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PROJET DE LOI

autorisant l’approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française

et le Gouvernement de la République de Singapour en vue d’éviter les doubles impositions

et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales en matière d’impôts sur le revenu

NOR : MAEJ1516161L/Bleue-1

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ÉTUDE D’IMPACT

I. Situation de référence et objectifs de la Convention

La Convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Singapour en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales en matière d’impôts sur le revenu a été signée à Singapour le 15 janvier 2015. Lorsqu’elle entrera en vigueur, elle se substituera à la convention fiscale franco-singapourienne du 9 septembre 19741.

Cette nouvelle Convention a pour objectif d’actualiser la convention de 1974, d’introduire un dispositif anti-abus dans la ligne des travaux de lutte contre l’optimisation fiscale en cours au niveau international, d’adapter les stipulations relatives à la répartition des droits d’imposer (l’augmentation de la durée minimale requise pour considérer qu’une activité de construction est constitutive d’un établissement stable ou encore l’imposition des intérêts versés par une entreprise dans le seul État du bénéficiaire) et de supprimer le mécanisme des crédits d’impôts fictifs.

Elle devrait permettre de renforcer et développer les échanges économiques entre les deux pays et inciter les entreprises françaises et singapouriennes à investir davantage.

Sa rédaction a été rapprochée de celle du modèle de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), afin de faciliter et sécuriser son interprétation.

Elle comprend un dispositif d’échange de renseignements conforme au standard international le plus avancé.

Situation actuelle à Singapour

Alors que la République de Singapour célèbre en 2015 le cinquantième anniversaire de sa fondation, le pays a été marqué par le décès, le 23 mars 2015, de M. Lee Kuan Yew, Premier ministre de 1965 à 1990 et père du Premier ministre actuel. M. Lee Kuan Yew est considéré comme l’artisan de la réussite économique de la Cité-État, reposant sur une très forte ouverture sur l’extérieur : système financier moderne (3ème marché mondial de changes, actifs du secteur bancaire équivalents à 575 % du PIB) ; dynamique commerciale étroitement liée à la fonction prééminente du port (2ème mondial) ; cadre règlementaire conforme aux normes internationales.

Le parti fondé par Lee Kuan Yew en 1954, le People’s Action Party (PAP), est au pouvoir depuis 1959 mais il a réalisé aux dernières élections législatives de mai 2011 son résultat le plus bas depuis l’indépendance (60 % des suffrages). Ces résultats électoraux se traduisent par une ouverture politique modérée et par l’adoption de mesures correspondant aux préoccupations de la population (concernant notamment le logement, les transports et le coût de la vie).

II. Conséquences estimées de la mise en œuvre de la Convention

Aucune conséquence sociale ou environnementale notable n’est attendue de la mise en œuvre de la présente Convention. Cette dernière n’a, par ailleurs, aucun impact sur l’égalité entre les hommes et les femmes. En revanche, des conséquences économiques, financières, juridiques et administratives méritent d’être soulignées.

- Conséquences économiques et financières

La Convention permettra de renforcer les échanges commerciaux et les investissements entre la France et Singapour.

Nos échanges commerciaux avec Singapour ont atteint 7,8 Mds EUR en 2014, en progression de 45 % par rapport à 2004. Nos importations, composées principalement de produits pharmaceutiques, de produits informatiques, électroniques et optiques et de produits pétroliers raffinés et coke, ont atteint 2,8 Mds EUR (+ 3,8 % par rapport à 2004). Parallèlement, nos exportations, centrées sur les produits des industries agro-alimentaires, les produits informatiques, électroniques et optiques, les produits chimiques, parfums et cosmétiques ainsi que les matériels de transport, se sont élevées à 5 Mds EUR (+ 86 % par rapport à 2004).

Singapour se classe au 4ème rang des excédents commerciaux de la France dans le monde (2,2 Mds EUR), après le Royaume-Uni, Hong Kong et les Émirats arabes unis.

