan de la marine, qui s’applique. Le plan de l’armée de terre est en cours de mise en œuvre, mais il ne reposera pas sur l’échenillage : il tirera les leçons des opérations que nous avons menées depuis une dizaine d’années, ce qui aboutira sans doute à modifier certains dispositifs. J’essaierai à l’avenir, autant que faire se peut, d’annoncer les décisions plus en amont, en conservant les mêmes principes. Ceux-ci sont exigeants, puisqu’ils supposent une analyse fonctionnelle de l’ensemble de nos dispositifs, ce qui prend beaucoup plus de temps.
Monsieur Pueyo, je suis très vigilant sur la question de la réinsertion. L’action de Défense Mobilité donne des résultats très significatifs. Vous m’interpellez sur le rôle du service militaire adapté. J’ai moi-même visité deux centres du SMA et j’ai été comme vous frappé des compétences réunies et de la qualité de la réinsertion. Ce dispositif relève du ministère des outre-mer. Vous souhaitez l’élargir : l’idée me paraît bonne.
S’agissant enfin du récent jugement de la Cour européenne des droits de l’homme, madame la présidente Adam, l’interdiction générale et absolue en droit français des associations de militaires à but de défense des intérêts professionnels a été jugée contraire à l’article 11 de la Convention européenne des droits de l’homme de 1950. Ce même article dispose toutefois explicitement que des « restrictions légitimes » de leurs droits syndicaux notamment peuvent être imposées aux membres des forces armées… À la demande du Président de la République, nous avons demandé un rapport sur ce sujet à un conseiller d’État, M. Pêcheur. Ce rapport devrait nous être rendu avant la fin de l’année.
Sans anticiper sur ses conclusions, je peux dire que nous serons certainement amenés à infléchir notre dispositif de concertation. En tout cas, la syndicalisation des armées n’est pas à l’ordre du jour.
M. Guy Teissier, rapporteur pour avis pour la commission des affaires étrangères. Ouf !
M. Jacques Myard. Très bien !
M. Christophe Guilloteau. On revient de loin !
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. J’espère avoir répondu à toutes les questions posées.
M. le président Gilles Carrez. Avant que nous n’entendions les porte-parole des groupes, je me permets une première question.
Pour les ressources exceptionnelles, le plus simple n’est-il pas de passer par le Programme d’investissements d’avenir (PIA) ? Celui-ci pourrait devenir un compte d’affectation spéciale, ce qui lui permettrait de recevoir des recettes issues par exemple de cessions de participations ou de fréquences. Le PIA intervient notamment par le biais de dotations non consomptibles, c’est-à-dire de dotations dont le bénéficiaire ne peut utiliser que le produit financier. La technique budgétaire du PIA semble donc être une solution aux problèmes que vous exposez. Le plan B ne serait-il pas là ?
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. Nous avons, en 2014, mobilisé le PIA à une hauteur très significative. On peut donc tout à fait réfléchir à la proposition que vous formulez.
Si j’ai souhaité obtenir le mandat du Président de la République pour tenter la société de projet, c’est parce que celle-ci me permet de mobiliser les cessions d’actifs. Je ne veux donc pas écarter cette hypothèse, qui présente d’autres avantages encore, notamment pour l’exportation. Le rapport Charpin penchait, lui, pour un PIA bis. Se poseraient toutefois deux problèmes qui ne sont pas simples : la nature des dépenses éligibles au PIA – on ne pourrait pas financer de frégates, par exemple – et celle des opérateurs.
L’essentiel, c’est d’arriver aux 31,4 milliards, dans des délais qui permettent de passer les commandes en temps utile – c’est ce que nous avons fait avec le PIA en 2014. Mais je veux tenter la société de projet : il n’y a pas de raison que cela n’aboutisse pas. Cela n’empêche nullement de disposer de plusieurs outils.
Mme Geneviève Gosselin-Fleury. Le budget de la mission « Défense » pour 2015 est conforme à la trajectoire prévue par la loi de programmation militaire : les ressources s’élèveront à 31,4 milliards d’euros, ce qui concrétise l’engagement du Gouvernement de maintien d’un effort militaire significatif dans un moment économique difficile.
Ce budget permettra la transition vers une armée plus efficace et mieux adaptée au contexte international. Les analyses du Livre blanc de 2013 ont été corroborées par les évolutions géopolitiques récentes, et l’engagement de nos forces sur plusieurs fronts confirme que nous devons maintenir nos moyens de défense à un très haut niveau de capacité et d’efficacité militaires. Ce projet de loi de finances prévoit ainsi une hausse des crédits d’entraînement des forces, et les ressources consacrées à l’entretien programmé des matériels progressent de 4,5 %. Ces mesures nous permettront d’atteindre dès 2016 les standards de l’OTAN en matière d’activité opérationnelle.
La défense française est résolument tournée vers l’avenir : une priorité forte est donnée à l’équipement des forces, mais aussi à la recherche et développement et à l’industrie. Une industrie forte est en effet la garante de notre souveraineté et de notre autonomie stratégique. Enfin, une place majeure est accordée à la connaissance et à l’anticipation, et en particulier à la cyberdéfense et au renseignement. L’année 2015 sera charnière puisque, conformément à l’article 6 de la LPM, il faudra actualiser la programmation.
Au nom du groupe socialiste, républicain et citoyen, j’apporte mon soutien à ce budget, construit dans un souci d’équilibre pour moderniser notre armée tout en respectant l’objectif de redressement des finances publiques.
M. Philippe Meunier. Au nom du groupe UMP, lors la discussion dans l’hémicycle de la loi de programmation militaire pour 2014-2019, je vous avais déjà mis en garde contre les dangers qui guettaient notre outil de défense, compte tenu des efforts supplémentaires que vous demandez à nos armées et du risque que lui fait courir l’instabilité des ressources exceptionnelles anticipées.
Nos craintes étaient fondées. Nous vous voyons sans cesse, monsieur le ministre, partir à la recherche de vos centaines de millions confisqués, voire perdus. Vous nous annoncez un montant de 250 millions de ressources exceptionnelles qui restent à mobiliser ; des financements interministériels devraient arriver ; des ventes de fréquences sont prévues mais non réalisées.
Conscient de ces difficultés, avec la volonté de Breton qui vous caractérise, vous tentez de les pallier en recourant à des solutions de financement innovantes avec la création d’une société de projet – tout en reconnaissant que de nombreuses questions techniques, industrielles, juridiques financières demeurent. Monsieur le ministre, il est inutile d’essayer de vous protéger derrière je ne sais quelle réflexion précédente : si réflexion il y a eu, ces solutions n’ont jamais été mises en œuvre, en raison de leurs effets délétères.
Je ne remets pas en cause votre volonté de tenir les engagements déjà insuffisants pris par le Gouvernement à l’égard de nos armées. Mais force est de constater que le compte n’y est pas. Cela est d’autant plus dommageable que nos armées sont engagées sur différents théâtres d’opérations, avec l’honneur, le courage et l’efficacité qui les caractérisent. Les réductions budgétaires qui leur sont imposées sont trop fortes, et trop d’incertitudes pèsent sur les recettes de votre budget.
Vous nous rétorquerez que vous n’avez pas d’autre choix. C’est faux : dans le même temps, le Gouvernement recrute 60 000 fonctionnaires supplémentaires pour le ministère de l’éducation nationale. Monsieur le ministre, alors que notre nation est menacée de dangers de plus en plus forts, alors que nos forces sont de plus en plus longuement engagées, nos armées méritent un autre budget. Vous comprendrez dès lors que le groupe UMP ne votera pas celui que vous nous présentez.
M. Philippe Folliot. Au nom du groupe UDI, je veux commencer par rendre hommage aux hommes et aux femmes qui consacrent toute leur énergie à la mission régalienne de défense.
Mais ce projet de budget suscite beaucoup d’interrogations, et de tous ordres.
Pour 2014, vous aviez prévu 1,15 milliard d’euros pour les OPEX ; le surcoût sera de 700 millions environ, dont la défense supportera 20 %. Comment seront-ils financés ?
Nous nous interrogeons aussi sur la baisse des effectifs, qui représente 60 % des suppressions de postes dans la fonction publique d’État. Le choix de l’échenillage suscite aussi des questions : l’efficacité opérationnelle sera-t-elle maintenue ?
Nous nous interrogeons encore sur les recettes exceptionnelles : ce projet de budget n’est finalement pas conforme à la LPM, et notamment à son article 3. Nous savons combien il est difficile de toucher effectivement les recettes exceptionnelles. Je ne reviens pas sur ce qui a été dit sur les cessions immobilières, les ventes de fréquences, ni sur les exportations de Rafale.
Quant à votre société de projet, elle nous laisse très dubitatifs.
Au vu de tous ces éléments, vous comprendrez, monsieur le ministre, que le groupe UDI ne pourra pas voter ce budget.
M. François de Rugy. Monsieur le ministre, lorsque nous avons reçu le général Henri Bentégeat, il nous a dit avoir, en tant que chef d’état-major des armées, passé son temps « à taper sur l’édredon pour le faire rentrer dans la valise ». Au nom du groupe écologiste, je salue vos efforts pour l’y faire à votre tour rentrer… Je vous remercie aussi de toutes les réponses précises que vous avez déjà apportées aux rapporteurs.
La France a du mal, reconnaissons-le, à satisfaire aux besoins les plus urgents de son armée, et donc à rester cohérente avec l’ambition de sa diplomatie. Nous encourons le risque de voir grandir l’écart entre des capacités de pointe, très coûteuses mais peu utilisées, et des forces du quotidien suremployées : nous aurions ainsi une armée à deux vitesses. Pour utiliser une image réductrice mais parlante, on pourrait dire que nous aurions la bombe et le gendarme…
Nous sommes, vous le savez, en désaccord sur la question du nucléaire militaire : le groupe écologiste considère très concrètement la dissuasion nucléaire comme chère et inopérante, alors que vous la qualifiez d’assurance-vie. Par-delà cette opposition « culturelle », la donne est en train de changer puisqu’un nombre croissant de généraux redoutent qu’une sanctuarisation des budgets alloués au nucléaire n’entraîne la dégradation de nos forces conventionnelles. Ce budget confirme ces craintes : la dissuasion représentera 33 % de nos crédits d’équipements, en augmentation de onze points par rapport à l’année dernière.
C’est avec un esprit critique, mais constructif, que le groupe écologiste aborde la discussion de cette mission. Nous vous présenterons des propositions concrètes de réorientation.
M. le président Gilles Carrez. Nous n’avons aucun orateur inscrit comme porte-parole des groupes GDR et RRDP.
Mme Marie Récalde. Monsieur le ministre, vous avez annoncé l’acquisition, en 2015, d’un troisième drone Reaper. Votre arrivée au ministère de la défense a d’ailleurs permis de relancer ce dossier majeur, dans lequel vous vous investissez personnellement. Quel est à votre sens l’apport tactique et opérationnel de ces matériels ? Quels sont les motifs pour lesquels vous choisissez de poursuivre leur acquisition ?
M. Jean-François Lamour. La mécanique budgétaire que vous nous présentez, monsieur le ministre, est d’une rare complexité – reports de charge, recettes exceptionnelles, PIA…
Vous avez évoqué l’exécution du budget 2014. Malheureusement, comme l’a remarqué la Cour des comptes dans son rapport sur l’exécution du budget pour 2013, publié en mai 2014, 400 millions issus du PIA ont servi à financer les salaires du CEA pour 2013 ! Je crois savoir que 200 millions ont été versés pour rembourser cette avance ; mais l’autre moitié a-t-elle également été versée, et le PIA va-t-il effectivement abonder les ressources exceptionnelles comme c’était prévu ?
Quant aux sociétés de projet, pouvez-vous nous confirmer qu’elles ne compteront aucun investisseur étranger ? Sinon, qui seront-ils, et dans quelles conditions pourront-ils être admis ? Ces sociétés de projet pourront faire appel à l’emprunt : allez-vous ainsi laisser filer notre déficit ?
Enfin, vous aviez expliqué devant la commission des finances que les forces prépositionnées étaient plus opérationnelles. Y a-t-il aujourd’hui un transfert de charges entre les OPEX et ces forces prépositionnées ? Le cadre budgétaire des unes et des autres est bien différent : que doit supporter exactement le budget du ministère de la défense ?
M. Philippe Nauche. Je me félicite, comme beaucoup de mes collègues, de la conformité de ce projet de budget pour 2015 avec les objectifs fixés par la loi de programmation militaire. Cela traduit la volonté du chef de l’État, chef des armées, de sanctuariser les moyens alloués à notre défense nationale. Nous essayons aussi de remédier aux manquements du précédent quinquennat en matière de pilotage des ressources humaines, et la réforme que vous engagez permettra une meilleure gestion tant des effectifs que de la masse salariale.
Il demeure néanmoins des scories du « désastre Louvois », pour reprendre votre formule. Ce logiciel avait été mis en place à marche forcée à partir de 2011, au moment même où les personnels en charge de la gestion de la solde des militaires étaient invités à prendre la porte, sous l’effet de la RGPP. Cela a causé aux militaires et à leurs familles de grands désagréments, comme chacun le sait ici. Vous avez décidé d’abandonner Louvois, mais le système de remplacement ne pourra être déployé avant le mois de décembre 2015, et ne sera complètement opérationnel qu’en 2017. Pendant ce temps, des problèmes continueront de survenir. Combien ont coûté les dysfonctionnements de Louvois en 2014 ? Quels crédits devront être prévus pour 2015 ? Peut-on d’ores et déjà évaluer le coût total de ces dysfonctionnements depuis 2011 ?
Par ailleurs, vous avez lancé au début de l’année 2014 le « Pacte Défense Cyber 2016 », avec trois priorités : la recherche, la formation et les entreprises. Sur le plan industriel et opérationnel, où en est-on ?
M. Pierre Lellouche. Monsieur le ministre, vous savez l’estime que je vous porte, et nul ne doute du respect que je porte à nos armées.
Mais le monde n’a jamais été aussi dangereux : les Russes ont augmenté leur budget de défense de 30 %, les Algériens de 15 % ; les Chinois l’augmentent de 15 % par an depuis plusieurs années ; les Américains augmentent à nouveau leurs dépenses. Nous, en revanche, nous sommes en disette budgétaire, et les Européens en plein désarmement collectif…
Votre budget essaye de le masquer. Mais, sur 31,4 milliards, il y a 2,1 milliards de recettes exceptionnelles, 3,5 milliards de reports de charges, 1,2 milliard de surcoût des OPEX. Au total, 23 % de l’annuité, et 80 % du budget d’équipement, sont fictifs.
Pour le cacher, vous avez inventé un outil extraordinaire, un OVNI juridique : la société de projet. On avait les portiques d’Écomouv’, on avait les concessions d’autoroutes, mais ça, c’est vraiment formidable ! Pour mettre en œuvre cette invention, il vous faudra de toute façon une loi : vous donnez la propriété d’armes – le cœur du régalien – à on ne sait trop quelle entreprise privée. Vous rencontrerez des problèmes de propriété, mais aussi d’assurance – le matériel de guerre étant fait pour être utilisé, il peut être détruit – et d’affectation. Tout cela me paraît surréaliste. Écoutez le président de la commission des finances, qui vous veut du bien : revenez aux investissements d’avenir.
Non, le compte n’y est pas. Et vous ne pouvez pas dire que vous allez faire avec : votre boulot, c’est de présenter à la nation des comptes sincères. Vous êtes en déroute et vous tentez de le dissimuler. Je suis triste de voir ce désarmement budgétaire, alors que jamais la France n’a couru de si grands dangers.
M. le président Gilles Carrez. Nous allons tous essayer d’aider le ministre à utiliser les outils les plus fiables.
M. Pierre Lellouche. Ce sont des choix généraux, monsieur le président : il faut trouver ailleurs des milliards, ce que le Gouvernement refuse de faire !
