Accueil > Documents parlementaires > Projets de loi > Etudes d'impact
Version PDF
Retour vers le dossier législatif


PROJET DE LOI

autorisant l’approbation du protocole d’amendement de la Convention entre le

Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relative

à l’extension en territoire français du domaine de l’Organisation européenne

pour la recherche nucléaire conclue le 13 septembre 1965

NOR : MAEJ1208100L/Bleue-1

------

ÉTUDE D’IMPACT

I. - Situation de référence et objectifs de l’accord

Le protocole d’amendement de la Convention relative à l’extension en territoire français du domaine de l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire (ci-après le CERN), conclue le 13 septembre 1965 entre le Gouvernement de la République française et le Conseil Fédéral Suisse1, a été signé à Genève le 18 octobre 2010. Il a pour objet de déterminer le droit du travail applicable aux activités des entreprises intervenant sur le domaine du CERN pour y réaliser des prestations de services revêtant un caractère transnational.

Cet accord fait suite à une demande du CERN, faisant état des difficultés qu’entrainait l’application du principe de territorialité, prévu à l’article II de la Convention franco-suisse du 13 septembre 1965 précitée, aux activités de prestations de services des entreprises intervenant à la fois sur la partie du territoire du domaine du CERN située en territoire français et sur celle située en territoire suisse. L’application stricte de ce principe conduisait, en effet, à rendre concurremment applicables le droit français et le droit suisse aux marchés de prestations de services conclus entre l’Organisation et de telles entreprises, ce qui était source de confusion et d’insécurité juridique.

Afin d’apporter une solution à ce problème, les deux Etats hôtes de l’Organisation ont décidé d’instituer une règle de conflit de lois permettant d’appliquer un droit unique à chaque marché. Cet accord institue une règle aménageant l’application du principe de territorialité et permettant de déterminer, préalablement à l’émission des appels d’offres par le CERN, le droit du travail applicable. En vertu de cet accord, le droit applicable doit désormais être déterminé, au cas par cas, au moyen de critères objectifs et quantifiables permettant d’établir sur quelle partie du domaine de l’Organisation est localisée la part prépondérante prévisible des prestations à effectuer dans le cadre de chaque contrat conclu avec le CERN.

Le directeur du CERN a donné son aval à ce principe de détermination du droit du travail applicable et, en conséquence, un accord tripartite mettant en œuvre le présent protocole d’amendement et signé le même jour a été conclu entre le CERN, le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral Suisse. Il vient préciser les modalités concrètes d’application du principe de la part prépondérante prévisible par l’Organisation. Cet accord fait l’objet d’un projet de loi distinct.

La solution retenue par ces accords a été jugée conforme au droit de l’Union européenne par la Commission européenne, saisie à l’initiative des autorités françaises dans le cadre de la procédure de notification prévue par le Règlement (CE) n° 662/2009 du 13 juillet 2009 instituant une procédure pour la négociation et la conclusion d’accords entre les États membres et des pays tiers sur des questions particulières concernant le droit applicable aux obligations contractuelles et non contractuelles. Dans sa décision du 19 mars 2010, la Commission européenne a, en effet, considéré, au regard de la spécificité de la situation du CERN, que cet accord, dont le champ d’application est clairement délimité, ne porte pas atteinte au système établi par le Règlement (CE) n° 593/2008 du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (dit Règlement « Rome I »).

II. - Conséquences estimées de la mise en œuvre des accords

Conséquences économiques et financières

L’approbation du présent protocole d’amendement de la Convention franco-suisse du 13 septembre 1965 n’implique pas de conséquences financières directes pour le Gouvernement français. En effet, la mise en œuvre du nouveau critère de détermination du droit du travail applicable, à partir de la localisation par le CERN de la part prépondérante prévisible d’activité, n’entraînera aucun coût particulier pour les deux Etats hôtes de l’Organisation.

Il convient, en revanche, de remarquer que l’application du présent protocole d’amendement, au-delà des retombées économiques et financières dont bénéficie déjà le bassin d’emploi local, va conduire les entreprises françaises à bénéficier encore plus substantiellement des marchés de travaux du CERN, alors que leur part dans ce domaine avoisine déjà les 50 %.

