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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

     

Ministère des affaires étrangères

et européennes

PROJET DE LOI

autorisant la ratification de la convention de Hong Kong pour le recyclage sûr

et écologiquement rationnel des navires

NOR : MAEJ1125010L/Bleue-1

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ÉTUDE D’IMPACT

I. Situation de référence et objectif de la Convention

1-1 Situation du démantèlement des navires dans le monde

Depuis les années 1980, les pays industrialisés ont délaissé les activités de démantèlement de navires, sauf pour les navires de taille modeste, au bénéfice des pays asiatiques où la main d’œuvre est moins chère, les espaces disponibles dans des chantiers (qui sont parfois de simples plages aménagées) plus vastes, des législations du travail et de l’environnement moins exigeantes. Il faut y ajouter le manque de ferrailles locales disponibles en quantités suffisantes pour les aciéries ainsi que des besoins importants en équipements recyclés.

Le panorama actuel du démantèlement est préoccupant dans la mesure où la majeure partie des chantiers de démantèlement asiatiques est globalement "sous normes". Aujourd'hui, 80% des navires sont démantelés au Bangladesh, au Pakistan et en Inde, dans des conditions souvent peu satisfaisantes au regard de la protection de la santé humaine et de l’environnement. Cette situation pourrait s’aggraver dans les années à venir, en raison du vieillissement de la flotte mondiale et de la sortie de flotte des pétroliers à coque simple. Or, les capacités actuelles de démantèlement qui respectent les normes sanitaires et environnementales permettant un démantèlement propre et sûr sont insuffisantes au regard des besoins prévisibles.

Les navires de commerce qui sont la propriété de sociétés européennes représentent 40% de la flotte mondiale mais la flotte marchande armée sous pavillon des États membres de l’UE est peu concernée par la démolition navale du fait de son âge. Au delà de vingt-cinq ans d’âge, au moment où la question de leur démantèlement se pose, ces navires, même s’ils sont encore la propriété d’opérateurs européens, battent rarement pavillon des États membres. Ceci vaut tout particulièrement pour la France, dont la flotte de navires marchands compte parmi les plus jeunes de l’UE.

1-2 Etat du droit positif

Un navire peut être considéré comme un déchet1 au sens de la Convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et de leur élimination2 dès lors que son propriétaire a l’intention de s’en défaire. Toute exportation de navire aux fins de son démantèlement doit ainsi s’effectuer dans le respect de la Convention de Bâle, ainsi que du règlement n° 1013/2006 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2006 concernant les transferts de déchets 3. Ce règlement intègre les dispositions de la Convention de Bâle et du « Ban Amendment ». Cette décision de « Ban Amendment », adoptée le
22 septembre 1995 à la troisième Conférence des Etats parties à la Convention de Bâle, restreint considérablement le périmètre géographique de l’exportation de déchets dangereux. N’ayant pas été ratifiée par un nombre suffisant d’Etats, elle n’a pas amendé la Convention de Bâle et ne présente donc aucun caractère contraignant pour les Etats parties à cette Convention. Toutefois, en raison de la reprise du contenu du « Ban Amendment » dans le règlement européen mentionné ci-dessus, le champ géographique d’exportation des déchets des Etats membres de l’UE est strictement défini4
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Cependant, cette règlementation se révèle peu adaptée aux navires de commerce. En premier lieu, il est difficile de garantir le respect de cette règlementation aux navires qui ne se trouvent pas dans les eaux de l’UE. En second lieu, elle est souvent détournée par la pratique du dépavillonnement. En troisième lieu, la preuve de l’intention du propriétaire d’un navire de se défaire de son bien est difficile à rapporter. Enfin, il est difficile d’appliquer à l’exportation d’un navire aux fins de son démantèlement les notions propres à la Convention de Bâle transposée par le règlement européen n° 1013/2006, à savoir les Etats d’exportation, d’importation et de transit, dans la mesure où le navire, bien mobile, se joue facilement de ces notions. Ainsi, appliquer la Convention de Bâle aux navires ne constitue pas une solution optimale de nature à garantir un démantèlement sûr et écologiquement rationnel de ces derniers. C’est pourquoi les Etats ont négocié, dans le cadre de l’Organisation Maritime Internationale (OMI), une convention internationale spécifique.