M. Guy Delcourt. Monsieur le ministre, en février 2013, la Cour des comptes a émis différentes recommandations sur la gestion des hôpitaux militaires. Quelles sont les perspectives de rapprochement entre les hôpitaux d’instruction des armées et les centres hospitaliers universitaires (CHU) ? Où en est le programme d’échange entre hôpitaux civils et militaires ?
Je prends acte du projet de fermeture du Val-de-Grâce. L’histoire de cet établissement nous oblige à témoigner notre grande reconnaissance à tous ceux qui ont fait de ce centre hospitalier militaire un des fleurons de la médecine – dont bon nombre de personnalités civiles ont d’ailleurs bénéficié.
M. Jacques Myard. Monsieur le ministre, lors du dernier sommet de l’OTAN, les États, et la France en particulier, se sont engagés à dépenser 2 % de leur PIB pour leur défense. Souscrire un tel engagement alors que nous n’en sommes qu’à 1,5 %, c’est un peu fort de café !
Nous jouons avec le feu et nous allons le payer cher, car la situation internationale se dégrade. Vous connaissez ma position : la purge budgétaire maastrichtienne nous conduit à la récession et à la déflation ; nous allons dans le mur, et il est urgent de changer de politique macroéconomique.
Je souhaite vous interroger sur nos capacités dans le domaine des satellites. Il est impératif d’avoir nos yeux et nos oreilles nationaux. Souvenez-vous des paroles du poète : « jamais de confiance dans l’alliance avec un puissant » ! Avec les Américains, cette formule est plus que jamais d’actualité. Or nous risquons un trou noir entre les satellites en fin de vie et le programme CERES (capacité de renseignement électromagnétique spatiale) : cela va-t-il se produire ?
D’autre part, un drone vient semble-t-il de s’écraser à Niamey. Est-ce exact ? L’un des drones français est-il allé au tapis ?
Enfin, pour ce qui est de la CEDH, soyons clairs : il n’appartient pas aux juges d’assurer la défense de la France ! Il faudra bien un jour tirer les conséquences de nos erreurs diplomatiques et nous poser la question de la CEDH – ce que font déjà de nombreux juristes. Un jour, nous ferons comme les Anglais : nous dénoncerons le protocole additionnel !
M. Daniel Boisserie. Monsieur le ministre, je note avec satisfaction que c’est vous qui avez engagé le plan de réhabilitation des espaces de vie du personnel de nos armées ; ce plan se poursuivra en 2015. Le projet de loi de finances permet la poursuite des grands projets lancés par la précédente loi de programmation, ainsi que la création ou l’adaptation des infrastructures d’accueil des nouveaux matériels, et les indispensables rénovations du patrimoine immobilier.
Il subsiste aujourd’hui environ 600 points sensibles. En visite récemment dans un groupement de gendarmerie, j’ai pu y constater l’état pitoyable du patrimoine immobilier : certains logements n’ont même pas de chauffage ! Cela me conduit à une réflexion plus globale sur nos schémas directeurs immobiliers. La massification des marchés a son intérêt pour des fournitures de bureau ou pour l’habillement, mais beaucoup moins pour la maintenance, du chauffage par exemple. Certaines entreprises finissent par être en situation de quasi-monopole et ne font pas toujours bien leur travail : il y a là quelque chose à faire.
Pouvez-vous par ailleurs nous préciser le coût d’entretien du projet Balard, comparé à celui cumulé des emprises actuelles ?
Enfin, nous assistons aujourd’hui à une prolifération anarchique de petits drones, qui peuvent se révéler très dangereux pour notre sécurité – pour nos installations nucléaires, par exemple. Quelle analyse faites-vous de cette situation ?
M. Olivier Audibert Troin. Monsieur le ministre, nous souhaitons tous vous aider à maintenir un effort de défense conséquent, dans une période très troublée. Mais, au moment de voter le budget pour 2015, il nous faut des éléments clairs et précis, notamment sur les recettes. Il manquera, nous le savons déjà, 2 milliards de recettes exceptionnelles. Ce n’est pas une surprise. Vous nous proposez donc de créer des sociétés de projet, et vous parlez de transparence.
La transparence, c’est maintenant : quels types de matériels seront acquis par des sociétés de projet ? Le directeur général de l’armement a indiqué qu’il s’agirait de matériels non létaux, mais, en matière militaire, tout est létal, à part les véhicules non armés ! Vous évoquez des cessions de participations dans des entreprises publiques, qui abonderont ces sociétés de projet : à quelles entreprises pensez-vous ? Vous espérez que ce montage soit opérationnel avant le mois de juin 2015. Ce délai ne nous paraît pas réaliste : des livraisons de matériels seront-elles mises en péril s’il n’était pas tenu ?
Au moment de voter le budget, nous attendons vos réponses à ces questions : il n’est pas possible de faire un chèque en blanc.
Mme Catherine Coutelle. Ma question porte sur le programme 212. En 2015, une nouvelle architecture du titre II a pour objet un pilotage renforcé des effectifs et une maîtrise de la masse salariale. Cette réorganisation des crédits ne sera pas sans conséquence sur la politique des ressources humaines. Dans un contexte de fort renouvellement du personnel et de baisse des effectifs, conforme à la LPM, nous devons nous montrer attentifs aux politiques des ressources humaines visant à renforcer non seulement la formation – c’est l’objet de la mission d’information sur la formation des militaires conduite par Jean-Michel Villaumé et Francis Hillmeyer, dont je fais partie – mais aussi l’accompagnement et l’aide à la reconversion. Comment, en 2015, faciliter la reconversion des personnels militaires et civils quittant l’armée ? Quels sont les financements des dispositifs accompagnant cette reconversion ?
La question de la formation continue est cruciale pour maintenir le niveau d’excellence de nos armées et la reconversion qui valorise au mieux les compétences acquises.
Monsieur le ministre, vous avez reçu mardi dernier le rapport de l’Observatoire de la parité hommes-femmes de la défense portant sur la mobilisation de la culture de la parité dans nos armées. Vous avez également reçu le premier rapport, lié à la loi Sauvadet, de situation comparée pour les personnels civils. L’avez-vous reçu pour les personnels militaires ? C’est un outil indispensable de pilotage de l’égalité entre les femmes et les hommes au sein des armées comme dans toutes les autres grandes administrations de l’État. Quelle suite lui donnerez-vous ?
Vous avez enfin reçu le bilan de la mission sur la lutte contre le harcèlement sexuel dans nos armées, sujet sur lequel vous avez réagi très rapidement au mois de mai.
M. Philippe Vitel. Un budget de la défense, c’est comme une danse à trois temps : au temps de la programmation sur six ans, puis trois ans, succède le temps du projet annuel de la loi de finances puis celui de l’exécution. Le dernier trimestre est toujours très sensible puisqu’il conditionne la réalité de l’exécution d’une année et préfigure celle de l’année suivante.
L’année 2013 s’est terminée sur un report de charges de 3,4 milliards d’euros sur la mission Défense, dont 2,4 milliards sur le seul programme 146, ce qui représentait plus de 20 % de ce programme. Vous venez de nous informer que le report des charges à la fin de 2014 se situera à un niveau quasi similaire, nous donnant le sentiment de banaliser ce comportement qui peut être assimilé à de la cavalerie.
Envisagez-vous de vous efforcer de réduire, à l’avenir, ces reports de charges qui ne sont pas sans poser de problèmes à nos industriels, quelle que soit la taille de leur entreprise ?
Fin 2013, nous avions également subi une annulation de 650 millions d’euros, adoucie par la perspective d’en récupérer une part importante, de l’ordre de 500 millions en recettes exceptionnelles sur l’année 2014. Pouvez-vous confirmer que ces 500 millions ont bien été récupérés dans leur totalité ?
Des gels ou des annulations sont-ils envisagés d’ici au 31 décembre 2014 ?
Enfin, pouvez-vous nous garantir que Bercy donnera l’autorisation, avant le 31 décembre, d’utiliser l’intégralité du 1,4 milliard de réserves budgétaires que la LOLF oblige chaque année de constituer à hauteur de 6 % des crédits hors rémunération ?
Mme Émilienne Poumirol. Je tiens tout d’abord à souligner l’excellence de notre service de soins de santé des armées (SSA), en particulier sur l’opérationnel : nous sommes les seuls à avoir un personnel médical qui soit situé au plus près des combattants, ce qui est un gage de qualité et de survie pour nos soldats.
Le projet « SSA 2020 », fondé sur un retour d’expérience de dix ans, s’inscrit dans le cadre d’une évolution majeure de notre système de défense caractérisée par une forte contrainte financière. Pour relever ce défi, le SSA doit s’appuyer sur un dispositif réactif et performant à la fois centré sur l’opérationnel et ouvert sur son environnement et ses partenaires avec, pour principe, la concentration sur la mission associée à une densification des moyens. Il nous apparaît nécessaire d’accroître la contribution de la réserve opérationnelle, ce qui pose la question de la formation, mais également de la sensibilisation des médecins civils aux spécificités de la population militaire.
Le projet « SSA 2020 » réaffirme la nécessité d’aider les populations civiles : pourriez-vous nous donner des précisions sur le dispositif mis en place à Macenta en République de Guinée pour lutter contre la propagation du virus Ebola ? Je rappelle que des réservistes ont été appelés pour relever le personnel du centre de traitement Ebola (CTE).
La question de l’ouverture du SSA au service public de santé a été soulevée par M. Delcourt : quel lien le SSA doit-il entretenir avec les agences régionales de santé et les hôpitaux civils dans les territoires ?
Il nous paraît enfin nécessaire d’accentuer le caractère interarmées du SSA.
M. Patrice Martin-Lalande. Monsieur le ministre, dans le cadre de la réforme du service interarmées des munitions, vous avez annoncé le 15 octobre dernier la programmation de la fermeture du site de Salbris pour 2017-2018. La suppression de 123 emplois et la stérilisation d’un site industriel de 369 hectares sont une catastrophe pour une commune de 6 000 habitants qui a perdu en deux décennies la quasi-totalité de ses 2 000 emplois de défense, comme le souligne le maire de Salbris, M. Olivier Pavy.
Ce site, qui fait partie des gros dépôts de munitions, emploie plus de trente-deux militaires et quatre-vingt-onze personnels civils de la défense, sans compter les trois salariés d’une entreprise prestataire assurant le service de la restauration.
Quelles sont les raisons qui ont motivé votre décision ?
Quel avenir sera proposé aux quatre-vingt-onze personnels civils et de quelles mesures d’accompagnement bénéficieront-ils ?
De quelle réutilisation ce site classé peut-il fait l’objet ? Quelle dépollution pyrotechnique sera réalisée par l’État pour permettre sa réutilisation, et avec quel soutien financier de l’État, s’agissant notamment du retrait des installations ferroviaires ?
Enfin, quelle compensation l’État prévoit-il de garantir au bassin d’emploi de Salbris, qui a déjà payé un lourd tribut à la restructuration des industries de la défense avec la disparition, je le répète, de plus de 2000 emplois ces dernières années ?
À proximité de Salbris, l’État a heureusement renforcé depuis plusieurs années les missions et donc la place de la base aérienne 273 de Prunay-en-Sologne dans notre système de défense. Pouvez-vous confirmer la stabilisation de l’avenir de cet établissement ? Ce site pourra-t-il accueillir les personnels de Salbris perdant leur emploi, comme le maire de cette ville et moi-même le demandons ?
M. Alain Chrétien. Est-il possible de tirer un premier bilan des contrats de redynamisation de sites de défense (CRSD), régulièrement mis en place après la vague de fermetures ou de restructurations de sites engagée dans les années 2012-2013 ? De quels types et de quelle ampleur sont les mesures compensatoires ?
M. Frédéric Lefebvre. Vous me permettrez tout d’abord, alors que la démocratie canadienne a été attaquée en son cœur, le Parlement, d’exprimer ma solidarité, notamment avec nos compatriotes qui sont très nombreux à travailler sur la colline parlementaire – ils sont des dizaines dans l’administration canadienne.
Monsieur le ministre, connaissant à la fois le soin que vous apportez à défendre les crédits et les investissements de nos armées et le chemin qui vous est imposé par le ministère des finances, je tiens à insister sur la difficulté qu’il y aura à concilier la multiplication des OPEX et le respect de la LPM. Il est nécessaire d’assurer la lisibilité financière en la matière. Je tiens à rappeler les propos du chef d’état-major des armées : « Le costume est taillé au plus juste. Les marges de manœuvre sont inexistantes. Avec la révision générale des politiques publiques puis la modernisation de l’action publique, toutes les pistes d’optimisation ont été explorées et mises en œuvre. »
Nous avons un contrat moral à l’égard des hommes et des femmes qui risquent leur vie au nom de la France. Vous aviez bien voulu accepter mon amendement à la LPM visant l’organisation d’un débat sur l’exécution de celle-ci en dehors de l’examen du projet de loi de finances. Nous devons en effet nous assurer que la LPM peut être exécutée.
C’est la raison pour laquelle je vous propose, dans un délai de six mois, l’organisation d’un tel débat, sous la présidence du président de la commission des finances et de la présidente de la commission de la défense. Dans cette perspective, il conviendrait que notamment les rapporteurs Jean Launay, François Cornut-Gentille et Jean-Jacques Bridey travaillent sur les solutions qui ont été évoquées ce matin, à seule fin de nous rassurer sur l’exécution de la PLM. Il s’agit pour nous de vous aider à résister à la pression du ministère des finances.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous donner votre engagement sur ce point ?
M. François de Rugy. Une légère baisse de la masse salariale apparaît dans le PLF, qui correspond aux réductions des effectifs – tel n’avait pas toujours été le cas ces dernières années. Un arbitrage semble toutefois avoir été rendu pour reporter les réductions du nombre d’officiers et de sous-officiers prévues dans la LPM ; l’objectif visant à réduire le taux d’encadrement de 16,75 % à 16 % des effectifs globaux était pourtant bien modeste. Je rappelle que l’armée de terre compte 170 généraux pour quinze brigades.
Quelles mesures envisagez-vous de prendre pour rendre homothétiques les réductions des effectifs d’officiers et de sous-officiers aux réductions d’effectifs globaux ? Je tiens à saluer les efforts très importants fournis par nos armées pour réduire leurs effectifs : ils sont sans commune mesure avec ceux fournis par les autres administrations de l’État ou d’autres services publics. Ils correspondent au reformatage des armées engagé sous la précédente majorité.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. Madame Récalde, nos drones fonctionnent très bien. La différence entre le Harfang et le Reaper est considérable. Nous avons fait le bon choix, si l’on en croit les utilisateurs et le centre de planification et de conduite des opérations (CPCO). Nos drones nous permettent de mener des opérations significatives dans le cadre de la mission Barkhane.
Nous n’avons perdu aucun drone, monsieur Myard. Le troisième s’ajoutera aux deux existants.
Les drones d’observation permettent d’accélérer le raccourcissement de l’action et du renseignement.
Il ne reste plus qu’à souhaiter la construction d’une nouvelle génération de drones européens et français : je regrette que nous ayons manqué ce rendez-vous.
Messieurs Lamour, Audibert Troin et Lellouche, j’attends tout d’abord les recettes des enchères de cession des fréquences 700 mégahertz, qui devront être affectées à la défense avant décembre 2015 pour me permettre d’engager des achats d’armement. Si tel n’était pas le cas et pour parer à toute éventualité, j’ai engagé un plan B qui répond scrupuleusement à la LPM : celle-ci prévoit que le produit des cessions d’actifs ne pourra être mobilisé que dans des investissements en capital. Donc, loin d’être une usine à gaz, la société de projet traduit une application stricte des textes. C’est pourquoi j’ai demandé au Président de la République son accord pour travailler à cette hypothèse. C’est dans ce cadre que les cessions d’actifs serviront au financement de la LPM – mesure à laquelle vous étiez favorables.
