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PROJET DE LOI

autorisant l'adhésion de la France au deuxième protocole relatif à la convention de

La Haye de 1954 pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé

NOR : MAEJ1629875L/Bleue-1

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ETUDE D’IMPACT

I. - Situation de référence et objectifs du protocole

1. La convention de La Haye de 1954 pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé

Les conflits armés sont souvent la cause de destructions du patrimoine culturel ou d’autres types d’atteintes aux biens culturels, à l’origine de pertes irrémédiables tant pour les pays concerné que pour le patrimoine de l’Humanité.

Considérant cette situation, la communauté internationale a voulu adopter, au lendemain de la seconde guerre mondiale, pendant laquelle le patrimoine des belligérants avait été particulièrement touché (destructions par bombardements d’établissements culturels, spoliations organisées d’œuvres), des dispositions destinées à protéger le patrimoine en cas de guerre. C’est dans ce contexte qu’a été conclue la convention pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé à La Haye, le 14 mai 19541 (ci-après « convention de La Haye »). Il s’agit du premier traité international à vocation universelle consacré exclusivement à la préservation du patrimoine culturel dans les situations de guerre, qui est entré en vigueur au plan international le 7 août 1956, conformément à son article 33. La convention, qui s’applique au patrimoine culturel immobilier et mobilier conformément à la définition de son champ d’application prévu dans son article 1er, est dotée d’un protocole datant aussi de 19542, visant plus particulièrement la protection des biens culturels en période d'occupation, notamment les aspects portant sur l’exportation de biens culturels d'un territoire occupé par une des parties contractantes lors d'un conflit armé et sur la restitution des biens exportés illégalement dans ce contexte.

La convention, qui compte actuellement 127 Etats parties et 4 États signataires3, se compose de 40 articles regroupés en 7 chapitres. Le règlement d’exécution comporte 21 articles et 4 chapitres.

La convention prévoit principalement :

- la sauvegarde du patrimoine culturel situé sur le territoire de l’État signataire par l’adoption de mesures préventives appropriées en vue de le protéger, non seulement en temps de guerre mais aussi en temps de paix ;

- le respect du patrimoine culturel en cas de conflit armé, notamment par l’État signataire en s’interdisant l’utilisation des biens culturels situés sur son propre territoire mais aussi celui des autres États parties, l’utilisation de leurs dispositifs de protection et celle de leurs abords immédiats à des fins qui pourraient exposer ces biens à une destruction ou à une détérioration en cas de conflit armé, et en s’abstenant de tout acte d’hostilité à leur égard, à moins que la nécessité militaire l’exige de manière impérative ;

- la création d’unités dédiées à la protection des biens culturels au sein des armées. Le personnel affecté à la protection des biens culturels doit être respecté et continuer à exercer ses fonctions même s’il est capturé (article 15 du chapitre IV) ;

- la possibilité de marquage des monuments à protéger avec un emblème distinctif (qui est celui retenu aussi par le Bouclier bleu)4.

Pour atteindre ces objectifs, la convention de La Haye dispose de deux régimes de protection des biens culturels : l'un dit général et l’autre appelé « protection spéciale ». Selon le dispositif général, la convention prévoit, en temps de guerre, que les États doivent empêcher tout pillage ou vandalisme et s’engagent à respecter les biens culturels de tous les territoires (chapitre Ier, article 4). Selon le dispositif de « protection spéciale » (chapitre II), une immunité peut être accordée à certains biens culturels : elle se traduit par une possibilité d’inscription d’un nombre restreint de refuges destinés à abriter des biens culturels mobiliers en cas de conflit armé, de centres monumentaux et d'autres biens culturels immeubles de très haute importance sur le Registre international des biens culturels sous protection spéciale. Il y a deux conditions à cette inscription : ces refuges doivent se trouver à une distance suffisante de grands centres industriels ou de tout objectif militaire important constituant un point sensible et ils ne doivent pas être utilisés à des fins militaires. La protection accordée aux biens culturels sous protection spéciale ne peut être levée qu’en cas de nécessité militaire inéluctable et seulement aussi longtemps que la nécessité militaire subsiste.

En France, cette convention, avec son règlement d’exécution et son premier protocole, est entrée en vigueur le 7 septembre 1957 après l’adoption de la loi n° 57-112 du 4 février 1957 ayant autorisé sa ratification5, qui a permis le dépôt de l’instrument de ratification le 7 juin 1957. Sa publication au Journal officiel en a été assurée par le décret no 60-1131 du 18 octobre 19606.

La destruction de biens culturels au cours des conflits qui ont eu lieu à la fin des années 80 et au début des années 90, a fait apparaître la nécessité d’apporter certaines améliorations dans la mise en œuvre de la convention de La Haye. Dans cet objectif, un processus de réexamen de la convention a commencé dès 1991, qui a conduit à l'adoption en 1999 d’un deuxième protocole à la convention.

2. Le deuxième protocole de 1999

Un nouveau protocole, venant compléter celui de 1954, a été conçu pour améliorer la protection des biens culturels en cas de conflit armé. Avec ce protocole, la convention n'est plus uniquement applicable aux conflits armés internationaux mais aussi aux conflits armés non internationaux, qui se sont multipliés à la fin du XXème siècle.

Ce protocole vise à clarifier les stipulations de la convention de La Haye relatives à la fois aux mesures de sauvegarde et au respect du patrimoine culturel. En effet, pour ce qui concerne les mesures de sauvegarde du patrimoine culturel, le deuxième protocole est plus explicite que la convention de La Haye puisqu’il prévoit une liste de mesures qui portent sur la constitution d'inventaires, la programmation de mesures d’urgence contre les risques d’incendie ou d’écroulement des bâtiments, la préparation de la mise à l’abri des biens culturels meubles et d’une protection in situ adéquate desdits biens ainsi que la désignation d’autorités compétentes responsables de la sauvegarde des biens culturels.

Il crée, d’autre part, une nouvelle catégorie de protection, la « protection renforcée ». Si un bien culturel est placé à la fois sous la protection spéciale créée par la Convention et la protection renforcée du protocole, seules les dispositions relatives à la protection renforcée s’appliquent. Cette « protection renforcée » est destinée aux biens culturels qui revêtent la plus haute importance pour l’humanité et qui ne sont pas utilisés à des fins militaires. Il définit les violations graves commises à l’encontre de ces biens culturels et précise les conditions de poursuite de leurs auteurs par les Etats parties. Enfin, il crée un comité intergouvernemental de douze membres pour veiller à la mise en œuvre de la convention et du deuxième protocole.

Ce protocole a été signé le 26 mars 1999. Près de 70 États en sont aujourd’hui parties7. Parmi les pays les plus directement concernés, actuellement, par la protection des biens culturels en période de conflit armé, la Libye et le Mali ont adhéré au protocole, respectivement en 2001 et 2012.

