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PROJET DE LOI

autorisant l’approbation de l’avenant à la convention du 21 juillet 1959 entre la République française et la République fédérale d’Allemagne en vue d’éviter les doubles impositions

et d’établir des règles d’assistance administrative et juridique réciproque en matière

d’impôts sur le revenu et sur la fortune, ainsi qu’en matière de contribution des

patentes et de contributions foncières, modifiée par les avenants des

9 juin 1969, 28 septembre 1989 et 20 décembre 2001

NOR : MAEJ1516135L/Bleue-1

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ÉTUDE D’IMPACT

I. - Situation de référence et objectifs de l’accord

La France et l’Allemagne sont liées par une convention fiscale en vue d’éviter les doubles impositions et d’établir des règles d’assistance administrative et juridique réciproques en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune, ainsi que de contributions des patentes et de contributions foncières, signée le 21 juillet 1959 et modifiée par trois avenants, signés les 9 juin 1969, 28 septembre 1989 et 20 décembre 20011.

Le présent avenant à cette convention comporte tout d’abord plusieurs modifications substantielles sur lesquelles les deux Parties s’étaient mises d’accord avant 2009.

A titre principal, il pérennise l’imposition à la résidence des travailleurs frontaliers en contrepartie d’une compensation financière réciproque se traduisant par le versement par la France à l’Allemagne d’un solde net au bénéfice d’environ 40 000 salariés actuellement (selon une estimation de l’Institut national de la statistique et des études économiques).

Il prévoit d’autres aménagements visant à moderniser la convention au regard de l’évolution des pratiques et des législations française et allemande.

Ceux-ci concernent, notamment, l’imposition des sportifs, artistes et mannequins dans l’État d’exercice de leur activité, la possibilité pour la France d’appliquer le prélèvement prévu à l’article 208 C du code général des impôts2 sur les produits distribués par des sociétés d’investissement immobilier exonérées, l’alignement de l’imposition des cessions de titres de sociétés à prépondérance immobilière sur la taxation des plus-values sur immeubles, la possibilité de taxer les plus-values latentes en cas de départ à l’étranger d’un résident, l’octroi des avantages conventionnels pour les revenus passifs des fonds de pension ou encore le recours à l’arbitrage obligatoire en cas d’échec de la procédure amiable d’élimination des doubles impositions.

La signature de l’avenant a été différée en raison d’une nouvelle difficulté apparue en 2009 du fait de la mise en place par l’Allemagne d’une imposition sur les pensions de retraite versées au titre des assurances sociales légales allemandes à des résidents de France.

En contradiction avec les principes du modèle de convention fiscale concernant le revenu et la fortune de l’organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et à la pratique générale française, la convention fiscale franco-allemande de 1959 permet une telle imposition de ces pensions par l’État de source du revenu.

A la suite d’une décision du tribunal constitutionnel allemand du 6 mars 2002, l’Allemagne a été contrainte de modifier en 2005 sa législation interne qui exonérait jusqu’alors les pensions versées à des non-résidents.

Environ 70 000 retraités résidents de France et percevant des pensions de source allemande, notamment d’anciens travailleurs frontaliers, ont été touchés par cette modification législative entraînant une imposition plus lourde et l’introduction de modalités de gestion plus complexes.

Afin de résoudre ces difficultés, les autorités françaises ont engagé des négociations avec leurs interlocuteurs allemands.

Après plusieurs années de discussions, l’Allemagne a accepté de renoncer à l’imposition à la source des pensions versées au titre des assurances sociales légales en contrepartie de la mise en place d’une compensation financière entre les deux États qui se traduit par le paiement par la France d’un solde net.

Le quatrième avenant à la convention a été signé le 31 mars 2015.

Il reprend les avancées agréées avant 2009 et permettra à la France, seule, d’imposer ses résidents recevant une pension de source allemande3.

Au regard de l’ancienneté de la convention, le nouvel avenant constitue un progrès, en cohérence avec les législations française et allemande, avec le contexte international actuel et les standards de l’OCDE.