1-3 Articulation avec les autres normes supra-nationales

La question de l’articulation entre les conventions de Hong Kong et de Bâle se pose, la Conférence des Etats parties à la Convention de Bâle ayant admis dans sa décision VII/26 de 2004 qu’un navire pouvait en tant que tel constituer un déchet au sens de la Convention de Bâle. De plus, cette dernière est mentionnée à deux reprises dans le texte de la convention de Hong Kong, dans le préambule ainsi que dans la Règle 3 de son annexe5.

Une fois entrée en vigueur, la Convention de Hong Kong ne se substituera ni à la Convention de Bâle, ni au règlement communautaire n° 1013/2006 qui en transpose les stipulations au niveau européen6. Ces deux conventions, autonomes, n’ont pas exactement le même objet. Si la Convention de Bâle a trait aux mouvements transfrontières de déchets (à travers la procédure dite du « consentement préalable en connaissance de cause ») d’une part, à la gestion écologiquement rationnelle des déchets7 d’autre part, la Convention de Hong Kong, tout en appréhendant le navire depuis sa construction jusqu’à son démantèlement, exclut expressément de son champ d’application le traitement des déchets dangereux, des résidus de déchets et des déchets non valorisables issus du démantèlement. En effet, ce traitement n’est pas considéré comme faisant partie de l’opération de recyclage du navire8. Le transfert et l’élimination de ces déchets devront alors s’effectuer dans le respect de la Convention de Bâle. Sur ce point, les conventions de Hong Kong et de Bâle apparaissent donc complémentaires : la première encadre l’opération de recyclage, la seconde régit le traitement des déchets issus de cette opération.

En tout état de cause, la Convention de Bâle n’interdit pas la conclusion d’autres instruments internationaux « touchant les mouvements transfrontières de déchets dangereux ou d’autres déchets avec des Parties ou des non-Parties », à condition que ces instruments « ne dérogent pas à la gestion écologiquement rationnelle des déchets dangereux et d’autres déchets prescrite dans la présente Convention » et qu’ils énoncent des dispositions au moins aussi « écologiquement rationnelles » que celles prévues par la Convention de Bâle (article 11§1). Cette question de l’équivalence du niveau de contrôle et d’exécution prévu par la Convention de Hong Kong avec celui de la Convention de Bâle a été examinée lors de la dernière conférence des Etats parties à la Convention de Bâle, qui s’est tenue à Carthagène (Colombie) du 17 au 21 octobre 2011. Les Etats parties n’ont pu se mettre d’accord sur cette question. Une ligne de fracture a en effet opposé les Etats membres de l’Union européenne9, la Norvège, le Japon, la Chine, la Turquie et les Etats-Unis (Etat non partie à la Convention de Bâle) d’une part, favorables à cette reconnaissance, à plusieurs Etats africains et sud-américains ainsi que certaines organisations non-gouvernementales d’autre part. Sur ce point, la conférence des Etats parties n’a débouché que sur un constat de désaccord. Cependant, ce constat s’accompagne d’un appel à ratifier la Convention de Hong Kong10. L’absence d’accord sur le niveau d’équivalence ne constitue donc pas un obstacle à la ratification de la Convention de Hong Kong par les Etats parties à la Convention de Bâle. Compte tenu du résultat de la dernière conférence des Etats parties, il est peu probable que cette question soit réexaminée par la conférence des Etats parties tant que la Convention de Hong Kong ne sera pas entrée en vigueur. Le cas échéant, il conviendra, afin de clarifier le statut juridique des navires en fin de vie, de sortir, par des modalités restant à déterminer, les navires faisant l’objet de la Convention de Hong Kong du champ d’application de la Convention de Bâle.