Bien qu’ayant directement participé à sa négociation, notre pays n’a pu signer le protocole lors de son adoption, considérant à l’époque que ses stipulations allaient plus loin que celles figurant dans la convention de La Haye et surtout dans le protocole additionnel I aux conventions de Genève. Pour des raisons politiques, opérationnelles et juridiques, la France a aujourd’hui décidé d’y adhérer. Sur le plan politique, la France est en effet activement impliquée dans la protection des biens culturels en cas de conflit armé, et les stipulations du protocole sont désormais appliquées par la France lorsque celle-ci est engagée dans des opérations militaires, sur des théâtres extérieurs.

L'adhésion de la France à ce protocole va d’ailleurs dans le sens de la volonté du législateur, récemment exprimée dans la loi n° 2016-925 du 7 juillet 20168 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine, publiée le 8 juillet 2016, notamment son article 56, visant à renforcer les moyens pour lutter contre le trafic illicite de biens culturels aussi bien en temps de paix qu'en cas de conflit armé. En particulier, le nouvel article L.111-11 du code du patrimoine9, d'entrée en vigueur immédiate, a pour objet la mise en place sur le territoire français de refuges pour l'accueil et la mise à l'abri de biens culturels se trouvant dans une situation d'urgence et de grave danger en raison d'un conflit armé sur le territoire d'un autre État, qui complète le dispositif de la convention de La Haye sur la mise en place par chaque État de refuges concernant ses propres biens culturels.

Conséquences estimées de la mise en œuvre du protocole.

Aucune conséquence économique, financière, sociale ou environnementale notable n’est attendue de la mise en œuvre du présent protocole. Il n’aura par ailleurs aucun impact sur l’égalité entre les hommes et les femmes ni sur les jeunes. En revanche, il produira des conséquences juridiques et administratives.

1. Conséquences juridiques

§ Articulation avec les accords ou conventions internationaux existants

En vertu du droit international humanitaire applicable en période de conflit armé international ou non international, dont les conventions de Genève de 194910 et leurs protocoles additionnels de 1977 auxquels la France est partie11, les biens culturels, dans la mesure où ils sont des biens à caractère civil, ne peuvent faire l’objet d’attaques, sauf dans les cas où ces biens constituent un objectif militaire.

A cet égard, le statut de Rome instituant la Cour pénale internationale12, auquel la France est partie, qualifie « le fait de diriger intentionnellement des attaques contre des bâtiments consacrés à la religion, à l’enseignement, à l’art, à la science ou à l’action caritative, des monuments historiques, des hôpitaux et des lieux où des malades ou des blessés sont rassemblés, à condition qu’ils ne soient pas des objectifs militaires », de crime de guerre, tant en cas de conflit armé international (article 8.2.b) ix du statut de Rome) qu’en cas de conflit armé non international (article 8.2.e) iv du statut de Rome).

Les stipulations des conventions de Genève de 1949 et de leurs protocoles additionnels de 1977 ont été complétées par l’adoption d’instruments internationaux visant à protéger certaines catégories de biens en cas de conflit armé. La convention de La Haye établit ainsi une protection spéciale pour le patrimoine culturel des peuples, le premier protocole de 1954 vise à empêcher l’exportation des biens culturels d’un territoire occupé, partiellement ou totalement, par un Etat partie à la convention.

La convention de La Haye de 1954 et ses deux protocoles (1954 et 1999) s’articulent également avec la convention de 1972 concernant la protection du patrimoine mondial culturel et naturel. Le développement de synergies entre ces Conventions est discuté depuis quelques années au sein du Comité pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé et au sein du Comité du patrimoine mondial.

La convention du patrimoine mondial de 1972 définit les biens culturels ou naturels qui sont susceptibles d’être inscrits sur la Liste du patrimoine mondial. Elle fixe les devoirs des États parties dans l’identification de sites potentiels, ainsi que leur rôle dans la protection et la préservation des sites. En signant la Convention, chaque pays s’engage non seulement à assurer la bonne conservation des sites du patrimoine mondial qui se trouvent sur son territoire, mais aussi à protéger son patrimoine national. Pour figurer sur la Liste du patrimoine mondial, les biens doivent avoir une valeur universelle exceptionnelle13. L'objectif de la Convention du patrimoine mondial de 1972 est donc la conservation du patrimoine par des mesures de protection, de conservation, de gestion et de valorisation.

Un bien peut également faire l’objet d’une inscription sur la liste du patrimoine mondial en péril. L’article 11§4 de cette convention considère les conflits armés comme une cause possible d’inclusion d'un bien sur la liste du patrimoine mondial en péril. L’inscription d’un bien sur cette liste permet au Comité d’accorder immédiatement au bien menacé une assistance dans le cadre du Fonds du patrimoine mondial. Elle alerte également la communauté internationale dans l’espoir que celle-ci se mobilise pour sauver les sites concernés. Elle permet aux spécialistes de la conservation de répondre efficacement à des besoins spécifiques. En fait, la simple perspective d’inscription d’un site sur cette liste est souvent efficace et peut déclencher l’adoption rapide de mesures de conservation.

Afin de développer les synergies entre les conventions, le Comité pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé incite régulièrement les États parties au deuxième protocole de 1999 à demander l’octroi de la protection renforcée pour leurs biens culturels qui sont déjà inscrits sur la Liste du patrimoine mondial.

À l’heure actuelle, seulement 9 biens repartis dans 5 États sont sous protection renforcée au titre du second protocole de 199914. Ces biens sont également inscrits sur la Liste du patrimoine mondial. En outre, seulement 2 États (Belgique et Mali) ont déposé une liste indicative des biens culturels pour lesquels ils comptent demander l’octroi de la protection renforcée au titre de l’article 11§1 du second protocole.

En 2016, deux demandes d’octroi de la protection renforcée ont été présentées par la Géorgie et le Mali. Elles concernent deux sites culturels déjà inscrits sur la Liste du patrimoine mondial :

Les Monuments historiques de Mtskheta (Géorgie) ;

Le Tombeau des Askia (Mali).

Le Comité examinera ces demandes lors de sa onzième réunion prévue les 8 et 9 décembre 2016 au siège de l’UNESCO.

Il est également demandé depuis quelques années que le format pour la proposition d’inscription de biens sur la Liste du patrimoine mondial soit modifié afin d’ajouter la possibilité pour un État partie au deuxième protocole de pouvoir demander en même temps l'inscription des biens culturels concernés sur la Liste du patrimoine mondial et sur la liste des biens culturels sous protection renforcée. Ce point n’a toujours pas été adopté par le Comité du patrimoine mondial.

