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PROJET DE LOI

autorisant l’approbation de l’accord de partenariat pour la coopération culturelle, scientifique

et technique et pour le développement entre le Gouvernement de la République

française et le Gouvernement de la République d’Irak

NOR : MAEJ1230566L/Bleue-1

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ÉTUDE D’IMPACT

I. - Situation de référence et objectifs de l’accord

1. La relation bilatérale franco-irakienne a été relancée dans tous les domaines, en 2008, à l’initiative du Président de la République qui s’est rendu à Bagdad en février 2009. La volonté de la France a été clairement affirmée de multiplier avec l’Irak les partenariats y compris dans le domaine de la coopération. Le 2 juillet 2009, le Premier ministre, François Fillon, s’est rendu, à son tour, à Bagdad et a signé avec son homologue Nouri Al Maliki une déclaration réaffirmant leur volonté de renforcer, d’élargir et de diversifier leurs relations et d’adapter leur coopération culturelle, scientifique et technique aux nouveaux besoins dans ce domaine.

2. La coopération qui avait été très intense dans les années 1970 et 1980, notamment en matière universitaire, scientifique et culturelle (bourses, archéologie, muséologie, échanges universitaires, expositions et événements culturels) avait été considérablement réduite et ne se limitait plus, ces dernières années, qu’à une activité unilatérale d’enseignement de la langue française depuis notre centre culturel à Bagdad.

3. De nouveaux besoins de coopération sont apparus depuis 2003 qui s’apparentent à ceux des pays en post crise.

- Dans le domaine économique, trente années d’embargo, de dictature puis de guerre ont totalement détruit les infrastructures de base. Les réseaux d’eau et d’assainissement et d’électricité sont entièrement à reconstruire. Le réseau des transports est à réhabiliter (routes, ports, matériels ferroviaires). Il en va de même dans le domaine du pétrole où l’extraction est ralentie par le manque d’infrastructures de qualité que ce soit pour l’exploitation ou pour l’acheminement du pétrole hors des sites et à l’exportation. Les raffineries sont hors d’usage et insuffisantes.

Dans le secteur agricole, le pays importe l’essentiel de sa consommation. Les remontées d’eau salée (les sols n’étant plus drainés) ont réduit les zones de production. Le manque d’équipement et d’intrants a fait le reste. Les différents conflits ont contribué à la pollution de régions entières (épaves, matériels de guerre, substances chimiques, mines antipersonnel) tandis que l’ignorance, la mauvaise gestion et l’action politique violente contribuaient à la pollution des fleuves, au desséchement des marais millénaires du sud du pays.

Dans tous ces domaines, la fermeture de l’Irak au reste du monde pendant plusieurs décennies et l’exil des élites entraînent d’énormes besoins en matière de formation d’ingénieurs, de techniciens, d’ouvriers et d’agriculteurs et d’assistance technique dans tous les secteurs en restructuration.

- dans les domaines de l’éducation, de la culture et de la santé, les besoins sont également immenses. Les programmes d’enseignement sont à refaire ou à moderniser, les professeurs, médecins et personnels de santé doivent être formés en urgence, des programmes d’équipement et de reconstruction de sites doivent être arrêtés. L’écart de connaissances avec le reste du monde est très important et suppose la multiplication d’échanges, la présence d’assistants techniques et des missions d’expertise ponctuelles, en liaison notamment avec le CIEP. De nouvelles normes doivent être introduites dans la législation. Des schémas directeurs de développement de ces services publics doivent être mis sur pied.

- en matière de gouvernance, enfin, le pays a un grand besoin d’apports extérieurs. L’essentiel du cadre de base a été mis en place au cours des dernières années par les autorités irakiennes elles-mêmes : Constitution, séparation des pouvoirs, libertés publiques, création d’une nouvelle armée et de forces de sécurité mais de nombreuses améliorations, remises à niveau et formations sont encore nécessaires avant que ce cadre soit fonctionnel.

4. Dans cet esprit, la France a lancé de nombreuses actions de coopération. Dès 2005, en les intensifiant à compter de 2008, elle a mis en place des actions de formation dans le cadre du programme européen Eujust Lex : formation de magistrats, de personnels pénitentiaires, de policiers, de membres du conseil d’Etat. En 2009, des diplomates irakiens ont été accueillis à l’ENA et au Ministère des Affaires Etrangères pour un stage de formation. Des représentants de la société civile et des journalistes ont bénéficié de plusieurs séries de formations en France en 2009, 2010 et 2011.

