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N
° 2106

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 8 juillet 2014

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE SUR LE PROJET DE LOI, adopté par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée, relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral (n° 2100).

PAR M. Florent BOUDIÉ

Député

——

Voir les numéros :

Sénat : 635, 658, 659 et T.A. 150 (2013-2014).

Assemblée nationale : 2100 et 2120.

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 5

TRAVAUX DE LA COMMISSION 9

I. TABLE RONDE SUR LA RÉFORME TERRITORIALE 9

II. AUDITION DE MME MARYLISE LEBRANCHU, MINISTRE DE LA DÉCENTRALISATION ET DE LA FONCTION PUBLIQUE 35

III. DISCUSSION GÉNÉRALE 57

IV. EXAMEN DES ARTICLES 75

Chapitre Ier – Dispositions relatives à la délimitation des régions 75

Article 1er A [nouveau] : Principes directeurs 75

Après l’article 1er A 76

Article 1er [supprimé] : Nouvelle carte régionale 77

Articles 2 [supprimé] : Fixation du chef-lieu des nouvelles régions 86

Article 3 (article L. 4111-1 et L. 4123-1, chapitre IV du titre II du livre Ier de la quatrième partie du code général des collectivités territoriales) : Coordinations 88

Après l’article 3 89

Article 4 [supprimé] : Date de mise en œuvre de la nouvelle carte régionale 91

Chapitre II – Dispositions relatives aux élections régionales 91

Article 5 (article L. 335 du code électoral) : Assimilation de la métropole de Lyon à une section départementale pour l’élection des conseillers régionaux 91

Article 6 [supprimé] (tableau n° 7 annexé au code électoral) : Répartition des conseillers régionaux entre régions et des candidats entre sections départementales 91

Article 7 (article L. 338-1 du code électoral) : Attribution minimale d’un siège de conseiller régional, par section départementale 94

Article 8 : Entrée en vigueur des dispositions relatives à l’élection des conseillers régionaux 94

Chapitre III – Dispositions relatives au remplacement des conseillers départementaux 94

Article 9 (article L. 221 du code électoral) : Élections départementales partielles 94

Article 10 (article L. 223 du code électoral) : Adaptation des règles de contentieux électoral 95

Article 11 [supprimé] : Entrée en vigueur des règles nouvelles de remplacement des conseillers départementaux 95

Chapitre IV – Dispositions relatives au calendrier électoral 95

Article 12 [supprimé] (article 21 de la loi n° 2011-884 du 27 juillet 2011 relative aux collectivités territoriales de Guyane et de Martinique, article 3 de la loi organique n° 2010-1486 du 7 décembre 2010 relative au Département de Mayotte et article 47 de la loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 relative à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral) : Modification de la durée des mandats des élus régionaux et départementaux 95

Après l’article 12 95

LISTE DES AMENDEMENTS EXAMINÉS EN COMMISSION 99

INTRODUCTION

Le projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales, et modifiant le calendrier électoral constitue la deuxième pierre à l’édifice de la réforme territoriale engagée depuis 2013, qui a l’ambition d’être au moins aussi fondatrice – ou refondatrice – que les lois de décentralisation portées par Gaston Defferre de 1982. Les fondations solides de cette construction ont été posées par la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 relative à la modernisation de l’action publique et à l’affirmation des métropoles (MAPAM). Le chantier se poursuit par la discussion, engagée simultanément du fait du dépôt de deux projets de loi le même jour sur le bureau du Sénat, sur la délimitation des régions d’une part, et sur les compétences des collectivités territoriales d’autre part. Le Gouvernement s’est engagé à plusieurs reprises, tant devant le Sénat que devant l’Assemblée nationale, à ce que ces deux projets soient discutés en parallèle par le Parlement – ce qui est indispensable tant sur le plan juridique que pour une meilleure appréhension des enjeux par nos concitoyens avant les prochaines échéances électorales.

Le Sénat, saisi le premier en application des règles constitutionnelles, a opéré un choix radical – et, on ne peut que le regretter, destructeur – sur le projet de nouvelle délimitation des régions : en refusant de voter un quelconque article 1er, c’est une copie blanche que les sénateurs ont transmise aux députés. La carte des nouvelles régions proposée par le Gouvernement, conçue par le Président de la République lui-même, mais largement issue de travaux de réflexion antérieurs de tous ordres, n’a jamais été présentée que comme une base de réflexion. Elle devrait donc être substantiellement modifiée, d’une part au cours des débats parlementaires sur le projet de loi lui-même, et d’autre part, en tant que de besoin, par la suite, grâce à l’introduction de dispositions permettant aux régions et aux départements les composant de faire évoluer les périmètres.

Mais l’objectif majeur du nouveau découpage régional, lui, continue, malgré les péripéties qu’a connues le projet au Sénat, de recueillir le plus large des consensus : il s’agit de doter les régions françaises d’une taille critique qui leur permette d’exercer à la bonne échelle les compétences stratégiques qui leur sont attribuées et qui seront significativement renforcées grâce au second projet de loi. La constitution de régions plus vastes, et la réduction de leur nombre qu’elle entraîne, est la condition première – quoique non suffisante – pour qu’elles puissent rivaliser avec les provinces européennes comparables. C’est aussi un moyen de réaliser des gains d’efficience.

Enfin et surtout, ce projet de loi offre l’occasion de trancher une controverse séculaire sur l’organisation territoriale de notre pays. D’un côté, l’Ancien Régime et la Révolution ont posé les deux piliers sur lesquels notre pays a su se bâtir : les communes, consacrées le 12 novembre 1789 par l’Assemblée Constituante, selon le principe d’une municipalité par ville ou par paroisse, ce qui en a donné 44 000 à l’époque ; les départements, eux aussi créés par la Constituante, puis dotés de conseillers généraux élus au suffrage universel par la loi du 10 août 1871. De l’autre, a émergé un couple formé par les régions et les intercommunalités. Le mouvement de régionalisation administrative, né dans la France de l’après-guerre en appui à la planification économique, a abouti à la création des établissements publics régionaux (EPR) en 1972, lesquels ont acquis le statut de collectivités territoriales avec la loi Defferre de 1982. La coopération intercommunale, dont les sources remontent à la création des syndicats intercommunaux à vocation unique (SIVU) par la loi du 22 mars 1890, puis à celle des syndicats intercommunaux à vocation multiple (SIVOM) en 1959, s’est épanouie avec les lois de 1992 et de 1999, jusqu’à l’achèvement de la carte intercommunale voulu par la loi du 16 décembre 2010. Ces deux niveaux d’organisation territoriale n’ont cessé de se superposer, de se chevaucher, sans que notre pays accepte de renoncer à un seul d’entre eux. Choisissant de les maintenir tous, nous avons empilé les couches sédimentées par notre histoire, au point de former un ensemble indigeste, illisible et même coûteux, lorsqu’il existe des doublons fonctionnels.

Le temps de la simplification est venu ; votre Rapporteur pour avis aurait même souhaité que la question de la suppression des conseils généraux, claire et compréhensible par tous, puisse faire l’objet d’une révision constitutionnelle au moyen, si nécessaire, d’une consultation référendaire. Tel n’est pas – encore – le cas ; c’est donc sur la question des limites régionales que le Parlement est appelé à se prononcer pour l’heure.

Votre Rapporteur pour avis tient à souligner la qualité des échanges qui se sont déroulés au sein de la commission spéciale constituée par le Sénat pour l’examen de ce texte. N’en est que plus regrettable la décision de cette commission de ne pas adopter de texte, puis la décision sénatoriale d’adopter, en séance plénière, un texte vidé de sa substance.

Il revient donc à présent à l’Assemblée nationale, face à une page blanche, de faire œuvre de rétablissement et d’amélioration. La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, comme elle l’a fait sur le projet qui a abouti à la loi MAPAM, et comme elle le fera sur le projet relatif aux compétences des collectivités, s’est saisie pour avis. Collectivement consciente des conséquences majeures pour l’aménagement du territoire qu’auront les nouvelles cartes pour l’avenir des territoires dans leur diversité et dans leurs interactions, elle s’est également intéressée aux dispositions modifiant le code électoral – dispositions dont la portée peut paraître difficile à appréhender aux citoyens.

Le projet de loi présenté par le Gouvernement comprenait quatre volets, respectivement consacrés à la définition d’une nouvelle carte régionale, aux modifications de la répartition des conseillers régionaux, à la prise en compte des décisions du Conseil constitutionnel relatives aux vacances de sièges de conseiller départemental, et au report des prochaines élections régionales et départementales.

La carte que proposait l’article 1er comportait 14 régions métropolitaines, issues de la fusion des 22 régions existantes (les régions d’outre-mer n’étant pas concernées). Certes imparfaite, cette carte avait du moins le mérite d’exister : votre Rapporteur pour avis considère qu’elle formait un point de départ fort acceptable aux discussions – tout en espérant qu’elle n’en sera pas le point d’arrivée, par exemple en ce qui concerne les limites des régions du sud-ouest.

L’article 2 prévoyait les modalités de fixation, provisoire puis définitive, du chef-lieu des nouvelles régions. L’article 3 visait à abroger des dispositions devenues inutiles, et l’article 4 fixait au 1er janvier 2016 la date d’entrée en vigueur de la nouvelle carte.

Ensuite, les articles 5 à 8 du projet de loi initial apportaient les ajustements nécessaires au mode d’élection des conseillers régionaux. Les articles 9 à 11 assuraient la prise en compte de la jurisprudence constitutionnelle pour l’organisation du remplacement des conseillers départementaux.

Enfin, l’article 12 venait modifier la durée des mandats des élus régionaux et départementaux pour permettre un renouvellement sur la base de la nouvelle carte dès le mois de décembre 2015.

Votre Rapporteur pour avis se félicite que le regard porté sur le texte du Sénat par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, sans constituer un rétablissement pur et simple du texte initial du projet de loi, ait plaidé en faveur d’un rétablissement de sa structure et ses orientations essentielles.

Parmi les amendements endossés par la commission, tous proposés par votre Rapporteur pour avis, beaucoup procèdent d’une volonté de garantir un exercice apaisé de la démocratie dans les collectivités régionales élargies. Il est ainsi proposé de renforcer le statut de l’opposition, notamment en lui confiant la présidence de la commission régionale des finances sur le modèle des commissions parlementaires, et de dissocier l’exercice du pouvoir exécutif local de la présidence de l’assemblée délibérante.

La commission a souhaité garantir un minimum de deux élus par département au sein de chaque assemblée régionale, tout en appelant le Gouvernement à faire évoluer un mode de scrutin manifestement inadapté aux exigences d’une démocratie moderne. En revanche, la commission a veillé à ne pas augmenter les effectifs des conseillers régionaux par rapport à la proposition gouvernementale : dans une période troublée, marquée par la crise et par l’impérieuse nécessité d’économies budgétaires, pareil symbole serait apparu parfaitement inacceptable aux yeux des citoyens.

Enfin, la commission a souligné que, dans la perspective de la vingt-et-unième Conférence des parties à la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques qu’organisera la France entre le 30 novembre et le 11 décembre 2015, il serait particulièrement malvenu de tenir dans cette période deux tours de scrutin sur l’ensemble du territoire. Elle a donc formé le souhait que le report des élections initialement prévu pour décembre 2015 soit préférentiellement fixé à novembre 2015.

Sous ces réserves, et se félicitant de la qualité des échanges qui ont eu lieu au cours de la réunion de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, votre Rapporteur pour avis se prononce en faveur d’une adoption par l’Assemblée nationale du projet de loi relatif à la délimitation des régions.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. TABLE RONDE SUR LA RÉFORME TERRITORIALE

Le mercredi 4 juin 2014, la Commission a organisé une table ronde sur la réforme territoriale, avec la participation de Mme Béatrice Giblin, géopoliticienne, M. Gérard-François Dumont, géographe, et M. Patrick Le Lidec, sociologue.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Conformément au Règlement de l’Assemblée nationale, c’est la commission des lois, compétente en matière d’organisation territoriale, qui examinera au fond le ou les projet(s) de loi de réforme territoriale. La commission du développement durable, saisie pour avis au titre de l’aménagement du territoire, aura une plus grande liberté dans la conduite des auditions qu’elle organise sur le sujet.

J’ai souhaité aujourd’hui que notre commission reçoive, non pas des représentants de collectivités institutionnelles, mais des chercheurs et des universitaires qui travaillent depuis de longues années sur le fait territorial.

Nous accueillons donc Mme Béatrice Giblin, géopoliticienne, directrice de la rédaction de la revue Hérodote et spécialiste de la géopolitique des régions, professeur de géopolitique à l’Université Paris-8, ainsi que M. Gérard-François Dumont, économiste et géographe, spécialiste des questions de démographie locale, professeur de géopolitique à l’Université Paris-Sorbonne et ancien recteur d’académie, et M. Patrick Le Lidec, sociologue, chargé de recherches au CNRS et enseignant à Sciences Po Paris, spécialiste des questions de gouvernance locale.

Mme Béatrice Giblin, géographe. La géopolitique régionale et locale fonde l’analyse non seulement sur des considérations économiques, sociales et culturelles, mais aussi sur les rivalités de pouvoir qui s’exercent pour le contrôle des territoires. Comme en matière de géopolitique internationale, les stratégies de conquête et les luttes de pouvoir permettent bien souvent d’expliquer certaines situations de blocage ou certaines aberrations.

La carte des régions dessinée par le Président de la République en est la parfaite illustration : la réforme territoriale ne peut pas être dissociée du contexte politique local. En cela, elle est bien géopolitique. La meilleure preuve est le cas de l’Alsace. Les promoteurs de la réforme affirment vouloir préserver l’identité régionale. Jean-Yves Le Drian, militant de la cause régionaliste, a ainsi obtenu que sa Bretagne reste seule : le département de la Loire-Atlantique aurait pu être adjoint à cette dernière, si le choix avait été fait de démanteler les régions, mais cela aurait à coup sûr empêché la réforme de voir le jour et la sagesse l’a emporté. Pour justifier la fusion de l’Alsace et de la Lorraine, on invoque la nécessité d’unir les régions qui ne comptent que deux départements : mais cette règle n’a prévalu ni pour le Nord-Pas-de-Calais ni pour la Corse. En vérité, si l’intégrité de l’Alsace n’est pas préservée, outre qu’elle est actuellement la seule région de droite, c’est parce que personne n’a défendu la nécessité de maintenir la solidarité et la dynamique nées de l’identité alsacienne. L’Alsace-Lorraine est une représentation héritée de l’annexion par l’Allemagne, en 1871, de l’Alsace et de la partie de la Lorraine de langue germanique, mais cet ensemble ne coïncide pas avec la réalité actuelle de ces deux régions. Même si elles sont toujours associées dans l’imaginaire national, on aurait pu songer à réunir Lorraine et Champagne-Ardenne, et à laisser l’Alsace seule au nom de l’identité régionale.

La France serait irréformable à cause de ses 36 700 communes. C’est faux. Certes, depuis 1982, le découpage territorial n’a pas été modifié, mais de nombreuses réformes ont été menées. Cependant, la fusion des communes se heurte à deux difficultés : l’histoire politique des communes liée à la Révolution française, où elles ont remplacé les paroisses, et leurs fonctions régaliennes, notamment d’état civil. La France représente un vaste territoire, le plus grand de l’Union européenne, avec parfois de faibles densités, ce qui justifie une organisation différenciée.

J’en reviens à notre sujet : quelle réforme territoriale pour quels territoires ? Je devrais dire : pour quels objectifs ? Les économies, grâce à la chasse aux doublons, sont constamment mises en avant. La réforme permettra certes d’en réaliser, mais elle occasionnera de nouvelles dépenses. En outre, il me semble que les collectivités territoriales ne sont pas nécessairement responsables de la dette de l’État. Je rappelle qu’elles ne peuvent emprunter que pour couvrir des dépenses d’investissement. De même, la France a beaucoup changé grâce au travail de ces fonctionnaires territoriaux qu’on accuse de peser sur les budgets.

La France a-t-elle besoin de grandes régions pour faire face à la concurrence de ses voisins ? Les Länder, qui sont régulièrement cités en exemple, ont pour la plupart été délimités par les Alliés victorieux de 1945 ; ils ont des tailles très variées. Certains, comme le Land de Hambourg, sont fort petits. Or, les Allemands ne passent pas leur temps à s’interroger sur le découpage de leur territoire.

Les métropoles étant censées jouer le rôle de locomotives du développement économique régional, chaque nouvelle région devrait donc en compter une. Or la future région regroupant Poitou-Charentes, Centre et Limousin, en est dépourvue. À l’inverse, la fusion de Midi-Pyrénées et de Languedoc-Roussillon ferait coexister deux métropoles, ce qui risque de poser un problème de prépondérance. Cette fusion ne s’explique d’ailleurs que par le décès de Georges Frêche, qui ne l’aurait jamais acceptée.

Paris a bloqué, involontairement, le développement de métropoles régionales dans sa périphérie, à l’exception de Rouen. Pourquoi Lille ne fait-elle pas partie des métropoles à statut particulier, à l’instar de Lyon, Paris et Marseille, puisque sa communauté urbaine compte 1,2 million d’habitants ? La lecture politique de l’absence de Lille est indispensable.

Le seuil de 20 000 habitants pour les intercommunalités, prenant la relève des départements, est un bon principe, car il peut contribuer à rationaliser le maillage communal. Je précise tout de même que nous ne sommes pas le seul pays d’Europe confronté à l’éparpillement des communes.

M. Gérard-François Dumont, géographe. Alors que nous commémorons le centième anniversaire de l’assassinat de Jean Jaurès, je citerai l’une de ses formules célèbres : « Le courage, c’est d’aller à l’idéal et de comprendre le réel. » Pour comprendre le réel, il paraît nécessaire de répondre à dix questions.

Un projet semblable de réduction du nombre de régions est-il envisagé ailleurs ? Existe-t-il un autre pays démocratique qui envisage de réduire d’un tiers le nombre de ses régions ? La réponse est : nulle part.

Les régions sont-elles plus vastes dans les autres pays européens ? La taille moyenne des régions françaises est supérieure à celle des Länder. Dans les pays alentour, de nombreuses régions sont plus petites que la plus petite des régions françaises, à savoir l’Alsace. La réforme prévoit pourtant d’agrandir encore les deux régions les plus importantes, Rhône-Alpes et Midi-Pyrénées, comme si la grande taille procurait automatiquement des avantages.

Les régions sont-elles plus peuplées dans les autres pays d’Europe ? Beaucoup de régions européennes, et certains États américains – le Dakota du Nord, le Vermont et le Wyoming –, sont moins peuplés que le Limousin, région française la moins peuplée.

Les régions actuelles ont-elles une identité ? Elles ne sont pas nées sous X. Leur dénomination en témoigne : le nom de treize régions renvoie à l’histoire ; le nom de trois régions, sur les quatre qui sont désignées par deux noms accolés, comporte au moins une dimension historique ; enfin, trois régions portent un nom qui correspond à l’addition d’anciennes provinces. Cela nous rappelle que, en 1790, les limites géographiques ont été fixées selon les convenances locales. Notre découpage régional est l’héritage de cette longue histoire. Une seule région – les Pays de la Loire – est marquée par une identité plus faible : cependant, il n’est pas proposé de la redécouper.

Existe-t-il un optimum régional ? J’ai publié, en 2006, un article intitulé « L’optimum régional ou le sexe des anges », qui demeure d’actualité, car il n’y a pas d’optimum régional. Ainsi, en Espagne comme en Italie, le taux de chômage est plus faible dans les petites régions, tandis que l’Allemagne connaît des situations très diverses. La réforme fixe un seuil de 20 000 habitants pour les intercommunalités afin de garantir l’attractivité et l’emploi, mais l’optimum local n’existe pas non plus. Un seuil de 20 000 habitants ne signifie rien. En observant la carte des territoires qui ont révolutionné leur économie, vous constaterez que leurs dimensions sont très variables : on recense des communes de 200 habitants qui parviennent à stimuler leur activité.

Le millefeuille, si indigeste, est-il un mythe ou une réalité ? Il relève, dans une certaine mesure, du mythe, car tous les pays étrangers connaissent, pour des raisons géographiques, des échelons territoriaux différenciés qui permettent d’apporter une réponse adaptée à chaque problème : ce ne sont pas les mêmes échelons qui doivent décider de la construction d’une école maternelle et de la localisation d’une gare TGV. Le millefeuille est donc très répandu : l’organisation de la Bavière est particulièrement difficile à comprendre, mais le taux de chômage y est de 3,1 %. En Chine, cinq niveaux de collectivités territoriales coexistent avec une diversité au sein de chaque niveau. Le millefeuille n’est pas une spécificité française, mais il y est compliqué par la multiplication des types d’intercommunalités.

La refonte de la carte des régions sera-t-elle source d’économies ? Une telle réforme entraîne d’abord des coûts directs. Quatre ou cinq ans seront nécessaires pour fusionner les régions et aligner les conditions des personnels sur le statut le plus avantageux. Or on observe déjà une baisse de la productivité des agents territoriaux qui s’interrogent sur leur avenir. Des coûts indirects sont également à prévoir : le temps que les élus et leurs collaborateurs consacreront au meccano institutionnel manquera pour l’essentiel de leur tâche, à savoir développer l’attractivité du territoire. Cette réforme pourrait également s’avérer coûteuse une fois mise en œuvre : d’une part, en vertu de la loi de Parkinson, les coûts de structure croissent avec la taille puisque des services de coordination et des administrations relais sont nécessaires ; d’autre part, les régions risquent de ne plus avoir le temps de se consacrer à des tâches structurantes et à l’investissement. Trop occupées par la gestion quotidienne, elles délaisseront l’aménagement du territoire.

Le regroupement des régions sera-t-il favorable à leur développement ? Les exemples récents montrent le succès du local. Pour s’investir dans leur territoire, les gens ont besoin de s’identifier à lui. L’intégration est-elle préférable à l’émulation ? Le Futuroscope a créé, pour le département de la Vienne, une dynamique dont de nombreux élus se sont inspirés pour développer des projets. Il ne faut pas oublier non plus l’échec des villes nouvelles, créées ex nihilo.

La réforme peut-elle faciliter la transition énergétique ? Je suis sceptique. Comment mettre en synergie Lyon et Clermont-Ferrand, dont les régions sont fusionnées, alors que le trajet en train entre ces deux villes dure au minimum deux heures vingt-cinq ? Il ne faut pas négliger les risques écologiques, alors même que l’heure est au développement des circuits courts et de l’économie circulaire.

Enfin, y a-t-il un risque de double centralisation ? À la recentralisation nationale, avec la suppression des élus départementaux et le maintien des préfets, s’ajoutera une centralisation régionale, les grandes régions s’appropriant les réflexes jacobins et oubliant le principe de subsidiarité.

Pour aller à l’idéal, plusieurs autres pistes de réforme devraient être envisagées : démocratiser la décentralisation, décentraliser véritablement et faciliter la gouvernance des élus. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI)

M. Patrick Le Lidec, sociologue. Contrairement aux intervenants précédents, je me place du point de vue de la science politique et de la comparaison des systèmes d’administration en Europe. J’aurai donc un point de vue différent. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

Le modèle territorial français présente la particularité d’être resté en l’état depuis 1982. Il se caractérise par trois éléments historiques : d’abord le faible poids des dépenses publiques locales dans le PIB ; ensuite la très forte fragmentation des pouvoirs locaux, en particulier l’émiettement communal qui n’est pas sans lien avec l’inachèvement de la décentralisation – le processus de décentralisation a presque toujours été bloqué par l’insuffisante taille des collectivités ; enfin l’absence d’ordre dans les relations entre les différents niveaux : toutes les collectivités se trouvent formellement sur un pied d’égalité en raison du principe de non-tutelle d’une collectivité sur une autre, principe d’abord inscrit dans la loi puis dans la Constitution. De ce désordre, il résulte une efficacité médiocre et des coûts de coordination et de transaction élevés.

Ces trois caractéristiques historiques commandent un quadruple agenda.

En premier lieu, il convient d’augmenter la taille des collectivités en poursuivant quatre objectifs. Premier objectif, il faut atteindre une taille critique pour recevoir de nouvelles compétences. La taille est toujours un frein à la prise de responsabilité : on a pu observer récemment la réticence de certains présidents de petites régions à se voir transférer des compétences. L’accroissement de la taille des régions permet de sortir du modèle de cogestion trop systématique dans certains domaines de compétence. La recherche de la taille critique vaut également pour les intercommunalités dont certaines sont incapables de prendre en charge les attributions des conseils généraux. Le deuxième objectif est d’optimiser la fourniture des biens publics locaux afin d’en minimiser le coût. Le troisième objectif est d’éviter les effets de débordement, d’internaliser la gestion des externalités et de s’adapter à une société de mobilité. Le dernier objectif est d’assurer la péréquation. La gestion des services publics à plus grande échelle permet d’améliorer la redistribution, en mobilisant une plus grande capacité contributive, de réduire la concurrence fiscale et de résorber mécaniquement une grande part des inégalités de richesse. En effet, les disparités se développent fortement lorsque la taille des circonscriptions fiscales est réduite. C’est pourquoi je souscris à l’idée d’intercommunalités de plus de 20 000 habitants et de grandes régions.