L’État, quant à lui, peut investir en capital soit seul soit aux côtés d’industriels : la question n’est pas encore tranchée. La réponse, qui sera publique, ne sera pas prise sans vous.
Enfin, je ne suis pas opposé à la mobilisation des programmes d’investissement d’avenir, à partir du moment où les contraintes en matière d’opérateurs et de types de programmes seront respectées.
Les décisions en la matière, je tiens vous à le confirmer, seront prises en toute transparence. C’est notre intérêt commun. C’est pourquoi, monsieur Lefebvre, je suis favorable à votre proposition : préparons en amont les différents scénarios possibles. Les enjeux de défense doivent être partagés. Et j’ai trouvé auprès des sénateurs la même volonté de travailler en commun, monsieur Vitel.
Des expériences similaires ont été menées à l’étranger : certaines ont été performantes, d’autres l’ont moins été. Pourquoi nous priver des dispositifs dont les Américains se sont dotés pour favoriser leurs exportations ?
Mon obsession demeure les 31,4 milliards d’euros.
M. Jean-François Lamour. Une partie du PIA 2014 a servi à financer les salaires du CEA pour 2013. C’est de la cavalerie. Une première tranche de 200 millions a été remboursée : la seconde l’a-t-elle été ?
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. Rubis sur l’ongle.
Les installations prépositionnées ont toujours fait partie intégrante du budget de la défense et non de celui des OPEX, du fait qu’elles assurent une fonction de base du ministère de la défense. Lorsque la mission Licorne a achevé ses missions extérieures, j’ai estimé nécessaire la présence d’une base de soutien à Abidjan, pour soutenir l’opération Barkhane. Il s’agit d’une force prépositionnée, à l’exemple de celles de Dakar et de Libreville. En raison de la situation militaire, nous avons diminué celle de Libreville pour renforcer celle d’Abidjan.
Monsieur Nauche, Louvois coûtera 150 millions d’euros en 2014 et en coûtera probablement autant en 2015. Disons-le : c’est épouvantable. J’ai décidé de donner aux chefs de corps les moyens financiers de remédier aux délires de Louvois entraînant des insuffisances de soldes. Ce dispositif, qui a permis d’éviter un scandale d’État, se traduit par des dépenses qui devraient pouvoir être recouvertes lorsque Louvois aura été remplacé. Il n’est pas certain en revanche que nous recouvrions tous les trop-perçus que certains militaires doivent progressivement rembourser, en raison notamment des départs.
Je n’ai pas voulu polémiquer sur le sujet. En effet, si, comme vous l’avez souligné, monsieur Nauche, le dispositif Louvois a été trop rapidement mis en œuvre, il est en revanche très difficile et savoir réellement qui a fait quoi et de dégager avec précision les responsabilités. La gestion du dispositif était contraire aux grands principes de la défense : un chef, une mission, des moyens. C’est la raison pour laquelle j’ai remis de l’ordre, y compris dans le titre II : il n’y a plus qu’une seule masse salariale, un seul patron. Chaque armée ne peut plus créer ses postes comme elle l’entend, car cette pratique entraînait une augmentation de la masse salariale en dépit de la diminution du nombre des postes.
Le plan de cyberdéfense a été lancé en février 2014 à l’école des transmissions de Rennes : il est doté d’1 milliard d’euros sur l’ensemble de la LPM, qu’il s’agisse du secteur industriel, de la recherche, du recrutement ou du réseau réserve citoyenne « cyber », initiative très originale qui connaît un grand succès. Cette réserve permet en effet de mobiliser les compétences nécessaires. La DGA Maîtrise de l’information, située à Bruz, est dotée du nouvel équipement. La LPM prévoit de recruter 400 personnels de haut niveau – c’est une de mes priorités. Les recrutements ont d’ores et déjà débuté. Nous devons être les premiers dans ce domaine – nous le sommes déjà en Europe. Cette urgence, que nous avons prise à bras-le-corps, sera un des pôles d’excellence de nos forces à la fin de la LPM.
Monsieur Myard, que les choses soient claires : à Newport, les États membres de l’OTAN se sont engagés à consacrer 2 % de leur PNB à la défense à l’échéance de dix ans : nous en sommes aujourd’hui, je vous l’assure, à 1,89 %. J’estime que, dans dix ans, nous serons passés à 2 %, d’autant que la LPM prévoit en 2016 une augmentation de 500 millions du budget de la défense.
Madame Poumirol et monsieur Delcourt, si nous révérons tous le Val-de-Grâce, il faut savoir qu’il était nécessaire d’y faire deux tranches de travaux de 260 millions d’euros pour le remettre aux normes. Or le besoin militaire en matière de santé est essentiellement assuré par les hôpitaux d’instruction des armées de Bégin et de Percy, qui répondent aux normes et où se trouvent les compétences d’excellence, alors que le Val-de-Grâce ne répond à aucun besoin militaire avéré. De plus, l’offre civile de soin publique et privée dans le quartier et alentour est suffisante. Ce n’est pas parce que des personnalités françaises et étrangères, parfois après être passées par Bégin ou Percy, viennent se faire soigner au Val-de-Grâce ou s’y reposer, qu’il convient de consacrer 500 millions d’euros de travaux à la rénovation de cet établissement. Il fallait prendre une décision douloureuse mais conforme à la bonne gestion des comptes publics : je l’ai prise. Toutefois, afin de préserver la référence défense, il sera créé au Val-de-Grâce un pôle de recherche et un pôle majeur de formation du SSA. Le sort du reste des bâtiments sera négocié avec des partenaires tels que la mairie de Paris. La fermeture du Val-de-Grâce sera progressive.
Les huit autres hôpitaux du SSA seront maintenus pour assurer deux fonctions différentes. La vocation opérationnelle des plateformes hospitalières militaires constituées, pour l’Île-de-France, par Bégin et Percy, et, pour le Midi, par Lavéran et Saint-Anne, sera prioritaire, voire exclusive, avec une capacité de projection à l’extérieur. Quant aux hôpitaux militaires de Metz, Brest, Bordeaux et Lyon, outre qu’ils compléteront les besoins opérationnels des plateformes hospitalières, ils signeront un partenariat avec les hôpitaux publics ou privés de leur territoire ; c’est ce qui s’est fait à Bordeaux, où cela fonctionne très bien. Les discussions sont engagées. Elles se révèlent fructueuses. L’objectif du projet « SSA 2020 » est de garantir la performance opérationnelle.
La défense participe par ailleurs au plan d’action mis en œuvre par le Gouvernement pour lutter contre la propagation du virus Ébola. L’action à mener dans les trois pays les plus concernés – Sierra Leone, Liberia et République de Guinée – a été répartie entre les États-Unis, le Royaume-Uni et la France. Le ministère de la défense assure sur le territoire national l’accueil de malades avérés ou potentiels – c’est ce qu’il a fait à Bégin avec bonheur –, procède aux évacuations, participe à la mise en œuvre et au soutien du centre de traitement Ébola de Macenta en Guinée forestière et armera un centre de formation et de soins des soignants, qui sera probablement installé à Conakry.
Monsieur Myard, il n’y aura aucun trou en matière de renseignement satellitaire, puisque le PLF pour 2015 prévoit le lancement du programme de détection électromagnétique CERES, de compétence française : alors que nous ne disposons pour l’instant que des quatre microsatellites du projet ELISA, trois satellites seront mis en service en 2020. Nous n’aurons plus besoin d’aller chercher des informations ailleurs.
Monsieur Boisserie, le loyer annuel pour Balard s’élèvera à 154 millions d’euros pour un investissement de 3,5 milliards d’euros. Ce loyer comprendra l’ensemble des dépenses liées à la redevance immobilière, aux services et à l’énergie. Ce lieu unique permettra de regrouper les compétences et de réduire les personnels affectés. Le déménagement devrait normalement avoir lieu courant juin 2015.
Madame Coutelle, j’ai mis en œuvre une feuille de route relative à la parité et à l’égalité hommes-femmes. L’armée française est la plus féminisée d’Europe. Il convient d’assurer l’égalité entre les hommes et les femmes à l’intérieur de chaque armée, qu’il s’agisse de l’accès aux grades ou du déroulement de carrière. L’Observatoire de la parité hommes-femmes de la défense, que j’ai mis en place, s’est réuni avant-hier sous ma présidence. Nous assistons à l’émergence d’une véritable culture de l’égalité.
J’ai également mis en place la cellule Thémis, qui est une cellule d’appels, de veille et de prévention des violences faites aux femmes, que j’ai visitée au mois de décembre dernier : elle donne des résultats. Je veux que le ministère de la défense soit exemplaire en la matière. Je suis frappé de la détermination des chefs d’état-major et de l’encadrement à mettre en œuvre cette feuille de route.
Monsieur Vitel, le report de charges est une de mes préoccupations majeures. Il passera probablement de 3,4 milliards en 2013 à 3,1 en 2014, si je suis suivi – je donne ce chiffre avant l’arbitrage de fin de gestion. Lorsque je suis entré à la Commission de la défense de l’Assemblée nationale, en 1978, cette bosse existait déjà… Je vous confirme par ailleurs que 250 millions ont déjà été versés et que les 250 millions restants le seront dans le cadre de la loi de finances rectificative.
Je vous remercie de votre soutien dans les négociations de fin de gestion.
Monsieur de Rugy, s’agissant du dépyramidage, la défense est au rendez-vous : nous sommes bien passés de 16,75 % à 16 % d’encadrement. La règle ne peut pas être d’application stricte, du fait que le pourcentage d’officiers est différent selon les armées. Aussi les situations doivent-elles être appréhendées de manière très précise. La DGA et le SSA ont besoin d’un nombre d’officiers bien supérieur à celui de l’armée de terre. Il convient de conserver les compétences. Si, en 2014, il n’y a eu que 850 suppressions au lieu des 1 000 prévus dans la LPM, ce fut en raison de la mise en place des outils d’aides au départ : il faut savoir que le dégagement n’est pas autoritaire mais repose sur le volontariat. Et il faut faire en sorte que ce ne soient pas seulement les meilleurs qui partent…
Monsieur Martin-Lalande, l’avenir de la base aérienne 273 de Prunay-en-Sologne, qui profite de regroupements, ne doit vous donner aucun sujet d’inquiétude. La fermeture du site de Salbris, quant à elle, répond à notre volonté de concentrer les sites de services en conformité avec le plan de stationnement des forces. Le dépôt de munitions devrait être dissous dans les années 2017 et 2018. Les personnels qui ne seront pas partis à la retraite d’ici là bénéficieront des dispositifs d’accompagnement prévus. Chacun doit savoir que l’accompagnement social est très sérieux : il y a les aides à la mobilité géographique, qui vont de 1 300 à 32 000 euros, les indemnités volontaires de départ, qui peuvent atteindre quelque 100 000 euros, les aides pour l’acquisition d’un nouveau logement ou le maintien de la rémunération garanti sur sept ans avec une indemnité complémentaire d’accompagnement lorsque le déplacement conduit à occuper un emploi nettement moins bien rémunéré que le précédent. Les personnels de Salbris profiteront de cet arsenal de mesures très performant, que les organisations syndicales nous demandent de maintenir et d’améliorer encore. Pour avoir été maire d’une ville qui a connu la suppression de 4 000 emplois de la défense, je connais les difficultés et les souffrances qu’une restructuration entraîne. C’est pourquoi la parcimonie et la vigilance président à mes choix.
Monsieur Chrétien, depuis que je suis ministre, quatre CRSD ont été engagés à la suite des mesures que j’ai annoncées en 2013 pour 2014 : ils concernent Luxeuil, Châteaudun, Varennes-sur-Allier et Orange. Mais le CRSD pour Orange est désormais caduc puisque, comme vous le savez, le transfert de la formation des commandos de l’air de Dijon à Orange compense le départ du 1er régiment étranger de cavalerie pour Carpiagne.
Les comités de site ont été mis en place. Je n’ai pas avec moi le déroulé des mobilisations financières engagées ; sachez seulement que, dans le cadre de la LPM, 150 millions d’euros peuvent être mobilisés au profit des CRSD.
M. le président Gilles Carrez. Je tiens à vous assurer, monsieur le ministre, du soutien des différentes commissions.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. Je l’ai senti ainsi, monsieur le président.
M. le président Gilles Carrez. Je vous remercie, monsieur le ministre.
La réunion de la commission élargie s’achève à douze heures vingt.
Compte rendu de la commission élargie du jeudi 23 octobre 2014
(Application de l’article 120 du Règlement)
Médias, livre et industries culturelles ;
Compte d’affectation spéciale « Gestion et valorisation
des ressources tirées de l’utilisation du spectre hertzien,
des systèmes et des infrastructures de télécommunications de l’État » ;
Compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public »
La réunion de la commission élargie commence à vingt et une heures cinq, sous la présidence de Mme Éva Sas, vice-présidente de la commission des finances, de M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles, et de M. Paul Giacobbi, vice-président de la commission des affaires étrangères
Mme Eva Sas, présidente. Nous sommes heureux d’accueillir ce soir Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication, qui vient nous présenter les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles », et du compte de concours financiers et du compte spécial qui leur sont associés.
Je rappelle que, selon les règles qui s’appliquent aux commissions élargies, le rapporteur spécial, puis les rapporteurs pour avis, interviendront successivement pour interroger Mme la ministre pendant une durée maximale de cinq minutes. Après qu’elle leur aura répondu, s’exprimeront les porte-parole des groupes puis les orateurs qui le souhaiteront, chacune des interventions étant limitée à une durée de deux minutes.
M. François Rochebloine. Avant que nous n’entrions dans le vif du sujet, permettez-moi de faire quelques observations qui seront, je l’espère, relayées jusqu’à la Conférence des présidents.
Ce soir, comme ce fut le cas lors d’autres commissions élargies qui se sont tenues depuis lundi, je constate que nous sommes très peu nombreux. Les porte-parole des groupes ne disposent que de deux minutes pour s’exprimer, tout comme les autres députés qui souhaitent intervenir. Nous sommes plusieurs à considérer que les porte-parole devraient pouvoir prendre la parole pendant au moins cinq minutes.
Je relève également que le compte rendu de la commission élargie de lundi dernier n’était toujours pas disponible cet après-midi alors que, les années précédentes, ce document paraissait vingt-quatre à quarante-huit heures au plus après les réunions. Je ne mets pas en cause les personnels, dont la charge de travail est importante, mais, avant décider de tenir ce type de séances, il faudrait être certain qu’elles puissent se dérouler dans des conditions normales.
M. Paul Giacobbi, président. Mon cher collègue, pour ce qui concerne le nombre de nos collègues assistant à cette réunion, permettez-moi de considérer que la qualité supplée la quantité puisque vous êtes là, et que j’y suis également ! (Sourires.) Les commissions élargies relèvent d’une procédure qui n’est pas très ancienne. Pour complexe qu’elle soit, elle reste plus efficace que celle du seul débat dans l’hémicycle auquel nous étions auparavant habitués – nous ne serions d’ailleurs sans doute pas plus nombreux si nos échanges avaient dû s’y tenir. Vous partagez avec des collègues siégeant sur tous les bancs le souhait d’entendre les porte-parole des groupes s’exprimer plus longuement ; je transmettrai cette préoccupation fidèlement, avec la vigueur dont vous me savez capable.
M. le président Patrick Bloche. Pour ma part, je transmettrai à la Conférence des présidents les remarques de notre collègue. Je note toutefois que la commission des affaires culturelles a déjà participé cette semaine à trois commissions élargies, pendant lesquelles j’ai constaté une affluence conséquente. Il n’est pas véritablement surprenant qu’elle soit moindre un jeudi soir : nous connaissons le rythme de travail des parlementaires.