Un lien, certes longtemps apparu moins fort, existe également avec la Convention concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher l'importation, l'exportation et le transfert de propriété illicites des biens culturels, signée à Paris le 14 novembre 1970.

Cette convention de l'UNESCO, qui est le premier instrument international destiné à lutter contre le trafic de biens culturels en temps de paix, complète naturellement les dispositions de la convention de La Haye qui ont le même objectif dans le cadre de conflits armés mais à la différence que celle de 1970 ne s'applique qu'aux biens culturels mobiliers. La synergie entre les deux instruments est cependant assez évidente, étant donné que le développement du trafic illicite est très souvent constaté à l'occasion de situations de troubles internes ou internationaux.

De ce fait, dans les dernières réunions des différents organes exécutifs de la convention de 1970, la Réunion des États parties et le Comité subsidiaire à cette Réunion, la nécessité du renforcement des liens avec la convention de La Haye a été prise en compte en raison notamment de la situation actuelle du Moyen Orient.

La 3ème Réunion des États parties à la convention de 1970 (18-20 mai 2015) a appuyé l'objectif de promotion des synergies avec les autres conventions culturelles de l’UNESCO dans sa résolution 3.MSP 5A151. Une décision avait en outre déjà été adoptée à cet égard, dans une optique globale, visant à garantir que les conventions culturelles se renforcent mutuellement, en décembre 2014, par la 9ème réunion du Comité pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé, qui est lié à l'application du second protocole à la convention de La Haye de 1954 : dans la décision 9.COM 716, le Comité a invité la directrice générale de l'UNESCO à tenir, au moins une fois par an, des réunions de consultation avec les président(e)s des organes statutaires établis par les conventions culturelles, dans cet objectif de développement de synergies entre ces conventions. Cette réunion s'est tenue en 2016 le 26 septembre au siège de l'UNESCO.

En ce qui concerne plus spécifiquement les liens entre les conventions de 1954 et de 1970, conformément à la décision 3.SC/4.317, adoptée par la 3ème session du Comité subsidiaire de la Réunion des États Parties à la convention de 1970 (28-30 septembre 2015), une réunion conjointe des deux Bureaux (Bureau du Comité pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé et Bureau du Comité subsidiaire de la Réunion des États parties à la convention de 1970), s’est tenue pour la première fois le 7 décembre 2015 au siège de l’UNESCO.

Cette réunion a permis d'échanger des informations sur la destruction du patrimoine culturel et le trafic illicite de biens culturels pendant les conflits armés ainsi que d'envisager l'organisation, non seulement de campagnes de sensibilisation mais aussi de formation des militaires, des services de police et des douanes en temps de conflit armé pour la protection du patrimoine culturel et contre le trafic illicite de biens culturels, spécifiquement en Irak et en Syrie.

La synergie entre les deux conventions est très certainement appelée à encore davantage s'intensifier à l'avenir au moyen de diverses initiatives communes.

L’articulation du protocole avec les conventions d’extradition auxquelless la France est liée ne semble pas poser de difficulté. L’article 18.1 du protocole stipule que certaines infractions prévues par celui-ci « (…) sont réputées incluses comme infractions pouvant donner lieu à extradition dans tout traité d’extradition conclu entre Parties avant l’entrée en vigueur du présent Protocole ». Il dispose en outre que « Les Parties s’engagent à inclure de telles infractions dans tout traité d’extradition qui pourrait ultérieurement être conclu entre elles ». On relèvera à cet égard que le droit français n’établit pas de liste détaillée des infractions pour lesquelles l’extradition peut être demandée ou accordée. Les accords d’extradition conclus de façon bilatérale avec certains pays ne font donc pas l’inventaire des infractions pour lesquelles une telle remise peut être envisagée. Dans ces accords, seules les infractions politiques ou exclusivement militaires sont mentionnées, de façon générique, pour indiquer qu’elles ne peuvent donner lieu à extradition, et ce en application de l’article 696-4, 2° et 8° du code de procédure pénale.

Le droit français fixe néanmoins des seuils de peines encourues pour les infractions pouvant donner lieu à extradition. Ainsi l’article 696-3 du code de procédure pénale pose-t-il comme condition à toute extradition, soit que les faits la justifiant soient punis, par l’État requérant, d’une peine criminelle ou d’une peine correctionnelle supérieure ou égale à 2 ans, soit que ces faits aient donné lieu à une condamnation à une peine supérieure ou égale à deux mois d’emprisonnement. Ce même article précise, en outre, que le gouvernement français n’accordera aucune extradition pour des faits qui ne sont pas punis par la loi française d’une peine criminelle ou correctionnelle.

Sous réserve des observations faites sur la non-conformité de notre droit interne à l’alinéa b) du premier paragraphe de l’article 15 du protocole, la mise en œuvre l’article 18 ne posera pas de difficultés en droit interne.

S’agissant des demandes d’extradition formulées par la France :

Les infractions prévues par les alinéas a) et c) du premier paragraphe de l’article 15 du protocole sont punies de peines criminelles en droit français. Elles satisfont donc aux exigences de l’article 696-3 du code de procédure pénale. Elles peuvent d’ores et déjà faire l’objet de demandes d’extradition par la France.

En revanche, tant que l’infraction de l’alinéa b) du paragraphe premier de l’article 15 du protocole ne sera pas incriminée en droit français, elle ne pourra évidemment pas être poursuivie en France et la question des demandes d’extradition de ce chef demeurera sans objet.

S’agissant des demandes d’extradition reçues par la France :

Parmi les infractions visées au premier paragraphe de l’article 18, le gouvernement français ne peut accorder d’extradition que pour les infractions prévues par les alinéas a) et c) du premier paragraphe de l’article 15 du protocole, seules incriminées par le droit français.

Le gouvernement ne peut toutefois le faire qu’à la condition que l’État requérant ait prévu des seuils de peine conformes à ceux prescrits par l’article 696-3 du code de procédure pénale. Or, dans l’hypothèse de l’article 18, l’État requérant est nécessairement un État partie au protocole. Il est à ce titre soumis à l’article 15.  Il a donc à ce titre pour obligation d’incriminer les infractions visées. Le critère de double-incrimination sera donc plus aisément rempli.

S’agissant de l’infraction prévue par l’article b) du premier paragraphe de l’article 15, tant qu’elle ne sera pas incriminée en droit français, le gouvernement français ne pourra pas accorder d’extradition de ce chef.

Par conséquent, l’adhésion au protocole de 1999 ne modifiera pas le droit interne. Les infractions visées n’auront pas à être « réputées incluses » dans les accords d’extradition existants, ni à être incluses expressément dans les accords d’extradition conclus après l’adhésion au protocole.