En deuxième lieu, il faut modifier la répartition des compétences. Il ne me paraît pas déraisonnable de partager les compétences départementales au profit de trois entités distinctes : la région pour assurer la cohérence et les économies d’échelle, les intercommunalités pour la proximité, et l’État ; il ne me semble pas choquant que certaines responsabilités sociales des départements soient prises en charge par l’État ou par la sécurité sociale, puisque les pouvoirs locaux n’ont aucune maîtrise des prestations définies au niveau national.

En troisième lieu, une remise en ordre s’impose. Il faut dépasser le principe de non-tutelle et faire en sorte que l’éloignement ne nuise pas à la réactivité. Il faut parvenir à concilier l’impératif d’économies et de réduction des coûts de transaction et le besoin de proximité et de connaissance du terrain. La dévolution de compétences élargies à des régions de plus grande taille, qui les délèguent ensuite à l’échelon infrarégional, constitue une bonne formule. C’est celle qui a été choisie pour la réforme de l’administration territoriale de l’État ; elle s’est traduite par une diminution de plus de 150 000 équivalents temps plein au cours des six dernières années. La loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles suit la même logique s’agissant des métropoles à statut particulier : la souveraineté est transférée à la métropole et l’exercice de certaines compétences est délégué à des territoires. Cette méthode est nécessaire pour faire cesser une concurrence inflationniste entre région et département. La fonction de péréquation et, plus généralement, les fonctions de solidarité doivent être confiées à l’échelon le plus vaste. À cet égard, la gestion du revenu de solidarité active (RSA) à l’échelle départementale ne me paraît pas appropriée, car elle est facteur d’inégalités.

Enfin, le découpage de la carte des régions doit être revu. La proposition du Président de la République semble aller globalement dans le bon sens. Outre la taille des nouvelles régions, deux règles semblent avoir présidé à l’établissement de la nouvelle carte : la première qui consiste à prendre en compte l’aire de rayonnement des métropoles ou, à défaut, des grandes agglomérations ; en la matière, il est possible de mieux faire. Seconde règle, fusionner des entités existantes et refuser la vente à la découpe des régions ; cette mesure de précaution est bienvenue pour accroître les chances de réussite de la réforme. Dans le cas contraire, les régions risquaient de revendiquer les départements les plus riches et ceux qui votent dans un sens favorable au pouvoir en place.

Je note néanmoins deux anomalies : le Nord-Pas-de-Calais qui fait figure de microrégion, et la macrorégion rassemblant Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon pour laquelle la présence de deux métropoles risque de poser problème. Sous réserve de quelques ajustements, la démarche me semble aller dans le bon sens.

En conclusion, je recommande de privilégier un paysage institutionnel à trois niveaux, qui correspond au modèle le plus répandu en Europe.

M. Florent Boudié. Je remercie M. Le Lidec pour son intervention ainsi que les deux orateurs précédents, mais je m’étonne que ces derniers se soient fourvoyés en faisant du découpage des régions le sujet essentiel de la réforme territoriale. Pourtant, à l’exception des médias, personne – en tout cas ni le Président de la République ni le Premier ministre – ne l’a présentée ainsi.

Le sujet que nous avons à traiter est celui des deux niveaux d’organisation territoriale : le premier, hérité de l’Ancien Régime et de la Révolution autour du couple département et commune ; le second, né de la volonté modernisatrice des années cinquante, développé par les lois Defferre et Chevènement, autour du couple région et intercommunalité. Ces deux niveaux peinent à se compléter, gênés de surcroît par le principe de non-tutelle.

La majorité propose de faire un choix entre ces deux niveaux que leur superposition rend illisibles pour nos concitoyens. Pour monter un dossier, aussi banal soit-il, il faut aujourd’hui mettre autour de la table cinq ou six intervenants de tous les niveaux de collectivités territoriales, sans oublier les syndicats intercommunaux – on en compte 13 000, dont 6 000 épousent les frontières territoriales d’un établissement public de coopération intercommunale (EPCI).

On peut s’interroger sur le périmètre des régions, et particulièrement sur la création de régions élargies. Mais le principal objectif reste d’atteindre la taille critique permettant de recevoir de nouvelles compétences stratégiques : l’économie, les transports, les infrastructures, la formation.

Quant aux intercommunalités, alors que les citoyens manifestent une défiance forte à l’égard de la politique et des responsables publics, elles offrent sans aucun doute une solution adaptée pour les politiques de proximité. Le seuil de 20 000 habitants est-il pertinent ? Je suis réservé sur l’existence d’un critère unique. Il me semble nécessaire de l’assouplir pour tenir compte de la réalité locale.

Vous avez évoqué le rôle de l’émiettement des collectivités dans le creusement des inégalités. S’agissant de la solidarité territoriale, vous avez abordé la péréquation verticale, mais pas la péréquation horizontale. Quels mécanismes suggérez-vous en la matière ?

M. Martial Saddier. Le groupe UMP se félicite de la saisine pour avis de la commission sur les projets de loi relatifs à la réforme territoriale, à laquelle il convient d’ajouter l’audition des ministres concernés.

Quarante-huit heures après l’annonce d’une réforme qui, si j’en crois les nombreux commentaires de la presse quotidienne régionale, semble mal engagée, nous savons que les arbitrages ont été rendus à la dernière minute dans le bureau du Président de la République. Vous ne pouvez donc pas prétendre que le découpage des régions n’est pas au cœur de la réforme, que le Président de la République et le Premier ministre n’y sont pour rien !

Après deux jours de réflexion, quel est, selon vous, l’état d’esprit des Français sur la réforme proposée ? La logique aurait voulu qu’elle soit précédée d’un audit de l’existant. À cet égard, quel jugement portez-vous sur l’évolution de la décentralisation ? Il semble que, parallèlement à l’ambition décentralisatrice affichée, l’État n’a eu de cesse de vouloir centraliser à nouveau.

À partir des modèles étrangers, pensez-vous qu’une méthode idéale existe pour accomplir une telle réforme ? Certains pays européens ont-ils réussi là où la France échoue ?

Enfin, je suis stupéfait que le Président de la République ait pu écrire dans la même tribune deux phrases qui se contredisent, l’une affirmant que la République n’a plus besoin de l’échelon départemental pour fonctionner correctement, l’autre concluant que « le département en tant que cadre d’action publique restera une circonscription de référence essentielle pour l’État, autour des préfets et de l’administration déconcentrée ». On se demande qui a osé lui faire signer une lettre pareille ! Une autre phrase est passée inaperçue, qui propose de donner « toute sa légitimité démocratique » aux EPCI, qui laisse entendre leur élection au suffrage universel. Qu’en pensez-vous ?

Depuis 1982, la République ne se heurte-t-elle pas au même problème : apprendre à faire confiance à ses territoires ?

M. Stéphane Demilly. Cette réforme territoriale relève, en effet, du « meccano des territoires ». L’UDI est favorable à la simplification de l’organisation actuelle : tous les praticiens de la vie locale sont confrontés à la lourdeur des « lasagnes territoriales », et il faut avoir le courage d’y remédier. Mais on ne peut traiter les territoires comme les pièces d’un meuble Ikea. Chacun en a fait l’expérience : à consulter la notice, tout paraît d’une simplicité enfantine ; c’est quand on commence le montage du meuble que les difficultés commencent, et il n’est pas rare qu’on se retrouve à la fin avec des pièces en trop, dont on ne sait quoi faire. Il faut donc aborder ce sujet avec prudence et humilité, et éviter le ton professoral.

Pour filer la métaphore, s’agissant du temps de montage, le Président de la République veut aller vite, mais il faut pourtant tenir compte du temps long des territoires. Vous ne pouvez pas négliger l’évolution séculaire qui, à partir des provinces de l’Ancien Régime, a donné naissance aux régions, et redessiner la France à Paris sur un coin de table. Un collègue socialiste m’a dit que, dans la même soirée à l’Élysée, la Picardie a changé trois fois de partenaire. Ce n’est pas sérieux ! Il faut associer les territoires au processus de décision et respecter leur histoire.

L’ordre de présentation des pièces a aussi son importance. On ne peut pas redécouper les régions et supprimer les conseils généraux sans avoir répondu, au préalable, à trois questions : quelle répartition des compétences, quelles missions pour l’État, quelles ressources fiscales ?

Pour faire évoluer la carte communale et ses 36 700 communes, il faut explorer deux pistes de réflexion. D’une part, faut-il fixer un seuil de population en deçà duquel le rattachement à une commune plus importante serait automatique, ce qui risque de poser problème pour les territoires ruraux et les zones de montagne ? D’autre part, faut-il fusionner des communes présentant une continuité territoriale, ce qui risque de poser problème pour les territoires urbains denses ?

M. Patrice Carvalho. La décentralisation a débuté en 1982 avec la transformation des départements et des régions en collectivités élues et dotées de compétences identifiées. La logique de la réforme annoncée le Président de la République lundi soir, au terme de multiples volte-face, est tout autre.

Commençons par dénoncer cette escroquerie qui consiste à justifier la réforme territoriale en invoquant « le millefeuille ». Ceux qui crient au loup aujourd’hui, quitte à faire preuve d’un certain populisme, sont ceux-là mêmes qui ont multiplié les strates administratives, à commencer par les intercommunalités. Avec les conseillers territoriaux, Nicolas Sarkozy avait inventé une usine à gaz consacrant le cumul des mandats et promettant vainement des économies. François Hollande a d’abord manifesté son attachement aux départements, au travers du redécoupage cantonal et de l’instauration d’un binôme d’élus, dont la durée de vie sera courte puisque les départements sont appelés à disparaître à l’horizon 2020, sous réserve d’une révision constitutionnelle. Voici qu’un nouvel épisode nous est proposé avec le passage de vingt-deux à quatorze régions, épisode dont la cohérence demeure obscure et dont le scénario a été écrit loin du terrain, dans de petits arrangements entre amis.

Cette réforme ne dit pas comment le millefeuille perdra des feuilles. Elle laisse plusieurs questions sans réponse. Qui siégera dans les conseils régionaux fusionnés ? Les départements sont-ils voués à être vidés de leur substance au profit, sans doute, des intercommunalités ? Qui exercera les compétences de proximité, comme l’action sociale ou l’entretien des routes ? Tout cela semble relever de l’improvisation la plus totale. Au terme de ce feuilleton à rebondissements, une autre impression domine, celle d’une navigation à vue, au gré de ce que les élus et les populations semblent en mesure d’accepter.

Ces dernières années, les intercommunalités sont montées en puissance, dépouillant les communes de leurs compétences les plus structurantes. Une nouvelle étape s’annonce dans laquelle les métropoles engloutiront les départements, tandis que de grandes régions seront créées en accéléré. Ces mouvements éloignent sans cesse davantage le citoyen des centres de décision.

Le schéma administratif et politique se résume désormais à une Europe à qui les États doivent soumettre leurs choix budgétaires, des régions et des intercommunalités parfois géantes quand elles sont métropoles. Il s’agit d’un chamboulement complet des principes hérités de la Révolution française, qui met en cause la citoyenneté, l’unité nationale et l’égalité des territoires. Le thème du millefeuille n’est agité que pour convaincre nos concitoyens du bien-fondé, contestable, de la réforme territoriale, et pour dissimuler l’essentiel, la profonde modification de l’organisation de la nation que vous préparez.

Enfin, je suis choqué que les sociologues puissent parler de tout sans dire un mot des hommes et des femmes qui vivent sur les territoires. L’essentiel est pourtant là.

M. François-Michel Lambert. Une fois de plus, la preuve est faite que la France, toujours gauloise et querelleuse, rechigne à accepter les évolutions. Qui peut croire qu’un autre gouvernement et un autre Président de la République auraient agi différemment pour conduire cette réforme ?

Une dynamique est enclenchée ; il nous appartient de la faire évoluer. Pour ma part, j’ai toujours milité pour la création d’une grande région, regroupant Languedoc-Roussillon et Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA) autour de la Méditerranée, puisque cette mer est le lieu d’échanges appelés à se développer avec le continent africain.

La réforme doit permettre d’aller vers l’Europe des régions, dans laquelle l’État libère les énergies et garantit la justice républicaine. Elle doit relever les défis du XXIe siècle, pas ceux de la fin du XVIIIe : la transition énergétique, la mobilité pour tous, la mondialisation et les réseaux sociaux. Elle ne doit pas s’arrêter à ce redécoupage et à cette seule carte. Elle relève de choix politiques qui peuvent être discutés.

Quels sont les obstacles juridiques au démembrement des régions ? Comment pourrions-nous, dans un second temps, ajuster la carte proposée en détachant certains départements – le Gard et l’Hérault rejoindraient par exemple la région PACA ? Peut-on imaginer de transférer des cantons ?

Une autre question se pose : des grandes régions pour quoi faire ? Comment les citoyens peuvent-ils s’approprier cette nouvelle collectivité ? Il est indispensable de donner aux régions, aux intercommunalités et aux métropoles la légitimité que confère le suffrage universel direct et proportionnel.

Enfin, la plus grande responsabilité donnée aux régions suppose des moyens financiers. Quelle peut être leur autonomie en la matière ?

M. Jacques Krabal. Je suis quelque peu embarrassé après ces interventions très contrastées qui n’éclairent pas vraiment le débat. Je souhaite saluer la volonté du Président de la République, si souvent accusé d’immobilisme, de s’engager résolument dans une réforme territoriale qui ne s’écrit pas sur une page vierge. Ce sujet fait partie des préoccupations politiques depuis plus de vingt ans. Les tentatives de réforme n’ont pas manqué, avec les résultats que l’on connaît. Après le message transmis par les citoyens lors des élections européennes, nous ne pouvons pas rester au lendemain de 1792 pour les départements et au lendemain de 1956 pour les régions. Nous devons avancer. Certes, la réforme ne réglera pas tous les problèmes, mais une simplification s’impose, chacun en convient.

Nous n’en sommes qu’au commencement du débat. On peut adresser tous les reproches au projet proposé – il a été écrit sur un coin de table, mais n’était-ce pas le cas de la réforme de 1956 ? –, toutefois il a le mérite de proposer une carte et de fixer des objectifs. Je pourrai dire que je suis très heureux que la région Picardie soit unie à la région Champagne-Ardenne, car les arguments historiques, identitaires et économiques plaident en ce sens. Mais la carte n’est pas tout. Ce projet va dans le sens de l’histoire et du XXIe siècle.

Comparaison n’est pas raison, et chacun connaît la diversité de taille des régions d’Europe, mais il n’est pas seulement question ici d’arithmétique. J’ai apprécié le souci de faire vivre la proximité dont a témoigné M. Le Lidec, avec ce que cela implique en matière de circuits courts et d’économie circulaire. L’enjeu est bien celui-là : comment faire vivre la démocratie locale à travers les regroupements de régions ?

M. Alain Calmette. Globale, cette réforme dépasse la seule question du découpage des régions – promise à une discussion sans fin. L’émergence de l’intercommunalité en est l’élément fondamental. Nier le caractère illisible de l’organisation actuelle n’est pas sérieux. Un des intervenants a avancé que le développement économique d’une commune n’avait rien à voir avec sa taille ; certes, mais, dans le cas de petites communes, il est surtout le résultat, non d’une activité endogène, mais de la collaboration avec d’autres territoires ou d’une péréquation.

Comment envisagez-vous la solidarité territoriale au sein même de grandes régions afin que les territoires ruraux puissent surmonter l’impression d’éloignement provoquée par la réforme ?

M. Jacques Kossowski. Le Président de la République, dans sa tribune, a indiqué que le redécoupage territorial va mener l’État à « renoncer à exercer les compétences reconnues aux collectivités ». Ainsi, les nouvelles entités régionales vont devoir jouer un rôle primordial dans la transition énergétique et sans doute obtenir des compétences élargies en matière environnementale et énergétique. Dès lors, certaines institutions nationales, comme l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), auront-elles leur place dans cette nouvelle architecture ? Les organismes étatiques et régionaux ne risquent-ils pas de doublonner ? D’autre part, en matière environnementale toujours, les différentes normes seront-elles édictées au niveau national ou bien des expérimentations régionales seront-elles laissées au libre arbitre des nouvelles entités ? Est ainsi posé le problème plus général du juste équilibre entre autonomie des régions et équité territoriale.

M. Jean-Christophe Fromantin. Partir des dynamiques nous éviterait peut-être tous ces échanges sur les bonnes ou moins bonnes fusions. Il s’agit de prendre en compte la réalité, de savoir comment vivent les gens, dans quelles villes ils vont, dans quelles universités étudient leurs enfants… Les relations entre territoires ruraux et métropoles sont l’un des grands sujets de la réforme. Or, de ce point de vue, la carte proposée est très inéquitable.

L’idée selon laquelle, en 1790, entre les confins d’un département et son chef-lieu, il devait y avoir une journée de cheval tout au plus, n’était pas à l’origine de la délimitation des départements, mais la remarque a posteriori d’un député. Nous pouvons nous poser la même question : mettons-nous tout le monde à moins d’une heure et demie d’une métropole connectée au monde ? Il en va de même concernant la zone d’influence des grands ports maritimes : dans un espace qui se globalise, où les conteneurs vont constituer un élément structurant du commerce international, on peut se demander si la carte qu’on nous propose met équitablement toutes nos industries à bonne distance de nos ports maritimes. Nous avons étudié, il y a un an, cinquante modèles d’organisation de nos grandes entreprises ; leur carte de France, celle de la réalité économique et de la réalité sociale, est en décalage avec celle qui nous est soumise.

Il faut donc veiller à ne pas dessiner une carte trop administrative, vue de Paris voire de l’Élysée. Construisons une carte qui colle aux réalités économiques et sociales, faute de quoi nous risquons d’être en décalage par rapport à des flux ou à des modèles existants et d’être contraints d’ajuster en permanence la géographie conçue par des états-majors à celle de la France telle qu’elle vit.

M. Gilles Savary. Il est normal d’affecter ici de considérer que seule une carte nous serait proposée. La France adore la polémique : on est accusé d’immobilisme quand on ne bouge pas et, quand on bouge, de réaliser une mauvaise réforme. Or l’ambition du Président de la République est d’une tout autre portée – une portée considérable – puisqu’elle va redessiner complètement l’organisation territoriale de la République.

Nous sommes quelques-uns à pouvoir nous prévaloir de quelques heures de vol en rase-mottes ce qui, certes, ne donne pas une grande hauteur de vue académique, mais au moins savons-nous comment fonctionne une collectivité locale. Nous savons qu’existent plusieurs services de développement économique à tous les étages, plusieurs services de tourisme à tous les étages. Si le système marchait, nous aurions une croissance à trois chiffres et un taux de chômage négatif. Ce n’est pas le cas ; il faut donc rationaliser.

Je suis heureux que les préfets soient amenés à subsister, car je suis attaché à l’unité de la République. Reste une question : quels contre-pouvoirs apporter aux exécutifs régionaux ? Car il n’existe pas de presse locale pluraliste, pas d’équivalent des grands corps de contrôle de l’État.

Enfin, la péréquation ne se fait pas que par la taille : il y a en effet des régions riches et des régions pauvres qui n’ont pas de grandes métropoles. Il faut donc prévoir des dispositifs de péréquation entre régions et de proximité. Avez-vous des idées en la matière ?

M. Michel Heinrich. Depuis quarante-huit heures, les annonces du Président de la République suscitent de nombreuses contestations faute de définition d’objectifs, d’études d’impact ; or, à l’aune de l’exposé que nous venons d’entendre, nous mesurons à quel point un débat de qualité aurait pu conduire à élaborer une réforme acceptable pour tout le monde.

Lors de la précédente législature, nous avons proposé d’instaurer le conseiller territorial, qui devait siéger à la fois à l’assemblée départementale et au conseil régional. N’était-ce pas une bonne façon de réussir la réforme ?

La population connaissant mal ses représentants régionaux, faut-il un mode de scrutin proportionnel ou un mode de scrutin prévoyant un élu pour un territoire ?

M. Yannick Favennec. Je puis affirmer, en tant qu’élu de la Mayenne et donc ligérien, que la région Pays de la Loire n’est pas à vendre, n’est pas née sous X et ne souhaite pas être démantelée : elle représente en effet, avec ses cinq départements, la plus forte croissance économique et démographique de France.

Je souhaite connaître l’avis des intervenants sur le mariage raté entre les Pays de la Loire et la Bretagne. Comment expliquer la résistance bretonne ? Croyez-vous inéluctable le rattachement, à un moment ou à un autre, de la Loire-Atlantique à la Bretagne et, dans l’affirmative, pourquoi ? Le maintien en l’état de la région des Pays de la Loire ne risque-t-il pas de l’isoler, de l’affaiblir, de diminuer son attractivité et sa compétitivité face aux deux grands blocs qui l’entoureront, la Bretagne avec une forte identité, et la nouvelle région Poitou-Charente-Centre-Limousin ? En proposant la création de cette dernière, le Président de la République n’a-t-il pas déposé une bombe à retardement sous les fenêtres de Jacques Auxiette, président de la région des Pays de la Loire ?

Mme Martine Lignières-Cassou. Personne ne nie la complexité administrative française qui tient au refus de toucher aux 36 700 communes. C’est aussi ce qui explique la création, en 1992, des intercommunalités qu’il est bon de renforcer puisque, dans l’esprit de nos concitoyens, elles sont censées assumer des missions de proximité. J’ai trouvé très intéressante l’idée que les régions puissent déléguer des compétences à des niveaux inférieurs, notamment aux intercommunalités, dans la mesure où elles portent une partie du développement local. Il serait en effet erroné d’opposer le couple intercommunalité-proximité au couple région-développement : les intercommunalités devront jouer ces deux rôles.

Dans ce contexte, quelle sera la mission des communes, celle de l’État – qui, en matière sociale, semble aller de soi ? Ce dernier ne pourrait-il pas reprendre à sa charge les services départementaux d’incendie et de secours (SDIS) ?

Enfin, le dernier scrutin a montré une consolidation du vote en faveur du Front national dans les zones périurbaines. Le regroupement des intercommunalités, s’il prend en compte lesdites zones, ne peut-il être un facteur de diminution du sentiment de déclassement qui profite à ce parti ?

Mme Sophie Rohfritsch. L’organisation de cette table ronde montre que le président Chanteguet sait prendre des risques pour garantir la transparence de nos débats : ce n’est pas une découverte, mais nous pouvons le saluer à nouveau pour cela.

La qualité des interventions nous a bien éclairés sur la réalité de cette réforme – encore que je peine à la nommer ainsi puisque nous avons confirmation qu’elle a été réalisée sur un coin de table sans tenir compte de la nécessité pour le pays d’assurer le développement économique de ses territoires, développement qui pourrait notamment être fondé sur les lourds investissements déjà réalisés au titre des pôles de compétitivité, des restructurations des universités, du programme « Investissements d’avenir ». Ces investissements, irriguant le tissu social et économique, commencent en effet à porter leurs fruits : les entreprises innovent et lancent de nouveaux projets. C’est de cela que nous vivrons demain, et on ne l’a absolument pas pris en considération.

L’Alsace, par exemple, aurait beaucoup à gagner d’un découpage qui intégrerait ses pôles de compétitivité – dont certains sont très performants. Elle a été l’une des premières régions, après l’Île-de-France, à bénéficier de ces investissements.

Par ailleurs, on n’a pas entendu un mot sur la réforme de l’État alors qu’elle est le préalable à une vraie réforme territoriale intelligente et performante. Voulons-nous un État fédéral ; demeurons-nous un État jacobin ?

M. Philippe Plisson. J’ai entendu plusieurs interventions dont je n’approuve ni le fond ni la forme. Je suis en revanche assez d’accord avec M. Le Lidec. Je suis maire d’une commune de 500 habitants, président d’une intercommunalité de 12 000 habitants et conseiller général ; j’ai été rapporteur de la commission de coopération intercommunale en Gironde et je crois avoir une vision assez claire de ce qui est nécessaire. Une commune de 500 habitants ne sert plus à rien. Le conseil général ne sert plus à grand-chose non plus – il faut avoir le courage de le faire disparaître. Les intercommunalités, quant à elles, ont pris une importance capitale et c’est à ce niveau que l’organisation territoriale doit se réaliser. (Murmures sur les bancs UMP)

Dès lors que ce diagnostic est partagé presque par tous – Xavier Bertrand lui-même a déclaré que la réforme territoriale était nécessaire –, ne pourrions-nous pas, sur un sujet d’une importance aussi capitale, chercher un vrai consensus ? Nous pouvons continuer de faire de la politique politicienne : reste que c’est d’une dynamique pour réformer le territoire que nous avons besoin. Vous avez tenté de le faire avec l’institution du conseiller territorial. Nous devons tous nous mettre autour de la table pour élaborer la meilleure réforme possible pour nos concitoyens.

M. Laurent Furst. Cette réforme a-t-elle une chance de survivre à une alternance ? (Murmures sur divers bancs) Non, clairement non, car nous n’avons pris le temps ni de la réflexion ni de la discussion. Vous faites précisément ce qu’il ne faut pas faire, alors que la vie quotidienne de tous les Français est concernée, alors que votre réforme touche à ce qui leur est cher : leur commune, parfois leur département, parfois leur région. Or la France n’est pas un fromage qu’on découpe ; elle a des traditions et des intérêts multiples. En tant qu’élu local, c’est l’addition réglementaire qui me pèse le plus. Nous pouvons réaliser des économies à condition que le droit soit plus léger, plus efficace. Par ailleurs, on peut être plus pertinent dans la conduite des politiques publiques en réorganisant les centres de décision.

