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N° 1470

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 octobre 2013.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LE PROJET DE LOI de financement de la sécurité sociale pour 2014 (n° 1412),

TOME VI

FAMILLE

Par Mme Marie-Françoise CLERGEAU,

Députée.

___

Les commentaires et les débats en commission sur les articles 1 à 3, 6, 8 à 26, et 63 à 68 figurent dans le rapport de M. Gérard Bapt, sur les recettes et l’équilibre général (n° 1470, tome I).

Les commentaires et les débats en commission sur les articles 4, 5, 7, 27 à 46, et 48 à 50 figurent dans le rapport de M. Christian Paul, sur l’assurance maladie (n° 1470, tome II).

Le commentaire et les débats en commission sur l’article 47 figurent dans le rapport de Mme Martine Pinville, sur le secteur médico-social (n° 1470, tome III).

Les commentaires et les débats en commission sur les articles 51, 61 et 62 figurent dans le rapport de M. Michel Issindou, sur l’assurance vieillesse (n° 1470, tome IV).

Les commentaires et les débats en commission sur les articles 52 à 54 figurent dans le rapport de M. Laurent Marcangeli, sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (n° 1470, tome V).

Les commentaires et les débats en commission sur les articles 55 à 60 figurent dans le rapport de Mme Marie-Françoise Clergeau, sur la famille (n° 1470, tome VI).

Le tableau comparatif figure dans le fascicule n° 1470, tome VII.

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 5

I. LE REDRESSEMENT DES COMPTES DANS LA JUSTICE 9

A. LE REFUS DE CONDAMNER LA BRANCHE FAMILLE AU DÉFICIT 9

1. Une diminution significative et ordonnée du déficit est nécessaire 9

2. Les mesures prises depuis 2012 ont atténué la dégradation du solde 10

B. DES CHOIX DE FINANCEMENT Á LA HAUTEUR DES ENJEUX 13

1. L’attribution de recettes nouvelles 13

2. En dépense, des mesures de justice et d’économies 17

a. Les facteurs de progression des dépenses en 2014 17

b. L’incidence des mesures présentées dans la loi de financement 20

II. UN NOUVEAU DÉPART POUR LA CNAF 22

A. UNE POLITIQUE D’ACTION SOCIALE AMBITIEUSE ET INNOVANTE 22

1. Un effort financier important et réaliste 22

2. Une politique d’action sociale rénovée 23

a. Accueil du jeune enfant : la fin des mesures en trompe l’œil 24

b. L’approfondissement prometteur de la politique d’aide à la parentalité 26

c. Le renouveau de la politique en faveur de la jeunesse 28

B. FONCTIONNEMENT DES SERVICES : VERS UN PACTE DE CONFIANCE 29

1. Aider les agents des CAF à améliorer le service 29

2. Faciliter l’accès des familles aux services des CAF 32

III. LA CONTRIBUTION DES UNIONS D’ASSOCIATIONS FAMILIALES 33

A. UN STATUT SEMI-PUBLIC, UN RÔLE EN ÉVOLUTION 33

1. L’institutionnalisation du mouvement familial 33

2. La nécessaire mobilisation des associations familiales dans leur diversité 42

B. LA RÉFORME DU FINANCEMENT DES UNIONS D’ASSOCIATIONS FAMILIALES : UN LEVIER DE MOBILISATION 46

1. Un financement privilégié 46

2. Vers une définition partagée de moyens et d’objectifs 53

EXAMEN DES ARTICLES RELATIFS À LA BRANCHE FAMILLE 61

QUATRIÈME PARTIE : DISPOSITIONS RELATIVES AUX DÉPENSES POUR L’EXERCICE 2014 61

Section 4 : Dispositions relatives aux dépenses de la branche famille 61

Article 55 (art. L. 522-3 et L. 7555-16-1 du code de la sécurité sociale) : Majoration du complément familial pour les familles sous le seuil de pauvreté 61

Article 56 (art. L. 531-2 et -3 du code de la sécurité sociale) : Amélioration de la prise en compte du revenu des familles bénéficiaires de l’allocation de base de la prestation d’accueil du jeune enfant 70

Article 57 (art. L. 531-4 du code de la sécurité sociale) : Suppression de la majoration du complément libre choix d’activité de la prestation d’accueil du jeune enfant et simplification des conditions d’attribution aux non-salariés 83

Article 58 (art. L. 531-5 et -6 du code de la sécurité sociale) : Simplification des modalités d’attribution du complément de mode de garde (CMG) de la prestation d’accueil du jeune enfant et plafonnement des tarifs des micro-crèches éligibles au CMG-structure 89

Article 59 Paramètres de calcul de l’allocation de logement familiale pour 2014 96

Après l’article 59 98

Article 60 Objectif de dépenses de la branche famille pour l’année 2014 104

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA RAPPORTEURE 105

INTRODUCTION

Le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale poursuit les efforts engagés dès 2012 par le Gouvernement de Jean-Marc Ayrault pour pérenniser le financement de la branche famille, durement fragilisé durant la précédente législature. Trop longtemps la référence incantatoire à « la famille » tentait vainement de masquer une politique d’abandon, dépourvue d’imagination et de générosité. Au surplus, le financement de la branche famille était mis à mal, par exemple lors du remplacement, en 2010, de recettes pérennes provenant de la contribution sociale généralisée (CSG) par des impôts et taxes moins dynamiques voire appelés à disparaître.

Sur un effort d’économie de 8,5 milliards d’euros pour l’ensemble de la sécurité sociale, la politique familiale contribue à hauteur de 200 millions d’euros en 2014 et 760 millions d’euros en 2017, au terme de la montée en charge des mesures présentée dans le projet de loi de financement. Parallèlement, la branche va recevoir des recettes supplémentaires supérieures au milliard d’euros.

L’importance de la politique familiale aux yeux du Gouvernement se manifeste pleinement dans ces choix : il n’est plus possible de dire, comme ce fut si souvent le cas entre 2007 et 2012, que la branche famille est la sacrifiée des ajustements des comptes sociaux. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale prend le chemin opposé.

En conséquence, et pour la première fois depuis 2007, les comptes de la Caisse nationale d’allocations familiales (CNAF) seront significativement améliorés l’an prochain.

● Le redressement des comptes dans la justice

Ce redressement se fonde d’abord sur l’apport de nouvelles recettes, au premier chef par affectation à la branche famille du produit de la baisse du plafond de l’avantage tiré du quotient familial.

Votre rapporteure estime indispensable de préciser, une fois encore, que cet effort n’est pas demandé aux classes moyennes. L’abaissement du plafond de 2 000 euros à 1 500 euros par demi-part supplémentaires n’entraîne de perte de l’avantage fiscal qu’à partir de 5 850 euros mensuels pour un foyer avec deux enfants. Il ne s’agit donc pas de familles des classes moyennes qui se définissent par une fourchette entre 75 % et 150 % du revenu médian des ménages, soit des niveaux de revenus bien inférieurs. Ainsi seuls 13 % des foyers fiscaux sont concernés, comme la Ministre déléguée à la famille l’a précisé en réponse à une question de votre rapporteure lors de l’audition du Gouvernement par la commission des affaires sociales.

Afin de ne pas diminuer l’effort de la nation consacré à la branche famille, les montants tirés de l’affectation de nouvelles recettes dépassent au demeurant les montants des mesures d’économie.

Et les mesures d’économies s’écartent des facilités de l’austérité aveugle, qui seraient au demeurant contre-productives : le projet de loi de financement demande des efforts raisonnables à des familles qui continueront par ailleurs de bénéficier d’avantages importants.

Les mesures d’économie sont dictées par le souci de la justice : elles recentrent vers les familles modestes des prestations sous conditions de ressources conçues précisément pour leur bénéfice. Car la diminution de la pauvreté doit être un objectif de justice partagé par tous et, à ce titre, au cœur de notre politique familiale.

Votre rapporteure souhaite rappeler que l’expérience de la pauvreté dans l’enfance expose à des risques accrus de précarité au cours de la vie d’adulte. Or, selon les dernières données disponibles, la part des enfants vivant dans des familles en situation de pauvreté est passée de 17,7 % en 2003 à 19,5 % en 2011. Cette part atteint 41% pour les foyers monoparentaux. Il est temps d’agir.

Le projet de loi de financement utilise un des leviers d’actions : le complément familial, une prestation familiale qui permettra d’apporter une aide supplémentaire aux familles les plus modestes.

Mais sur toute la durée de la convention d’objectifs et de gestion (COG) qui lie la CNAF à l’État, notre politique familiale vient également en aide à ces familles au moyen d’une politique d’action sociale ambitieuse, par la socialisation précoce dans des établissements collectifs et par l’accès à des dispositifs périscolaires et de loisirs de qualité.

Votre rapporteure se félicite de l’approfondissement de ces efforts par l’amélioration du ciblage territorial des nouvelles places de crèches et des dispositifs d’aide à la parentalité. Elle souhaite également que des progrès soient faits dans la réduction des taux d’effort supportés par les familles modestes ou aux revenus moyens en matière tant de logement que d’accès à des solutions d’accueil du jeune enfant.

● La politique familiale et le nouveau modèle français

Votre rapporteure voit dans ce projet de loi de financement l’héritier d’une histoire plus longue, celle d’une politique familiale française, inventée à partir de 1945, dans un pays en ruines, mais confiant dans son avenir, et qui nous a légué l’élan démographique d’après-guerre. La construction et le développement de notre politique familiale doit ainsi beaucoup à la vivacité du mouvement familial, structuré par des unions d’associations familiales, sur lesquelles votre rapporteure a souhaité se pencher dans le cadre de ses travaux.

Cet héritage de la politique familiale nous engage tout autant qu’il nous éclaire sur les différences entre les enjeux d’hier et les défis d’aujourd’hui.

La politique familiale s’est longtemps résumée à la distribution de prestations… comme le confie la narratrice des Petits enfants du siècle, de Christiane Rochefort, paru en 1961, on pouvait alors dire : « Je suis née des allocations et d’un jour férié ». Et la définition de la famille était souvent bornée par les étroites limites de la tradition, les hommes et les femmes assignés à des rôles sociaux immuables, au travail pour les premiers, au foyer pour les secondes.

Mais aujourd’hui l’élan démographique n’est plus fonction du niveau des prestations servies en espèces : la démographie est forte dans les pays qui ont mis en place une politique de conciliation entre vie professionnelle et vie familiale, essentielle pour les mères. Un lien est même désormais scientifiquement établi entre haut niveau d’emploi des femmes et nombre élevé de naissances. En la matière, c’est le « nouveau modèle français » qui fait école plutôt que le « modèle allemand ».

En connaissant mieux les réalités des familles d’aujourd’hui, si diverses, et en les acceptant, nous pourrons approfondir ce nouveau modèle français. Ainsi les travaux en cours du Haut conseil à la famille sur les ruptures et les discontinuités de la vie familiale devront inspirer les prochaines réformes, notamment pour mieux aider les foyers monoparentaux.

Le présent projet de loi de financement nous invite donc à redonner un sens progressiste à la notion de réforme. Car la réforme ne consiste pas à abandonner des acquis au prétexte qu’ils ne seraient pas conformes à on ne sait quels « modèles » de circonstance. La réforme, c’est d’abord connaître les familles qui vivent en France et répondre à leurs besoins, car ces familles sont l’avenir de notre pays.

Votre rapporteure estime qu’il n’y a pas de contradiction entre les réformes et ce qui a construit la République depuis plusieurs siècles. Le « nouveau modèle français » défendu par le Gouvernement ne fait pas table-rase de notre histoire, il retient les objectifs qui ont fondé notre pacte républicain et surtout il fait confiance aux talents et à l’intelligence des Français pour les actualiser.

En la matière, la contribution des familles elles-mêmes à l’amélioration de notre politique familiale est exemplaire, à l’image de la concertation « Au tour des parents » engagée par la ministre déléguée à la famille dès sa prise de fonction.

Votre rapporteure sait que le modèle français est réformable et que la branche famille, à ce titre, peut être réformée pour être renforcée. Pour faire face aux défis financiers, sociaux et économiques comme pour préserver ses valeurs et son idéal de solidarité, plus que jamais « la France n’est pas un problème, la France est la solution ».

I. LE REDRESSEMENT DES COMPTES DANS LA JUSTICE

Le projet de loi de financement pour 2014 fixe une ambition de redressement des comptes de la branche qui s’appuie sur des choix courageux en matière de recettes et une rénovation des prestations familiale porteuse à la fois d’économies et de justice.

A. LE REFUS DE CONDAMNER LA BRANCHE FAMILLE AU DÉFICIT

1. Une diminution significative et ordonnée du déficit est nécessaire

Le solde des comptes de la CNAF connaît une dégradation constante depuis 2010. Inauguré par la chute des recettes consécutive au recul de l’activité économique et de l’emploi à partir de 2008, le déficit de la branche n’a jamais pu être comblé par un surcroît de ses recettes.

Alors que les cotisations sociales représentent près de 64 % des recettes de la CNAF, la reprise de la masse salariale de 2 % du secteur privé en 2010 puis de 3,6 % en 2011 n’ont rattrapé qu’une fraction modeste de la perte de recettes enregistrée en 2009.

La perspective d’un nouveau ralentissement de l’activité économique en 2013 ne permet pas à court terme une amélioration de la situation financière de la CNAF. En 2013, les recettes du régime général subissent l’effet du ralentissement de la croissance de la masse salariale privée, en hausse de 1,3 % contre 2,2 % en 2012.

Selon la commission des comptes de la sécurité sociale, en tendance, le solde de la branche famille en 2014 serait en déficit à hauteur de 3,3 milliards d’euros.

RECETTES, DÉPENSES ET SOLDE DE LA BRANCHE FAMILLE DEPUIS 2010

(en milliards d’euros)
ensemble des régimes obligatoires de base

 

2010

2011

2012

2013

2014 tendance

2014

PLFSS

Recettes

49,9

51,9

53,7

54,8

56

56,9

Dépenses

52,6

54,5

56,2

57,6

59,3

59,2

Solde

- 2,7

- 2,6

- 2,5

- 2,8

-3,3

-2,3

Source : Commission des comptes de la sécurité sociale.

Un redressement des comptes de la CNAF paraît indispensable à votre rapporteure. À défaut, la confiance en la politique familiale serait compromise.

Mais ce redressement ne saurait passer par une diminution massive des dépenses de la branche ni par un accroissement inconsidéré des prélèvements sur les familles. Ainsi que l’ont indiqué à votre rapporteure les économistes qu’elle a auditionnés, il convient de veiller à ce que le niveau de réduction du revenu des familles dans leur ensemble provenant soit d’une perte d’avantages fiscaux soit d’une baisse du montant des prestations soit bien calibré au vu de la conjoncture. Il s’agit d’éviter que la réduction des dépenses sociales ne pèse sur la consommation des ménages et ne fragilise la reprise économique. Les prestations familiales jouent en effet un rôle contracyclique important. En outre, la dépense familiale s’apparente à un investissement social : sacrifier ces dépenses aujourd’hui pourrait aboutir à diminuer le « capital humain » de notre pays à moyen et long termes. L’économie serait de courte vue.

Le présent projet de loi de financement fixe un objectif de déficit de 2,3 milliards d’euros qui représente donc une amélioration de 1 milliard par rapport au solde tendanciel et de 500 millions d’euros par rapport au solde pour 2013. Votre rapporteure estime qu’il s’agit d’un effort significatif au plan budgétaire, supportable au plan macroéconomique.

2. Les mesures prises depuis 2012 ont atténué la dégradation du solde

Les mesures de redressement présentées dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 se fondent sur les acquis des mesures adoptées depuis la loi de finances rectificative de juin 2012 et la loi de financement pour 2013.

Dès 2012 le déficit de la CNAF s’est légèrement résorbé en raison d’une progression des recettes de la branche de 3,5 %, plus rapide de 0,3 point que les charges.

La branche famille a en effet bénéficié de mesures d’élargissement de l’assiette de recettes qui lui étaient déjà affectées. Les cotisations sociales nettes ont contribué pour 2 points à la croissance des recettes. Elles ont été dynamisées par l’évolution des cotisations sociales des travailleurs indépendants en hausse de 15,1 % en raison d’importantes régularisations au titre d’exercices antérieurs. Une hausse de 4,4 % contribuant pour 0,8 point à la croissance des recettes de la CNAF, en 2012, provient de l’élargissement d’assiette de la CSG. Une hausse de 4,6 % des recettes fiscales, contribuant pour 0,6 point à la croissance des recettes, provient de la dynamique de la taxe sur les contrats d’assurance maladie (TSCA) et de la taxe sur les salaires.

Surtout, dans la loi de finances rectificative pour 2012, la CNAF est bénéficiaire du prélèvement social sur le capital au taux de 0,35 %. Le rendement de cette taxe a été dynamique en 2013, apportant près de 350 millions d’euros, en hausse de 5,2 %, malgré l’effet négatif sur son assiette de l’évolution des revenus.

Selon les dernières prévisions de la commission des comptes de la sécurité sociale de septembre, en 2013, si la progression des cotisations salariales s’infléchit, en hausse limitée de 1,9 %, elle reste supérieure à celle la masse salariale du secteur privé, en hausse de 1,3 %, en raison d’une moindre progression des exonérations, grâce au calcul des cotisations sur le salaire réel versé par les particuliers employeurs et de l’élargissement de la couverture sociale des élus locaux. Les cotisations des non-salariés seraient également portées par la réforme de l’assujettissement des travailleurs indépendants.

La croissance de la taxe sur les salaires est en 2013 le principal facteur de croissance des recettes ; elle en explique 1,2 point. La hausse du produit de cette taxe est la conséquence de la clarification de l’assiette décidée en loi de financement pour 2013 et de la création d’une tranche additionnelle, pour une recette proche de 470 millions d’euros.

Enfin, du côté des dépenses, votre rapporteure rappelle qu’en 2012, la légère amélioration du solde a été compatible avec la forte hausse des charges de prestations familiales, de 3 % en 2012 contre 1,5 % en 2011, due au choix à la majoration de 25 % de l’allocation de rentrée scolaire (ARS), une prestation sous condition de ressource bien ciblée sur les familles modestes auxquelles elle a apporté 370 millions d’euros. Ce choix inaugural du quinquennat trouve son prolongement dans les mesures du présent projet de loi de financement.

● La branche famille a cessé d’être le « parent pauvre »

Ainsi que le montre le tableau ci-après qui récapitule les produits, pour 2013 et 2014, de chacune des recettes affectées à la CNAF par les différentes dispositions financières adoptées de fin 2011 à fin 2012, la branche famille aura donc, en 2013, bénéficié d’un supplément de recette de plus de 660 millions d’euros au titres des mesures adoptées dans le collectif de juin 2012 et la loi de financement de décembre, contre seulement 218 millions d’euros de recettes supplémentaires au titre des deux lois de financement précédentes. De même, en 2014, les mesures adoptées depuis la nouvelle législature continueront à procurer 803 millions d’euros de recettes nouvelles à la branche alors que le solde des mesures favorables et défavorables en matière de recettes issues des lois de financement pour 2011 et 2012 s’établira à peine à 52 millions d’euros… S’y ajoutera, en 2014, la baisse de 200 millions du « préciput » d’assurance vie, affecté à la branche dans le cadre de la compensation faussée de la part de CSG attribuée à la caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) par la loi de financement pour 2011.


PRODUIT PRÉVISIONNEL, POUR 2013 ET 2014, DE CHACUNE DES RECETTES AFFECTÉES Á LA CNAF PAR LES LOIS DE FINANCES ET DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE, INITIALES ET RECTIFICATIVES, POUR 2011, 2012 ET 2013

B. DES CHOIX DE FINANCEMENT À LA HAUTEUR DES ENJEUX

Ce projet de loi de financement s’inscrit pleinement dans la continuité des choix faits à l’été 2012. Il en accroît considérablement les effets en attribuant des recettes importantes à la branche et en calibrant les mesures d’économie de manière à recentrer les prestations sur les familles les plus modestes.

1. L’attribution de recettes nouvelles

Afin de réduire à hauteur de 1 milliard d’euros le déficit tendanciel, le présent projet de loi de financement se fonde sur un transfert de près de de 3,04 milliards d’euros de recettes entre l’État et l’ensemble des branches de la sécurité sociale, assortie de transferts entre ces dernières, dont la CNAF, au final, est bénéficiaire à hauteur de 1,03 milliard d’euros.

● L’abaissement du plafond du quotient familial

La recette supplémentaire nette provient de l’affectation à la CNAF du supplément de recette pour l’État de la baisse de l’avantage procuré par le quotient familial qui passe de 2 000 euros à 1 500 euros par demi-part. Cette mesure de recette est, par elle-même, une mesure de redistribution : elle atténue l’effet anti-redistributif du quotient familial lui-même.

En effet le quotient familial consiste à diviser le revenu imposable du foyer par un nombre de parts qui varie selon la situation conjugale des déclarants et leurs charges de famille ; c’est sur ce revenu par part que le barème de l’impôt sur le revenu est appliqué ; le résultat est ensuite multiplié par le nombre de parts pour déterminer l’impôt dû. Ceci revient à fractionner le revenu du foyer fiscal afin de l’imposer dans des tranches plus basses que celles qui lui auraient été appliquées en l’absence de ce mécanisme.

Ce mécanisme est particulièrement favorable pour les ménages qui disposent de revenus élevés. Un rapport du Conseil des prélèvements obligatoires de mai 2011 a établi que le bénéfice du quotient est particulièrement concentré sur les ménages les plus aisés : 10 % du gain est partagé entre les cinq premiers déciles de revenus bruts, 14 % entre les 6e et 7e déciles, 12 % par le 8e décile, 18 % par le 9e décile… et 46 % par le dernier décile.

En outre, le champ de la réforme du quotient familial est plus large que celui d’éventuelles mesures de diminution, sous plafond, du montant des allocations familiales envisagées dans le rapport de M. Bertrand Fragonard sur les aides aux familles, remis en avril 2013. Le plafonnement du quotient familial concerne les familles de un enfant, le supplément d’impôt qu’ils supporteraient représentant 23 % du total de la recette ; elle touche également les familles qui ont un enfant de plus de 20 ans rattaché, alors qu’une réforme des allocations familiales ne concerne que les familles qui ont au moins deux enfants âgés de moins de 20 ans. L’élargissement du champ d’application de cette mesure de recette évite d’en concentrer les effets sur les familles nombreuses, dont les charges de famille sont, par définition, les plus élevées.

● La compensation à l’euro près de la baisse des cotisations patronales

En second lieu, la branche famille reçoit compensation de la perte de 0,15 point de cotisation patronale destinée à assurer la neutralité de l’augmentation des cotisations patronales vieillesse sur le coût du travail.

Au préalable, votre rapporteure a souhaité s’assurer que la perte de 0,15 point de cotisations patronales famille serait bien intégralement compensée pour la branche famille.

Selon le dernier rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale, la valeur d’un point de cotisations patronales famille s’établit à 7 720 millions d’euros en 2014. La diminution de 0,15 point occasionnerait donc une perte de recettes de 1 158 millions d’euros pour la CNAF en 2014.

Or l’exposé des motifs et l’étude d’impact de l’article 39 du projet de loi de finances prévoit un transfert à hauteur de 1,05 milliard d’euros, soit près de 100 millions d’euros de moins. Cet écart s’explique par le fait que le chiffrement de la diminution de la cotisation patronale famille en loi de finances exclue de son périmètre les trois fonctions publiques. Votre rapporteure s’est cependant assurée que les transferts prévus dans le cadre du PLFSS permettront de compenser l’intégralité de la perte de recettes, soit effectivement 1,16 milliard d’euros en raison du transfert de recettes de la CNAM vers la CNAF.

En effet, l’intégralité de la recette affectée par l’État à la sécurité sociale provient d’un accroissement de la fraction du produit de TVA revenant à la sécurité sociale (de 5,88 % à 7,8 %), qui est exclusivement affectée à la CNAM. En contrepartie, la CNAF devient attributaire du produit de taxes actuellement attribuées à différentes branches ou de recettes nouvelles.

● Un panier de taxes et une part de CSG

La CNAF va en premier lieu bénéficier d’une harmonisation des clés de ventilation de la CSG, prévue à l’article L. 136-8 du code de la sécurité sociale. Elles varient actuellement selon les assiettes de CSG : la part affectée à la CNAF est de 0,8 % sur les salaires et les préretraites, de 0,82 % pour les revenus d’activité des travailleurs indépendants, les revenus du capital, les allocations chômage et les indemnités journalières, les pensions de retraite et d’invalidité, et les jeux et paris de la Française des Jeux. La part affectée à la CNAF serait fixée à 0,87 % quelle que soit l’assiette (elle demeurerait cependant de 1,71 % pour les jeux de casinos). La CNAF qui perçoit actuellement 11 % du rendement global de la CSG, recevrait une recette supplémentaire de 791 millions d’euros.

La CNAF devient attributaire du produit de la taxe sur les véhicules des sociétés (TVS) prévue à l’article 1010 du code général des impôts et dont le produit bénéficie pour l’heure au régime d’assurance maladie des exploitants agricoles. Son rendement est estimé pour 2014 à 893 millions d’euros. Cependant le rendement de cette de cette taxe sera atténué à l’avenir par le remplacement progressif du parc automobile par des véhicules moins polluants.

Les contributions patronale et salariales sur les stock-options et la contribution salariale sur les gains afférents à des parts de fonds communs de placement à risques (dits « carried interest ») apporteraient de nouvelles recettes à hauteur de 489 millions d’euros en 2014.

La CNAF serait attributaire d’une partie du produit des trois prélèvements sur les jeux, concours et paris, institués par la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne : le prélèvement sur les paris hippiques, le prélèvement sur les paris sportifs et le prélèvement sur les jeux de cercle en ligne. La recette s’élèverait à 221 millions d’euros en 2014. Elle est complétée par le prélèvement sur les produits des appels à des numéros surtaxés effectués dans le cadre des programmes télévisés et radiodiffusés comportant des jeux et concours, au taux de 9,5 %, pour 3 millions d’euros en 2014.

La clé de répartition, prévue au 1° de l’article L. 131-8 du code de la sécurité sociale, de la taxe sur les salaires dont bénéficient les branches vieillesse et famille du régime général ainsi que le Fonds de solidarité vieillesse (FSV) est modifié. Pour la CNAF, avant réforme, le rendement en 2014 se serait élevé à 3,56 milliards d’euros, soit 27,1% du produit. La part revenant à la CNAF est portée à 27,5 %. Le nouveau produit s’établit à 3,614 milliards d’euros, soit un gain de 52,4 millions d’euros.

Enfin à l’ensemble de ces transferts s’ajoute une mesure qui interviendra par arrêté consistant à revoir la clé de répartition du coût des allègements de cotisations sociales pour chaque branche : en effet, en raison de la future répartition des cotisations entre les branches consécutive à la diminution du financement de la branche famille par des cotisations sociales, la clé de répartition actuelle conduirait la CNAF à financer une part des exonérations relativement plus importante que sa nouvelle part dans les cotisations. La révision de cette clé de répartition permettrait à la branche famille d’enregistrer un gain supplémentaire de 194 millions d’euros en 2014.

SOLDE POUR LA CNAF DES TRANSFERTS DE RECETTES EN 2014

en millions d’euros

Prélèvement social sur le capital

-471

Modification des clés des allègements généraux

+194

Affectation de taxe sur les véhicules des sociétés

+893

Affectation de la contribution sur les stock-options

+489

Contribution sur les revenus des jeux et paris

+231

CSG

+791

Taxe sur les salaires

+53

Ensemble des recettes affectées

2 179

 

Perte de recette occasionnée par la baisse de 0,15 point des cotisations patronales famille

1 158

SOLDE

1 021

Comme l’indique le tableau ci-dessous, il résulte de ce transfert de recette que la part des cotisations effectives attribuées à la CNAF baissera en 2014 mais continuera de représenter 61,7 % des recettes de la branche famille. Sous l’effet du panier de compensation, la part des impôts et taxes augmente de 15,3 % pour représenter 13,5 % des recettes de la branche. Surtout, la part de la CSG dans les recettes de la branche va croître de près de 11,4 % pour atteindre 19 %. Votre rapporteure s’en félicite : elle y voit le gage de la pérennisation du financement de la branche famille.

ÉVOLUTION ANNUELLE DES RECETTES DE LA BRANCHE FAMILLE

(en milliards d’euros)

 

2012

2013

2014 (prévision)

Cotisations effectives

34,8

35,4

1,7%

35,1

-1,0%

Cotisations prises en charge par l’État

0,5

0,6

3,2%

0,5

-2,5%

CSG

9,7

9,8

1,6%

10,8

11,4%

Autres contributions sociales

1,8

1,7

-3,4%

1,8

4,0%

Impôts et taxes (IT) et autres contributions sociales

6,3

6,7

6,2%

7,7

15,3%

Transferts

0,3

0,3

1,9%

0,4

2,4%

Autres produits

0,6

0,5

-3,9%

0,5

-3,6%

Total

54,1

55,2

2,0%

56,9

3,1%

2. En dépense, des mesures de justice et d’économies

a. Les facteurs de progression des dépenses en 2014

Hors mesures nouvelles figurant dans la loi de financement, la progression des charges de la branche serait modérée en 2014.