Nous sommes heureux de retrouver Mme Fleur Pellerin, que la commission des affaires culturelles a entendue le mardi 14 octobre. L’adoption par notre assemblée de la première partie du projet de loi de finances pour 2015, mardi dernier, nous permet d’examiner aujourd’hui les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » après qu’une augmentation de la contribution à l’audiovisuel publique de 3 euros a été votée pour la France métropolitaine. Nous pouvons en conséquence d’ores et déjà affirmer que l’audiovisuel public sera financé en 2015.
Les rapporteurs pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation ont traité dans leurs rapports respectifs des sujets essentiels : Mme Martine Martinel s’est intéressée à la situation de Radio France, dont l’équipe dirigeante vient de changer, M. Jean-Noël Carpentier s’est projeté dans l’avenir en abordant la question du soutien à la presse à l’ère du numérique, et M. Rudy Salles s’est penché sur le futur du secteur particulièrement dynamique des jeux vidéo.
M. Paul Giacobbi, président. Au sein de la mission « Médias, livre et industrie culturelle », la commission des affaires étrangères s’intéresse bien légitimement aux crédits consacrés à l’action audiovisuelle extérieure de la France.
Le soft power est devenu à la mode dans une période où le financement du hard power pose problème Si l’expression semble trouver ses origines récentes vers l’université d’Harvard, la réalité qu’elle recouvre a déjà plusieurs siècles. Louis XIV faisait-il autre chose qu’utiliser le pouvoir diplomatique d’influence né du rayonnement culturel de la France ? Depuis le XXe siècle, l’audiovisuel joue, en la matière, un rôle capital, et si la France ne dispose pas encore d’un outil aussi puissant que BBC World Service, nos efforts commencent à payer. Je note la stabilité et même parfois le dynamisme des crédits consacrés au secteur.
Je profite de votre présence, madame la ministre, pour me féliciter de la réouverture toute récente d’une librairie française à New York. En 2009, dans cette enceinte, j’avais protesté avec véhémence contre la disparition de la dernière librairie francophone de cette ville, installée jusque-là dans le Rockefeller Center. Elle devait fermer, à l’époque, faute de pouvoir payer son loyer, et j’avais suggéré de l’héberger dans les locaux des services culturels de l’ambassade de France, situés à Central Park. Il n’avait évidemment été tenu aucun compte de l’avis d’un parlementaire, mais je me félicite que, quelques années plus tard, le hasard ait permis que la même idée soit portée avec dynamisme au sein même des services et puisse devenir réalité. Pour comble de bonheur, la nouvelle libraire Albertine a ouvert une salle de lecture Marcel-Proust ; autant de références qui me vont droit au cœur.
M. Jean-Marie Beffara, rapporteur spécial de la commission des finances. La mission « Médias, livre et industries culturelles », complétée par le compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public », couvre un spectre large d'actions en faveur de la politique culturelle française.
Malgré leur diversité, tous les acteurs impliqués dans ces domaines sont confrontés depuis quelques années au défi de la transition numérique, qui a bouleversé les usages et qui oblige à repenser à la fois les offres et les modèles économiques. Aujourd'hui, 80 % des Français sont des internautes et la mobilité devient un mode de consommation incontournable des contenus au détriment des supports traditionnels de diffusion. C'est dans ce contexte particulier que s'inscrit la mission « Médias, livre et industries culturelles », et dans celui, plus général, d'une conjoncture économique qui impose une maîtrise accrue des finances publiques.
Le projet de loi de finances pour 2015 propose un abondement des crédits de cette mission à hauteur de 717,2 millions d'euros en autorisations d'engagement, et de 714,2 millions d'euros en crédits de paiement, soit une baisse de respectivement 17 % et 12 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2014. Cependant des changements de périmètre liés à un rééquilibrage des financements de l'audiovisuel, entre crédits budgétaires et contribution à l’audiovisuel public (CAP), faussent la vision. En neutralisant ces changements de périmètres, les crédits de la mission reculent de 6,9 % seulement en autorisations d’engagement et augmentent de 0,9 % en crédits de paiement. Les marges de manœuvre sont donc préservées pour mener à bien les actions essentielles de la mission.
J'ai souhaité consacrer la première partie de mon rapport spécial aux impacts de la transition numérique sur l'ensemble des secteurs de la mission.
Il est indéniable que le tournant du numérique a bien été pris par l'ensemble des acteurs de la mission, notamment par ceux de l'audiovisuel. France Télévisions, Arte ou encore Radio France mènent des politiques de développement innovantes avec des produits multimédias en constante évolution. Je constate avec plaisir que l'audiovisuel public n'a, à ce titre, rien à envier au privé en ce qui concerne la conquête du digital. C’est encourageant car le numérique est un formidable outil au service de la communication, de la culture, et de la conservation – à ce sujet, je pense à la bibliothèque numérique Gallica dont est en charge la Bibliothèque nationale de France (BNF).
Néanmoins, il faut reconnaître que cette transition a bouleversé les modèles économiques et engendré de nouvelles formes de concurrence qui risquent de déstabiliser certains acteurs.
Premier secteur concerné, la presse papier subit de plein fouet le recul du papier face à l'écran, celui de la télévision puis tous les autres avec la généralisation de l'internet mobile. En 2013, le chiffre d'affaires de la presse chute pour la sixième année consécutive. Son marché publicitaire se réduit bien plus que celui de tous les autres médias traditionnels avec un recul de 8 % par an entre 2011 et 2013. C'est pourquoi la réforme des aides à la presse instituée par le décret du 24 juin 2014 était essentielle. J’appelle cependant l’attention du Gouvernement sur le fait que le ciblage croissant des aides au profit de la presse d’information politique et générale (IPG), notamment dans le domaine des aides à l'innovation, risque d'empêcher les autres types de presse de prendre le virage du numérique, l’évolution numérique amenant elle-même à redéfinir la notion de presse IPG.
Second secteur à protéger, le livre dont l'économie nécessite une nouvelle régulation sous l'impact du développement du livre numérique et de la vente en ligne. C'est l'objectif que se sont assigné les lois du 17 mars 2014 et du 8 juillet 2014. La mission « Médias » finance également les dispositifs complémentaires de soutien aux librairies indépendantes. Le programme « Livre et industries culturelles » voit ainsi ses crédits de paiements augmenter de 2,6 % entre 2014 et 2015, ce dont je me félicite.
Je souhaite maintenant aborder la question des modalités de financement de l'audiovisuel public. Je salue la volonté du Gouvernement d'engager la disparition des crédits budgétaires à l'horizon 2017. Si la contribution à l’audiovisuel public est amenée à devenir le seul financement public de l'audiovisuel public, ses recettes doivent faire l'objet d'une sécurisation et d’une fiabilisation. Il est donc urgent de réfléchir dès 2015 à la modification de l'assiette de la contribution, afin de remédier au décalage croissant entre les usages et les bases de l'assiette.
J’insiste aussi sur la nécessité pour les opérateurs de l'audiovisuel public de développer des ressources propres. C'est la raison pour laquelle je propose dans mon rapport spécial d'engager la réflexion sur le retour partiel de la publicité entre vingt heures et vingt et une heure sur France Télévisions. Après de nombreuses auditions, il apparaît d’une part très clairement que l'impossibilité de diffuser des publicités après vingt heures « démonétise » l'ensemble des recettes publicitaires des chaînes de service public. D'autre part, il semble que l’impact sur le marché publicitaire global serait très limité puisque de tels écrans attireraient de nouveaux annonceurs. Cette nouvelle opportunité pourrait par ailleurs s'accompagner de la suppression de tout écran publicitaire en journée sur France 4.
L'extension de la contribution à l’audiovisuel public aux écrans mobiles, et le développement de ressources propres me semblent de meilleures solutions pour garantir le financement de l'audiovisuel public que l'augmentation systématique du montant de la CAP. Depuis 2009, le montant unitaire de la redevance supportée par les contribuables métropolitains a augmenté deux fois plus que si la seule indexation avait été appliquée : l’évolution liée à l’indexation aurait justifié que la CAP soit fixée, en 2015, à 128 euros alors qu’elle s’élèvera à 136 euros.
Madame la ministre, comment le Gouvernement envisage-t-il de se saisir de la redéfinition de l'assiette de la contribution à l'audiovisuel public ?
Comment facilitera-t-il la transition numérique pour la presse non-IPG, qui se trouve actuellement dans une situation difficile ?
Je n’ai pas eu le temps d’évoquer la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (HADOPI), mais pouvez-vous nous dire si la baisse de ses crédits s’explique par un recentrage de son action sur la seule réponse graduée ? Dans ce cas, que deviennent ces autres missions, notamment la promotion de l'offre légale ?
Mme Martine Martinel, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation pour l’audiovisuel et les avances à l’audiovisuel public. Madame la ministre, je souhaite vous interroger sur l'avenir de l'offre numérique du service public audiovisuel. J'ai consacré, cette année, la partie thématique de mon avis à Radio France, ce qui m'a permis de constater que le groupe public n'a amorcé que tardivement son virage numérique à compter de 2012, et que les résultats demeurent contrastés. De manière générale, l'audiovisuel public ne fait encore pas suffisamment figure de réfèrent dans l'univers numérique.
Il est urgent de mieux articuler les offres numériques de l'ensemble des opérateurs. L'idée de définir en commun les offres numériques des différentes sociétés de l'audiovisuel public – France Télévisions, Radio France, Arte, France Médias Monde et l’Institut national de l’audiovisuel (INA) –, qui se développent actuellement sans aucune coordination ni complémentarité, a été reprise par le Président de la République à l'occasion des cinquante ans de la Maison de la radio. Votre prédécesseur avait également plaidé pour la création de « synergies » entre les plateformes numériques des opérateurs de l'audiovisuel public.
Cette proposition est parfois caricaturée par ses détracteurs qui la présentent comme la première étape d'une fusion de l’ensemble des sociétés, et donc d'un retour à l'Office de radiodiffusion et télévision française (ORTF). Elle se fonde pourtant sur le constat que, dans l'univers numérique, marqué par la convergence des contenus – les sites de radio proposent du texte et des contenus vidéo, tout comme les sites de télévision –, on ne peut plus raisonner par type de média. C'est la stratégie retenue avec succès par les groupes audiovisuels publics dans de nombreux pays européens, comme la BBC en Grande-Bretagne ou la RTBF en Belgique.
Il s'agirait d'une véritable révolution culturelle dans un paysage audiovisuel public particulièrement cloisonné dans lequel le dialogue entre les sociétés est souvent difficile voire inexistant, et les relations davantage marquées par la concurrence que par la recherche de complémentarités. Comme l'a rappelé Mme Véronique Cayla, présidente d'Arte, que j'ai auditionnée le mois dernier, l'idée même de créer des renvois entre les sites des uns et des autres ou de faire des promotions croisées n'a jamais pu être menée à bien...
Il me semble donc que nous devons impérativement lancer ce chantier à la faveur de la négociation des nouveaux contrats d’objectifs et de moyens (COM) de l'ensemble des sociétés de l'audiovisuel public d'ici à 2016. Dans un contexte budgétaire contraint, il s'agit également d'un moyen d'éviter d'éventuelles « pertes en ligne » et de rendre le service public audiovisuel numérique plus efficace à moindre coût. Un tel chantier implique évidemment une impulsion décisive de la tutelle. Madame la ministre, quelle est votre position sur ce sujet ?
Notre commission a par ailleurs eu l'occasion, lors de l'audition du nouveau président de Radio France, M. Mathieu Gallet, le 18 juin dernier, d'exprimer sa vive inquiétude à l'égard de l'une des propositions de son projet stratégique, consistant à rendre les podcasts payants, après une première période limitée d’accès gratuit. De nombreux collègues ont estimé que cette proposition était en total décalage avec les principes du financement du service public audiovisuel. Elle me semble en effet de nature à fragiliser à la fois l'acceptation de la redevance et les fondements mêmes de la notion de service public audiovisuel à l'ère numérique. Pouvez-vous dire ce que vous en pensez ?
Je m'interroge également sur l'avenir du Mouv'. Pour cette station, le COM 2010-2014 devait être celui de la dernière chance. Alors que la radio a échoué à trouver son public, le nouveau président annonce une relance fondée sur une nouvelle ligne éditoriale en cours de définition. Il s'agirait de faire du Mouv' la radio des cultures urbaines, notion qui n'a pas été clarifiée lors des auditions. J'ai déjà eu l'occasion de dénoncer le caractère de chaîne « alibi » ou de chaîne « ghetto » de France Ô. Je pense que le rajeunissement et la diversification de l'audience doivent irriguer l'ensemble des antennes et surtout constituer un axe majeur de la stratégie numérique. Dans la mesure où la contrainte budgétaire oblige par ailleurs à opérer des choix, je m'interroge sur le maintien de cette chaîne, dont le coût s’élève à 20 millions d'euros par an. Si le choix est néanmoins fait de la conserver, il conviendra de bien clarifier son identité de service public par rapport à l'offre privée existante. Madame la ministre, quelle est votre position sur l'avenir de cette radio ?
Je conclus en formulant un avis favorable sur les crédits en faveur de l'audiovisuel public dans le présent projet de loi de finances.
M. Jean-Noël Carpentier, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation pour la presse. Les rapports qui se succèdent sur les aides à la presse portent des jugements sévères sur leur efficacité, et, ce qui est plus grave, sur leur caractère parfois contre-productif lorsqu'elles ont pour effet de retarder les adaptations du secteur, notamment vers le numérique.
Plusieurs rapports ont notamment constaté que le soutien massif à la distribution de la presse papier concerne des canaux de distribution qui se concurrencent au lieu de se compléter. Les ministres de l'économie et de la culture ont donc lancé en novembre 2013 une mission afin de proposer des solutions visant à accroître la complémentarité entre les différents modes de diffusion, et de réfléchir à l'avenir de l'aide postale après 2015. Cette mission a apparemment rendu ses conclusions. Madame la ministre, pouvez-vous nous en dire plus sur les perspectives des réseaux de distribution de la presse et des aides qui les accompagnent ? J'estime pour ma part que l’État devrait davantage conditionner ses aides à la mise en place de synergies dans ce domaine.
En ce qui concerne l'évolution des aides à la presse à plus long terme, j'observe que leur niveau est plus élevé en France que dans la plupart des pays de taille comparable. Pourtant ces aides n’ont pas enrayé une baisse continuelle de la diffusion papier – près de 25 % en dix ans – avec un nombre de numéros vendus annuellement qui est passé de cinq à moins de quatre milliards entre 2000 et 2010. De l'aveu même du syndicat des éditeurs de la presse quotidienne nationale, les aides ont été trop dirigées vers le papier au détriment du numérique. Même si des progrès récents ont été réalisés en matière de soutien à la presse en ligne, notamment grâce à l’application d’un taux super-réduit de TVA et au meilleur ciblage du fonds stratégique pour les services de presse en ligne, cette année encore les aides à la presse restent massivement dirigées vers le papier. Sur les 260 millions d'euros versés, moins de 10 % sont destinés à l'évolution du numérique.
Je m'interroge donc sur la pertinence d'un système d'aide qui reste très largement orienté vers un modèle dont la place est visiblement amenée à se réduire, puisque nos concitoyens s'informent par d'autres canaux, notamment sur internet. Ce soutien contribue aussi parfois à nourrir les interrogations sur l'indépendance politique de la presse, d'ailleurs amplifiées par l'évolution récente du profil des propriétaires de presse, qui accrédite l'idée qu'on n'achète pas forcément aujourd'hui un titre de presse pour sa rentabilité, mais plutôt pour l'influence politique qu'il procure.
Madame la ministre, ne pensez-vous pas qu’en soutenant aussi massivement un modèle papier qui n'est sûrement pas le modèle de l'avenir, nous risquons de créer des distorsions qui se révéleront à terme défavorables au secteur de la presse ?