Les Français tiennent beaucoup à la proximité, à la possibilité d’interpeller et de critiquer directement leurs élus. Ils ne veulent pas d’une nouvelle technocratie.

M. Philippe Duron. Il faut partir du principe que tout découpage est arbitraire et que celui qu’on nous propose en vaut d’autres. D’ailleurs, la réforme envisagée satisfait un certain nombre de régions. Elle va transformer l’organisation du territoire, influer sur la géographie des flux, faire évoluer les repères démocratiques.

Quel est l’avenir des capitales régionales qui ne le seront plus parce qu’elles sont des métropoles incomplètes, parce qu’elles n’ont pas accédé à ce statut administratif, statistique de métropole ? Comment éviter à certains territoires les effets négatifs de la perte de certaines compétences de services ? Comment les aider à jouer un rôle différent d’animation des territoires ? Quel est l’avenir de ces lieux intermédiaires essentiels à la structuration du territoire ?

M. Alain Leboeuf. Cette réforme, qui doit conduire à un élargissement des régions et à une affirmation des métropoles, ne se traduira-t-elle pas une fois de plus par une concentration des pouvoirs et des richesses dans quelques grandes villes au détriment des zones rurales et des villes moyennes ?

La disparition programmée des départements, qui exercent une fonction de solidarité territoriale, ne conduira-t-elle pas les régions à concentrer leur action sur leurs chefs-lieux – j’en veux pour preuve l’exemple de la région des Pays de la Loire qui a concentré ses crédits sur Nantes, Le Mans ou Angers ?

M. Alexis Bachelay. La passion française pour la géographie est si forte qu’elle a surtout abouti, ces dernières années, à ne rien décider. Cela aurait sans doute fait plaisir à Paul Vidal de La Blache, le fondateur de l’école française de géographie ; mais force est de constater que, pour la simplification du fonctionnement de nos administrations, la lisibilité et le contrôle des politiques publiques, le compte n’y est pas.

Au-delà de l’obsession des frontières, tout à fait légitime mais non essentielle, il y a la question des compétences, de l’autonomie financière et – j’insisterai sur ce point – de la démocratie. Comment, dans des régions agrandies, maintenir une certaine proximité entre l’institution et le citoyen ? L’idée de transformer nos conseils régionaux en parlements locaux composés d’élus directement choisis par les citoyens dans le cadre de circonscriptions serait peut-être un moyen d’éviter cette distance déjà ressentie dans le système en vigueur.

M. Guillaume Chevrollier. Nous partageons tous l’idée que la réforme du millefeuille administratif doit permettre le redressement du pays. Elle doit toutefois être menée de façon cohérente, réfléchie et courageuse – qualités qui ne semblent pas caractériser le président Hollande : on a aboli l’institution du conseiller territorial, votée par la précédente majorité, et qui permettait le rapprochement entre le département et la région ; on a créé l’ineptie du binôme paritaire qui entraîne le redécoupage de l’ensemble des cantons au détriment de la ruralité, alors que les départements ont vocation à disparaître…

Que de revirements sur le nombre de régions : il devait rester stable dans un premier temps, avant de passer à onze puis à quatorze. Si l’on s’en tient à l’exemple de la région des Pays de la Loire, dont je suis élu, on nous apprend que nous étions rattachés à la région Poitou-Charentes avant que, quelques heures plus tard, à la suite d’interpellations de responsables socialistes, le Président ne change d’avis pour nous laisser finalement seuls. Quel est donc le fil conducteur de cette réforme ? Obéit-elle à une logique économique, démographique, géographique ? Nul ne le sait. Nous avons d’un côté des régions énormes et, de l’autre, un statu quo qui peut se révéler préjudiciable pour une région comme les Pays de la Loire, voisine de la Bretagne et d’une grande région Poitou-Charentes-Centre-Limousin.

Il semble donc que l’arbitraire politique caractérise ce projet plutôt qu’une vision d’avenir pour le pays, alors que chacun s’accorde sur la nécessité de réformer. Or nous sommes dans le flou : vous ne nous proposez aucune étude d’impact, nous n’avons aucun chiffre concernant les économies devant être réalisées. Les collectivités territoriales, les élus locaux, les fonctionnaires territoriaux, inquiets, méritaient mieux.

M. Charles-Ange Ginesy. Quand on veut mener une grande réforme, il convient de savoir ce que l’on veut faire. Or il me semble que nous n’avons pas suffisamment discuté la répartition des compétences. Le Président de la République a présenté ce projet de découpage de façon précipitée. Au-delà de mon regret de voir disparaître le conseil général, alors qu’il me paraît être un échelon de proximité important, je n’ai pas vu qu’on ait engagé un débat, une concertation avec les acteurs concernés. Quelle est la position des intervenants sur les compétences et sur la nécessité de cette concertation ?

M. Jean-Marie Sermier. Cette réforme n’est évidemment pas à la hauteur des attentes de la population et il est clair que le président Hollande a réalisé la nouvelle carte à la va-vite, probablement pour répondre à la colère de son électorat. Mais on garde telles quelles sept régions comprenant plus de 33 millions d’habitants : un Français sur deux n’est donc pas concerné par la nouvelle carte.

En ce qui concerne les départements, c’est la valse à trois temps : on nous avait annoncé leur suppression pour 2021, puis pour 2016, et on évoque aujourd’hui 2020. Cette suppression n’est-elle donc qu’un leurre ? Les services seront toujours là, les compétences aussi, en matière sociale, scolaire, de voirie. La bonne solution ne consisterait-elle pas à avoir un élu dans une circonscription territoriale, donc un représentant identifié gérant à la fois le département et la région ?

M. Jean-Pierre Vigier. Cette réforme est menée dans la précipitation, en totale déconnexion par rapport à la réalité du terrain. A-t-on demandé l’avis des élus locaux qui vivent dans ces territoires, qui en connaissent les besoins ? En instituant de grandes régions, en renforçant l’attractivité des métropoles, on ne va pas favoriser la proximité ; on va même étouffer la vie en milieu rural. Aussi, comment éviter la dualité entre territoires ruraux et métropoles ? C’est important, car la ruralité, qui concerne 20 % de la population sur 80 % du territoire, participe à l’équilibre du pays.

M. David Douillet. Je ne reviendrai pas sur l’amateurisme dont ont fait preuve le Président de la République et le Gouvernement – ce dernier n’étant d’ailleurs même pas au courant de ce qui se décidait. Il est temps d’élaborer des stratégies pour donner du travail aux Français. L’exportation est la grande solution. Le découpage proposé a-t-il été conçu pour que nous ayons, demain, des champions de l’exportation et du savoir-faire français ? On parle de péréquation, de nouveaux impôts, mais, lorsque les Français n’auront plus d’argent parce qu’ils n’auront plus de travail, que va-t-on faire : plumer un œuf ? Ce n’est pas possible.

M. Jacques Alain Bénisti. La question n’est pas de savoir s’il s’agit d’une bonne ou d’une mauvaise réforme mais, dans le contexte de crise que nous connaissons, si elle est prioritaire, voire opportune. La masse salariale représente près de 60 % du budget des régions. Or nous savons pertinemment que, avec la fusion des régions, elle va augmenter. Prétendre que ce projet permettra de réaliser des économies relève de l’imposture.

M. Alain Gest. Nos remarques ne signifient pas que nous ne partageons pas l’idée avec laquelle tout le monde s’accorde : il faut faire évoluer le système. En revanche, certains doivent reconnaître qu’on peut ne pas être convaincu par l’efficience de nouvelles régions qui seraient des monstres territoriaux, ni par l’idée que l’efficacité d’un territoire serait fonction de sa superficie. L’efficacité me paraît davantage liée aux compétences.

Avez-vous une idée des éventuelles économies que la réforme sera susceptible d’engendrer ? Surtout, la seule économie possible n’est-elle pas la suppression de la clause de compétence générale au risque d’une singulière diminution des investissements réalisés par les collectivités territoriales ?

M. Gérard-François Dumont. Vous avez bien compris que, dans mon exposé liminaire, je n’ai pu qu’établir le diagnostic de la situation. Il est vrai que des élus se sont montrés réticents à l’évolution de la décentralisation à partir des années 2000, pour la simple raison qu’ils avaient vécu la première décentralisation au cours de laquelle l’État n’avait pas toujours reversé les moyens dont il disposait alors que, dans le même temps, il transférait des compétences.

Je l’ai vécu moi-même en tant que recteur. Dans l’académie où j’exerçais mes fonctions, le taux de croissance de la population scolaire était très important et j’ai fini par manquer de personnel. J’ai découvert que je pouvais disposer de personnels détachés depuis presque vingt ans – soit après les premières lois de décentralisation – à la direction départementale de l’équipement pour s’occuper des collèges et des lycées – relevant aujourd’hui, en l’occurrence, du conseil général des Alpes maritimes et du conseil régional de Provence-Alpes-Côte d’Azur. J’ai écrit au directeur départemental de l’équipement pour lui demander le retour de ces personnels. Je pensais qu’il me proposerait de me les rendre progressivement. Or il me les a renvoyés d’un coup. J’ai procédé de la même manière avec le département du Var et j’ai ainsi récupéré, en un instant, vingt personnes qui ne faisaient rien depuis vingt ans ! La résistance des élus à l’acte II de la décentralisation est liée au fait qu’ils ont vécu cette grande difficulté.

Ensuite, je suis d’accord sur la nécessité de clarifier les compétences. Il faut réaliser un audit très précis des doublons non seulement entre communes, intercommunalités, départements et régions, mais aussi et surtout de doublons avec l’État dont les services ont conservé des personnels qui ne sont plus censés assumer des compétences qu’il a transférées.

Enfin, les dernières élections, dont je déplore les résultats, ont mis en évidence la question de l’intercommunalité : nos concitoyens, qui n’ont rien contre la mutualisation de certains services, exigent qu’elle se traduise par une diminution des impôts locaux et par une amélioration des services publics. Or ils ont constaté que l’intercommunalité a donné des effets inverses. Elle a été imposée de façon jacobine. Cela m’a conduit, après plusieurs visites dans les territoires français, à dresser une typologie des intercommunalités.

Le premier type est l’intercommunalité centralisatrice qui, donc, a la volonté de tout centraliser, y compris des détails qui devraient relever de telle ou telle commune.

On a ensuite l’intercommunalité consensuelle : l’État a promis de l’argent aux communes qui se mettaient ensemble sans qu’elles définissent pour autant de projets collectifs. Ainsi, quand la ville de Nice a souhaité obtenir le statut de métropole, il était écrit noir sur blanc sur son site internet que c’était pour toucher davantage de dotations financières.

Enfin, l’intercommunalité subsidiaire est malheureusement minoritaire. Ici, les communes rassemblées décident d’avoir un projet commun, et c’est au niveau de l’intercommunalité que sont gérés les problèmes communs à l’ensemble des territoires concernés, mais où prévaut une logique de subsidiarité : l’intercommunalité renvoie même de l’argent aux communes si nécessaire pour la réalisation de projets à l’échelon inférieur.

Il serait très important d’évaluer l’intercommunalité. Vous savez fort bien que le nombre de fonctionnaires de la fonction publique territoriale, au sein des communes et des intercommunalités, a augmenté sans que les citoyens constatent une amélioration des services publics.

Martial Saddier a évoqué l’état d’esprit des Français. Il ressort de tous mes déplacements qu’ils me paraissent dubitatifs : cette réforme ne passe pas comme une lettre à la poste. Certains journalistes pensaient qu’elle serait acceptée d’emblée et n’envisageaient pas d’en parler ; désormais je suis appelé par cinq journalistes chaque jour.

La France ne cesse d’opposer Girondins et Jacobins. Je rappelle que les cahiers de doléance de 1789 étaient girondins, mais que ce sont les Jacobins qui l’ont emporté en utilisant des moyens coercitifs – je vous renvoie au monument de Bordeaux ou à ce qui s’est passé à Lyon et qui a provoqué la mort de milliers de personnes. Or la logique jacobine continue d’exister : un certain nombre de représentants de la haute fonction publique n’a jamais accepté la décentralisation. Depuis 1982, de nombreuses décisions de recentralisation ont été prises, la plus importante ayant été la recentralisation fiscale de la fin des années 1990 avec la fin de l’autonomie fiscale des régions – si bien que les citoyens ne savent pas combien leur coûte leur région, puisque les impôts locaux régionaux qu’ils paient ne représentent qu’une part minoritaire des recettes régionales.

Ces décisions de recentralisation se constatent au niveau intercommunal. La région est en effet chargée de l’aménagement du territoire. Qui devrait être responsable de la carte de l’intercommunalité ? Évidemment la région. Or on a décidé que ce serait l’État, à travers ses préfets qui auraient la science infuse en la matière. Or – il faut dire les choses crûment – le sous-préfet s’intéresse plutôt à la façon dont il pourra être nommé préfet grâce aux relations qu’il entretient à Paris, le préfet n’exerce ses fonctions dans un département que temporairement, alors que le conseiller général, le conseiller régional et le député connaissent le territoire par cœur et ont vocation à réfléchir au long terme. Les très nombreuses décisions de recentralisation posent donc un réel problème. (Applaudissements)

Plusieurs d’entre vous ont évoqué la question des communes. Ici aussi, comme disait Jaurès, il faut comprendre le réel. La taille des communes est très différente selon les départements. La France était jusqu’au XIXe siècle le pays le plus peuplé d’Europe, deux à trois fois plus que les pays voisins. Les paroisses correspondaient ainsi aux besoins d’un pays à très forte densité. Si, dans le Nord-Pas-de-Calais, les communes sont beaucoup plus petites que dans le département des Landes, c’est parce que le peuplement y a justifié une organisation territoriale plus serrée.

La plupart des communes étant de nos jours faiblement peuplées, faut-il pour autant les supprimer ? Elles ne coûtent pas cher : la quasi-totalité des conseillers municipaux agissent gratuitement pour le bien-être de leurs concitoyens. Les supprimer empêcherait les habitants de ressentir leur identité communale. Ceci ne signifie pas qu’on ne peut pas imaginer que les communes n’aient plus de budget. Il s’agirait de rendre des services de proximité comme le font tous les conseillers municipaux dans les communes rurales. Reste qu’il faut absolument garder le niveau communal où l’on continue de prendre des initiatives fondamentales, dans le monde rural comme dans le monde urbain.

Certains d’entre vous ont évoqué l’Europe des régions. S’agit-il d’un scénario souhaitable, possible ? J’ai publié une étude sur les régions d’Europe montrant une très grande diversité institutionnelle. Aussi le scénario d’une Europe des régions n’est-il pas viable parce que les régions sont tantôt entre guillemets, si je puis dire, tantôt entre tirets, et donc très importantes – comme dans les États fédéraux. Le « Comité des régions » de l’Union européenne n’est d’ailleurs pas un comité des régions, mais un comité des collectivités territoriales, car l’échelon régional est fondamentalement différent d’un pays à l’autre.

Tous les exemples de réussite locale que j’ai donnés sont des exemples de croissance endogène, ceux de gens qui se sont mobilisés pour dynamiser leur territoire.

L’attachement identitaire est fondamental pour la dynamique territoriale. Ainsi, bien que dépourvu de métropole, le Puy-de-Dôme compte deux grandes entreprises internationales : Michelin et Limagrain – troisième producteur mondial de semences. Comment l’expliquer ? Les dirigeants de ces entreprises sont attachés à leur territoire et tiennent à rester dans cette dynamique favorable à l’Auvergne. S’ils obéissaient à une logique financière, ils auraient vendu leur entreprise, qui ne serait plus française, et ils vivraient de leurs rentes. Il paraît essentiel d’insister sur cette dimension identitaire forte et sur le fait qu’il n’est pas nécessaire pour une entreprise d’évoluer dans une métropole pour avoir une dimension internationale – et j’aurais pu aussi évoquer le groupe Bénéteau ou d’autres exemples d’entreprises internationales très connues dont le siège social n’est pas dans une métropole. Règne en France une idéologie métropolitaine. Or les résultats des métropoles sont très différents en Europe. L’attractivité d’un territoire n’est pas fonction de l’existence d’une métropole.

J’ai évoqué les Pays de la Loire de façon quelque peu provocatrice. Débattre du découpage revient sans doute à discuter du sexe des anges, mais avec des conséquences qui peuvent se révéler dommageables pour les territoires. La région des Pays de la Loire recèle des forces centrifuges qui justifient certainement le maintien des départements. La meilleure preuve en est que les échanges économiques entre la Loire-Atlantique et la Vendée ne sont pas extraordinaires en raison de réalités locales très fortes qui se traduisent d’ailleurs par de faibles taux de chômage – d’où la nécessité de tenir compte de ces réalités culturelles. Prenons à cet égard les chiffres de la Vendée : son taux de chômage était très faible en 2007 ; il a augmenté avec la crise, mais les entreprises locales se sont très rapidement réadaptées et il a diminué. Il faut toujours avoir présent à l’esprit que le taux de chômage national n’est que la moyenne de taux de chômage très différents selon les territoires. C’est ce qui m’amène à considérer qu’il y a de petites Allemagne en France et de petites France en Allemagne – puisqu’en Allemagne aussi le chômage, dans certains territoires, est élevé. Il ne faudrait pas qu’une centralisation sur une capitale régionale fasse fi des succès de certains départements.

En ce qui concerne le mode de scrutin régional en vigueur, sauf à choquer, il faut bien admettre qu’il favorise un système d’apparatchiks. Il s’agit certes d’hommes et de femmes comme les autres qui pensent au bien commun, mais qui sont souvent contraints par les objectifs de leur parti politique plus que par le souci de la région. Le mode de scrutin actuel n’est donc pas propice à la démocratie. Il paraît essentiel que les élus soient des élus de terrain, de terroir, pour qu’on sache qui ils représentent. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI)

L’addition réglementaire, évoquée par l’un d’entre vous, est en effet extraordinaire. Si les collectivités territoriales ont des coûts relativement élevés, c’est parce qu’elles sont obligées de respecter des réglementations trop complexes. Si l’on veut créer une crèche de cinquante berceaux, l’épaisseur du dossier ne sera pas de cinq centimètres, mais de plus de deux mètres ! Il faut donc mener un travail de simplification des réglementations.

Le risque de centralisation est réel. Par exemple, dans la périphérie de la région Rhône-Alpes, on a le sentiment que la région est le moyen pour Lyon de dominer l’ensemble du territoire.

Ce qui est important, comme l’a souligné David Douillet, ce sont le développement économique et la lutte contre le chômage, qui supposent que l’État améliore le cadre permettant aux élus de mieux gouverner leur territoire, et donc abolisse des règles qui les en empêchent. Cela suppose le développement de la concertation et une clarification des compétences – préférable à une suppression de la clause de compétence générale.

Mme Béatrice Giblin. Quels sont les objectifs de la réforme territoriale ? Simplification, économies, proximité… certes. Mais la question fondamentale est de savoir quel type d’État on veut : si l’on institue de grandes régions pourvues de forts budgets et de compétences importantes, on sera, qu’on le veuille ou non, plus près d’un État fédéral que de notre État centralisateur. C’est peut-être une très bonne chose, mais il convient de lancer ce débat et de ne pas engager cette réforme comme si elle ne devait pas avoir ce type de conséquences. Il ne s’agit pas d’une réforme d’ordre technique, mais bien d’ordre politique.

Considérer que les communes et les départements correspondraient à la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe, et que les intercommunalités et les régions seraient seules adaptées au XXIe siècle, relève d’une pensée d’experts, hauts fonctionnaires comme universitaires, alors que la situation est beaucoup plus politique. On n’aura pas tout résolu parce qu’on aura supprimé les départements et fusionné les communes.

La question de la représentativité démocratique des intercommunalités – destinées à être renforcées – est revenue dans de nombreuses interventions. La réforme semble prévoir qu’on regrouperait les communes afin d’atteindre un seuil de 20 000 habitants. S’agit-il d’un bon chiffre ? Sans doute pas, puisqu’il conviendra ici quand le seuil de 5 000 habitants sera préférable là. C’est seulement après avoir réalisé un diagnostic précis des densités de population, des flux des bassins de vie et des modes de vie, qu’il faudra penser l’intercommunalité. Fixer un seuil unique de 20 000 habitants relève d’une vision technocratique. La France n’est pas un espace-plan sur lequel dessiner ce qui nous donne l’impression, selon notre vision cartésienne, que tout est clair et net. Il faut s’adapter aux caractéristiques historiques, géographiques, culturelles et même politiques des territoires.

Pour ce qui est du système électoral, M. Dumont s’est montré très favorable à ce qu’un élu représente un territoire. J’y suis beaucoup plus réticente. L’idée que seul un homme puisse incarner un territoire fera du président d’une région puissante un petit Président de la République. La personnalité d’un individu risque de peser très fort. Or la démocratie me semble devoir supposer un minimum de proportionnalité. Notre histoire politique n’est certes pas celle de la négociation ou du consensus. Ainsi, l’expérience de la IVe République a semblé abominable alors qu’elle n’a pas été sur bien des plans aussi négative. La logique de la Ve République implique qu’on dégage de fortes majorités pour pouvoir agir, logique qu’on retrouve à tous les niveaux. C’est le cas avec la réforme de l’Université : il n’y a plus d’opposition, plus de contre-pouvoir. Or la question des contre-pouvoirs est fondamentale. Il n’est pas de démocratie sans contre-pouvoirs et, en effet, la presse quotidienne régionale n’en est pas un. Il faut réfléchir aux lieux de débat et d’information ouverte. Le scrutin proportionnel présente l’avantage de donner la parole à des opposants qui peuvent construire des projets communs et porter des débats sur la place publique. Nous, Français, devons apprendre à travailler dans le consensus, la négociation pour, ensuite, avancer ensemble. Le succès de la réforme territoriale n’est pas seulement fonction du choix de tel meccano, mais aussi de choix en matière de culture politique. C’est le moyen d’éviter les phénomènes de recentralisation au niveau régional à cause desquels on s’éloignera de nouveau des citoyens. Les derniers scrutins, municipal et européen, doivent nous faire réfléchir sur le sentiment de perte de repères éprouvé par nos concitoyens.

La complexité réglementaire, pour sa part, est imputable à notre culture de la défiance, le clivage droite-gauche n’y entrant pour rien. Nous produisons un grand nombre de règles au nom, d’une part, de l’égalité – elles servent de garde-fou –, et, d’autre part, parce que nous ne savons pas faire confiance. La haute fonction publique française, qui a une très haute image d’elle-même – parfois à juste titre –, a toujours considéré les élus territoriaux moins compétents qu’elle. Les collectivités territoriales sont sans cesse brocardées par ceux qui sont passés par Sciences Po et l’ENA : elles coûteraient cher, compteraient trop de fonctionnaires territoriaux, seraient égoïstes, ne négocieraient pas entre elles.

Or la clause compétence générale a permis la réalisation du Louvre à Lens – plus d’un million de visiteurs en moins d’un an ! Si la région, les communautés d’agglomération, le département du Pas-de-Calais, ne s’étaient pas mis autour de la table, aurait-on pu réunir les 150 millions d’euros nécessaires à la construction du bâtiment alors que l’État n’a contribué qu’à hauteur de 2 millions d’euros ? Ce projet dynamise de façon remarquable le bassin minier. Sauf à vous choquer, il me paraît important de réunir les différents niveaux de collectivités pour porter ensemble des projets qui vont irriguer tout le territoire. C’est pourquoi je suis moins favorable que d’autres à l’idée selon laquelle tout irait pour le mieux si chacun restait chez soi – ce qui serait le meilleur moyen de créer de fortes tensions avec des métropoles très puissantes qui ne tiendraient dès lors aucun compte de ce qui se passerait autour d’elles dans la région.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. J’entends ce que vous dites à propos de la clause de compétence générale, mais on aurait pu imaginer que, demain, la région porte totalement, d’un point de vue financier, le projet évoqué sans qu’on ait besoin de solliciter la commune, l’intercommunalité et l’État.

Mme Béatrice Giblin. Si l’on n’avait pas sollicité plusieurs niveaux de collectivités, ce projet n’aurait pas suscité le même engagement de la part de l’ensemble des élus : les impliquer dans un projet devenant le leur, et non plus seulement celui de la région, a conduit à une mobilisation remarquable. Il est important de négocier et de discuter ensemble alors que nous en avons très peu l’habitude.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Notre débat sur le mode de scrutin est très riche. Il est bon de recueillir des points de vue différents. L’incompréhension qu’on a pu constater ici entre les uns et les autres est la conséquence du mode de scrutin avec lequel nous avons été élus – majoritaire, uninominal et à deux tours. Est-il normal que, dans certains départements, sur trente-six conseillers généraux, trente-cinq appartiennent à la même majorité ? Où sont, dans ce cas de figure, les contre-pouvoirs ?

M. Patrick Le Lidec. Il y a eu une continuité dans l’action des gouvernements successifs depuis cinquante ans en matière de réforme territoriale : tous ont cherché à promouvoir les intercommunalités au détriment des communes et les régions au détriment des départements. On peut ainsi considérer la loi Chevènement comme un avant-projet de la loi Perben. Cette continuité s’est traduite par une superposition des structures puisque, de deux catégories de collectivités, on est passé à quatre.