De même, afin de permettre le mouvement du navire aux fins de son démantèlement dans un Etat partie à la Convention de Hong Kong mais non nécessairement membre de l’OCDE ou de l’AELE11, des modifications devront être apportées au niveau européen afin de ne pas rendre l’envoi d’un navire entrant dans le champ d’application de la Convention de Hong Kong vers un Etat partie à cette convention en contradiction avec ce règlement. A ce titre, un projet de règlement, spécifique aux navires et incorporant en droit européen les dispositions de la Convention de Hong Kong, est en cours de préparation par la Commission européenne et sera présenté aux Etats membres au printemps 2012. S’il est adopté, ce règlement se substituera au règlement n° 1013/2006 en ce qui concerne le démantèlement des navires. Il peut être noté que dès le mois d’octobre 2009, le Conseil « environnement » de l’Union européenne, développant une stratégie de l’Union européenne pour l’amélioration des pratiques de démantèlement des navires, « encourage[ait] fortement les Etats membres de l’UE à ratifier en priorité la convention de Hong Kong, afin d’en faciliter l’entrée en vigueur dans les meilleurs délais et de susciter des changements réels et concrets sur le terrain »12. Par une lettre datée du 18 novembre 2010, le Commissaire européen en charge de l’environnement, M. Janez Potočnik, a appelé la France à accélérer la ratification de la Convention de Hong Kong, convaincu que « ce serait un pas important et manifeste pour remédier le plus rapidement possible à une situation totalement inacceptable en matière de démantèlement des navires à l’échelle mondiale »13.

1-4 Objectifs de la Convention

La Convention vise à assurer le démantèlement sûr et propre des navires. Cet objectif est une nécessité :

- pour la santé des travailleurs et la protection de l’environnement dans les chantiers de démantèlement ;

- pour la sécurité de la navigation et pour la sauvegarde de la vie humaine en mer, le maintien en service des navires en fin de vie représentant un réel danger ;

- pour une participation au développement durable en privilégiant le recyclage des métaux, plus économe tant en énergie qu’en ressources minérales.

II. Conséquences estimées de la mise en œuvre de la Convention

• Conséquences économiques et sociales

La ratification de la Convention de Hong Kong aura peu d’incidences économiques et sociales pour la France en tant qu’Etat recycleur. En effet, le marché du démantèlement des navires de commerce, mis à part certains navires saisis ou accidentés, échappe largement aux sites européens. A ce jour, les navires les plus âgés appartenant à des ressortissants d’un Etat membre de l’UE, ne battent pas pavillon d’un Etat membre de l’UE et sont démantelés hors de l’UE (80 % du démantèlement mondial de navires se fait au Bangladesh, Inde et Pakistan).

Si une réflexion est actuellement engagée quant à l’opportunité de la création en France d’une filière de démantèlement, cette réflexion n’est pas directement liée à la ratification de la Convention de Hong Kong.

En revanche, la mise en place des inventaires de matières dangereuses dès la conception du navire et leur actualisation tout au long du cycle de vie du navire est créatrice d’une activité et d’une expertise nouvelle sur lesquelles la France doit se positionner. L’expérience acquise par certaines entreprises (DCNS, STX, Bureau Veritas, Tecnitas) sur les navires militaires est à valoriser au niveau international auprès de tous les armateurs de navires de commerce. Cette expérience pourrait être mise à profit dès l’entrée en vigueur de la Convention de Hong Kong. 

Enfin, l’entrée en vigueur de cette convention sera de nature à améliorer les conditions des salariés chargés du démantèlement dans les principaux Etats recycleurs, sous réserve que ces Etats adhèrent à la Convention.