De plus, force est de constater que la justification historique des aides à la presse, à savoir le soutien au pluralisme, ne se pose plus tout à fait dans les mêmes termes qu'auparavant avec la puissance de la diffusion d’internet. Il faut cependant rester particulièrement attentifs aux cas des journaux à faibles recettes publicitaires, qui perçoivent à ce titre des aides spécifiques.
Il est clair que le numérique fait tomber les barrières à l'entrée du secteur, et que l’on peut se réjouir de l’existence d’un nombre de plus en plus grand de titres en ligne à caractère d'information politique et générale, qui utilisent parfois, il faut le reconnaître, un ton nouveau, et peut-être un plus libre, sur certains sujets d’actualité. Une réflexion sur la notion de pluralisme s'impose donc dans un univers qui est passé de la rareté à l'hyperabondance de l'information. De la même façon, il faudra redéfinir le concept d’IPG. Avec le numérique un phénomène de convergences des contenus est également en marche. Madame la ministre, ne convient-il pas de repenser l'action publique en direction des médias d'information sans créer de frontières artificielles qui soumettent des contenus semblables à des politiques publiques différentes ?
Aujourd'hui, en matière de presse ou d'information, il est vain de vouloir opposer le papier et le numérique. Les citoyens ont tranché : si le support est important, ce sont d'abord la qualité et la fiabilité de l'information qui sont fondamentales. Cette exigence de qualité impose des moyens. La gratuité en ce domaine est une chimère.
Au vu de tous ces éléments, comment envisagez-vous l'évolution des aides à la presse papier, sachant qu’il faut aussi accompagner socialement un secteur qui emploie des milliers de personnes notamment dans l’imprimerie et la diffusion ?
Quid de votre politique en faveur d'une meilleure répartition de la valeur sur internet ? Avez-vous pris connaissance du protocole d'accord entre les éditeurs de presse et Google ? Si les éditeurs se déclarent globalement satisfaits de ce compromis avec Google, beaucoup relèvent qu'il ne peut s'agir d'une solution de long terme. Pour ma part, je m'interroge sur le fait que Google devienne une sorte de mécène de la presse française.
Plus généralement, madame la ministre, ne pensez-vous pas qu'il nous faudrait une politique plus claire en faveur d'une plus juste répartition de la valeur entre les différents acteurs du net ? Cela devrait se faire notamment au bénéfice des éditeurs de presse qui auraient intérêt à s’entendre au niveau européen. Certains proposent de créer une taxe sur les appareils connectés, y êtes-vous favorable ? N’avons-nous pas plutôt besoin de plus de régulation et de fermeté envers ces géants du net, les fameux « GAFA », acronyme de Google-Apple-Facebook-Amazon, qui utilisent des contenus qu'ils n'ont pas créés eux-mêmes pour en tirer à leur seul profit d'énormes bénéfices – bénéfices qui, entre nous, échappent bien trop souvent aux différentes administrations fiscales nationales.
Je conclus en émettant un avis favorable sur crédits du programme « Presse ».
M. Rudy Salles, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles pour le livre et les industries culturelles. Je relève que les crédits du programme « Livre et industries culturelles » connaissent une légère augmentation, mais essentiellement au bénéfice de l'action « Livre et lecture » qui enregistre une progression de 3 %.
Figure en bonne place dans cette action, le plan de soutien aux libraires. Dans son avis budgétaire, ma collègue, Mme Sonia Lagarde, avait dressé, il y a deux ans, un constat alarmant de la situation de la librairie. Notre réseau dense et de qualité de librairies doit faire face à l'arrivée de nouveaux modes de diffusion du livre – particulièrement la vente en ligne. Il est menacé par une chute de la rentabilité de son modèle économique. C'est pourquoi, le soutien mis en place via le Centre national du livre (CNL), dont le budget pour le soutien à la librairie a été renforcé de 2 millions d'euros, est important. Quant à la transmission des fonds de commerce, le CNL a abondé le fonds de soutien existant de 4 millions d'euros supplémentaires, ce qui a permis d'assurer la reprise de quatorze librairies du réseau Chapitre lors de sa faillite.
Dans ce contexte, je me félicite également de l'adoption de la loi tendant à encadrer la vente à distance des livres, à l'initiative, parmi d’autres élus, de notre collègue de la Commission, M. Christian Kert. Elle permettra de lutter contre la concurrence déloyale de certains opérateurs de vente en ligne. Il est désormais interdit de pratiquer la gratuité des frais de livraison des livres à domicile.
S'agissant des industries culturelles, la diminution des crédits se poursuit avec un recul de 2 % cette année. La HADOPI est de nouveau sacrifiée. L'année dernière, son budget avait déjà été amputé, passant de 8 à 6 millions d'euros. Cette diminution ne devait être que transitoire dans l'attente d'une solution. Le transfert de ses activités au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), proposé par le rapport de M. Pierre Lescure, ne semble plus à l'ordre du jour, et l’on assiste à une mort programmée de la HADOPI par assèchement de ses crédits budgétaires.
Madame la ministre, quel sera l'avenir de la HADOPI ? Si une révision de ses missions et une remise à plat de son activité doivent avoir lieu, pourquoi le Parlement n'est-il pas saisi ? Les personnels vivent aujourd’hui dans l’angoisse ne sachant pas ce qu’ils vont devenir : nous ne pouvons pas les laisser dans cette situation. Un minimum de transparence me paraît indispensable sur ce dossier.
J’en viens au thème du jeu vidéo, auquel j'ai consacré la deuxième partie de mon avis budgétaire cette année. Malgré un indéniable dynamisme, ce secteur d'avenir, à forte valeur ajoutée, souffre de la concurrence internationale. En dix ans, la France est passée du cinquième au huitième rang des pays producteurs de jeu vidéo, et l’emploi dans le secteur a été divisé par deux : seulement 12 000 salariés y travaillaient en 2013, alors qu’ils étaient 25 000 durant les années 2000. C'est pourquoi il est urgent que le soutien de l'État soit repensé. De nombreuses pistes existent, des solutions sont connues, des projets annoncés. Il est temps que ces annonces soient suivies d'effet, et que ces projets deviennent opérationnels.
L’aménagement du crédit d'impôt pour les dépenses de création de jeux vidéo constitue une priorité, car ce dispositif n'est plus adapté à l'évolution des jeux. De plus, il est concurrencé par des dispositifs extrêmement agressifs mis en place à l'étranger, notamment à Singapour qui propose un crédit d'impôt de 50 % – au lieu de 20 % en France. La production des jeux sur supports physiques, dits de nouvelle génération, nécessite de longues années de travail, c'est pourquoi la procédure d'agrément doit être revue – le délai entre l'agrément provisoire et l'agrément définitif doit être allongé. En revanche, les coûts de développement des jeux dématérialisés sur tablettes ou téléphones sont moindres, ce qui devrait permettre d’abaisser, pour ce qui les concerne, le seuil des dépenses éligibles au crédit d'impôt.
Ces améliorations ont été identifiées, et des aménagements ont été votés l'année dernière, lors de l'examen de la loi de finances pour 2014. Cependant, ce nouveau dispositif n'est toujours pas applicable, et il n'est pas certain qu'il s'appliquera en 2015. En effet, une aide d'État doit être notifiée à la Commission européenne et validée. Je m'étonne que la transmission à Bruxelles ne soit intervenue que cet été, retardant d'autant la mise en œuvre effective du nouveau crédit d'impôt.
Mme la ministre, pourquoi, la notification à la Commission européenne a-t-elle été aussi tardive ? Pensez-vous que le nouveau dispositif pourra s'appliquer en 2015 ?
En conclusion, malgré les réserves que j’ai pu exprimer, je donne un avis favorable, au nom de la commission des affaires culturelles et de l'éducation, à l'adoption des crédits du programme « Livre et industries culturelles ».
M. François Rochebloine, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères pour l’action audiovisuelle extérieure. Je souhaite saluer la remise en ordre de marche de France Médias Monde (FMM) qui a signé un contrat d'objectifs et de moyens ambitieux, et insister sur le travail formidable de sa présidente, Mme Marie-Christine Saragosse, et de son personnel.
Dans les années à venir, aussi bien FMM que TV5 Monde devront consolider les positions acquises dans leurs zones stratégiques et poursuivre leur développement, dans un contexte de concurrence internationale qui ne s'affaiblit pas. Rien qu'en Europe, plus de trente-deux chaînes à vocation explicitement internationale seraient diffusées, notamment la Deutsche Welle, qui aurait 90 millions d'auditeurs et de téléspectateurs chaque semaine, et BBC World Service, qui aurait une audience hebdomadaire de 192 millions de personnes.
J'insiste, comme le fera sans doute mon collègue et corapporteur Patrice Martin-Lalande, sur la nécessité de respecter la trajectoire financière prévue par le COM. À ce titre, je regrette que la loi de finances rectificative de juin dernier ait prévu une baisse de crédits à hauteur de plus de 600 000 euros, soit le mince budget qui devait être consacré à la diffusion de Radio France internationale (RFI) en bambara, en Afrique de l'Ouest. Il n'est pas normal que Voice of America émette en bambara au Mali, et que la France ne puisse s'y faire entendre alors même que ses forces y sont engagées.
Le retour de France Télévisions au capital de TV5 Monde ne pouvait que recevoir un écho favorable de la part de l'ensemble de nos partenaires au sein de la francophonie ; c'est donc une bonne chose. Mais il faut aussi préparer l'avenir car, comme nous le disait son directeur général, M. Yves Bigot, « qui n'avance pas recule ».
Pour 2015, le projet de loi de finances accorde 77,83 millions d'euros à TV5 Monde en dotations publiques, c'est-à-dire 76,2 millions hors taxes, soit le même montant que l’année dernière. Grâce à des chantiers d'économies très significatives, TV5 Monde se fait fort, à contributions publiques constantes de 2014 à 2016, de financer, outre les ajustements de son budget de base, l'intégralité des mesures prioritaires 2014, soit 1,85 million d'euros, et de les poursuivre en 2015. Il est toutefois peu vraisemblable que l’entreprise, à dotations constantes, puisse mettre en œuvre en 2015 de nouveaux objectifs tels que la bascule en haute définition sur de nouvelles zones ou le lancement de nouvelles langues de sous-titrage.
Madame la ministre, permettez-moi de vous interroger sur deux projets. TV5 Monde envisage de lancer une chaîne jeunesse francophone en Afrique. Elle aura besoin d'un financement complémentaire, que la chaîne multilatérale espère recevoir d'États africains. Pourriez-vous nous éclairer sur la question ? TV5 Monde étudie par ailleurs sérieusement la création d'une nouvelle chaîne thématique consacrée à l’art de vivre à la française, notamment sous l'impulsion de notre ministre des affaires étrangères, M. Laurent Fabius, qui permettrait de promouvoir l'image de la France des pays francophones, et de leurs entreprises, et d'attirer les touristes étrangers en France. La trajectoire financière prévue par le plan stratégique adopté en début d'année permettra-t-il à TV5 Monde d'atteindre ses objectifs ? Ne faudra-t-il pas renoncer à certains investissements, notamment en matière de passage à la haute définition ? Il s’agit pourtant un virage technologique que nous n’avons pas le droit de manquer.
Le rapport pour avis de la commission des affaires étrangères a fait le choix cette année de s'intéresser à la coopération audiovisuelle, en étudiant plus particulièrement notre action au Maghreb, zone stratégique pour la France, au plan culturel, certes, mais aussi économique. La coopération audiovisuelle est un puissant multiplicateur d'influence dans un contexte de très forte concurrence. J'insiste sur la nécessité absolue de pérenniser les moyens d'action tout en adaptant l'offre, en la rendant plus lisible et coordonnée, en capitalisant sur nos marques fortes, ce que font les Allemands et les Anglais dont l'action est particulièrement efficace en la matière.
Ma dernière question porte sur Canal France International (CFI), opérateur de la coopération médias du ministère des affaires étrangères depuis 1989. L'État négocie actuellement le second contrat qui définira l'ensemble des activités de CFI au regard des priorités de notre aide publique au développement. Madame la ministre, existe-t-il dans ce contrat un volet consacré à la bonne coordination de l’action de CFI avec celle des autres acteurs de notre coopération audiovisuelle – que ce soit l'Académie France Médias Monde, l'INA, ou encore nos attachés de coopération audiovisuelle ? Étant donné la contrainte budgétaire qui s'exerce sur tous, cette coordination n'est pas un luxe, c'est une nécessité, or il semble qu'elle présente quelques faiblesses.
M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères pour l’action audiovisuelle extérieure. France Médias Monde, l'ex-Audiovisuel extérieur de la France, qui rassemble France 24, RFI et Monte Carlo Doualiya, a traversé une profonde crise de confiance et de gouvernance. La page semble tournée depuis l'arrêt de la fusion des rédactions et la nomination de Mme Marie-Christine Saragosse en octobre 2012. Ses équipes ont effectué un travail remarquable, et nous souhaitons saluer son implication et son professionnalisme. Le climat social paraît s'être apaisé et toutes les opérations de déménagement, qui avaient été très contestées, sont achevées ou en passe de l'être. Enfin, et surtout, la signature en avril 2014 un contrat d'objectifs et de moyens ambitieux, rédigé dans un climat de dialogue et de concertation avec le personnel, est aussi le signe d'un apaisement bienvenu des relations de l'entreprise avec la tutelle de l'État.
Les résultats de France Médias Monde sont globalement assez encourageants. Ses personnels réalisent un travail remarquable à Paris et sur le terrain, souvent de manière courageuse. Je voudrais rendre hommage à la mémoire des deux journalistes de RFI, Ghislaine Dupont et Claude Verlon, assassinés il y a tout juste un an dans le nord du Mali.
Les crédits demandés pour 2015 sont très légèrement en hausse. Les dotations publiques au titre de l’année 2015 pour la société France Médias Monde s'élèvent à 242 millions d'euros, en hausse de 1,7 million d'euros par rapport à l'année dernière – en tenant compte de la réduction de crédits appliquée à FMM dans le cadre de la loi de finances rectificative de juillet 2014 quelques semaines après la signature du COM. France Médias Monde espérait pourtant bénéficier d’au moins 6 millions d'euros de dotations publiques supplémentaires sur la période du COM pour financer ses projets de développement, en plus de ses propres économies et des redéploiements internes. Au regard des contraintes budgétaires actuelles, ce geste est donc limité, mais bienvenu.
À l'heure où l'entreprise doit impérativement investir dans les nouvelles technologies – passage à la haute définition et à la TNT, développement du multimédia… –, poursuivre la modernisation de ses grilles et programmes, continuer le développement de sa diffusion et de sa distribution, consolider ses positions dans ses zones d'influence traditionnelle tout en gagnant en influence dans les zones où elle est moins présente et, enfin, entamer le délicat chantier de l'harmonisation sociale, il nous semble impératif que l'État respecte la trajectoire financière tracée par le COM. Madame la ministre, le Gouvernement est-il prêt à s’engager à respecter le COM malgré l’entaille qu’il y a déjà porté au contrat quelques semaines après sa signature ?
Il est opportun de développer une version hispanophone de France 24 pour permettre à notre pays de rayonner notamment en Amérique latine. Les montants nécessaires devraient faire l'objet d'un financement spécifique par l'État dans le cadre du futur COM 2015-2018. Pourriez-vous nous dire si vous soutenez ce projet ?
L'équilibre financier demeure ainsi précaire. Une grande partie des projets de l'entreprise repose sur l'augmentation des ressources propres dont la dynamique est moindre qu'attendue dans le contexte d'un marché publicitaire atone et d'un renforcement de la concurrence alors même que les marges d'économie de fonctionnement se réduisent.