Source : Douanes françaises

Le stock français d’IDE (investissements directs à l’étranger) à Singapour s’est établi à 7,5 Mds EUR en 2013 (contre 2,9 Mds EUR en 2004), la France étant le 6ème investisseur européen et le 18ème investisseur étranger dans la Cité-État. Avec plus de 600 filiales de grandes entreprises, entreprises de taille intermédiaire et petites et moyennes entreprises, et environ 200 entrepreneurs, les implantations françaises à Singapour emploient près de 40 000 salariés. Les groupes français sont très bien positionnés grâce à des contrats souvent emblématiques pour la Cité-État, dans le domaine de la construction (Dragages - Bouygues Construction), des transports urbains (Alstom), du stockage d’énergie (Geostock) ou encore dans l’aéronautique (Thalès, Safran). Le tissu des filiales de PME et ETI françaises y est très développé et, s’il présente une large couverture de l’ensemble des secteurs, on note une forte prédilection pour i) l’électronique et les technologies de l’information et de la communication ; ii) les services aux entreprises ; et iii) l’industrie mécanique, la sidérurgie, la défense.

Les entrepreneurs français installés à Singapour sont très dynamiques dans le secteur des services aux entreprises, les petits cabinets, spécialisés en marketing, stratégie ou ressources humaines, se multipliant pour répondre aux besoins des entreprises françaises implantant une filiale. Le secteur de l’habitat, des loisirs, de la culture et celui de l’agroalimentaire sont aussi appréciés de ces entrepreneurs.

Le stock d’investissements singapouriens en France est de taille modeste mais en croissance à 766 M EUR en 2013 contre 50,1 M EUR en 2004. Ce stock d’investissements représente une quarantaine d’implantations et 1 600 emplois (créés ou préservés), principalement dans les secteurs de l’immobilier, de l’hôtellerie, des NTIC et de l’industrie (Capitaland Limited avec notamment sa filiale The Ascott propriétaire de plus de 30 appart’hôtels Citadines, Millenium Hotels Group). Les fonds souverains singapouriens (GIC et Temasek), 8ème et 11ème plus importants fonds souverains au monde en terme d’actifs sous gestion, sont naturellement parmi les principaux investisseurs singapouriens en France, de manière directe ou indirecte.

Source : Banque de France

La Convention permettra, d’une part, d’encourager l’implantation de firmes singapouriennes en France, celles-ci cherchant de plus en plus à s’internationaliser, et, d’autre part, de favoriser le développement des entreprises françaises à Singapour, porte d’entrée pour accéder aux dix marchés de l’Association des nations de l’Asie du sud-est (ASEAN). Cette région, l’une des plus dynamiques au monde, regroupe près de 650 millions de consommateurs et devrait afficher un produit intérieur brut (PIB) cumulé supérieur à 2 500 Mds USD en 2015, soit l’équivalent du PIB de la France2 ; ses perspectives à plus long terme sont porteuses, tirées par le développement de la classe moyenne et l’ampleur des besoins d’investissement.

- Conséquences juridiques

La présente Convention renforce la sécurité juridique des personnes morales et physiques en clarifiant les règles fiscales applicables aux opérations impliquant des résidents des deux États.

En outre, la répartition des droits d’imposition des revenus entre les deux États contractants est adaptée en vue de permettre le développement des échanges tout en sécurisant les recettes fiscales. Ainsi, la durée minimale requise pour considérer qu’une activité de construction est constitutive d’un établissement stable dans l’État où elle se déroule sera portée de 6 mois dans la convention actuelle à 12. Les intérêts versés par une entreprise à une autre seront désormais imposés dans le seul État du bénéficiaire. Enfin le taux maximal de la retenue à la source pour certains dividendes en fonction du niveau de détention est abaissé de 10 % à 5 %.

La Convention prévoit un dispositif renforcé contre les risques de fraude et d’évasion fiscales par l’introduction de mécanismes anti-abus.

Une possibilité nouvelle de coopération permettant que les renseignements reçus par un État contractant de la part de l’autre État puissent être utilisés à d’autres fins que fiscales lorsque cette utilisation est prévue dans les lois des deux États et que le second l’autorise est désormais ouverte.