La France est le seul pays d’Europe à avoir une seconde chambre, le Sénat, dont le collège électoral est constitué de représentants des communes élus dans un cadre départemental – raison pour laquelle a été conservé ce tissu de 36 700 communes.

Il faut désormais en venir à une logique de soustraction et passer de quatre à trois voire à deux catégories de collectivités. On doit tenir compte de plusieurs indicateurs économiques. D’abord, nous avons un taux d’administration locale – à savoir un ratio entre administrateurs et administrés – deux fois plus élevé qu’en Allemagne. La dispersion de la population française a certes un coût, la population allemande habitant davantage les grandes villes, mais il faut tenir compte de l’existence, chez nous, de ces quatre niveaux de collectivités par ailleurs très largement concurrents. Je rappelle que l’augmentation nette des effectifs du bloc communal, au cours des dix dernières années, a été, par an, de 34 000 emplois à champs de compétences constants.

Qu’ont fait nos voisins ? Ils ont procédé à des fusions assez systématiques en deçà d’un certain seuil – en général de 500 habitants. Il y a une opportunité à saisir avec la proposition de loi Pélissard. Le président de l’Association des maires de France est ouvert à l’idée de fusionner les plus petites communes. Le fonctionnement des intercommunalités, surtout si on doit les porter à 20 000 habitants minimum, sera des plus complexes car, si chaque commune doit avoir un représentant, les assemblées seront pléthoriques. Nous devons donc, quand c’est possible, constituer de nouvelles communes ou fusionner, créer des intercommunalités d’au moins 20 000 habitants. Les comparaisons internationales permettent de mesurer quelles économies d’échelles sont susceptibles d’être réalisées en fonction de la taille des collectivités. Ces comparaisons dessinent une « courbe en U » qui montre des surcoûts pour les collectivités peuplées de moins de 50 000 habitants et pour celles qui en comptent plus de 50 000. La taille idéale de la collectivité de base est donc de 50 000 habitants.

On peut envisager une articulation différente entre pouvoirs communaux et intercommunaux. Le sens de l’histoire devrait conduire au transfert de la souveraineté communale vers le niveau intercommunal, qui déléguera ensuite des compétences de gestion de proximité. On pourra s’inspirer du modèle de Paris, Lyon et Marseille, où la souveraineté appartient à la ville qui délègue la gestion de certains équipements à ses arrondissements, manière d’optimiser l’organisation territoriale.

La carte proposée n’est certainement pas idéale, mais elle tient assez largement compte du rayonnement de certaines métropoles. Il est important de muscler notre organisation territoriale à partir des métropoles. Les chiffres sont clairs. Si l’on prend le cas de la seule métropole mondiale française, l’Île-de-France, elle représente 18 % de la population mais 30 % du PIB. Si l’on veut stimuler la croissance et assurer une redistribution vers d’autres territoires, il faut mettre l’accent sur certains investissements métropolitains pour rendre ces territoires attractifs et la vie plus confortable en matière de transports et de logement.

Il convient de mener une réflexion sur l’utilité sociale des investissements. Ainsi, le réseau routier français – on s’en rend compte une fois à l’étranger – est d’une exceptionnelle qualité dont on peut se demander si elle n’est pas le fruit de surinvestissements au détriment, par exemple, des investissements réalisés dans les universités, qui sont souvent dans un état de délabrement avancé. On note une insuffisance française des dépenses en recherche et développement, très nettement inférieures à ce qu’elles sont dans les pays d’Europe du Nord – ce qui explique le succès économique de ces derniers.

Pour ce qui concerne les modes de scrutin, le personnel politique marque une préférence générale pour le scrutin uninominal majoritaire à deux tours, notamment pour la stabilité qu’il confère et pour l’indépendance qu’il donne vis-à-vis des organisations politiques. Toutefois, autour de nous en Europe, presque tous les pays – à l’exception du Royaume-Uni – utilisent des scrutins de liste ou des scrutins mixtes. Il me paraîtrait très intelligent que nous nous orientions vers un usage plus large du scrutin mixte, d’autant que la taille de nos collectivités est amenée à s’accroître et qu’il permettrait d’améliorer la représentation de la diversité des opinions politiques, de s’affranchir d’une culture d’affrontement.

La question des contre-pouvoirs au sein des collectivités recouvre un champ beaucoup plus vaste que celui des modes de scrutin. Pour en finir avec une anomalie française, nous devrions nous inspirer du modèle corse qui distingue les présidences de l’exécutif et de l’assemblée délibérante – exception qu’on retrouve au niveau national. Enfin, l’idée de confier la présidence de la commission des finances aux oppositions locales serait bienvenue, de même que l’idée de renforcer le statut des directeurs généraux des services en leur donnant des attributions propres.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Au nom de tous les députés présents, je remercie les trois intervenants. Notre commission est la seule à organiser des tables rondes sur des sujets particulièrement forts, comme celui-ci, et je m’en félicite.

II. AUDITION DE MME MARYLISE LEBRANCHU, MINISTRE DE LA DÉCENTRALISATION ET DE LA FONCTION PUBLIQUE

La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a entendu, lors de sa réunion du mardi 1er juillet 2014, Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique, sur les compétences des collectivités en matière de développement durable dans le cadre de la réforme territoriale.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. La Commission a décidé de se saisir pour avis des deux textes de réforme territoriale que sont, d’une part, le projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral (Sénat n° 635), d’autre part, le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (Sénat n° 636). Ces textes ont été déposés le 18 juin dernier au Sénat, où une commission spéciale a été constituée pour examiner le premier.

Nous allons procéder à l’audition de Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique, sur les compétences des collectivités en matière de développement durable dans le cadre de la réforme territoriale. Je remercie Madame la ministre d’avoir répondu favorablement à l’invitation de notre commission.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique. La réforme territoriale a été divisée en deux parties, à la fois par choix et par nécessité institutionnelle. Je suis chargée de celle qui a trait aux compétences tandis que Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur, s’est vu confier celle relative à la délimitation des régions et aux modes de scrutin, dont l’étude d’impact vient d’être validée par le Conseil constitutionnel. Nous pensons que la décision du Conseil d’État devrait être également favorable.

Nous avons pris l’engagement de faire cheminer de concert les deux textes en sorte que la deuxième lecture du projet relatif à la délimitation des régions et aux modes de scrutin ait lieu à la suite de la première lecture du projet relatif aux compétences. Le report des élections départementales et régionales est en effet lié au transfert de compétences des départements, et non à une révision de leur carte puisque celle-ci reste inchangée.

La réforme que nous préparons fait suite aux grandes lois de décentralisation de 1982 et 1983, revues à la fin des années 1990 avec la relance de l’intercommunalité, puis en 2004 et 2010. Nous souhaitons renforcer les régions au moyen de deux schémas régionaux, l’un portant sur le développement économique, l’autre sur l’aménagement du territoire et des infrastructures, tout en visant une rationalisation et une intégration de l’intercommunalité. Nous avons fait le choix d’un fonctionnement fondé sur le couple région-intercommunalité, mais aussi sur le dialogue entre l’État et le bloc communal.

Du fait de l’absence d’une majorité au Parlement pour adopter la révision constitutionnelle que nécessiterait une suppression des départements, la question se trouve repoussée à l’horizon 2020. Pour le moment, seule une évolution peut être envisagée, associée à une réorganisation de la proximité qui dépendra des départements concernés : le Président de la République a lui-même souligné la nécessité d’une instance de proximité dans les départements ruraux. Pourrait-il s’agir d’une conférence des présidents d’intercommunalité ? Cela poserait un problème de constitutionnalité car ces dernières ne tiennent pas leur mandat du suffrage universel direct – ce qui a conduit à faire élire les conseillers communautaires au suffrage universel direct à partir de 2014, pour donner à leur président un statut similaire à celui des autres chefs d’exécutifs locaux.

Pour ce qui est des différentes dispositions du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, je vais évoquer celles qui concernent votre commission, à commencer par le plan régional de prévention et de gestion des déchets créés à l’article 5. À ce jour, trois plans coexistent en la matière : le plan régional ou interrégional de prévention et de gestion des déchets dangereux, le plan départemental ou interdépartemental de prévention et de gestion des déchets non dangereux, et le plan départemental ou interdépartemental de prévention et de gestion des déchets issus du bâtiment – souvent qualifiés d’inertes, ce qui ne correspond pas tout à fait à la réalité car certains ont un impact sur l’environnement. Cela dit, un seul schéma interdépartemental a été rédigé à ce jour, ce qui montre que la coopération entre les départements laisse à désirer.

L’article 5 crée un plan unique, élaboré à l’échelle régionale et constituant le volet « déchets » du nouveau schéma régional d’aménagement et de développement durable du territoire (SRADDT) créé à l’article 6. Nous nous sommes inspirés, pour proposer cette rationalisation, de travaux parlementaires de qualité – je pense notamment à un rapport des sénateurs Jean Germain et Pierre Jarlier. La question des déchets est d’une énorme importance, et je profite de l’occasion pour souligner que l’augmentation du nombre d’emplois dans les intercommunalités – dont il leur est parfois fait grief, y compris par la Cour des comptes – est souvent liée à la gestion des déchets, qui est bien plus satisfaisante qu’auparavant.

On a reproché à la loi Voynet de 1999 son manque d’efficacité réelle. Plutôt que de laisser une organisation par choix, nous avons donc conçu le SRADDT de l’article 6 comme opposable aux collectivités, en le dotant d’effets prescriptifs à l’égard des documents d’urbanisme des communes ou de leurs groupements. Comme, en vertu du principe constitutionnel d’autonomie des collectivités locales, il n’y a pas de tutelle d’une collectivité sur une autre, un aménagement d’ordre institutionnel est nécessaire : pour être opposable, il faut qu’un schéma soit approuvé par le préfet afin de garantir la légalité de ses prescriptions.

Il nous semble important que les orientations stratégiques du territoire prennent en compte la question essentielle de la mobilité ainsi que celle de la lutte contre le réchauffement climatique. Le SRADDT doit se substituer à tous les autres schémas existants – schéma de l’intermodalité, schéma climat-air-énergie, schéma de la gestion des déchets et parfois même schémas « auto-créés », tels ceux des trames vertes et bleue. En l’absence d’opposabilité, la gestion de ces schémas prend un « temps agent » infini pour une efficacité finalement très limitée. Nous avons voulu que l’élaboration du SRADDT procède d’une vraie concertation. La définition de règles en la matière est délicate ; elle nous conduira à évoquer le transfert, des départements aux régions, de la compétence en matière d’espaces naturels sensibles actuellement financée par une taxe d’aménagement. Si certains ont regretté que la loi sur la biodiversité n’apporte pas de réponse sur ce point, je considère qu’elle avait vocation à définir des principes dont le texte portant nouvelle organisation territoriale de la République constitue une « mise en musique ». Les deux projets sont, de ce point de vue, complémentaires.

Les régions auront la possibilité d’adapter la loi aux réalités locales, ce qui répond à une revendication ancienne. C’est un sujet que j’aborderai vendredi prochain avec la collectivité territoriale de Corse, dont les 42 demandes en ce sens ont donné lieu à autant de décisions de rejet, justement du fait qu’il n’était pas prévu jusqu’à présent que les règlements d’application permettent une adaptation de la loi. À partir du moment où un tel principe sera reconnu, chaque loi devra définir ce qui est adaptable et ce qui ne l’est pas. Le récent rapport d’information intitulé : « Plaidoyer pour une décentralisation de la loi Littoral : un retour aux origines », qu’ont déposé au nom de la commission du développement durable du Sénat Mme Odette Herviaux et M. Jean Bizet, décrit une anomalie du dispositif actuel : dès lors qu’une commune est considérée comme littorale, la loi du 3 janvier 1986 s’applique sur l’ensemble de son territoire d’où, pour l’ensemble des communes de France situées en bord de mer – à l’exception de celles de Méditerranée où la densité est telle que la question ne se pose plus –, des entraves aux projets d’aménagement et des situations aberrantes. Par exemple, la commune de Saint-Martin-des-Champs, près de Morlaix, est située à l’extrémité d’une ria, c’est-à-dire d’une vallée fluviale envahie par la mer, ce qui fait que la loi Littoral s’applique à tout son territoire, y compris là où la faible qualité des terres agricoles permettrait la construction d’établissements industriels.

Autre effet pervers de la loi Littoral, également observé avec la loi Montagne : comme elle interdit de construire dans la bande dite des cent mètres, on construit en retrait en empiétant sur les meilleures terres agricoles, alors que l’agglomération pourrait se densifier du côté de la mer, là où l’assainissement et la gestion des déchets sont déjà organisés. Il convient donc d’autoriser la construction là où elle est possible, en y posant des conditions – ainsi elle ne doit se faire que dans un secteur viabilisé ; à l’inverse, aménager un hinterland portuaire pour y implanter de grands établissements de stockage n’aurait pas de sens, car les surfaces portuaires doivent être réservées à un usage industriel.

Il y a là un vrai problème auquel il conviendra de trouver des solutions. Je suis, pour ma part, favorable à la densification des bourgs et des villes afin de préserver les espaces agricoles, car fermement convaincue que l’indépendance alimentaire constituera un enjeu essentiel dans les années 2030 à 2050. Nous sommes déjà passés de 0,5 hectare de surface agricole utilisée par habitant de la planète en 1950 à 0,8 hectare actuellement, et l’évolution n’en est qu’à son début car, fort heureusement, les peuples des pays émergents consommeront bientôt les protéines végétales qu’ils auront produites. Mais le modèle agricole français repose en grande partie, comme celui de nombre de ses voisins européens, sur la transformation en protéines animales de protéines végétales importées : il en résultera des tensions sur le marché des céréales. Si nous voulons continuer à exporter 60 % de nos produits agricoles, nous devons repenser notre modèle en protégeant fortement les terres arables – et cela le plus tôt possible, car nous avons encore perdu l’équivalent d’un département au cours des dernières années.

La densification des villes répond, à mon sens, à ce problème de l’indépendance alimentaire. Elle constitue également un facteur de protection des espaces naturels sensibles, des espaces naturels remarquables (NDs), des périmètres de captage, des sites Natura 2000 et des parcs.

La demande de la région Bretagne d’expérimenter une délégation de l’animation de la gouvernance de l’eau fait l’objet d’un examen par les services du ministère de l’écologie. Nous ne sommes pas persuadés que cette expérimentation soit faisable ; cela donnera certainement lieu à débat.

Nous aurons également à définir les modalités d’application du SRADDT sur l’ensemble du territoire – quel type de documents, quels fascicules spécifiques ? – et comment on peut rendre compatibles le schéma régional, les schémas de cohérence territoriale (SCoT) et les plans locaux d’urbanisme (PLU) même si tout cela a vocation à être précisé par voie réglementaire, la loi doit poser quelques principes.

Les articles 8 et 9 sont relatifs aux transports et à la voirie. La voirie départementale ainsi que les transports publics départementaux et scolaires seront confiés à la région, de manière à parvenir à une unité de gestion pour l’ensemble de la chaîne de transport. La multiplicité des autorités organisatrices de transport (AOT) engendre, en effet, des aberrations : les villes de Brest et de Quimper sont reliées à la fois par des lignes ferroviaire et d’autocars pour lesquelles la région et le département, qui en sont respectivement responsables, ont mis au point des tarifs étudiants. Il en est de même entre Chalon-sur-Saône et Dijon. Il faut donc une réorganisation qui ne sera pas sans rappeler, toutes proportions gardées, la loi d’orientation des transports intérieurs (LOTI) de 1982. Certains marchés seront concédés mais nous espérons que la qualité des services pourra être maintenue et les coûts maîtrisés. Nous disposons pour cela d’un outil : la conférence territoriale de l’action publique (CTAP) instituée au niveau régional par la loi de janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles. Elle sera le lieu où discuter d’une éventuelle délégation ou subdélégation de compétences, mais aussi des transferts de contrats de concession ou des nouveaux marchés à passer.

Sur ce sujet des transports, nous pouvons nous appuyer sur le rapport annuel de la Cour des comptes qui a souligné le déficit de réflexion stratégique dans la politique routière de la majorité des départements – ce qui n’est guère étonnant, chacun ayant tendance à raisonner en fonction de son territoire et de ses responsabilités : c’est ainsi que la nouvelle route partant de Morlaix et devant rejoindre Lannion s’est arrêtée à Lanmeur ! Je citerai également le rapport présenté en 2008 par les députés Didier Quentin et Jean-Jacques Urvoas au nom de la commission des lois ainsi que celui, moins connu, rédigé en 2009 par les sénateurs Yves Krattinger et Jacqueline Gourault.

Aux termes de l’article 10, les aérodromes pourront être transférés à des collectivités territoriales – régions et métropoles – intéressées à leur développement, lorsqu’ils constituent des outils de gestion locale en raison, par exemple, de la présence d’un atelier de maintenance, comme c’est le cas à Dinard ou à Tarbes – ce dernier aérodrome servant d’ailleurs aussi au transport de passagers. Le même principe s’appliquera aux ports, au moyen d’appels à candidatures, ce qui suscite d’ores et déjà quelques inquiétudes de la part de syndicats mixtes de gestion des ports de pêche. À cet égard, le débat parlementaire sera certainement utile pour approfondir la réflexion.

À la demande du Gouvernement, la sénatrice Odette Herviaux vient de rendre un rapport proposant de rationaliser l’exercice de la compétence portuaire, aujourd’hui dispersée entre la région, le département et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Elle serait transférée en fonction des cas, aux EPCI ou à la région. Cette question d’importance couvre également celle de la gestion des magasins à marée et du transport du poisson, qui peut nécessiter de gros équipements en hinterland.

L’objectif de l’article 16 est de rationaliser l’organisation des syndicats intercommunaux ou mixtes, dont bon nombre exercent des prérogatives en rapport avec l’environnement. Au début 2014, on en comptait 13 408, dont 7 200 investis de compétences en matière d’eau potable, d’assainissement, de gestion des déchets, d’énergie et de transport. Certains constituent un frein à l’intercommunalité, dans le sens où leur périmètre est égal ou inférieur à celle-ci, tandis que d’autres sont départementaux. La loi ne fera que lancer l’idée de la rationalisation sans procéder à sa mise en œuvre, qui nécessitera d’examiner les situations au cas par cas pour déterminer les modalités du transfert et de la gestion déléguée – concession, affermage, société publique locale (SPL) ou autre formule.

Les articles 25 et 26 visent à améliorer l’accessibilité des services. Le premier institue à cet effet un schéma de l’amélioration de l’accessibilité des services au public, élaboré à l’échelle du département par le préfet et par les présidents d’intercommunalité, dans la mesure où cette action publique leur incombe déjà conjointement. Pour ce qui est de l’accessibilité aux services publics envisagée d’une manière plus générale, elle a vocation à être assurée par les maisons de services au public, auxquelles l’article 26 est consacré. Il existe également des schémas de services au public prévoyant la possibilité pour l’État, pour les collectivités territoriales, pour les entreprises publiques – la SNCF par exemple – ou pour d’autres partenaires de se concerter pour mettre des points d’accès à disposition du public. Les syndicats se posent beaucoup de questions à ce sujet, ayant mal vécu certains épisodes comme la mise en place relais postaux dans les petits commerces.

Tels sont, Monsieur le président, les points que je voulais évoquer devant vous et qui me paraissent relever plus particulièrement de la compétence de cette commission.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je vous remercie, madame la ministre. Je souhaiterais des précisions sur deux points. Premièrement, dans le texte relatif aux métropoles, ce sont les régions qui ont compétence en matière de biodiversité. Demain, il faudra bien leur donner les moyens d’agir dans ce domaine, où certaines agissent d’ailleurs déjà beaucoup. Le transfert de la taxe d’aménagement des départements aux régions me paraît une orientation souhaitable. À l’heure actuelle, une seule région – l’Île-de-France – a la possibilité de prélever une taxe d’aménagement. Compte tenu de la volonté de supprimer à terme les départements, ne pourrait-on généraliser la mesure par anticipation ?

Deuxièmement, la loi ne pourrait-elle transférer aux intercommunalités les compétences – eau, assainissement et déchets – exercées par les syndicats intercommunaux ? Il me semble qu’à défaut, nous nous heurterions à des difficultés : les périmètres se chevauchent mais ne se recouvrent pas.

M. Florent Boudié. Je vous remercie, madame la ministre, d’avoir accepté cet échange avec notre commission plusieurs semaines avant l’examen de votre projet en séance publique. Je me réjouis d’apprendre que la discussion sur le premier texte, relatif à la délimitation régionale, débute au Sénat après quelques péripéties.

Nous sommes conscients de la nécessité de mener de front la réforme des collectivités territoriales et celle des services déconcentrés de l’État. Dans sa tribune de juin dernier, le Président de la République faisait le lien entre la disparition des conseils départementaux à l’échéance de 2020 et la réforme de l’État, en particulier le renforcement de l’État territorial dans les départements. Où en est la réflexion du Gouvernement sur ce point, en particulier sur le problème des doublons ?

Ma deuxième question a trait au devenir et à la taille des intercommunalités. Le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale propose de rehausser le seuil de population exigé en le portant de 5 000 à 20 000 habitants avec la possibilité, confirmée par le Premier ministre, de dérogations pour les zones de montagne ou à faible densité de population. Il y a, dans les départements comprenant une métropole, nécessité de structurer les territoires qui ne lui appartiennent pas. Comment inciter, voire contraindre dans certains cas, à des regroupements intercommunaux tout en tenant compte des spécificités locales et de l’existence d’un SCoT, d’un pays ou d’un parc naturel ?

Chacun convient de la nécessité de concentrer à l’échelon régional ce qui relève de l’innovation, de la recherche – en lien avec les universités – et du développement économique. Le projet de loi propose une première avancée avec l’instauration d’un schéma régional prescriptif portant sur le développement économique et l’innovation. Nous sommes cependant encore loin de ce qui se fait dans d’autres pays européens, à savoir une compétence exclusive de la région, quitte à autoriser des délégations. Pourquoi ne pas avancer davantage sur ce point ?

La taille des régions doit être suffisamment importante, notamment du point de vue démographique, pour soutenir la comparaison avec nos voisins européens. Cependant, l’essentiel réside dans l’affirmation des compétences et de l’autonomie financière des régions, considérablement réduite au cours des dix dernières années. Ma dernière question, qui fait écho à la tribune du Président de la République, porte donc sur les ressources qui leur seront dévolues : comment ce thème sera-t-il traité dans le calendrier parlementaire ?

M. Patrice Carvalho. Après un enterrement de première classe, l’écotaxe a été remplacée par un péage de transit poids lourds censé entrer en vigueur le 1er janvier 2015. Mais alors qu’elle devait rapporter 1,1 milliard d’euros répartis entre l’Agence de financement des infrastructures de transport de France – l’AFITF – pour 700 millions d’euros et les départements propriétaires du réseau taxable pour 160 millions d’euros, le péage ne rapportera que la moitié, soit 550 millions d’euros. La division par deux de la recette fait craindre un renoncement à d’importants projets d’infrastructures.

Jusqu’à leur disparition annoncée en 2021, les conseils généraux disposent de la compétence sur le réseau routier départemental ainsi que sur une grande partie du réseau national. Le budget de la voirie est, dans la plupart des cas, le deuxième budget des départements après celui de l’action sociale. Avec quels moyens vont-ils assurer l’entretien du réseau, entretien d’autant plus lourd que le report du trafic des poids lourds des autoroutes vers le réseau secondaire taxable va nécessiter des réfections plus fréquentes ?

Enfin, dans la mesure où nous sommes passés de 15 000 à 4 000 kilomètres taxables, il existe un risque majeur de report du réseau taxable vers celui qui ne l’est plus. Il suffit de voir ce qui se passe le dimanche soir sur l’A1, gérée par la SANEF, où les automobilistes, pour ne pas être taxés à partir de Senlis, prennent la sortie de Ressons-sur-Matz avant de revenir sur l’autoroute un peu plus loin. Ainsi les gens du Nord-Pas-de-Calais, qui ont dû s’expatrier en région parisienne à la suite de la fermeture des mines et des usines, se font-ils taxer quand ils reviennent d’un dimanche en famille – au même titre que les automobilistes sortant du parc Astérix ! L’hypothèse d’une contribution des sociétés autoroutières a été évoquée ; cela doit, nous dit-on, se négocier, mais cela signifie évidemment que l’automobiliste paiera deux fois, en tant qu’usager et en tant que contribuable.

Si les départements disparaissent, qui va hériter de la compétence de la voirie : les grandes régions ou les intercommunalités et les métropoles, ou les unes et les autres, et avec quels moyens ? Le dispositif auquel nous aboutissons compromet la réalisation du report modal, c’est-à-dire le transfert du fret de la route vers le rail et la voie d’eau, le tout au prix de sommes colossales que les collectivités territoriales devront investir pour remédier aux dégradations occasionnées par les poids lourds sur le réseau national et départemental.