La majorité des dépenses de la branche provient des prestations familiales et en premier lieu des prestations en faveur de la famille : les allocations familiales, le complément familial, l’allocation de soutien familial et l’allocation de rentrée scolaire auxquelles peut être agrégée l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé, pour un montant de près de 19 milliards d’euros en 2014, soit 32 % des dépenses.

Les allocations familiales, versées sans condition de ressources aux familles ayant au moins deux enfants, représentent près de trois quart des prestations d’entretien en faveur de la famille. Le nombre de leurs bénéficiaires est stable.

Le taux de revalorisation de la base mensuelle des allocations familiales constitue le premier facteur de croissance de ces charges : selon le dernier rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale, le taux de revalorisation au 1er avril 2014 devrait s’élever à 0,9 % ; il correspond à l’hypothèse actuelle d’inflation retenue pour 2014 (1,3 %), majorée de l’écart entre la prévision actualisée d’inflation pour 2013 (0,8 %) et la prévision qui avait été retenue en avril 2013 (1,2 %), plus élevée de 0,4 point d’inflation.

L’ « effet plafond » qui atténue les charges occasionnées par les prestations sous conditions de ressources serait modéré. En effet, en 2014, l’évolution des plafonds de ressources est estimée à 1,9 % soit un niveau très proche de l’évolution de 2,1 % des ressources des allocataires en année 2012, l’année n-2 prise en compte lors de l’attribution des prestations. Cet effet plafond modéré diminuerait de seulement 20 millions d’euros les montants versés de prestations familiales sous conditions de ressources.

Cependant l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH) reste dynamique, car le nombre de ses bénéficiaires augmenterait de 2,7 %, en 2014 comme en 2013.

La deuxième grande catégorie de dépense recouvre les prestations en faveur de la petite enfance, principalement les quatre composantes de la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE) : prime à la naissance ou à l’adoption, allocation de naissance, complément de libre choix du mode de garde (CMG) et complément de libre choix d’activité (CLCA), pour un montant de 13,2 milliards d’euros en 2014, soit 41 % des dépenses.

La PAJE a été particulièrement dynamique entre 2004 et 2012 et son complément de mode de garde a continué, en 2012, à tirer à la hausse les prestations familiales, pour un effet volume de 3 %. Toutefois la moindre augmentation en 2013 de ses déterminants devrait freiner l’évolution globale en volume de la PAJE : le recours au CMG stagne et les naissances ne progressent pas en 2013 et 2014 ce qui limite l’effet volume de la prime à la naissance ou de l’allocation de base.

Les prestations en faveur du logement financées par la branche famille s’élèveraient à 9,2 milliards d’euros en 2014, soit 15 % des dépenses et 19,3 % des prestations sociales financées par la CNAF. Il s’agit principalement des montants de l’allocation de logement à caractère familial (ALF) et de la contribution au financement de l’aide personnalisée au logement (APL) via le Fonds national d’aide au logement (FNAL) financé à la fois par l’État, par la branche famille, par une cotisation des employeurs et par une fraction des droits de consommation sur les tabacs. La branche famille finance plus de 50 % de l’ensemble des dépenses au titre de l’aide au logement qui dépasseraient 18,1 milliards d’euros en 2014. La forte hausse du chômage en 2012 affectera les ressources des allocataires prises en compte en 2014 et contribuera à faire croître la dépense.

Les prestations extra-légales qui recouvrent l’action sociale de la branche famille seront également en progression, en hausse de 7,5 %, en raison des premières mesures de la convention d’objectif et de gestion 2013-2017, que votre rapporteure examinera plus loin.

Enfin, les dépenses de transfert seront modérées : les dépenses versées à la CNAV et au FSV recouvrent la prise en charge par la branche famille des majorations de pensions de 10 % servies aux assurés ayant eu ou élevé au moins 3 enfants, qui augmenteraient de 2 %, soit moins qu’en 2013. On constate une augmentation plus faible de l’assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF).

ÉVOLUTION ANNUELLE DES DÉPENSES DE LA BRANCHE FAMILLE

(en milliards d’euros)

 

2 012

2013 (p)

2014 (p)

Prestations

40,1

41,0

2,3%

41,8

2,1%

Prestations légales nettes

35,7

36,4

1,9%

36,9

1,4%

Prestation extra-légales nettes

4,3

4,6

5,7%

4,9

7,5%

Transferts

13,6

14,0

3,0%

14,3

2,2%

entre régimes de base

4,8

4,9

1,8%

5,0

2,0%

vers le FSV

4,5

4,6

2,5%

4,7

2,0%

autres

4,3

4,5

4,9%

4,6

2,7%

charges de gestion courante

2,9

2,9

0,0%

2,9

1,3%

Total

56,6

58,0

2,4%

59,2

2,1%

b. L’incidence des mesures présentées dans la loi de financement

● Le recentrage de prestations versées sous conditions de ressources

Selon l’Insee (1) les prestations familiales participent pour 26 % à la réduction des inégalités de niveau de vie. Si les prestations familiales sans condition de ressources ont un pouvoir redistributif a priori limité par l’absence de ciblage, elles participent pourtant pour près de 16 % à la réduction des inégalités de niveau de vie, dont 11 % pour les seules allocations familiales. Ceci s’explique d’abord par leur importance financière: les prestations familiales sans condition de ressources représentent 39 % de l’ensemble des prestations sociales. Leur efficacité en matière de redistribution est renforcée par le fait que les ménages qui ont des enfants sont plus nombreux dans les quintiles inférieurs de la distribution. Les prestations familiales sous condition de ressources ont a priori un pouvoir redistributif important du fait de leur ciblage mais les montants distribués sont globalement plus faibles : 16 % de l’ensemble des prestations sociales. Elles opèrent donc une redistribution à hauteur de seulement 10% des revenus. Le rôle du ciblage exercé par les conditions de ressources est important mais celles-ci ne sont pas toujours très restrictives : par exemple, l’allocation de base de la PAJE peut ainsi bénéficier à 84 % de l’ensemble des familles.

Afin d’améliorer le caractère redistributif des prestations conditionnées par les ressources, les mesures mises en œuvre par ce projet de loi de financement consistent à venir en aide aux familles les plus pauvres en majorant le montant du complément familial, de 50 % en cinq ans, sous un nouveau plafond de ressources, et à accentuer la modulation en fonction des ressources, actuellement insuffisante des composantes de la PAJE.

Votre rapporteure se prononce sur chacune de ces mesures aux commentaires des articles 55 à 58 du présent projet de loi de financement.

Dès 2014, les mesures concernant la PAJE occasionnent une économie de 80 millions d’euros qui atténue la dépense supplémentaire de 110 millions d’euros au titre du complément familial et de la revalorisation, par voie réglementaire, de l’allocation de soutien familial, à hauteur de 25 % en cinq ans.

● Une trajectoire crédible de retour à l’équilibre des comptes

Hors mesures supplémentaires présentées dans les lois de financement à venir, une trajectoire de réduction du déficit de la CNAF se dégage, fondée sur des hypothèses macroéconomiques que votre rapporteure juge réalistes.

PRÉVISION D’ÉVOLUTION DU SOLDE DE LA BRANCHE FAMILLE

(en milliards d’euros)

 

2013

2014

2015

2016

2017

Solde de la CNAF

- 2,8

- 2,3

- 1,9

- 1,6

- 1,0

En outre, l’article 14 du projet de loi de financement autorise l’intégration des déficits de la CNAMTS et de la CNAF dans le périmètre de la reprise de dette par la CADES sans modification du plafond de reprise de 62 milliards d’euros ni des plafonds annuels de 10 milliards d’euros, et sans allongement de la durée de vie de la CADES.

L’amortissement de la dette sociale de l’ensemble des branches tire ainsi parti des mesures prises dans le cadre de la réforme des retraites qui amélioreront les soldes de la branche vieillesse sur la période et permettent de limiter le champ de reprise des déficits prévisionnels CNAV et FSV aux exercices 2011 à 2017.

Le retour à l’équilibre des comptes pourra en outre, se fonder sur les nouvelles pistes de financement identifiées par le Haut conseil de financement de la protection sociale, installée par le Gouvernement en 2012, dont les travaux s’achèveront en 2014.

II. UN NOUVEAU DÉPART POUR LA CNAF

La refondation de la politique familiale procède en second lieu de la conclusion d’une nouvelle convention d’objectifs et de gestion avec la CNAF. Négociée tout au long de l’année 2012 et jusqu’en 2013, elle scelle une nouvelle ambition en matière de développement de l’offre de service des caisses envers les familles et un nouveau pacte de confiance avec les services des CAF dont les conditions de travail doivent être améliorées.

A. UNE POLITIQUE D’ACTION SOCIALE AMBITIEUSE ET INNOVANTE

1. Un effort financier important et réaliste

L’action sociale de la CNAF, prévue par l’article L. 263-1 du code de la sécurité sociale, est financée par le Fonds national d’action sociale (FNAS) qui prend la forme, pour la majeure partie des crédits, de subventions de fonctionnement et d’investissement de structures, telles que les crèches, les centres de loisirs ou les centres sociaux, mais qui prévoit également des aides financières directes et le financement d’un accompagnement social.

Elle est majoritairement composée des prestations de services : ces dotations affectées, paramétrées et encadrées au niveau national financent le fonctionnement des équipements et services, et des contrats de développement signés entre les CAF et les collectivités locales, par exemple les « contrats enfance jeunesse » (CEJ). Mais les caisses disposent également de fonds locaux constitués des dotations d’action sociale et des ressources propres de la caisse.

Malgré le contexte difficile pour les finances publiques, la convention d’objectifs et de gestion conclue entre l’État et la CNAF pour les années 2013 à 2017 prévoit une progression importante du FNAS : le taux moyen d’évolution sera de 7,5 % sur la période 2013-2017. Le montant total du FNAS atteindrait près de 6,7 milliards d’euros en 2017.

Mais votre rapporteure a souhaité s’assurer qu’il ne s’agit pas là de simples effets d’annonces. Des dépenses peuvent en effet être prévues mais sous-exécutées : ce risque est accru, pour les crédits du FNAS, par le fait qu’ils interviennent le plus souvent en co-financement aux côtés des collectivités territoriales. Or, ainsi que le montre le tableau ci-dessous, depuis 2009, les dépenses de prestations de service réalisées sont inférieures aux dépenses prévisionnelles : cette sous-exécution s’explique principalement par les difficultés de mise en œuvre d’une réforme des CEJ. De nombreux projets n’ont pas pu être engagés faut d’accords entre les CAF et les collectivités partenaires sur la répartition des charges de fonctionnement. Il en a résulté un ralentissement de la dépense des postes les plus dynamiques et une restauration artificielle des marges de manœuvre financières du FNAS.

ÉVOLUTION DES DÉPENSES DE PRESTATIONS DE SERVICES

 

2009

2010

2001

2012

Objectif 2013

Réalisation de la dépense

2,8

3

3,2

3,4

_

Prévision budgétaire

3

3,3

3,5

3,8

3,8

Taux d’exécution

95,8%

92,5%

91,6%

89,4%

_

Source : CNAF, DSS.

Or les objectifs de dépense ambitieux définis par la Convention d’objectifs et de gestion (COG) se fondent désormais sur une amélioration du dialogue avec les collectivités territoriales. Ceci représente pour votre rapporteure la garantie du réalisme des objectifs affichés.

2. Une politique d’action sociale rénovée

Les dépenses d’action sociale sont diversifiées : elles recouvrent les fonctions de l’accueil des jeunes enfants, du temps libre, de l’accompagnement social, de l’accompagnement en matière de logement et d’habitat, ainsi que de l’animation de la vie sociale, ainsi que le montre le schéma et le tableau ci-après.

epenses d action sociale par fonction 2012

DÉPENSES RÉALISÉES EN 2011 ET 2012(COG 2009-2012) ET DÉPENSES PRÉVISIONNELLES EN 2013 ET 2014 (COG 2013-2017)

(en millions d’euros)

COG 2009-2012

2011

2012

Part

en 2012

COG-2013 - 2017

2013

2014

Part en 2014

Accueil du jeune enfant

2 205,3

2 377,5

51 %

Accueil du jeune enfant

2 679

2 928

55%

Jeunesse

775,7

805,7

17,5%

Jeunesse

(hors périscolaire)

563

598

11%

 

Jeunesse (périscolaire)

297

458

8,5%

Parentalité

47,5

51,5

 

Parentalité

57

68

1%

Aide à domicile

38,7

38,3

1%

Aide à domicile

40

42

1%

Animation de la vie sociale

141,4

148

3%

Animation de la vie sociale

154

160

3%

Foyers de jeunes travailleurs

24

25

0,5%

Foyers de jeunes travailleurs

26

27

0,5%

Plans crèches

111

226

5%

Plans crèches

130

97,6

2%

Dotations d’action sociale

896

912

19,5%

Dotations d’action sociale

900

889

16,5%

Autre

66

65

1,5%

Autre

71

74

1,5%

TOTAL FNAS

4 306

4 649

   

4 919

5 343

 

Sources : CNAF.

Parmi les différents composantes de la politique familiale auxquelles les CAF pourront répondre dans le cadre de la nouvelle COG, votre rapporteure considère que trois axes se dégagent.

a. Accueil du jeune enfant : la fin des mesures en trompe l’œil

Les crédits du FNAS vont permettre, dans le champ de la petite enfance, la création de 100 000 solutions d’accueil collectif pour les moins de 3 ans. Cet objectif se fonde à la fois sur les crédits d’investissement, les mesures de revalorisation des prix plafonds qui encourageront les cofinancements et les aides à la rénovation qui permettront de limiter les destructions de places.

Le développement de cette offre d’accueil doit également permettre l’atteinte de l’objectif d’accueil de 10 % d’enfants issus de familles pauvres dans les crèches, inscrit dans le plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale.

Le FNAS comporte également un fonds d’accompagnement de 256 millions d’euros sur la durée de la COG, pour harmoniser le niveau de service aux familles dans les établissements d’accueil du jeune enfant financés par la prestation de service unique : ainsi de la fourniture de repas, de couches, des heures de concertation ou de l’accueil d’enfants porteurs de handicap…

Votre rapporteur souhaite rappeler que le bilan des créations de solutions d’accueil affiché par la précédente COG est faussé par la diminution simultanée du nombre de places pour les moins de 3 ans à l’école maternelle. En effet, alors qu’en 2000 34,8 % des enfants de moins de trois ans étaient scolarisés, seuls 20,9 % l’étaient en 2007 et 13,6 % en 2010. Le nombre de places a baissé de 50 000 pendant la précédente législature. Dans le cadre de la refondation de l’École, la préscolarisation à la maternelle est enfin redevenue un objectif de nos politiques publiques : elle renforce le continuum entre accueil et éducation de zéro à six ans. Pour les jeunes enfants des familles les plus défavorisées, la préscolarisation est aussi un facteur de soutien précoce et de réussite éducative.

Le développement de l’accueil individuel sera poursuivi pour assurer la prise en charge de 100 000 enfants supplémentaires. La prime à l’installation des assistants maternels dans les territoires prioritaires sera revalorisée. Votre rapporteure considère que le développement de l’accueil individuel passe par un approfondissement de la formation professionnelle des assistants maternels et le développement de dispositifs qui leur viennent en appui. La COG fixe au demeurant l’objectif d’un relai d’assistant maternel (RAM) pour 70 assistants maternels.

Votre rapporteure se félicite de l’objectif de correction des inégalités territoriales, grâce à un fonds de rééquilibrage territorial qui apportera des moyens supplémentaires aux territoires déficitaires. Il est doté de 125 millions d’euros sur la durée de la COG : 75 % de l’offre nouvelle d’accueil collectif devrait en outre être déployée dans les territoires prioritaires.

Votre rapporteure constate que le suivi de cet objectif est amélioré ainsi que l’information du Parlement en la matière. Un indicateur (n°3-3) sur la dispersion territoriale des modes de garde formels figure désormais au programme de qualité et d’efficience présenté chaque année au Parlement en annexe du projet de loi de financement. On constate que les 20 départements les mieux dotés disposent de près de 68 solutions d’accueil pour 100 enfants de moins de trois ans alors que les 20 départements les moins dotés n’en ont que 40. L’indicateur de dispersion territorial est relativement stable depuis 2006, entre 1,8 et 1,7. Il atteint 3,1 pour la capacité d’accueil par les seuls établissements collectifs, les 20 départements les moins dotés ne disposant que de 7,4 places de crèches pour 100 enfants de moins de 3 ans, contre 22,7 pour les mieux dotés. La COG devrait permettre de constater au terme de la présente législature une réduction significative de ces différents indicateurs de dispersion.

L’accueil du jeune enfant va enfin bénéficier d’une amélioration substantielle de la gouvernance dans le cadre des nouveaux  « schémas départementaux des services aux familles » qui se substitueront aux comités départementaux d’accueil du jeune enfant. Ces schémas s’appuieront sur une cartographie partagée entre les différents acteurs locaux concernés tant de l’offre existante que de la demande. Ils détermineront une offre de service cible, définiront les moyens mobilisés par les différents acteurs, arrêteront un calendrier de mise en œuvre et procéderont à des évaluations régulières. Des financements bonifiés seront orientés en cohérence avec les schémas, ce qui constituera une incitation financière pour les communes à y participer.

En outre ces schémas engloberont également les actions en matière d’aide à la parentalité, les anciens « comités départementaux de soutien à la parentalité » se fondant dans les schémas départementaux des services aux familles. Votre rapporteure salue cette mesure de simplification qui met en cohérence deux composantes essentielles de la COG.

b. L’approfondissement prometteur de la politique d’aide à la parentalité

La politique d’aide à la parentalité financée par la CNAF vise en effet à appuyer et à soutenir les parents en difficulté durable ou passagère dans leur rôle au quotidien vis-à-vis de leurs enfants. Il s’agit donc d’un investissement qui permet de prévenir les risques sociaux. Son efficacité constitue un enjeu d’égalité des chances et une aide aux familles confrontées aux problèmes d’incivilité des mineurs.

Les différents dispositifs apparus successivement ont visé à permettre le développement des compétences parentales au travers des lieux d’accueil enfants-parents (LAEP) financés par une prestation de service de la CNAF depuis 1996, suivis par les réseaux d’écoute, d’appui et d’accompagnement des parents (REAAP), créés en 1999 puis du parrainage de proximité, fondé sur une charte nationale signée en 2005.

Les REAAP forment la pierre angulaire de la politique d’aide à la parentalité : des parents volontaires se réunissent dans divers lieux afin d’échanger, de débattre, d’assister à des conférences ou de réaliser différentes activités avec leurs enfants. Les parents sont au cœur des réseaux, soit en initiant les projets menés, soit en animant concrètement les réunions. L’intervention des parents eux-mêmes complète donc celle des techniciens de l’intervention sociale et familiale (TISF).

L’aide à la parentalité peut aussi s’appuyer sur les contrats locaux d’accompagnement scolaire (CLAS) inaugurés en 2000 qui visent à favoriser le lien entre les parents et l’école ainsi que depuis 2003, sur des points info famille. La prestation de service « animation collective familles » de la CNAF et les aides aux vacances familiales attribuées par les CAF peuvent également contribuer à cette politique.

Enfin l’aide à la parentalité doit être mise en relation avec la médiation familiale, qui vise à prévenir la rupture familiale. La médiation est extrajudiciaire lorsqu’elle vise à prévenir les conflits familiaux ; elle est judiciaire lorsqu’elle tend à atténuer leurs conséquences dans l’intérêt des enfants. La médiation familiale se distingue des espaces de rencontre qui permettent aux enfants et aux personnes titulaires d’un droit de visite de se rencontrer dans un espace neutre en cas de séparation conflictuelle.

La Convention d’objectif et de gestion entre l’État et la CNAF pour 2013-2017 prévoit de faire de l’aide à la parentalité une priorité de la politique familiale par le doublement des crédits qui passent de 50 millions d’euros par an aujourd’hui à 100 millions d’euros en 2018. Mais cette hausse des montants financés par la CNAF pourrait être atténuée par des diminutions de crédits sur le budget de l’État, provenant du programme 101 « accès au droit et à la justice » relevant de la mission « Justice ». En tout état de cause, la COG prévoit un meilleur maillage du territoire par les lieux d’accueil enfants parents avec l’objectif d’un LAEP pour 3 500 enfants de 0 à 5 ans.

La COG n’institue pas de dispositifs nouveaux, mais approfondit les dispositifs existants en mettant l’accent sur l’importance du dialogue entre les CAF et les parents d’une part, entre les parents eux-mêmes d’autre part. La COG fixe en outre des objectifs d’augmentation du nombre de familles à bas revenus bénéficiaires de séjour de vacances sociales et prévoit d’accentuer le soutien aux centres de vacances partenaires des CAF dans l’accueil de publics ciblés (notamment handicapés).

Votre rapporteure relève qu’un effort en matière d’information du public sera engagé avec le développement de l’offre Internet dédiée à la parentalité et l’élaboration d’une stratégie de communication nationale. De plus l’animation des politiques d’aide à la parentalité sera revue afin de renforcer le rôle de la CNAF au niveau national et celui des CAF au niveau départemental.

Ces deux dernières mesures rejoignent certaines recommandations formulées récemment tant par la Cour des comptes, l’Inspection générale des affaires sociales et le Centre d’analyse stratégique (2). Votre rapporteure souhaite souligner qu’il conviendrait d’améliorer l’accès aux dispositifs existants. Il conviendrait d’informer sur le caractère anonyme ou volontaire des dispositifs, ce qui permettrait d’éviter qu’ils ne soient perçus comme destinés à des « parents incompétents ». De même il conviendrait de lier les dispositifs d’aide à la parentalité aux autres services accueillant les parents. Il pourrait s’agir d’implanter les services d’aide à la parentalité dans des services universels tels que l’école, la mairie, l’hôpital... Au Danemark par exemple, les parents peuvent être conseillés par les personnels des services d’accueil du jeune enfant, d’éducation ou de santé. Une autre solution consisterait à regrouper différents services dans un même lieu tels les « centres de la famille » de Toronto qui proposent à la fois services de garde, de pré-éducation et d’aide à la parentalité (3). En tout état de cause, une réflexion sur l’opportunité d’adosser à des services d’aide à la parentalité ouverts à tous des services spécialisés pour certains publics devrait être engagée.

c. Le renouveau de la politique en faveur de la jeunesse

Enfin, dans le champ de la jeunesse, qui recouvre l’ensemble des enfants de plus de trois ans et les adolescents, la CNAF va poursuivre d’offre d’accueil périscolaire et extrascolaire de qualité.

La branche famille participe en effet au financement des heures d’accueil des enfants âgés de 3 à 17 ans assurées par les accueils de loisirs sans hébergement (ALSH), à la fois sur le temps périscolaire et extrascolaire. Elle intervient par le biais d’une prestation de service dédiée ainsi que d’une prestation de fonctionnement pour les centres de loisirs et les séjours courts, et du contrat enfance et jeunesse.

La branche va accompagner la réforme des rythmes éducatifs dès la rentrée 2013 au moyen d’une ligne spécifique du FNAS qui montera en charge progressivement pour atteindre 250 millions d’euros à partir de 2015.

À titre exceptionnel la CNAF versera une participation financière au fonds d’amorçage de la réforme des rythmes éducatifs au titre de l’année 2014, à hauteur de 62 millions d’euros. À titre pérenne, la branche famille contribuera par le biais d’une prestation de service spécifique. Cette prestation sera versée aux accueils de loisirs organisés dans le cadre d’un projet éducatif territorial (PEDT) et aux accueils respectant la réglementation édictée par la branche famille.

L’aide destinée à participer au financement des heures de temps périscolaire supplémentaire induites par la réforme sera versée en fonction du nombre d’élèves fréquentant les accueils, dans la limite de trois heures par semaine et de 36 semaines par an.

Enfin, la CNAF va développer son offre de services en faveur de l’autonomisation des jeunes. L’« expérimentation nationale adolescents », lancée en 2010 a consisté à financer et soutenir des projets élaborés par et avec les adolescents, dans les domaines des loisirs, des vacances ou de l’engagement citoyen. Les premières remontées de bilan effectuées par la CNAF montrent que les lieux où se développent ces structures sont des quartiers le plus souvent très défavorisés. Les crédits alloués à cette expérimentation s’élevaient à 35 millions d’euros pour la période 2010-2012 ; le nouvelle COG permettra à la branche famille de consacrer 145 millions d’euros supplémentaires à l’appui des CAF volontaires et des centres sociaux partenaires.

B. FONCTIONNEMENT DES SERVICES : VERS UN PACTE DE CONFIANCE

Tout au long de la dernière législature, votre rapporteure a rendu compte des difficultés auxquelles étaient confrontés les services des caisses d’allocations familiales. Mal conçu, mal engagé, mal préparé, le transfert aux CAF de la gestion du revenu de solidarité active (RSA) dans un contexte de crise économique, sans moyens supplémentaires adaptés, a mis les CAF au bord du blocage. À l’alourdissement de la charge de travail et à la dégradation du service offert dans ce qui constitue le « cœur de métier » des CAF, s’est ajouté un sentiment d’abandon.

La nouvelle COG rompt avec cette approche aveugle qui caractérisait la « révision générale des politiques publiques ». La CNAF et les CAF vont disposer de moyens adaptés ; en retour elles seront mises à même de réaliser les économies requises par la participation de tous à l’effort commun de redressement des comptes publics. Ce « pacte de confiance » vise, in fine, à améliorer la qualité du service rendu aux usagers des CAF, donc à toutes les familles.

1. Aider les agents des CAF à améliorer le service

Le premier objectif de la COG 2013-2017 est de permettre à la branche d’être de nouveau en mesure de réduire les délais de traitement des dossiers en souffrance, ou les délais de prise de rendez-vous des usagers afin d’améliorer le service rendu.

La COG prévoit donc un renforcement des moyens humains des caisses sur les deux premières années à hauteur de 700 équivalents temps plein : aux nouveaux recrutements s’ajoutera donc le remplacement de tous les départs en retraite sur cette période.

Ces moyens supplémentaires seront prioritairement affectés à « l’atelier de régulation des charges », structure qui soutient plusieurs caisses en difficulté de réduction des stocks de dossiers et en mutualise les personnels sur l’accueil téléphonique et le traitement des prestations logement.

Une part de ces effectifs supplémentaires est recrutée sous forme d’emplois d’avenir. Il a été indiqué à votre rapporteure que sur les 400 recrutements envisagés, 265 sont d’ores et déjà opérationnels. Les jeunes recrutés en emplois d’avenir feraient preuve d’une solide motivation : ils bénéficient de l’ensemble du parcours de formation des agents des CAF et d’un tutorat par un agent expérimenté proche du départ en retraite. Les conditions d’accès à un emploi pérenne sont donc réunies.

Votre rapporteure souhaite souligner que le succès des recrutements en emploi d’avenir repose sur la qualité du partenariat entre la CAF, Pôle Emploi et les Missions locales. Il convient de saluer les caisses qui ont pris le temps de construire un projet avec des jeunes moins qualifiés que ceux que les caisses recrutent habituellement.

Mais la COG vise également l’objectif de dégager des marges d’efficience pour contribuer au redressement des comptes sociaux, en cohérence avec les orientations gouvernementales.

Aussi, la nouvelle COG 2013-2017 prévoit-elle que les effectifs de la branche devront diminuer de 1 000 équivalents temps plein moyens annuels (ETPMA) sur la période conventionnelle. Cette réduction sera atteinte par le non remplacement de départs en retraite et portera sur les effectifs en contrats à durée indéterminée, les effectifs en contrats à durée déterminée restant stables sur la période.

ÉVOLUTION PRÉVISIONNELLE DES EFFECTIFS DE LA BRANCHE

 

2013

2014

2015

2016

2017

Total

Effectifs de gestion administrative

500

200

-500

-600

-339

-739

Effectifs d’action sociale

-18,5

-66

-68,5

-55

-53

-261

Total

481,5

134

-568,5

-655

-392

-1000

Source : COG 2013-2017.

Or ce cadrage d’ensemble pourra toutefois être ajusté : un état des lieux sera conduit par l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et l’Inspection générale des finances (IGF) au premier semestre 2015 pour apprécier l’évolution des charges de travail et la mise en œuvre des mesures visant à améliorer l’efficience du réseau. Selon l’ampleur des gains d’efficience réalisés par la branche, une restitution d’effectifs supplémentaires, qui pourrait être de l’ordre de 300 équivalents temps pleins, pourra être décidée.

La restitution de poste est donc politiquement gagée sur des gains d’efficience qui se fondent sur une série d’actions prévues par la COG, visant à générer des gains de productivité pour l’ensemble de la branche.