II. - Conséquences estimées de la mise en œuvre de l’accord

Aucune conséquence sociale ou environnementale notable n’est attendue de la mise en œuvre du présent avenant. Ce dernier n’a par ailleurs aucun impact sur l’égalité entre les hommes et les femmes. En revanche, des conséquences économiques, financières, juridiques et administratives méritent d’être soulignées.

1. Conséquences économiques et financières

Afin de compenser la perte d’impôt sur le revenu subie par l’Allemagne du fait du maintien de l’imposition exclusive à la résidence des salaires des travailleurs résidents de France habitant dans la zone frontalière française et qui exercent leur activité dans la zone allemande, l’avenant prévoit le versement d’une compensation financière égale à 1,5 % du montant des rémunérations brutes perçues par ces contribuables.

Une révision quinquennale de ce taux est prévue afin que cette somme n’excède pas 44 % de l’impôt sur le revenu recouvré au titre des rémunérations perçues par les travailleurs frontaliers.

Une compensation financière sera également versée entre la France et l’Allemagne dans le cadre du nouveau dispositif d’imposition à la résidence des pensions versées au titre des assurances sociales légales afin de répondre aux recettes fiscales auxquelles chacun des deux États accepte de renoncer.

Le premier versement, de la France vers l’Allemagne, interviendra au titre de l’année d’entrée en application de l’avenant et sera calculé sur une base de 16 millions d’euros au titre de l’année 2013.

À partir de 2014, ce solde augmentera de 9,4 % par an pour atteindre 30 millions d’euros en 2020. Ensuite, son évolution fera l’objet de négociations entre les Parties par période de cinq ans en prenant en compte une liste non limitative de critères permettant de déterminer la perte fiscale pour chacun des États concernés. A défaut d’un accord, une indexation sera pratiquée en fonction de l’inflation.

2. Conséquences juridiques

Articulation avec le droit interne

L’ordonnancement juridique français n’est pas affecté par cet avenant. Celui-ci pourra être appliqué dès son entrée en vigueur et ne nécessiter pas de modifier le droit interne.

Le présent avenant renforce la sécurité juridique des personnes morales et physiques en clarifiant les règles fiscales applicables aux opérations impliquant des résidents des deux États.

A ce titre, il permet notamment de sécuriser la situation fiscale des salariés habitant la zone frontalière française et exerçant leurs activités dans la zone allemande et celle des résidents de France percevant des pensions de retraite versées de l’Allemagne au titre des assurances sociales légales allemandes.

Articulation avec le droit de l’UE

Il ressort de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne qu’en l’absence de mesures d’unification ou d’harmonisation dans le cadre de l’Union, les États membres sont libres de définir, par voie conventionnelle ou unilatérale, les critères de répartition de leur pouvoir d’imposition4.

Dès lors que les stipulations du présent avenant ont pour objet de répartir le pouvoir d’imposition entre l’Allemagne et la France, elles n’encourent donc pas d’incompatibilité avec le droit de l’UE.

Par ailleurs, l’article XIV de l’avenant remplace les actuelles dispositions de la convention relatives à l’assistance mutuelle entre les deux États pour le recouvrement des créances fiscales par de nouvelles. Celles-ci prévoient notamment la prise de mesures conservatoires par les autorités de l’État requis, l’application des délais de prescription et des règles de priorité tels que prévus par la législation de l’État requérant, ou encore la compétence des tribunaux du même État pour les contentieux relatifs aux créances. Ces évolutions sont conformes aux dispositions prévues par la directive 2010/24/UE du Conseil du 16 mars 2010 concernant l’assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances relatives aux taxes, impôts, droits et autres mesures, également applicables à l’assistance mutuelle entre les deux États membres.

Enfin, selon son article 23, cette directive « ne porte pas préjudice à l’exécution de toute obligation de fournir une assistance plus large découlant d’accords ou d’arrangements bilatéraux ou multilatéraux, y compris dans le domaine de la notification des actes judiciaires ou extrajudiciaires ».