De manière plus générale, la rédaction de la nouvelle Convention a été rapprochée de celle du modèle OCDE, ce qui facilite et sécurise son interprétation.

Il est également mis un terme au mécanisme des crédits d’impôts fictifs, lequel permet à un contribuable résident, au titre de certains revenus exonérés à Singapour, de pouvoir imputer sur son imposition en France un montant proportionnel à ces revenus fixé par la Convention.

Articulation avec le cadre juridique existant

La présente Convention a vocation à se substituer à la Convention fiscale franco-singapourienne actuellement en vigueur signée le 9 septembre 1974.

Cette dernière convention avait été modifiée par l’avenant du 13 novembre 2009 visant à mettre les modalités d’échange de renseignements en conformité avec les derniers standards internationaux3.

Dès lors, la mise en œuvre pratique des stipulations de la nouvelle Convention ne modifiera pas significativement la coopération administrative fiscale entre la France et Singapour. Toutefois, comme indiqué supra, de nouvelles dispositions ont été introduites permettant que les renseignements reçus par les États contractants puissent être utilisés à d’autres fins que fiscales lorsque cette possibilité résulte des lois des deux États et que l’autorité compétente de l’État qui fournit les renseignements l’autorise.

Le traitement et la protection des données à caractère personnel et des autres informations fournies par les parties seront, pour la France, assurés conformément à4 :

- la loi n° 78-17 modifiée du 6 janvier 1978 dite « Informatique et Libertés » ;

- la directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, en particulier l’article 26 ;

- la Convention du Conseil de l’Europe pour la protection des personnes à l’égard du traitement automatisé des données à caractère personnel, adoptée à Strasbourg le 28 janvier 1981.

Le Forum mondial sur la transparence et l’échange d’informations à des fins fiscales a évalué, lors de son assemblée plénière à Jakarta les 21 et 22 novembre 2013, la législation et les pratiques de Singapour.

A cette occasion, Singapour a été noté comme « en grande partie conforme » aux standards internationaux. Cette évaluation le place au même niveau que des pays comme l’Allemagne ou le Royaume-Uni.

Enfin, le Forum mondial a considéré que les autorités de Singapour étaient en mesure d’accéder aux informations détenues par les banques et les transmettre aux partenaires avec lesquels elles sont liées par une convention répondant au dernier standard de l’OCDE, ce qui est le cas avec la France.

• Articulation avec le droit européen et international

Les stipulations de la convention franco-singapourienne ayant pour objet de répartir entre les deux Etats le pouvoir d’imposition n’apparaissent pas susceptibles en soi de compromettre le respect de la libre circulation des capitaux prévue à l’article 63 du TFUE et étendue aux relations avec les pays tiers. La jurisprudence de la Cour de justice de l’UE considère, en outre, qu’en l’absence de mesures d’unification ou d’harmonisation dans le cadre de l’Union, les Etats membres sont libres de définir, par voie conventionnelle ou unilatérale, les critères de répartition de leur pouvoir d’imposition5.

L’UE et Singapour sont liés par un accord de coopération depuis 19806 axé sur la coopération commerciale, économique et la coopération au développement mais qui ne comporte pas de stipulations applicables aux impôts visées par la présente convention franco-singapourienne.

Un nouvel accord de partenariat et de coopération entre l’Union européenne et ses Etats membres, d’une part, et la République de Singapour, d’autre part, a été paraphé le 14 octobre 2013. Il comporte un accord de libre-échange, paraphé le 20 septembre 2013. Suite à une saisine de la Commission, il reste encore à la CJUE à déterminer les conditions de sa signature et de sa ratification. Il prévoit des stipulations en faveur de la libre prestation des services, de la liberté d’établissement et d’investissement entre les parties, impliquant dans une certaine mesure l’obligation pour ces dernières d’assurer l’égalité de traitement des flux entre l’UE et Singapour avec ceux internes comparables.