M. François-Michel Lambert. Pour notre part, madame la ministre, nous considérons que vous n’irez jamais assez loin dans cette réforme de décentralisation pour approcher de l’idée fédéraliste que défendent les écologistes, partisans de régions plus autonomes et plus responsables. (Murmures)

À l’heure où la mondialisation a fait perdre leurs repères à nombre de Français et d’Européens, avec les conséquences électorales qu’on sait – je pense aux votes de défiance qui se sont exprimés dernièrement à l’égard de la construction européenne –, nous devons retisser le lien entre citoyens et territoires, et donner aux régions les moyens de se développer. En procédant de la sorte, nous ne réglerons pas tous les problèmes du jour au lendemain, mais nous devons avoir le courage d’agir pour le long terme.

La régionalisation est un processus à l’œuvre dans nombre de pays développés, notamment en Chine, qui travaille à l’échelle de métropoles comparables à nos régions en termes de démographie et de puissance économique. Les intercommunalités ont à jouer le rôle de relais de proximité pour rassurer les citoyens, ce qui sera particulièrement nécessaire dans certains cas – notamment dans l’hypothèse de la constitution d’une région Midi-Pyrénées-Languedoc-Roussillon, qui n’a pas ma faveur. L’articulation entre services de l’État et services de la région doit être plus compréhensible, spécialement dans le domaine, crucial pour nos concitoyens les plus faibles, des aides sociales. Les prestations actuellement gérées par les départements le seront-elles demain par les intercommunalités ?

Par ailleurs, à la différence de mon collègue Patrice Carvalho, je pense que nous pouvons construire intelligemment une écotaxe en deux volets : d’une part, les péages de transit à l’échelle nationale ; d’autre part, une écotaxe mise en place sur certaines routes par les régions – responsables du choix des axes concernés, elles en percevraient les recettes.

Enfin, que deviendront les départements avec la constitution des métropoles – je pense notamment aux Bouches-du-Rhône, après la création de la métropole d’Aix-Marseille-Provence en janvier 2016 ? Comment envisagez-vous de favoriser l’appropriation des nouvelles collectivités par les Français ? Le débat public, auquel les écologistes sont attachés, est un outil complexe mais efficace pour réformer tout en créant du lien.

M. Olivier Falorni. Le projet de loi prévoit de confier des missions précises à chaque échelon de notre organisation décentralisée. Les régions vont récupérer de nombreuses compétences dont celle du développement durable. Il leur reviendra d’élaborer un schéma régional d’aménagement et de développement durable du territoire, ayant une vraie vertu simplificatrice puisqu’il regroupera une demi-douzaine de plans et schémas dont la coexistence rend aujourd’hui illisibles les politiques publiques en matière d’aménagement du territoire, de mobilité, de lutte contre le réchauffement climatique et de gestion des déchets.

Ma première question porte sur les documents de planification destinés à être intégrés au SRADDT en raison de leur incidence sur l’aménagement du territoire. Au moment où la profession mytilicole connaît une grave crise, je pense particulièrement au schéma de mise en valeur de la mer, élaboré par l’État à une échelle qui n’est pas celle de la région, et qui détermine la vocation générale des différentes zones maritimes et les principes garantissant la compatibilité des usages entre terre et mer. Ce document pourrait-il être inclus dans le SRADDT afin de protéger les cultures marines ?

D’autre part, ce schéma est doté d’effets prescriptifs s’imposant aux communes et à leurs groupements compétents pour l’élaboration de leurs documents d’urbanisme. Cela devrait asseoir sa portée et conforter les politiques publiques concernées. Comment sera-t-il élaboré et à l’issue de quelle concertation, si l’on veut éviter la tutelle d’une collectivité sur une autre ? Enfin, pour que ces nouvelles compétences puissent être exercées réellement, il convient que les régions constituent des territoires cohérents, tenant compte des particularités géographiques et historiques, mais aussi des mobilités de population entre bassins de vie et bassins économiques. C’est loin d’être le cas de la région Centre-Limousin-Poitou-Charentes telle qu’on nous la concocte.

M. Jacques Krabal. Nous devons prendre garde à ne pas nous focaliser sur les cartes alors que s’engage le débat sur l’organisation territoriale de la République. Pour ma part, madame la ministre, je me félicite de la volonté du Gouvernement de procéder à une réforme nécessaire dont tout le monde parle depuis vingt ans : enfin, on va simplifier et clarifier dans les domaines de l’énergie, du tourisme, du numérique, des déchets, de l’aménagement du territoire, des transports et du développement économique ! C’est ce qu’attendent les chefs d’entreprise et les habitants des territoires.

Ce qui me préoccupe, c’est de savoir comment décliner au niveau des territoires la portée prescriptive du schéma régional. Certes, les intercommunalités seront renforcées, mais il ne faut pas oublier la conférence des territoires, que vous envisagez en matière de développement économique. Prenons garde à ce que la proximité ne reste pas qu’un mot ! Si la réflexion stratégique au niveau régional est essentielle, il faut également veiller à l’efficacité de l’action locale. Sur ce dernier point, quelle est la place des pôles d’équilibre des territoires ruraux ?

Enfin, aux termes de l’article 37, les compensations financières des transferts de compétences seront évaluées « à coût historique » d’exercice par l’État. Est-ce une manière de dire que les compensations ne seront pas corrigées par les données de la conjoncture ?

Mme Sophie Rohfritsch. Les pôles de compétitivité et les programmes d’investissement d’avenir ont suscité de très lourds investissements qui commencent à aboutir à une organisation pertinente de territoires économiques autour des universités et des établissements de recherche – ce qui permet aux entreprises de bénéficier localement d’une véritable culture de l’innovation. Je ne vois pas en quoi le texte que vous présentez permettra de sacraliser ce dispositif. En ne protégeant pas ces nouveaux territoires, on risque de perdre ce qui promettait une action plus pertinente, une meilleure compétitivité et un développement économique créateur d’emplois – car aujourd’hui, tout cela vient de l’innovation, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Comment sacraliser ces nouveaux écosystèmes en précisant, dans la loi, les rôles respectifs des métropoles et des grandes régions ? Les réformes ne doivent pas seulement servir à faire des économies, mais aussi à produire des effets de levier pour un véritable essor économique.

D’autre part, la poursuite d’expérimentations transfrontalières prometteuses – je pense aux eurodistricts et aux euro-régions – figurera-t-elle dans le texte, et si oui, sous quelle forme ? Si l’eurodistrict est une très belle idée, je regrette que, pour le moment, ses faibles compétences l’empêchent démontrer son efficacité.

M. Yannick Favennec. La semaine dernière s’est tenue, à Nantes, une session du conseil régional des Pays de la Loire – cette région qui jette des regards éperdus vers la Bretagne, madame la ministre – consacrée à la gestion de la biodiversité. A notamment été adoptée une charte du développement durable pour la période 2014-2016, dont une politique régionale en faveur de la biodiversité constitue le cinquième objectif. Sa cohérence avec l’ensemble des politiques publiques régionales est indispensable, notamment dans une logique d’éco-conditionnalité. Plus largement, la politique de biodiversité pour laquelle cette région est chef de file doit être coordonnée avec le schéma régional climat-air-énergie, mais aussi avec le schéma régional de cohérence écologique, les contrats Nature, le Fonds régional d’études stratégiques, les contrats régionaux de bassins-versants, le Fonds européen agricole pour le développement rural, le Fonds social européen et le contrat de plan État-région.

La cohérence entre tous ces intervenants doit être améliorée, tout en gardant suffisamment de souplesse pour intégrer les évolutions législatives. Comment votre réforme pourra-t-elle garantir une telle cohérence ? Quel type de gouvernance voulez-vous mettre en place ? Enfin, si la compétence sur les espaces naturels est transférée des départements à la région, comment évolueront la perception et la gestion de la taxe départementale des espaces naturels sensibles ?

M. Philippe Plisson. Cette ambitieuse réforme des collectivités territoriales se heurte à de fortes oppositions en ce moment même au Sénat. Le dispositif présenté prévoit un binôme région-intercommunalités qui se partagera les compétences du conseil général appelé à disparaître. L’obligation de procéder à une réforme constitutionnelle contraint le Gouvernement à différer la suppression des conseils départementaux, qui seront délestés d’une partie de leurs compétences lors de leur prochain renouvellement en décembre 2015. Pouvez-vous détailler les étapes de ce processus et préciser quelles compétences resteront au conseil départemental, à qui les autres seront transférées et à quelle date ?

Je partage l’avis de Florent Boudié quant à la taille des nouvelles intercommunalités qui, à mon sens, n’a pas vocation à être uniforme, mais adaptée à la densité des territoires concernés, et tenant compte des territoires déjà identifiés – arrondissements, SCoT ou pays. Les commissions départementales de la coopération intercommunale (CDCI) auront-elles un rôle à jouer dans la répartition et la configuration des intercommunalités ? Si oui, lequel ?

Ces intercommunalités appelées à exercer des compétences fortes, il semble nécessaire que leur exécutif soit élu au suffrage universel direct afin de disposer d’une légitimité incontestable. Sur ce point, je rejoins le souhait du président Chanteguet : si l’on veut la rationalité, la professionnalisation, l’efficacité et les économies, il faut impérativement que tous les syndicats – eau, assainissement, électrification et autres – soient inclus dans les intercommunalités.

M. Jean-Pierre Vigier. Madame la ministre, je me réjouis que vous défendiez la ruralité dans le cadre de cette réforme. Nous devons tenir compte de la spécificité des territoires. On sait qu’à l’heure actuelle, certaines métropoles prennent déjà le pas sur le département, à tel point que les habitants concernés ignorent le nom de leur conseiller général. En revanche, en milieu rural, le département joue un rôle de proximité et de lien social avec la population : il me paraît donc devoir être maintenu.

Pour ce qui est des futures intercommunalités, le seuil de 20 000 habitants va sans doute être assoupli, mais le plus important est que leur périmètre soit défini en fonction des bassins de vie. Si elles sont trop grandes, leur lien avec la population se distendra, et certains territoires vont se vider. Il y a 179 communes dans ma circonscription ; si l’on conserve le seuil de 20 000 habitants, il y aura à peine quatre communautés de communes, étalées sur de très vastes territoires. J’aimerais savoir comment vous comptez procéder pour éviter que certains territoires ruraux se transforment en déserts.

Mme Geneviève Gaillard. Le concept de solidarité territoriale, évoqué depuis un certain temps en France, a été étendu en 2006 au domaine de l’environnement avec la loi sur les parcs naturels nationaux et, dernièrement, nous l’avons également intégré à la loi relative à la biodiversité. On sait aujourd’hui que certains écosystèmes – les zones humides, par exemple – engendrent des fonctionnalités écologiques qui bénéficient à des territoires bien plus larges que ceux que dessinent les découpages administratifs, sans toutefois susciter toujours une activité touristique. Leur conservation et leur entretien entraînent pour les collectivités un coût que ne compense aucune recette – j’ai évoqué ce problème dans un rapport rédigé avec Philippe Duron il y a une douzaine d’années. Peut-on concevoir qu’en vertu d’une solidarité territoriale environnementale, les dotations de l’État soient pondérées afin de mieux répartir le coût de la gestion des espaces naturels ?

M. Guillaume Chevrollier. Madame la ministre, votre projet de réforme territoriale constitue la parfaite illustration d’une certaine incohérence de la politique conduite depuis deux ans. (Murmures sur divers bancs)

Pourquoi avoir supprimé le conseiller territorial créé par Nicolas Sarkozy alors qu’il préfigurait ce que vous semblez proposer à terme, à savoir la fusion des départements dans les régions ? Au demeurant, ce projet arrive à la hâte, sans avoir été précédé d’une étude d’impact et, notamment, sans qu’en aient été mesurées les conséquences financières alors qu’on connaît la nécessité absolue de diminuer la dépense publique.

Si l’intégration du développement durable aux compétences de la région de demain paraît justifiée en ce qui concerne les transports et la mobilité durable, sujets cruciaux pour assurer la transition énergétique, encore faut-il savoir de quelles régions nous parlons. Ainsi, alors que la région des Pays de la Loire a été guignée par ses voisines de Poitou-Charentes, du Centre et peut-être même de Bretagne, on a choisi pour elle le statu quo sans que l’on sache quels critères, démographiques ou autres, ont justifié cette décision. Notre pays doit présenter une organisation équilibrée où métropoles et territoires ruraux aient chacun leur place.

La réforme territoriale est essentielle mais elle doit être claire et réfléchie, ce qui ne semble pas être le cas de celle que vous proposez, qui ne définit pas de répartition des compétences pour chaque échelon. Pourriez-vous exposer votre vision de la mobilité durable dans les futures régions ? Par ailleurs, quel sera le degré de souplesse en ce qui concerne le seuil de 20 000 habitants pour la constitution d’une intercommunalité, étant précisé qu’à l’heure actuelle, des communautés de communes à 15 000 ou 30 000 habitants fonctionnent bien dans certains territoires ruraux ?

M. Jean-Jacques Cottel. La région semble devoir acquérir la compétence de gestion des déchets. Aujourd’hui, cherchant le niveau pertinent pour l’organisation du tri et du traitement des déchets, certains EPCI délèguent leur compétence à un syndicat tout en percevant le financement de la prestation auprès des usagers afin de maintenir leur coefficient d’intégration fiscale. Il en résulte pour les usagers un manque de lisibilité du service et des prix, ceux-ci pouvant varier d’un EPCI à l’autre alors même que le syndicat intervenant est le même. Comment harmoniser les situations ? Doit-on encore autoriser les collectivités à financer une partie du service des déchets sur le budget général ? Enfin, à qui doit revenir la compétence en matière de déchets, liée à l’économie circulaire ?

La mobilité semble également faire partie des futures compétences de la région. J’aimerais savoir comment vont être organisés les déplacements interurbains actuellement gérés par les départements, et ce que vont devenir les différentes autorités organisatrices de transports.

M. Michel Heinrich. La loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové – dite ALUR – a confirmé l’intégration des documents de rang supérieur dans le SCoT. Dès lors, n’est-il pas contradictoire de conférer au SRADDT, par l’article 6 du projet de loi, des effets prescriptifs à l’égard des PLU ?

Me trompé-je si je déduis des termes du projet que les schémas départementaux, interdépartementaux, régionaux et interrégionaux de gestion et de prévention des déchets disparaîtraient pour être intégrés dans le SRADDT, unique document s’appliquant dans ce domaine à l’échelle des futures grandes régions ?

M. Alexis Bachelay. Le président de la région Île-de-France, M. Jean-Paul Huchon, soutient la fusion des départements franciliens dans la région ; cette proposition ne sera peut-être pas retenue, mais tenir compte de la spécificité des territoires est une exigence qui vaut aussi pour les espaces fortement urbanisés. Avec la création de la métropole du Grand Paris au 1er janvier 2016, ne pourrait-on anticiper le transfert des compétences départementales à la métropole – ou à la région – dès janvier 2016 ?

Dans les zones rurales, les citoyens sont attachés à leurs conseillers généraux – devenus départementaux – qu’ils élisent, alors que les conseillers communautaires ne procèdent pas directement du suffrage universel. La légitimité d’un président d’EPCI se révèle plus faible aussi que celle d’un maire ; son lien est distendu avec une population qui ne connaît pas toujours le contenu et les acteurs des politiques intercommunales. La démocratisation des intercommunalités constitue un élément important de la réforme territoriale.

M. Jean-Louis Bricout. Les citoyens veulent connaître la répartition des compétences entre les collectivités territoriales. Supprimerez-vous la clause de compétence générale ? Si tel n’était pas le cas, seront-ce les régions ou les départements qui seront responsables de la culture, du tourisme et du sport ?

Comptez-vous faire évoluer les modes de scrutin régionaux et intercommunaux ? La précédente réforme du scrutin intercommunal n’a pas été couronnée de succès et, lors des dernières élections municipales, nos concitoyens ont bien davantage plébiscité leurs conseillers municipaux que choisi des délégués intercommunaux. La démocratie a connu une petite avancée, mais insuffisante pour donner aux élus intercommunaux une légitimité satisfaisante.

Madame la ministre, vous avez opté pour un critère démographique pour délimiter les intercommunalités. Ne vaudrait-il pas mieux privilégier un critère géographique comme pour le SCoT, puisque les intercommunalités ont des compétences d’aménagement du territoire ?

M. Laurent Furst. Les périmètres des SCoT se révèlent peu pertinents, car ils ont été fixés à un moment où l’on ne pensait pas que ces schémas prendraient une telle importance.

Certaines réformes doivent reposer sur un consensus national, ce qui requiert une très longue période de concertation. (Rires) Si ce temps n’est pas pris, la loi risque d’être démantelée par une nouvelle majorité. Je voterai contre l’adoption de votre réforme, madame la ministre, et je militerai ardemment pour la défaire. (Murmures sur divers bancs) Elle conduirait en effet à un échec pour notre Nation – et je pense que vous n’êtes pas loin de partager mon avis !

Plusieurs députés. Mais pas du tout ! (Rires)

Mme la ministre. Il convient en effet, monsieur le rapporteur pour avis Boudié, d’assurer une cohérence entre la réforme de l’administration territoriale de l’État et celle des collectivités territoriales. Le Premier ministre conduit la première au travers du secrétaire d’État chargé de la réforme de l’État et de la simplification, qui lui est rattaché ; M. Bernard Cazeneuve, en tant que ministre de l’intérieur, est chargé de l’ordre public institutionnel.

Jean-Marc Ayrault et Manuel Valls ont partagé l’opinion du Président de la République selon laquelle la révision générale des politiques publiques (RGPP), puis la réforme de l’administration territoriale de l’État (RéATE) – qui reposaient sur une bonne idée – ont échoué du fait de la règle de non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux. Je n’en prendrai qu’un exemple : les fonctionnaires débutant pour beaucoup leur carrière dans la région parisienne ou dans le Nord ne peuvent être nommés que tardivement dans les régions du Grand Ouest, si bien que cette règle a désorganisé le contrôle agroalimentaire, les retraités ne pouvant être efficacement remplacés. Après avoir transformé la direction générale de la modernisation de l’État (DGME) – dont plus personne n’acceptait le fonctionnement – en secrétariat général pour la modernisation de l’action publique (SGMAP), nous menons de front la réforme de l’État, celle de l’administration territoriale et celle des collectivités locales. Certaines dispositions concernant la fonction publique nécessiteront sans doute l’adoption de dispositions législatives mais, pour l’essentiel – carrières, organisation du dialogue social, rôle du préfet, contribution des ARS au SRADDT… –, le Gouvernement utilisera son pouvoir réglementaire. Il importera en particulier de conforter les missions des corps de contrôle, pour que l’État soit réellement garant de la bonne qualité de l’eau, de l’air, des aliments ou des abattoirs. Ces contrôles sont importants, notamment à l’exportation : un pays asiatique a récemment refusé d’importer des produits au motif qu’ils n’avaient pas été contrôlés par des agents publics.

Nous ne pouvons pas créer de grandes régions, échelle de la contractualisation sur longue période, sans nous assurer du fonctionnement des services publics de proximité. Ceux-ci seront maintenus au niveau des départements, seuls les conseils départementaux étant supprimés.

La théorie de la masse critique, datée, manque de pertinence. S’il est préférable de s’interroger sur les ressources nécessaires au fonctionnement des équipements et sur les mobilités des citoyens dans un territoire. La notion de bassin de vie se révèle plus adaptée pour déterminer les périmètres des intercommunalités que celle de bassin d’emploi, impliquant uniquement une réflexion sur le trajet entre domicile et travail. Dans les zones denses comme rurales, nos concitoyens traversent parfois deux à trois intercommunalités par jour, pour conduire leurs enfants à l’école, pour faire leurs courses, pour se rendre à leur travail, puis pour rentrer chez eux. Il convient d’autant plus de penser l’intercommunalité à l’échelle du bassin de vie que de grands mouvements de spécialisation se sont opérés en France, par exemple à travers l’implantation des centres commerciaux. Comment éviter que tous ces trajets influent négativement sur le climat et sur le pouvoir d’achat des familles ?

Le seuil de 20 000 habitants pour créer une intercommunalité ne constitue pas un impératif, et le commissariat général à l’égalité des territoires (CGET) devra réfléchir à la définition de bassins de vie « aménagement du territoire », dont le périmètre différera de celui des bassins de vie et d’emploi de l’INSEE. Il prendra en compte les transports en commun assurant les mobilités exceptionnelles, mensuelles ou hebdomadaires. Au 1er janvier 2015, les préfets recevront mandat de réviser la carte des intercommunalités si vous adoptez la loi – et de même d’ailleurs dans le cas contraire, en application de la clause de revoyure de la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales. Le Président de la République et le Premier ministre ont approuvé mon idée de pondération du nombre d’habitants par la notion de bassin de vie et par la prise en compte de la densité, car les 20 000 habitants doivent résider dans une zone qui ne soit pas trop vaste. Les préfets apprécieront ces critères après consultation des commissions départementales de l’intercommunalité. J’espère que ce processus se déroulera hors des arrangements du passé et qui ont parfois abouti à dessiner des périmètres aberrants.

Les nouvelles compétences et la mutualisation des services inciteront à l’élaboration des nouveaux périmètres. L’inégalité de richesse entre les territoires, dont souffrent les Français, provient du fait que certains d’entre eux sont trop petits pour que puissent y être implantés des équipements et des services efficaces. Par exemple, les intercommunalités de taille trop réduite n’ont pas pu développer des services de qualité dans le domaine de la petite enfance.

L’innovation et la recherche se trouvent au cœur de l’action publique en matière de développement économique. Je reviens de République démocratique du Congo où j’ai inauguré une école de formation de la fonction publique. Ce pays est riche d’une population jeune et créative ainsi que des ressources de son sol et de son sous-sol. Des investisseurs privés y sont présents. Pourtant, il ne se développe pas car il y manque une action publique stratégique et à des infrastructures indispensables. En France, cette action publique a permis au pays de croître et de résister à la crise. Mais il convient de la rationaliser : ainsi l’immobilier artisanal ne doit pas être du ressort de l’échelon régional et la CTAP permettra d’opérer des délégations. Nous devons déployer des stratégies de développement économique, ne serait-ce qu’en raison de la rareté de l’argent public. Quel développement souhaitons-nous ? Dans quels domaines devons-nous soutenir la recherche ? Quelles collaborations privilégier entre les universités ?

Ces interrogations rejoignent celle de l’avenir des pôles de compétitivité. Ceux-ci seront très majoritairement transférés aux régions : une vingtaine seulement, sur quelque soixante-dix, devraient rester de compétence nationale – on m’a demandé de ne les classer ni en pôles mondiaux ni en pôles régionaux. Cette évolution ne brisera pas les coopérations interrégionales, qui restent tout à fait nécessaires. Le commissariat général à la stratégie et à la prospective doit devenir un centre de ressources pour l’ensemble des régions de France et alerter s’il constate qu’un domaine est laissé en déshérence.

Seules les régions pourront consentir des aides directes. Le rapport de la mission sur la modernisation de l’action publique, présidée par Jean-Jack Queyranne, a recensé plus de 6 000 aides à l’activité économique en France. Le niveau du chômage atteste de l’inefficacité de cette politique. En outre, nous avons commis une erreur à la fin du XXsiècle en privilégiant une économie de services et en renvoyant la production industrielle hors de nos frontières. Il convient de réactiver la chaîne allant de la stratégie et de la R&D à la production industrielle, d’où l’intérêt du débat sur la compétitivité. La région devra définir ses priorités pour les aides directes, pour le soutien d’urgence à apporter aux entreprises – sachant qu’elle pourra entrer temporairement à leur capital –, pour les destinations à privilégier à l’exportation…

Nous avons approfondi les compétences des régions, que le Sénat qualifiera sans doute d’« obligatoires » et non d’« exclusives », car l’exclusivité serait incompatible avec la compétence générale reconnue aux métropoles et aux communes ; en outre, le terme « obligatoire » marque bien la contrainte pesant sur une collectivité qui doit exercer ses compétences. Nous visons également à doter les régions d’une plus grande autonomie financière, d’où l’importance du choix des périmètres.

S’agissant de l’écotaxe, je regrette qu’une loi votée ne s’applique pas du fait de l’action de groupes de pression, parfois relayés par des parlementaires. La réécriture de la loi conduira à transférer en partie aux régions la part destinée aux départements. Certes, la ressource sera moindre que prévu, mais le problème est avant tout de détourner les poids lourds d’itinéraires comme Nantes-Caen qu’ils emprunteraient pour réduire leurs coûts, en évitant les péages et en délaissant les autoroutes maritimes.

Je ne suis pas fédéraliste, Monsieur François-Michel Lambert, mais j’admire votre enthousiasme. Comme il faut être de quelque part pour être citoyen du monde, nous avons conservé les communes, la montée en puissance de l’intercommunalité atténuant le coût de ce choix. Cela permettra à nos compatriotes de garder leurs repères – on restera de Martigues, d’Aix ou d’Aubagne : on ne sera pas de la métropole Aix-Marseille-Provence. De même, les conseils départementaux disparaîtront, mais non les départements auxquels les Français sont attachés comme l’a montré la polémique des nouvelles plaques minéralogiques. Le repère est affaire d’appartenance et d’identité, non d’institution. Ne confondons pas région et État-nation. Un conseil régional n’est qu’une institution qui ne crée aucun peuple – les Basques ont une très forte identité bien qu’il n’existe pas de région ni même de département basque. Une institution de la République ne doit pas prendre en compte l’appartenance linguistique : elle n’existe que pour gérer des compétences économiques, et je ne sais pas marier identité et économie.