Le développement des téléprocédures constituera une source d’efficience pour la branche en permettant la récupération automatisée de certaines données auprès des tiers, l’expérimentation de liquidations automatiques sécurisées ou de nouvelle solution progicielle de gestion des documents papier et électroniques.

La COG prévoit le renforcement des mutualisations entre les caisses : des schémas régionaux de mutualisation seront déployés dans toute la branche comportant des champs de mutualisation obligatoires. Lors d’une visite, menée dans le cadre de ses travaux, à la CAF de Chartres, votre rapporteure a pu mesurer l’intérêt des dispositifs de mutualisation qui permettent aux caisses les moins tendues de venir en soutien des caisses les plus sollicitées, par le traitement à distance des dossiers ou le transfert des accueils téléphoniques.

La COG fixe également des engagements de réduction des écarts de coûts entre caisses sous l’impulsion d’un pilotage national mis en place dès 2013.

Ces mesures se fondent sur une réorganisation profonde de la fonction informatique qui fait sienne l’ensemble des remarques figurant dans le rapport de la Cour des compte sur la sécurité sociale de 2012. Une enveloppe de 477 millions d’euros est dédiée au plan national informatique 2013-2017, logiquement concomitant de la COG.

Enfin, les autres dépenses de fonctionnement s’inscriront, comme pour l’ensemble des services publics, dans un objectif de diminution de 15% sur les quatre premières années de la COG : il s’agit aussi d’une garantie de mise en œuvre effective des objectifs de restitution de postes, qui pourront moins facilement se voir, dans les faits, détournés par le recours à l’intérim ou à l’externalisation, financés sur le budget de fonctionnement mais non lisibles dans les états des effectifs.

Si des efforts supplémentaires peuvent être attendus de la part des services des caisses, en retour le législateur et le pouvoir réglementaire doivent alléger la charge de travail en simplifiant les prestations familiales complexes.

Ainsi, des travaux tendant à simplifier l’attribution des aides au logement seraient en cours, visant à supprimer progressivement l’attestation de loyer comme pièce justificative nécessaire à l’ouverture du droit, pour la remplacer par des procédures de contrôle. Concernant la simplification de la prestation d’accueil du jeune enfant, votre rapporteure note avec satisfaction que la suppression de la condition d’un minimum de revenu pour satisfaire à la condition d’activité du complément de mode de garde (CMG), figurant à l’article 58 du présent projet de loi de financement constitue une première mesure de simplification.

2. Faciliter l’accès des familles aux services des CAF

L’amélioration des conditions de travail dans les caisses doit se traduire par l’amélioration du service aux usagers. Rien n’est plus défavorable au lien de confiance entre les familles et les CAF que les situations de fermeture au public certains jours de la semaine, voire parfois plusieurs semaines par mois, de CAF qui consacrent alors tous leurs effectifs à la diminution des stocks de dossiers.

Gage d’efficience, le développement des téléservices et des téléprocédures enrichira l’offre de service pour les allocataires : l’objectif d’une offre « 100 % dématérialisée » sera proposée à l’ensemble des allocataires avant fin 2014. De nouvelles téléprocédures seront proposées, à l’exemple la déclaration de grossesse en ligne en début d’année prochaine.

De même, les échanges informatiques entre organismes de sécurité sociale simplifieront les démarches pour les assurés en allégeant la fourniture des pièces justificatives qui seront recueillies directement auprès des administrations ou des tiers.

La relation aux usagers passe ensuite par l’amélioration de la qualité de la réponse à ses demandes sur les différents points de contact : accueil physique, téléphone, courriel. La CNAF va structurer l’accueil en quatre niveaux en l’adaptant aux attentes des allocataires : elle distinguera mieux l’information générale, les informations personnalisées, la gestion des dossiers complexes et enfin l’accompagnement personnalisé.

Lors de sa visite de la CAF de Chartres, votre rapporteure a pu constater que le redimensionnement de l’accueil physique constitue une voie d’amélioration prometteuse. La caisse a recentré l’accueil physique en agence sur des accueils sur rendez-vous: l’allocataire a ainsi la certitude d’être reçu à l’heure et pour la durée prévue, ce qui allège considérablement la contrainte du déplacement à la caisse.

Cet effort se double d’une démarche volontariste pour garantir l’accès aux droits : conformément au plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale, 100 000 « rendez-vous des droits » seront organisés pour un accompagnement renforcé à l’accès aux droits sociaux.

Enfin un effort tout particulier sera engagé pour garantir la qualité du traitement des droits et assurer le juste paiement et, ainsi, prévenir les situations d’indus. Votre rapporteure souhaite que dans les cas d’indus, la CNAF veille à une plus grande harmonisation des critères de décision des remises de dettes et engage une réflexion pour définir un barème de recouvrement plus progressif permettant de mieux préserver le reste à vivre pour les personnes les plus défavorisées tout en maintenant l’efficacité financière globale du barème actuel.

III. LA CONTRIBUTION DES UNIONS D’ASSOCIATIONS FAMILIALES

Dans le cadre de ses travaux, votre rapporteure a souhaité mieux cerner la contribution à l’évolution de nos politiques familiales d’un acteur incontournable: les unions d’associations familiales rassemblées au plan national dans l’Union nationale des associations familiales (UNAF) et dans les unions départementales d’associations familiales (UDAF). À cette fin, votre rapporteure a pu conduire des échanges d’une grande qualité avec les représentants de l’UNAF et de différents mouvements familiaux, et elle tient à les en remercier.

Les unions sont les interlocuteurs officiels des pouvoirs publics pour l’ensemble des aspects de la politique familiale. Elles bénéficient de prérogatives et de financements destinés tant à leurs compétences propres qu’au soutien des associations familiales qui les composent.

L’action de l’UNAF et des UDAF, reconnue par la loi, est le fruit de toute l’histoire de la construction de notre politique familiale depuis l’après-guerre. Votre rapporteure estime que sa contribution à notre politique familiale doit également s’appuyer sur le dynamisme continu des associations familiales qui passe par leur adaptation aux besoins renouvelés des familles, dans leur diversité.

Le financement public important attribué à l’UNAF et aux UDAF les engage. Il permet aujourd’hui de développer des actions partagées au service des familles mais le dialogue de gestion initié avec les pouvoirs public peut être approfondi.

A. UN STATUT SEMI-PUBLIC, UN RÔLE EN ÉVOLUTION

1. L’institutionnalisation du mouvement familial

L’UNAF et les UDAF sont nées de la volonté du législateur d’organiser le dialogue entre les familles et les pouvoirs publics.

Par l’ordonnance n°45-323 du 3 mars 1945, le Gouvernement provisoire de la République française a souhaité fonder une politique familiale ambitieuse sur une institution chargée de promouvoir, défendre et représenter les intérêts de l’ensemble des familles quelles que soient leurs croyances ou leur appartenance politique (4). Le mouvement familial est ainsi organisé par la loi et structuré par des unions.

● Les associations familiales

La loi a d’abord donné une définition des associations familiales, aujourd’hui codifiée à l’article L. 211-1du code de l’action sociale et des familles : il s’agit « d’associations déclarées librement, créées dans le cadre de la loi du 1er juillet 1901, qui ont pour but essentiel la défense de l’ensemble des intérêts matériels et moraux, soit de toutes les familles, soit de certaines catégories d’entre elles ».

Des critères précis distinguent les associations familiales des associations à simple but familial. Jusqu’en 2013, la qualité d’association familiale était restreinte aux associations à but familial regroupant « des familles constituées par le mariage et la filiation » ou «des couples mariés sans enfant » ou « toutes personnes physiques soit ayant charge légale d’enfants par filiation ou adoption, soit exerçant l’autorité parentale ou la tutelle sur un ou plusieurs enfants dont elles ont la charge effective et permanente ».

Le législateur a récemment revu ces critères, établis de longue date, afin de mieux tenir compte de l’évolution des familles. La loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 a élargi le champ des associations familiales aux associations regroupant des familles constituées par un pacte civil de solidarité et aux couples sans enfants liés par un pacte civil de solidarité. Ajoutée à la reconnaissance du droit au mariage pour les couples de même sexe, l’intervention du législateur en 2013 a donc levé les derniers obstacles à la reconnaissance comme associations familiales des mouvements associatifs représentant les familles comportant des couples de même sexe. Votre rapporteure se félicite de cette évolution.

Conformément à l’article L. 211-4, les associations adhèrent en toute liberté à une union départementale : l’union départementale est elle-même une association composée exclusivement de personnes morales. Par l’intermédiaire des UDAF, les associations participent à une union nationale : l’UNAF.

Les associations peuvent, en outre, choisir de s’affilier à des mouvements nationaux, qui ont eux-mêmes la possibilité d’adhérer à l’UNAF depuis la loi n° 75-629 du 11 juillet 1975.

Les unions doivent veiller à ce que les associations candidates satisfassent aux critères établis par la loi. Depuis 2013, le législateur a précisé que les UDAF ne peuvent refuser l’adhésion des associations qui remplissent les critères légaux. En outre, l’article L. 211-12 prévoit que le ministre chargé de la famille peut, à la demande de tout intéressé, ou d’office, suspendre ou, après avis du comité consultatif de la famille, annuler, toute adhésion ou tout refus d’adhésion aux unions qu’il estimerait contraire aux dispositions définissant le caractère familial d’une association.

● Les unions : l’interlocuteur des pouvoirs publics

Si les associations familiales se créent et s’organisent librement, les unions d’associations familiales sont des organismes associatifs semi-publics.

L’article L. 211-7 soumet les statuts et le règlement intérieur des unions départementales à l’agrément de l’union nationale et pour l’union nationale, à l’agrément du ministre chargé de la famille. Les unions disposent des mêmes pouvoirs et des mêmes avantages que ceux reconnus aux établissements d’utilité publique.

L’institutionnalisation de la représentation des familles par les unions se fonde sur l’article L. 211-3 qui fournit pleine habilitation législative à l’UNAF et aux UDAF pour :

– donner leur avis aux pouvoirs publics sur les questions d’ordre familial et leur proposer les mesures qui paraissent conformes aux intérêts matériels et moraux des familles ;

– représenter officiellement auprès des pouvoirs publics l’ensemble des familles et notamment désigner ou proposer les délégués des familles aux divers conseils, assemblées ou autres organismes institués par l’État, la région, le département, la commune ;

– gérer tout service d’intérêt familial dont les pouvoirs publics estimeront devoir leur confier la charge ;

– exercer devant toutes les juridictions, sans avoir à justifier d’un agrément ou d’une autorisation préalable de l’autorité publique, l’action civile relativement aux faits de nature à nuire aux intérêts moraux et matériels des familles, y compris pour les infractions prévues par l’article 227-24 du code pénal (5).

Enfin, un financement public a été institué, longtemps organisé par le décret n°51-944 du 19 juillet 1951. Il est aujourd’hui défini à l’article L. 211-10 du code de l’action sociale et des familles, réformé en dernier lieu par la loi de financement pour 2005, qui prévoit que les unions d’associations familiales sont financées par un fonds spécial versées par la CNAF et la MSA. Les montants de référence comme les modalités d’indexation sont définis par le législateur ce qui constitue une garantie d’autonomie.

L’État dispose ainsi d’un interlocuteur qui ne dépend pas de lui et qui a vocation à représenter « l’intérêt général familial ». Les unions parlent en effet au nom de l’ensemble des familles et non de leurs seuls adhérents. Elles servent d’intermédiaire entre les familles et les pouvoirs publics : les représentants de l’UNAF auditionnés par votre rapporteure lui ont indiqué que l’union se considère ainsi comme un outil de régulation de la vie sociale.

Saisi de la constitutionnalité des dispositions de l’article L. 211-3 conférant aux unions la compétence de représenter officiellement les familles auprès des pouvoirs publics, le Conseil constitutionnel, par la décision QPC n° 2010-3 du 28 mai 2010, a considéré qu’en reconnaissant la représentativité de l’union nationale et des unions départementales, le législateur a poursuivi un but d’intérêt général, consistant à assurer auprès des pouvoirs publics une représentation officielle des familles au travers d’une association instituée par la loi regroupant toutes les associations familiales souhaitant y adhérer. Ces dispositions ne constituent donc pas une atteinte disproportionnée aux principes d’égalité ou de liberté d’expression. Pourtant, l’attribution par le législateur de ces compétences ne constitue pas une obligation d’ordre constitutionnel.

Les fonctions de représentation de familles

En 2013, l’UNAF est membre du Haut conseil à la famille, du Conseil économique, social et environnemental et des conseils d’administration des caisses de sécurité sociale. Elle est en outre représentée dans environ 130 instances couvrant les domaines de la culture, la santé, la famille, l’enfance, la jeunesse, la vieillesse, l’éducation, l’habitat et le cadre de vie, la cohésion sociale et la vie quotidienne, l’économie, l’emploi et la formation professionnelle.

En 2012, les UDAF ont assuré 17 973 postes de représentants familiaux siégeant dans 6 114 instances intervenant dans les mêmes domaines que l’UNAF. Elles siègent ainsi dans les différentes commissions intéressant les personnes handicapées, les jeunes enfants ou intervenant en matière de logement ou de traitement du surendettement des particuliers. Elles siègent dans tous les centres communaux d’action sociale (CCAS).

La représentation des UDAF est principalement assurée par leurs administrateurs. Mais d’autres personnes peuvent également être désignées et il s’agit parfois de salariés des UDAF. Les représentants de l’UNAF, auditionnés par votre rapporteure, lui ont indiqué que suite à une délibération du conseil d’administration 2006, seuls des administrateurs exercent le rôle de représentant de l’UNAF au niveau national ; mais des salariés peuvent être amenés à les suppléer.

Les statuts de l’UNAF comportent depuis 2013 une nouvelle disposition visant à encadrer les relations entre l’union et ses représentants : elle prévoit que les représentants doivent rendre compte du fonctionnement et des prises de positions de l’instance dans laquelle ils sont appelés à siéger pour le compte d’une union ; en retour l’union doit communiquer les informations nécessaires à son représentant pour le mettre en mesure d’exercer effectivement les missions qui lui sont confiées.

De manière générale, les mandats de représentation sont attribués par appel à candidature : les associations adhérentes peuvent donc se faire entendre dans les instances qui correspondent à leurs centres d’intérêt.

Au titre de la compétence de gestion de tout service d’intérêt familial, les UDAF gèrent un nombre important de services à finalité sociale et judiciaire. Elles constituent ainsi le premier opérateur associatif dans le secteur de la protection des majeurs avec 43 % des mesures de protection juridique des majeurs attribuées à des associations et 66 % des mesures judiciaires d’aide à la gestion du budget familial.

Dès 1976, les statuts de l’UNAF ont inclus au niveau régional un échelon supplémentaire : les unions régionales (URAF). Mais les URAF ne disposent toujours pas d’une reconnaissance législative. Une disposition en ce sens a été introduite par amendement parlementaire à l’article 129 du texte adopté en mars 2012 de  la proposition de loi relative à la simplification du droit et à l’allégement des démarches administratives, dite « Warsmann », mais cette disposition a été censurée par le Conseil Constitutionnel pour absence de lien, même indirect, avec celles qui figuraient dans la proposition de loi. Si votre rapporteure estime que cette reconnaissance est en cohérence avec le renforcement de l’échelon régional, et permettrait de légitimer la représentation des associations familiales auprès des pouvoirs publics concernés, la reconnaissance d’un niveau régional devrait se faire dans une réflexion d’ensemble sur les échelons et leurs missions afin d’éviter les « doublons » et la bureaucratisation.

Une représentation des familles balbutiante au plan européen

Le modèle français d’un mouvement familial fortement structuré et reconnu comme interlocuteur des pouvoirs publics est sans comparaison en Europe.

Au Royaume-Uni, de nombreuses associations à but familial apparaissent plutôt comme opératrices d’un marché de services spécialisé : aucun « intérêt familial général » ne les unit. Mais une «alliance pour la politique familiale » (Family policy Alliance) s’est constituée en 2004 qui rassemble des groupe militants de la protection de l’enfance en danger.

Dans le Sud de l’Europe et en Allemagne, il n’y a pas de champ familial structuré mais des associations fortement liées aux églises. On constate alors que des revendications éthiques centrées sur le droit civil de la famille prévalent sur les revendications sociales fondées sur leurs conditions de vie. On comprend que dès lors les mouvements associatifs s’effacent devant les églises elles-mêmes comme interlocuteur privilégié des pouvoirs publics.

Diverses associations à but familial sont fédérées au plan européen dans le cadre de la COFACE, confédération familiale des organisations familiales de l’union, créée sur initiative Belge en 1958 et dont le siège est à Bruxelles. La COFACE rassemble 58 associations familiales issues de 23 États-membres, parmi lesquelles 6 associations belges, 8 associations espagnoles et 13 associations françaises, dont l’UNAF et 11 associations elles-mêmes membres de l’UNAF.

La COFACE a organisé des échanges sur des thèmes tels que l’équilibre entre travail et vie privée, le bien-être des enfants, la solidarité intergénérationnelle, les familles migrantes, les personnes handicapées et dépendantes, l’égalité des sexes et la protection des consommateurs.

Enfin, le sommet européen des 8 et 9 mars 2007 a décidé la création de « l’Alliance européenne pour les familles », un organisme dépendant de la Commission et dont le but est de favoriser l’échange d’informations et la coopération entre les pays membres sur les bonnes pratiques de politique familiale. Mais il s’agit d’un pôle d’expertise qui n’est pas directement relié aux associations familiales européennes.

Aux compétences des unions déterminées par la loi s’ajoute un pouvoir de définition autonome de leur champ d’intervention. Les statuts de l’UNAF précisent que le domaine de compétence de l’union s’étend à tous les domaines de la vie des familles, et notamment, l’enfance et la jeunesse, l’habitat, l’emploi, l’éducation, la protection sociale, l’environnement, la santé, la consommation, l’économie, l’autonomie et la dépendance, le handicap, le développement durable, les médias et les usages numériques (alinéa 9 de l’article 2).

Votre rapporteure constate en effet qu’aux termes de l’article L 211-3 du code de l’action sociale et des familles, le législateur n’a pas posé de limite à la mission des unions d’associations familiales de représentation des familles auprès des pouvoirs publics et de proposition de mesures visant leurs intérêts matériels et moraux. Cependant, des thématiques très différentes peuvent aisément être qualifiées de « familiales » : il convient donc de veiller à ne pas s’exposer à un risque de dispersion trop important.

● Fédérer les mouvements familiaux

Chargé de représenter l’ensemble des familles, les unions, au plan départemental comme au plan national, doivent en premier lieu garantir le maintien de l’unité du mouvement familial malgré les divergences d’ordre politique ou social qui le traversent, à l’image de toute la société.

La fonction institutionnelle de représentation des familles explique l’attractivité des unions vis-à-vis de courants familiaux très divers. La légitimité des unions repose aussi sur leur capacité à produire de l’adhésion et du consensus dans le cadre de la préparation des réformes des politiques familiales.

Aussi, une certaine modération dans l’expression et une recherche de la neutralité politique constituent la première qualité des dirigeants des unions : elle garantit leur capacité à fédérer.

L’UNAF rassemble en effet 70 mouvements familiaux. Ils sont statutairement répartis en deux catégories : les membres actifs sont constitués de sept mouvements à recrutement général et de 19 mouvements à recrutement spécifique ; les membres associés à l’UNAF rassemblent 44 mouvements nationaux. L’UNAF et les UDAF associent les organismes qui ne satisfont pas à l’ensemble des critères relatifs aux associations familiales pour participer à l’ensemble de l’action familiale.

Les mouvements à recrutement général, par leur nature, traitent de manière générale l’ensemble des sujets liés à la vie des familles, tout en portant des opinions et des points de vue diversifiés. Ils puisent leur engagement à des sources philosophiques diverses, certaines confessionnelles, d’autres laïques : leur rassemblement dans une union nationale est un gage de cohésion. Chacun d’entre eux s’est illustré dans l’histoire du mouvement familial par des engagements particuliers qui ont contribué à faire progresser la politique familiale, par exemple en matière d’aide au logement, d’accompagnement des parents ou de décentralisation.

Votre rapporteure constate que la diversité des composantes de l’UNAF constitue encore sa principale richesse. Elle la doit au demeurant à l’intervention du législateur qui, par la loi n° 75-629 du 11 juillet 1975, a intégré les mouvements familiaux en tant que tels au sein des conseils d’administration de l’UNAF, alors que seuls les représentants des UDAF y étaient présents jusqu’alors.

La richesse apportée par les inspirations diverses des mouvements familiaux se double de la diversité des mouvements à recrutement spécifique : leur objet familial est circonscrit à des sujets éducatifs, professionnels, sociaux ou liés à la composition familiale, par exemple la condition paternelle, la gémellité ou les foyers monoparentaux. Cette même diversité se retrouve dans les unions départementales.

● La singularité du suffrage familial

L’article L. 211-9 du code de l’action sociale et des familles prévoit qu’au sein des unions départementales, chaque association familiale dispose d’un nombre de suffrages pondéré en fonction de la composition des familles adhérentes. Ainsi chaque association compte une voix pour chacun des pères et mères ou chacun des conjoints, ou pour la personne physique exerçant l’autorité parentale ou la tutelle ; une voix par enfant mineur vivant (6); une voix supplémentaire par groupe de trois enfants mineurs ; une voix par enfant mort pour la France.

Votre rapporteure constate que ce vote se distingue de la règle commune : une personne, une voix. La pondération est très favorable aux familles composées d’un couple avec plus de trois enfants.

Si une « prime électorale » existe pour les familles nombreuses, c’est qu’il s’agit de tenir compte du niveau de la charge de famille Or cette pondération ne tient dès lors pas compte des contraintes pesant sur les parents isolés. Alors que les plafonds de ressources applicables aux prestations familiales sous conditions de ressources prennent en compte, au moyen d’une majoration, les difficultés liés à la situation de devoir assumer seul(e) la charge des enfants, les parents isolés ne disposent que d’une seule voix alors que les couples disposent de deux voix. Une réflexion pourrait donc être engagée pour simplifier ou adapter les dispositions actuellement applicable au suffrage familial.

La composition du conseil d’administration de l’UNAF

La majorité des 40 membres sont des membres élus, au suffrage familial, en assemblée générale par les seuls présidents des UDAF.

18 membres sont désignés par les mouvements familiaux nationaux adhérents : 12 par les sept mouvements à recrutement général à raison de deux postes pour cinq d’entre eux et d’un poste pour deux d’entre eux. Six postes sont pourvus par les dix-neuf mouvements à recrutement spécifique répartis à raison de deux sièges pour les mouvements familiaux de type « éducatif ou professionnel », deux sièges pour les mouvements familiaux de type « sociaux » et deux sièges pour les mouvements familiaux regroupant des familles monoparentales.

Ces modalités de répartition, pour les mouvements à recrutement spécifique, ont été fixées par le Conseil des Mouvements en 1976, à l’issue de la réforme de 1975.

Les récents statuts-type des UDAF adoptés par l’UNAF en assemblée générale laissent le soin à chacune d’elles d’organiser les modalités de représentation des différents mouvements au conseil d’administration, selon ses particularités.

Leur structuration par la voie des unions a permis aux associations familiales de jouer un rôle important dans le développement de notre politique familiale.

Ainsi, dès les années 1950 par exemple l’UNAF a développé des outils spécifiques d’expertise afin de ne pas dépendre des pouvoirs publics pour l’analyse de la situation des familles et de l’efficacité des politiques familiales. Sa capacité à évaluer régulièrement le « budget des familles », fondée sur l’élaboration de « budgets types », lui a par exemple permis de soutenir la revendication d’une revalorisation régulière des montants des allocations familiales.

La fonction de représentation a permis d’établir un dialogue direct, parfois étroit, avec l’ensemble des pouvoirs publics et au premier chef avec les ministres en charge de la famille voire avec certains premiers ministres ou Présidents de la République. Ce dialogue institutionnel est un trait caractéristique de la politique familiale en France qui contribue à sa pérennité.

EFFECTIFS DES MOUVEMENTS FAMILIAUX NATIONAUX ET DES ASSOCIATIONS NON FÉDÉRÉES EN NOMBRE DE FAMILLES ADHÉRENTES POUR L’ANNÉE DE VOTE 2013 (ARRÊTÉS AU 31-12-2012)

Mouvements Familiaux Nationaux

Familles adhérentes

(au 31/12/2012)

Mouvements familiaux nationaux à recrutement général

Associations Familiales Protestantes

4 980

Confédération Nationale des Associations Familiales Catholiques

27 186

Confédération Syndicale des Familles

27 140

Familles Rurales

142 727

Familles de France

53 868

Conseil National des Associations Familiales Laïques

21 732

Union des Familles Laïques

2 109

Sous-total

279 742

Mouvements familiaux nationaux à recrutement spécifique « Éducatifs et Professionnels »

Union Nationale des Maisons Familiales Rurales d’Éducation et d’Orientation

63 672

Association des Familles du Personnel de la Banque de France

2 381

La Famille du Cheminot

4 113

Association Familiale de la Batellerie

84

Fédération Nationale des Associations Familiales Maritimes

148

Union Nationale des Associations ADMR (Association du Service à Domicile)

94 138

Sous-total

164 536

Mouvements familiaux nationaux à recrutement spécifique « Sociaux »

Union Nationale des Association de Parents et Amis de Personnes Handicapées Mentales

38 553

Fédération Nationale des Associations de Parents d’Enfants Déficients Auditifs

313

Fédération Nationale des Associations de Parents d’Enfants Déficients Visuels et de leurs Amis

68

Association Nationale des Parents d’Enfants Aveugles ou Gravement Déficients Visuels avec ou sans Handicaps Associés

260

Enfance et Familles d’Adoption – Fédération Nationale des Associations de Foyers Adoptifs

7 664

UNAFAM – Union Nationale de Familles et Amis de Personnes Malades et/ou Handicapées Psychiques

11 080

Fédération Nationale de la Médaille de la Famille Française

3 450

Fédération Jumeaux et Plus

10 438

Aide aux Toxicomanes et Familles

161

Association des Paralysés de France

11 365

Association Nationale Jonathan Pierres Vivantes

1 010

Sous-total

84 362

Mouvements familiaux nationaux à recrutement spécifique « Familles Monoparentales »

Fédération des Associations de Conjoints Survivants et Parents d’Orphelins

21 364

Fédération Syndicale des Familles Monoparentales

474

Sous-total

21 838

ASSOCIATIONS NON FEDÉRÉES

Sous-total

152 758

TOTAL

703 236

Source : UNAF / SIF – 31 mai 2013.

2. La nécessaire mobilisation des associations familiales dans leur diversité

La contribution des unions à la politique familiale ne se réduit cependant pas aux échanges avec les « sommets de l’État ». Elle se fonde aussi sur la richesse des initiatives issues du monde associatif.

Votre rapporteure souhaite donc souligner les atouts du mouvement associatif familial : ancré dans la longue histoire des mouvements d’entraide familiale, il permet d’apporter des réponses, « depuis la base » aux besoins des familles ; il contribue ainsi à renforcer le lien social et est porteur d’innovation sociale.

Mais les associations familiales, comme l’ensemble du mouvement associatif, sont confrontées à des défis importants. Il revient aux unions de leur apporter l’aide et l’appui nécessaires pour y faire face.

● L’évolution des effectifs de familles adhérentes

Comme l’indique le tableau ci-dessous, le nombre de familles adhérentes aux associations membres des UDAF baisse depuis plus de dix ans.

En 2004, dans une insertion de son rapport public annuel consacrée aux unions, la Cour des comptes avait relevé que les 767 000 familles adhérentes représentaient 12% du nombre de familles allocataires de prestations familiales. Depuis lors, l’effectif des familles adhérentes a diminué de 10 % alors que le nombre de familles allocataires s’est accru : la part des familles adhérentes dans le nombre de familles avec enfant vivant sur le territoire français est logiquement passé sous le seuil de 10 %.

EFFECTIFS DES ADHÉRENTS DES ASSOCIATIONS FAMILIALES MEMBRES DE L’UNAF

 

2001

2005

2011

Évol. 2005-2011

Évol 2001-2011

Mouvement à recrutement général

369 289

320 854

287 066

-10,5 %

-22,3 %

Mouvement à recrutement spécifique

295 386

301 653

281 520

-6,5 %

-4,7 %

dont « éducatifs et professionnels »

-

158 679

166 387

+4,9 %

 

dont « sociaux »

-

106 133

89 129

-16 %

 

dont « familles monoparentales »

-

36 841

26 004

-29,4 %

 

Association non fédérées

153 595

144704

146 382

+1,2 %

-4,7 %

TOTAL

818 270

767 211

714 968

-6,8 %

-12,6 %

Source : UNAF – SIF, effectifs arrêtés au 31 décembre.

Le mouvement familial, comme l’ensemble du mouvement associatif, doit donc faire face à la crise du bénévolat qui réduit la part du militantisme ou contribue à son vieillissement, accroissant la part des membres retraités.