§ Articulation avec le droit de l’Union européenne

La culture n’est ni une compétence exclusive de l’Union européenne (cf. énumération des compétences dans l’article 3 TFUE18), ni une compétence partagée avec les Etats membres (cf. énumération des compétences partagées dans l’article 4 TFUE).

Aux termes de l’article 6 TFUE, « l’Union dispose d’une compétence pour mener des actions pour appuyer, coordonner ou compléter l’action des Etats membres. Les domaines d’action sont, dans leur finalité européenne, […] c) la culture ».

Aux termes de l’article 2, paragraphe 5, TFUE, « les actes juridiquement contraignants de l’Union adoptés sur la base des dispositions des traités relatives à ces domaines ne peuvent comporter d’harmonisation des dispositions législatives et règlementaires des Etats membres ».

Enfin, aux termes de l’article 167, paragraphe 2, TFUE, l’Union peut encourager et compléter l’action des Etats membres dans le domaine de « la conservation et la sauvegarde du patrimoine culturel d’importance ».

En l’occurrence, le protocole intervenant dans une matière relevant de la compétence des Etats membres et ne pouvant faire l’objet d’actes de droit dérivé entraînant des mesures d’harmonisation de dispositions législatives ou règlementaires, son articulation avec le droit de l’UE est sans objet.

§ Articulation avec le droit interne

Ce protocole prévoit que des efforts accrus seront déployés pour lutter contre l'impunité en engageant des poursuites pénales contre toute personne qui, intentionnellement et en violation de la convention de La Haye ou du présent protocole, accomplirait un acte grave. Le deuxième protocole définit spécifiquement cinq violations graves, pour lesquelles il établit une responsabilité pénale individuelle, les Etats parties devant adopter les mesures nécessaires pour incriminer ces infractions et les réprimer par des peines appropriées.

Ainsi, aux termes de l’article 15 du protocole, « commet une infraction au sens du présent protocole toute personne qui, intentionnellement et en violation de la convention ou du présent protocole, accomplit l’un des actes ci-après :

a. faire d’un bien culturel sous protection renforcée l’objet d’une attaque ;

b. utiliser un bien culturel sous protection renforcée ou ses abords immédiats à l’appui d’une action militaire ;

c. détruire ou s’approprier sur une grande échelle des biens culturels protégés par la convention et le présent protocole ;

d. faire d’un bien culturel couvert par la convention et le présent protocole l’objet d’une attaque ;

e. le vol, le pillage ou le détournement de biens culturels protégés par la Convention, et les actes de vandalisme dirigés contre des biens culturels protégés par la Convention. »

Par ailleurs, l’article 21 du protocole stipule que « Sans préjudice de l’article 28 de la Convention, chaque Partie adopte les mesures législatives, administratives ou disciplinaires qui pourraient être nécessaires pour faire cesser les actes suivants dès lors qu’ils sont accomplis intentionnellement :

a. toute utilisation de biens culturels en violation de la Convention ou du présent Protocole ;

b. toute exportation, autre déplacement ou transfert de propriété illicites de biens culturels depuis un territoire occupé, en violation de la Convention  ou du présent Protocole ».

Les comportements ainsi définis sont pour la plupart incriminés en droit interne (A). Conformément au protocole, le droit pénal français prévoit également que les nécessités militaires peuvent apparaître comme un fait justificatif d’atteintes portées à un bien culturel (B). En revanche, il sera nécessaire d’introduire un nouveau chef de compétence quasi-universelle du juge français pour juger les auteurs des crimes définis par les alinéas a) à c) du paragraphe 1er de l’article 15 du protocole (C).

A. Des violations pour la plupart incriminées en droit interne au titre des crimes et délits de guerre

Le statut de Rome instituant la Cour pénale internationale, signé et ratifié par la France, incrimine le fait « de diriger intentionnellement des attaques contre des biens de caractère civil, c'est-à-dire des biens qui ne sont pas des objectifs militaires » ou le fait « de lancer des attaques délibérées contre des bâtiments consacrés à la religion, à l'enseignement, à l'art, à la science ou à l'action caritative, des monuments historiques, des hôpitaux et des lieux où des malades et des blessés sont rassemblés, pour autant que ces bâtiments ne soient pas des objectifs militaires ».

Ces attaques, tant contre des biens culturels « sous protection renforcée » que contre des biens culturels qui ne sont pas sous cette protection, sont incriminées en France, par l'article 461-13 du code pénal19, aux termes duquel : « Le fait de lancer des attaques délibérées contre des bâtiments consacrés à la religion, à l'enseignement, à l'art, à la science ou à l'action caritative, des monuments historiques, des hôpitaux et des lieux où des malades ou des blessés sont rassemblés, pour autant que ces bâtiments ne soient pas alors utilisés à des fins militaires, est puni de vingt ans de réclusion criminelle. »

Par ailleurs, les vols, destructions et appropriations sur une grande échelle des biens culturels protégés sont également considérés comme des crimes de guerre par le statut de Rome. La France incrimine ainsi déjà les vols, extorsions, destructions, dégradations et détériorations de biens, à moins qu'ils ne soient justifiés par des nécessités militaires, ainsi que la tentative de ces infractions, à l'article 461-16 du code pénal20, qui dispose : « A moins qu'elles ne soient justifiées par des nécessités militaires, constituent également des crimes ou des délits de guerre et sont passibles des aggravations de peines prévues à l'article 462-1 les infractions suivantes commises à l'encontre d'une personne protégée par le droit international des conflits armés : i) Les vols, les extorsions ainsi que les destructions, dégradations et détériorations de biens définis par le livre III du présent code ; ii) Le recel du produit de l'une des infractions prévues au i) du présent article. »

Si en l’état actuel de la législation française il n’existe pas d’incrimination spécifique pour des faits délictueux portant sur les biens culturels en cas de conflit armé, les situations identifiées aux alinéas a), c) et e) de l’article 15 du protocole relèvent des incriminations générales déjà existantes dans le code pénal relatives au vol (article 311-4-2 du code pénal) et à la destruction, dégradation et détérioration (article 322-3-1 du code pénal) de certains biens culturels. Et parce qu'il s'agit de biens culturels, les auteurs de ces délits encourent des sanctions aggravées, 7 ans d'emprisonnement et 100.000 euros d'amende dans les deux cas. Une fois que le comité pour la protection de biens culturels en cas de conflit armé institué par le protocole aura placé des biens culturels sur le territoire français sous protection renforcée à la demande de la France, il conviendra de vérifier que ces derniers rentrent effectivement dans l'une des catégories de biens culturels prévues dans les articles précités.