• Conséquences financières

La ratification de la Convention de Hong Kong n’aura pas de conséquences financières pour l’Etat. Elle aura cependant un impact pour les armateurs puisque la réalisation des inventaires de matières potentiellement dangereuses aussi bien pour tout nouveau navire que pour les navires existants, ainsi que la certification de ces inventaires, auront un coût. À ce jour, faute d’un retour d’expérience suffisant, il est difficile de définir une valeur médiane. En tout état de cause, ces coûts seront fonction de l’âge du navire, du niveau de précision de l’inventaire et de la complexité du navire. Pour les navires existants, les matières dangereuses identifiées se limitent à la liste de l’appendice 1 de la Convention et le coût d’un inventaire s’établirait entre sept mille et trente mille euros. Le degré d’analyse qui est effectuée lors de la prestation de certification d’un inventaire par une tierce partie détermine son coût. Celui-ci serait de l’ordre de dix mille euros pour la première certification puis de deux mille euros lors des visites de renouvellement, effectuées au moins tous les cinq ans.

• Conséquences environnementales

La négociation même d’une convention internationale dédiée au recyclage des navires, prenant en considération l’ensemble de leur cycle de vie (de la construction à la destruction), procède du souci d’améliorer la protection de l’environnement dans les chantiers de recyclage et la santé des travailleurs. Comme indiqué précédemment, 80% des navires sont démantelés au Bangladesh, au Pakistan et en Inde, dans des conditions sanitaires et environnementales bien souvent déplorables. La mise en œuvre de la Convention de Hong Kong permettra d’améliorer de manière substantielle la sécurité des travailleurs impliqués dans le recyclage des navires ainsi que la protection de l’environnement, sous réserve que les principaux Etats recycleurs deviennent parties à cette convention et fassent évoluer leur pratique de démantèlement. Il est toutefois difficile de prédire le moment où ces Etats adhèreront à cette convention. En outre, l’application de la convention aura pour effet de renforcer la santé des travailleurs et la protection des populations au voisinage des sites de démantèlement des effets nocifs du recyclage (explosions, incendies, accidents et autres risques…).

• Conséquences juridiques

o Entrée en vigueur et champ d’application

L’article 17 de la Convention de Hong Kong stipule que la convention entrera en vigueur vingt-quatre mois après que quinze Etats dont les flottes marchandes représentent au moins 40% du tonnage brut de la flotte mondiale des navires de commerce, et dont le volume annuel maximal de recyclage de navires au cours des dix dernières années représente au total au moins 3% du tonnage brut de l’ensemble des flottes marchandes desdits Etats, auront ratifié la convention. A ce jour, aucun Etat n’a ratifié cette convention.

Comme de nombreuses conventions adoptées sous les auspices de l’Organisation Maritime Internationale (OMI), la convention limite son champ d’application aux navires d’un certain tonnage : les navires d’une jauge brute inférieure à 500 sont exclus du champ d’application de la convention. De même, la Convention de Hong Kong ne s’applique pas aux navires d’Etat, aux navires domestiques (navires affectés exclusivement aux voyages nationaux) et aux navires fluviaux. L’exclusion des navires d’Etat n’empêchera toutefois pas les Etats qui seront parties à la Convention de respecter la clause d’effort et d’agir « d’une manière compatible avec la présente Convention, pour autant que cela soit raisonnable et possible dans la pratique »14.

o Adaptation du droit interne

L’intégration de la Convention de Hong Kong en droit interne impose d’en adapter certaines dispositions. En particulier, la Convention impose aux Etats parties de prévoir dans leur droit interne des sanctions en cas d’infraction à ses stipulations. Son article 10§3 précise que « les sanctions prévues par la législation d’une Partie en application du présent article doivent être, par leur rigueur, de nature à décourager les infractions à la présente Convention où qu’elles puissent être commises ».