3. Conséquences administratives

La direction générale des finances publiques (DGFiP), responsable de l’application des conventions fiscales conclues par la France, sera en charge de l’application du présent avenant.

Les modalités administratives d’application de l’avenant seront identiques à celles applicables à l’ensemble des conventions fiscales conclues par la France.

Les résidents de France pourront utiliser les imprimés 2047 (impôt sur le revenu) et 2066 (impôt sur les sociétés) pour déterminer les crédits d’impôt auxquels ils auront droit en application de cette convention.

La direction des résidents à l’étranger et des services généraux (DRESG), direction à compétence nationale de la DGFiP, sera compétente pour recevoir les déclarations des personnes résidentes d’Allemagne et pour réaliser les contrôles afférents.

III. - Historique des négociations

Dès la fin des années 1990, l’Allemagne a émis le souhait de supprimer le régime des travailleurs frontaliers qu’elle jugeait très défavorable d’un point de vue budgétaire.

A la suite de cette demande, des négociations pour la signature d’un nouvel avenant ont été engagées entre la France et l’Allemagne en 2002. Devant le refus français de supprimer ce régime, l’Allemagne a demandé à bénéficier d’une compensation financière à l’instar de nos accords conclus avec la Suisse et la Belgique.

Les négociations entre les deux Parties ont porté sur la pérennisation du régime des travailleurs frontaliers tout en permettant d’apporter de nouvelles améliorations à la convention.

À la suite de l’adoption d’une nouvelle législation en Allemagne en 2005 imposant les pensions de source allemande perçues par environ 70 000 retraités résidents de France, de nouvelles difficultés sont apparues en 2009 et leur résolution a retardé la signature de l’accord.

Afin de dégager une solution praticable sur la problématique des pensions, plusieurs années de discussions ont été nécessaires.

Le principe de la finalisation des négociations a été acté lors d’une rencontre entre les ministres des Finances français et allemand le 17 juillet 2014.

IV. - État des signatures et ratifications

L’avenant a été signé à Berlin le 31 mars 2015 par M. Michel Sapin, ministre des Finances et des comptes publics, en présence de M. Harlem Désir, secrétaire d’État aux Affaires européennes, pour la Partie française, et par M. Wolfgang Schaüble, ministre des Finances, en présence de M. Michael Roth, ministre adjoint aux Affaires étrangères, chargé des Affaires européennes, pour la Partie allemande.

Le paragraphe 1 de l’article XVIII de l’avenant prévoit que chacune des parties notifiera à l’autre l’accomplissement des procédures requises pour l’entrée en vigueur de l’avenant. Il entrera en vigueur le premier jour suivant le jour de réception de la dernière des notifications.

L’approbation de l’avenant par l’Allemagne nécessitera également une procédure parlementaire (en cours actuellement).

V. - Déclarations ou réserves

Sans objet.

1 http://legifrance.gouv.fr/jopdf/common/jo_pdf.jsp?numJO=0&dateJO=19611108&numTexte=&pageDebut=10230&pageFin=

http://legifrance.gouv.fr/jopdf/common/jo_pdf.jsp?numJO=0&dateJO=19701122&numTexte=&pageDebut=10725&pageFin=

http://legifrance.gouv.fr/jopdf/common/jo_pdf.jsp?numJO=0&dateJO=19901107&numTexte=&pageDebut=13546&pageFin=

http://legifrance.gouv.fr/jopdf/common/jo_pdf.jsp?numJO=0&dateJO=20030920&numTexte=11&pageDebut=16131&pageFin=16132

2 http://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do?cidTexte=LEGITEXT000006069577

3 Cette clause étant bilatérale, la France a également renoncé à imposer les pensions versées dans le cadre des assurances sociales légales à des résidents d’Allemagne.

4 Voir notamment l’arrêt CJCE, Gilly, C-336/96 du 12/05/1998, point 30.


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