Conséquences juridiques

L’approbation du présent protocole ne nécessite pas de mesure d’application d’ordre législatif ou règlementaire au plan national : les dispositions de cet accord seront effectives dès l’achèvement des procédures nécessaires à son entrée en vigueur dans les ordres juridiques français et suisse et à la notification réciproque entre les deux Etats de leur bon accomplissement.

Cet accord permettra de mettre fin à l’insécurité juridique actuelle inhérente à l’application stricte du principe de territorialité dans laquelle se trouvent les entreprises prestataires intervenant à la fois dans la partie française et dans la partie suisse du domaine du CERN. Une centaine d’entreprises interviennent en permanence sur le site du CERN dans le cadre de l’exécution de contrats de fourniture de services conclus avec le CERN, employant environ un millier de salariés.

Actuellement, la question du droit applicable sur le domaine du CERN est en effet régie par l’article II de la Convention franco-suisse du 13 septembre 1965, qui dispose que « les lois et règlements de la Confédération suisse et ceux de la République française sont applicables, les premiers à la partie du domaine de l’Organisation qui est située en territoire suisse et les seconds à la partie du domaine de l’Organisation qui est située en territoire français ».

Désormais, ces entreprises seront informées par le CERN du droit du travail applicable à chaque chantier, sachant que celui-ci s’appliquera à l’ensemble des prestations y compris les éventuels marchés de sous-traitance afin d’éviter toute éventuelle initiative visant à soumettre ceux-ci à un autre droit ou bien à modifier les contrats de travail des salariés concernés. A cet égard, l’application des dispositions en cause s’effectuera sans préjudice du maintien des droits acquis au titre des contrats individuels de travail liant ces salariés et les entreprises concernées. Les entreprises seront donc informées du droit applicable dès l’appel d’offres et pourront ainsi s’engager en toute connaissance de cause. Les entreprises ayant contracté avec le CERN devront également informer les entreprises auxquelles elles souhaitent sous-traiter une partie des prestations à effectuer, au titre de l’exécution de leur contrat, de cette unicité du droit applicable.

Cet accord est par ailleurs compatible avec les engagements communautaires de la France: en effet, la Commission européenne, saisie par la France dans le cadre de la procédure de notification prévue par le Règlement (CE) n° 662/2009 du 13 juillet 2009, a jugé la solution retenue par cet accord en matière de détermination du droit du travail applicable conforme aux principes du droit de l’Union européenne, dans une décision du 19 mars 2010.

Par ailleurs cet accord s’inscrit en conformité avec les objectifs de l’Organisation Internationale du Travail (explicités dans les rapports du BIT, notamment celui publié dans la perspective de la 100ème session de la Conférence Internationale du travail en juin 2011), qui encourage les Etats à mettre en place des plateformes de coopération et des mécanismes de coordination efficaces en ce qui concerne l’administration et l’inspection du travail.

Conséquences administratives

L’approbation du présent protocole n’induit pas de nouvelle charge administrative pour les autorités françaises puisque c’est au CERN qu’il appartient de procéder à la détermination de la localisation pour chaque contrat, de la part prépondérante prévisible, et à l’information des entreprises concernées (l’article 6, paragraphe 1er, de l’accord tripartite du 18 octobre 2010 signé entre le CERN, la France et la Suisse, prévoit expressément que le CERN « adopte les mesures appropriées visant à inscrire dans sa réglementation interne et à mettre en œuvre les principes et obligations définis dans le présent Accord »).

En ce qui concerne le contrôle du respect des règles de droit du travail, l’approbation du présent protocole d’amendement n’entraînera pas de nouvelles charges pour les services de contrôle français : ces derniers devront poursuivre la coopération déjà engagée sous l’empire de la Convention franco-suisse du 13 septembre 1965 avec leurs homologues suisses. Celle-ci s’exerce notamment au moyen de contrôles conjoints des deux inspections du travail conduits au sein de l’Organisation afin de vérifier la bonne application des législations en vigueur et de poursuivre les auteurs des éventuelles infractions constatées.