En application de la Convention de Hong Kong, la France pourra intervenir alternativement en tant qu’Etat de pavillon, Etat du port ou Etat recycleur. Le code des transports (cinquième partie, Livre II Navigation maritime, Titre IV Sécurité et prévention de la pollution) prévoit des dispositions d'ordre général qui permettront d'assurer la mise en œuvre de la Convention en ce qui concerne les documents qui doivent être à bord des navires (par exemple les titres de sécurité, les certificats de prévention de pollution). Toutefois, des adaptations devront être apportées au décret n° 84-810 du 30 août 1984 relatif à la sauvegarde de la vie humaine, à l'habitabilité à bord des navires et à la prévention de la pollution15, ainsi qu'à l'arrêté du 23 novembre 1987 relatif à la sécurité des navires16, afin de préciser les conditions de délivrance et de contrôle des dispositions relatives aux certificats et procédures prévus par la Convention. Des modifications sont à l'étude. Elles concernent également les incriminations spécifiques à prévoir en cas de non respect par le navire des dispositions de la Convention.

Dans sa capacité d’Etat recycleur, il convient de noter que les installations de recyclage de navires relèvent d’ores et déjà du régime des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE)17. Ce dernier permettant un encadrement et un contrôle stricts des exploitations industrielles ou agricoles susceptibles de créer des risques ou de provoquer des pollutions ou nuisances, le droit interne ne devra pas être modifié pour encadrer l’activité des installations françaises de recyclage, le dispositif actuel de sanctions administratives et pénales prévu pour les installations classées étant efficace, proportionné et dissuasif.

En effet, à l'heure actuelle, indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées, et lorsqu'un inspecteur des installations classées constate l'inobservation des conditions imposées à l'exploitant d'une installation classée, le code de l'environnement (L. 514-1) prévoit une échelle graduée de sanctions administratives (arrêté préfectoral de mise en demeure, consignation de sommes, exécution de travaux aux frais de l'exploitant...) qui peuvent aller jusqu'à la suspension de l'activité (possibilité de scellés prévue à l’article L. 514-2). S'agissant des sanctions pénales (L 514-9 à L 514-18), le code de l'environnement réprime, au titre du délit (L. 514-9), l'exploitation illégale (1 an d’emprisonnement et 75 000 euros d'amende). En cas de condamnation, le tribunal peut interdire l'utilisation de l'installation. D'autres mesures, telles la suspension de l’activité ou l’astreinte journalière (L. 514-10), sont également prévues.

Parallèlement à cette législation ICPE, un panel de sanctions administratives et pénales est applicable, au titre de la législation déchets (mauvaise gestion des déchets) et transferts transfrontaliers de déchets (transferts illicites), prises en application du règlement 1013/2006. Ainsi, la mauvaise gestion des déchets (mauvaise filière ou exploitation) est sanctionnée par des dispositions pénales (jusqu’à deux ans d’emprisonnement et 75000 euros d’amende), prévues aux articles L. 541-46, R. 541-76 à R. 541-85 du code de l’environnement, ainsi que par des sanctions administratives (L. 541-3). Les transferts illicites sont passibles de sanctions administratives (articles L. 541-41 à L. 541-42-2) et pénales (article L. 541-46 11°, articles R. 541-83 à R. 541-85).

En conclusion, l'article 10.3 de la Convention de Hong Kong ne nécessite pas de modifier le régime actuel de sanctions dans une perspective d'aggravation des peines.

• Conséquences administratives

La France peut agir en tant qu’Etat du pavillon, Etat recycleur ou Etat du port qui contrôle le respect, par les navires dont les Etats de pavillon sont parties à la Convention de Hong Kong, des dispositions de cette convention. Les conséquences administratives de la mise en œuvre de la Convention de Hong Kong sont donc multiples.

o La France, Etat du pavillon

Pour les navires battant pavillon français, les services de l’Etat chargés des affaires maritimes, en lien avec ceux responsables de la prévention des risques, délivreront et vérifieront l’Inventaire des matières potentiellement dangereuses ainsi que le certificat « prêt au recyclage ». Cependant, pour certaines catégories de navires, cette fonction devrait être déléguée à des sociétés de classification habilitées. Dans le cadre des transpositions des directives européennes du « paquet Erika III » de sécurité maritime, le MEDDTL a étendu le régime de la délégation pour certaines catégories de navires.