Votre rapporteure considère donc que le premier défi des unions consiste à améliorer la mobilisation des associations familiales, tant en aidant les associations adhérentes à accroître leurs effectifs qu’en sollicitant de nouvelles adhésion et de nouvelles vocations associatives.

Pour votre rapporteure, l’augmentation des effectifs de familles adhérentes constitue, in fine, le meilleur critère d’adaptation des associations membres des unions aux évolutions des familles et de leurs besoins.

Dans son rapport précité, la Cour des comptes avait en outre considéré que la répartition géographique des familles était perfectible, les zones rurales étant surreprésentées par rapport aux zones urbaines. Elle relevait que l’association Familles rurales regroupait alors 46 % du total des familles adhérentes aux mouvements à but et à recrutement généraux. En 2012, cette part s’est encore accrue, atteignant 51 % des effectifs des adhérents aux mouvements généraux.

Mais si l’on prend en compte l’ensemble des familles adhérentes à l’UNAF, y compris les mouvements à recrutement spécifique, la part de ce mouvement n’est que de 20%. Selon les représentants de Familles rurales, auditionnés par votre rapporteure, il s’agit donc moins de pointer une « surreprésentation » des territoires ruraux, au demeurant de plus en plus souvent rurbains, que de relever la sous-représentation des zones urbaines, et notamment des quartiers de périphériques des grandes villes. Votre rapporteure fait sienne cette approche.

Votre rapporteure souhaite donc que l’UNAF et les UDAF concernées s’engagent pleinement dans une démarche tendant à renforcer la mobilisation des familles dans les zones les plus urbanisées. À cette fin, les unions d’associations familiales doivent s’appuyer sur la richesse des initiatives associatives et la diversité des opinions qu’elles représentent.

● L’évolution des associations adhérentes

Dans son rapport de 2004, la Cour pointait également la surreprésentation d’associations qui incluent des structures prestataires de services rémunérés, par exemple en matière d’aide au maintien à domicile en milieu rural. Votre rapporteure a souhaité faire le point sur cette question du « périmètre » des associations familiales à prendre en compte.

Certes, la Cour des comptes a pu relever que certains mouvements ont une conception large de l’association familiale en y incluant des structures prestataires de services rémunérés ce qui peut avoir pour conséquence d’augmenter le nombre de leurs membres de tous les bénéficiaires de ces services. Indéniablement, on ne saurait mettre sur le même plan les démarches d’adhésion volontaires et celles qui s’effectuent automatiquement, suite au recours à un service et sans que l’adhérent n’en soit pleinement conscient. Mais de telles situations ne sont manifestement pas généralisées.

Au contraire, les logiques de services telles que l’accueil du jeune enfant ou l’aide à domicile font partie intégrante des besoins des familles et en y répondant, les membres des associations familiales sont pleinement qualifiés pour parler au nom des familles. Il semble que l’UNAF ait longtemps été réticente à s’ouvrir pleinement à des associations dont l’objet premier est de gérer un service pour les familles car elle redoutait, de façon bien compréhensible, une « dérive gestionnaire » par opposition à l’engagement militant. Mais ces réticences semblent levées depuis une dizaine d’années. Ainsi l’Association des collectifs d’enfants parents professionnels (ACEPP) qui fédère les crèches parentales associatives, est membre de l’UNAF depuis décembre 2003.

Votre rapporteure estime que si le dispositif institutionnel de l’UNAF et des UDAF accorde toujours une certaine primauté aux mouvements familiaux « à recrutement général » l’évolution des effectifs des associations et des besoins des familles doit les rendre plus attentifs à la fois aux causes spécifiques mais aussi aux logiques de services qui sont, de fait, de plus en plus présentes en son sein.

S’il convient de prémunir les associations familiales de toute dérive gestionnaire, il faut en premier lieu intégrer davantage les innovations associatives, notamment dans le domaine des services aux familles, afin de mieux appuyer le travail de promotion générale de la famille. La place des services dans les associations familiales constitue donc une ressource militante.

On peut également considérer que certains services institutionnalisés dans le cadre des délégations de services publics conférées aux UDAF elles-mêmes, en particulier le service aux tutelles aux prestations familiales, sont parfois un facteur de bureaucratisation. Elles peuvent détourner les UDAF du soutien aux services innovants initiés par des associations familiales du département. Mais votre rapporteure souligne qu’ils leur permettent également d’observer de près les évolutions des relations intrafamiliales.

● Soutenir et appuyer les associations familiales

Votre rapporteure estime que les unions d’associations familiales doivent remplir de façon croissante un rôle d’appui technique et de mise en réseau des associations familiales afin d’encourager la mobilisation des familles dans l’action associative si utile à notre politique familiale.

Les associations familiales sont en effet confrontées à une exigence de technicité croissante et parfois, de façon excessive, à des mises en concurrence qui les assimilent abusivement à des opérateurs de marchés alors qu’elles rendent des services sociaux d’intérêt général.

Les unions doivent donc apporter aux associations membres un soutien en matière logistique et d’expertise, par exemple lorsqu’elles sont confrontées aux exigences de réactivité, de maitrise réglementaire et d’évaluation de la qualité en cas de mise en concurrence pour l’attribution d’un marché de service dont l’objet serait à but familial.

Les responsables de l’UNAF auditionnés par votre rapporteure ont fait état des actions qu’ils engagent à des fins d’animation du réseau des représentants familiaux et des unions d’associations familiales et pour leur apporter un soutien en matière de formation. Ils ont présenté à votre rapporteure les grandes lignes du projet institutionnel de l’UNAF, précisées dans l’encadré ci-dessous, qui rejoignent les préoccupations de votre rapporteure.

L’UNAF est engagée dans la réalisation du projet institutionnel voté en 2008 à une très large majorité, qui a déterminé de grandes orientations stratégiques pour permettre à l’institution familiale d’avancer. Elle s’est fixée pour objectifs de :

– garantir la qualité du service rendu aux familles. Le principe de l’accompagnement, des audits et du contrôle réalisé par l’UNAF auprès des services des UDAF qui avait été acté dans ce cadre, a trouvé son prolongement dans la récente réforme de ses statuts ;

– donner une nouvelle dynamique au réseau, par le développement de mutualisation de moyens. C’est dans cette perspective qu’elle anime un nombre important de groupes de travail internes et qu’elle coordonne la réalisation d’outils communs ;

– valoriser la représentation familiale;

– investir dans la formation. Afin de répondre aux besoins des bénévoles et aux exigences légales de qualification des personnels, l’UNAF intervient par le biais de son organisme de formation, l’UNAFOR, certifié Iso 9001. Il est agréé par l’État pour dispenser des formations et décerner les certificats nationaux de compétence ;

– susciter l’envie de rejoindre le réseau. Afin de mobiliser de nouvelles associations adhérentes dans les unions et de donner aux associations familiales les moyens d’augmenter les adhésions des familles et d’accroître leur activité, l’UNAF a engagé un travail sur le développement associatif. Des groupes de travail ont été constitués et devront présenter leurs travaux lors de l’assemblée générale de l’UNAF de 2014.

À cette fin, votre rapporteure considère qu’une des clés du succès du projet institutionnel du réseau des unions passe par l’amélioration constante du partenariat formalisé depuis 2005 avec l’État lors de la réforme du fonds spécial finançant les associations familiales.

B. LA RÉFORME DU FINANCEMENT DES UNIONS D’ASSOCIATIONS FAMILIALES : UN LEVIER DE MOBILISATION

Si les dispositions légales régissant le statut des unions d’associations familiales ne relèvent pas des lois de financement de la sécurité sociale, le législateur financier est bien compétent en matière de financement des unions. Il l’a manifesté en dernier lieu par l’article 53 de la loi n° 2004-1370 du 20 décembre 2004 de financement de la sécurité sociale pour 2005 qui a entièrement réécrit l’article L. 211-10 du code de l’action sociale et des familles relatif au fonds spécial finançant les unions d’associations familiales et a fourni la base des mesures réglementaires prises en 2005.

Pour les unions d’associations familiales comme pour l’ensemble des acteurs de la politique familiale, le financement public constitue un levier d’action. Il emporte une exigence d’évaluation. La réforme de 2005 constitue un progrès à cet égard, mais qui pourra être approfondi à l’avenir dans le but de faire du financement public des unions un véritable levier de mobilisation.

1. Un financement privilégié

● La réforme du fonds spécial dans la loi de financement pour 2005

Jusqu’à la loi de financement pour 2005, le fonds spécial était alimenté par un prélèvement effectué chaque année sur « les ressources des différents régimes de prestations familiales, autres que les régimes spéciaux», et destiné exclusivement à assurer le fonctionnement de lunion nationale et des unions départementales.

La loi précisait que « ce prélèvement est égal à un pourcentage fixé par décret, pourcentage qui ne peut être inférieur à 0,03 % du montant des prestations légales servies par chacun de ces régimes au cours de lannée précédente ». Ce taux sest accru progressivement : fixé en premier lieu à 0,03 %, il a été porté à 0,07 % en 1976, puis à 0,0726 % en 1986 et enfin porté à 0,1 % en 1988.

Mais les montants pouvaient varier fortement d’une année sur l’autre en fonction des variations de l’assiette des prestations : ainsi en 2003, le montant versé a diminué de 6,6% par rapport à 2002 en euros courant et de 8,8% en euros constants.

En 2004, la Cour des comptes a relevé l’obsolescence des textes réglementaires instituant des procédures largement abandonnées dans les faits.

En outre, la définition de l’assiette du fonds donnait lieu à contestations : l’UNAF avait introduit un recours devant le Conseil d’État contre une décision de refus d’inclure la majoration de l’allocation de rentrée scolaire dans la base de calcul du fonds spécial. Or malgré une décision du Conseil d’État du 30 avril 1997 délimitant strictement les prestations familiales à prendre en compte pour la détermination de l’assiette du fonds, des prestations exclues de cette assiette ont continué à y être intégrées (7).

La Cour avait également pointé l’absence de conformité de la répartition des financements entre l’UNAF et les UDAF et relevait des difficultés à repérer l’affectation des crédits dans la tenue des comptes de l’UNAF.

Enfin la Cour relevait, tout au long de la décennie 1990, une « augmentation substantielle des dépenses de fonctionnement général dans tous les domaines, mais particulièrement forte pour les dépenses de représentation ».

La Cour concluait en qualifiant le financement par la voie d’un fonds spécial garantissant, sauf exception, une croissance régulière des dotations, de « privilège de financement ». Dans sa réponse aux observations complémentaires de la Cour figurant dans son rapport public annuel de 2007, l’UNAF a indiqué ne pas se reconnaître dans cette qualification : elle a insisté sur le lien entre autonomie des sources de financement et liberté d’action d’une institution, indépendante de l’État, à laquelle est conférée une mission de régulation de la vie sociale.

Les constats de la Cour ont été suivis, dès la fin de l’année 2004, de la réforme du fonds spécial en loi de financement. L’UNAF a cependant indiqué à votre rapporteure qu’elle avait souhaité initier depuis le milieu des années 1990, une réforme de son système de financement, et que la réforme de 2004 a été le fruit d’un travail conjoint avec les pouvoirs publics.

Le fonds demeure « alimenté chaque année par un versement effectué par la Caisse nationale des allocations familiales et la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole au prorata du montant des prestations familiales versées l’année précédente par chacune d’elles. ». Ainsi, chaque année, les ministres chargés de la famille et de la sécurité sociale fixent le montant des prestations familiales servant de base à la répartition de la charge du fonds spécial entre la CNAF et la CCMSA, après consultation de ces deux organismes.

Mais l’assiette du fonds n’est plus constituée du montant des prestations familiales elles-mêmes. En loi de financement pour 2005, un montant de référence a été fixé: 24,31 millions d’euros.

L’article L. 211-10 prévoit également que le fonds est scindé en deux parts. La première part, destinée au financement des activités institutionnelles de l’UNAF et des UDAF, est fixée à 80% du montant de référence. La seconde part du fonds spécial est destinée à la réalisation de projets en soutien de la politique familiale définis sur la base de conventions avec le ministère des affaires sociales, pour 20 % du montant de référence.

En loi de financement pour 2005, la première part s’est donc élevée à 19,448 millions d’euros, la seconde à 4,862 millions d’euros.

Pour chacune des parts, une clé de répartition est définie entre l’UNAF qui reçoit 30 % du fonds, et les UDAF qui en reçoivent 70 %.

● La répartition entre unions départementales

Le législateur a renvoyé au décret la définition des modalités de répartition du fonds entre les UDAF et les conditions dans lesquelles les fédérations, confédérations ou associations familiales adhérant aux unions peuvent en bénéficier.

Le 2° de l’article R 211-12 du code de l’action sociale et des familles prévoit que le montant attribué à chaque union départementale au titre de la première part du fonds spécial est constitué d’une part forfaitaire et d’une partie ajustable.

La partie forfaitaire correspond à la somme de 70 000 euros en 2005 qui évolue chaque année conformément au coût de la vie. Le montant de la part forfaitaire pour 2013 est ainsi de 79 073,63 euros. La partie ajustable est déterminée à raison de 60 % en fonction de la population du département, siège de l’union départementale, et à raison de 40 % en fonction du rapport entre le nombre des adhérents aux associations familiales, au sens de l’article L. 211-1, composant l’union départementale et la population du département au 1er janvier de l’année considérée.

La répartition entre UDAF est fixée chaque année par arrêté. Votre rapporteure constate que la répartition, tient, au final, relativement peu compte des écarts démographiques entre départements ou de l’intensité de leurs activités de représentation et d’avis : le montant plancher est ainsi de 111 000 euros pour l’Ariège, le montant maximum de 272 000 euros pour le Nord.

En outre, les unions régionales d’associations familiales sont financées par le fonds spécial mais sans en être expressément bénéficiaires, par le biais de libres reversements à des ententes interdépartementales.

● Les reversements aux mouvements familiaux

L’article R. 211-13 fixe les règles d’affectation d’une partie de la première partie du fonds au soutien des mouvements familiaux nationaux : l’UNAF affecte 25%, et chaque UDAF 10%, au soutien des fédérations nationales, confédérations nationales et associations familiales nationales regroupant au niveau national des associations et sections adhérentes à des unions départementales. Cette répartition s’effectue en « en fonction de leur champ de compétences, du nombre des adhérents, et, pour les UDAF, de leurs nombres dans le département ».

RÉPARTITION PAR L’UNAF DES AIDES AUX ASSOCIATIONS DE BASE EN 2012

Mouvements Familiaux Nationaux

Montants en euros

Mouvements familiaux nationaux à recrutement général

Associations Familiales Protestantes

74 239

Confédération Nationale des Associations Familiales Catholiques

138 947

Confédération Syndicale des Familles

195 338

Familles Rurales

314 705

Familles de France

191 998

Conseil National des Associations Familiales Laïques

109 592

Union des Familles Laïques

60 825

Sous-total

1 085 642

Mouvements familiaux nationaux à recrutement spécifique

Union Nationale des Maisons Familiales Rurales d’Éducation et d’Orientation

63 057

La Famille du Cheminot

13 141

Fédération Nationale des Associations Familiales Maritimes

1 827

Union Nationale des Associations ADMR (Association du Service à Domicile)

78 209

Union Nationale des Association de Parents et Amis de Personnes Handicapées Mentales

62 609

Fédération Nationale des Associations de Parents d’Enfants Déficients Auditifs

9 629

Fédération Nationale des Associations de Parents d’Enfants Déficients Visuels et de leurs Amis

631

Association Nationale des Parents d’Enfants Aveugles ou Gravement Déficients Visuels avec ou sans Handicaps Associés

6 009

Enfance et Familles d’Adoption – Fédération Nationale des Associations de Foyers Adoptifs

55181

UNAFAM – Union Nationale de Familles et Amis de Personnes Malades et/ou Handicapées Psychiques

54 304

Fédération Nationale de la Médaille de la Famille Française

18 295

Fédération Jumeaux et Plus

47 300

Association des Paralysés de France

54 536

Fédération des Associations de Conjoints Survivants et Parents d’Orphelins

54 883

Fédération Syndicale des Familles Monoparentales

3 108

Association des Familles du Personnel de la Banque de France

1 324

Association Familiale de la Batellerie

1 217

Aide aux Toxicomanes et Familles

1 832

Association Nationale Jonathan Pierres Vivantes

15 729

Sous-total

542 821

TOTAL

1 628 463

Source : UNAF.

RÉPARTITION DES MONTANTS DU FONDS SPÉCIAL EN 2013

(en millions d’euros, montants arrondis)

 

Composition

Fonds spécial 2013

28

100%

 

Première part

22

78,5%

Deuxième part

6

21,5%

 

UNAF

8,4

30%

Première part

6,6

23,6%

dont 25% reversés aux fédérations nationales

Deuxième part

1,8

6,4%

 

UDAF

19,6

70%

Première part

15,3

55%

dont 10% reversés aux fédérations nationales

Deuxième part

4,2

15%

● L’évolution régulière des montants du fonds

Les 4e et 5e alinéas de l’article L. 211-10 prévoient chacun l’indexation des montants de chacune des parts du fonds spécial : le montant de la première part est indexé annuellement sur l’évolution du coût de la vie ; le montant de la seconde part évolue dans la limite du montant d’un panier de prestations familiales. Il en résulte donc un accroissement automatique, année après année, des montants du fonds.

ÉVOLUTION DU MONTANT DE CHAQUE PART DU FONDS SPÉCIAL DEPUIS 2005

Année

1er part

Taux d’évolution

2e part

Taux d’évolution

Total

Taux d’évolution

2005

19 448 000 €

 

4 862 000 €

 

24 310 000 €

 

2006

19 798 064 €

1,8%

5 071 066 €

4,3%

24 869 130 €

2,3%

2007

20 134 631 €

1,7%

5 298 757 €

4,5%

25 433 388 €

2,3%

2008

20 436 650 €

1,5%

5 456 130 €

3,0%

25 892 780 €

1,8%

2009

20 988 440 €

2,7%

5 646 549 €

3,5%

26 634 989 €

2,9%

2010

21 009 428 €

0,1%

5 748 187 €

1,8%

26 757 615 €

0,5%

2011

21 324 570 €

1,5%

5 778 077 €

0,5%

27 102 647 €

1,3%

2012

21 708 412 €

1,8%

5 854 926 €

1,3%

27 563 338 €

1,7%

2013

21 968 913 €

1,2%

6 022 962 €

2,9%

27 991 875 €

1,6%

Evolution 2005-2013

2 520 913 €

13,0%

1 160 962 €

23,9%

3 681 875 €

15,2%

Moyenne 2005-2013

 

1,44%

 

2,65%

 

1,68%

Source : DGCS.

Le tableau ci-avant permet de constater que le fonds spécial a connu une évolution régulière depuis 2004. Le montant du fonds spécial est ainsi passé de 24,3 millions d’euros en 2005 à 28 millions d’euros en 2013, soit une évolution de 15,15 %. En euros constants, les montants ont légèrement progressé.

Entre 2012 et 2013, donc un contexte budgétaire difficile, qui se traduit, pour la plupart des opérateurs publics ou des intervenants associatifs, par des gels ou des réductions de dotations, on constate que le montant du fonds spécial a ainsi augmenté de 428 500 euros, soit 1,55 %.

Votre rapporteure relève que cette situation est privilégiée au regard de l’évolution des financements publics attribués aux autres intervenants associatifs dans les domaines sociaux.

● La création d’une part régie par des conventions d’objectifs

L’innovation principale de la loi de financement pour 2005 réside dans la deuxième part du fonds destinée à financer des actions définies par voie conventionnelle entre, d’une part, l’UNAF et le ministre chargé de la famille et, d’autre part, chaque UDAF et l’UNAF, après avis de l’autorité compétente de l’État.

Conformément aux remarques de la Cour, il s’agit donc désormais d’accorder, au moins en partie, les subventions sur fonds publics en fonction d’objectifs prédéfinis et pour des actions donnant lieu à évaluation. Pour votre rapporteure, cette piste mérite d’être approfondie.

Il convient au demeurant de constater que le législateur a institué, en 2005, un mécanisme visant à attribuer une part croissante du fonds aux actions définies par voie conventionnelle.

La deuxième part du fonds évolue en effet près de deux fois plus vite que le montant de la première. L’augmentation de la deuxième part correspond ainsi à 31% de l’augmentation totale du montant du fonds spécial.

Ce dynamisme provient du fait qu’elle n’est pas seulement indexée sur le coût de la vie mais sur un panier de prestations familiales : il dépend donc moins d’un effet prix, puisque que la base mensuelle des allocations familiales (BMAF) est censée évoluer elle-même conformément au coût de la vie, que d’un effet volume, lié au dynamisme du panier des allocations familiales sur lequel cette part est indexée.

Le principal facteur d’augmentation du montant de ce panier provient du développement de la prestation d’accueil du jeune enfant.

Le panier des prestations familiales sur lesquelles est indexée l’évolution de la deuxième part du fonds spécial est fixé à l’article L. 211-10 du code de l’action sociale et des familles. Il s’agit des prestations familiales mentionnées à l’article L. 511-1 du code de la sécurité sociale, y compris versées dans les départements d’outre-mer :

– la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE),

– les allocations familiales (y compris les allocations forfaitaires relevant de la MSA),

– le complément familial,

– l’allocation de logement familiale,

– l’allocation d’éducation enfant handicapé,

– l’allocation de soutien familial,

– l’allocation de rentrée scolaire,

– l’allocation journalière de présence parentale.

Les allocations remplacées par la PAJE, qui ne sont plus attribuées depuis 2004, ont également été incluses dans l’assiette d’indexation du fonds spécial.

En conséquence, le poids de la deuxième part du fonds spécial s’accroît comme le montre le tableau ci-dessous :

COMPOSITION DU FONDS SPÉCIAL AU TITRE DE SA DEUXIÈME PART

Année

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

Part de la deuxième part du fonds spécial,

en %

20

20,4

20,8

21,1

21,2

21,5

21,3

21,2

21,5

Votre rapporteure considère qu’il est de bonne logique de prévoir que la part du fonds destinée à financer des actions au profit des familles allocataires, augmente conformément au volume des allocations servies, donc du nombre d’allocataires. Cette évolution automatique de la composition du fonds est également censée orienter les unions de façon croissante dans un partenariat avec les pouvoirs publics.

Mais cette augmentation est lente et difficile à anticiper. On constate une baisse en 2011 et 2012, consécutive à la sous-indexation de la BMAF et de la fin de la montée en charge du complément de mode de garde de la PAJE.

Les autres sources de financements des UDAF

Les activités financées au titre du fonds spécial représentent moins de 10% du budget moyen des UDAF.

L’essentiel des ressources provient des services que gèrent UDAF, notamment en matière :

- de protection des majeurs, pour 251 millions d’euros ;

- de protection de l’enfance, pour 39 millions d’euros.

Ils relèvent à titre principal de financements d’État tels le programme 106, des financements spécifiques de la branche famille et des subventions des collectivités locales.

La gestion de mesures de protection des majeurs présente néanmoins un certain nombre de risques pour les UDAF, leur responsabilité pouvant engagée à ce titre. Un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 27 février 2013 a récemment reconnu qu’une association avait commis une faute en ne vérifiant pas si une société intervenant au domicile d’une personne aux facultés de discernement altérées dont elle exerçait la mesure de protection des majeurs avait bien écarté tout risque pour son bien-être et sa sécurité.

En outre, l’UDAF 64 a fait l’objet d’une liquidation judiciaire en 2007 en raison de dysfonctionnements graves dans la gestion des tutelles. Ses activités ont été reprises par d’autres associations du département des Pyrénées-Atlantiques et aucune union départementale d’associations familiales n’y fonctionne depuis lors.

2. Vers une définition partagée de moyens et d’objectifs

Votre rapporteure considère que le principal levier de soutien public à la mobilisation des unions repose désormais sur la convention d’objectifs entre l’État et l’UNAF prévue par la loi de financement pour 2005 concernant la deuxième part du fonds spécial.

● La conduite d’actions définies par voie conventionnelle

Les conventions d’objectif prévues depuis 2005 sont négociées entre la seule UNAF et le ministre chargé de la famille: c’est l’UNAF qui répartit ensuite la deuxième part du fond entre les UDAF avec lesquelles elle négocie des conventions d’objectifs encadrées par la convention nationale.

Aussi, l’article R. 211-14 du code de l’action sociale et des familles prévoit que sur cette seconde part, un montant fixé par arrêté du ministre chargé de la famille est attribué à l’union nationale non seulement pour financer toutes les actions qu’elle conduit au niveau national dans le cadre de sa convention d’objectifs mais pour rémunérer sa fonction de suivi et d’évaluation de la mise en œuvre par les unions départementales de leurs propres conventions d’objectifs. Le rôle de tête de réseau de l’UNAF est donc renforcé.

Trois conventions se sont succédées couvrant les périodes 2007-2009, puis 2010-2012 et enfin 2013-2014.

Dans le cadre de la convention achevée en 2012, l’UNAF a conduit 31 actions, et en premier lieu des études sur l’absentéisme scolaire, sur l’engagement et l’autonomie des jeunes, sur la périnatalité (avec pour thème les regards des femmes sur leur maternité) et sur l’éducation sur les soins et secours.

Elle a conduit des actions tendant à valoriser au sein du réseau les actions des UDAF portant sur la parentalité, la mutualisation des pratiques et le partage d’expérience entre les services d’accueil des enfants de 0 à 3 ans, la coordination des actions des «Points info familles » (PIF) et l’évaluation de la qualité des prestations et des activités menées auprès des usagers des services.

Enfin l’UNAF a actualisé et restructuré les rubriques de son site internet consacré aux budgets-types.

Concernant les UDAF, 383 actions ont été mises en place entre 2010 et 2012 : 65 % de ces actions ont consisté à animer des conférences, des groupes de travail et des groupes de paroles en matière de soutien à la fonction parentale, de sensibilisation à la consommation, au surendettement, à la santé, au logement, à l’autonomie des jeunes et à la solidarité intergénérationnelle.

Sous réserve de quelques aménagements, ces objectifs ont été repris pour la période 2013-2014 dans la nouvelle COG conclue le 24 avril 2013 avec pour objectifs :

– le renforcement des connaissances des besoins et des attentes des familles ;

– la facilitation de l’accès des familles à l’information, la simplification de leurs démarches quotidiennes et l’assurance d’un meilleur accès à leur droit ;

– l’accompagnement du réseau des associations familiales pour améliorer la qualité du service rendu aux familles.

Votre rapporteure relève que, pour la première fois, la convention comporte un indicateur d’impact, applicable aux actions des seules unions départementales, consacré à l’évolution de la vie associative familiale. L’indicateur 3 a. suit ainsi le « nombre et la qualité des associations adhérentes (ainsi que) les représentations nouvelles obtenues » par les unions.

Elle considère que les efforts dans cette voie devraient être approfondis. Elle relève que la durée de la dernière convention a été ramenée de trois ans à deux ans dans le but de redéfinir, tout au long de l’année 2014, les objectifs de la convention suivante et les indicateurs associés.

Cette évaluation permettra de définir les conditions d’un véritable partenariat avec les pouvoirs publics dans le but de garantir l’utilisation la plus efficiente des financements, d’améliorer les actions des unions au service des familles et de renforcer leur rôle d’appui aux associations familiales dans leur diversité.

Le partenariat des unions avec les conseils généraux

Au conventionnement prévu par la loi s’est ajouté une convention conclue le 19 juin 2007 entre le Président de l’UNAF et le Président de l’Assemblée des Départements de France qui a posé les bases d’un travail commun entre le réseau UNAF-UDAF et celui des conseils généraux.

Cette convention cadre a notamment abouti à l’organisation de près de 60 conférences départementales de la famille depuis 2007 : engagées sur 36 départements, ces conférences ont associé l’ensemble des partenaires locaux, dont les représentants des services de l’État dans le département et des collectivités.

Votre rapporteure estime qu’il serait utile de mesurer la part que ces conférences ont eu dans l’élaboration des différents schémas départementaux en lien avec la famille (enfance et famille, personnes âgées, personnes handicapées…) notamment dans le cadre de la mise en places des nouveaux schémas départementaux des services aux familles.

On recense enfin de nombreuses initiatives locales portées par les UDAF avec le soutien de leur département en matière de création de services d’accompagnement à la vie sociale, de micro-crédit personnel, de points info-familles, la mise en place de dispositifs « famille-gouvernante » ou de résidences d’accueil pour personnes handicapées ainsi que d’actions autour du développement durable.

● Le contrôle et l’évaluation reposent principalement sur l’UNAF

Le législateur a renvoyé au règlement la définition des modalités d’évaluation et de contrôle de l’utilisation du fonds spécial.

La compétence de contrôle est répartie entre les services du ministère chargé des affaires sociales (sa direction générale de la cohésion sociale en l’espèce) et l’UNAF.

L’article R. 211-15 du code de l’action sociale et des familles fixe les différentes étapes de la « remontée d’informations » sur l’utilisation du fonds depuis les UDAF vers l’UNAF puis l’État.