En revanche, en droit pénal français, il n'existe aucune infraction permettant de sanctionner le fait d’« utiliser un bien culturel sous protection renforcée ou ses abords immédiats à l'appui d'une action militaire » (alinéa b) de l'article 15 du protocole), lorsque cette utilisation n'est pas suivie d’un vol, d’une dégradation ou d’une destruction desdits biens et que ceux-ci ne sont pas l'objet même d'une attaque militaire. Le respect des engagements internationaux pris par la France en adhérant à ce protocole impliquera, par conséquent, l'adoption d'une incrimination spécifique pour cette hypothèse.

Aucune adaptation du droit pénal français n’apparaît par ailleurs nécessaire pour mettre en oeuvre stipulations de l’article 21 du protocole. En effet, le code du patrimoine, d’une part, dans ses articles L.114-1, III et L.111-9, réprime les délits d’importation, exportation, transit, vente, acquisition, échange de bien culturel présentant un intérêt archéologique, artistique, historique ou scientifique ayant quitté illicitement le territoire d’un Etat désigné par une résolution de l’ONU. Le code pénal, d’autre part, réprime, également ce type de faits. Au terme des articles 461-16 et 461-16, les atteintes aux biens de droit commun (vols, extorsions, recels par exemple) sont aggravées et revêtent la qualification de crimes et délits de guerre lorsqu’elles sont commises au préjudice d’une personne protégée par le droit international des conflits armés. Par ailleurs, les articles 322-3-2 (créé par la loi n°2016-731 du 3 juin 2016) et 322-3, 1° (pour la circonstance de réunion) répriment l’importation, l’exportation, le transit, le transport, la détention, la vente, l’acquisition, l’échange illégal d’un bien culturel soustrait d’un territoire constituant un théâtre d’opérations de groupements terroristes. Par conséquent, au terme de l’article 21 du protocole, l’arsenal juridique français existant apparaît suffisant

B. Les nécessités militaires reconnues en droit français comme fait justificatif d’atteintes portées à un bien culturel

L’article 15 du protocole prohibe l’attaque, l’utilisation à des fins militaires, la destruction, la dégradation et le vol de biens culturels, « en violation de la convention ou du présent protocole ». Or ces deux instruments incriminent l’attaque, la destruction etc. de biens culturels sauf quand une nécessité militaire l’exige de manière impérative (cf. article 4, paragraphe 2, de la convention et article 6 du protocole). En conséquence, en cas de destruction ou de détérioration couverte par une nécessité militaire, il n’y a pas de violation de la convention ou du protocole et, partant, pas d’infraction susceptible d’être réprimée. C’est pourquoi l’article 15 ne réitère pas l’exception de la nécessité militaire ; celle-ci est implicite dans l’expression « en violation de la convention ou du protocole ». Afin d’éviter toute ambiguïté sur ce point, le Gouvernement envisage toutefois de formuler une déclaration interprétative qui se lirait comme suit : « Le Gouvernement de la République française comprend que tout bien culturel qui devient un objectif militaire au sens du Protocole peut être attaqué selon une dispense pour nécessité militaire impérative en vertu de l’article 4.2 de la Convention ».

En droit français, les articles 461-13 (prohibant « le fait de lancer des attaques ») et 461-16 du code pénal (incriminant « les vols, les extorsions ainsi que les destructions, dégradations et détériorations de biens (…) »), mentionnent expressément que, pour que les poursuites judiciaires prospèrent, les biens ne doivent pas être « utilisés à des fins militaires » ou les atteintes « justifiées par des nécessités militaires ».

Ainsi, en droit interne, les nécessités militaires peuvent donc apparaître comme un fait justificatif d’atteintes portées à un bien culturel. L’article 461-16 précité du code pénal reprend en cela la formulation du statut de Rome dont l’article 8, consacré à la définition des crimes de guerre, vise expressément « la destruction et l’appropriation de biens, non justifiées par des nécessités militaires et exécutées sur une grande échelle de façon illicite et arbitraire ».

Cette exception liée aux nécessités militaires n’a d’ailleurs pas fait l’objet de débats lors des discussions au Sénat et l’Assemblée nationale portant sur l’article 461-16 issu de l’article 7 de la loi n° 2010-930 du 9 août 2010. Celles-ci n’ont en effet jamais porté sur ce point, mais sur le rejet d’amendements visant à qualifier de crimes ou délits de guerre les vols, extorsions, destructions, dégradations et détériorations de biens protégés même s’ils ne sont pas la propriété de personnes protégées.

Le livre quatrième bis du code pénal relatif aux crimes et délits de guerre, issu de la transposition du statut de Rome, apporte donc un tempérament au principe de prohibition d’atteintes à un bien culturel conformément à la convention de La Haye et au protocole.

A cet égard, aux termes de l’article 13 du protocole, la perte de protection renforcée d’un bien culturel n’est susceptible d’intervenir que dans des conditions restrictives en particulier lorsque, par son utilisation, le bien est devenu un objectif militaire. Même dans ce cas, encore faut-il que l'attaque contre le bien culturel constitue le seul moyen pratiquement possible de mettre fin à cette utilisation et que toutes les précautions soient prises pour réduire au minimum les dommages causés. Un avertissement doit en outre être donné en temps utile et par des moyens efficaces, lorsque les circonstances le permettent. De telles conditions sont plus précises que celles visées aux articles 461-13 et 461-16 précités du code pénal.

Cet encadrement du fait justificatif que constituent les nécessités militaires est valable tant en situation de conflit armé international que de conflit armé non international (cf. articles 3 et 22, paragraphe 1er du protocole qui renvoient à l’article 18 de la convention).

A cet égard, les articles 461-13 et 461-16, qui consacrent une immunité pénale en cas d’atteintes répondant à des fins militaires, relèvent des crimes et délits de guerre communs aux conflits armés internationaux et aux conflits armés non internationaux (livre IV bis, chapitre Ier, section II du code pénal).

C. L’introduction d’un nouveau chef de compétence quasi-universelle du juge français pour juger les auteurs des crimes définis par les alinéas a) à c) du paragraphe 1er de l’article 15 du protocole.

Le protocole prévoit une règle de compétence quasi universelle dont les modalités sont plus larges que le droit existant.

En effet, lors de l’adaptation de la législation pénale française à la convention portant statut de la Cour pénale internationale, et bien que celle-ci n’impose aucune compétence quasi-universelle, le Parlement a prévu à l’article 689-11 du code de procédure pénale21 les dispositions suivantes : « Peut être poursuivie et jugée par les juridictions françaises toute personne qui réside habituellement sur le territoire de la République et qui s'est rendue coupable à l'étranger de l'un des crimes relevant de la compétence de la Cour pénale internationale en application de la convention portant statut de la Cour pénale internationale signée à Rome le 18 juillet 1998, si les faits sont punis par la législation de l'Etat où ils ont été commis ou si cet Etat ou l'Etat dont elle a la nationalité est partie à la convention précitée. La poursuite de ces crimes ne peut être exercée qu'à la requête du ministère public si aucune juridiction internationale ou nationale ne demande la remise ou l'extradition de la personne. A cette fin, le ministère public s'assure auprès de la Cour pénale internationale qu'elle décline expressément sa compétence et vérifie qu'aucune autre juridiction internationale compétente pour juger la personne n'a demandé sa remise et qu'aucun autre Etat n'a demandé son extradition ». L’un des critères d’application de cette compétence quasi-universelle tient ainsi à la résidence habituelle sur le territoire national de la personne de nationalité étrangère ayant commis notamment des crimes et délits de guerre.