La question de la réforme de la contribution à l'audiovisuel public semble être inévitable puisque la CAP assure la totalité du financement de FMM et de TV5 Monde. Par ailleurs, il serait paradoxal que les Français financent directement des médias auxquels ils continueraient de ne pas avoir accès. Certes, des efforts ont été engagés – France 24 pourra être regardé en Ile-de-France –, mais ils sont insuffisants.
Reste la question de la convergence sociale au sein de FMM. Il s’agit d’un sujet délicat pour un coût évalué à environ 4 millions d’euros par la Cour des comptes. Madame la ministre, comment l’envisagez-vous ?
La Cour des comptes l’a relevé, la France a besoin d’un outil politique de pilotage de son audiovisuel extérieur. Le ministère des affaires étrangères doit prendre toute sa part de responsabilité dans la définition des orientations stratégiques de France Médias Monde et de TV5 Monde, notamment concernant les arbitrages portant sur les zones géographiques prioritaires.
Pour conclure, je me permets de suggérer à la commission des finances de demander à la Cour des comptes de réaliser, dès l’année prochaine, une enquête sur l’audiovisuel extérieur de la France, ce qui nous serait extrêmement utile pour préparer le nouveau COM à partir d’une analyse approfondie.
Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication. Avant de répondre à vos questions, je vous présenterai les orientations politiques qui ont conduit aux choix budgétaires que je soumets à votre examen.
Après deux ans de baisse et de rationalisation, en 2013 et 2014, le budget du ministère de la culture et de la communication est conforté pour les trois prochaines années. L’ensemble des crédits budgétaires connaît même une augmentation de 0,33 % en 2015, pour s’élever à 7,08 milliards, et la mission « Médias, livre et industries culturelles », une hausse de 0,42 %, qui monte ses crédits à 4,4 milliards. Le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) pourra utiliser l’ensemble de ses ressources sans qu’aucune ponction soit effectuée sur ses réserves.
Cette stabilisation est le signe de la priorité que le Gouvernement accorde à la culture et aux médias, dans un contexte de finances publiques dégradé. Elle impose de poursuivre les efforts et de maintenir des équilibres délicats mais permet, en les hiérarchisant, de financer les priorités de mon action, que j’ai présentées la semaine dernière à la commission des affaires culturelles.
Il s’agit d’abord de repenser l’accès à la culture, en partant des pratiques culturelles des Français, et particulièrement des jeunes. Nous y reviendrons lorsque nous parlerons de musique ou de lecture. Il faut ensuite renforcer l’excellence française pour en faire un instrument au service du rayonnement culturel de notre pays. La mission « Médias, livre et industries culturelles » comporte elle aussi ses champions nationaux. Je pense notamment à l’Agence France-Presse (AFP) et à notre modèle cinématographique Enfin, je souhaite encourager le renouveau créatif de nos artistes, de nos auteurs, de nos talents et de toutes nos industries culturelles.
Ces grandes orientations se déclinent dans l’ensemble des politiques culturelles que porte le ministère.
Dans le secteur audiovisuel, en cohérence avec la loi de novembre 2013 confiant à nouveau au CSA la nomination des présidents des sociétés de l’audiovisuel public, le Gouvernement a choisi de renforcer l’indépendance financière de celles-ci en réduisant progressivement la part de leur financement public reposant sur le budget général, laquelle aura disparu en 2017. La diminution de 102,7 millions de leur subvention en 2015 sera compensée par la hausse des apports de la contribution à l’audiovisuel public, qui progressera de trois euros en 2015 en métropole et d’un euro dans l’outre-mer.
Nous ne réintroduirons pas de publicité en soirée sur les antennes nationales du service public. Sans étude d’impact préalable solide, la mesure pourrait déstabiliser des équilibres d’un secteur audiovisuel confronté à un marché publicitaire en crise et à l’arrivée de nouveaux acteurs réinterrogeant son modèle économique. Parallèlement, comme l’a annoncé le Président de la République, il faut engager une réflexion, à laquelle le Parlement sera étroitement associé, sur la modernisation du financement de l’audiovisuel public au-delà de 2015.
La stabilisation des crédits de l’audiovisuel public sur les trois prochaines années requerra de la part des sociétés un réel effort de maîtrise et d’économies, compte tenu de la progression automatique de certaines charges, mais il ne remettra pas en cause leur capacité à assurer leurs missions. Ainsi, les grands équilibres des contrats d’objectifs et de moyens de France Télévisions et de France Médias Monde sont respectés, les dotations publiques à Radio France et Arte sont stables ou en légère progression, et la dotation de l’INA retrouve un niveau proche de celui de 2013, après la diminution exceptionnelle de 20 millions d’euros l’an passé, compte tenu du prélèvement sur le fonds de roulement. Le Président de la République souhaite par ailleurs que l’État clarifie sa vision stratégique du rôle et des missions de France Télévisions à l’horizon de 2020, avant que le CSA ne nomme le président ou la présidente du nouvel opérateur du service public de l’audiovisuel au printemps prochain. Mes services et ceux du ministère des finances engagent à ce sujet un travail, sur lequel vous serez consultés. Nous devons mener une réflexion d’ensemble sur les missions du service public audiovisuel et sur ses ressources, à savoir la contribution à l’audiovisuel public ou la publicité.
En ce qui concerne le cinéma, le Gouvernement n’entend pas que le CNC voie ses capacités d’action limitées par un prélèvement sur ses réserves. Dans le même esprit, il ne plafonnera pas les taxes prélevées sur le marché de la diffusion cinématographique et audiovisuelle, la majorité ayant décidé dès son arrivée de restaurer l’intégrité du modèle de financement mutualiste du fonds de soutien au cinéma et à l’audiovisuel. Pour qu’il puisse faire face au recul prévisionnel de 10 % des recettes attendues du CNC, soit 70 millions d’euros, par rapport au budget primitif pour 2014, l’établissement sera autorisé à puiser dans sa réserve de solidarité pluriannuelle, ce qui permettra d’amortir l’impact conjoncturel de la baisse sur les investissements du secteur et d’éviter un effet récessif préjudiciable à la diversité de la création et à l’emploi. Je souhaite par ailleurs que la discussion parlementaire permette de proroger pour trois ans le dispositif des sociétés de financement du cinéma et de l’audiovisuel (SOFICA), qui favorisent la diversité de la création.
L’année 2015 donnera au CNC l’occasion de poursuivre les actions de modernisation des soutiens cinématographiques et audiovisuels, pour soutenir la création, promouvoir la diffusion sur tous les supports d’œuvres françaises, consolider les entreprises, renforcer leur compétitivité, y compris à l’export, et rendre plus transparentes les relations entre professionnels. Elle verra aussi la mise en œuvre effective, après autorisation de la Commission européenne, des dispositifs de soutien automatique et sélectif en faveur de la vidéo à la demande, dont l’objectif est de mieux structurer l’offre légale française, pour la rendre plus visible par le public.
Un autre enjeu qu’il nous appartiendra collectivement de relever concerne la mutation structurelle du secteur de la presse. Conformément à l’engagement du Président de la République, l’année 2014 a été consacrée à la réforme des dispositifs d’aide à la presse élaborée en 2013. Un décret paru en juillet a modernisé le fonds stratégique pour le développement de la presse (FSDP) en faveur de la transition numérique. Désormais, le Gouvernement renonce à distinguer la presse papier et la presse en ligne car, comme il a eu l’occasion de le rappeler quand il a abaissé le taux de la TVA sur les services de presse en ligne, dès lors qu’il n’existe pas de différence fondamentale entre les supports d’accès à l’information, il faut appliquer le principe de neutralité technologique, que j’ai défendu à plusieurs reprises auprès de mes homologues européens chargés de la culture ou du numérique.
Le fonds stratégique privilégie désormais les projets mutualisés, indispensables dans une période où les volumes se contractent. Il s’est adjoint la compétence d’experts du numérique, afin de choisir de manière plus pertinente et plus réactive les projets qu’il finance. Parallèlement, nous avons refondu les critères de l’aide au portage, comme nous nous étions engagés à le faire. Si 2014 est bien une année de transition, le nouveau dispositif met fin à la distinction souvent décriée entre aide au flux et aide au stock. Afin de mutualiser les outils de production, l’aide est désormais versée aux réseaux de portage eux-mêmes, et elle est bonifiée en cas de portage multititres. De la même manière, l’aide versée aux éditeurs prend davantage en compte l’évolution des volumes portés, tout en étant plus prévisible, ce qui la rend plus intelligente et plus apte à faire évoluer le comportement économique des acteurs.
Il n’en reste pas moins que, dans les mois qui viennent, la presse devra faire face à des enjeux importants, notamment en matière de diffusion. Les travaux que mènent conjointement l’Inspection générale des affaires culturelles (IGAC), l’Inspection générale des finances (IGF) et le Conseil général de l’économie, de l’industrie, de l’énergie et des technologies (CGEIET) sur l’avenir de la diffusion, afin de proposer un schéma industriel soutenable pour les trois réseaux actuels – portage, postage et vente au numéro – sont en cours de finalisation. La filière ne pourra pas soutenir la chute des volumes constatée depuis deux ans, de près de 10 % par an pour la vente au numéro s’agissant de la presse quotidienne nationale (PQN) et de 3 à 5 % pour les autres acteurs, si elle n’engage pas de réforme à la hauteur des enjeux. Le secteur a en main les conditions de sa mutation.
La réforme passe par l’ouverture résolue des réseaux de portage et par une mutualisation des moyens à la disposition des messageries. Les travaux engagés entre Presstalis et les Messageries lyonnaises de presse (MLP) autour de leur système d’information commun doivent s’accélérer afin de générer les économies et les améliorations de service attendues par tous. La réforme passe aussi par une meilleure efficacité économique du postage. Les discussions en cours entre La Poste et la presse magasine doivent porter leurs fruits. Dans ce contexte, les moyens accordés aux différents réseaux de diffusion de la presse sont préservés en 2015, dans mon budget comme dans celui du ministère de l’économie.
Les moyens en faveur du pluralisme sont également préservés mais, dans un contexte de forte mutation, l’État concentre ses moyens sur la qualité de l’information. C’est le sens de la priorité accordée à l’Agence France-Presse, qui verra ses moyens augmenter de 5 millions en 2015. Ce soutien budgétaire s’inscrit dans un soutien plus large à ce champion national qu’est l’AFP, l’une des trois agences de presse de taille mondiale. Non seulement l’AFP participe pleinement du rayonnement de notre pays à l’étranger, mais elle permet à tous les journaux, même sur les théâtres d’opération où les éditeurs peinent à envoyer leurs journalistes, de disposer d’une information de qualité. L’année 2014 a permis de sécuriser son financement public au plan communautaire et d’élaborer, grâce aux travaux du député Michel Françaix, les voies et moyens d’assurer la nouvelle vague d’investissements nécessaires à une complète mutation numérique. Le COM de l’AFP, qui doit être signé avant la fin de l’année, traduit notre ambition collective pour son avenir.
Mon propos ne serait pas complet si je n’évoquais pas les crédits en faveur des industries culturelles. Ceux de la HADOPI sont maintenus au même montant que l’an dernier, c’est-à-dire à 6 millions. Le chiffre a été retenu au vu de la situation financière globale de cette autorité administrative qui, en 2015, pourra encore – probablement pour la dernière fois – utiliser son fonds de roulement pour financer ses missions : la réponse graduée, l’offre légale ou la réflexion sur la lutte contre la contrefaçon. Mes services travaillent à mettre en œuvre les préconisations du rapport de Mme Imbert-Quaretta, dans le respect des compétences de chacun. L’injonction de retrait prolongé relève d’un travail interministériel avec le ministère de la justice, et le développement de l’offre légale, des compétences du CNC ou de la direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC). Les réflexions menées sur la chronologie des médias ou la régulation, pour encourager le développement des plates-formes ou de l’offre légale, sont un moyen de lutter plus efficacement contre le piratage.
En matière de livre et de lecture, je suis heureuse que le budget illustre, après deux ans de tension, la reprise des capacités d’investissement du ministère de la culture. Ces dernières années, celui-ci a consenti un effort en faveur des librairies. Je souhaite le poursuivre en insistant sur des aspects qui n’ont pas été traités jusqu’à présent, comme la formation des libraires.
Désormais, l’avancement du grand chantier de remise aux normes du site de Richelieu de la BNF pèse moins sur notre budget. Cette marge de manœuvre sera redéployée pour augmenter la dotation dédiée aux travaux de maintenance, de renouvellement et de mise en sécurité des installations du site de Tolbiac. Une enveloppe exceptionnelle de 18 millions d’euros sera dégagée en trois ans. C’est l’un des objectifs importants du contrat de performance signé avec l’établissement public.
Les autres axes concernent notamment la poursuite des chantiers d’excellence que mène la bibliothèque en matière numérique : enrichissement continu de Gallica du fait de la politique de numérisation et du développement du dépôt légal numérique, élaboration des outils de référencement international des métadonnées, capacité d’expertise et de coopération pour l’ensemble des bibliothèques universitaires et de lecture publique de notre pays. Ce budget triennal permettra aussi de lancer le projet de rénovation de la Bibliothèque publique d’information (BPI), afin d’améliorer l’accueil des lecteurs en lien avec le Centre Pompidou et de redonner à la BPI son rôle central d’animateur du réseau des établissements de lecture publique. Si 2013 et le début de 2014 avaient affirmé la priorité accordée par le Président de la République aux librairies indépendantes, l’année 2014 a été consacrée aux bibliothèques. Ce budget en est la traduction concrète pour les deux établissements publics de l’État.
Le réseau de lecture publique ne sera pas négligé. Le maintien, dans son enveloppe précédente, de la dotation générale de décentralisation (DGD) pour les bibliothèques permettra à l’État de soutenir, à hauteur de 80 millions, les projets des collectivités locales sur l’ensemble du territoire. Nos quelque 16 000 médiathèques représentent toujours le premier réseau d’équipement culturel de notre pays et celui auquel accèdent le plus grand nombre de personnes, quelles que soient leur condition sociale et leur situation géographique. Les médiathèques prouvent leur modernité en se transformant dans de nombreux endroits en centres de ressources d’accès à la culture et aux savoirs, que celles-ci se présentent sous forme physique – livres, presse, CD, vidéos – ou sous forme numérique. La journée du 8 décembre sera consacrée à un échange, que j’espère le plus nourri possible, avec les élus locaux ou nationaux, sur la place des bibliothèques dans le pacte républicain au XXIe siècle. Ce sera un moment fort pour définir la politique culturelle de demain.
Dans l’année qui vient, l’examen du projet de loi sur la nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRE), après le vote de la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (MAPTAM), sera l’occasion de discuter, avec les collectivités territoriales, de l’avenir des politiques culturelles sur les territoires. C’est pour moi un enjeu essentiel, la culture étant un champ de responsabilité éminemment partagée entre l’État et les différents niveaux de collectivités locales. Si le budget de l’État en faveur de la culture est préservé pour les trois prochaines années, la tension sur les finances publiques locales contraint des collectivités à réduire leur effort ou arrêter des projets. C’est pourquoi je souhaite que nous engagions un nouveau mode de partenariat pour insuffler du dynamisme aux politiques culturelles publiques. Le soutien de tous les parlementaires à cette réflexion sera le bienvenu.
J’en viens aux questions posées par les rapporteurs.
Le ciblage des aides sur la presse d’information publique et générale (IPG), qui garantit le pluralisme de l’information, restera la priorité du Gouvernement. Avec M. Jean-François Mary, président de la Commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP), nous avons ouvert le chantier de la définition de la presse IPG, que nous aiderons encore pendant deux ans à investir dans le numérique.