Des partenariats ont également été noués entre le Parlement irakien et l’Assemblée Nationale ainsi que le Sénat au cours des deux dernières années. Des projets de coopération de long terme ont été mis en place entre le Conseil d’Etat et le Secrétariat général du gouvernement et le conseil d’Etat irakien. La mairie de Paris a initié des contacts avec la municipalité de Bagdad.

Dans le domaine culturel, la première mission d’archéologie a pu rouvrir en 2010, au Kurdistan d’Irak en lien avec le département d’archéologie de l’université de Souleimanieh. Une annexe de l’Institut Français du Proche-Orient a ouvert en 2011 à Erbil avec vocation à travailler sur l’archéologie et les sciences humaines. Plusieurs partenariats universitaires ont été noués. Trois accords boursiers ont été signés en 2009 (avec le gouvernement irakien, la région autonome kurde et les services du Premier ministre irakien) en vue d’accueillir à terme chaque année 500 boursiers irakiens sur le sol français.

L’Institut Français d’Irak à Bagdad concentre son activité sur les cours de langue (intra muros et hors les murs) et la médiathèque. Néanmoins, la situation sécuritaire s'améliorant, l’Institut Français de Bagdad a commencé à développer des activités ouvertes au public (expositions, conférences,…) et à mener une programmation culturelle hors les murs en partenariat avec les institutions irakiennes.

Une antenne de l’Institut Français d’Irak a ouvert à l’automne 2009 à Erbil ; elle mène des activités à la fois linguistiques et culturelles (Fête de la Musique, projections de films français, etc.).

Matière optionnelle au baccalauréat, le français est enseigné dans le secondaire public, à partir de la première année, comme seconde langue étrangère après l'anglais, dans 92 des 4552 (soit 2%) des établissements concernés. Cet accord permettra de conforter les autorités irakiennes dans la mise en œuvre de leur projet d’étendre l’enseignement optionnel du français dans les établissements secondaires.

Le français est par ailleurs enseigné dès le primaire dans un certain nombre d'établissements privés, ainsi que dans les départements de français des universités de Bagdad, Mustansiriya, et Mossoul. Dans la région autonome du Kurdistan d'Irak, le français est enseigné, au niveau du secondaire dans 5 lycées du gouvernorat d’Erbil (5 professeurs, 1 240 élèves) et dans un lycée privé à Dohuk (4 professeurs, 300 élèves). Deux départements de français sont en outre désormais ouverts dans les universités d'Erbil et de Koya.

Deux écoles françaises de la Mission laïque française ont par ailleurs ouvert leurs portes en 2009 au Kurdistan d’Irak, à Erbil et à Souleymanieh. L’école d’Erbil accueille 136 élèves de la maternelle à la sixième. Celle de Souleymanieh ne scolarisant que 41 élèves, la décision été prise en février 2013 de la fermer pour concentrer les moyens sur Erbil.

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Enfin, dans le domaine économique, l’AFD dispose d’un bureau à Bagdad depuis 2010. Elle participe à des projets dans les domaines de l’eau et de l’électricité, du développement urbain et du financement du secteur productif, notamment le secteur agricole.

II. - Conséquences estimées de la mise en œuvre de l’accord

1. Conséquences en matière de coopération culturelle, scientifique, technique et de développement

a) Le présent accord permettra d’inscrire notre coopération dans une approche plus globale, tout en tenant compte de la forte demande irakienne en termes d’expertise éducative, culturelle, scientifique et technique dans la perspective de la reconstruction.

b) En matière de coopération éducative, scientifique et universitaire, l’accord aura un fort impact sur les partenariats universitaires et boursiers, ce qui permettra à terme d’augmenter davantage le nombre d’étudiants, mais aussi de formateurs et de cadres en France, conformément au souhait des autorités irakiennes. L’accord favorisera également la coopération entre les chercheurs français et irakiens, en poursuivant la dynamique enclenchée par l’ouverture de l’antenne de l’Institut Français du Proche-Orient à Erbil en 2009. Par ailleurs, le présent accord comprend un objectif de valorisation commune du patrimoine archéologique, par le biais d’une coopération entre les services archéologiques et les musées.

La coopération en matière audiovisuelle et dans le domaine des médias tiendra également une place importante. Une coopération avec CFI permettrait d’organiser des formations spécifiques destinées aux journalistes irakiens, comme cela est déjà le cas dans la région. Une attention particulière pourrait être portée aux femmes journalistes irakiennes, très actives dans la défense de la liberté de la presse.

c) Dans le domaine culturel et linguistique, la mise en œuvre du présent accord contribuera au rayonnement de la France en Irak, avec le développement des activités de l’Institut français d’Irak et de son antenne d’Erbil mais aussi de l’Irak en France, avec le projet d’ouverture d’un centre culturel irakien à Paris.

d) En termes de coopération technique et de développement, l’accord permettra de consolider en particulier notre action dans le domaine de l’agriculture et de la gestion durable des ressources naturelles dans lequel nous disposons d’une expertise reconnue mais aussi dans la formation des cadres irakiens issus des métiers du droit et de la sécurité.