Au niveau local, les UDAF transmettent chaque année à l’UNAF un dossier comprenant les comptes de résultats, bilans et annexes, ainsi qu’un budget prévisionnel. Le dossier comprend aussi un rapport d’activité portant sur toutes les actions financées par le fonds spécial, en distinguant les actions menées au titre des missions qui leur sont attribuées par la loi et les actions définies par voie conventionnelle entre l’UNAF et les UDAF. Il est mentionné le niveau de réalisation de ces actions, avec les indicateurs afférents, ainsi que les actions prévues pour l’année en cours, avec les indicateurs d’activité correspondants. Ce dossier est également adressé à la Direction départementale de la cohésion sociale (DDCS).

Au niveau national, l’UNAF adresse chaque année un dossier similaire portant à la fois sur son action et sur celle des UDAF au ministre chargé de la famille, ainsi qu’un rapport de synthèse sur l’utilisation du fonds spécial au cours de l’année précédente. Mais il a été indiqué à votre rapporteure que, pour la première part du fonds, ce rapport ne précise pas la nature financière des dépenses : le suivi conventionnel par le ministère n’est donc pas aussi abouti que dans le cadre de véritables « conventions d’objectifs et de gestions » qui précisent la part et l’évolution des dépenses de fonctionnement ou des effectifs.

Les parts du fonds spécial versées aux fédérations, confédérations et associations familiales et des éventuelles redevances versées aux associations interdépartementales des associations familiales font l’objet d’une justification. Une présentation de la répartition des dépenses des UDAF est également jointe au dossier.

L’article R. 211-16 du code de l’action sociale et des familles prévoit qu’une commission est chargée de l’évaluation et du contrôle de l’utilisation du fonds spécial par l’union nationale et les unions départementales. Présidée par un inspecteur général des affaires sociales, la commission comprend des représentants des ministres chargés de la famille et de la sécurité sociale, un représentant du ministre chargé du budget, un représentant du ministre chargé de l’agriculture ainsi que les directeurs de la CNAF et de la CCMSA.

Elle est chargée d’examiner les contrôles et évaluations faits par les ministres chargés de la famille et de la sécurité sociale sur l’utilisation du fonds spécial par l’UNAF ainsi que les résultats des contrôles et évaluations des actions mises en œuvre par les UDAF. La réunion donne principalement lieu à présentation par le président de l’UNAF du rapport de synthèse sur l’utilisation du fonds spécial préalablement adressé au ministère.

L’article L. 211-10 du code de l’action sociale et des familles a confié à l’UNAF une fonction de suivi et d’évaluation des actions conventionnelles des UDAF, ainsi que le contrôle de l’utilisation du fonds spécial.

L’instance d’évaluation a pour mission de suivre et d’évaluer les conventions signées entre l’UNAF et chacune des UDAF. Elle a élaboré des recommandations générales aux UDAF pour la justification de la seconde part du fonds spécial et proposé une trame de rapport de synthèse pour l’État.

L’instance de contrôle a pour mission de contrôler l’utilisation du fonds spécial par l’ensemble des bénéficiaires. 41 UDAF ont été auditées de 2008 à octobre 2012. Le pouvoir d’audit de l’UNAF sur les UDAF est reconnu dans les statuts de l’UNAF depuis une modification de juin 2013 qui prévoit de donner à l’UNAF un pouvoir d’audit financier auprès de l’ensemble des UDAF et URAF pour l’ensemble de leurs activités dans des démarches d’accompagnement et de soutien mais également en situation de crise. Les statuts de l’UNAF prévoient trois types d’audits :

– les audits financiers « réguliers » ou « systématiques » : il s’agit des audits permettant aux UDAF de disposer d’un état de leur situation et de bénéficier de recommandations ;

– les audits financiers « sur demande » ou « ponctuels » : ce sont les audits réalisés, soit à la demande d’une UDAF, soit à la demande des pouvoirs publics. Il peut s’agir d’une demande d’étude ou d’un avis, ou du souhait d’un nouveau président ou d’un nouveau directeur de disposer de la situation financière de l’union ;

– les audits « en cas de situation de crise » : ces audits sont menés à la demande d’une union, du tiers de ses administrateurs ou de son directeur, ou des pouvoirs publics, en raison du constat d’un dysfonctionnement.

● Une réforme à approfondir

Neuf ans après la réforme du fonds spécial, votre rapporteure considère que cette réforme a inscrit les unions dans une voie prometteuse mais qu’elle mérite d’être approfondie.

Près de 80 % du montant du fonds spécial est toujours affecté au fonctionnement des unions, sans être assorti d’objectifs ni d’indicateurs, alors que la part consacrée à la réalisation d’objectifs fixés par convention est beaucoup plus modeste. La majeure partie des ressources provenant du fonds spécial va donc financer durablement le fonctionnement des structures des unions. Or votre rapporteure considère qu’un lien doit être établi entre un financement et des actions, même lorsque l’institution qui reçoit les fonds publics est autonome: il s’agit à la fois d’une exigence de bonne gestion des deniers publics mais également d’un facteur d’implication, d’innovation et d’engagement.

Dès lors, votre rapporteure considère donc qu’il conviendrait d’envisager de fixer un cadrage pluriannuel de l’enveloppe du fonds spécial ce qui améliorerait la prévision. Ce cadrage pourrait prévoir une évolution beaucoup plus dynamique de la deuxième part du fonds.

En outre, un mécanisme de fongibilité entre les deux parts du fonds pourrait être envisagé : définie comme la capacité pour l’ordonnateur d’allouer des ressources en fonction des besoins identifiés indépendamment des enveloppes auxquelles elles sont rattachées, cette fongibilité pourrait être étroitement circonscrite. Elle serait dans ce cas asymétrique, des crédits de la première part du fonds spécial pouvant abonder la deuxième part, sans que le mouvement inverse soit autorisé.

Votre rapporteure constate ensuite un risque d’émiettement dans la répartition des crédits de la deuxième partie du fonds attribuée aux UDAF. Puisque moins de 10% des ressources des UDAF proviennent du fonds spécial, seules 2,5% des ressources des UDAF proviennent, dans les faits, des subventions versées par l’UNAF au titre de la deuxième partie du fonds spécial destinée à financer des projets définis sur la base de conventions : le montant total s’élève en 2013 à 4,2 millions d’euros, répartis, entre une centaine d’UDAF et d’URAF sur décisions de l’UNAF concertées avec elles. Ceci peut rendre difficile une conduite efficace de projets. Mais il est également possible que de tels fonds, même limités, constituent un appoint utile pour des projets locaux innovants, dans le cadre de cofinancements.

Votre rapporteur estime donc que l’on pourrait envisager de globaliser au moins une partie des enveloppes de la deuxième partie du fond et de les attribuer sur la base d’appels à projets définis aux plans national ou régional. Leur mise en œuvre pourrait en outre renforcer l’échelon régional des URAF, dont la consécration législative serait particulièrement utile.

De tels appels à projets pourraient en outre être lancés non plus par la seule UNAF mais par accord entre l’État et l’UNAF voire la CNAF et la MSA. Votre rapporteure constate en effet que la participation des régimes mis à contribution pour financer les unions à la définition des objectifs fixés dans la convention est limitée. Il conviendrait donc de mieux associer la CNAF et la MSA à la définition des missions entrant dans le champ d’une convention. Sans doute, l’UNAF est-elle par ailleurs membre du conseil d’administration de la CNAF mais ceci ne devrait pas représenter un obstacle insurmontable. Il reste en effet que le fonds spécial finançant les unions d’associations familiales n’est pas alimenté par des crédits d’État mais par des prélèvements sur les organismes de sécurité sociale de la branche famille.

Au final, une coopération croissante, aux plans national et départemental, entre les unions et les caisses d’allocations familiales est bienvenue. Si le lien est organique, en raison de la présence de représentants des unions aux conseils d’administration des caisses, la qualité du partenariat est inégale selon les départements. La nouvelle COG liant la CNAF à l’État constitue une occasion à saisir à ce titre. Elle prévoit en effet la participation des usagers des CAF au processus de décision qui pourrait se matérialiser par des dispositifs de recueil des avis des usagers non seulement sur le fonctionnement mais sur la conception des services auxquels ils ont recours. Il est également proposé que le conseil d’administration des CAF tienne une réunion publique annuelle.

Ceci pourrait placer les UDAF dans une position ambiguë : elles sont à la fois membres des conseils d’administration des CAF chargées de représenter l’intérêt des familles et des partenaires opérationnels des CAF sur le terrain. Mais votre rapporteure considère que les UDAF seront ainsi en mesure d’entendre puis de mobiliser de nouvelles formes d’expression des familles, et, partant, de susciter de nouvelles initiatives associatives.

En conclusion, votre rapporteure considère que les associations familiales ont beaucoup à gagner à voir leurs unions s’engager résolument dans un partenariat renouvelé et approfondi avec les pouvoirs publics dans le but de renforcer l’adaptation constante du mouvement familial aux besoins des familles, dans toute leur diversité.

EXAMEN DES ARTICLES RELATIFS À LA BRANCHE FAMILLE

La commission a procédé à l’examen des articles relatifs à la branche famille au cours de sa deuxième séance du mercredi 16 octobre 2013.

QUATRIÈME PARTIE
DISPOSITIONS RELATIVES AUX DÉPENSES POUR L’EXERCICE 2014

Section 4
Dispositions relatives aux dépenses de la branche famille

Article 55
(art. L. 522-3 et L. 7555-16-1 du code de la sécurité sociale)

Majoration du complément familial pour les familles sous le seuil de pauvreté

Le présent article instaure un montant majoré du complément familial et le réserve aux bénéficiaires de cette prestation dont les revenus sont inférieurs au seuil de pauvreté.

Cette réforme met en œuvre une des préconisations majeures du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale adopté lors du Comité interministériel de lutte contre l’exclusion le 21 janvier 2013 et figurant dans le programme de rénovation de la politique familiale du Gouvernement : il s’agit d’améliorer les montants et les paramètres des prestations susceptibles d’avoir un effet direct et substantiel sur la situation des familles pauvres. Le présent article constitue la première traduction au plan législatif de cette ambition partagée par votre rapporteure.

1. Agir en faveur des familles pauvres est une nécessité

Au sens de l’INSEE, est pauvre un foyer dont le niveau de vie est inférieur à 60 % au niveau de vie médian : en 2011, pour un niveau de vie médian de 1 629 euros mensuels par ménage, les ménages pauvres disposent de ressources inférieures à 977 euros par mois. Le taux de pauvreté est de 13 % pour les hommes et de 14,5 % pour les femmes. Il est de 19,5 % pour les enfants. Le taux de pauvreté des couples avec au moins trois enfants atteint 22,7 %.

● L’aggravation de la pauvreté des enfants

On constate en France une hausse du nombre et de la part des enfants pauvres depuis le début de la décennie 2000. Selon une estimation du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, le nombre d’enfants de moins de 18 ans vivant sous le seuil de pauvreté atteindrait 3 millions.

Selon le tableau ci-après, le taux de pauvreté des familles est le plus élevé dans les familles dont les deux parents sont sans activité, mais il est stable sur la décennie dans ce cas. En revanche on constate une hausse importante de la pauvreté dans les familles dans lesquelles un seul des parents travaille. On constate concomitamment une forte hausse de la pauvreté parmi les familles monoparentales.

Source : Indicateur n° 2-2 du programme de qualité et d’efficience Famille, PLFSS 2014.

On note en outre un accroissement de l’intensité de pauvreté, définie comme l’écart entre le niveau de vie médian des familles pauvres et le seuil de pauvreté. Depuis 2003, les 50 % des familles les plus pauvres tendent à voir leurs revenus s’éloigner du niveau du seuil de pauvreté, ce qui rend la sortie de la pauvreté encore plus difficile. Si les enfants vivant dans des foyers en situation de pauvreté avaient, en 2007, un niveau de vie médian inférieur de 18 % à ce seuil, en 2011 il lui est inférieur de 19,5 %.

Pour votre rapporteure, les effets de cette aggravation de la pauvreté des enfants ne sauraient être sous-estimés. Selon des travaux récents de l’Inspection générale des affaires sociales (8) consacrés aux inégalités de santé dans l’enfance, les études épidémiologiques soulignent l’« inégalité des opportunités » en santé des enfants en fonction du revenu de leurs parents en raison tant des conditions de logement, de la qualité et de la diversité de l’alimentation que du niveau d’accès aux soins et à la prévention.

Si le taux de pauvreté monétaire établi par l’INSEE fournit une bonne indication de la pauvreté relative des enfants, l’UNICEF a récemment fait le point sur les différentes variables qui établissent le « taux de privation » subi par les enfants dont les parents sont pauvres : ainsi du fait de ne pas manger des fruits et légumes frais tous les jours, de ne pas disposer à la maison de livres adaptés à l’âge de l’enfant ou de vêtements à sa taille et en bon état, ou encore de ne pas pouvoir profiter d’un endroit calme et spacieux pour faire ses devoirs (9). L’UNICEF a établi un classement des pays européens à partir de ce taux de privation : la France occupe la deuxième moins bonne position parmi les pays européens les plus riches, avec un taux de 10,1 % d’enfants en situation de privation, derrière l’Italie à 13,3 % contre 5,5 % pour le Royaume-Uni et 2,5 % pour les Pays-Bas.

En raison des obstacles qu’elle oppose à l’accès à la formation et à la culture, l’expérience de la pauvreté dans l’enfance accroit ainsi les risques de précarité au cours de la vie d’adulte. Pour votre rapporteure, soutenir le revenu des familles les plus modestes constitue un objectif de justice qui figure au premier plan de toute politique familiale visant à établir une « égalité des chances » entre les enfants.

2. Le complément familial doit être mobilisé pour lutter contre la pauvreté

Le complément familial a été créé par la loi du n° 77-765 du 12 juillet 1977 dans le but d’améliorer le revenu des familles nombreuses sans modifier les critères d’attribution ou les montants des allocations familiales.

Cette prestation représente 1,673 milliard d’euros de dépenses en 2013, soit 5 % du montant des prestations familiales financées par la CNAF. En raison de ses caractéristiques actuelles d’attribution et de la situation d’une partie de ses bénéficiaires, le complément familial peut, s’il est réformé, constituer un puissant levier de lutte contre la pauvreté des enfants.

● Une prestation sous conditions de ressources pour les familles de plus de trois enfants

Défini à l’article L. 522-1 du code de la sécurité sociale, le complément familial est attribué au ménage ou à la personne dont les ressources n’excèdent pas un plafond et qui assume la charge d’au moins trois enfants tous âgés de plus de trois ans. Le complément familial se cumule avec les allocations familiales mais pas avec l’allocation de base de la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE) qui la remplace lorsqu’un des enfants est âgé de moins de trois ans.

Le montant du complément familial est fixé à 41,65 % de la base mensuelle des allocations familiales (BMAF) par l’article D. 522-1 du code de la sécurité sociale ; au 1er avril 2013, il est donc de 167,34 euros par mois. Le plafond de ressources varie selon le nombre des enfants à charge au-delà du troisième enfant. Il est majoré lorsque chaque membre du couple dispose d’un revenu professionnel ou lorsque la charge des enfants est assumée par une seule personne.

Au mois de juin 2013, on compte 814 905 familles bénéficiaires. Ce nombre a baissé au cours de la dernière décennie en raison de la stagnation du nombre de familles avec plus de trois enfants. On comptait ainsi 960 000 bénéficiaires en 2000, soit un pour cinq bénéficiaires des allocations familiales. Ce ratio est aujourd’hui supérieur à un pour six.

Votre rapporteure constate donc que cette baisse fournit une marge de manœuvre financière qui peut être utilisée pour améliorer substantiellement les montants destinés aux allocataires du complément familial les plus pauvres.

● Tous les bénéficiaires du complément familial ne sont pas pauvres

Tous les allocataires n’ont pas besoin de se voir attribuer un montant supplémentaire de complément familial : les financements supplémentaires attribués à la prestation devront donc être ciblés sur une partie d’entre eux.

Si le complément familial est une prestation sous condition de ressources, le niveau de revenus au-delà duquel elle ne peut pas être perçue est très supérieur au revenu médian et donc considérablement supérieur au seuil de pauvreté. Lorsque le foyer ne perçoit qu’un seul revenu, le plafond de ressources, après abattement fiscal de 10 %, est de 36 599 euros pour trois enfants et 42 699 euros pour quatre enfants. Ces montants sont majorés de 22,5 % quand les deux parents travaillent ou dans les situations d’isolement d’un parent. S’y ajoutent 6 100 euros par enfant supplémentaire.

Le plafond de ressources est donc plus élevé que celui de l’allocation de rentrée scolaire qui est de 34 619 euros pour trois enfants et ne prévoit pas de majoration pour bi-activité ou isolement. La part des familles qui se trouvent exclues du bénéfice de la prestation en raison de leurs ressources est donc limitée. Alors que le taux d’exclusion des familles s’élève à 52 % pour l’allocation de rentrée scolaire, il est très modéré pour le complément familial comme l’indique le tableau ci-après.

LES TAUX D’EXCLUSION DU COMPLÉMENT FAMILIAL

 

Trois enfants

Quatre enfants et plus

Familles mono-actives

29 %

24 %

Familles biactives et familles monoparentales

21 %

14 %

Source : Bertrand Fragonard, Rapport du Haut conseil à la famille sur les aides aux familles, avril 2013.

Cependant, si tous les allocataires du complément familial ne sont pas pauvres, une grande partie des familles pauvres figurent bien aujourd’hui au nombre des allocataires du complément familial. Ainsi, selon la CNAF, en 2011, les familles monoparentales, parmi lesquelles le taux de pauvreté est le plus élevé, représentent 25 % des bénéficiaires du complément familial.

De même, ainsi que le montre la carte ci-après, les allocataires du complément familial sont principalement surreprésentés, parmi les allocataires de l’ensemble des prestations familiales, dans les caisses d’allocations familiales des périphéries proches ou lointaines des grandes agglomérations. Leur répartition géographique reflète donc celle des familles les plus pauvres.

PROPORTION DES BÉNÉFICIAIRES DU COMPLÉMENT FAMILIAL
SUR L’ENSEMBLE DES ALLOCATAIRES

Source : CNAF, cartographie des principales prestations, 31 décembre 2010.

Une amélioration tant du ciblage que des montants du complément familial permettrait donc d’accroître de manière significative ses effets redistributifs.

3. La majoration de montant sous nouveau plafond de ressources : un puissant levier d’aide aux familles les plus pauvres

Le I du présent article insère un article L. 522-3 au code de la sécurité sociale qui pose le principe d’attribution d’un montant majoré du complément familial au ménage ou à la personne dont les ressources ne dépassent pas un nouveau plafond, inférieur au plafond d’attribution de la prestation non majorée défini à l’article L. 522-2, et qui varie en fonction du nombre des enfants à charge.

Le présent article prévoit également le principe de la majoration de ce nouveau plafond de ressources dans les situations de biactivité ou d’isolement des parents. Il fixe enfin une indexation annuelle du plafond sur l’évolution des prix à la consommation hors tabac, à l’instar de l’ensemble des plafonds de ressources applicables aux prestations familiales.

Le nouveau plafond de ressources et le montant de la majoration seront fixés par décret. L’étude d’impact jointe au projet de loi de financement indique que le second plafond de ressources serait inférieur de moitié au plafond existant : il s’élèverait en 2014 à 18 301 euros par an pour une famille avec 3 enfants, à 21 351 euros par an pour 4 enfants, auxquels s’ajouteraient 3 050 euros par enfant supplémentaires. Ces plafonds seraient majorés en situation d’isolement ou de biactivité.

Ce second plafond permettrait de réserver la majoration aux 50 % les plus modestes des allocataires actuels du complément familial, soit environ 400 000 familles.

La mesure sera mise en œuvre par augmentation progressive du taux de la BMAF qui définit la quotité de la majoration : il sera porté à 45,82 % de la BMAF dès 2014 et atteindra 62,48 % en 2018. Le complément familial majoré représentera ainsi, dès 2014, une majoration mensuelle de l’ordre de 17 euros soit 204 euros par an. Le supplément d’augmentation annuelle permettra d’atteindre 1 020 euros en 2018, compte non tenu des revalorisations à venir de la BMAF.

ÉVOLUTION PRÉVISIONNELLE DES MONTANTS ANNUELS
DU COMPLÉMENT FAMILIAL MAJORÉ

(Montants en euros, arrondis à l’unité)

Au 1er avril

2013

2014

2015

2016

2017

2018

Taux BMAF du complément familial

41,65

41,65

41,65

41,65

41,65

41,65

Montant annuel du complément familial

2 008

2 028

2 048

2 069

2 090

2 110

Taux BMAF du complément familial majoré (en %)

_

45,82

49,99

54,16

58,33

62,48

Montant annuel de la majoration

_

204

410

615

820

1 026

Montant annuel du complément familial majoré

2 008

2 232

2 458

2 684

2 910

3 136

Le I du présent article apporte en outre des modifications du même ordre à l’article L. 755-16-1 du code de la sécurité sociale afin d’appliquer la majoration du complément familial dans les départements d’outre-mer. Il n’est cependant pas prévu de majorer le nouveau plafond de ressources pour bi-activité ou isolement dans la mesure où cette condition n’existe pas pour le plafond de ressources actuellement applicable outre-mer : en effet l’article L. 755-16 prévoit que le plafond de ressources du complément familial servi outre-mer est identique à celui retenu pour l’attribution de l’allocation de rentrée scolaire (ARS). Or l’article L. 543-1 définit, pour l’ARS, un plafond de ressources qui varie seulement en fonction du nombre des enfants à charge. Cette solution a été retenue outre-mer dans un souci de simplification. Votre rapporteure estime qu’il n’est pas nécessaire de la modifier à l’occasion de l’instauration du second plafond de ressources. Le complément familial majoré représentera ainsi, dès 2014, une augmentation de 10 euros mensuels soit 120 euros par an dans les départements d’outre-mer.

Le II du présent article prévoit l’entrée en vigueur de la majoration du complément familial le 1er avril 2014. La majoration sera versée à l’ensemble des bénéficiaires, tant les allocataires existants que nouvellement éligibles.

La mesure représenterait un surcroît de dépenses d’environ 60 millions d’euros en 2014. La dépense atteindrait 380 millions d’euros par an à partir de 2018. Votre rapporteure estime que l’impact financier de cette mesure est pleinement compatible avec le redressement des comptes de la branche famille engagé par le Gouvernement.

● L’incidence sur le revenu de solidarité active

À l’instar des allocations familiales, de l’allocation de base et du complément de libre choix d’activité de la PAJE et de l’allocation de soutien familial, le complément familial est pris en compte dans le calcul des droits au revenu de solidarité active (RSA). L’attribution du complément familial peut donc entraîner une baisse des droits à revenu de solidarité active.

Afin d’accroître les effets de la majoration du complément familial sur le niveau de vie des familles pauvres, la nouvelle majoration du complément familial ne constituera pas une des ressources prises en compte au titre du RSA. Il en va déjà ainsi pour certaines prestations familiales : ainsi de la prime de naissance ou d’adoption et du complément de libre choix du mode de garde de la PAJE, de l’ARS et de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH).

Par décret en Conseil d’État, la majoration du complément familial sera donc ajoutée à la liste des prestations mentionnées à ce titre à l’article R. 262-11 du code de l’action sociale et des familles.

● La nécessaire évaluation des effets de seuil

L’article L. 522-2 du code de la sécurité sociale prévoit le versement d’un complément familial différentiel « lorsque les ressources excèdent le plafond d’un montant inférieur à une somme déterminée ». Selon les règles fixées à l’article R. 522-3, le montant versé chaque mois est diminué de la part de revenu mensuel qui dépasse le plafond de ressources : le complément n’est donc plus versé lorsque le supplément de revenu dépasse le montant de l’allocation elle-même.

Un tel « lissage » des effets de seuil permet d’éviter les situations dans lesquelles un euro supplémentaire tiré d’un revenu d’activité entraînerait la perte d’un montant plus élevé de la prestation.

Dans la rédaction envisagée, l’article L. 522-3 ne prévoit cependant pas de dispositif de lissage. Le montant majoré du complément familial est attribué lorsque les ressources du ménage ne dépassent pas « un plafond » distinct de « celui défini à l’article L. 522-2 » auquel seul s’applique le dispositif de lissage défini au même article L. 522-2.

Il convient donc d’examiner l’incidence de l’effet de seuil pour les familles dont le revenu de l’année civile de référence (la deuxième année qui précède l’année de versement de la prestation) viendrait à dépasser légèrement le nouveau plafond d’attribution du montant majoré. Cet effet de seuil pourrait en outre être accentué par l’exclusion de la majoration du complément familial de la base des ressources du RSA, la perte n’étant dès lors pas compensée par une hausse éventuelle du montant du RSA.

Il pourrait donc être envisagé de créer un tel montant majoré différentiel en le prévoyant expressément à l’article L. 522-3. Votre rapporteure convient qu’un tel dispositif pourrait sembler, en première approche, complexe à mettre en œuvre et pourrait rendre la prestation moins lisible pour les allocataires. Il conviendra donc d’évaluer sur la durée l’effet des variations de revenus sur le droit à majoration du complément familial. Le cas échéant, une majoration différentielle pourrait être instaurée, au terme de la montée en charge du dispositif.

● L’augmentation complémentaire du montant de l’allocation de soutien familial

Enfin, votre rapporteure se félicite de la mise en œuvre de la seconde mesure proposée dans le cadre du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale, complémentaire de la majoration prévue par le présent article : l’augmentation, par voie de décret, du montant de l’allocation de soutien familial de 25 % en cinq ans.

Le taux de pauvreté atteint 33% dans les familles monoparentales. En conséquence, le nombre d’enfants pauvres vivant dans des familles monoparentales est aujourd’hui supérieur au nombre d’enfants pauvres vivant dans les familles nombreuses. Selon le professeur Julien Damon, si les enfants pauvres étaient deux fois plus nombreux, en 1996, à vivre dans des familles nombreuses que dans des familles monoparentales, cette proportion s’est inversée : en 2007, 1,61 million d’enfants pauvres vivaient dans des familles monoparentales contre 1,58 million dans des familles de plus de trois enfants.

Bien que versée sans condition de ressources, l’allocation de soutien familial est, en pratique, principalement attribuée à des familles pauvres ou risquant de le devenir : elle est versée au parent qui élève seul son enfant ou à la personne qui a recueilli un enfant, qu’elle vive seule ou en couple. Au 1er avril 2013, le montant mensuel de l’ASF est de 90,40 euros pour un enfant privé de l’aide de l’un de ses parents et de 120,54 euros pour un enfant privé de l’aide de ses deux parents.

La revalorisation concernera 735 000 familles et représentera pour la Caisse nationale des allocations familiales une dépense de 50 millions d’euros en 2014 qui atteindra 330 millions par an à partir de 2018. Elle sera mise en œuvre par décret en Conseil d’État modifiant l’article R. 523-7 du code de la sécurité sociale.

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* *

La Commission est saisie de l’amendement AS365 de la rapporteure.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour la famille. Cet amendement rédactionnel vise à harmoniser les définitions des cas de majoration du plafond de ressources applicable au complément familial et à l’allocation de base de la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE) ; je vous propose de retenir la rédaction de l’article L. 531-2 du code de la sécurité sociale, relatif à l’allocation de base de la PAJE et datant de 2004, plus précise que celle de 1977 sur le complément familial. L’article 55 permettra de doubler le montant du complément pour les 400 000 familles vivant sous le seuil de pauvreté, en leur attribuant 200 euros supplémentaires par an dès 2014, ce montant devant atteindre 1 000 euros à terme.

Le taux de pauvreté des couples ayant au moins trois enfants s’élève à 22,7 % et il dépasse 33 % pour les familles monoparentales. Depuis dix ans, le taux de pauvreté des enfants a augmenté de deux points et s’établit à près de 20 % ; l’intensité de la pauvreté s’est accrue – autrement dit, pour les enfants de ces ménages, la distance n’a cessé de se creuser par rapport au seuil de pauvreté. L’UNICEF a d’ailleurs montré que la France se situait au deuxième rang des pays riches en Europe pour l’ampleur des privations endurées par les enfants pauvres, qu’il s’agisse de la privation de fruits et légumes, de livres adaptés à leur âge ou de vêtements adaptés à leur âge et en bon état.

La Commission adopte l’amendement.

La Commission adopte l’article 55 modifié.

Article 56
(art. L. 531-2 et -3 du code de la sécurité sociale)

Amélioration de la prise en compte du revenu des familles bénéficiaires de l’allocation de base de la prestation d’accueil du jeune enfant

Le présent article réserve le versement à taux plein de l’allocation de base de la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE) à la très grande majorité de ses bénéficiaires et prévoit son versement à taux partiel pour la minorité des allocataires aux revenus les plus élevés.

Les différents paramètres mobilisés par la réforme permettent d’améliorer plus globalement la prise en compte du niveau de ressources des familles par la PAJE.