Or, l’article 16 c) du présent protocole impose aux Etats parties de se déclarer compétents « s’agissant des infractions visées aux alinéas a) à c) du paragraphe premier de l’article 15, lorsque l’auteur présumé est présent sur le territoire de cet Etat » (souligné par nos soins). En ce qu’elle constitue un critère d’application plus large que la résidence habituelle, la simple présence sur le territoire national donne ainsi au juge national une compétence plus large que celle prévue par l’article 689-11 CPP, pour des infractions similaires.

Le gouvernement envisage de faire une déclaration précisant que la poursuite des crimes définis par les alinéas a) à c) du paragraphe 1er de l’article 15 du protocole ne peut être exercée qu’à la requête du ministère public et que l’auteur doit avoir sa résidence habituelle en France.

La mise en œuvre de l’article 16 du protocole impliquera de modifier la législation française pour introduire la compétence du juge français pour juger les auteurs des crimes susvisés.

2. Conséquences administratives

La France dispose d’un fondement législatif et réglementaire de sauvegarde des biens culturels permettant de mettre en œuvre, à droit constant, les dispositions de l’article 5 du présent protocole.Mesures préventives de protection des biens culturels mises en place par la France :

- Le plan ORSEC (articles L. 741-1 à L. 741-5 du Code de la sécurité intérieure22)

Le plan d' «Organisation de la Réponse de Sécurité Civile» (ORSEC) est destiné à traiter les conséquences de tout type d’événement nécessitant une réponse urgente pour secourir les personnes et protéger les biens et l’environnement, et ce quelle qu’en soit l'origine (catastrophe naturelle ou technologique, attaque terroriste, crise sanitaire, etc.).

La mise en place du plan ORSEC permet l’organisation des secours sous une direction unique adaptée à la nature et l'ampleur de l’événement (premiers secours et sauvetage, soins médicaux et entraide, police et renseignements, liaisons et transmissions, transports et travaux …). L’article 8 du décret n° 2005-1157 du 13 septembre 200523 a permis d’intégrer la protection du patrimoine culturel dans le dispositif opérationnel ORSEC.

- Le plan Pirate NRBC24

Le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) assure une mission de coordination interministérielle, au niveau gouvernemental, sur la prévention et la réponse aux menaces de terrorisme NRBC-E (nucléaire, radiologique, biologique, chimique et explosif). Dans ce cadre, un plan unique portant sur l’ensemble de ces menaces a été élaboré et édité en 2010 et est toujours en vigueur.

- Le plan Vigipirate25

Le plan Vigipirate, refondu en 2014, comprend 300 mesures différentes qui visent à protéger les citoyens et le territoire contre la menace terroriste, maintenir une culture de vigilance pour prévenir tout attentat et permettre une réaction rapide et coordonnée en cas de menace caractérisée. Au sein du ministère de la culture et de la communication, le haut-fonctionnaire de défense et de sécurité, nommé par la ministre, anime et coordonne notamment dans le cadre de ce plan, la politique en matière de défense, de vigilance, de prévention de crise et de situation d’urgence. Il contrôle la préparation des mesures d’application en pouvant s’appuyer, en situation de crise, sur des ressources internes du ministère de la culture et de la communication26.

- Le plan ETA.RE27 ou plan “Établissement Répertorié”

En application du dispositif ORSEC, ce plan a pour objectif de permettre la mise en place de moyens et méthodes d’interventions destinés à faire face aux sinistres de toute nature (incendie, crue…). Un « établissement répertorié » est un établissement jugé sensible par les services d’incendie et de secours, selon la dangerosité du site, la capacité d’accueil du public, ou encore la prise en compte de l’évacuation. Ces plans sont élaborés par les services départementaux d’incendie et de secours (S.D.I.S.) en collaboration avec les services de prévision du département.

o Les plans de sauvegarde

- Les biens culturels immobiliers doivent être identifiés et inventoriés : l’inventaire est indispensable pour la sauvegarde de la mémoire d’un édifice ainsi que pour la restauration ou la reconstruction d’un monument suite à un sinistre, une destruction partielle ou totale.

Le ministère de la culture et de la communication conçoit et alimente les bases de données nationales sur les biens culturels, enrichies régulièrement avec l’aide des collectivités territoriales (services d’archives, bibliothèques, musées de France, services régionaux de l’inventaire du patrimoine culturel, services patrimoniaux des conseils généraux …), des établissements publics et services de l'État (archives nationales, BNF, musées nationaux, INRAP, centre des monuments nationaux, CAPA, médiathèque de l'architecture et du patrimoine ...). Ces bases de données s'appuient sur les inventaires des fonds d'archives, les catalogues des bibliothèques, les inventaires des collections des musées de France, les dossiers de protection des monuments historiques.

- En matière de préservation des biens culturels en cas de conflit armé, il est nécessaire d’élaborer ou de mettre à jour des plans de sauvegarde des œuvres, tant pour les archives que pour le patrimoine mobilier et immobilier.

Au sein du ministère de la culture et de la communication, un travail de mise à jour ou d’adaptation des plans de sauvegarde des biens culturels immeubles et mobiliers va être nécessaire afin de pouvoir les mettre en œuvre en cas de conflits armés et d’attaques terroristes.

En effet, dans certains cas, les plans élaborés après la fin de la seconde guerre mondiale étaient plus adaptés à des conflits dits « classiques » qu’à des actes terroristes tels qu’on les connaît actuellement. C’est le cas notamment des plans conçus pour les musées nationaux, en particulier sous l’impulsion de Rose Valland, grande figure de la Résistance, qui a participé à la récupération des œuvres spoliées par les nazis après la Seconde Guerre mondiale et a été chargée de ces questions en réintégrant l’administration culturelle française à partir de 1953. Les responsables des services des affaires culturelles de l’époque avaient confié à la direction des musées de France la mission de mettre à jour les plans de sauvegarde d’avant-guerre et de les adapter à un contexte de guerre froide. Ainsi un plan national pour l’évacuation des œuvres des musées de France, avec un classement des œuvres en 4 catégories marquées par un disque de couleur différente en fonction de l’urgence de leur évacuation éventuelle et l’identification de lieux de mise à l’abri possibles, a été élaboré et décliné en six circulaires, échelonnées de 1952 à 1976, à la suite d’un premier texte d’instruction datant du 6 mars 1952. Ce plan ambitieux, basé sur une « doctrine d’ensemble » a été abandonné en 1980 car alors considéré obsolète sans qu’après ce constat soit fait le choix de l’actualiser ou de le remplacer par une version plus moderne et en phase avec l’évolution des enjeux dans ce domaine.