Nous ne disposons pas encore du rapport sur l’avenir de la diffusion, qui pose la question de la pérennité des trois réseaux. Une mutualisation semble nécessaire, au vu des conditions économiques de la diffusion. Les deux messageries, qui travaillent déjà à élaborer un système d’information commun, doivent aller plus loin. De même, les réseaux de portage doivent s’ouvrir à plusieurs titres, ce qui permettra à la presse quotidienne régionale (PQR) de diffuser davantage les titres de la PQN. La réforme des aides, que nous avons lancée, y contribuera efficacement. Quelles que soient les conclusions du rapport, la filière devra poursuivre ses efforts de restructuration.
Le soutien à l’emploi est un sujet important. Si la presse papier reçoit un volume d’aides élevé, c’est que la filière industrielle n’acquitte pas les mêmes coûts que les entreprises numériques. Les priorités du Gouvernement sont claires. Il veut soutenir la mutation numérique, accompagner toute la presse dans l’évolution industrielle en cours, notamment pour la distribution du papier, et garantir aux citoyens, où qu’ils soient sur le territoire, un accès à une presse pluraliste.
La régulation des géants du Net dépasse la question des éditeurs de presse, puisque la déformation de la chaîne de valeur touche tous les acteurs des industries créatives et culturelles. Vous savez combien je suis investie dans cette réflexion. Depuis deux ans, je mène un combat sur le terrain intellectuel et opérationnel. Je le poursuivrai bientôt sur le plan institutionnel avec le Prix Nobel d’économie Jean Tirole. Celui-ci a étudié sur le plan microéconomique la neutralité du Net et posé la question de la valeur, dans un domaine marqué par la profusion de l’offre et la rareté de l’attention.
La rétribution équitable des acteurs locaux, français ou européens, dépend de la capacité des régulateurs et des pouvoirs publics à appréhender les nouvelles chaînes de valeur du numérique. Nous avons progressé sur le sujet dans le cadre de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) et dans celui de l’Union européenne. J’espère formuler des propositions dans les prochains mois. La pérennité du financement de l’exception culturelle française dépend de notre capacité à appliquer sur le territoire les règles fiscales concernant les acteurs extraterritoriaux. C’est un point essentiel pour l’avenir de la culture et des industries créatives.
Le service public doit constituer une référence en matière de qualité, de diversité et d’accessibilité. Au fil du temps, les sociétés de l’audiovisuel public ont tissé, à travers la radio et la télévision, des liens de proximité avec nos concitoyens. Depuis quelques années, des efforts importants ont été consentis pour prolonger cette relation dans l’univers numérique. Cependant, si certaines initiatives ont été couronnées de succès, aucun organisme de l’audiovisuel public n’a su imposer son offre numérique comme une référence. Pour capter l’attention, le service public doit réunir ses forces et proposer, dans le respect des identités qui le composent, une offre visible, cohérente et adaptée. C’est d’ailleurs ce que souhaite le Président de la République. Je veillerai à ce que cette question occupe une place centrale dans les COM de Radio France et de l’INA, en cours de négociation. Le sujet constituera un axe majeur de l’action de l’État pour l’avenir de France Télévisions. Il sera évoqué avec France Médias Monde et Arte France, dans le cadre de la réflexion sur les missions de l’audiovisuel public.
Le Mouv’ n’ayant pas trouvé son public, la direction de Radio France propose de mieux adapter son identité et son offre aux plus jeunes, en tenant compte des possibilités offertes par le numérique. Je veillerai à ce que, dans le cadre du COM, la discussion aboutisse à une solution réaliste et pérenne.
Le PLF pour 2015 propose d’allouer à France Médias Monde sur une dotation de 224 millions, en hausse de 0,7 % par rapport à la LFI pour 2014, ce qui est conforme aux engagements du COM.
TV5 Monde reçoit une contribution stable, alignée sur celle de nos partenaires. Cette dotation lui permet de diffuser en haute définition, ce qui garantit que les bouquets de télévision par satellite pourront reprendre ses programmes.
Bien que la situation de Canal France International concerne surtout le ministère des affaires étrangères, celui de la culture et de la communication ne peut y être indifférent. Il entend privilégier les synergies entre CFI et France Médias Monde.
J’ai été impliquée très tôt dans le dispositif de crédit d’impôt en faveur des jeux vidéo. Contrairement aux idées reçues, ceux-ci sont principalement utilisés par des femmes, d’une moyenne d’âge de trente-cinq ans. C’est un secteur d’excellence de la création française, dont les productions s’apparentent aux films à grand budget. Dans ce domaine où notre pays affronte la concurrence du Canada, de Singapour ou de la Grande-Bretagne, le crédit d’impôt est une manière de localiser la création chez nous. Je puis en témoigner puisque, habitant Montreuil, je suis voisine d’Ubisoft.
L’an dernier, vous avez adopté quatre dispositions importantes pour restaurer la compétitivité de ce crédit d’impôt. La réforme n’a été notifiée à la Commission européenne, dont nous attendons l’accord, que dans le courant de l’été, parce qu’il fallait d’abord en finaliser deux autres, touchant respectivement à la réforme du crédit d’impôt international et à la mise en place d’un soutien automatique à la vidéo à la demande.
M. Marcel Rogemont. Si le budget de la culture et de la communication n’est pas le plus important, la première place revenant, cette année encore, à l’éducation nationale, vos crédits, madame la ministre, sont épargnés malgré un contexte contraint, ce qui mérite d’être salué.
Le rapport sur l’audiovisuel public examine la situation de Radio France, qui retient moins l’attention que d’autres sociétés. Le CSA n’a pas publié le bilan de ses résultats sur la base du COM. Que prévoit le nouveau contrat qui doit être signé pour 2015-2019 ? En tout état de cause, faire payer l’accès aux podcasts de Radio France ne me semble pas – pour user d’une litote – une excellente idée.
En quels termes M. Schwartz doit-il rédiger la lettre de mission destinée au CSA et aux futurs candidats à la direction de France Télévisions ?
Envisagez-vous de transférer – et, le cas échéant, dans quelle proportion – les aides à La Poste vers le portage, solution d’avenir pour la distribution de la presse quotidienne ? La coexistence de deux messageries concurrentes est-elle économiquement viable ?
Quelle est votre approche du différend qui oppose Hachette à Amazon ?
Enfin, je partage l’inquiétude de M. Salles sur le crédit d’impôt pour la création des jeux vidéo. Le seuil de 100 000 euros conditionnant l’éligibilité à ce dispositif est-il pertinent ? L’avenir du secteur dépend en grande partie de notre capacité à adapter nos aides face à une concurrence féroce. Autant de questions, madame la ministre, qui n’ébranlent pas notre confiance dans votre action.
Mme Virginie Duby-Muller. Après avoir baissé de 2 % pendant deux ans, le budget du ministère de la culture est enfin sanctuarisé pour trois ans, comme l’avait promis le Premier ministre, le 6 juillet dernier, pendant la fronde des intermittents du spectacle. Pourtant, la dotation de la mission « Médias, livre et industries culturelles » diminue en valeur absolue. Son enveloppe se réduit de 12,35 % pour s’établir à 0,7 milliard d’euros. Si la baisse de 100 millions est inhérente à la suppression du programme 115 « Action audiovisuelle extérieure », elle se cumule à l’extinction progressive, d’ici à 2017, des dotations du budget général affectées au financement de l’audiovisuel public.
Alors que les Français subissent un matraquage fiscal sans précédent, la redevance augmente de trois euros, pour s’établir, après une hausse de neuf euros en trois ans, à 136 euros. Bien que votre but affiché soit de « conforter l’autonomie financière du secteur », la hausse ne suffira pas à compenser la stabilisation de la dotation de France Télévisions. Fragilisée par la diminution prévue de ses recettes publicitaires et par un budget en baisse de 0,5 %, l’entreprise ne dispose d’aucune marge de manœuvre pour relever les défis de sa rénovation. Dans ces conditions, peut-on vraiment parler d’autonomie ?
Vous réduisez la dotation budgétaire fixée par la précédente majorité, qui avait créé, pour l’abonder, la taxe télécoms. Même si la fongibilité du budget de l’État relativise le fléchage des recettes, les débats de 2009 affirmaient que cette taxe devait jouer un rôle de compensation. Nous regrettons que son produit, au lieu d’être affecté à l’audiovisuel public, se fonde dans le déficit public, ce qui signifie que les Français devront une nouvelle fois la mettre la main à la poche.
Dans le programme 180, les aides à la presse demeurent stables. Quand les aides ciblées à la presse quotidienne régionale, premier vecteur d’information du pays, seront-elles remises à plat ?
Le programme 334 « Livre et industries culturelles » est en baisse. La nouvelle procédure d’examen en commission limitant notre temps de parole, je n’approfondirai pas l’analyse de ce budget ni le cas des opérateurs rattachés, préférant évoquer les finances de la HADOPI en défendant un amendement d’appel. Ce sera une manière d’engager le dialogue budgétaire que vous avez appelé de vos vœux lors de votre audition du 14 octobre par notre commission.
Le groupe UMP ne votera pas ce budget, dont le manque d’ambition dénote une absence de stratégie.
Mme Isabelle Attard. La stabilisation du budget de la HADOPI équivaut à une asphyxie financière. L’an dernier, cette autorité administrative indépendante a fonctionné sur ses réserves, aujourd’hui épuisées. Pouvez-vous clarifier votre position à son sujet ? En janvier 2012, vous avez envoyé un tweet ainsi rédigé : « HADOPI remplacée : on efface tout, on réfléchit, on défend les créateurs, on arrête de charger les internautes. » Ou bien vous avez changé d’avis et, dans ce cas, expliquez-nous en quoi une institution que vous vouliez supprimer en 2012 est devenue soudain indispensable. Ou bien votre souhait n’a pas varié, et votre prochaine loi sur la création sera un bon véhicule pour supprimer la riposte graduée. Des études montrent que celle-ci n’a eu d’autre effet que d’éloigner les internautes des logiciels de partage de pair à pair. Le partage culturel ne cesse de progresser. Seuls les outils ont changé, et les plus récents profitent aux réseaux maffieux.
Récemment, vous avez projeté d’établir une liste administrative de sites contrefaisants. Que dirait-on si, usant du même procédé envers les magasins, la direction de la répression des fraudes publiait une liste de commerces jugés contrefaisants, en faisant l’économie d’une procédure contradictoire devant la justice ? Il existe d’autres solutions pour agir. La plus rapide et la plus économique pour assécher le financement des sites d’hébergement qui gagnent de l’argent sans le redistribuer aux auteurs est de cesser la chasse aux partageurs.
C’est en effet la mission la plus coûteuse de la HADOPI, alors que les deux autres, à commencer par le développement de l’offre légale, sont loin d’être inutiles. Si les majors prétendent que cette offre est suffisante en France, les faits sont têtus. Orange propose d’accéder en version sous-titrée à la série la plus regardée au monde, Game of Thrones, dès le lendemain de sa diffusion aux États-Unis. L’offre serait alléchante, s’il ne fallait pour y accéder souscrire à Orange Ciné Séries, qui est en fait un catalogue. Ne s’agit-il pas d’une forme déguisée de vente liée obligatoire, pratique interdite dans notre pays ?
Il faut repenser les droits, libertés et devoirs des internautes, qu’il appartient à l’État de faire respecter. Au XXIe siècle, la copie est non un problème, mais un fait. Nous devons trouver des sources de financement pour tous les créateurs et éviter que des intermédiaires ne s’arrogent, en prédateurs, une part déraisonnable de l’argent généré par la création.
M. Michel Françaix. La presse est confrontée non à une crise conjoncturelle mais à une mutation d’ensemble. Le passage à l’ère numérique modifie les modèles économiques des titres de presse, ainsi que les usages des lecteurs. Il accélère le rythme de diffusion de l’information, y compris à l’échelle internationale, et réinterroge les modes de lecture. Cependant, le numérique est loin d’avoir trouvé son modèle économique, puisqu’en pourcentage, il perd plus d’argent que la presse papier, pour avoir été trop longtemps axé sur le couplage de la gratuité et de la publicité.
Une société démocratique a trois manières de garantir l’accès à tous les titres de presse. L’immobilisme, qui a longtemps prévalu, produit des effets bien connus : des déficits de plus en plus graves et des aides mal orientées. La révolution salvatrice, qui pousse à aller vite pour rattraper le temps perdu, mène à la crise sociale. Mieux vaut la troisième voie, qui consiste à accélérer la transition.
Celle-ci peut être favorisée de quatre manières. La première consiste à donner un pouvoir accru et un rôle de pivot à notre système de régulation, pour assurer une mise en place rapide des réformes et rationaliser enfin l’économie de la presse. La deuxième est de redéfinir de manière drastique les missions des deux messageries, dans une nouvelle organisation industrielle. Si l’on n’y arrive pas, c’est peut-être que seule la fusion est possible. En troisième lieu, il faut remettre les diffuseurs au cœur d’un système dont ils sont les parents pauvres : ils ne touchent que 1 % des aides à la presse, et 40 % d’entre eux sont en dessous du SMIC. Enfin, pourquoi ne pas réserver les aides aux portages aux quotidiens et les aides au postage aux autres titres ? En renonçant à saupoudrer les aides, l’État cesserait de se concurrencer lui-même. Je le répète : le pragmatisme vaut mieux que l’immobilisme ou le Grand Soir, si l’on veut accélérer la modernisation de la presse, fer de lance de la démocratie.
M. Christian Kert. Puisque la presse régionale et la presse nationale ne peuvent se mettre d’accord sur un système de portage, peut-être vous revient-il de réunir leurs représentants. Il est stupide de disposer d’un outil qu’on ne sait pas faire fonctionner. Peut-être faut-il également réserver les aides à La Poste aux zones où le portage est difficile.
On se soucie beaucoup des diffuseurs de l’audiovisuel. Penchons-nous aussi sur le sort des producteurs français, surtout des producteurs indépendants menacés par la crise et par l’intérêt des chaînes françaises pour les productions étrangères. Leur situation devient préoccupante.
Enfin, êtes-vous prête à reprendre des propositions du rapport sur le destin de France 3, que Mme Filippetti avait commandé à Anne Brucy, spécialiste de l’audiovisuel ? Vous adresseriez de cette manière un signe aux cadres et au personnel de la chaîne.
M. Michel Pouzol. Je me félicite tout d’abord que les moyens du CNC soient intégralement préservés et que celui-ci soit autorisé à puiser dans son fonds de réserve. Je concentrerai mon intervention sur l’audiovisuel public. Pour parodier une célèbre émission de télévision, les Guignols de l’info : « Vous regardez l’ancêtre de l’internet tous les soirs à vingt heures, bonsoir ! ». Les propos tenus ce soir par nos rapporteurs nous renvoient à la question de la stratégie de Radio France et de France Télévisions. En effet, la multiplicité des supports et des chaînes remet en cause l’identité de certaines d’entre elles. Il importe donc que l’État joue son rôle d’analyse des stratégies à mener pour préserver la particularité du service public de l’audiovisuel, la question de la publicité et des moyens ne pouvant être l’alpha et l’oméga de la définition des objectifs d’une chaîne publique. Il convient de s’émanciper des analyses purement mercantiles propres aux chaînes privées et de réfléchir à la spécificité et à l’identité des chaînes publiques, fussent-elles généralistes, à l’heure où le numérique et l’explosion d’internet bouleversent les modes de consommation et les médias audiovisuels. Car, encore une fois, tout n’est pas une question de moyens !
Madame la ministre, comment comptez-vous réintégrer la prospective et l’analyse, comme l’a partiellement fait le rapport Lescure, dans nos réflexions sur l’audiovisuel public, sur ses mécanismes de soutien et sur son devenir dans un environnement de plus en plus commercial et agressif ? Comment repenser notre système dans sa globalité et ses interactions avec les nouveaux moyens de diffusion ? Cela me paraît plus que jamais vital pour l’ensemble des acteurs de notre secteur culturel.
