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PROJET DE LOI

autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord concernant

les centres d’excellence mis en œuvre dans le cadre de la stratégie de

rationalisation du secteur des systèmes de missiles

NOR : MAEJ1605384L/Bleue-1

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ÉTUDE D’IMPACT

I. - Situation de référence et objectifs de l’accord

Le traité de coopération en matière de défense et de sécurité entre la République française et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord signé à Londres le 2 novembre 2010, dit « traité de Lancaster House »1 comporte des objectifs de long terme. Un de ces objectifs est la mise en place d'une approche commune entre les États signataires, destinée à fournir des équipements militaires performants de la manière la plus efficace possible tout en minimisant les contraintes nationales et en renforçant la compétitivité de leur industrie, ainsi que le développement de leur base industrielle et technologique de défense autour de technologies clés sur le territoire des deux États signataires, créant ainsi une interdépendance entre elles.

Le présent accord s'appuie ainsi sur les liens étroits existant entre les communautés de défense et les forces armées de la France et du Royaume-Uni dans le domaine des systèmes de missiles, autour des productions du groupe MBDA. Ce dernier, créé en 2001, est le principal fournisseur de missiles tactiques en Europe et le deuxième acteur mondial dans le domaine. MBDA réalise 100 % de ses activités dans le domaine de la défense. Le groupe est détenu à 37,5 % par le groupe Airbus, à 37,5 % par le groupe britannique BAE Systems et à 25 % par le groupe italien Finmeccanica. Il est composé de filiales basées principalement en France, au Royaume-Uni, en Italie et en Allemagne. Sa filiale française, MBDA-France, est la plus importante du groupe en termes de résultats financiers et d’effectifs. Elle réalise aujourd’hui la quasi-totalité des missiles en service ou en développement pour les forces françaises et possède au sein du groupe MBDA le portefeuille de produits le plus complet, avec un poids dominant à l’exportation. Le chiffre d’affaires du groupe MBDA en 2014 était de 2,4 milliards d’euros (1,2 milliard pour la filiale française) et ses prises de commandes en 2014 ont été de 4,1 milliards d’euros (1,9 milliard pour la filiale française), dont environ la moitié à l’exportation. Son carnet de commandes fin 2014 était de 12,6 milliards d’euros. Les importantes prises de commandes enregistrées en 2015, notamment autour de la vente d’avions de combat Rafale en Égypte et au Qatar, permettent d’anticiper des résultats financiers de MBDA et MBDA-France à la hausse dans les années à venir. Les effectifs du groupe MBDA sont de 9 700 personnes (dont 4 500 en France) et vont augmenter d’ici fin 2016 en France et au Royaume-Uni pour accompagner la hausse des prises de commandes à l’export par les filiales de MBDA basées dans ces deux pays.

Dans ce cadre, la France et le Royaume-Uni ont déjà réalisé ensemble le programme de missiles de croisière Scalp EG/Storm Shadow et développent actuellement de manière conjointe un nouveau missile antinavire léger, au titre d’un contrat notifié en 2014. Ils sont également partenaires du programme de missile de combat aérien européen Meteor et les besoins capacitaires des deux États permettent d’envisager d’autres coopérations structurantes dans le domaine des systèmes de missiles dans les années à venir.

L’accord s’appuie également sur les stipulations prévues à l’article 3 du traité de Lancaster House, permettant de conclure d'autres accords et arrangements de coopération s'inscrivant dans son champ d'application.

Dans ce cadre, les objectifs de l’accord sont de :

- définir les obligations réciproques des États signataires relatives à la mise en œuvre par le groupe MBDA de Centres d'excellence, en particulier au regard des conséquences d’une dépendance mutuelle croissante et des besoins en matière de sécurité d’approvisionnement ;

- fournir un cadre au titre duquel les États signataires vont travailler ensemble pour permettre à MBDA de mettre efficacement en œuvre les Centres d'excellence sur le territoire de la France et du Royaume-Uni.

Les Centres d’excellence sont des centres techniques conjoints situés au sein des filiales française et britannique de MBDA (MBDA-France et MBDA-UK) dont le but est de consolider l’expertise commune de ces deux sociétés dans des domaines technologiques déterminés.

II. - Conséquences estimées de la mise en œuvre de l’accord

- Conséquences économiques et sociales

L’accord n’a pas de conséquences économiques directes pour les États signataires. Il vise cependant à rationaliser la base industrielle et technologique de défense franco-britannique au sein du groupe MBDA par la mise en œuvre de Centres d’excellence, dans le but d'apporter plus d'efficacité au fonctionnement de cette filière industrielle. Cela offrira des avantages mutuels à long terme aux États signataires, y compris sur le plan économique, ainsi qu'une pérennité industrielle, dans les deux États signataires, du secteur des systèmes de missiles.