Si l’on conjugue régionalisation et affirmation des intercommunalités, il conviendra d’élire les délégués intercommunaux au suffrage universel direct. La métropole pourra déléguer des actions aux conseils de territoire – qui n’ont aucune compétence fiscale afin de ne pas recréer les EPCI – pour conserver une gestion de proximité. Il y a bien davantage lieu de se pencher sur les bassins de vie et d’échanges, et sur les coopérations entre les universités.

Il convient d’intégrer les réponses à tous les conflits d’usage dans un schéma – comme celui de mise en valeur de la mer qui doit en effet se trouver intégré dans le SRADDT.

L’institution de la CTAP vise à garantir l’existence d’un lieu permanent de concertation avec les exécutifs locaux, élus par la population, ce qui n’empêchera pas la région d’organiser des concertations plus fines, par exemple avec les associations. C’est également l’outil de déclinaison dans les bassins de vie des décisions prises à l’échelle régionale.

Les mondes rural et urbain se livrent depuis longtemps une guerre qui n’a pas lieu d’être. L’activité économique des villes nécessite une production agricole suffisante et de bonne qualité. L’indépendance alimentaire confère à la ruralité un poids important dans le développement et le redressement de notre pays. Il faut organiser le milieu rural, soit autour des petites villes et des bourgs centres, soit grâce aux outils de solidarité tels que la conférence des présidents d’intercommunalité. On ne peut pas invoquer la nécessité de densifier pour protéger les terrains agricoles et les espaces naturels sans se préoccuper des ressources fiscales des communes et des intercommunalités. À ce titre, il convient d’inventer l’assiette qui permettra de ne pas construire là où l’intérêt général commande de ne pas le faire – nous sommes preneurs d’une solution technique à cet égard, car nous continuons de la chercher. Ce sujet sera pris en compte dans la réforme de la dotation globale de fonctionnement (DGF). En effet, nous devons dégager une ressource qui permette de fournir des services à ces populations rurales dont nous avons tant besoin.

La suppression de la clause de compétence générale pour les régions et les départements ne s’étendra pas au sport et à la culture, de sorte que les collectivités de tout niveau pourront y intervenir si elles le souhaitent.

En revanche, les métropoles bénéficieront de cette clause. J’espère que la CTAP – où se retrouveront les régions, les conseils départementaux tant qu’ils existeront, les métropoles et les intercommunalités – sera le lieu de répartition des actions. Si la région décide d’aider un laboratoire de recherche de haute technologie, il faut qu’une métropole accueille – voire aide – le centre de développement du laboratoire. Je fais toute confiance aux élus pour conduire ce type de coopération. La loi reconnaît déjà le droit à l’expérimentation, il s’agit maintenant d’utiliser cet instrument.

Le projet de loi relatif à la biodiversité et les dispositions sur le sujet du texte qui nous occupe forment un ensemble cohérent. La taxe d’aménagement souffre d’être versée au budget général au lieu d’être affectée à la protection de l’environnement. Il est difficile de maintenir la taxe départementale des espaces naturels sensibles en l’absence de compétence. À l’occasion de la réforme de la DGF, il conviendra de réfléchir au déploiement de taxes affectées afin de ne pas perdre de vue le fait générateur de l’imposition. Sur ce point, nous devons trouver une solution d’ici à 2015. Le ministère de l’écologie a souhaité conserver une compétence partagée sur le sujet, d’où le schéma régional de cohérence écologique et de biodiversité que propose le texte. En cette matière comme en d’autres, le Président de la République et le Premier ministre ont réaffirmé l’ouverture du Gouvernement aux amendements que vous déposerez.

La loi de 2010 prévoyait la création du conseiller territorial – sans d’ailleurs prendre en compte les désagréments engendrés par la double fonction d’élu départemental et régional, comme les déplacements entre chef-lieu de département et chef-lieu de région –, mais elle ne modifiait en rien l’architecture institutionnelle. L’UMP n’a jamais reconnu avant l’élection présidentielle de 2012 que cette loi visait à supprimer les départements. Nous pouvons nous rejoindre sur la nécessité de prendre le temps de bâtir une réforme transpartisane, mais Jean-Pierre Raffarin a reconnu le 6 janvier dernier, au Sénat, que son projet régionaliste était devenu départementaliste contre sa volonté. D’autres parlementaires ont affirmé que le Gouvernement ne les avait pas soutenus en 2010 pour introduire des transferts de compétences.

Ce sujet est compliqué pour tout le monde. En revanche, un vrai travail a été conduit. Je défends les mêmes positions que lors de la mission d’allégement des normes applicables aux collectivités territoriales, présidée par MM. Alain Lambert et Jean-Claude Boulard, notamment sur la question de la clause de compétence générale. Ce projet de loi présente de manière synthétique les dispositions comprises dans le texte déposé précédemment. Les discussions ont donc duré deux ans et les états généraux du Sénat ont montré la difficulté d’aboutir à la moindre position commune, d’autant que des positions contradictoires sont défendues au sein de chaque famille politique. On peut néanmoins dessiner une ligne d’opposition entre la droite et la gauche, la première considérant que les services publics sont une charge quand la seconde les voit comme une source de richesses à préserver.

Je suis depuis longtemps favorable à l’élection des délégués intercommunaux au suffrage universel ; comme parlementaire de l’opposition, j’avais d’ailleurs déposé un texte en ce sens en 2011. Les citoyens votant pour un projet, il faudrait que les listes, incarnées par un chef de file, en portent chacune un : c’est une condition de la démocratie. Parallèlement, il y aurait lieu de conserver un collège des maires chargé de représenter les territoires.

Je suis attentive à la notion de proximité, d’où mon attachement aux bassins de vie et aux conférences des présidents d’intercommunalité qui veilleront à la solidarité. Des études nous aideront à déterminer la bonne échelle pour ces bassins, le nombre d’EPCI par département ne constituant pas une référence pertinente.

La réforme de la DGF prendra en compte, je l’ai dit, la solidarité territoriale. Nous disposons de nombreux outils – pays, pôles de développement territoriaux, SCoT –, mais nous devons veiller à leur bon fonctionnement. Certains pays couvrent tout le territoire et conduisent une action efficace. Quant aux pôles de développement territoriaux, dont vous avez voté la création en première lecture, il y aura lieu de veiller à ce que certains d’entre eux n’aient pas la taille d’une intercommunalité. Enfin, le SCoT doit prendre en compte le SRADDT ; c’est la bonne échelle pour la prospective, le plan local d’urbanisme intercommunal (PLUI) étant à celle de la parcelle. Nous disposons d’assez de zones constructibles pour absorber la croissance de la population jusqu’à 2080. Il faut donc plus de rationalité dans les décisions de constructibilité des terrains, qui conduisent à la disparition d’exploitations agricoles et à l’installation d’habitants, parfois en nombre limité, mais qui demandent instamment des services dont certains, comme l’assainissement et la gestion des déchets, ont un coût très élevé.

On pourrait faire un gros livre des études parues depuis 1999 – de parlementaires, de l’association des régions de France (ARF), de l’assemblée des départements de France (ADF) ou de l’association des maires de France (AMF) – et on peut indéfiniment lancer des missions, mais vient un moment où il faut décider. Le rapport de la mission d'information sur l'avenir de l’organisation décentralisée de la République, de Jean-Pierre Raffarin et Yves Krattinger, a proposé un projet en deux ans. Il reposait sur la constitution de très grandes régions et sur le maintien des départements dans les zones rurales. D’autres ont défendu des options différentes, et le Gouvernement doit maintenant trancher. Même si nos collectivités ne fonctionnent pas si mal qu’on le dit, il faut leur permettre de s’adapter aux évolutions actuelles et futures. La CTAP jouera un rôle important en la matière, car elle sera le lieu de l’ajustement aux nouvelles compétences à mesure qu’elles apparaîtront. Et notre ambition, que vous jugerez peut-être excessive, est de vous proposer avec ces deux projets de loi un dispositif qui n’ait pas à être modifié.

La mobilité durable exige l’équilibre adéquat entre route et rail. S’agissant des autorités organisatrices de transports, ce sera aux régions d’arrêter une organisation cohérente. En cette matière comme dans les affaires d’emprunts ou de marchés publics, les choses sont surtout difficiles pour les communautés de communes et les départements ruraux, qui ne disposent pas de beaucoup de cadres A, si bien qu’ils dépendent des consultants et des bureaux d’études. Il faut organiser la communauté régionale des ressources humaines.

Les départements disparaîtront plus rapidement dans les territoires très urbanisés ; les métropoles devront s’entendre avec eux pour gérer au moins trois compétences sur sept d’ici au 1er janvier 2017. Nous avons lancé une mission sur le cas de Paris, mais il paraît d’ores et déjà évident que les évolutions seront différentes entre les zones très denses et celles qui le sont moins. L’expérimentation sera toujours possible comme le Premier ministre l’a confirmé.

On insiste souvent sur la proximité entre électeurs et conseillers généraux, notamment dans les zones rurales. Mais l’abstention aux élections cantonales a explosé, la participation s’étant effondrée pour tomber de 70 % à 40 % ! Ce lien de proximité n’existe donc plus car il est devenu difficile de connaître le rôle du conseiller départemental – ce qui n’est pas le cas pour les maires, même si l’abstention aux élections municipales progresse également. Une fois conduite la rationalisation de l’action publique, il conviendra de mettre en avant le projet davantage que l’élu – la proximité perdue étant à regagner au niveau des intercommunalités.

Sans la CTAP, il aurait été difficile de supprimer la clause de compétence générale car il aurait manqué le lieu de la concertation entre exécutifs permettant l’exercice des compétences. Je me suis battue avec l’Assemblée nationale – bien plus qu’avec le Sénat – pour imposer cette conférence. Elle incarne la société du contrat, dans laquelle nous entrons, qui repose sur une répartition claire des compétences et sur une allocation des ressources pensée en conséquence.

Jusqu’à leur disparition, les départements continueront de prendre en charge la solidarité envers les individus et les territoires. Pour ce qui est des premiers – allocation personnalisée d’autonomie (APA) ou prestation de compensation du handicap (PCH) –, nous n’avons que quatre options : nous pouvons mettre à contribution soit la personne à travers un relèvement du ticket modérateur, soit la famille à travers la récupération sur succession – mais ce serait une double peine car elle aura déjà pris en charge la personne malade –, soit le département à travers l’impôt sur le foncier bâti et les droits de mutation à titre onéreux (DMTO), soit le contribuable national à travers l’impôt sur le revenu acquitté par la moitié de la population et concentré sur les classes moyennes. La fin des départements fournit l’occasion d’ouvrir sur cette question un débat national – réclamé par les associations d’insertion et d’aide aux personnes âgées et handicapées, et que nous aurons peut-être au Parlement –, débat qui conflue avec celui de la fusion entre l’impôt sur le revenu et la contribution sociale généralisée. En tout état de cause, la fiscalité doit rester le vecteur de la solidarité en France et nous ne choisirons pas le modèle des fondations.

Disposant d’une ressource dont nous devrons décider si elle est nationale ou non, les intercommunalités opéreront le lissage et nous verrons si elles sont capables d’assurer une solidarité territoriale ou si elles ne pourront que se charger de la gestion. La seule solidarité territoriale viable réside dans la péréquation, horizontale ou verticale. Cette dernière repose sur la DGF, qui sera repensée en fonction du revenu moyen par habitant, des refus de construction opposés au nom de l’intérêt général, de la production de logements sociaux, de la mutualisation des services. La pression fiscale constituera un élément de lisibilité des services fournis. Enfin, il conviendra de lisser cette dotation pour en corriger le caractère injuste.

Comme je l’ai dit, les préfets recevront le 1er  janvier 2015 un mandat qui sera fonction des conclusions du débat parlementaire. Les syndicats de communes dont le périmètre n’excède pas celui de l’intercommunalité disparaîtront progressivement après un arbitrage de l’État pour prendre en compte les contrats d’affermage et de concession, ainsi que l’action des sociétés publiques locales (SPL). Je veux aussi prendre le contre-pied des propos démagogiques qui courent sur les indemnités versées aux élus, qui se sont souvent engagés dans ces syndicats en renonçant à un autre mandat ou à une part de leur activité professionnelle : il faudra prendre leur situation en compte. Au reste, ces dédommagements ne se montent qu’à 80 millions d’euros alors que les syndicats engagent environ 17 milliards d’euros de dépenses d’investissement et 9 milliards d’euros de dépenses de fonctionnement. La question est bien plutôt de réduire les frais liés aux fonctions support, qui comptent pour une part non négligeable dans les charges de fonctionnement.

III. DISCUSSION GÉNÉRALE

La commission a examiné pour avis, sur le rapport de M. Florent Boudié, le projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral (n° 2100).

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Notre commission s’est saisie pour avis des deux textes qui constituent la réforme territoriale : d’une part, le projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral, qui a été adopté – mais largement modifié – par le Sénat ; d’autre part, le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République.

Nous avons nommé M. Florent Boudié rapporteur pour avis et nous avons auditionné, le mardi 1er juillet, Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique, sur les compétences des collectivités territoriales. Cette audition a tenu lieu de discussion générale. Néanmoins, je propose que chaque groupe fasse, après celle du rapporteur pour avis, une intervention de moins de cinq minutes car il n’est pas souhaitable de refaire une discussion générale.

M. Martial Saddier. Je m’élève une nouvelle fois contre la manière dont nos travaux sont organisés. La procédure accélérée a été engagée sur ce texte. En outre, il y a deux semaines, nous avons examiné le projet de loi relatif à la biodiversité pendant que la commission des affaires économiques discutait du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt. Aujourd’hui, nous commençons l’examen de ce texte en même temps que la commission des lois saisie au fond, et au moment où le projet de loi d’avenir pour l’agriculture est discuté en séance publique. Chacun de nous aurait aimé pouvoir participer à tous ces débats ! Cela aurait contribué à la qualité de ces textes. Nos conditions de travail ne s’améliorent pas.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je ne peux que souscrire à vos propos et déplorer, moi aussi, cette situation.

Compte tenu des délais, l’échéance pour le dépôt des amendements initialement fixée à hier, dix-sept heures trente, et a été reportée à ce matin, neuf heures trente. La Commission a enregistré quarante-deux amendements et sous-amendements. Un seul, le CD7, a été déclaré irrecevable, au titre de l’article 40 de la Constitution : son auteur, M. Alain Calmette, a été prévenu par voie électronique.

M. Florent Boudié, rapporteur pour avis. Je partage l’avis de M. Saddier s’agissant de l’organisation de nos travaux.

Notre commission s’est saisie pour avis du projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral, qui a été présenté en conseil des ministres le 18 juin dernier, en même temps que le second projet de loi, qui porte sur les compétences des collectivités territoriales. Celui-ci sera examiné par notre assemblée à l’automne, mais son contenu, désormais connu de tous, est déjà sur la table des discussions.

La réforme territoriale qui est proposée à notre assemblée s’appuie sur une vision globale, déclinée en deux textes. Quels en sont les objectifs ? Le Président de la République et le Premier ministre ne proposent rien de moins que de trancher la controverse séculaire sur l’organisation territoriale de notre pays.

D’un côté, l’Ancien Régime et la Révolution ont posé les deux piliers sur lesquels notre pays a su se bâtir : les communes, consacrées le 12 novembre 1789 par l’Assemblée Constituante, selon le principe d’une municipalité par ville ou par paroisse, ce qui en a donné 44 000 à l’époque ; les départements, eux aussi créés par la Constituante, puis dotés de conseillers généraux élus au suffrage universel par la loi du 10 août 1871.

De l’autre, a émergé un couple formé par les régions et les intercommunalités. Le mouvement de régionalisation administrative, né dans la France de l’après-guerre en appui à la planification économique, a abouti à la création des établissements publics régionaux (EPR) en 1972, lesquels ont acquis le statut de collectivités territoriales avec la loi Defferre de 1982. La coopération intercommunale, dont les sources remontent à la création des syndicats intercommunaux à vocation unique (SIVU) par la loi du 22 mars 1890, puis à celle des syndicats intercommunaux à vocation multiple (SIVOM) en 1959, s’est épanouie avec les lois de 1992 et de 1999, jusqu’à l’achèvement de la carte intercommunale voulu par la loi du 16 décembre 2010.

Ces deux niveaux d’organisation territoriale n’ont cessé de se superposer, de se chevaucher, sans que notre pays accepte de renoncer à un seul d’entre eux. Choisissant de les maintenir tous, nous avons empilé les couches sédimentées par notre histoire, au point de former un ensemble indigeste, illisible et même coûteux, lorsqu’il existe des doublons fonctionnels.

Ce constat, mes chers collègues, dépasse les frontières des appartenances partisanes. Il est fait et refait depuis deux bonnes décennies : il a donné lieu non pas à quelques réflexions, mais à une véritable bibliothèque de discours et de rapports. Mais la simplification de notre organisation territoriale se heurte, depuis très longtemps, à tant de résistances et de conservatismes, que les gouvernements, trop prudents, ont sans cesse repoussé l’heure des choix. Or que disent le Président de la République et le Premier ministre à la représentation nationale et aux Français ? Que l’heure des choix est maintenant venue, que le temps de la décision est arrivé, parce que notre pays ne peut se payer le luxe de repousser sans cesse les réformes structurelles dont il a besoin pour préparer son avenir.

Un consensus est-il possible ? Il devrait l’être, tant les constats sont partagés, quels que soient les bancs sur lesquels nous siégeons. Chers collègues de l’opposition, en particulier du groupe UMP, permettez-moi quelques retours en arrière pour vous en convaincre. Le 22 octobre 2009, réagissant au discours prononcé par l’ancien Président de la République à Saint-Dizier, M. Jean-François Copé, alors président du groupe UMP à l’Assemblée nationale, a déclaré : « L’action territoriale est illisible et exaspère les Français. Pourquoi les régions s’occupent-elles des lycées et les départements des collèges ? Tout cela n’a plus de sens ! » Je pourrais également citer l’ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, qui a cosigné avec le sénateur Yves Krattinger, au mois d’octobre 2013, un rapport préconisant le passage de vingt-deux à quinze régions, soit une de plus que dans le projet du Gouvernement.

Je poursuis le voyage dans le temps. Le 11 janvier 1975, le Président de la République, Valéry Giscard d’Estaing, a affirmé : « Il faudra choisir entre le département et la région, car nous ne pourrons pas conserver éternellement les deux. » Il a prononcé ces mots trois ans seulement après la création des EPR par la loi du 5 juillet 1972, lesquels préfiguraient, je l’ai dit, les futurs conseils régionaux créés par la loi Defferre de 1982. Je suis même prêt, chers collègues du groupe UMP, à feuilleter avec vous les pages de cet ouvrage au titre prémonitoire – La France peut supporter la vérité –, publié en 2006, dans lequel M. François Fillon se prononçait pour la suppression des départements, dans un élan de modernisme qu’il convient de saluer. Deux ans plus tard, le rapport Attali, commandé par le Président Nicolas Sarkozy, lui donnait raison.

La question posée à notre assemblée est, au fond, assez simple : combien de temps allons-nous « faire durer le plaisir » ? Cette réforme est attendue, souhaitée, espérée sur de nombreux bancs, mais chaque fois repoussée. Jusqu’à quel point de rupture et de paralysie nous faudra-t-il parvenir pour mettre fin à l’immobilisme et aux conservatismes ? Le Président de la République et le Premier ministre nous mettent devant nos responsabilités. Eh bien, prenons-les dès à présent, au sein de cette commission, de la commission saisie au fond et dans l’hémicycle ! Et cessons, autant que possible, d’user d’arguments qui ne visent qu’à gagner du temps pour finalement en faire perdre beaucoup à notre pays.

Nul ne prétend que le texte proposé par le Gouvernement est parfait. En particulier, la carte des régions n’est certainement pas un étalon indépassable. Mais avant de débattre au fond du projet de loi, je voudrais repousser par anticipation certains des arguments qui sont évoqués ici ou là.

Premier argument, très en vogue sur les bancs de l’opposition : le Gouvernement aurait fait un mauvais choix en découpant sa réforme en deux textes, là où un seul aurait été le gage d’une vision d’ensemble de la réforme territoriale. À cet argument, je répliquerai que la réforme des collectivités territoriales proposée par l’ancienne majorité en 2009 et 2010 reposait non pas sur deux projets de loi, ni même sur trois, mais sur quatre : le projet de loi de réforme des collectivités territoriales ; le projet de loi relatif à l’élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale ; le projet de loi organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux, qui visait à reporter une première fois les élections régionales, à mars 2014 ; le projet de loi organique relatif à l’élection des membres des conseils des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale, qui avait notamment pour objet d’empêcher le cumul entre un mandat de parlementaire et celui de conseiller territorial. Comment comprendre ce soudain empressement de nos collègues de l’opposition à discuter d’un monolithe législatif, alors que le tronçonnage de la réforme de 2009 et 2010 en quatre textes ne semblait pas les choquer ? (Murmures sur les bancs de l’UMP).

Autre argument : la décision du Gouvernement d’engager sur ce texte la procédure accélérée prévue à l’article 45 de la Constitution serait une marque de mépris à l’égard de la représentation nationale. Là encore, permettez-moi de rappeler que, lorsqu’il s’est agi de limiter le mandat des conseillers régionaux et généraux à respectivement trois et quatre ans au lieu de six, le ministre de l’intérieur de l’époque avait, lui aussi, recouru à la procédure accélérée. J’ajoute que le Sénat avait alors réclamé deux lectures, ce qui lui avait été refusé. À l’opposé, le Gouvernement de Manuel Valls a garanti qu’il y aurait deux lectures dans le cadre de la présente procédure accélérée, afin de permettre un échange approfondi entre les deux assemblées, sans toutefois perdre de temps.

J’en viens à l’un des arguments les plus en vogue dans nos débats sur ce projet de loi : il est reproché au Gouvernement de vouloir débattre de la carte et du report des élections régionales avant de discuter des compétences locales. C’est un mauvais procès (Murmures sur les bancs de l’UMP). D’abord parce que les deux textes, indissociables, ont été présentés en même temps en conseil des ministres. Ensuite parce ce que, si le Gouvernement avait inversé l’ordre de passage devant le Parlement, il s’en serait certainement trouvé parmi vous pour reprocher à l’exécutif de traiter des compétences avant de connaître le périmètre des régions qui devront les exercer. En outre, comme l’a confirmé le ministre de l’intérieur au Sénat, la seconde lecture de ce projet de loi aura lieu en même temps que la première lecture du projet de loi sur les compétences. Ces deux textes, qui constituent un tout, seront donc examinés de manière concomitante. C’est bien normal, l’objectif du Gouvernement étant précisément de procéder aux élections régionales au mois de décembre 2015, sur la base de nouvelles frontières régionales et de nouvelles compétences.

Le Sénat, cela n’a échappé à personne, a cru bon de transmettre à l’Assemblée nationale une copie blanche puisqu’il a supprimé, dans la nuit de vendredi à samedi dernier, les principales dispositions du projet du Gouvernement. Voilà un étrange paradoxe, dont seule la Haute Assemblée a le secret : le Sénat n’a pas eu de mots assez durs pour réclamer deux lectures dans le cadre de la procédure accélérée, mais il semble avoir tout fait pour qu’il n’y ait en réalité qu’une seule lecture ! Comment le comprendre de la part de l’assemblée qui est chargée de représenter les collectivités territoriales ? Le texte ayant été totalement vidé de sa substance et privé de sa cohérence, notre rôle aujourd’hui sera de réintroduire les dispositifs proposés par le Gouvernement, à quelques aménagements près que je vous proposerai.

Le projet initial du Gouvernement prévoyait, je le rappelle, quatre volets : une nouvelle carte régionale ; le plafonnement des effectifs des conseils régionaux ; le règlement des dispositions relatives à la vacance des sièges de conseillers départementaux, compte tenu de la censure du Conseil Constitutionnel ; le report des prochaines élections régionales et départementales.

L’article 1er avait le mérite de poser les bases d’une discussion sur la nouvelle carte de quatorze régions. Les regroupements reposaient sur le principe de non-démembrement des régions existantes : les régions avaient vocation à fusionner « bloc par bloc ». Aux termes de la carte présentée par le Gouvernement, six régions devaient conserver leur périmètre : Aquitaine, Bretagne, Île-de-France, Nord-Pas-de-Calais, Pays de la Loire, Provence-Alpes-Côte d’Azur. Toutes les autres devaient faire l’objet d’un regroupement. J’ai déposé un amendement qui vise à rétablir la carte proposée par le Gouvernement, considérant qu’il s’agit pour nous d’une première base de discussion et que des débats auront lieu demain en commission des lois. Mais nous aurons l’occasion de discuter à nouveau de ce point.

L’article 2 prévoyait que le chef-lieu des nouvelles régions serait fixé provisoirement par décret pris avant le 31 décembre 2015. Le choix des nouvelles capitales régionales devait s’effectuer après consultation du conseil municipal de la commune retenue pour être le siège du nouveau conseil régional, ainsi que des conseils régionaux inclus dans la nouvelle région. Dans un second temps, le chef-lieu devait être définitivement fixé par un décret en Conseil d’État pris avant le 1er juillet 2016. L’article 2 ayant été supprimé par le Sénat, je vous proposerai de le réintroduire, mais aussi de l’améliorer, en élargissant la concertation prévue par le Gouvernement aux chambres consulaires et aux conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux (CESER).