Le présent accord prévoit également la création d’une commission mixte culturelle et scientifique formée des représentants des deux pays, se réunissant au moins une fois tous les 3 ans. Elle est chargée de définir et d’orienter les priorités de la coopération entre les deux pays, ainsi que les projets de coopération décentralisée définis à l’article 13.

2. Conséquences économiques et financières

a) Le présent accord comporte des dispositions ayant un impact dans les domaines économique et financier, notamment dans ses articles 15, 16 et 17. En particulier, les deux Parties s’engagent à développer la coopération bilatérale dans ces domaines en renforçant la coopération institutionnelle, l’appui au développement des capacités de maîtrise d’ouvrage et le soutien à la stratégie de développement, de croissance et d’investissement de l’Irak.

b) En outre, l’article 21 du présent accord prévoit :

- le libre transfert hors du territoire d’une des parties vers le territoire de l’autre partie des sommes correspondant aux activités de l’une des deux Parties au présent Accord, perçues ou versées directement ou indirectement au titre de ces activités ;

- une exonération de tous droits et taxes en dispense des formalités relatives au contrôle du commerce extérieur et des charges lors de leur importation aux matériels et équipement d’appui fournis à titre gratuit par chacune des parties dans le cadre de la mise en œuvre des actions, projets et programmes menés dans le cadre de l’ensemble des champs de coopération que couvrent le présent accord ;

- la franchise de droit de douanes et de TVA des transactions de tout ordre directement liées à une action de coopération bilatérale.

A ce sujet, il convient de noter que le droit communautaire (article 128 du règlement communautaire n°1186/2009 relatif à l'établissement du régime communautaire des franchises douanières) et national (article 1er de l'arrêté du 18 juin 2009 relatif au régime d'exonération de taxe sur la valeur ajoutée afférent à certaines importations définitives de biens) autorise les États membres à octroyer des franchises de droits de douane et de TVA dans le cadre d'accords culturels, techniques ou scientifiques avec des pays tiers.

Par ailleurs, concernant les exemptions de formalités déclaratives, si la réglementation communautaire et nationale ne s'oppose pas à l'octroi de franchises de droits et taxes pour des marchandises de type « matériels et équipements d'appui » dans le cadre d'opérations menées en application des accords culturels, techniques ou scientifiques, elle ne prévoit cependant pas la dispense ou l'exemption des formalités déclaratives de ces opérations d'importation (et également d'exportation). Par conséquent, chacune des opérations d'importation et d'exportations de biens dans le cadre du présent accord devra faire l'objet d'une déclaration en douane, tandis que les réglementations techniques éventuelles qui pourraient trouver à s'appliquer pour certains biens importés devront être respectées. Les matériels et équipements d'appui ne pourront bénéficier d'un régime dérogatoire à l'importation.

c) L’article 22 de l'accord prévoit également des exonérations douanières et fiscales pour le mobilier et les effets personnels des assistants techniques en mission en Irak. Ces dispositions ne s'appliquent qu'aux marchandises importées sur le territoire irakien. Cependant, aucune disposition relative au statut des personnels irakiens qui pourraient être amenés à séjourner sur le territoire de la Partie française n'est prévue dans cet accord. De telles dispositions permettant l'importation en exonération de droits et taxes de leurs meubles et effets personnels étaient prévues dans les échanges de lettres entre les deux Parties de 1969 jointes aux accords de coopération culturelle et de coopération technique. Par conséquent, compte tenu du fait que l'accord de 1969 et que cet échange de lettres sont remplacés par le nouvel accord de 2009, c'est désormais la réglementation de droit commun en vigueur en France qui trouvera à s'appliquer dans le cas de l'importation de biens par des personnels irakiens en mission en France.

3. Conséquences environnementales

Le présent accord comporte des dispositions relatives à la coopération franco-irakienne dans le cadre de la promotion de la gestion durable des ressources naturelles. L’article 18 souligne en effet que les parties s’engagent à renforcer leur coopération en termes d’amélioration de l’efficacité énergétique, de réduction des pollutions, de protection de la biodiversité, de lutte contre la désertification et conformément aux engagements du Protocole de Kyoto, de lutte contre le réchauffement climatique.