1. Une prestation sous condition de ressources mais quasi universelle

Définie à l’article L. 531-3 du code de la sécurité sociale, l’allocation de base de la PAJE est une prestation familiale d’entretien et d’éducation du jeune enfant attribuée, à compter de la date de la naissance de l’enfant, au ménage dont les ressources ne dépassent pas un plafond. Elle est versée jusqu’au mois précédant le troisième anniversaire de l’enfant (10).

Son montant est le même pour tous les allocataires, fixé à 45,95 % de la base mensuelle des allocations familiales (BMAF) par l’article D. 531-3, soit 184,62 euros mensuels depuis le 1er avril 2013 et 2 226 euros par an.

● L’allocation de base de la PAJE est une aide peu sélective

Lors de la création de la PAJE par la loi de financement pour 2004, l’allocation de base a remplacé l’ancienne allocation pour jeune enfant (11). À cette occasion les plafonds de ressources applicables à l’allocation de base ont été augmentés de 37 % par rapport à ceux de l’allocation pour jeune enfant.

Le plafond de ressources a été porté de 3 à 4,5 SMIC, étendant ainsi le champ de l’allocation à plus de 200 000 familles supplémentaires. Le nombre de bénéficiaires de l’allocation de base a progressé de 14 % entre 2003 et 2005.

Depuis 2007, le nombre de bénéficiaires varie peu : il s’établit à 1 915 000 en décembre 2012, pour un montant de dépenses de 4,25 milliards d’euros soit plus de 13 % du montant des prestations familiales financées par la CNAF.

● Un effet redistributif insuffisant

Il résulte des niveaux actuels des plafonds de ressources que près de neuf familles sur dix peuvent percevoir l’allocation de base de la PAJE. Le taux d’exclusion est ainsi le plus faible de toutes les prestations familiales pour lesquelles le législateur a institué un plafond d’exclusion en fonction des ressources.

TAUX D’EXCLUSION DES PRESTATIONS
SOUMISES À PLAFOND D’EXCLUSION EN FONCTION DES RESSOURCES

 

Taux de ménages exclus à cause du seul critère de revenu

Allocation de rentrée scolaire

52 %

Complément familial

24 %

Allocation de base de la PAJE

14 %

Sources : Cour des comptes, Calculs DREES, enquête revenus fiscaux

et sociaux 2007 (actualisée 2009)

Ce taux d’exclusion peut être distingué selon les deux niveaux de plafonds de ressources applicables. Lorsqu’un seul des parents travaille, le plafond de ressources applicable conduit à des taux d’exclusion de 19 % pour un couple avec un comme avec deux enfants, de 17 % pour un couple avec trois enfants et de 12 % pour un couple avec quatre enfants ou plus. Lorsque les deux parents travaillent ou en cas d’isolement du parent, le plafond de ressources est majoré ce qui ramène les taux d’exclusion à 10 % , 7 %, 6 % et 5 % respectivement pour les familles avec un, deux, trois ou quatre enfants et plus.

Comme le fait apparaître le tableau ci-après, la répartition par déciles de niveau de vie des familles bénéficiaires de l’allocation de base ne fait pas apparaître l’effet redistributif habituellement attendu d’une prestation sous condition de ressources : parmi les bénéficiaires de l’allocation de base, la part des ménages aux revenus les plus bas n’est pas significativement supérieure à leur part dans l’ensemble des familles.

On constate que les familles modestes ne sont pas plus représentées parmi les bénéficiaires de l’allocation que parmi l’ensemble des familles. Les familles au-dessus du niveau de vie médian se retrouvent même légèrement surreprésentées avec par exemple un écart de quatre points pour le sixième décile. 27 % des bénéficiaires de l’allocation de base appartiennent ainsi aux deux derniers quintiles des revenus. Seuls les deux derniers déciles de niveaux de vie, représentant 14% des familles, se trouvent fortement sous-représentés en raison des plafonds de ressources.

RÉPARTITION DES BÉNÉFICIAIRES DE L’ALLOCATION DE BASE DE LA PAJE
PAR DÉCILE DE NIVEAU DE VIE

Décile de niveau de vie

Proportion parmi les bénéficiaires de l’allocation de base de la PAJE

Proportion parmi l’ensemble des familles

1

14 %

14 %

2

14 %

12 %

3

11 %

11 %

4

11 %

10 %

5

12 %

10 %

6

15 %

11 %

7

12 %

10 %

8

9 %

9 %

9

1 %

7 %

10

1 %

7 %

Ensemble

100 %

100 %

Source : Cour des comptes, rapport sur la sécurité sociale pour 2012, modèle de micro-simulation Saphir ERFS 2008.

Dans son rapport sur la sécurité sociale de 2012, la Cour des comptes a relevé le caractère ambigu d’une allocation établie sous plafond de ressources mais qu’elle a qualifié de « quasi universelle » dans les faits. La Cour des comptes s’est dès lors légitimement interrogée sur la pertinence de la hausse du plafond de ressources décidée en 2004. En permettant à des familles de revenu plutôt élevé d’en bénéficier, cette mesure a fortement atténué l’effet redistributif de l’allocation pour les familles des premiers déciles.

La Cour des comptes a préconisé d’abaisser le plafond de ressources de l’allocation de base. Ceci conduirait à exclure une partie de ses bénéficiaires de tout droit à versement.

La rénovation de la politique familiale engagée par le Gouvernement se traduit par un choix différent qui allie maintien du plafond existant et modulation du montant de l’allocation sous un second plafond : les bénéficiaires les plus aisés de l’allocation de base de la PAJE continueront à se voir attribuer la prestation mais verront son montant abaissé de moitié.

2. La modulation du montant de l’allocation de base de la PAJE

Le I du présent article prévoit que « l’allocation de base est versée à taux partiel aux ménages ou aux personnes dont les ressources ne dépassent pas le plafond » défini à l’article L. 531-2, qui est le plafond actuel de l’allocation de base.

Il est ensuite précisé que le versement à taux plein est réservé aux familles dont les ressources ne dépassent pas un second plafond défini par décret.

Le présent article prévoit que ce nouveau plafond varie selon le nombre d’enfants et est majoré lorsque les deux parents disposent d’un revenu professionnel minimal (au moins égal à 13,6 % du plafond annuel de la sécurité sociale selon l’article R. 531-3) ou en cas d’isolement du parent.

Selon l’étude d’impact jointe au projet de loi de financement, seuls 10% des allocataires, environ 180 000 bénéficiaires, disposent de revenus supérieurs au niveau du plafond de ressources au-delà duquel le montant de l’allocation serait divisé par deux.

Le IV prévoit que la modulation du montant de l’allocation de base s’appliquera aux enfants nés à partir du 1er avril 2014. La situation des familles actuellement attributaires de l’allocation de base ne sera donc pas modifiée mais il est précisé qu’en cas de nouvelle naissance ou adoption à compter du 1er avril 2014, l’examen des droits au titre de l’ensemble des enfants à charge sera fondé sur les nouveaux plafonds de ressources.

La montée en charge durera donc trois ans. L’économie pour la branche famille serait de 10 millions d’euros la première année, de 80 millions d’euros la deuxième et atteindrait 170 millions d’euros à partir de 2016.

3. L’alignement progressif des montants de l’allocation de base et du complément familial

Le III du présent article aligne de façon progressive le montant de l’allocation de base de la PAJE sur le montant du complément familial non majoré présenté par votre rapporteure au commentaire de l’article 56 du projet de loi de financement.

Le montant mensuel de l’allocation de base de la PAJE est aujourd’hui supérieur de 17,28 euros à celui du complément familial, soit une différence de 207,34 euros par an. Or, conformément à l’article L. 532-1 du code de la sécurité sociale, l’allocation de base de la PAJE n’est pas cumulable avec le complément familial. Pour une famille de trois enfants ou plus, au troisième anniversaire de l’enfant au titre duquel l’allocation de base est versée, le complément familial est censé « prendre le relais » : mais il y a alors baisse de revenu à ce titre alors même que le complément familial est attribué sous un plafond de ressources plus strict que l’allocation de base.

La mise à niveau des deux montants pourrait certes être réalisée par voie réglementaire : il suffirait de modifier l’article D. 522-1 du code de la sécurité sociale afin d’attribuer au complément familial le même pourcentage de la BMAF que celui de l’allocation de base de la PAJE défini à l’article D. 531-3, faisant ainsi passer son taux de 41,65 % à 45,95 %.

Mais cette mesure coûteuse n’aurait pas été compatible avec la trajectoire de redressement des comptes de la CNAF définie par le gouvernement. L’article 55 du projet de loi de financement améliore au demeurant significativement les montants versés aux ménages pauvres en créant une majoration du complément familial sous nouvelle condition de ressources.

Le présent article prévoit donc, à titre exceptionnel, le maintien du montant de l’allocation de base de la PAJE à son niveau actuel, sans application, chaque 1er avril des années à venir, des règles de revalorisation définies à l’article L. 551-1, jusqu’à ce que le montant du complément familial, régulièrement revalorisé selon les règles de droit commun, atteigne le niveau de l’allocation de base. Ce gel concernerait l’ensemble des familles bénéficiaires, qu’elles perçoivent l’allocation de base à taux plein ou à taux partiel.

Le même gel est appliqué à la prime de naissance ainsi qu’à la prime à l’adoption définies à l’article L. 531-2 dans la mesure où leur montant est établi en relation avec celui de l’allocation de base. L’article D. 531-2 prévoit en effet que le taux de la prime de naissance est égal à 229,75 % de la BMAF. Pour la prime à l’adoption, ce taux est de 459,5 % de la BMAF, soit 10 fois le taux de l’allocation de base. Il semble donc nécessaire d’étendre le gel à ces deux prestations afin de maintenir l’architecture globale du socle de base de la PAJE.

La durée de la transition est estimée à six ans. Elle dépendra des revalorisations annuelles du complément familial, liées au niveau de l’inflation à partir duquel est établie l’évolution de la BMAF.

Cette fixation dérogatoire des montants de l’allocation de base et des primes de naissance et d’adoption occasionnera une économie de 30 millions d’euros dès 2014, de l’ordre de 180 millions d’euros en 2016 et qui atteindrait environ 400 millions d’euros lors de l’alignement du montant du complément familial sur l’allocation de base. Un décret simple pourrait alors fixer le taux de la BMAF applicable à chacune des deux prestations.

4. L’évolution des différents plafonds de ressources de la PAJE

● L’augmentation linéaire des plafonds de ressources en fonction du nombre d’enfants

L’article L. 531-2 dans sa rédaction actuelle prévoit que le plafond de ressources de l’allocation de base de la PAJE varie selon le rang et le nombre d’enfants nés ou à naître. En conséquence, l’article R. 531-1 majore le plafond de ressources de 25 % par enfant à charge et de 30 % par enfant à partir du troisième.

Le II du présent article supprime la référence au rang de l’enfant. Fixés par décret, les plafonds de ressources devraient désormais varier selon un pourcentage unique de 22 % par enfant à charge soit 6 000 euros de revenu par enfant pour le versement de l’allocation de base à taux plein et 7 167 euros pour le versement à taux partiel.

Cette variation linéaire est un élément de simplification. Votre rapporteure partage le souhait d’améliorer de la lisibilité des prestations pour les allocataires. Ceci contribuera en outre à alléger la charge de travail des services des CAF et atténuera le supplément de complexité lié à l’instauration d’un second plafond de ressources pour l’allocation de base. En outre si la nouvelle configuration est moins favorable pour les familles de plus de trois enfants, ceci est compensé, pour les plus modestes d’entre elles, par la majoration du complément familial.

● L’ajustement du plafond d’exclusion de l’allocation de base

Le plafond de modulation de l’allocation de base de la PAJE sera défini de façon à maintenir un versement à taux plein pour 90 % de ses attributaires. D’après l’étude d’impact jointe au projet de loi, avant application de l’abattement fiscal de 10%, le montant retenu en 2014 serait de 33 000 euros pour un couple avec un enfant et un seul revenu, majorés de 27,27 % en cas d’isolement ou bi-activité, soit un plafond de 42 000 euros. Dans les deux configurations, ces montants progresseraient ensuite de façon linéaire de 6 000 euros pour chaque enfant supplémentaire.

Afin de fixer un écart de 19,46 % entre chaque montant du plafond de modulation de l’allocation de base et du plafond d’exclusion, ce dernier sera légèrement ajusté à la baisse. L’étude d’impact jointe au projet de loi de financement indique que 30 000 familles disposeront en conséquence de revenus supérieurs au plafond d’exclusion de l’allocation de base versée à taux partiel, soit 3% des bénéficiaires, et que 10 000 familles ne bénéficieraient plus de la prime à la naissance ou à l’adoption pour le même motif. Les économies supplémentaires attendues pour la branche famille s’élèveraient à 80 millions d’euros pour l’allocation de base et 10 millions d’euros pour la prime de naissance.

● L’incidence du nouveau plafond de ressource de l’allocation de base sur le complément de mode de garde

Les nouveaux plafonds de ressources ont logiquement vocation à s’appliquer aux enfants nés ou adoptés à compter du 1er avril 2014. Les familles qui bénéficient déjà de l’allocation de base continueront à se voir appliquer les anciens plafonds. Le IV du présent article précise que les plafonds de ressources en vigueur demeurent applicables aux bénéficiaires actuels et seront actualisés conformément à l’évolution des prix à la consommation hors tabac.

Il est en outre précisé que cette règle s’applique également pour les personnes qui bénéficient du « complément de libre choix du mode de garde mentionné à l’article L. 531-5 », attribué principalement pour l’emploi d’un assistant maternel et dans les cas de garde à domicile.

L’ajustement du plafond de ressources applicable à l’allocation de base désormais à taux partiel aura en effet des conséquences sur les plafonds de ressources des autres composantes de la PAJE. Il entraînera des modifications dans le calcul non seulement des plafonds de la prime à la naissance et à l’adoption mais également du complément de mode de garde (CMG) en raison des modalités de coordination des plafonds de ressources des différentes composantes de la PAJE

Le deuxième alinéa du III de l’article L. 531-5 relatif aux montants du CMG prévoit en effet que « le montant versé ne peut excéder un plafond variant en fonction des ressources du ménage, du nombre d’enfants à charge et suivant que cette charge est assumée par une personne seule ou un couple, selon un barème défini par décret. »

Or l’article D. 531-18 définit les montants versés au titre du CMG selon trois plafonds de ressources par application d’un pourcentage au plafond de ressources « mentionné au troisième alinéa de l’article R. 531-1 » : celui de l’allocation de base. En conséquence, le montant maximal du CMG (458,18 euros) est versé au ménage dont le revenu est inférieur à 45 % du plafond de ressource de l’allocation de base, le montant intermédiaire (288,92 euros) est versé en cas de revenus supérieurs à ce plafond mais inférieurs au plafond de l’allocation de base et le montant inférieur (173,33 euros) est versé lorsque les revenus dépassent le plafond de l’allocation de base.

La diminution du plafond d’exclusion de l’allocation de base devrait donc conduire 30 000 familles actuellement attributaires du montant intermédiaire de CMG mais situées dans les plus hauts déciles de revenus à percevoir un montant moindre de CMG. L’économie s’élève à 40 millions d’euros.

Votre rapporteure souhaite souligner qu’aucune famille ne se verra donc exclue du droit à percevoir la prise en charge partielle de la rémunération de la personne qui garde l’enfant (2,6 milliards d’euros de dépenses en 2013). En outre, aucune modification n’est apportée à l’exonération totale de cotisations sociales, pour toutes les familles utilisant le CMG, qui représente plus de la moitié des dépenses au titre du CMG (3,3 milliards d’euros en 2013).

En outre, le CMG constitue aujourd’hui une allocation assez peu modulée avec le revenu puisque plus de 60 % des allocataires perçoivent le montant de valeur intermédiaire. L’effet de seuil sera au demeurant modeste puisque, pour une famille biactive avec deux enfants par exemple, le versement du montant plancher de CMG en lieu et place du montant intermédiaire occasionne une perte de 115,60 euros mensuels soit 2,4 % du montant du plafond. Cet effet de seuil est en outre fortement atténué par le fait que la prise en charge des cotisations sociales ne varie pas en fonction de revenu : son plafonnement en fonction de la rémunération versée à l’assistant maternel ou au garde à domicile entraîne seulement une dégressivité de fait, puisque les familles les plus aisées versent habituellement les rémunérations les plus élevées et utilisent un nombre d’heures important.

LES PLAFONDS ACTUELS (EN EUROS, REVENUS NETS ANNUELS DE 2012 AVANT ABATTEMENT FISCAUX)

Plafond inférieur du CMG

 

Plafond d’exclusion de l’allocation de base, des primes de naissance et d’adoption et du CMG intermédiaire

 

Couples avec un seul revenu

Parent isolé ou couples avec deux revenus

   

Couples avec un seul revenu

Parent isolé ou couples avec deux revenus

 

1 enfant

23 444

23 444

 

1 enfant

39 423

52 099

2 enfants

26 992

26 992

 

2 enfants

47 308

59 983

3 enfants

31 249

31 249

 

3 enfants

56 770

69 445

enfant supplémentaire

4 258

4 258

 

enfant supplémentaire

9 462

9 462

LES NOUVEAUX PLAFONDS (EN EUROS, REVENUS NETS ANNUELS DE 2012 AVANT ABATTEMENT FISCAUX)

Plafond inferieur du CMG

 

Plafond de modulation de l’allocation de base

 

Plafond d’exclusion de l’allocation de base, des primes de naissance et d’adoption et du CMG intermédiaire

 

Couples avec un seul revenu

Parent isolé ou couples avec deux revenus

   

Couples avec un seul revenu

Parent isolé ou couples avec deux revenus

   

Couples avec un seul revenu

Parent isolé ou couples avec deux revenus

   

1 enfant

22 578

22 578

 

1 enfant

33 000

42 000

 

1 enfant

39 423

50 173

2 enfants

25 803

25 803

 

2 enfants

39 000

48 000

 

2 enfants

46 590

57 341

3 enfants

29 028

29 028

 

3 enfants

45 000

54 000

 

3 enfants

53 757

64 508

enfant supplémentaire

3 225

3 225

 

enfant supplémentaire

6 000

6 000

 

enfant supplémentaire

7 167

7 167

Les tableaux ci-dessus présentent les différents plafonds de ressources et illustrent le caractère équilibré de la réforme.

Votre rapporteure estime que l’ensemble de ces mesures améliore la sensibilité des composantes de la PAJE au niveau de revenu des familles. L’effort demandé aux familles paraît raisonnable et contribuera au redressement des comptes de la CNAF à hauteur de 40 millions d’euros dès 2014 et de 600 millions d’euros en 2016.

*

* *

La Commission aborde l’amendement AS226 de M. Gilles Lurton, tendant à la suppression de l’article. 

M. Jean-Pierre Door. L’article 56 modifie les conditions d’attribution de l’allocation de base de la PAJE ; son montant – aujourd’hui fixé à 184 euros par mois pour les 84 % de familles ne dépassant pas un certain plafond de revenu – sera divisé par deux pour 12 % des ménages éligibles à la PAJE, soit 280 000 familles. Cette mesure s’ajoute à la baisse du quotient familial, à la diminution du complément de libre choix d’activité (CLCA) et à la suppression de la réduction d’impôt pour les frais de scolarité ; il s’agit donc d’une nouvelle brèche dans notre politique familiale, ce qui nous conduit à demander la suppression de cet article.

M. Jean-Louis Costes. Cet article constitue une nouvelle attaque contre les classes moyennes et contre la politique familiale car, alors que 16 % des familles ne bénéficient pas de la PAJE, 280 000 autres vont voir leur allocation réduite de moitié. Or, si la France possède un des taux de natalité les plus élevés d’Europe, elle le doit à sa politique familiale.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Cet article ne touche pas au complément de mode de garde ; en outre, un amendement au projet de loi de finances (PLF) maintiendra la réduction d’impôt pour frais de scolarité, et l’allocation de base de la PAJE est versée sous condition de ressources, mais le plafond fixé à cet effet est élevé, puisque seulement 14 % des familles le dépassent contre 52 % dans le cas de l’allocation de rentrée scolaire. L’instauration d’un second plafond rendra la PAJE plus redistributive, car nous souhaitons que les familles pauvres et modestes puissent vivre décemment. La mesure est d’ailleurs cohérente avec la décision d’augmenter le montant du complément familial pour les ménages les plus pauvres. Le nouveau plafond n’entraînera une baisse de l’allocation que pour 12 % des bénéficiaires actuels.

Il est nécessaire de dégager des économies pour redresser les comptes de la CNAF, mais cette action s’effectue dans la justice.

Mme Véronique Louwagie. Madame la rapporteure, vous avez affirmé qu’il n’y aurait pas suppression de la réduction d’impôt pour frais de scolarité, mais cette mesure concerne les collégiens, les lycéens et les étudiants alors que la PAJE concerne les enfants de moins de trois ans. Le nombre des ménages – 280 000 – qui pâtiront de cette décision est tout sauf négligeable. Notre politique familiale fonctionne et il ne faut pas la déstabiliser, surtout à un moment où le pouvoir d’achat des familles est entamé.

M. Bernard Accoyer. Cet article considère l’enfant comme une base de taxation et il diminue les revenus des ménages ayant des enfants en les défavorisant par rapport aux couples sans enfant. Cette attitude est incompréhensible et rompt avec le pacte républicain qui repose sur la solidarité entre les générations : toute mesure qui stigmatise les familles avec enfants – quel que soit leur revenu – jouera contre la natalité, contre le renouvellement des générations et, en définitive, contre le système de retraite par répartition.

M. Jean-Marc Germain. Le Gouvernement mène une réforme de la politique familiale simple : il veut corriger un système – presque unique au monde – dans lequel les familles sont d’autant plus aidées qu’elles sont riches, puisque la majorité des mesures de soutien repose sur des crédits d’impôt qui bénéficient davantage aux ménages qui en acquittent le plus, c’est-à-dire aux plus aisés. Nous souhaitons donc mieux cibler les aides sur les familles les plus modestes et la cohérence de notre politique, voulue par le Premier ministre, doit s’apprécier à la lecture du PLFSS et du PLF.

Nous favorisons également l’accueil des enfants pour permettre aux femmes de travailler ; là encore, il s’agit d’un choix clair que vous pouvez contester, mesdames et messieurs les députés de l’opposition, mais il est inexact d’affirmer que nous ne défendons pas les familles. Les couples ne font pas d’enfants pour les incitations fiscales, monsieur Accoyer, et nous les aidons à assumer leurs charges de famille, conformément aux engagements pris lors de la campagne électorale de 2012 en faveur de la justice et de l’égalité entre les femmes et les hommes.

Mme Isabelle Le Callennec. Je me demande quelles sont vos motivations pour soutenir cet article. Vous présentez les choses de manière défensive en disant que celui-ci maintient le versement à taux plein de l’allocation de base de la PAJE à la très grande majorité de ses bénéficiaires actuels : mais pourquoi baisser cette allocation pour 12 % d’entre eux ? Quelles économies attendez-vous de la réduction qui frappera selon vous les allocataires aux revenus les plus élevés ?

Tout cela s’ajoute à la baisse du quotient familial, à celle du complément de libre choix d’activité et à l’éventuelle suppression de la réduction d’impôt pour frais de scolarité. Que vous ont fait les familles pour mériter un tel traitement ?

Mme Ségolène Neuville. Je voudrais revenir sur l’impact des politiques publiques sur le taux de fécondité. La France est certes très bien placée par rapport aux autres pays, notamment européens, avec un taux de fécondité supérieur ou égal à 2 selon les années, mais si ce taux est de 1,4 en Allemagne, ce n’est pas en raison de l’absence d’allocations versées en fonction du nombre d’enfants, mais faute de solutions de garde, en particulier collectives, pour les moins de trois ans : dans ce pays, 30 % des femmes nées en 1965 n’ont pas d’enfant parce qu’elles seraient contraintes de le garder à la maison jusqu’à cet âge de trois ans !

Notre politique familiale est à l’opposé : nous favorisons la création de places en crèche et essayons prioritairement de mettre les enfants à l’école avant cet âge. Il s’agit d’une politique de qualité permettant aux femmes de concilier vie familiale et vie professionnelle.

M. Jean-Pierre Barbier. Je trouve un peu hasardeux de chercher à expliquer un taux de natalité en fonction de telle ou telle politique familiale. Mais, quoi qu’il en soit, cet article reviendra à exclure 30 000 familles du bénéfice de l’allocation de base, soit 3 % des bénéficiaires, à en priver 10 000 de la prime à la naissance ou à l’adoption et à réduire le montant perçu par 30 000 autres : au total, 70 000 familles seront touchées !

Vous qui parlez toujours d’égalité de traitement, vous créez une inégalité entre les familles actuellement bénéficiaires de cette allocation et celles qui auront bientôt des enfants !

Mme Bérengère Poletti. Pour être efficace, une politique familiale doit être au long cours. La différence entre les pratiques de la France et de l’Allemagne est à cet égard instructive : quand nous avons mis en place les dispositifs pour aider à la garde des enfants, les crèches n’ont pas été disponibles immédiatement et les familles ont d’abord dû recourir à des assistantes maternelles, mais cette politique a validé la démarche des femmes qui voulaient exercer un métier et elle a progressivement imposé un modèle culturel. Le travail féminin s’est ainsi développé, alors que cela n’a pas été le cas chez nos voisins, en l’absence de moyens financiers pour accompagner les familles.

Je trouve dommage, maintenant que nous avons un modèle assez exemplaire, que beaucoup nous envient, de dire qu’il ne s’agit pas d’un problème de moyens et de porter atteinte à cette politique de longue durée.

M. Bernard Accoyer. Réduction des avantages fiscaux consentis pour la garde d’enfant, du complément de libre choix d’activité, non-revalorisation du barème de l’impôt sur le revenu, remise en cause de l’allocation de base de la PAJE, etc. : toutes ces mesures se cumulent de sorte que nous recevons maintenant dans nos permanences des familles de la classe moyenne en situation très difficile, car faire garder des enfants coûte cher et les programmes de construction de crèches ne pourront jamais couvrir la totalité des besoins. Vous additionnez les dispositions contre les familles avec enfants en expliquant qu’elles sont riches. Mais ce n’est pas ce qu’elles nous disent ! D’ailleurs, les familles riches sont bien au-dessus des plafonds en question. Des mères se retrouvent en revanche dans une détresse terrible, d’autant que la réforme des rythmes scolaires complique encore l’accueil des jeunes enfants. Ce n’est pourtant pas le moment de s’en prendre aux familles avec enfants !

M. Pierre Morange. L’exécutif a lancé une série de réflexions sur le financement de la protection sanitaire et sociale – une structure particulière y a été affectée. Il réfléchit aussi à une réforme du financement de la politique de la famille, dont l’application a d’ailleurs été reportée à la mi-2014 – et, de son côté, le Parlement travaille sur le sujet, à travers la MECSS.

Cependant, si, depuis que la nouvelle majorité est en place, des mesures ont été prises pour limiter le déficit de la branche famille, elles n’ont qu’une portée assez ponctuelle, faute de s’intégrer dans une vision d’ensemble. Il y aurait donc lieu d’avoir une approche plus globale afin de dégager des lignes directrices pour agir dans la durée.

D’autre part, nous assistons à un changement de paradigme : alors que la politique familiale repose historiquement sur un principe d’universalité, de sorte qu’elle est déconnectée des revenus, voici que s’impose une logique redistributrice. Cette nouvelle logique peut s’admettre mais il faut que nous puissions en débattre. En tout cas, entre ce changement de paradigme et les mesures ponctuelles, cet article me paraît inopportun.

M. Jean-Patrick Gille. Vous avez bien résumé nos divergences, monsieur Morange ! Nous conservons le principe d’une politique familiale à visée universelle tout en essayant de promouvoir une plus grande redistribution, considérant que, comme l’a dit Jean-Marc Germain, la politique actuelle favorise les revenus les plus élevés. Cela dit, les allocations familiales ne sont pas remises en cause.

D’autre part, en raison en partie de la politique menée par la précédente majorité, le financement de la branche famille se trouve déséquilibré. Nous essayons donc de rétablir l’équilibre tout en consacrant les économies que nous pouvons réaliser à l’accueil de la petite enfance, fidèles en cela à l’un des traits caractéristiques de notre politique familiale qui vise à favoriser le travail des femmes. Je vous remercie donc M. Morange de son propos assez juste et équilibré.

Je ne répondrai pas en revanche à M. Accoyer, qui a additionné les poncifs sans vraiment les étayer.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. La politique familiale est redistributive depuis longtemps : les prestations financées par la branche famille ne sont universelles qu’à 57 %. Mais ce serait une erreur de ne pas tenir compte de l’évolution de la société depuis 1945.

Je rappelle que nous occupons le deuxième rang mondial en ce qui concerne la pauvreté des enfants. Cela doit nous inciter à mieux répartir les prestations familiales.