En revanche, je proposerai de suivre le Sénat sur un point : considérant que la procédure de fusion des régions pourrait être utile à l’avenir, il a souhaité la maintenir dans le code général des collectivités territoriales (CGCT), alors que le Gouvernement souhaitait la supprimer. En effet, la carte qui ressortira de la discussion parlementaire pourrait ne pas être définitive.

En outre, j’ai déposé un amendement qui tend à assouplir le droit d’option des départements, qui est jusqu’à présent soumis par le CGCT à une clause de consultation référendaire. Des débats ont déjà eu lieu sur les possibilités d’ajustement à moyen et long terme, et nous allons les poursuivre au sein de cette commission. Aux termes de mon amendement, le droit d’option serait ouvert à partir du 1er janvier 2016 – une fois la carte des régions stabilisée et les élections régionales passées – jusqu’en 2020, horizon fixé par l’exécutif pour la suppression des départements.

Le Gouvernement a proposé un dispositif qui garantit l’élection d’un conseiller régional au minimum pour chaque section départementale. Ce point a été très débattu ces derniers jours, et le Sénat a décidé de porter ce nombre à cinq. Cependant, cela pose un problème de constitutionnalité. En effet, lorsque le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur la loi de 2003 relative à l’élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen, il a émis des réserves d’interprétation, liées notamment à la prise en compte du critère démographique. Je vous proposerai un dispositif qui garantit l’élection de deux conseillers régionaux au minimum pour chaque section départementale. Il s’agit d’une proposition intermédiaire entre celles du Gouvernement et du Sénat, qui ne présente pas de risque en termes de constitutionnalité.

En revanche, je proposerai de réintroduire le plafonnement de l’effectif des conseils régionaux à 150 conseillers, tel qu’il figurait dans le projet du Gouvernement. Le regroupement des régions ne doit pas donner lieu à une inflation du nombre de conseillers régionaux. Nous sommes nombreux à penser qu’il ne s’agirait pas d’un signal positif adressé à nos concitoyens, au moment où nous proposons une réforme territoriale d’ampleur.

Je vous proposerai également de réintroduire, dans leur version initiale, les dispositions de l’article 12 concernant le report des élections régionales et départementales. Enfin, nous aurons l’occasion de discuter d’autres points au fur et à mesure de la présentation des amendements.

Lorsque nous aurons fait le choix – car nous le ferons – de diviser peu ou prou par deux le nombre de régions et d’agrandir considérablement leur taille, nous serons confrontés à un problème qui a été soulevé au cours des auditions menées par la commission des lois : celui des contre-pouvoirs. Les dispositions concernant les contre-pouvoirs institutionnels au sein de ces futures très grandes régions sont soit inexistantes, soit insuffisamment définies. Je suggère que nous nous prononcions dès maintenant sur une série d’amendements que j’ai déposés. Ainsi, je proposerai que, au sein des conseils régionaux, les présidents des commissions chargées des finances et du contrôle budgétaire soient issus de l’opposition, comme c’est le cas à l’Assemblée nationale et au Sénat. En outre, il me semble utile de préciser que tous les groupes politiques devront obligatoirement être représentés au sein de chaque commission de l’assemblée régionale. Actuellement, le CGCT laisse toute latitude aux exécutifs régionaux de ne pas accepter une telle représentation.

Enfin, s’agissant de grandes régions qui disposeront d’un pouvoir réglementaire et d’un pouvoir d’adaptation des dispositions législatives – le projet de loi relatif aux compétences le prévoit –, il conviendra de se poser la question d’une éventuelle distinction entre le président de l’exécutif et le président de l’assemblée délibérante, comme cela a été expérimenté depuis plusieurs années au sein de la collectivité territoriale de Corse. Je vous présenterai un amendement d’appel en ce sens.

M. Alain Calmette. Comme l’a précisé le rapporteur, il convient d’envisager dans leur ensemble les deux textes qui constituent la réforme territoriale. Depuis des années, citoyens et élus pointent du doigt le caractère illisible et dispendieux du millefeuille territorial. Tout l’échiquier politique réclame, depuis vingt ou trente ans, une simplification de l’organisation territoriale de la République, afin de savoir qui fait quoi et d’améliorer les services rendus, tout en supprimant les doublons et les dépenses redondantes.

Le débat se focalise logiquement sur la fusion des régions, aspect le plus visible et le plus médiatique de la réforme. Mais n’oublions pas que les textes fixent quatre priorités : outre la fusion des régions, ils visent la clarification des compétences – avec la suppression de la clause de compétence générale –, la suppression des conseils départementaux à l’horizon 2020, et enfin et peut-être surtout, l’affirmation des intercommunalités, qui deviendront, je l’espère, le véritable échelon de proximité de la nouvelle organisation territoriale.

Aujourd’hui, le Sénat nous propose une feuille quasi blanche, sans carte ni report des élections, et avec deux ajouts notables : le droit d’option pour les départements et le relèvement à cinq du nombre minimal de conseillers régionaux élus par section départementale – lequel ne semble toutefois pas constitutionnel, comme l’a indiqué le rapporteur. Mais ces deux ajouts ne correspondent pas à grand-chose sans l’ossature du texte initial : c’est comme si le Sénat refusait de construire la maison, tout en choisissant déjà la couleur des volets.

Le rapporteur propose de revenir à la carte du Gouvernement, qui constitue une bonne base de discussion. Toutes les évolutions sont en effet possibles, le Gouvernement ayant indiqué que le débat parlementaire sur cette carte était largement ouvert. Il convient néanmoins de confirmer le droit d’option pour les départements. Il est souhaitable que ce droit puisse être mis en œuvre dans un second temps, une fois que le périmètre des régions sera stabilisé. En outre, nous devons fixer un nombre minimal de conseillers régionaux élus par section départementale pour assurer une représentation convenable des territoires ruraux, en particulier de ceux qui font partie de régions densément peuplées. À titre personnel, j’estime qu’un nombre minimal de deux conseillers régionaux n’est pas suffisant. Nous devons trouver une solution qui permette de porter ce nombre à quatre voire à cinq, tout en respectant la Constitution et le principe d’égalité du suffrage.

Nous allons nous engager dans cette réforme. Rien n’est parfait et le consensus est impossible, mais attendre d’atteindre la perfection ou le consensus reviendrait à maintenir le statu quo, ce que souhaitent certainement les opposants à la réforme. Cela donnerait raison à M. Edgar Faure, lorsqu’il déclarait : « L’immobilisme est en marche, et rien ne l’arrêtera ! » (Sourires). Nous devons, au contraire, avancer et faire mentir Edgar Faure. Pour la première fois, un gouvernement ose s’attaquer à cette réforme difficile, dont on parle depuis trente ans. Adoptons ce texte en y ajoutant les éléments qui garantissent, du point de vue de notre commission de l’aménagement du territoire, une juste représentation des départements au sein des conseils régionaux, en même temps que nous agrandirons les régions.

M. Yannick Favennec. Au nom du groupe UDI, je le souligne d’emblée, le Gouvernement fait preuve d’une absence criante de méthode et de cohérence dans sa manière d’appréhender la réforme territoriale. Loin de l’acte III de la décentralisation que l’on nous avait promis, il s’agit plutôt d’un « acte manqué ». Nous avons adopté, en décembre dernier, le projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles. Six mois plus tard, nous redécoupons les régions. Demain, nous étudierons la taille des intercommunalités et les compétences de chaque niveau de collectivité. Tout cela n’a guère de sens ! Pour être efficace, une réforme doit avant tout être pensée globalement, pas par morceaux. Je m’interroge donc sur la solidité de l’équilibre territorial qui sera finalement trouvé.

Quant au redécoupage prévu par le texte, il est, hélas ! tributaire de calculs opportunistes, d’amitiés et d’influences politiques (Murmures). Pour être pertinente, la délimitation des territoires doit reposer sur la prise en considération des pratiques des habitants, du fonctionnement des entreprises et des acteurs économiques, ainsi que des projets qui façonneront l’avenir. Il s’agit d’atteindre un maximum de complémentarité, de cohérence et d’efficacité économique au sein des futures régions.

C’est pourquoi le conseil régional des Pays de la Loire, réuni en session extraordinaire le 13 mai dernier, s’est prononcé à l’unanimité en faveur de la création d’une région Grand Ouest issue de la fusion de la Bretagne et des Pays de la Loire. Cette fusion répondrait à l’ambition affichée par la réforme : adapter la carte des régions aux réalités géographiques et à l’Europe des régions, en constituant des régions fortes, capables de conduire des politiques d’investissement préparant les territoires aux enjeux stratégiques de demain. Elle prendrait aussi en compte les liens tissés depuis plus de trente ans entre ces deux régions, qui ont su faire converger leur stratégie européenne et développer des interactions dans de nombreux domaines tels que l’enseignement supérieur, la recherche, les transports et l’agriculture. La Bretagne et les Pays de la Loire présentent également de nombreuses similarités, sur lesquelles j’aurai l’occasion de revenir lorsque nous examinerons tout à l’heure l’amendement que j’ai déposé avec mon collègue de la Loire-Atlantique, M. Christophe Priou.

Le constat est aujourd’hui terrible pour les territoires ruraux : l’action des régions actuelles n’a pas permis de réduire la fracture entre les métropoles et les zones rurales en matière de développement économique et d’emploi ; celle-ci s’est, au contraire, aggravée. Aussi, au moment où l’on parie sur de grandes régions et des intercommunalités plus fortes, il convient de s’interroger sur la manière de réorganiser la solidarité au bénéfice des territoires ruraux, afin d’empêcher qu’ils ne soient laissé pour compte, du fait des besoins croissants des métropoles en matière d’infrastructures. Le département et la solidarité qui s’organise à cet échelon territorial ne peuvent donc pas être supprimés d’un trait de plume. Or, à ce jour, aucune solution n’est proposée pour que les territoires soient mieux représentés au sein des conseils régionaux.

M. Jean-Christophe Fromantin. Ce texte est important et structurant pour notre avenir. Or, à ce stade, nous avons du mal à en percevoir le sens et les objectifs. S’agit-il de réaliser des économies ? Le secrétaire d’État chargé de la réforme territoriale a avancé le chiffre de 20 à 25 milliards d’euros d’économies, en le rapprochant du budget cumulé des collectivités territoriales, soit 250 milliards. Mais, une fois recalculé en retranchant les engagements, les emprunts et les dettes, le budget des régions et des départements s’élève à 69 milliards. Et il n’est guère réaliste d’imaginer réaliser 20 à 25 milliards d’économies sur 69 milliards ! Ce texte ne répond donc pas à l’objectif d’économies mis en avant lors du discours sur le pacte de stabilité et ne constitue nullement un gage vis-à-vis de Bruxelles – on nous avait présenté la réforme territoriale comme faisant partie des réformes structurelles qui permettraient de ramener le déficit budgétaire au-dessous de la barre des 3 % du PIB et de revenir à l’équilibre à l’horizon 2017.

Ce n’est pas non plus un texte qui cherche à adapter nos territoires aux enjeux du XXIe siècle. Dans l’étude d’impact, on ne trouve aucun dénominateur commun aux arbitrages et aux choix qui ont été faits.

On évoque certes la « taille critique », mais cette notion ne recouvre aucune réalité économique. Pourquoi serait-il préférable qu’une région atteigne un certain seuil démographique ? Au nom de quelle politique publique, de quel phénomène d’amortissement, de quelle logique cela se justifierait-il ? En revanche, on aurait pu définir des seuils critiques pour reterritorialiser l’épargne et les véhicules financiers – mais ce n’est pas le cas.

On aurait pu aussi, comme l’évoquait M. Yannick Favennec, essayer de remédier à la coupure entre les zones rurales et les zones urbaines en associant un territoire à une métropole. Ce n’est pas non plus le cas : on note dans le texte de fortes dissymétries entre de grands territoires sans métropole et de grandes métropoles sans territoire. Pour nous vendre le projet de loi sur les métropoles, le Gouvernement avait défendu l’idée que les métropoles étaient structurantes pour le territoire et qu’elles seraient des locomotives pour répondre aux défis de la mondialisation. Il est surprenant de ne pas retrouver cette approche dans le présent texte.

Enfin, on a souvent souligné au sein de cette commission que nos territoires ne seraient connectés au monde qu’à condition qu’ils soient dans l’hinterland de grands ports maritimes. La France a la chance de posséder sept grands ports maritimes. Il est impératif de relier nos territoires à ces portes sur le monde, afin d’assurer la massification des flux économiques. Là encore, il n’y aucune aspiration en ce sens dans le texte qui nous est proposé.

J’ai du mal à voir l’intérêt budgétaire et économique de ce projet de loi. Il s’agit d’une simple réforme administrative qui n’assure aucune perspective de développement à notre pays et ne lui fera faire aucune économie.

M. Patrice Carvalho. Ce texte est une usine à gaz ! Si l’on demandait aux Français leur avis sur la question, ils seraient bien embarrassés.

Tout cela est incohérent : nous avons voté, il y a peu, un texte opérant un redécoupage des cantons, et l’on nous annonce maintenant qu’on va faire disparaître les départements. Si ce n’est pas une perte de temps !

Vous dites, monsieur le rapporteur, que c’est une réforme attendue – mais par qui ? Pas par les citoyens ! Vous en avez beaucoup, dans votre circonscription, qui vous l’ont réclamée ? Allons ! Nos concitoyens savent s’orienter dans le millefeuille administratif quand ils en ont besoin. Pour obtenir une aide en matière de handicap ou de logement, ils savent à qui s’adresser !

En plus, vous ne tirez aucune leçon du résultat des élections européennes. La disparition des communes – parce que c’est bien ça qui est programmé – ne va pas favoriser la politique de proximité. Comment feront les familles quand elles chercheront une solution pour la grand-mère ou pour leur enfant handicapé ? Si nos concitoyens se désintéressent ainsi des élections, c’est qu’ils ne savent plus à quoi elles servent. Avant, les gens votaient aux municipales parce qu’ils savaient que le maire avait un réel pouvoir. Aujourd’hui, ce n’est plus si évident.

Vous faites référence à la Révolution française, mais les révolutionnaires voulaient la proximité ; vous, vous êtes en train de la balayer ! C’était pourtant la richesse de la France.

Vous prétendez que cela permettra d’améliorer les choses, mais tellement de textes européens ont déjà été votés en nous assurant que ça irait mieux, et voyez le résultat !

Ce projet de loi me semble donc inutile. Au moins faudrait-il demander leur avis à nos concitoyens, et qu’ils s’expriment sur la question par voie référendaire.

M. Martial Saddier et plusieurs autres députés du groupe UMP. Bravo ! Quel bon sens ! (Applaudissements sur les bancs UMP).

M. Michel Heinrich. Cette loi était-elle vraiment attendue, monsieur le rapporteur ? En tout cas, elle ne figurait pas dans les « 60 engagements pour la France » du candidat Hollande – qui avait, au contraire, souligné la nécessité de renforcer les pouvoirs des départements !

Vous avez, dans un premier temps, supprimé le conseiller territorial pour mettre en place un couple improbable dans un découpage cantonal tout aussi improbable. Puis le Gouvernement a, une fois encore, changé d’avis, et il propose aujourd’hui une réforme de l’organisation territoriale qui vise non seulement à créer de grandes régions, mais également à renforcer l’intercommunalité. Au couple commune/département se substituera ainsi le couple métropole/région.

À l’heure de la mondialisation des échanges, la taille et le périmètre des régions ne peuvent constituer une fin en soi, ni être un préalable à l’organisation administrative nationale. Les enjeux majeurs, ce sont les compétences et les moyens dont disposeront les régions et les métropoles, dont l’alliance constituera le cœur de la nouvelle organisation.

En outre, la méthode retenue présente de nombreuses difficultés. L’enjeu pour la puissance publique est d’accroître sa réactivité et sa capacité à adapter son offre de services aux attentes des citoyens et des acteurs des territoires. Or, être à l’écoute nécessite une proximité permanente. La discussion porte sur une solution géographique imposée, sans que personne n’évoque ni l’objectif ni le sens de la réforme. Ce projet découle d’une pensée centralisée, parisienne, qui méconnaît le quotidien de nos concitoyens et des acteurs économiques. Qui plus est, les élus locaux courront le risque que leur image soit ternie s’ils s’opposent à la réforme ; ils sont pris en otage moralement à une époque où la crédibilité de la parole publique est remise en cause.

Au quotidien, ce sont les intercommunalités qui subiront les conséquences les plus dommageables, en raison notamment du transfert des compétences départementales dans le domaine social ; force est de constater les collectivités locales ne sont pas préparées à cette réforme. D’autres inquiétudes ont trait aux contrats de projets État/région qui, faute de partenaires identifiés, risquent de ne pas pouvoir être opérationnels avant plusieurs mois ; certes, cela permettra à l’État et aux collectivités territoriales de faire des économies, mais cela aura aussi un impact très fort sur l’économie des territoires. Les intercommunalités, du fait des charges opérationnelles dues à un changement brutal de taille et de compétence, risquent d’être amenées à diminuer leur budget d’investissement.

La réforme risque enfin de renforcer l’opposition entre territoires ruraux et territoires urbains, faute d’une nouvelle règle de péréquation et d’une redéfinition des compétences des régions en matière d’aménagement.

Enfin, il y a de quoi être sidéré par la lecture, dans l’étude d’impact, des motivations de certaines fusions de régions. C’est surréaliste !

M. François-Michel Lambert. En France, on a l’impression qu’on n’arrivera jamais à avancer ! Nous sommes au XXIsiècle : les déplacements sont plus aisés et les personnes bien plus mobiles qu’il y a trente-deux ans, lorsque les régions sont devenues des collectivités territoriales à part entière. La France n’est pas en retard sur le numérique ; elle ne répond pas de manière isolée aux questions relatives à l’équilibre des territoires, à l’énergie, aux ressources, à la biodiversité. Et l’on continuerait à jouer au village pagnolesque, alors que nos concitoyens, surtout les plus jeunes, vivent dans un village, sinon planétaire, du moins européen ?

Les écologistes ont toujours été partisans d’une transformation de la France, qui a gardé un côté jacobin, en un pays plus fédéraliste, où l’on fasse confiance aux élus et aux territoires et où les régions aient plus d’autonomie. Même si nous ne sommes pas forcément favorables au découpage proposé, ce texte nous fournit une occasion d’avancer dans cette direction. Saisissons-la !

Plusieurs députés UMP. Non, renvoyez le texte en commission !

M. François-Michel Lambert. Nous soutiendrons la plupart, sinon la totalité, des propositions du rapporteur, parce qu’il s’agit d’une action volontariste. Notre principale critique portera toutefois sur la méthode employée : il aurait été plus judicieux de rechercher une volonté partagée et d’organiser les regroupements sur le principe du volontariat. La réforme de la carte des régions ne doit pas se faire dans la précipitation. Les débats en région devraient être renforcés, et nous déposerons des amendements en ce sens.

Au-delà, le renforcement des pouvoirs des régions et l’extension de leur aire géographique plaident pour une réforme de leur gouvernance. Il serait bon de distinguer, comme c’est déjà le cas en Corse, l’assemblée délibérante et le conseil exécutif : il est nécessaire d’accompagner la réforme par des avancées démocratiques.

Se pose aussi la question du mode d’élection, qui doit permettre l’appropriation des nouveaux territoires par les citoyens. Aujourd’hui, les intercommunalités sont mal perçues, parce que les membres des conseils des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ne sont pas élus au suffrage direct ; la recherche du plus petit dénominateur commun ne permet pas de créer une dynamique de territoire – contrairement à une élection au scrutin proportionnel. Les écologistes insisteront également sur ce point.

M. Gilles Savary. J’exprimerai, pour commencer, le regret que nous ayons à traiter de cette réforme dans la version que le Sénat a souhaitée, c’est-à-dire en trois séquences. Il s’agissait originellement d’un projet global, qu’il nous faut reconstituer, car il s’agit sans conteste de l’une des plus importantes réformes territoriales qui nous ait été soumise depuis de nombreuses années.

La Révolution française avait créé les communes et des départements ; puis, dans les années 1874-1881, les statuts des municipalités et des conseils généraux ont été confortés ; après la défaite du général de Gaulle au référendum de 1969, s’est engagée une nouvelle séquence, qui s’est traduite par la montée en puissance des régions, avec la réforme Chaban-Delmas de 1972 puis la grande réforme Defferre de 1981. Il n’est pas extravagant que, trente ans après, on revienne sur cette dernière.

Il s’agit d’une réforme générale, dont nous avons déjà adopté le premier volet avec la loi affirmant les métropoles comme moteurs de la croissance. Nous abordons maintenant le volet régional : il nous est proposé de faire des régions plus grandes et, surtout, de clarifier les compétences. M. Patrice Carvalho disait tout à l’heure que nos concitoyens savaient « piocher » dans le millefeuille. Mais enfin : est-il bien justifié d’avoir un service économique, touristique, européen ou culturel à tous les étages administratifs – commune, intercommunalité, département, région ? Aujourd’hui, on a atteint les limites de cet exercice, et ce qui est en discussion n’est ni plus ni moins qu’une très vaste et ambitieuse réforme de l’administration publique en France. Nous aurons à traiter des volets de proximité ultérieurement. La présence de l’État sur l’ensemble du territoire est d’ores et déjà garantie, puisque le Gouvernement a affirmé qu’il ne supprimerait pas les départements ; en revanche, il nous faudra, en effet, renforcer les liaisons entre les métropoles et leurs arrière-pays.

Pour revenir au texte qui nous est proposé, je rappellerai que les découpages administratifs ont toujours été sources de polémiques. En 1972, on a repris la carte des « igamies » de l’après-guerre, parce qu’on n’arrivait pas à se mettre d’accord sur un autre découpage. Sans doute y aura-t-il une part d’arbitraire dans celui-ci, mais nous devons appuyer le mouvement qui consiste à créer des entités plus vastes, susceptibles de mettre en œuvre des politiques structurantes. Il est, par exemple, incroyable que les routes nationales aient été transférées aux départements !

M. Alain Gest. À dire vrai, en écoutant M. Patrice Carvalho, je me suis demandé s’il était utile d’en rajouter ! Je compléterai néanmoins ses propos sur deux ou trois points.

Nos conditions de travail sont telles que nous ne savons même plus sur quel texte nous travaillons : le projet de loi du Gouvernement a d’abord été complètement remodelé par le Sénat, puis nous avons appris hier, par la presse, que la carte des régions avait changé. Nous travaillons dans une précipitation que rien ne justifie.

Si nous ne sommes pas d’accord avec cette réforme, ce n’est pas parce que nous serions favorables à l’immobilisme ! À l’évidence, la décentralisation de 1982 n’a pas été complètement une réussite : si, trente-deux ans après, les citoyens ne font pas encore la différence entre les compétences des conseils généraux et celles des conseils régionaux, c’est une forme d’échec. Il faut résoudre ce problème de lisibilité.

D’ailleurs, nous l’avions fait, ne vous en déplaise, en mettant en place les conseillers territoriaux. Mais voilà : durant les premiers mois de la législature, vous autres membres de la majorité avez fait preuve d’une frénésie à effacer tout ce que le précédent gouvernement avait fait ; du coup, vous êtes obligés aujourd’hui de revenir en arrière. Par exemple, nous avions supprimé la clause de compétence générale ; vous l’avez rétablie – et voilà que maintenant, vous la supprimez de nouveau : quelle cohérence ! (Murmures sur divers bancs).

Une des raisons qui conduit à précipiter le mouvement est, dites-vous, la volonté de faire des économies. Que n’avez-vous lu l’excellent travail de notre collègue Jean-Christophe Fromantin ! On nous propose de fusionner la Picardie avec la Champagne-Ardenne, deux petites régions qui n’ont rien en commun ; croyez-vous que cela suffira à faire émerger une grande région, susceptible de peser économiquement ? Depuis quarante ans, une certaine technocratie prétend que la puissance d’une région dépend de la taille de son territoire. Rien ne prouve que cela soit vrai. En 1976, Raymond Barre préconisait la création de huit régions ; le comité Balladur, quinze ; aujourd’hui, nous en sommes à quatorze – peut-être cela changera-t-il encore d’ici à l’adoption du texte. Est-ce ainsi, sur un coin de table, que l’on dessine la carte d’une grande réforme territoriale ? (Exclamations sur les bancs SRC).

Enfin, je souhaiterais une clarification à propos des départements. Durant les débats au Sénat, le ministre de l’intérieur a martelé que ceux-ci ne seraient pas supprimés, sans nier pour autant que les conseils généraux, eux, seraient dissous. Tout cela est d’une complexité extravagante !

Laissez-nous donc un peu de liberté, monsieur le rapporteur. En Picardie, nous sommes prêts à fusionner les départements, c’est-à-dire à aller plus vite en matière de réforme territoriale. Ce qu’il nous faut, c’est un peu de souplesse et du temps pour travailler.