- Pour les établissements autres que les musées nationaux, il existe des plans de sauvegarde des œuvres en cas de crues ou d’incendie qui pourraient être adaptés aux hypothèses de conflits armés et d’attaque terroriste notamment :

* Des plans d’évacuation des œuvres en cas de conflits armés existent, au niveau national et local, dans les archives et les monuments historiques, même s’ils datent de l’après-guerre à une époque où le souvenir des deux dernières guerres mondiales était encore dans les mémoires des décideurs publics.

* Des plans de sauvegarde des œuvres sont élaborés dans les archives, les bibliothèques, les musées, les sites archéologiques et les monuments historiques, dans l’hypothèse de risques accidentels tels qu’une crue ou un incendie. Du fait des relations continues avec les services de pompiers qu’ils nécessitent, ils sont plus récents.

* Des actions de sensibilisation, de formation et d’information à la prévention des risques, à la protection des biens culturels, à l’élaboration et à la mise en œuvre d’un plan de sauvegarde des œuvres sont régulièrement menées dans les différents établissements. Des guides spécifiques sont régulièrement publiés par les services patrimoniaux concernés (musées, archives et monuments historiques).

- La prise en compte des risques accidentels, tels que l’incendie ou la crue, a engendré l’élaboration d’un plan de sauvegarde des œuvres actualisé. Ce plan est devenu en 2015 une priorité ministérielle. Son objectif consiste à faciliter le travail des secours (notamment des pompiers) en termes de protection ou d’évacuation d’œuvres en cas de sinistre. Dans le cadre de ce plan, une ou plusieurs listes d’œuvres (en fonction du type de sinistre) doit être dressée, en établissant un ordre de priorité.

- Une instruction sur l'élaboration et le contenu du plan de sauvegarde a été diffusée le 10 juin 2016 par le directeur général des patrimoines à l'ensemble des préfets de région (à destination des DRAC) ainsi que des chefs d’établissements publics de l’État et des directeurs de services à compétence nationale, notamment pour leur enjoindre d’initier leur préparation s’ils n’existent pas encore.

Ces plans de sauvegarde des œuvres, élaborés en étroite collaboration entre les institutions culturelles et les services départementaux d’incendie et de secours (S.D.I.S.) des départements concernés (ou la brigade de sapeurs-pompiers de Paris pour Paris et la petite couronne) obligent notamment :

* à établir une liste d’œuvres prioritaires selon différentes catégories, à l’appréciation des responsables (à protéger sur place, à enlever, à laisser...).

* à procéder à un signalement de ces œuvres en fonction de leur catégorie, les œuvres non prioritaires ne disposant pas de signe distinctif. Ce signalement peut utilement être apposé sur un plan du site, plutôt qu'au plus près des œuvres.

* à élaborer un plan à confier aux pompiers intervenant, et notamment une liste où sont identifiées les œuvres d’art majeures en cas d’occurrence de sinistre.

* à planifier des mesures de prévention et d’urgence pour assurer la protection des biens mobiliers.

* à préparer l’évacuation des collections ou la fourniture d’une protection in situ adéquate desdits biens.

* à désigner des personnes responsables de la protection des biens culturels.

À ce jour, un tiers des musées ont entamé leur travail sur leur plan de sauvegarde des œuvres28 et environ un quart des cathédrales propriétés de l’État en sont dotées, ou voient ce dernier en cours de rédaction. Les modalités d’application de ce plan (type de signalement, solutions envisagées…) peuvent varier d’un S.D.I.S. ou d’un établissement à un autre.

Le travail nécessaire de catégorisation des œuvres importantes et de leur identification en situation d’urgence est déjà largement entamé dans bon nombre d’établissements. Ce travail pourrait servir de base pour adapter ces plans aux hypothèses de conflit armé, de soulèvement ou d’attentat.

o S’agissant de l’octroi de la protection renforcée, en application de l’article 11 du présent protocole, les biens culturels immobiliers proposés à la « protection renforcée » doivent selon l’article 10 revêtir « la plus haute importance pour l'humanité » et être « protégé (s) par des mesures internes, juridiques et administratives, adéquates, qui reconnaissent sa valeur culturelle et historique exceptionnelle et qui garantissent le plus haut niveau de protection ».

Une réflexion est actuellement en cours au sein de la direction générale des patrimoines afin d’établir une liste de biens pour lesquels la protection renforcée pourrait être demandée. Il pourrait être envisagé, notamment, d’y intégrer les biens français inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), soit 42 biens à l’heure actuelle (38 biens culturels, 3 biens naturels et 1 mixte).

III – Historique des négociations

Plusieurs conflits intervenus dans les années 1990 – en particulier en ex-Yougoslavie, où des biens culturels ne représentant pas un objectif militaire furent néanmoins la cible d’attaques délibérées, comme le bombardement de la vieille ville de Dubrovnik en Croatie et la destruction du pont de Mostar en Bosnie-Herzégovine – ont révélé des lacunes dans la protection apportée par la convention de La Haye et son premier protocole.

Entre 1993 et 1999, l’UNESCO a engagé une réflexion sur le renforcement de la protection des biens culturels en période de conflit armé. Ce processus a conduit à l’ouverture le 15 mars 1999, d’une conférence diplomatique qui a adopté le 26 mars 1999 le texte final du deuxième protocole relatif à la convention de La Haye sur la protection des biens culturels en cas de conflit armé.

Le deuxième protocole complète et renforce le système de protection prévu par la convention, notamment en clarifiant les concepts de « sauvegarde » et de « respect », en prévoyant de nouvelles précautions et en instaurant un système de protection renforcée pour les biens les plus importants pour l’humanité.

IV – Etat des signatures et ratifications

Le protocole est entré en vigueur le 9 mars 2004, trois mois après que vingt instruments de ratification ont été déposés.

Au 17 octobre 2016, le présent protocole compte 69 États parties29 dont 20 Etats membres de l’Union européenne (à l’exception du Danemark, de l’Irlande, de la Lettonie, de Malte, du Portugal, du Royaume-Uni et de la Suède).