Nous consacrons plus de 3 % de notre PIB à la politique familiale, ce qui nous rend exemplaires. Or les mesures que nous proposons ne concernent, sur les près de trois millions de familles de ce pays, qu’une petite partie d’entre elles, qui pourront tout de même faire face. La Cour des comptes avait d’ailleurs relevé que le niveau trop élevé du plafond de ressources écartait très peu de familles des prestations.

D’autre part, la politique de la famille ne repose pas seulement sur la branche famille, mais aussi sur les dispositions de la loi de finances. Y contribuent également la refondation de l’école et la convention d’objectifs et de gestion (COG) signée avec la CNAF il y a quelques mois, permettant de créer 270 000 places d’accueil collectif. C’est une nouveauté : si on fait le bilan de l’action menée en la matière au cours de la dernière législature, on constate que le solde entre le nombre de places créées et celui de places d’école maternelle supprimées est égal à zéro !

Nous cherchons donc à mieux concilier vie familiale et vie professionnelle, notamment par l’accueil de la petite enfance au travers de modes de garde diversifiés, et nous tenons nos engagements.

Je rappelle enfin que la caisse d’allocations familiales participe à la réforme des rythmes scolaires puisqu’elle finance les collectivités qui la mettent en place.

La Commission rejette l’amendement AS226.

Puis elle adopte l’article 56 sans modification.

Article 57
(art. L. 531-4 du code de la sécurité sociale)

Suppression de la majoration du complément libre choix d’activité
de la prestation d’accueil du jeune enfant
et simplification des conditions d’attribution aux non-salariés

Le complément de libre choix d’activité (CLCA) de la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE) compense la perte de revenu induite par l’arrêt ou la réduction de l’activité professionnelle de parents d’enfants de moins de trois ans.

L’ouverture du droit au CLCA est subordonnée à l’exercice d’une activité professionnelle antérieure pendant une période de référence dont la durée varie en fonction du nombre d’enfants à charge. La perception du CLCA n’est pas soumise à condition de ressources mais son montant, non imposable, est actuellement modulé selon que le foyer auquel appartient le bénéficiaire perçoit ou non l’allocation de base de la PAJE. Le présent article supprime cette modulation afin d’uniformiser le montant du CLCA quel que soit le niveau de ressources des allocataires.

Le CLCA peut être perçu à taux plein lorsque le parent ne travaille plus ou à taux partiel lorsque le parent poursuit son activité à temps partiel. Le présent article simplifie et sécurise les règles d’attribution du CLCA à taux partiel pour les travailleurs non-salariés.

1. La suppression de la majoration du montant du CLCA en cas de non-perception de l’allocation de base de la PAJE

Le 3e du I du présent article supprime le VII de l’article L. 531-4 du code de la sécurité sociale qui prévoit que « le montant du complément de libre choix d’activité est majoré lorsque la personne y ouvrant droit ne bénéficie pas de l’allocation de base» de la PAJE.

Les montants du CLCA au 1er avril 2013

Pour un arrêt total d’activité, le CLCA est de 388,19 euros par mois en cas de perception de l’allocation de base de la PAJE ; de 572,81 euros par mois dans le cas contraire.

Pour une activité professionnelle inférieure ou égale à un mi-temps, le CLCA est de 250,95 euros par mois en cas de perception de l’allocation de base de la PAJE ; de 435,57 euros dans le cas contraire.

Pour une activité professionnelle comprise entre 50 % et 80 %, le CLCA est de 144,77 euros par mois en cas de perception de l’allocation de base de la PAJE ; de 329,38 euros dans le cas contraire.

Cette disposition constitue en effet un avantage réservé aux seules familles les plus aisées. Ainsi que votre rapporteure l’a indiqué au commentaire de l’article 56 du projet de loi de financement, seules les familles dont les revenus sont situés dans les deux déciles les plus élevés sont exclues du bénéfice de l’allocation de base de la PAJE dont le plafond d’exclusion est très élevé. Selon les années, cette situation concerne en moyenne 10% des bénéficiaires du CLCA, soit 60 000 personnes environ.

La majoration du CLCA pour les bénéficiaires non éligibles à l’allocation de base de la PAJE inverse donc la logique redistributive qui est attendue d’une prestation conditionnée par les ressources.

Votre rapporteure a pris la mesure du caractère injuste de cette situation lorsqu’elle a exercé les fonctions de rapporteure dans le cadre des travaux de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale sur la prestation d’accueil du jeune enfant présentés à la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale en juillet 2009. Elle en a conclu que la majoration du CLCA constitue un effet d’aubaine car, dans leur grande majorité, les personnes percevant le montant majoré auraient réduit leur activité en tout état de cause.

Ainsi que l’indique le tableau ci-dessous, les bénéficiaires du CLCA majoré le perçoivent majoritairement à taux partiel ou très partiel en raison d’un maintien d’activité. Ceci illustre encore l’effet d’aubaine : les bénéficiaires retirent déjà du maintien partiel de leur activité des revenus plus importants que les autres allocataires et la majoration du montant du CLCA constitue d’autant moins pour eux la compensation d’une perte de revenu.

LE NOMBRE ET LA PART DES COMPLÉMENTS VERSÉS SELON LE NIVEAU D’ACTIVITÉ

 

CLCA non majoré

CLCA majoré

Tous CLCA

nombre

part

nombre

part

nombre

part

Activité entre 50% et 80%

149 000

30 %

32 000

56 %

181 000

33 %

Activité inférieure ou égale à un mi-temps

44 000

9 %

7 000

12 %

51 000

9 %

Cessation totale d’activité

298 000

60 %

18 000

32 %

316 000

57 %

CLCA couple

7 000

1,4 %

400

0,7 %

7 400

1,3 %

Total

499 000

100 %

57 500

100 %

556 000

100 %

Source : échantillon national des allocataires des CAF 2010 (CNAF, DSS)

     

Dans son rapport sur la sécurité sociale pour 2012, la Cour des comptes a en outre souligné que cette majoration atténue plus encore la portée de la condition de ressource de l’allocation de base de la PAJE. Le présent article est donc cohérent avec le recentrage de l’allocation de base organisé à l’article 56 du présent projet de loi.

Le II du présent article prévoit que la mesure sera applicable aux seuls enfants nés ou adoptés à compter du 1er avril 2014. Les familles actuellement attributaires d’un CLCA majoré continueront donc à le percevoir jusqu’au terme du congé.

L’économie occasionnée s’élève à 30 millions dès 2014 et atteindra 90 millions d’euros en 2017.

2. Simplification de l’accès des non-salariés au CLCA à taux partiel

Le 3e alinéa de l’article L. 531-4 prévoit que le CLCA est attribué à taux partiel à la personne qui exerce une activité ou poursuit une formation professionnelle rémunérée, à temps partiel. Le montant du CLCA est alors fonction de la quotité de l’activité exercée ou de la formation suivie.

Ces dispositions ne sont pas applicables aux travailleurs non-salariés : au moment de l’attribution du CLCA, ils ne peuvent justifier leur réduction d’activité par le nombre d’heures travaillées puisqu’aucun décompte n’est établi par un employeur. Selon l’étude d’impact jointe au projet de loi de financement, les travailleurs indépendants représentent, début 2013, 2,6 % des bénéficiaires du CLCA à taux réduit, soit moins de 6 000 bénéficiaires sur près de 218 000.

Le 4e alinéa de l’article L. 531-4 prévoit en conséquence que sont « adaptées par décret » les modalités selon lesquelles le CLCA est attribué aux différentes catégories de travailleurs non-salariés.

Le I du présent article modifie cet alinéa afin que la loi prévoie désormais expressément les conditions d’attribution du CLCA à taux partiel aux travailleurs non-salariés. Le renvoi au décret pour adapter les modalités d’attribution n’est maintenu que pour les élus locaux.

● Une mise en conformité juridique

Les conditions d’adaptation par décret, pour les seuls non-salariés, des dispositions légales d’attribution du CLCA aux salariés figurent actuellement à l’article D. 531-9 du code de la sécurité sociale.

Deux conditions cumulatives sont prévues : l’une fixe le nombre maximal d’heures de travail mensuel à temps partiel et prévoit que le demandeur les déclare sur l’honneur ; l’autre définit un plafond à la rémunération mensuelle nette ou au revenu professionnel procuré par l’activité à temps partiel.

Par sa décision n° 360815 du 8 mars 2013, le Conseil d’État a jugé que si les travailleurs indépendants se trouvent dans une situation différente de celle des salariés dont les heures de travail peuvent être décomptées sans marge d’erreur, l’imposition aux seuls non-salariés d’un plafond de ressources pour l’attribution du CLCA à taux partiel revient à instituer une différence de traitement manifestement disproportionnée au regard de cette différence de situation et donc contraire au principe d’égalité.

Il a en outre relevé que les dispositions de l’article D. 531-19 sont entachées d’incompétence : le pouvoir réglementaire a empiété sur le domaine de la loi. Selon l’article 34 de la Constitution, il revient en effet à la loi de déterminer les principes fondamentaux de la sécurité sociale, au nombre desquels figure la définition de la nature des conditions exigées pour l’attribution d’une prestation : en subordonnant le bénéfice du CLCA à taux partiel à une condition de montant maximal des ressources procurées par l’activité exercée, le pouvoir réglementaire ne s’est ainsi pas borné à adapter les modalités d’attribution à certaines catégories de travailleurs mais a fixé une condition nouvelle non prévue par la loi et qu’il ne lui appartenait pas d’instituer.

Sans intervention du législateur, le décret pourrait donc seulement exiger du travailleur non salarié demandant le CLCA d’attester sur l’honneur la réduction d’activité : or ceci ne serait pas suffisant au regard du risque d’abus et de fraude.

● Une attribution simplifiée et élargie

Dans la nouvelle rédaction proposée, le 4e alinéa de l’article L. 531-4 prévoit que le CLA est attribué au travailleur non salarié, en fonction de la quotité d’activité déclarée sur l’honneur dès lors que cette activité ne lui procure pas une rémunération mensuelle nette ou un revenu professionnel excédant des montants définis par décret. Il y a donc transposition au niveau législatif des dispositions réglementaires annulées par le Conseil d’État.

Le principe d’une déclaration sur l’honneur jusqu’à un certain plafond de revenu permet de concilier l’objectif de lutte contre la fraude et l’objectif de simplification administrative qui participe de l’efficacité de l’action publique. Votre rapporteure considère que les modalités proposées constituent un bon équilibre entre la démarche de simplification et le maintien de formalités indispensables de contrôle.

L’accès au CLCA restera donc simple pour la très grande majorité des travailleurs indépendants dont les revenus d’activités sont inférieurs aux plafonds actuels, fixés par décret, soit 1 759 euros par mois pour un temps de travail inférieur à 76 heures par mois et 2 648 euros par mois pour un temps de travail compris entre 77 heures et 122 heures par mois.

Le CLCA n’étant pas soumis à condition de ressources, des dispositions spécifiques sont proposées lorsque la rémunération ou le revenu perçus sont supérieurs à ces montants. Dans sa nouvelle rédaction, le 4e alinéa de l’article L. 531-4 prévoit que le complément à taux partiel peut également être attribué dans ce cas, dès lors que les revenus « sont proportionnels à la réduction de l’activité déclarée ». Il reviendra dès lors aux travailleurs non-salariés de prouver par tout moyen qu’ils exercent une activité réduite.

Au demeurant, l’obligation de justification des revenus pour l’ensemble des travailleurs non-salariés existe déjà mais a posteriori, le III de l’article D. 531-9 la prévoyant pour chaque période de droit, lorsque les revenus effectivement perçus au cours d’une période sont connus, entraînant le cas échéant recouvrement des sommes indûment versées.

L’instauration d’une différence de traitement entre les non-salariés selon leur niveau de revenu semble nécessaire afin de prévenir une fraude sociale de grande ampleur. Elle satisfait donc à un objectif de nature constitutionnelle qui résulte de la combinaison d’une part de l’exigence de bon usage des deniers publics, qui découle de l’article XIII de la Déclaration de 1789 et, d’autre part, de l’objectif à valeur constitutionnelle d’équilibre financier de la sécurité sociale dégagé par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 97-393 DC du 18 décembre 1997 relative à la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998.

En outre, la nouvelle rédaction supprime l’énumération des différentes catégories de travailleurs non-salariés définies par des dispositions spécifiques figurant, pour les voyageurs représentants placiers et les employés de maison, aux articles L. 7311-3 et 7221-1 du code du travail (12), pour les artisans et commerçants à l’ancien article L. 615-1 du code de la sécurité sociale, pour les professionnels de santé, à l’article L. 722-1 du même code et pour les non-salariés agricoles, aux articles L. 722-4, L. 722-9, L. 722-22 et L. 722-28 du code rural et de la pêche maritime.

La mention de la seule catégorie des « travailleurs non-salariés » suffit à rendre le dispositif applicable à chacune de ces catégories. Il en résultera un élargissement de l’accès au CLCA car les dispositions réglementaires d’application existantes ne sont pas aujourd’hui, en pratique, applicables à toutes les catégories de travailleurs non-salariés.

Selon les différentes hypothèses présentées, l’accroissement consécutif du recours au CLCA à taux partiel par des travailleurs non-salariés représenterait une dépense supplémentaire pour la CNAF s’élevant entre 5 et 15 millions d’euros en 2017.

*

* *

La Commission est saisie de l’amendement AS227 de M. Gilles Lurton tendant à la suppression de l’article.

Mme Bérengère Poletti. Cet article supprime le complément de libre choix d’activité (CLCA) majoré pour les familles qui dépassent le plafond de ressources au-delà duquel on perd le bénéfice de l’allocation de base de la PAJE, faisant ainsi largement baisser la rémunération de ce complément, pourtant déjà faible. En outre, il est totalement illogique que le Gouvernement affiche, dans le projet de loi sur l’égalité des hommes et des femmes, l’objectif de rendre attractif le recours au CLCA pour les hommes et que, dans le même temps, il en réduise la rémunération.

Cette mesure s’ajoute à d’autres, malheureusement trop nombreuses, et ouvre une nouvelle brèche dans notre politique familiale, qui est pourtant un investissement d’avenir pour notre pays. C’est grâce à elle que notre natalité est nettement plus élevée que dans la plupart des pays européens – qui envient nos résultats – et également répartie entre les couches sociales.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Aujourd’hui, le montant du CLCA est majoré lorsque le bénéficiaire ne perçoit pas l’allocation de base de la PAJE. C’est donc un avantage réservé aux familles les plus aisées puisque seulement 14 % d’entre elles sont exclues de cette dernière. Cela va au rebours d’une politique redistributive et nourrit un effet d’aubaine car, dans leur grande majorité, les personnes percevant le montant majoré auraient réduit leur activité en tout état de cause.

J’ai pris la mesure du caractère injuste de cette situation lorsque j’étais rapporteure des travaux de la MECSS sur la PAJE, en 2009. Ce point de vue, alors partagé par mon groupe politique, ne l’était pas, il est vrai, par l’UMP !

Je précise que le montant du CLCA non majoré n’est pas modifié. D’autre part, si vous supprimez cet article, vous ferez disparaître aussi les mesures visant à simplifier l’attribution du CLCA aux non-salariés.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 57 sans modification.

Article 58
(art. L. 531-5 et -6 du code de la sécurité sociale)

Simplification des modalités d’attribution du complément de mode de
garde (CMG) de la prestation d’accueil du jeune enfant et plafonnement
des tarifs des micro-crèches éligibles au CMG-structure

Le présent article comporte deux mesures d’amélioration du complément de libre choix du mode de garde (CMG), composante de la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE). Versé aux familles pour compenser les frais de garde de leurs enfants, le CMG est utilisé principalement pour financer un mode d’accueil individuel, par recours direct à un assistant maternel ou à la garde à domicile, jusqu’au troisième anniversaire de l’enfant.

Le CMG a été établi dans le but de faciliter, pour les familles ayant de jeunes enfants, la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle. Le CMG est donc réservé aux personnes qui exercent ou cherchent à exercer une activité professionnelle : le présent article simplifie la définition de cette condition.

Si la prestation est principalement utilisée pour le recours direct à une solution individuelle d’accueil du jeune enfant, elle permet également, sous la forme du CMG « structure », de recourir à d’autres modalités d’accueil, principalement les « micro-crèches ». Le présent article établit une condition de plafond des tarifs pratiqués par les micro-crèches afin de réduire le reste-à-charge des familles utilisatrices.

1. La suppression de l’exigence d’un revenu minimal pour remplir la condition d’exercice d’une activité professionnelle

Le I du présent article modifie le cinquième alinéa de l’article L. 531-5 du code de la sécurité sociale relatif aux conditions d’attribution du complément de mode de garde. À la condition actuelle de minimum de revenus tirés d’une activité professionnelle, il substitue la condition de simple exercice d’une activité professionnelle. Tant pour les salariés que pour les non-salariés, le CLCA sera attribué « à la condition que le ménage ou la personne seule exerce une activité professionnelle ».

La modification de la loi abrogera les différentes conditions figurant à l’article R. 531-5 qui définit, pour les salariés, un minimum de revenu net mensuel égal ou supérieur à 399 euros pour une personne seule, porté à 798 euros lorsque la charge de l’enfant est assumée par un couple. Pour les non-salariés, la condition de minimum de revenu est actuellement vérifiée par le respect des règles d’affiliation en matière d’assurance vieillesse.

Bien que de tels montants de revenus minimums tirés d’une activité professionnelle soient faibles, l’étude d’impact jointe au projet de loi indique que la CNAF a recensé depuis le début de l’année 2013 plus de 8 300 refus d’ouverture de droit au CMG en raison de l’insuffisance des revenus à ce titre.

Une telle condition de revenu minimal tiré d’une activité professionnelle est en effet défavorable pour les parents les plus jeunes en cours d’insertion professionnelle et qui n’entrent pas dans les cas de figure pour lesquels la condition d’exercice d’une activité professionnelle elle-même est d’ores et déjà levée.

En effet les alinéas 7 à 10 de l’article L. 531-5 dispensent de cette condition les étudiants, les bénéficiaires de l’allocation adulte handicapé ainsi que les bénéficiaires du revenu de solidarité active inscrits dans une démarche d’insertion. Par comparaison les actifs en emploi à temps très partiel et retirant un très faible revenu de leur activité professionnelle sont donc pénalisés.

Ainsi, un jeune parent qui vient de terminer ses études ou les prolonge partiellement et exerce une activité salariée très réduite qui l’empêche de bénéficier du statut d’étudiant ne peut aujourd’hui bénéficier du CMG. Pourtant l’accès à une solution d’accueil du jeune enfant favoriserait son insertion professionnelle.

Votre rapporteure précise en outre qu’en vertu de l’article de D. 531-19 du code de la sécurité sociale, les périodes de perceptions d’indemnité journalière, les périodes de chômage indemnisé et les périodes de formation professionnelle rémunérée sont d’ores et déjà assimilées à une activité professionnelle.

Le présent article améliore donc la couverture du CMG en levant tout obstacle à l’accès à ce droit pour des bénéficiaires potentiels dont la situation est insuffisamment prise en compte par le droit existant. Il en résultera un accroissement du recours au CMG et une dépense supplémentaire pour la CNAF d’environ 3 millions d’euros en 2014, 16 millions d’euros en 2015 et qui pourrait atteindre 25 millions d’euros au terme de la montée en charge, en 2017.

Votre rapporteure salue une mesure de simplification qui constitue également un élargissement du taux de couverture d’une prestation qui contribue à promouvoir le taux d’activité féminine et les projets familiaux des jeunes adultes.

2. Le plafonnement du tarif des micro-crèches éligibles au CMG « structure »

Le CMG dit « structure » défini à l’article L. 531-6 du code de la sécurité sociale a initialement visé à solvabiliser le recours à des associations ou entreprises faisant office d’intermédiaires entre le parent et l’assistant maternel.

L’article 122 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 a cependant inséré un 8e alinéa à l’article L. 531-6 afin d’étendre le bénéfice du CMG aux familles qui ont recours à « un établissement d’accueil de jeunes enfants (…) dont la capacité d’accueil maximale ne dépasse pas un seuil fixé par décret ». Définies au 4e de l’article R. 2324-17 du code de la santé publique, ces « micro-crèches » sont des « établissements d’accueil collectif (EAJE) dont la capacité est limitée à dix places ».

En vertu de l’article D. 531-23 du code de la sécurité sociale, la micro-crèche ne peut cumuler un financement au titre de l’action sociale de la CNAF par le biais de la prestation de service unique et une aide à la solvabilisation des familles par le biais du CMG. Les gestionnaires choisissent donc entre d’une part la prestation de service unique (PSU) qui emporte application d’un barème tarifaire défini au plan national, et d’autre part la liberté tarifaire, les familles utilisatrices devant dès lors recourir au CMG.

Le présent article fixe un plafond tarifaire au-delà duquel le recours à une micro-crèche n’ouvre plus droit à versement du CMG à la famille utilisatrice.

• Le dynamisme des micro-crèches est fragilisé par les abus tarifaires

On recense en 2012 près de 35 000 familles utilisatrices du CMG structure contre 842 000 bénéficiaires du CMG dans son ensemble, soit moins de 4,2 %. Cette part est cependant en très forte croissance depuis 5 ans, en raison de l’augmentation rapide du nombre de places en micro-crèches.

Comme l’indiquent les tableaux ci-dessous, les micro-crèches représentent désormais la très grande majorité des cas d’utilisation du CMG structure. La solvabilisation de la demande par le CMG structure a ainsi fortement accru la capacité d’accueil fournie par les micro-crèches.

FAMILLES AYANT RECOURS AU CMG STRUCTURE, AU 31 DÉCEMBRE 2011

 

Métropole

Outre-mer

France entière

part

Service d’accueil familial

755

19

774

3,5 %

Service d’accueil à domicile

4 772

59

4 831

16 %

Micro-crèche

22 382

860

23 242

80,5 %

Total

27 909

938

28 847

100 %

Source : CNAF- Dser Fileas 2011 / Données comptables 2011.

ÉVOLUTION DU NOMBRE DE PLACES D’ACCUEIL EN MICRO-CRÈCHES

 

2009

2010

2011

Évolution 2010-2011

Part des places en 2011

Places en micro-crèches

1 800

4 150

7 010

+ 69%

1,9%

Source : DRESS, enquête PMI 2011.

Les 7 010 places proviennent de 720 structures relevant de la catégorie des micro-crèches, 340 dans des structures mono-accueil et 380 dans des structures multi-accueil associées souvent à des solutions de garde occasionnelle d’enfants âgés de plus de trois ans et de moins de six ans.

Le gestionnaire d’une micro-crèche peut être public ou privé, à but lucratif ou non-lucratif. Il s’agit souvent d’une entreprise de crèches.

Les coûts de fonctionnement des micro-crèches sont supérieurs à ceux d’une crèche collective car elles ne disposent pas des mêmes économies d’échelles. Elles bénéficient cependant d’une relative souplesse de fonctionnement, notamment en matière d’horaires, ce qui leur permet de répondre rapidement aux besoins dans des zones sous tension et de maximiser l’utilisation des places. Par rapport aux autres établissements d’accueil des jeunes enfants (EAJE), leurs obligations réglementaires sont allégées en matière d’encadrement et de qualification du personnel. L’article R. 2324-36-1 du code de la santé publique dispense par exemple les micro-crèches de l’obligation de désigner un directeur.

Le coût moyen pour la CNAF d’un CMG structure est en outre plus faible en raison de l’utilisation d’un moindre nombre d’heures par les parents. Il est d’environ 6 700 euros par an en cas d’emploi direct d’un assistant maternel mais de 4 700 euros par an en cas de recours à une micro-crèche.

Comme l’illustre la carte ci-dessous, les micro-crèches sont essentiellement présentes dans les grands centres urbains où la demande de d’accueil collectif de proximité est la plus importante et où ces structures proposent souvent un service complémentaire d’un autre mode de garde. Dans une moindre mesure, des micro-crèches associatives répondent, dans des territoires moins denses, à des besoins de garde à temps plein et sont soutenues par des collectivités qui ne pourraient pas financer de crèches collectives de taille plus importante.

PROPORTION DES BÉNÉFICIAIRES DU CMG STRUCTURE SUR L’ENSEMBLE DES ALLOCATAIRES DES CAF AU 31 DÉCEMBRE 2010

Selon les travaux du Centre d’analyse stratégique (13), les micro-crèches font figure d’exception parmi les structures mises en place par les entreprises de crèche. Alors que celles-ci, hors micro-crèches, appliquent le plus souvent le barème national de la prestation de service unique afin d’être éligibles à cette subvention, 57 % des micro-crèches ont choisi d’être financées par le biais du CMG structure.

L’effet principal de l’absence d’encadrement tarifaire a été une envolée des tarifs dont il résulte une hausse du coût associé à la garde de l’enfant une fois déduites les aides publiques.

Le reste-à-charge moyen des familles ayant recours à une micro-crèche financée par le CMG serait le double de celui des micro-crèches financées par la prestation de service unique : 2,60 euros par heure contre 1,27 euro. Pour un couple d’actifs rémunérés au niveau du SMIC, le reste-à-charge mensuel moyen en cas de recours au CMG structure serait, en 2013, de 355 euros contre 288 euros en cas d’emploi d’un assistant maternel et 120 euros en cas de place en crèche collective. Les taux d’efforts seraient donc respectivement de 15 %, 12 % et 5 %.

L’évaluation des effets de cette liberté tarifaire présentée par l’étude d’impact jointe au projet de loi se fonde sur une enquête de la CNAF menée en août 2012 auprès de 16 CAF concernant 468 micro-crèches accueillant 4 403 enfants. Il en ressort que certaines structures auraient tendance à optimiser le prix de l’heure de garde facturée en fonction du montant du CMG auquel les parents ont droit : ceci les conduirait à renchérir le tarif horaire demandé aux familles qui bénéficient du montant maximal de CMG, c’est-à-dire les plus modestes. Il est fait état de variations importantes des tarifs horaires pratiqués par des établissements pourtant comparables, le ratio atteignant 1 à 10. De même, l’ensemble des prestations finalement facturées aux familles dépasseraient parfois les tarifs affichés, seuls pris en compte par le CMG.

Dès lors l’absence de contrôle des tarifs des micro-crèches financées par le CMG suscite légitimement des craintes quant au maintien de la mixité sociale dans ces établissements. Dans la mesure où les projets de micro-crèches bénéficient parfois d’un soutien initial des collectivités territoriales, l’entière liberté des tarifs semble en outre peu cohérente avec le pilotage de l’offre d’accueil du jeune enfant sur un territoire.

● Un plafonnement des tarifs afin de diminuer le reste-à-charge des familles

Le II du présent article complète le dernier alinéa de l’article L. 531-6 du code de la sécurité sociale afin de subordonner le versement du CMG au ménage qui recourt à une micro-crèche à la condition que « la tarification appliquée par l’établissement ne dépasse pas un montant horaire maximum fixé par décret ».

Les micro-crèches sont les seules visées par le dernier alinéa de l’article L. 531-6 : elles sont donc les seules concernées par le plafonnement des tarifs. Ils demeurent libres dans les autres cas d’utilisation du CMG structure, notamment le recours à une entreprise de services à la personne employeur d’un assistant maternel. La définition des plafonds tarifaires est logiquement renvoyée au décret.

Les plafonds envisagés seraient compris entre 8 euros et 12 euros par heure. D’après l’enquête de la CNAF déjà mentionnée, 95 % des micro-crèches pratiqueraient des tarifs horaires moyens inférieurs à 12 euros, 85 % inférieurs à 9 euros et 64 % inférieurs à 8 euros. Un plafonnement à 8 euros de l’heure pourrait donc concerner 36 % des structures, accueillant 42 % des enfants.

Votre rapporteure souhaite que, quel que soit le plafond retenu, une évaluation soit engagée pour s’assurer que les micro-crèches pratiquant actuellement des tarifs inférieurs aux futurs plafonds n’ajustent pas, en conséquence, leurs tarifs à la hausse afin de s’aligner sur le « prix-plafond » affiché.

● L’évaluation difficile de l’économie occasionnée

L’incidence sur les comptes de la CNAF de cette mesure d’efficacité et de justice paraît cependant incertaine.

L’effet attendu de la fixation d’un plafond tarifaire doit être l’alignement à la baisse des tarifs pratiqués par les établissements pratiquant des prix plus élevés. Mais dans ce cas, compte tenu des besoins de solutions d’accueil et de la flexibilité de l’offre des micro-crèches, l’effet prix pourra conduire les familles à utiliser un nombre d’heures plus important : leur reste à charge horaire sera certes diminué mais les montants de CMG utilisés seront identiques. L’économie pour la CNAF serait alors marginale.

L’étude d’impact jointe au projet de loi envisage cependant une économie pour la CNAF qui s’élèverait à 1,5 million d’euros par an dès 2014, mais elle se fonde sur des hypothèses toutes différentes. Ce montant est établi en partant de l’hypothèse d’un plafond de tarif de 12 euros, inférieur à celui actuellement pratiqué par 5 % des micro-crèches accueillant 4 % des enfants : le scénario envisagé est celui d’un maintien de tarifs trop élevés par les micro-crèches en question entraînant, pour les familles fréquentant ces établissements, la perte du bénéfice du CMG structure. Un tel scénario ne semble ni particulièrement crédible, ni souhaitable. En outre il ne tient pas compte de l’effet de report vers d’autres solutions d’accueil.