L’entrée en vigueur de la Convention de Hong Kong aura par ailleurs un impact sur l’activité des Centres de Sécurité des Navires. Au titre de l’Etat de pavillon, selon le niveau de délégation les inspecteurs de la sécurité des navires et de la prévention des risques professionnels pourront être amenés à vérifier les Inventaires de matières dangereuses et délivrer le certificat international. Cette activité supplémentaire sera particulièrement significative dans les cinq premières années à compter de l’entrée en vigueur, du fait de la nécessité au titre de la Règle 5 de délivrer le certificat à tous les navires neufs et existants de jauge supérieure à 500. Cette charge supplémentaire peut être estimée à une augmentation de 5 à 10% de la durée des visites de ces navires, dont le nombre est d’environ 200 unités.

o La France, Etat recycleur

Les installations de recyclage des navires figurent à la rubrique 2712 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE), régies par les dispositions L 511-1 et suivantes du Code de l’environnement. Soumises à autorisation du préfet, elles sont régies par le droit commun des ICPE. La ratification de la Convention de Hong Kong n’aura pas pour effet d’augmenter la charge administrative des administrations chargées de veiller au respect par les installations de recyclage des dispositions de cette convention, cette charge étant directement fonction des capacités françaises de recyclage. Or, comme indiqué précédemment, les navires de commerce, à l’exception de certains cas particuliers (navires abandonnés, saisis, ou appartenant à des armateurs vertueux et soucieux de leur image), ne seront, à court terme, que rarement démantelés dans un site français.

o La France, Etat du port

Pour les navires battant pavillon étranger, le contrôle de l'application de la Convention de Hong Kong se fera dans le cadre du contrôle par l'Etat du port tel que prévu par le Code des transports, le décret 84-810 relatif à la sauvegarde de la vie humaine en mer, à l'habitabilité à bord des navires et à la prévention de la pollution, la division 150 annexée à l'arrêté du 23 novembre 1987 ainsi que les guides des mémorandums d’entente comme celui de Paris (Paris MoU). En application de ces dispositions, les officiers du contrôle par l'Etat du port des Centres de Sécurité des Navires de la DAM effectueront cette mission. L’augmentation de la durée des 1300 visites réalisées annuellement peut être estimée à environ 5%.

III. Historique des négociations

• Les travaux de l’Organisation internationale du Travail (OIT), de la Conférence des Etats parties à la Convention de Bâle et de l’Union Européenne

L’adoption de la Convention de Hong Kong succède à différentes initiatives entreprises dans plusieurs enceintes. Ainsi, dès 2001, l’Organisation internationale du Travail (OIT) publie un état des lieux des conditions de travail dans l’industrie du démantèlement. Cette organisation publie en 2004 un guide relatif à la sécurité et l’hygiène dans la démolition des navires destinés à la Turquie et aux pays d’Asie.

A la fin de l’année 2002, la Conférence des Etats Parties à la Convention de Bâle adopte un guide technique pour la gestion écologiquement rationnelle du démantèlement des navires. En 2004, lors de la septième Conférence des Parties à la Convention de Bâle, les Parties considèrent qu’un navire peut être considéré comme un déchet et par là même relever de la Convention de Bâle (décision VII/26, voir supra, sous le paragraphe « Situation de référence et objectif de la Convention »).

En mai 2007, la Commission publie un Livre vert sur l'amélioration des pratiques de démantèlement, par lequel elle lance une consultation auprès des États membres. Ce travail est complété le 19 novembre 2008 par la publication d’une Communication portant sur une stratégie de l’UE pour améliorer la pratique du démantèlement des navires18.