Conséquences sociales

Cet accord permettra de garantir l’application, pour les salariés d’une même entreprise prestataire intervenant à la fois sur la partie suisse et sur la partie française du domaine du CERN, d’un socle de règles de droit du travail homogène, relevant d’une seule législation, en fonction de la localisation de la part prépondérante prévisible des prestations à effectuer, pour toutes les matières définies par la Directive européenne de 1996 sur le détachement transnational de travailleurs. Ces matières sont d’ailleurs expressément énumérées à l’article 1er de l’annexe 2 du protocole d’amendement de la convention franco-suisse du 13 septembre 1965. En cas d’application du droit français, les entreprises seront tenues de se conformer à l’ensemble de la législation en vigueur dans ces matières (durée du travail, rémunération, congés annuels, hygiène et sécurité, etc.).

Cet accord mettra, en outre, fin aux incertitudes liées à l’application stricte du principe de territorialité, préjudiciable aux salariés (en cas d’accident du travail notamment) et source de contentieux.

III. - Historique des négociations

Le CERN a appelé l’attention de la France et de la Suisse en juin 1994 sur les difficultés liées à l’application du principe de territorialité, posé à l’article II de la Convention franco-suisse du 13 septembre 1965, et sur la nécessité de trouver une solution pour déterminer le droit du travail applicable aux entreprises intervenant sur le domaine du CERN à la fois en territoire français et en territoire suisse.

En 1996, un premier groupe de travail, auquel ont participé le CERN et les autorités des deux Etats hôtes, avait remis un rapport préconisant la conclusion d’un accord bilatéral franco-suisse afin de mettre en place un régime juridique applicable aux entreprises intervenant sur le domaine du CERN, qui tienne compte de la spécificité du CERN et de la réglementation européenne en vigueur.

En 1998, après des échanges entre le CERN, la France et la Suisse, le service juridique du CERN a élaboré un premier projet de « protocole relatif aux entreprises et à leur personnel travaillant sur le domaine du CERN – Annexe à la Convention franco-suisse du 13 septembre 1965 relative à l’extension du CERN en territoire français ».

En 2003, à la suite de la mise en place d’un nouveau groupe de travail et de longues séances de négociations bilatérales et de concertation avec le CERN et les organisations syndicales locales, les parties ont pu trouver un consensus. Elles ont adopté, le 2 mai 2006, le projet de protocole d’amendement de la Convention franco-suisse du 13 septembre 1965 relative à l’extension en territoire français du domaine du CERN, et, le 28 novembre 2006, le projet d’accord tripartite entre la France, la Suisse et le CERN, sur le droit applicable aux entreprises intervenant sur le domaine du CERN afin d’y réaliser des prestations de services ayant un caractère transnational.

Ces deux projets d’accord ont été notifiés à la Commission européenne le 29 mars 2007. Après une réponse d’attente du 31 octobre 2007, la Commission a, par lettre du 3 novembre 2008, demandé « à la France de maintenir le statu quo et de ne pas conclure cet accord ». A la suite de plusieurs contacts entre les services concernés et les autorités bruxelloises ainsi que de la publication du Règlement (CE) n° 662/2009 du 13 juillet 2009 (instituant une procédure pour la négociation et la conclusion d’accords entre les Etats membres et des pays tiers sur des questions particulières concernant le droit applicable aux obligations contractuelles et non contractuelles), les projets ont été de nouveau notifiés à la Commission le 18 décembre 2009 afin de les soumettre à la nouvelle procédure prévue par ce règlement

Le 19 mars 2010, la Commission européenne a autorisé la France à conclure ces deux accords, au motif de leur compatibilité avec les règles du droit de l’Union européenne prévues par le Règlement (CE) n° 593/2008 du 17 juin 2008 (dit Règlement « Rome I ») sur la loi applicable aux obligations contractuelles.

IV. - Etat des signatures et ratifications

Le présent protocole d’amendement de la Convention franco-suisse du 13 septembre 1965 ainsi que l’accord tripartite entre la France, la Suisse et le CERN sur le droit applicable aux entreprises intervenant sur le domaine du CERN ont été signés à Genève le 18 octobre 2010.

Ils font désormais l’objet d’une procédure de ratification en droit interne français (en application de l’article 53 de la Constitution) et en droit suisse.

V.- Déclarations et reserves

Sans objet

1 Cf. Décret n° 69-312 du 2 avril 1969 portant publication de la convention entre la France et la Suisse relative à l’extension en territoire français du domaine de l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire du 13 septembre 1965.


© Assemblée nationale