V - Déclarations ou réserves

Afin de lever toute difficulté d’interprétation éventuelle du protocole, la France envisage de formuler des déclarations ainsi rédigées :

« Le Gouvernement de la République française comprend la référence faite, à l’article 13, paragraphe 2, alinéa c) du Protocole, à la « légitime défense immédiate », comme n’affectant en rien le droit de légitime défense tel que prévu par l’article 51 de la Charte des Nations Unies, et déclare qu’il appliquera les stipulations de l’article 13, paragraphe 2, alinéa c) du Protocole dans la mesure où l’interprétation de celles-ci ne fait pas obstacle à l’emploi, conformément au droit international, des moyens qu’il estimerait indispensables pour riposter à une menace immédiate en situation de conflit armé. »

« Le Gouvernement de la République française comprend que tout bien culturel qui devient un objectif militaire au sens du Protocole peut être attaqué selon une dispense pour nécessité militaire impérative en vertu de l’article 4, paragraphe 2, de la Convention ».

Afin d’assurer la cohérence avec les critères de compétence quasi-universelle applicables pour poursuivre les auteurs présumés de crime de génocide, crime contre l’humanité et crime et délit de guerre prévus à l’article 689-11 du code de procédure pénale et de lever toute ambiguïté dans l’interprétation de l’article 16 du protocole concernant l’engagement des poursuites à l’encontre des seuls ressortissants d’un Etat partie au protocole, la déclaration suivante sera également formulée :

« En référence à l’article 16, paragraphe 1, alinéa c) du Protocole, le Gouvernement de la République française indique que les juridictions françaises pourront poursuivre toute personne, ressortissant d’un Etat partie au présent Protocole, qui réside habituellement en France et qui s’est rendue coupable des infractions visées aux alinéas a) à c) du paragraphe 1er de l’article 15. La poursuite de ces infractions ne pourra être exercée qu’à la requête du ministère public. ».

1 http://unesdoc.unesco.org/images/0008/000824/082464mb.pdf

Décret de publication 60-1131 du 18 octobre 1960 : https://www.legifrance.gouv.fr/jo_pdf.do?id=JORFTEXT000000486099

2 http://unesdoc.unesco.org/images/0008/000824/082464mb.pdf#page=66

Même décret que supra, le protocole étant annexé à la convention

3 http://www.unesco.org/eri/la/convention.asp?KO=13637&language=F&order=alpha

4 Le Bouclier bleu est le symbole employé pour identifier les sites culturels protégés par cette convention. Cet emblème a également donné son nom au Comité international du Bouclier bleu (ICBS), qui vise à protéger le patrimoine culturel mondial menacé par les catastrophes naturelles ou d’origine humaine.

5 https://www.legifrance.gouv.fr/jo_pdf.do?id=JORFTEXT000000692459

6 https://www.legifrance.gouv.fr/jo_pdf.do?id=JORFTEXT000000486099

7 http://www.unesco.org/eri/la/convention.asp?KO=15207&language=F&order=alpha

8 https://www.legifrance.gouv.fr/jo_pdf.do?id=JORFTEXT000032854341

9 https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006074236&idArticle=LEGIARTI000006845448

10 Décret n° 52-253 du 28 février 1952 : https://www.legifrance.gouv.fr/jo_pdf.do?id=JORFTEXT000000691296

https://www.icrc.org/fre/assets/files/other/icrc_001_0173.pdf

11 https://www.icrc.org/fre/assets/files/other/icrc_001_0321.pdf

Références sur Légifrance des Conventions de Genève : décret 52-253 du 18 octobre 1952 portant publication des Conventions de Genève de 1949, Protocole I : https://www.legifrance.gouv.fr/jo_pdf.do?id=JORFTEXT000000215403 et Protocole II : https://www.legifrance.gouv.fr/jo_pdf.do?id=JORFTEXT000000689498

12 Le statut de Rome définit les règles de fonctionnement élémentaire de la Cour pénale internationale (CPI) ayant un pouvoir juridictionnel sur des crimes internationaux dont les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre et les génocides commis par des ressortissants ou des États signataires sur leur territoire. Il a été adopté le 17 juillet 1998, à Rome en Italie. http://legal.un.org/icc/statute/french/rome_statute%28f%29.pdf 

Décret n° 2002-925 du 11/03/2002 https://www.legifrance.gouv.fr/jo_pdf.do?id=JORFTEXT000000413362

13 En 2016 ; la Liste du patrimoine mondial compte 1052 biens dont 814 biens culturels, 203 naturels et 35 mixtes répartis dans 165 États parties. Dont 34 transfrontaliers et 55 en péril.

14 http://www.unesco.org/new/fileadmin/MULTIMEDIA/HQ/CLT/pdf/19542P-enhanced-protection-list-fr_20140320.pdf

15 http://www.unesco.org/new/fileadmin/MULTIMEDIA/HQ/CLT/pdf/RESOLUTIONS_FR_FINAL_01.pdf

16 http://www.unesco.org/new/fileadmin/MULTIMEDIA/HQ/CLT/images/9_COM_Decisions_FR.pdf

17 http://www.unesco.org/new/fileadmin/MULTIMEDIA/HQ/CLT/pdf/3SC_List_of_Decisions_FR.pdf#page=4

18 http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:12012E/TXT&from=FR

19 https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000022686432&cidTexte=LEGITEXT000006070719

20 https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006070719&idArticle=LEGIARTI000022686423

21 https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006071154&idArticle=LEGIARTI000022682031&dateTexte=&categorieLien=cid

22 https://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do;jsessionid=DF18541414770BBF93E6B9A138078EF8.tpdila19v_2?idSectionTA=LEGISCTA000025507124&cidTexte=LEGITEXT000025503132&dateTexte=20160803

23 Décret n° 2005-1157 du 13 septembre 2005 relatif au plan ORSEC et pris pour application de l'article 14 de la loi n° 2004-811 du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile : https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000421070&fastPos=1&fastReqId=1522602087&categorieLien=id&oldAction=rechTexte

24 http://circulaire.legifrance.gouv.fr/pdf/2011/04/cir_32868.pdf

25 http://www.sgdsn.gouv.fr/IMG/pdf/Partie_publique_du_plan_Vigipirate_2014.pdf

26 Arrêté du 26 août 2014 portant organisation du service du haut fonctionnaire de défense et de sécurité https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?dateTexte=&categorieLien=id&cidTexte=JORFTEXT000029470835&fastPos=2&fastReqId=1970348484&oldAction=rechExpTexteJorf

27 http://www.culturecommunication.gouv.fr/Politiques-ministerielles/Conservation-restauration/Plans-de-sauvegarde-Securite-Surete/Plans-de-sauvegarde-et-d-urgence/Les-plans-Eta.-Re.-Etablissements-Repertories-

28 Informations déclaratives transmises par les établissements culturels via les Directions Régionales des Affaires Culturelles.

29 Liste des Etats parties disponible sur http://www.unesco.org/eri/la/convention.asp?KO=15207&language=F&order=alpha


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