• Les travaux dans le cadre de l’OMI

En 2002, l’OMI entreprend la rédaction de directives spécifiques au démantèlement des navires. Celles-ci, se limitant à établir un inventaire des matières dangereuses à bord des navires, sont adoptées par l’Assemblée le 5 décembre 2003 (résolution A.962(23)). Toutefois, ces directives ne présentent pas de caractère contraignant. En juillet 2005, le Comité de la protection du milieu marin (MEPC) décide de transmettre à l’Assemblée de l’OMI une proposition pour la préparation d’un instrument juridique contraignant pour un recyclage sûr et écologiquement rationnel des navires. En décembre de la même année, l’Assemblée adopte la résolution A.981(24) qui confirme les travaux du comité.

Par une résolution du 29 novembre 2007, l’Assemblée prend la décision de convoquer une conférence diplomatique chargée d’examiner l’adoption d’une convention internationale pour le recyclage sûr et écologiquement rationnel des navires. Le texte est discuté au cours des 56ème, 57ème et 58ème sessions du MEPC. Finalement, la Convention est adoptée à l’issue de la Conférence diplomatique de l’OMI tenue à Hong Kong du 11 au 15 mai 2009. L’acte final de cette conférence comprend le texte adopté par la Conférence ainsi que six Résolutions. La Résolution 4 intitulée « Futurs travaux de l’Organisation relatifs à la Convention internationale de Hong Kong » invite l’Organisation à élaborer d’urgence les directives suivantes :

1. Directives pour l'établissement de l'Inventaire des matières potentiellement dangereuses (adoptées en juillet 2009) ;

2. Directives relatives aux visites et à la délivrance des certificats ;

3. Directives pour l'inspection des navires ;

4. Directives pour l'octroi d'une autorisation aux installations de recyclage des navires (adoption prévue en 2012) ;

5. Directives pour le recyclage sûr et écologiquement rationnel des navires (adoption prévue en 2012) ;

6. Directives pour l'établissement du plan de recyclage du navire (adoptées en juillet 2011).

Ces directives doivent être adoptées dès que possible, en tout état de cause avant l’entrée en vigueur de la Convention, en vue de faciliter l’application uniforme de la Convention au niveau international.

IV. Etat des signatures et ratifications

A ce jour, cinq Etats ont signé la Convention de Hong Kong. Il s’agit de la France, de l’Italie, des Pays-Bas, de Saint-Christophe-et-Niévès ainsi que de la Turquie. Aucun Etat n’a ratifié à ce jour la Convention.

V. Déclarations ou réserves que la République envisage de faire

• Conformément à l’article 16.6 de la Convention, la France envisage de faire la déclaration suivante : « En vertu de l’article 16.6 de la Convention, la France exige que le plan de recyclage d’un navire soit approuvé de manière explicite pour que ce navire puisse être recyclé dans les installations françaises de recyclage des navires ».

• Conformément à l’article 16.4 de la Convention, la France envisage de faire la déclaration suivante : « En vertu de l’article 16.4 de la Convention, la France déclare que les dispositions de la présente convention s’appliquent à l’ensemble du territoire de la République française ».

1 Cette qualification a été retenue en 2004 par la Conférence des Etats parties à la Convention de Bâle par la décision VII/26 : “Noting that a ship may become waste as defined in article 2 of the Basel Convention and that at the same time it may be defined as a ship under other international rules”. http://www.basel.int/meetings/cop/cop7/docs/33f.pdf#vii-26

2 Cette convention, adoptée le 22 mars 1989, est entrée en vigueur de manière générale et pour la France le 5 mai 1992. Cent soixante-quinze Etats sont aujourd’hui parties à cette convention. Le décret n° 92-883 du 27 août 1992 portant publication de la convention est disponible à l’adresse suivante :

http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=13A17F030EA931C1B2572CE84608B97B.tpdjo13v_3?cidTexte=JORFTEXT000000540240&dateTexte=&oldAction=rechJO&categorieLien=id