Je terminerai en précisant que la série télévisée la plus regardée au monde n’est pas Game of Thrones mais Violetta… (Sourires.)
M. Patrice Martin-Lalande. Je m’exprime cette fois en tant que porte-parole du groupe UMP.
Secteur en pleine croissance, le jeu vidéo est devenu la deuxième pratique culturelle, tant par le nombre de personnes concernées que par le chiffre d’affaires. Il s’agit aussi d’un secteur dans lequel la France est l’un des premiers pays au monde. Il serait donc désespérant que nous ne parvenions pas à localiser durablement en France cette activité. Mais la concurrence que nous subissons en ce domaine – notamment du Canada et du Royaume-Uni – est à la limite du dumping. Le crédit d’impôt que les Britanniques souhaitent instaurer si Bruxelles les y autorise est beaucoup plus généreux que le dispositif français, car il couvre des dépenses plus larges et sera plus facile à obtenir. Je crains donc que l’hémorragie ne se poursuive au profit des jeux produits en Grande Bretagne.
S’agissant de la diffusion de France 24 sur la TNT, si l’audiovisuel extérieur est intégralement financé par la contribution à l’audiovisuel public sans être accessible gratuitement sur le territoire national, il risque d’être fragilisé et cette contribution délégitimée. N’oublions pas non plus que des millions de personnes d’origine étrangère qui résident dans notre pays peuvent être intéressées par un regard français sur l’actualité internationale : les priver de cette source d’information reviendrait à les condamner à suivre des médias plus radicaux. Nous rendrions ainsi un mauvais service à la sécurité de notre pays et à la manière dont se forge l’opinion publique eu égard à l’actualité internationale.
Mme Brigitte Bourguignon. Le budget 2015 est fortement marqué par le thème de l’accès à la lecture, grâce aux bibliothèques et au numérique : est en effet prévue la poursuite des actions prioritaires engagées depuis 2011 en faveur du développement de la lecture – au niveau central, avec le projet de rénovation de la BPI, comme au niveau déconcentré, avec les contrats territoire-lecture et les contrats numériques conclus avec les collectivités territoriales.
Quant au CNL, il est financé par deux taxes affectées dont la plus importante est assise sur les appareils de reprographie, de reproduction et d’impression. Or, le développement d’internet et de l’immatériel au détriment du papier est tel que le rendement de cette dernière est en baisse constante depuis 2007. Depuis 2012, le maintien des interventions du CNL n’a été possible que grâce à des prélèvements sur son fonds de roulement. Ainsi ses ressources nettes s’élèvent-elles cette année à 33,5 millions d’euros, alors que son budget était de 34,6 millions d’euros en 2013 et que son budget prévisionnel pour 2014 est de 36 millions d’euros. Votre ministère envisage-t-il d’élargir l’assiette de la taxe ? L’inclusion des consommables permettrait en effet de pérenniser les ressources du CNL. Enfin, dans le « bleu » budgétaire du programme 334, est évoqué à titre d’exemple de soutien de l’État aux pratiques de lecture innovante dès la petite enfance le projet « Premières pages », mené avec les collectivités volontaires. Or, l’an dernier, nous avons déploré la disparition des crédits affectés à cette opération : pouvez-vous nous éclairer à ce sujet ?
Mme Virginie Duby-Muller. Le Président de la République a annoncé l’extension de la redevance audiovisuelle aux appareils connectés autres que la télévision : voilà qui mérite pour le moins réflexion. Comptez-vous y associer le Parlement ? La mesure sera-t-elle opérationnelle pour le budget 2016 ?
Quant au jeu vidéo, pris en compte dans le programme 334 en tant que « dernier né des produits culturels », il est mis en exergue dans la deuxième partie de l’excellent rapport de mon collègue Rudy Salles, en tant qu’enjeu culturel et économique français. Comment comptez-vous soutenir ce secteur d’avenir en mutation, dans un environnement particulièrement concurrentiel ? Mme Axelle Lemaire, qui a promis un renforcement des aides en sa faveur, a déclaré aimer les jeux vidéo. Comptez-vous, madame la ministre, vous inspirer des propositions figurant dans ce rapport ?
Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication. Monsieur Rogemont, comme vous l’avez rappelé, l’État et Radio France ont engagé la négociation du contrat d’objectifs et de moyens (COM) de l’entreprise pour la période 2015-2019, l’objectif étant de renforcer l’identité de ses antennes, d’adapter son offre aux nouveaux usages et de définir une politique culturelle ambitieuse à l’occasion de l’ouverture du nouvel auditorium de la Maison de la radio. La négociation d’un nouvel accord collectif d’entreprise et l’achèvement du chantier de réhabilitation de ce bâtiment constituent les deux enjeux majeurs de ce contrat.
S’agissant de l’avenir de France Télévisions, l’État actionnaire souhaite pouvoir exprimer sa vision stratégique de l’audiovisuel public dans la perspective de la désignation du président de cette entité par le CSA dans le courant de l’année 2015. Pour le Gouvernement, il revient à l’État actionnaire de déterminer les objectifs fondamentaux de France Télévisions dans un contexte profondément transformé par le numérique, où la concurrence est fortement accrue par la multiplication des chaînes – gratuites notamment –, des écrans et des supports, et où les usages et les attentes du public se sont également transformés. Il convient que l’État parte de ces attentes et de ce nouvel environnement pour redéfinir le rôle du service public de la télévision linéaire et numérique – comme le font la plupart des grands opérateurs du service public à l’étranger, notamment la BBC. Notre réflexion sera menée par les services de mon ministère, en coopération avec ceux de l’économie et du budget et en concertation avec le Parlement. Nous nous appuierons aussi sur des grands corps de l’État. Nous ne confierons donc pas de mission extérieure à une personnalité qualifiée.
La mise à disposition gratuite, par Radio France, de podcasts d’émissions après leur diffusion ne sera pas remise en cause. Cela étant, même si son financement repose sur la contribution à l’audiovisuel public, la société est fondée à réfléchir au développement d’offres spécifiques payantes permettant de valoriser des contenus enrichis au-delà du seul rattrapage. Radio France transmettra prochainement à l’État des propositions en la matière dans le cadre du COM.
Si l’État n’a pas à se substituer aux acteurs privés pour décider de fusionner les deux messageries, la question de cette fusion se pose effectivement compte tenu de la diminution des volumes vendus. Je me propose de lancer un appel à la responsabilité des acteurs afin de favoriser la mutualisation, mais ne pourrai guère aller au-delà.
Concernant Hachette et Amazon, il n’est pas question non plus que nous nous ingérions dans un conflit opposant deux acteurs privés, mais nous devons éviter qu’il y ait abus de position dominante et qu’une plateforme de vente ne puisse déréférencer certains produits au motif qu’ils seraient proposés par un éditeur refusant de se conformer à des conditions imposées par cette plateforme. Amazon a souhaité mettre dos à dos les éditeurs et les auteurs. Or, la réaction des auteurs américains illustre bien qu’une telle situation est inacceptable, tout comme l’est le fait de prendre en otage les lecteurs. Je resterai donc vigilante, sachant que la Commission européenne à qui il appartient de contrôler le comportement des acteurs économiques et leurs éventuels abus de position dominante, l’est aussi.
Madame Duby-Muller, je ne vois pas en quoi le fait d’accroître le rôle de la contribution à l’audiovisuel public dans le financement de ce dernier nuirait à son indépendance. Au contraire, les réformes adoptées par ce Gouvernement – notamment la décision de restituer au CSA son pouvoir de nomination des dirigeants – a plutôt accru cette indépendance par rapport à la situation antérieure. Quant à la taxe dite « Copé » sur les télécommunications, elle a été définie dès 2009 comme une taxe non affectée.
Les discussions ayant eu lieu entre la HADOPI et les services du ministère de l’économie et des finances ainsi que du secrétariat d’État au budget ont conduit le Gouvernement à décider de lui allouer une subvention de 6 millions d’euros l’an prochain. Ainsi la Haute Autorité pourra-t-elle exercer ses missions comme l’an dernier. Ma position sur le sujet n’a d’ailleurs jamais varié, madame Attard : c’est le développement de l’offre légale qui m’importe, car il est le moyen le plus adéquat de lutter contre le piratage. Mais, si la HADOPI peut y contribuer, il existe sans doute d’autres voies pour y parvenir. Pour autant, nous devons également renforcer la coordination et les moyens de lutte contre le piratage commercial, afin que soient réprimées les pratiques de ceux qui s’enrichissent de manière illicite, parfois quasi mafieuse, au détriment des auteurs et des ayants droit, mais aussi des consommateurs Aussi sommes-nous en train d’élaborer une charte avec les prestataires de paiement en ligne et les annonceurs pour limiter les circuits financiers soutenant l’existence de ces sites illicites.
Monsieur Françaix, nous sommes effectivement favorables à une régulation plus efficace du secteur de la presse : votre proposition de loi permet d’ailleurs déjà de poser plusieurs jalons à cette fin. Vous avez raison d’affirmer la nécessité de placer les marchands de journaux au cœur de la diffusion des journaux dans la mesure où ils assurent l’interface avec les lecteurs. À ce titre, ils constituent un maillon essentiel de la chaîne de distribution. Enfin, comme vous le soulignez, les acteurs des différentes familles de presse doivent prendre leur responsabilité au bénéfice de la filière.
J’ai déjà évoqué tout à l’heure les aides à La Poste.
S’agissant de la proposition de M. Kert d’aider davantage les diffuseurs de l’audiovisuel et le secteur de la production, nous menons actuellement avec le CNC une réflexion sur les relations entre producteurs et diffuseurs afin de faire de la France un pays champion de l’audiovisuel. Un tel objectif suppose que nous menions une politique éditoriale ambitieuse et que nous favorisions l’industrialisation de la production – en particulier celle des séries. Tel était d’ailleurs l’un des enjeux de la loi du 15 novembre 2013 qui a introduit la possibilité pour les diffuseurs de détenir, dans la partie indépendante de leur contribution à la production, des parts de coproduction sur les œuvres qu’ils financent de manière substantielle. Il s’agit d’inciter diffuseurs et producteurs à prendre des risques éditoriaux et à produire des séries de qualité destinées à l’exportation. Loin d’opposer les uns aux autres, nous voulons au contraire créer les conditions financières d’un meilleur partenariat entre eux.
Le Président de la République a annoncé que l’État exprimerait sa vision stratégique et ses objectifs fondamentaux pour France Télévisions. Dans ce cadre, les propositions formulées par Anne Brucy dans son rapport nourriront la réflexion de l’État – et en particulier celle des services du ministère de la culture – concernant l’offre régionale du groupe.
Monsieur Pouzol, je vous rejoins lorsque vous affirmez qu’en matière d’audiovisuel public tout n’est pas une simple question d’argent. Les COM auront justement pour objet d’apporter des précisions sur les conditions dans lesquelles nos concitoyens pourront accéder aux contenus informatifs et créatifs, compte tenu de la multiplication des écrans et des chaînes.
Madame Bourguignon, les ressources du CNL sont effectivement limitées, compte tenu des charges résultant des mutations sectorielles auxquelles le centre est aujourd’hui confronté. Le plan librairies a été financé par des prélèvements – non reconductibles – sur son fonds de roulement. Le financement de la numérisation des livres indisponibles repose lui aussi sur ce mode de financement non pérenne, car il s’agit d’un projet d’une durée limitée. Vous avez raison de souligner que les évolutions technologiques entraînent une érosion tendancielle des ressources du CNL, puisque le marché de l’impression est constitué, d’une part, de la vente de matériel, seul taxé et en baisse constante, et d’autre part, de la vente de consommables qui est en très forte hausse. Le ministère de la culture et de la communication étudie donc actuellement la possibilité d’élargir à ces consommables l’assiette de la taxe affectée, dont le taux pourrait en conséquence être diminué.
Le projet « Premières pages » a été conçu en 2009 sur la base d’un partenariat entre le ministère de la culture et la Caisse nationale d’allocations familiales (CNAF) afin de permettre la création et la diffusion d’un album destiné aux familles ayant accueilli un enfant dans l’année. Sept départements ont progressivement été concernés par l’opération. Puis, au début de l’année 2013, la CNAF nous a fait part de son intention de se retirer de ce projet en raison de sa nature essentiellement culturelle, trop éloignée du cœur des missions de la caisse. Ce retrait a conduit le ministère de la culture et de la communication à modifier l’opération en abandonnant la prise en charge nationale de la création de l’album pour soutenir plutôt des projets de sensibilisation à la lecture, destinés aux enfants de moins de trois ans et à leurs familles. Si l’opération a donc évolué, elle est cependant maintenue, et s’est même développée en 2014 puisque six nouveaux départements ont décidé de la rejoindre. De plus, les crédits qui lui sont alloués sont identiques en 2014 à ce qu’ils étaient en 2013, et reconduits, voire légèrement augmentés, en 2015.
Je confirme à M. Martin-Lalande que la diffusion de France 24 sur la TNT en Île-de-France est bel et bien possible et que la chaîne est accessible en français, en anglais et en arabe sur le câble, le satellite et l’ADSL. Quant à RFI, elle est également diffusée par voie hertzienne en Île-de-France.
M. Patrice Martin-Lalande. L’Île-de-France n’est pas toute la France !
Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication. L’amélioration des dispositifs fiscaux en faveur du jeu vidéo, madame Duby-Muller, monsieur Salles, est notre préoccupation constante. Je suis, avec Aurélie Filippetti, à l’origine du crédit d’impôt qui a été voté par le Parlement. Dès ma nomination au ministère délégué chargé des PME, de l’innovation et de l’économie numérique, je n’ai cessé de veiller à ce qui m’est immédiatement apparu comme un secteur d’excellence. Certes, le Royaume-Uni a très substantiellement augmenté son propre crédit d’impôt, mais lorsqu’une entreprise choisit la localisation de son activité, elle ne prend pas uniquement en considération l’existence de crédits d’impôt ou d’autres avantages, mais aussi les coûts de production, ceux de l’immobilier, ceux aussi de la scolarisation des enfants et de l’accès aux services de santé, coûts qui sont nettement plus élevés au Royaume Uni qu’en France. Qui plus est, notre pays dispose de développeurs, de techniciens et de créateurs talentueux, grâce à notre système d’enseignement supérieur très développé. C’est pourquoi nos spécialistes du jeu vidéo sont recherchés dans le monde entier.
M. Rudy Salles, rapporteur pour avis. Ils partent pour Montréal !
Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication. En vue d’élaborer le crédit d’impôt sur les jeux vidéo, j’ai travaillé en étroite collaboration avec plusieurs producteurs, dont Ubisoft : ils se sont engagés non seulement à maintenir les emplois existants sous réserve que le crédit d’impôt soit appliqué dans les conditions définies par le Parlement, mais encore à en créer plusieurs centaines d’autres. Nous verrons s’ils tiennent leur promesse. Comme disait Cocteau, « il n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves d’amour »... Or je crois bien avoir, avec ce crédit d’impôt, administré une preuve d’amour au secteur du jeu vidéo ! Je veillerai à ce que la notification de la France à la Commission européenne produise ses effets le plus rapidement possible. L’attractivité est d’ailleurs, selon moi, un enjeu non seulement dans le domaine des jeux vidéo, mais aussi dans le secteur audiovisuel et cinématographique, où nous sommes confrontés à une concurrence croissante de la part de certains pays qui cherchent à attirer davantage d’industries créatives, d’événements ou de tournages de films. Je veille donc activement à ce que nous puissions continuer de nous targuer de posséder le meilleur cinéma et le meilleur écosystème du jeu vidéo en Europe.
Mme Eva Sas, présidente. Je vous remercie, madame la ministre, pour ces réponses très complètes. La discussion et le vote en séance publique sur les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » auront lieu le mercredi 29 octobre.
La réunion de la commission élargie s’achève à vingt-trois heures cinq.