4. Conséquences juridiques

Articulation avec le cadre juridique existant

Le présent accord permet une refonte complète de notre cadre de coopération avec l’Irak en se substituant aux textes précédents, à savoir l’accord de coopération culturelle du 24 avril 1969 et l’accord de coopération du 19 juin 1969, ainsi qu’aux avenants et échanges de lettres subséquents, auxquels s’ajoutaient des accords spécifiques, particulièrement dans le domaine de l’archéologie. Les précédents accords perdront donc leur valeur juridique dès l’entrée en vigueur du présent accord (article 25). Par conséquent, le présent accord a l’avantage de réunir en un seul texte tous les domaines de notre coopération avec la République d’Irak et d’apporter un cadre juridique de référence unique aux divers champs d’une coopération bilatérale déjà bien établie.

Le présent accord, dès son entrée en vigueur, aura une durée de cinq années et sera renouvelable par tacite reconduction pour une même durée tant que l’une des Parties n’aura pas notifié à l’autre Partie son intention de modifier ou de mettre un terme à l’accord, avec un préavis de trois mois au moins avant son expiration (article 27).

Le présent accord s’inscrit par ailleurs dans la logique de la politique européenne de coopération et d’aide au développement en Irak. Il s’articule avec l’Accord de partenariat et de coopération (APC), négocié à partir de 2006 et signé le 11 mai 2012 entre l’Union européenne et l’Irak, qui a pour objectif de fournir un cadre approprié au dialogue politique entre les parties, de promouvoir les échanges et le développement des relations économiques dans l’optique d’un développement économique durable et de fournir une base à la coopération législative, économique, sociale, financière et culturelle entre les parties. L’APC instaure, dans le domaine du dialogue politique et de coopération en matière de politique étrangère et de sécurité :

- un dialogue politique qui portera sur la paix, la politique étrangère et de sécurité, le dialogue national et la réconciliation, la démocratie, l'Etat de droit, les droits de l'Homme, la bonne gouvernance, ainsi que la stabilité et l'intégration régionales ;

- une coopération dans le domaine de la lutte contre le terrorisme ;

- une coopération en matière de lutte contre la prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs et de lutte contre le commerce illicite des armes légères et de petit calibre ;

- une coopération juridique afin de permettre l’adhésion de l’Irak au Statut de Rome sur la Cour pénale internationale (CPI ; à laquelle l’Irak n’est pas partie) ;

L’APC instaure ensuite une libéralisation des échanges et une levée des barrières douanières et tarifaires entre les parties dans le cadre des accords du GATT de 1994 et le l’OMC, ainsi qu’une coopération en matière de réglementations techniques et de mesures phytosanitaires. Il prévoit également une série de dispositions relatives aux activités commerciales et aux investissements.

Il établit par ailleurs une coopération dans les domaines de l’assistance financière et technique, du développement culturel et social, de l’éducation et de la formation, des droits de l’Homme, de la politique industrielle, de l’agriculture, des transports, des télécommunications, des sciences et technologies, ainsi qu’une coopération douanière et fiscale.

Est enfin instaurée par l’APC une coopération en matière de justice, liberté et sécurité (JLS) touchant aux domaines de l’immigration et de l’asile (gestion conjointe des flux), de la lutte contre la criminalité organisée et contre le blanchiement des capitaux et le financement du terrorisme.

L’accord de partenariat pour la coopération culturelle, scientifique et technique et pour le développement entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République d’Irak s’inscrit dans la logique de l’APC, en cours de ratification, tout en conférant une dimension bilatérale essentielle à notre politique de coopération qui se veut ambitieuse, visible, différenciée de celle de l’Union européenne dans l’affirmation de ses priorités.

III. - Historique des négociations

L’année 2008 a été marquée par une relance de la coopération franco-irakienne, tous domaines confondus. La visite du Président de la République à Bagdad en février 2009 s’inscrivait dans cette perspective. Le 2 juillet 2009, le Premier ministre, François Fillon, s’est rendu, à son tour, à Bagdad et a signé avec son homologue Nouri Al Maliki une déclaration réaffirmant leur volonté de renforcer, d’élargir et de diversifier leurs relations et d’adapter leur coopération culturelle, scientifique et technique aux nouveaux besoins dans ce domaine.

IV. -Etat des signatures et ratifications

L’accord de partenariat pour la coopération culturelle, scientifique et technique et pour le développement entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République d’Irak a été signé à Paris le 16 novembre 2009 à l’occasion de la visite d’Etat du Président Talabani en France. L’accord a été signé par Messieurs Bernard Kouchner et Hoshiar Zebari, respectivement Ministre des Affaires étrangères et européennes de la République française et Ministre des Affaires étrangères de la République d’Irak.

V. - Déclarations ou réserves

Néant.


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