3 Règlement n° 1013/2006 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2006 concernant les transferts de déchets:

http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2006:190:0001:0098:FR:PDF

4 La Convention de Bâle distingue deux opérations en matière de gestion des déchets, l’élimination et la valorisation. Cette distinction entraîne des conséquences sur l’étendue des possibilités d’exportation. En raison de la transposition du Ban amendment en droit communautaire par le règlement communautaire n°1013/2006, le transfert de déchets pour valorisation ne peut s’effectuer que vers les Etats membres de l’UE, de l’Association européenne de libre-échange (AELE) et de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Les mouvements pour élimination ne peuvent être entrepris que vers les Etats membres de l’UE ou de l’AELE, ce qui rend impossible ces mouvements vers les Etats non membres de l’OCDE mais aussi vers les Etats de l’OCDE qui ne sont membres ni de l’UE ni de l’AELE. La valorisation (concernant le démantèlement des navires, essentiellement la récupération du métal) et l’élimination (concernant le démantèlement des navires, essentiellement le désamiantage) pouvant être liées dans une même opération de démantèlement, la qualification de l’opération doit être appréciée au cas par cas. Les Etats membres de l’OCDE qui ne sont membres ni de l’UE ni de l’AELE sont les suivants : Australie, Canada, Chili, Corée du Sud, Etats-Unis d’Amérique, Israël, Japon, Mexique, Nouvelle-Zélande, Turquie.

5 Intitulée « Rapport avec d’autres normes, recommandations et orientations », cette règle prévoit que « Les Parties prennent des mesures pour appliquer les dispositions des règles de la présente Annexe, en tenant compte des normes, recommandations et orientations pertinentes et applicables élaborées par l’Organisation internationale du travail et des normes, recommandations ou orientations pertinentes et applicables mises au point dans le cadre de la Convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et de leur élimination ».

6 Article 15§2 de la Convention de Hong Kong : « 1. Aucune disposition de la présente Convention ne porte atteinte aux droits et obligations qu’ont les Parties en vertu d’autres accords internationaux pertinents et applicables ».

7 L’article 2§8 de la Convention de Bâle définit cette gestion comme « toutes mesures pratiques permettant d’assurer que les déchets dangereux ou d’autres déchets sont gérés d’une manière qui garantisse la protection de la santé humaine et de l’environnement contre les effets nuisibles que peuvent avoir ces déchets ».

8 Article 2§10 de la Convention de Hong Kong

9 Cette position figure dans les conclusions du Conseil « environnement » de l’Union européenne du 10 octobre 2011, disponibles à l’adresse suivante : http://register.consilium.europa.eu/pdf/fr/11/st15/st15393.fr11.pdf

10 Décision BC-10/17, disponible à l’adresse suivante : http://archive.basel.int/meetings/cop/cop10/documents/28e.pdf (page 53)

11 Selon que le navire destiné à être démantelé est considéré comme un déchet destiné à être valorisé ou éliminé.

12 Ces conclusions sont disponibles à l’adresse suivante : http://register.consilium.europa.eu/pdf/fr/09/st14/st14890.fr09.pdf

13 Une lettre identique a été envoyée aux autres Etats membres.

14 Article 3.2 de la Convention

15 http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000841523&fastPos=1&fastReqId=219868934&categorieLien=cid&oldAction=rechTexte

16 http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000328378&fastPos=1&fastReqId=1838808870&categorieLien=cid&oldAction=rechTexte

17 L'activité de démantèlement des navires relève de la rubrique de la nomenclature des IC « n° 2712 - Installation de stockage, dépollution, démontage, découpage ou broyage de véhicules hors d'usage ou de différents moyens de transports hors d'usage, la surface étant supérieure à 50 m² ». Cette activité est soumise à un régime d'autorisation dès lors que la surface dédiée à ces activités excède 50 m².

18 http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=COM:2008:0767:FIN:FR:DOC


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