L’accord va en effet induire une interdépendance progressive et contrôlée entre les États signataires pour ce qui concerne les technologies de systèmes de missiles, impliquant l’arrêt de certaines capacités industrielles nationales liées à ces technologies, de manière équilibrée entre la France et le Royaume-Uni. Ce sera le cas dans les secteurs des calculateurs de missiles et des équipements de test, qui vont être progressivement spécialisés sur le territoire français pour les besoins des deux parties, ainsi que dans les secteurs des liaisons de données embarquées sur les missiles et des actionneurs de gouvernes, qui vont être spécialisés sur le territoire britannique pour les besoins des deux parties. L’arrêt de certaines capacités industrielles sur le territoire d’une partie sera ainsi compensé par le développement d’autres capacités sur ce même territoire, d’une manière équilibrée entre la France et le Royaume-Uni. Par ailleurs, les gains de productivité et de compétitivité obtenus par ce biais par le groupe MBDA renforceront ses positions sur les marchés d’exportation et devraient donc conduire à une augmentation de l’activité globale de l’entreprise, et par la même à des conséquences sociales positives.

- Conséquences financières

L’accord ne crée aucune obligation financière pour les États signataires (article 4 de l’accord).

- Conséquences juridiques

o Articulation du texte avec les accords ou conventions internationales existantes

L’accord s’inscrit dans le champ d’application du traité de coopération en matière de défense et de sécurité entre la République française et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord signé à Londres le 2 novembre 2010 (Traité de Lancaster House). Il prend en compte l’accord-cadre du 27 juillet 2000 conclu entre la République Fédérale d’Allemagne, le Royaume d’Espagne, la République française, la République italienne, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord et le Royaume de Suède, relatif aux mesures visant à faciliter les restructurations et le fonctionnement de l’industrie européenne de défense2.

o Articulation du texte avec les dispositions européennes

L’accord s’inscrit dans le champ d’application du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et du droit dérivé correspondant, en particulier la directive 2009/43/CE du Parlement Européen et du Conseil du 6 mai 20094 (ci-après « directive TIC ») simplifiant les conditions des transferts de produits liés à la défense dans la Communauté.

L’accord reprend ainsi la terminologie définie par la directive TIC en matière de transferts, mouvements au sein du marché intérieur, et d’exportations, mouvements hors de l’Union européenne.

Il définit également la notion de licence globale de façon à couvrir la notion de « licence globale de transfert » au sens de l’article 6 de la directive TIC pour les mouvements au sein de l’Union européenne. Conformément à cet article, l’accord autorise ainsi les parties à demander à MBDA d’établir une liste des destinataires finaux potentiels qui pourront figurer dans la licence globale accordée.

Enfin, les parties définissent les modalités d’application des redevances en cas de transfert vers un Etat membre ou d’exportation d’armes issus de développements par les Centres d’excellence, à partir d’informations des Centres d’excellence et du financement de l’une ou l’autre partie (10.9).

o Articulation avec le cadre juridique national

Aux termes de l’article 10.1 de l’accord, les parties s’engagent à ne pas faire obstacle à ce que MBDA-France et MBDA-UK, comme le permettent les dispositions du code de la propriété intellectuelle5 (article L. 511-9 et L. 513-2 s’agissant de la protection des dessins et modèles, et L. 611-1 et L. 613-3 s’agissant des brevets d’inventions), se cèdent mutuellement ou se transfèrent des droits de propriété intellectuelle engendrés par l’activité des Centres d'excellence, définis par l’accord comme des centres techniques situés au sein de MBDA-France et de MBDA-UK et chargés de consolider l'expertise de ces sociétés afin de garantir des améliorations en termes d'efficacité au bénéfice des deux parties. A ce titre, le paragraphe 1 de l’article 10 institue une stipulation pour autrui, laquelle touche à une matière législative (article 1121 du Code civil). L’accord stipule toutefois que les parties peuvent empêcher de tels échanges si de « sérieuses restrictions de sécurité nationale s’appliquent », ce qui déroge au droit commun (article 10.1).

L’accord autorise les parties à partager les droits de divulgation et d’utilisation d’informations préexistantes dont elles sont propriétaires (10.6). L’accord stipule également que les parties s’accordent mutuellement des droits d’utilisation (10.2) et de réutilisation (10.5) équivalents des informations préexistantes et générées par la mise en œuvre de l’accord, lorsque ces informations sont la propriété de MBDA et sont fournies par un Centre d’excellence, sous réserve de l’accord de MBDA dans le cas de la réutilisation dans l’intérêt de futurs programmes (article 10.5).