L’effet financier de la mesure pourra en tout état de cause être évalué progressivement ce qui permettra de mesurer la pertinence de son extension aux autres cas d’utilisation du CMG structure.

Votre rapporteure considère en outre que l’évaluation des effets du plafonnement des tarifs pratiqué devra permettre de déterminer si le financement de l’ensemble des micro-crèches par la prestation de services unique de la CNAF ne pourrait pas, à terme, être envisagé.

Il reste que le plafonnement des tarifs pratiqués permettra à court terme de rapprocher les situations de recours aux micro-crèches ce qui constitue un progrès dans l’égalité de traitement des familles.

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La Commission adopte l’article 58 sans modification.

Article 59
Paramètres de calcul de l’allocation de logement familiale pour 2014

Le présent article prévoit que les paramètres de calcul de l’allocation de logement familiale ne sont pas révisés pour l’année 2014.

Définie à l’article L. 542-1 du code de la sécurité sociale, l’allocation de logement familiale (ALF) est servie essentiellement aux personnes et aux couples ayant au moins un enfant ou une personne à charge. Elle est intégralement financée par la CNAF pour un montant de 4,4 milliards d’euros en 2013. On compte plus de 1,3 million de bénéficiaires.

Définis au deuxième alinéa de l’article L. 542-5 du code de la sécurité sociale, et applicables dans les départements d’outre-mer conformément au dernier alinéa de l’article L. 755-21, les paramètres de calcul de l’allocation de logement familiale sont normalement révisés chaque année au 1er janvier et indexés sur l’évolution de l’indice de référence des loyers (IRL) (14).

Selon l’article L. 542-5, l’opération de révision porte les paramètres suivants :

– les plafonds de loyers ;

– les plafonds des charges de remboursement de contrats de prêts dont la signature est postérieure à la date de révision du barème ;

– le montant forfaitaire des charges ;

– les équivalences de loyer et de charges locatives ;

– le terme constant de la participation personnelle du ménage.

Le maintien en 2014, à leur niveau de 2013, des paramètres représentatifs de la dépense de logement des barèmes d’allocations peut se prévaloir du faible taux d’inflation attendu en 2014, à hauteur de 1,3 %.

Votre rapporteure relève en outre que les dépenses de logements seront contenues dans les zones en tension en raison des mesures d’encadrement des loyers prises à l’été 2012 et reconduites depuis le 1er août 2013 (15) : les montants de révision du loyer à l’occasion du renouvellement du bail ou à la relocation sont ainsi strictement encadrés.

La non-révision de l’ALF limitera en 2014 la hausse des dépenses d’aides au logement : leur croissance ne sera plus fonction que de la hausse du nombre d’allocataires et non de l’augmentation du montant de l’aide. L’économie occasionnée pour la CNAF est évaluée à 46 millions d’euros.

Les mêmes dispositions figurent à l’article 64 du projet de loi de finances pour les aides personnalisées au logement (APL), définies à l’article L. 351-3 du code de la construction et de l’habitation, et pour l’allocation de logement sociale (ALS), définie à l’article L. 831-4 du code de la sécurité sociale. En raison du cofinancement des APL par la CNAF, l’économie supplémentaire occasionnée s’élèverait à 37 millions d’euros pour la branche famille.

L’économie globale pour la CNAF s’élève donc, dès 2014, à 83 millions d’euros. En atténuant la base sur laquelle seront appliquées, les années suivantes, les règles d’indexation des aides au logement, l’économie se renouvellera en outre chaque année et contribuera au retour à l’équilibre des comptes de la branche famille à hauteur de 340 millions d’euros en quatre ans.

Votre rapporteure souligne que l’article 64 du projet de loi de finances inscrit dans la loi la possibilité de prendre en compte, dans le calcul de l’APL, un montant forfaitaire des charges spécifique pour les logements ayant bénéficié des ressources apportées par le fonds national de développement d’une offre de logements locatifs très sociaux (article L. 351-3 du code de la construction et de l’habitation). Cette mesure améliorera la solvabilisation des occupants des logements très sociaux.

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La Commission adopte l’article 59 sans modification.

Après l’article 59

La Commission est saisie de deux amendements portant articles additionnels. Elle examine d’abord l’amendement AS358 de Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Je vous propose de geler le montant de la première part du fonds spécial finançant l’Union nationale des associations familiales (UNAF) et les unions départementales (UDAF) pour 2014.

Toutes les institutions publiques sont en effet appelées à contribuer à l’effort commun de redressement des comptes sociaux. Or la loi a donné à ces unions un statut semi-public : elles ont la compétence légale de représenter les familles et disposent d’un fonds spécial prélevé sur les ressources de la CNAF et de la Mutualité sociale agricole (MSA). Elle a également indexé les montants du fonds : les ressources des unions croissent donc automatiquement et de façon assez rapide chaque année, en fonction du montant des prestations.

L’effort demandé l’an prochain à l’UNAF et aux UDAF sera raisonnable. La première part du fonds, qui finance les activités institutionnelles, c’est-à-dire les frais de fonctionnement du siège de ces organisations, serait maintenue au niveau de 2013, soit à 22 millions d’euros, ce qui représente 80 % du montant total de la subvention.

Quant à la seconde part, qui finance pour un montant d’environ 6 millions d’euros des actions conduites en faveur des familles, définies par voie de convention avec le ministère des affaires sociales, elle ne sera pas concernée.

Cette mesure ne concernera pas non plus les missions des UDAF en matière de tutelle des majeurs protégés ou de protection de l’enfance, qui sont financées par des subventions spécifiques.

M. Jean-Pierre Barbier. D’autres associations voient-elles leur dotation ainsi gelée dans le projet de loi de finances pour 2014 ? Je ne voudrais pas que les associations s’occupant des familles fassent l’objet de mesures stigmatisantes…

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Tous les opérateurs publics participent à l’effort d’économie : on le réclame donc aussi aux unions d’associations familiales du fait de leur statut semi-public.

Sont également concernées les chambres consulaires, les chambres de commerce, mais aussi la CNAF, puisque nous lui demandons de faire des économies de 15 % sur son budget de fonctionnement.

Je rappelle que la première part du fonds spécial a augmenté de 15 % depuis 2005, soit plus que toutes les autres subventions.

Le président de l’UNAF, avec lequel je me suis entretenue, m’a d’ailleurs indiqué qu’il s’organiserait pour prendre en compte cette mesure.

Mme Véronique Louwagie. Il n’a pas d’autre issue ! Mais l’application de cette mesure dès le 1er janvier 2014 ne laissera que bien peu de temps à ces unions pour s’adapter.

En outre, cette mesure m’inquiète car les UDAF ont un rôle important de soutien aux structures intervenant dans nos territoires auprès des familles en difficulté ou dépendantes, ou des personnes isolées. On sait par exemple les problèmes de financement auxquels se heurtent aujourd’hui les associations de services à la personne, ne serait-ce que pour couvrir des frais de déplacement très substantiels et d’autant plus élevés que la densité de population est faible – comme dans le département de l’Orne. Il ne faudrait pas que ce gel de crédits affecte encore davantage ces associations.

Mme Isabelle Le Callennec. Si j’ai bien compris, le fonds sera maintenu à 28 millions d’euros pour 2014 et sa seconde part, qui finance notamment des actions d’aide à la parentalité, sera préservée. Cela dit, les conventions passées avec le ministère des affaires sociales sont-elles aussi amenées à évoluer, sachant que si l’on fait des économies sur l’activité institutionnelle, il serait très dommageable d’en faire aussi sur les actions elles-mêmes, bénéfiques pour les territoires ?

Mme Sylviane Bulteau. Le gel ne portera que sur les activités institutionnelles. Il n’y a donc pas d’inquiétude à avoir : les conventions seront maintenues, de même que le travail des UDAF. On peut d’ailleurs saluer tout ce que font les travailleurs sociaux dans ces organismes en matière de tutelle ou d’accompagnement de la politique familiale, même si ces actions ne sont pas toujours très visibles dans nos départements ou nos communes. En tout état de cause, chacun doit contribuer à l’effort du redressement de nos comptes publics pour la préservation de notre politique familiale.

Mme Bérengère Poletti. Je suis stupéfaite : il est inimaginable d’être confronté à une telle restriction alors que ces unions doivent gérer un budget, des activités, des personnels et un train de vie ! La seule manière de convaincre les associations du bien-fondé de cette démarche – alors qu’elles en sont très mécontentes – est de leur dire qu’on fait de même avec les autres associations dans tous les domaines.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Vous mélangez tout !

Mme Bérengère Poletti. Pas du tout ! Pourquoi impose-t-on un effort à certaines associations et pas à d’autres ? Il ne doit pas y avoir deux poids, deux mesures.

M. Gérard Bapt. Madame Poletti, cet effort de gestion se limite à 3 000 euros par département. En outre, les UDAF sont également financées par les conseils généraux dans le cadre de conventions particulières. Ces associations vivent de façon adaptée à leurs besoins.

Il y a beaucoup d’autres associations qui souffrent depuis plusieurs années de réductions de crédits, comme les associations de jeunesse et d’éducation populaire ou les associations sportives, qui ont vu disparaître toute aide en faveur des petits clubs. Dans ces conditions, l’effort de gestion demandé – en une année où les communes verront leurs dotations amputées d’1,5 milliard d’euros – ne saurait être présenté comme scandaleux.

M. Pierre Morange. Mon propos concernera à la fois cet amendement et le suivant, qui traite de l’évaluation, grand sujet s’il en est pour la rationalisation des budgets publics finançant les structures associatives. J’ai rédigé en 2008, pour le compte de la commission des affaires familiales, culturelles et sociales, un rapport sur le financement du tissu associatif et ses relations avec les pouvoirs publics, dont les recommandations avaient été adoptées à l’unanimité. Permettez-moi donc de rappeler quelques chiffres. Le budget cumulé associatif (BCA) s’élève à quelque 60 milliards d’euros, dont la moitié financés sur fonds publics.

Ces amendements nous font entrer dans une logique légitime, celle de la rationalisation et de l’évaluation. Mais pour que sa légitimité reste entière, cette démarche doit s’appliquer à toutes les associations qui bénéficient de financements publics. Il n’est pas interdit d’imposer une baisse de 15 % des montants versés, mais encore faut-il expliciter les critères de cette décision et la justifier. J’appelle en outre votre attention sur l’inertie d’un certain nombre de charges, notamment les loyers et la masse salariale.

M. Bernard Accoyer. Je ne comprends pas cette initiative qui stigmatise les associations de militants familiaux. Nous n’osons penser que c’est parce que ces associations n’étaient pas toutes d’accord avec le mariage pour tous qu’elles se voient ainsi sanctionnées. (Exclamations parmi les commissaires du groupe SRC.)

M. Jean-Patrick Gille. Ne mélangeons pas tout ! Vous parlez d’une baisse de 15 %, monsieur Morange. En réalité, nous ne revenons que sur l’augmentation de 1 % qui aurait pu être envisagée. Il s’agit donc d’un gel – et non d’une baisse – des montants versés en 2014. En outre, il ne concerne que la première part du fonds spécial, à savoir le financement des activités institutionnelles de l’UNAF, autrement dit de son rôle d’interlocuteur des pouvoirs publics, qui est reconnu par la loi, ce dialogue ayant quasiment valeur constitutionnelle – au point que l’on pourrait oser un parallèle avec les organisations syndicales. Il me semble que les associations familiales peuvent comprendre l’effort qui leur est demandé.

Poursuivons le parallèle avec les organisations syndicales. Il nous faut définir de nouvelles règles, de même que nous devrons mettre en place dans les prochains mois un financement public du dialogue social, du paritarisme et des organisations syndicales. Je ne suis d’ailleurs pas sûr qu’il appartienne au Parlement de fixer les dotations à verser aux partenaires institutionnels, qu’il s’agisse des organisations familiales ou des syndicats. Il y a donc une réflexion à conduire sur ce sujet.

Autant on peut comprendre que les associations familiales se voient demander une contribution à l’effort collectif, autant je suis réservé sur le second amendement de la rapporteure, qui pourrait laisser penser que nous nourrissons une certaine suspicion à leur encontre. Au lieu de demander un rapport au Gouvernement, mieux vaudrait travailler nous-mêmes avec elles sur l’ensemble des points évoqués.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Nous ne parlons pas des associations familiales, mais de l’UNAF : ce n’est pas tout à fait la même chose. D’autre part, il n’y a pas de baisse de la subvention, puisque le montant de la première part du fonds est maintenu à environ 22 millions d’euros, tandis que celui de la deuxième augmente d’environ 100 000 d’euros.

De plus, le gel de la première part revient à diminuer les dépenses de la CNAF d’un montant équivalent, puisque c’est elle qui finance le fonds. Je rappelle d’ailleurs que, jusqu’en 2005, le montant de la subvention de la CNAF à l’UNAF dépendait de celui des prestations versées par la première : la subvention pouvait donc varier à la hausse ou à la baisse d’une année sur l’autre.

Enfin, le gel ne vise que les montants versés au titre des activités institutionnelles de l’UNAF. Il n’y a aucune inquiétude à avoir sur sa situation financière, qui est saine, avec un report à nouveau positif.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS363 de la rapporteure.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Cet amendement ne procède d’aucune suspicion à l’encontre des associations familiales, monsieur Gille. Il vise simplement à réunir les conditions d’un nouveau partenariat avec l’UNAF.

La contribution du mouvement associatif familial à notre politique familiale est ancienne et importante. Elle est organisée par des unions d’associations familiales, auxquelles la loi confère la mission de représenter les familles auprès des pouvoirs publics en contrepartie d’un financement public. Dans son rapport annuel de 2004, la Cour des comptes avait considéré que l’attribution de fonds publics à ces unions devrait être subordonnée à une amélioration de leur représentativité. Depuis cette date, la baisse du nombre des familles adhérentes s’est poursuivie, atteignant 12 % sur la décennie.

Cet amendement prévoit que le Gouvernement remettra au Parlement, avant le 1er juin 2014, un rapport sur les unions d’associations familiales évaluant les effets de la réforme du fonds, intervenue en 2005, qui a fixé des modalités de contrôle et d’évaluation assez formelles. Des objectifs partagés sont définis avec le ministère pour l’utilisation des 20 % du fonds, mais les effets du dispositif semblent limités. Sur la base de ce rapport, le Parlement pourra définir les conditions d’un véritable partenariat entre les unions et les autres acteurs de la politique familiale. Nous aiderons ainsi les premières à jouer pleinement leur rôle d’appui aux associations familiales, afin de mieux identifier les besoins de toutes les familles dans leur diversité.

Mme Isabelle Le Callennec. Il est question d’améliorer la représentativité des unions d’associations familiales. En quoi celle-ci pose-t-elle problème aujourd’hui ?

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Je le disais à l’instant, le nombre des familles adhérentes a baissé de 12 % en dix ans. En outre, il semble que les associations prestataires de services soient surreprésentées dans les unions d’associations familiales. Il faut donc remettre les choses à plat pour permettre la création d’un véritable partenariat ; en effet, tout en reconnaissant le rôle que joue l’UNAF pour faire entendre la voix des familles, les associations aimeraient parfois être davantage écoutées. Mais, quoi qu’il en soit, ne voyez aucune suspicion à l’encontre des unions familiales dans cet amendement.

M. Jean-Pierre Barbier. Je poserai la même question que sur l’amendement précédent : existe-t-il aujourd’hui une volonté de « remettre à plat » les relations entre l’État et les associations qu’il soutient ? Si tel est le cas, il n’y a pas de problème. Mais il se trouve qu’on nous soumet ce soir deux amendements qui concernent les seules associations représentant les familles. Vous comprendrez que nous ne puissions les voter sans nous assurer que d’autres associations – les associations environnementales, par exemple – seront également concernées.

M. Pierre Morange. La France compte près de 1,1 million d’associations. Si nous voulons procéder à cette évaluation, nous devrons porter notre attention sur la quasi-totalité d’entre elles, ou tout au moins sur celles qui bénéficient des 30 milliards d’euros de financements publics, et sur leur capacité à assumer leurs missions.

Il n’est pas possible de parler des associations sans se référer à la loi fondatrice de 1901, qui définit de manière très claire la « démocratie associative » dont le rôle est irremplaçable dans la constitution du lien social au sein de la nation. Si nous avons le souci que les deniers publics alloués aux associations soient utilisés au mieux, nous partageons tous aussi un même attachement à la liberté d’association. Il est dès lors délicat de s’attaquer à ce sujet de la représentativité des associations. Ce serait au surplus s’avancer sur un terrain bien instable d’un point de vue juridique : on ne peut en effet s’y aventurer sans soulever également la question de la représentativité des syndicats.

Un commissaire du groupe SRC. Cela a été fait.

M. Pierre Morange. Certes – sous la législature précédente. Mais je rappelle que M. Michel Sapin souhaite voir assurer plus de transparence et une traçabilité du financement du dialogue social. Les représentants syndicaux, que le Comité d’évaluation et de contrôle auditionne actuellement dans le cadre d’une réflexion sur la formation professionnelle, ne manquent d’ailleurs jamais de nous rappeler eux aussi la nécessité de nous pencher à nouveau sur la représentativité. Cet amendement a le mérite d’aborder un vrai sujet, mais il le fait de manière périphérique. Il serait donc plus sage de le retirer.

Mme Sylviane Bulteau. L’exposé sommaire nous dit que la loi a confié à ces associations la mission de représenter les familles, qu’elles bénéficient – comme bien d’autres – de financements publics, et que la Cour des comptes a considéré que l’attribution de ces fonds aux unions d’associations familiales devrait être subordonnée à une amélioration de leur représentativité. Il n’y a rien d’extravagant à cela, et nous sommes dans notre rôle en prenant cette observation en compte.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Les modalités de financement de l’UNAF ont été revues par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2005. Il est donc normal que nous nous penchions sur l’évolution des montants versés depuis cette date. Le rapport que le Gouvernement remettra au Parlement ne portera pas seulement sur le financement, mais aussi sur les actions menées. D’autre part, dans la mesure où nous discutons du PLFSS, il est naturel que nous nous intéressions aux associations familiales, et non aux associations sportives ou environnementales ! Enfin, je redis que ces amendements ne visent pas le budget des associations familiales, mais celui de l’UNAF.

M. Jean-Patrick Gille. Je réitère donc ma proposition : plutôt que de demander au Gouvernement de remettre un rapport au Parlement pour évaluer la représentativité des unions d’associations familiales, saisissons-nous de cette question.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Puisque cet amendement vise à interpeller le Gouvernement, je vais le mettre aux voix. Nous verrons bien ce qu’il en adviendra dans l’hémicycle.

Je rappelle à nos collègues de l’opposition que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 avait opéré des coupes claires dans les subventions aux associations d’éducation populaire, comme la Ligue de l’enseignement. À l’époque, celles-ci avaient vu leur budget baisser de 25 % à 30% ; elles n’arrivaient plus à assurer l’accompagnement des jeunes et des familles. La mesure aujourd’hui proposée n’a rien à voir avec celle-ci, puisque l’enveloppe de l’UNAF est maintenue.

La Commission rejette l’amendement.

Article 60
Objectif de dépenses de la branche famille pour l’année 2014

Le 2° du D du I de l’article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale issu de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale prévoit que la loi de financement « fixe, par branche, les objectifs de dépenses de l’ensemble des régimes obligatoires de base et, de manière spécifique, ceux du régime général ».

Le présent article substitue cependant la fixation dun objectif unique à la fixation habituelle de deux objectifs de dépense pour la branche famille, l’un pour la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), l’autre pour l’ensemble des régimes de base. La réforme du financement de la gestion administrative, de laction sanitaire et sociale et du contrôle médical de la Mutualité sociale agricole par larticle 37 de la loi de financement pour 2013 a en effet parachevé la centralisation au sein de la CNAF des comptes des branches famille de lensemble des régimes obligatoires de base. Seules les sommes versées par certains régimes spéciaux et ayant le caractère de complément de salaire ne sont pas prises en compte.

L’objectif de dépenses pour l’année 2014 s’élève à 59,2 milliards d’euros. Par rapport à l’objectif rectifié de dépenses de l’ensemble des régimes de base pour 2013, on constate une hausse modérée de 1,2 milliard d’euros (2,07 %). Le dynamisme de la dépense serait alimenté par la croissance du fonds national d’action sociale de la CNAF conformément aux objectifs fixés dans la nouvelle convention d’objectifs et de gestion, mais la progression des charges serait atténuée par la hausse de 1 % en moyenne annuelle de la base mensuelle de calcul des allocations familiales (BMAF).

Les mesures nouvelles du projet de loi de financement permettent de redéployer, dès 2014, 110 millions d’euros de prestations vers les familles pauvres par la majoration de l’allocation de soutien familial et du complément familial. L’amélioration de la modulation en fonction des ressources de l’allocation de base de la prestation d’accueil du jeune enfant procure dès 2014 une économie de 40 millions d’euros à laquelle s’ajoutent 30 millions d’euros en raison de la suppression de la majoration du complément de libre choix d’activité.

Le redressement des comptes de la CNAF est accéléré par l’affectation du produit de la baisse de l’avantage du plafond du quotient familial soit 1,03 milliard d’euros. Le déficit pour 2014 est ainsi ramené à 2,3 milliards d’euros, en baisse de 1 milliard d’euros par rapport au solde tendanciel pour 2014 et de 500 millions d’euros par rapport au solde rectifié pour 2013.

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La Commission adopte l’article 60 sans modification.

ANNEXE
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA RAPPORTEURE

(par ordre chronologique)

Ø Haut Conseil à la Famille – M. Bertrand Fragonard, président délégué

Ø Observatoire français des conjonctures économiques-centre de recherche en économie de Science-po – Mme Hélève Périvier, économiste au département des études, et M. Henri Sterdyniak, directeur de recherche

Ø Mme Jeanne Fagnani, directrice de recherche, université Paris I Panthéon Sorbonne

Ø Table ronde sur l’adaptation des politiques d’action sociale de la CNAF à l’évolution des familles :

– Caisse nationale d’allocations familiales (CNAF) – Mme Véronique Delaunay-Guivarch, adjointe au sous-directeur des prestations légales, Mme Mariette Daval, adjointe au sous-directeur des prestations légales, et Mme Patricia Chantin, chargée des relations avec le Parlement

– Mme Delphine Chauffaut, chef du département questions sociales du Commissariat général à la stratégie et à la prospective

– Union nationale interfédérale des organismes privés sanitaires et sociaux (UNIOPSS) – Mme Samia Darani, conseillère technique Enfance, famille, jeunesse, et M. Thierry Couvert-Leroy, responsable du service Gestion des ressources de solidarités

Ø Ministère des solidarités et de la cohésion sociale – Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) – Mme Katia Julienne, chef de service, adjointe à la directrice générale, Mme Catherine Lesterpt, adjointe au sous-directeur de l’enfance et de la famille, et M. Clément Beck, chef du bureau Familles et parentalité

Ø Union nationale des associations familiales (UNAF) – M. François Fondard, président, M. Laurent Clévenot, secrétaire général, et Mme Claire Ménard, chargée des relations parlementaires

Ø Table ronde d’associations familiales :

– Familles Rurales – M. Thierry Damien, président, M. Dominique Marnier, vice-président, et M. Guillaume Rodelet, directeur

– Familles de France – M. Patrick Chrétien, président, et Mme Magali Grenouilleau, chargée de mission pour la politique familiale

– Confédération Syndicale des Familles (CSF) – Mme Évelyne Bernard, responsable du secteur famille

– Fédération syndicale des familles monoparentales (FSFM) –Mme Patricia Augustin, secrétaire générale adjointe

– Conseil national des associations familiales laïques – M. Jean Marie Bonnemayre, président, et Mme Marie-Odile Printanier, vice-présidente

– Union des familles laïques (UFAL) – M. Michel Canet, président national, et M. Olivier Nobile, trésorier national

Ø Caisse nationale d’allocations familiales (CNAF) – M. Jean-Louis Deroussen, président, M. Daniel Lenoir, directeur, M. Frédéric Marinnacce, directeur des prestations sociales et familiales, Mme Christine Chambaz, directeur des études et statistiques, et Mme Patricia Chantin, chargée des relations avec le Parlement

Ø Direction de la sécurité sociale (DSS) – M. Jean-Benoit Dujol, sous-directeur de l’accès aux soins, des prestations familiales et des accidents du travail, et Mme Virginie Leheuzey, chef du bureau des prestations familiales et des aides au logement

Ø Table ronde regroupant les représentants des organisations patronales :

– Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) – M. Jean-Marie Attard, membre de la Commission « sociale » et vice-président de la CNAF

– Union professionnelle artisanale (UPA) – M. Pierre Burban, secrétaire général, et Mme Caroline Duc, chargée des relations avec le Parlement

– Mouvement des entreprises de France (MEDEF) – Mme Delphine Benda, directrice de mission à la direction de la protection sociale, et Mme Ophélie Dujarric, chargée de mission senior à la Direction des affaires publiques

Ø Table ronde regroupant les représentants des organisations syndicales :

– Confédération française démocratique du travail (CFDT) – M. Philippe le Clézio, secrétaire confédéral, et Mme Jocelyne Cabanal, secrétaire régionale

– Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) – M. Patrick Poizat, secrétaire général en charge de la politique familiale, et Mme Marie-Madeleine Pattier, représentante CNAF

– Force ouvrière (FO) – M. Patrick Brillet, administrateur de la CNAF, et Mme Karine Beaurain, assistante au secteur protection sociale

– Confédération générale du travail (CGT) – MM. Alain Giacomel et Michel Coronas, administrateurs CNAF

– Confédération française de l’encadrement CGC (CFE-CGC) – M. Jean-Marie Nocquet, administrateur CNAF, Mme Mireille Dispot, experte Protection sociale, et Mme Justine Vincent, chargée d’études économiques

Déplacement à Chartres le 3 octobre 2013 :

Ø Caisse d’allocations familiales de Chartres – M. Olivier Froger, président du conseil d’administration (FO), M. Thierry Grethen, directeur, Mme Adeline Boulanger, directrice-adjointe, M. Pascal Gresteau, responsable de l’Action sociale, Mme Soizik Hervé, responsable des prestations, Mme Mélanie Meghrate, responsable territoriale du travail social, et Mme Patricia Chantin, chargée des relations institutionnelles de la Caisse nationale d’allocations familiales

© Assemblée nationale

1 () « État des lieux de la redistribution en France », 2011.

2 () IGAS, rapport « Évaluation de la politique de soutien à la parentalité », février 2013 ,

Centre d’analyse stratégique, rapport « Aider les parents à être parents », 2012

3 () Programme « Toronto First Duty »

4 () Le législateur a alors « républicanisé », en les modifiant largement, les dispositions de l’acte dit « loi n° 1107 du 29 décembre 1942 relative aux associations familiales », dite « loi Gounot » : d’inspiration corporatiste ce texte, jamais appliqué, instituait une « fédération nationale des familles », décliné par départements, à laquelle devaient obligatoirement adhérer l’ensemble des associations familiales.

5 () Il a été précisé à votre rapporteure que l’UNAF et les UDAF sont rarement appelées à exercer cette dernière mission.

6 () et par enfant handicapé majeur demeuré à la charge de ses parents.

7 () Notamment l’aide à la famille pour l’emploi d’une assistante maternelle agréé, qui n’est plus attribuée depuis 2004.

8 () Inspection générale des affaires sociales (IGAS), « Les inégalités de santé dans l’enfance », mai 2011, p. 24.

9 () UNICEF, centre de recherche Innocenti, « Mesurer la pauvreté des enfants », Nouveaux tableaux de classement de la pauvreté des enfants dans les pays riches, mai 2012.

10 () Elle est également versée durant trois années en cas d’adoption.

11 () L’allocation pour jeune enfant, créée en 1985, était versée, dès le premier enfant, à partir du quatrième mois de grossesse jusqu’au troisième mois de l’enfant (APJE courte) et, ensuite, jusqu’au troisième anniversaire de l’enfant (APJE longue) sous condition de ressources. Elle n’est plus attribuée depuis 2004.

12 () Suite à la recodification du code du travail, ces articles ont remplacé les articles L. 751-1 et L. 772-1 actuellement mentionnés à l’article L. 531-4 du code de la sécurité sociale.

13 () CAS, Note d’analyse n°257 Quel avenir pour l’accueil des jeunes enfants ? janvier 2012. 

14 () L’IRL est défini à l’article 17 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs. Il s’élèverait à 1,3% en 2014.

15 () Décret n° 2013-689 du 30 juillet 2013 relatif à l’évolution de certains loyers dans le cadre d’une nouvelle location ou d’un renouvellement de bail, pris en application de l’article 18 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989