Toutefois, l’article 17.6 de l’accord de libre-échange relatif à la fiscalité prévoit que les conventions fiscales entre Singapour et les Etats membres, conclues ou à conclure, prévalent sur ses propres stipulations (paragraphe 2). Il comporte par ailleurs un ensemble d’autres garanties visant notamment à préserver le principe de résidence (paragraphe 3) et les mesures de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales (paragraphe 4).

Sur le fond, les stipulations de la convention franco-singapourienne ayant pour objet de répartir entre les deux Etats le pouvoir d’imposition n’apparaissent pas susceptibles en elles-mêmes de compromettre une telle égalité de traitement.

- Conséquences administratives

La direction générale des finances publiques (DGFiP), responsable de l’application des conventions fiscales conclues par la France, sera en charge de l’application de la Convention.

Les modalités administratives d’application seront identiques à celles pratiquées pour l’ensemble des conventions fiscales conclues par la France.

Ainsi, les résidents de France pourront utiliser les imprimés 2047 (impôt sur le revenu) et 2066 (impôt sur les sociétés) pour déterminer les crédits d’impôt auxquels ils auront droit en application de cette Convention.

La direction des résidents à l’étranger et des services généraux (DRESG), direction à compétence nationale de la DGFiP, sera compétente pour recevoir les déclarations des personnes résidentes de Singapour.

Le contrôle des déclarations sera effectué par le service de la DGFiP territorialement compétent (DRESG pour les résidents de la République de Singapour).

Enfin, une évaluation de l’effectivité de l’échange de renseignements sera présentée chaque année lors de la préparation du projet de loi de finances (rédaction de l’annexe « Rapport annuel du Gouvernement portant sur le réseau conventionnel de la France en matière d’échange de renseignements »7).

III. Historique des négociations

La France et Singapour sont liés par une convention fiscale signée le 9 septembre 1974. Un avenant, visant à mettre les modalités d’échange de renseignements en conformité avec les standards internationaux, a été signé le 13 novembre 2009 et est actuellement en vigueur.

Une modernisation en profondeur est apparue nécessaire compte tenu de l’indaptation de la convention à l’intensité et à la nature des échanges économiques actuels, de stipulations coûteuses pour le Trésor français et de l’absence de mécanisme en matière d’anti-abus. Les négociations ont conduit au paraphe d’une première version le 25 novembre 2011.

La notation positive de Singapour par le Forum mondial a constitué un élément de contexte favorable pour l’engagement de la phase finale de l’élaboration du projet de convention. Les derniers travaux d’actualisation conduits entre les deux parties ont abouti à un accord sur un texte complet le 7 janvier 2015.

IV. État des signatures et ratifications

La Convention a été signée à Singapour le 15 janvier 2015 par Michel Sapin, ministre des Finances et des comptes publics de la République française et Tharman Shanmugaratnam, Vice-premier ministre et ministre des Finances de la République de Singapour . Singapour n’a pas encore accompli les procédures internes requises pour l’entrée en vigueur de la présente Convention. Conformément à son article 29, celle-ci entrera en vigueur le premier jour du deuxième mois suivant le jour de réception de la dernière des notifications.

V. Déclarations ou réserves

Sans objet.

1 http://www.legifrance.gouv.fr/jopdf/common/jo_pdf.jsp?numJO=0&dateJO=19751003&numTexte=&pageDebut=10236&pageFin=

2 PIB (prix courant), d’après les prévisions du FMI d’avril 2015

3 Lest textes de la convention et son avenant figurent en annexe de la présente note.

4 http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:31995L0046&from=FR

http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000886460

http://conventions.coe.int/Treaty/fr/Treaties/Html/108.htm

5 Voir en ce sens l’arrêt CJUE Gilly, C-336/96 du 12/05/1998, point 30.

6 Accord de coopération entre la Communauté économique européenne et les pays membres de l’Association des nations du sud-est asiatique, signé le 7 mars 1980.

7 Rapport 2014 :

http://www.performance-publique.budget.gouv.fr/sites/performance_publique/files/farandole/ressources/2014/pap/pdf/jaunes/jaune2014_renseignements.pdf


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