L’accord stipule que chaque partie bénéficie de licences d’utilisation exemptes de redevance, irrévocables, et non exclusives, portant sur toute invention, brevet ou demande de brevet, comprenant des informations générées par la mise en œuvre de l’accord et dont MBDA France et/ou MDBA UK sont titulaires. L’accord prévoit (article 10.8) que ce sont les parties elles-mêmes qui s’assurent que la société MBDA octroie à chacune d’entre elles les licences d’utilisation mentionnées ci-dessus. Par cette stipulation, l’accord met en œuvre une promesse de porte-fort relevant également du domaine de la loi puisque régie par l’article 1120 du code civil

- Conséquences administratives

o L’article 10.8 du présent accord fait référence à l’accord-cadre entre la République française, la République fédérale d'Allemagne, le Royaume d'Espagne, la République italienne, le Royaume de Suède et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord relatif aux mesures visant à faciliter les restructurations et le fonctionnement de l'industrie européenne de défense, fait à Farnborough le 27 juillet 20006. Ce dernier dispose en son article 43 que les « Parties envisagent de conclure des arrangement protégeant et harmonisant les dispositions et procédures en vigueur sur leur territoire respectif relativement aux inventions utilisant des informations techniques générées sur le territoire de Parties, qui sont classifiées et pour lesquelles une protection par brevet ou autre protection similaire est requise». L’arrangement d’application de l’article 43 de l’accord-cadre du 27 juillet 200, entré en vigueur le 1er janvier 20087, établit des procédures communes de transmission des documents associés au dépôt de demandes de brevets classifiés ainsi que l’instruction de ces demandes. L’article 10.8 de l’accord stipule ainsi que « Les brevets classifiés et les demandes de brevet correspondantes doivent être traités conformément à l'accord-cadre et à ses arrangements d’application correspondants. »

o L’accord comporte par ailleurs des stipulations relatives aux autorisations de transfert et d’exportation accordées par les autorités compétentes de chaque partie (la Commission interministérielle pour l'étude des exportations de matériels de guerre –CIEEMG- pour ce qui concerne la délivrance de licences en France, l'Export Control Organisation au Royaume-Uni), dans le cadre de la réglementation nationale de chaque partie. Les parties s’engagent ainsi à examiner rapidement les demandes de licence globale déposées par MBDA en vue d’accorder ces licences sur une base équivalente et réciproque.

III. - Historique des négociations

Le sommet franco-britannique de Brize-Norton le 31 janvier 2014 a appelé à un approfondissement de la coopération bilatérale dans le domaine des systèmes de missiles, par la mise en œuvre dans un premier temps de Centres d’excellence au sein de l’industriel MBDA. La feuille de route franco-britannique en matière de défense et de sécurité, émise le même jour par le « Groupe de haut niveau » (organisme officiel commun du plus haut niveau dirigé par les conseillers à la sécurité nationale de chaque gouvernement, et comprenant des représentants de la Présidence de la République française et des services du Premier ministre du Royaume-Uni), a précisé que cette mise en œuvre devait être encadrée par un accord intergouvernemental devant entrer en vigueur en 2015/2016.

Les négociations permettant d’aboutir à la signature de cet accord intergouvernemental ont été menées depuis février 2014. Des discussions d’ordre technique portant sur les principes envisageables, entre experts des ministères de la défense (DGA et homologue britannique), se sont déroulées de février à juillet 2014. De septembre 2014 à mars 2015, les services juridiques des ministères de la Défense de chaque partie ont traduit ces principes envisagés en droit lors de la rédaction de l’accord. Cet accord a fait ensuite l’objet d’une consultation interministérielle d’avril à septembre 2015.

IV. - État des signatures et ratifications

L’accord a été signé par le ministre de la défense Jean-Yves Le Drian et par le Secretary of State for Defence Michael Fallon, le jeudi 24 septembre 2015 à Paris. Il est complété par une lettre d’engagement8 signée le mercredi 23 septembre 2015 par le président-directeur général de MBDA reprenant les engagements attendus par les États signataires de la part de MBDA pour la mise en œuvre de l’accord et mentionnés comme tels dans celui-ci.

Le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord a fait savoir par note verbale du 23 février 2016 qu’il avait achevé sa procédure interne de ratification.

V. - Déclarations ou réserves

Sans objet.

1 http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/IMG/pdf/291846_BST_Co-operation_French_Text_Formatted__Final___6_.pdf