M. Christophe Priou. Monsieur le rapporteur, vous devriez compléter vos saines lectures par les ouvrages d’Olivier Guichard : en 1965, dans Aménager la France, il évoquait déjà les métropoles d’équilibre et son rapport Vivre ensemble, publié en 1976, a servi de base à la loi de décentralisation de Gaston Defferre. Ses écrits n’ont pas perdu de leur pertinence.

Je rappellerai également le bon mot de M. Maurice Leroy lors du débat sur la réforme territoriale : « Vous avez abrogé le conseil territorial, vous allez créer le “territorial conseiller” », avait-il dit.

Certaines choses seront difficiles à obtenir, comme le minimum de cinq élus par département. Alors qu’auparavant, chaque département disposait de deux députés au minimum, le Conseil constitutionnel a, au nom du principe d’égalité, remis en cause cette règle. Résultat : la Creuse et la Lozère n’ont plus droit qu’à un seul député.

Je soutiendrai la fusion entre régions, ainsi que le droit d’option pour les départements. Préparer l’avenir, c’est parfois purger le passé – par exemple, le détachement de la Bretagne du département de Loire-Atlantique, décidé par le gouvernement de Vichy.

Je veux aussi rappeler que le dernier texte du gouvernement Jospin fut la loi sur la démocratie de proximité, qui a permis l’organisation de référendums locaux décisionnels ou consultatifs. Il y a en a eu cinq jusqu’à présent en Loire-Atlantique : quatre à l’initiative de la droite, un à celle des divers gauche. Lorsque l’on dit que dans un référendum, on ne répond jamais à la question posée, ce n’est pas très respectueux de nos concitoyens ; c’est bien un référendum qui a permis à la France de sortir de la crise politique et économique en 1958, et c’est par un autre référendum qu’a été instaurée l’élection du Président de la République au suffrage universel. Alors ne méprisons pas cet outil – d’autant qu’au-delà du vote, c’est l’occasion d’organiser un débat : le référendum sur le traité de Maastricht fut aussi une leçon de démocratie.

Mme Valérie Lacroute. Le Président de la République a présenté la réforme territoriale en avançant la nécessité absolue d’aller vers une clarification des compétences entre l’État et les collectivités, mais aussi d’améliorer le service rendu à nos concitoyens en le simplifiant, et de rationaliser les dépenses. Je partage ces objectifs. Mais, après avoir entendu différents ministres, notre commission a appris que l’économie attendue ne se chiffrait plus à 25 milliards d’euros, ni même à 15 milliards d’euros, mais à 10 milliards d’euros. Sur quelle base serait réalisée cette réduction de 5 à 10 % des dépenses des collectivités ? En suivant quel calendrier ?

Au demeurant, quel sens y a-t-il à définir le périmètre de nouvelles régions avant de connaître leurs compétences ? Quelle serait leur fiscalité ? Quels seront les effets de la réforme territoriale sur les centres hospitaliers et sur les universités ?

Un problème de démocratie se posera également, s’il est vrai que le nombre de conseillers régionaux sera plafonné à 150 pour chaque région, alors que l’Île-de-France, par exemple, en compte non moins de 209 aujourd’hui. S’il y a moins de conseillers généraux et moins de conseillers régionaux, les élus seront encore plus éloignés de leurs administrés, qui se trouveront tout à fait éloignés des décisions.

Le gouvernement précédent avait adopté la création du conseiller territorial, que votre majorité s’est empressée de supprimer. Nous en sommes conduits à nous livrer dans l’urgence à une sorte de Meccano territorial.

Mme Martine Lignières-Cassou. Je voudrais rappeler à mon collègue Patrice Carvalho qu’il n’y a rien d’intangible dans le périmètre des départements et régions. Sous l’Ancien Régime déjà, des redécoupages de province étaient fréquents. À la Révolution, les départements ont été définis de telle sorte que le chef-lieu en soit accessible de n’importe lequel de ses points au terme d’une journée de cheval au maximum. Telle était la règle de mobilité de l’époque. La proximité s’apprécie simplement de manière différente aujourd’hui.

Certes, la carte que nous allons adopter ne pourra pas faire l’unanimité, mais le texte qui nous est proposé n’en est pas moins structurant. La fusion des régions permettra de conforter leur stratégie économique. Il faudra également se pencher sur la gouvernance de nouvelles régions au périmètre plus étendu. N’ayons pas peur de faire bouger les périmètres. L’efficacité publique n’en sera qu’accrue et tout le monde en sortira gagnant, à commencer par nos concitoyens.

M. le rapporteur pour avis. Monsieur Yannick Favennec, je partage vos préoccupations relatives aux territoires ruraux. Dans la loi du 27 janvier 2014, premier acte de la réforme territoriale en cours, des pôles d’équilibre territoriaux sont prévus, pour que les territoires s’organisent au niveau infra-départemental et non seulement au niveau des métropoles. L’arrière-pays n’existe d’ailleurs pas en tant que tel, puisque des flux permanents relient les villes à leur environnement immédiat. Si les fractures territoriales se sont approfondies, le débat sur la taille des régions n’en est ni la cause, ni la conséquence. Il faut plutôt inventer des formes de coopération entre la ville et la campagne, entre métropole et territoire périurbain ou rural.

Monsieur Jean-Christophe Fromantin, madame Valérie Lacroute, vous avez abordé la question des économies attendues. Je ne pense pas cependant que ce soit la bonne clef d’entrée dans ce débat. Pour prendre l’exemple lyonnais, la création d’une métropole rhodanienne a conduit le département du Rhône à instituer sa propre agence de développement. Il ne faut donc pas exclure que de nouveaux coûts apparaissent dans un premier temps à la faveur de la réforme territoriale, même si des économies devraient se dégager in fine, avec la disparition des doublons.

Monsieur Patrice Carvalho, l’ « usine à gaz », c’est la situation actuelle ! La carte de l’organisation territoriale est illisible pour nos concitoyens. Les maires de petites communes ne peuvent pas lancer un projet aujourd’hui sans mettre cinq ou six acteurs autour de la table et avec des doublons fonctionnels. Cette réforme n’intéresse pas nos concitoyens ? Je crois, au contraire, qu’ils sont très attentifs aux services publics, aux services rendus au public et à leur efficacité. La situation actuelle pose un problème démocratique. L’abstention est bien le résultat de cette situation illisible, où personne ne sait où sont les responsabilités, ce qui conduit à une fuite devant les urnes.

Monsieur Michel Heinrich, la menace sur le financement des contrats de plan État/région provient pour l’essentiel de l’insuffisance des recettes attendues de l’écotaxe. Votre groupe a tant critiqué cet impôt après l’avoir mis en place sans vouloir le mettre en œuvre. Aujourd’hui, il ne devrait rapporter que 300 millions d’euros, contre 1,2 milliard d’euros attendus initialement.

Monsieur François-Michel Lambert, la prégnance de la logique jacobine, y compris dans la définition de réformes décentralisatrices, n’est pas nouvelle dans notre pays. Sans même parler de la taille des régions, le mode de scrutin constitue indéniablement un problème, et les politiques régionales peinent à s’incarner dans les territoires.

Or la création du conseiller territorial ne constituait pas une solution convenable, plutôt un biais de contournement pour éviter d’avouer la suppression des départements. Pour rassurer les élus, l’ancien Président de la République avait annoncé que ce n’était « ni la mort, ni la fin du département », alors que tout était fait pour l’affaiblir et le faire mourir de sa petite mort. Ce n’était pas une façon sincère ou transparente de lancer le débat. (Murmures sur les bancs UMP). Le Premier ministre, au contraire, a préféré annoncer d’emblée cette suppression comme un objectif à l’horizon 2020. Au reste, la réforme du conseiller territorial ne conduisait qu’à une départementalisation de l’échelon régional, qui s’en trouvait ainsi gravement dénaturé, au moment même où il paraît si nécessaire de sortir des intérêts cantonaux.

Monsieur Alain Gest, vous avez insinué que le Président de la République avait tracé la nouvelle carte régionale sur un coin de table. C’est toujours mieux que de la dessiner dans une cuisine. (Murmures)

Lorsque le président du Conseil Edgar Faure, en 1955, demanda une carte des périmètres administratifs régionaux à Serge Antoine, conseiller référendaire à la Cour des comptes alors âgé de vingt-neuf ans, ce dernier se mit à la tâche avec sa femme, dans sa cuisine, comme il le raconte dans ses mémoires. Ils s’appuyèrent notamment sur les indices fournis par les communications enregistrées par les P&T. Parce que les habitants de Périgueux téléphonaient plus à Bordeaux qu’à Limoges, il lui avait semblé que l’Aquitaine devait inclure le Périgord.

Au vu de ces méthodes de découpage, il n’est pas illégitime, ce me semble, que le Président de la République se penche sur la question. D’ailleurs, d’après mes souvenirs, son prédécesseur n’était pas vraiment partisan d’une « déprésidentialisation » du régime.

Quant au référendum sur la suppression des départements, j’en étais partisan. Mais ce que vous-même et le Sénat présentez, c’est une motion référendaire visant à consulter les Français sur la carte des régions, bref à leur poser une mauvaise question en les interrogeant sur le Meccano territorial. Le référendum du 27 avril 1969 portait sur la création de conseils régionaux et sur la réforme du Sénat qui en aurait résulté, puisqu’il serait devenu la représentation au niveau national de la nouvelle carte régionale. Ce n’est pas non plus la question que vous voulez poser aujourd’hui.

IV. EXAMEN DES ARTICLES

Chapitre Ier
Dispositions relatives à la délimitation des régions

Article 1er A [nouveau]
Principes directeurs

La Commission est saisie de l’amendement CD17 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. L’ancien juriste que je suis ne peut que s’émouvoir de l’absence de toute portée normative dans les dispositions de cet article ajouté par le Sénat. Des expressions telles « lutter contre l’érosion de la démocratie locale » ou « armer la France face aux défis de la mondialisation » auraient plus leur place dans un exposé des motifs. Je propose donc la suppression de l’article 1er A.

M. Julien Aubert. Le Président François Hollande était conseiller référendaire à la Cour des comptes tout comme Serge Antoine, donc rien n’a vraiment changé… (Rires).

Plaisanterie mise à part, je peux partager vos préoccupations, mais j’observe que nombre de textes précédents incluaient de telles dispositions dénuées de caractère prescriptif. Il faut distinguer entre la présence de principes non normatifs et la manière de les définir. Il n’est pas forcément inutile de mettre l’accent sur le mode de scrutin ou sur la représentation des territoires ruraux à l’heure où certaines problématiques territoriales risquent de disparaître. Supprimer cet article reviendrait donc à se priver d’une marge de flexibilité, alors que ces principes méritent peut-être seulement d’être affinés.

M. Martial Saddier. Je ne trouve pas non plus qu’il soit anodin d’inscrire dans la loi la diversité des territoires : villes, mer, montagne et campagne sont, en effet, très différents. Ce n’est pas négligeable de préciser que les collectivités territoriales pourront s’organiser entre elles, alors que le texte initial est fondé sur une volonté administrative centralisatrice et sur une défiance vis-à-vis des territoires et des élus locaux. Il faut conserver cet article !

M. Jean-Christophe Fromantin. Je pense aussi que cet article est nécessaire. Le cadre de la réflexion serait, sinon, absent. Non seulement la démocratie et la subsidiarité, mais aussi l’efficience des politiques publiques et la décentralisation sont des enjeux qui ne se définissent pas de la même manière aujourd’hui qu’il y a deux siècles. J’estime que cet article mérite de rester dans le texte.

La Commission adopte l’amendement, donnant ainsi un avis favorable à la suppression de l’article 1er A.

Après l’article 1er A

La Commission examine l’amendement CD10 rectifié de M. Jean-Christophe Fromantin.

M. Jean-Christophe Fromantin. L’amendement vise à ce que la carte régionale issue de la réforme soit cohérente avec l’aménagement du territoire. Il faut veiller à ce que chaque ville moyenne, chaque Français soit relié à une métropole. Un schéma directeur irriguant l’organisation territoriale devra donc être établi pour que les flux ferroviaires et routiers soient cohérents avec elle.

M. Philippe Duron. La cohérence est louable, mais il ne faudrait pas recréer un schéma national des infrastructures. Cette collection de projets non finançables n’a abouti à rien sous la précédente législature. Il appartient plutôt aux régions de définir leurs priorités. Ne recommençons pas un nouveau schéma national des infrastructures de transport (SNIT).

M. Julien Aubert. Même si le groupe UMP n’est pas unanime sur ce point, je suis, quant à moi, favorable à cet amendement. Une tension permanente existe entre le besoin de la cohésion nationale et la nécessité de laisser les choses s’organiser au niveau local. Un schéma directeur ferait réfléchir aux critères sur lesquels on doit bâtir les régions, non pas seulement du point de vue de leur découpage, mais en obéissant à une logique humaine.

M. Philippe Plisson. Cette disposition aurait plutôt sa place dans le prochain projet de loi sur la transition énergétique, qui abordera la question des transports. Tel qu’il est, l’amendement ne s’inscrit pas dans la logique du présent texte.

M. le rapporteur pour avis. C’est pourquoi j’invite son auteur à le retirer. Un autre texte pourrait, en effet, lui servir de support. En outre, beaucoup de schémas existent déjà. La loi de 2013 portant diverses dispositions en matière d’infrastructures de transports, en prévoit déjà un, la réforme ferroviaire aussi. L’idée est donc si bonne qu’elle est déjà mise en œuvre. Quant au schéma proposé, je vois mal comment il s’articulerait avec les dispositions existantes. Avis défavorable.

M. Jean-Christophe Fromantin. Dans l’étude d’impact annexée au projet de loi, le schéma de transport est cité comme référence pour définir la région Centre-Limousin-Poitou-Charentes, en l’occurrence l’axe de l’autoroute A10. Ne dites donc pas que la référence à des schémas d’infrastructure est hors sujet lorsque nous abordons la question de rapprochements régionaux, puisque vous utilisez vous-même cette raison.

En outre, il ne s’agirait pas de définir les réseaux infrarégionaux, mais des liaisons inter-métropolitaines, qui sont fondamentales.

Je ne peux pas retirer cet amendement, qui correspond tout à fait à l’esprit du texte.

M. le rapporteur pour avis. Je ne dis pas que vous soyez hors sujet, mais au contraire tellement dans le sujet qu’il y a un risque de redondance avec d’autres schémas existants.

La Commission rejette l’amendement.

Article 1er [supprimé]
Nouvelle carte régionale

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CD18 rectifié du rapporteur pour avis, CD21 de M. Yannick Favennec, CD2 de M. Jean-Jacques Cottel, CD38 de M. Jean-Christophe Fromantin et CD39 de M. Olivier Falorni.

M. le rapporteur pour avis. Comme je vous l’ai indiqué dans mon propos introductif, plusieurs options s’offrent à nous dans le cadre de cette saisine pour avis. Soit nous prenons pour base le texte du Sénat qui nous laisse devant une carte blanche, soit nous reprenons la version proposée par le Gouvernement et détricotée, explosée même, par le Sénat.

Certes, tout n’était pas parfait dans le texte initial. Venant de l’Aquitaine, je dois avouer qu’il ne me plaît guère qu’elle puisse tourner le dos à la région Poitou-Charentes. Nous ne réglerons pas ici la question de la carte régionale, mais nous pourrons du moins adresser à la commission des lois le message que le texte du Gouvernement nous sert de base de travail, même si le détail n’en fait pas l’unanimité. Sur cette base, le rapporteur de la commission des lois a, du reste, déjà avancé des propositions qui constituent quelques premiers pas, sans représenter encore tout le chemin à parcourir.

M. Bertrand Pancher. Nous sommes en présence d’un découpage à l’ancienne qui, venant du haut, ne tient pas compte des aspirations des territoires. Certes, il en a toujours été ainsi, mais on pourrait tout de même en attendre davantage de la démocratie du XXIe siècle ! On en reste au fait du prince, alors que nos concitoyens n’ont jamais été aussi formés, informés et conscients des réalités territoriales, et nul doute que la plupart des regroupements envisagés vont faire l’objet de vives discussions en séance publique. Ainsi, il est aberrant que l’on propose de rattacher la région Champagne-Ardenne à la Picardie, alors qu’elle est bien plus proche de la Lorraine, comme en témoignent les déclarations publiques faites en ce sens par de nombreux élus locaux et nationaux. Personnellement, je ne voterai pas cet amendement.

M. Yannick Favennec. J’ai dit tout à l’heure que la délimitation des futures régions devait reposer sur les pratiques de leurs habitants, sur le fonctionnement des entreprises et des acteurs économiques, ainsi que sur les projets qui façonneront l’avenir, si l’on veut parvenir à un maximum de pertinence en termes de complémentarité, de cohérence et d’efficacité économique. C’est exactement le cas des régions Bretagne et Pays de la Loire, similaires en de nombreux points. Les deux régions se classent toutes deux parmi les dix plus importantes de France pour leur apport à la création de richesses – au cinquième rang du classement par PIB pour les Pays de la Loire, au septième rang pour la Bretagne ; elles présentent l’une comme l’autre des taux de chômage inférieurs à la moyenne nationale – 9,7 % de chômage en Bretagne, 9,8 % dans les Pays de la Loire – ainsi que le plus faible taux de pauvreté – 11,6 % ; elles figurent également toutes deux parmi les régions les moins inégalitaires de France, la région Pays de la Loire étant première à ce classement, tandis que la Bretagne est troisième.

Avec près de 7 millions d’habitants et 9,1 % de la richesse nationale, la région Bretagne-Pays de la Loire constituerait un avantage compétitif pour la France et contribuerait très largement à la rationalisation de notre organisation territoriale que le Président de la République a dit rechercher.

M. Jean-Jacques Cottel. Mon amendement CD2 vise à offrir une plus grande souplesse dans le redécoupage en élargissant aux départements et aux actuels arrondissements les subdivisions territoriales à prendre en compte. Grâce à un remodelage régional le plus affiné possible, il permet de constituer, voire de reconstituer des territoires cohérents, correspondant aux réalités culturelles, sociales et économiques et aux aspirations de nos concitoyens. Sur des bases historiques, économiques et culturelles, il prévoit ainsi le rattachement à l’actuelle région Nord-Pas-de-Calais du département de la Somme et des arrondissements axonais de Saint-Quentin et de Vervins.

M. Jean-Christophe Fromantin. Basé sur une logique radicalement différente de celle, très centralisatrice, ayant inspiré le Gouvernement – partant des régions existantes pour en créer d’autres par agrégation –, notre amendement CD38 part des villes moyennes pour les agréger en nouvelles régions et métropoles. Nous proposons d’observer comment les Français vivent, vers quelles métropoles les flux de proximité sont dirigés, afin de réconcilier nos territoires et leurs dynamiques avec nos futures métropoles. Plutôt que de suivre une logique administrative élaborée d’un point de vue parisien, nous avons superposé une cinquantaine de cartes pour observer les flux naturels et leur évolution en fonction des enjeux en matière d’enseignement universitaire et d’attractivité des métropoles – notamment du point de vue des entreprises industrielles et agricoles. Nous avons ainsi abouti à une carte permettant d’offrir à nos concitoyens des métropoles à même de leur offrir l’accès à des fonctions nouvelles, répondant aux enjeux actuels.

M. Olivier Falorni. Partageant totalement les objectifs poursuivis par ce texte, je ne voudrais pas qu’il se trouve affaibli par certaines incongruités de découpage, dont la pauvre région Poitou-Charentes constitue l’un des exemples. Ainsi, le jour de l’annonce de la carte, nous avons été successivement mariés à la région Centre, aux Pays de la Loire et au Centre-Limousin. (Sourires). Vous êtes aquitain tandis que je suis pictocharentais, monsieur le rapporteur, et il me semble que nos régions respectives ont vocation à être réunies, avec le Limousin également, comme le propose mon amendement. Or j’ai vu, hier soir, une nouvelle carte qui nous enlevait le Limousin pour y substituer la région Centre.

Si l’on veut que ce texte soit accepté durablement par les Français – car une carte territoriale est, en principe, conçue pour cinquante ou cent ans –, il faut faire preuve d’un peu de cohérence : de ce point de vue, entendre que la réunion des régions Centre et Poitou-Charentes est cohérente parce qu’elles ont en commun l’autoroute A10 me paraît un peu léger ! Pour ma part, je défends le rapprochement des régions Aquitaine, Poitou-Charentes et Limousin, qui me paraît en phase avec la réalité de nos territoires. Comme le dit le rapporteur, la région Poitou-Charentes ne peut pas tourner le dos à l’Aquitaine.

Mme Marie-Line Reynaud. Je sais que vous avez beaucoup réfléchi pour rédiger votre amendement, monsieur le rapporteur, mais j’aurais aimé que celui-ci fasse preuve d’un peu plus d’audace. Vous auriez pu, par exemple, reprendre les travaux de la commission spéciale du Sénat, qui associait le Poitou-Charentes à l’Aquitaine et au Limousin pour former une grande région, tant le redécoupage actuel suscite de déception parmi les habitants des deux Charente, des Deux-Sèvres et de la Vienne. Ce n’est pas vers le Nord, mais vers l’Aquitaine et cette grande métropole qu’est Bordeaux, que sont tournées les Charente. Nos deux départements ont en effet de grandes accointances avec l’Aquitaine, ne serait-ce que sur le plan viticole – le Bordelais et ses crus voisinent avec les 70 000 hectares viticoles du pays charentais.

Qui plus est, l’Aquitaine et la région Poitou-Charentes ont en commun l’estuaire de la Gironde qui, selon le découpage proposé, se verrait coupé en deux : comment ne pas y voir une aberration quand l’Aquitaine, qui cherche à développer ses ports, pourrait profiter de la proximité de La Rochelle encore mieux qu’elle ne le fait actuellement dans le cadre de la coopération mise en place ? Pour toutes ces raisons, je souscris à l’amendement de M. Olivier Falorni plutôt qu’au vôtre, monsieur le rapporteur.

M. Martial Saddier. Plutôt que de tenter de ressouder la majorité – à l’impossible nul n’est tenu –, je m’en tiendrai à un commentaire de portée générale sur l’amendement du rapporteur. Si je reconnais la qualité du travail effectué, je veux tout de même rappeler la genèse de ce projet : il s’agissait, pour le Président de la République, de repousser d’une année les élections cantonales et régionales à venir afin d’éviter un désastre supplémentaire annoncé, en espérant que la situation du chef de l’État, du Gouvernement et de la majorité, ainsi que l’économie du pays, s’améliorent entre-temps – ce qui ne semble pas acquis. Sur ce sujet comme sur d’autres, le Président de la République a donc agi dans la précipitation en chargeant son ministre de l’intérieur de l’époque, devenu Premier ministre, d’élaborer dans l’urgence une réforme élective entraînant un redécoupage régional.

Aujourd’hui, quelle est la situation ? Le texte, examiné dans le cadre d’une procédure accélérée ne prévoyant qu’un seul passage en commission, n’est pas prêt ; la nouvelle carte des régions a été annoncée un lundi après-midi par le Président de la République, suscitant une cacophonie générale ; le Sénat a balayé l’ensemble du texte d’un revers de la main ; le rapporteur revient à la carte annoncée par le Président de la République alors que, dans la salle voisine, le rapporteur saisi au fond est en train d’en faire voter une autre ; enfin, une multitude d’amendements issus de la majorité proposent des cartes toutes différentes : dans ces conditions, il est difficile de croire que nous puissions aboutir à un texte cohérent, apportant quelque chose à notre pays ! Au nom des députés UMP, je tenais à dénoncer ce désastre.

M. Jean-Louis Bricout. Pour ma part, je soutiens l’amendement de M. Jean-Jacques Cottel proposant le rapprochement entre la région Nord-Pas-de-Calais, le département de la Somme et les arrondissements de Saint-Quentin et de Vervins, situés au nord de l’Aisne. Cet amendement répond à l’ambition affichée par la réforme d’aboutir à des régions plus grandes et plus fortes, d’éclaircir nos compétences, de créer des périmètres d’une grande pertinence économique, et de tenir compte des projets et des infrastructures en commun existants. Il faut aussi, et peut-être surtout, privilégier la cohérence identitaire, culturelle et historique de nos concitoyens.

Pour ce qui est des projets en commun, nous avons le canal Seine-Nord Europe, ainsi que les pôles de compétitivité i-Trans en matière de transports et Up-Tex, visant à mettre au point les textiles de demain. Nos territoires présentent également une continuité sur le plan agro-alimentaire, avec l’AOC Maroilles, présente dans le département du Nord, mais aussi dans le nord de l’Aisne. Certes, cet amendement implique un travail de dentelle, puisqu’il prévoit le rattachement d’arrondissements. Avec ma collègue Pascale Boistard, je proposerai en commission des lois un amendement visant à rapprocher toute la Picardie de la région Nord-Pas-de-Calais – non que nous ayons quelque chose contre la Champagne-Ardenne, mais pour tenir compte de ce qui, aux yeux mêmes de la population concernée, apparaît comme une évidence.

M. Julien Aubert. La première question qui se pose est de principe : faut-il rétablir l’article 1er ? Je suis de ceux qui considèrent qu’il y a trop de régions en France, et qu’une réduction de leur nombre est une bonne idée. Seulement, le diable est dans les détails, et l’on n’en sort pas depuis le début. La méthode choisie par le Gouvernement s’apparente en fait beaucoup à la RGPP – critiquée en son temps par l’actuelle majorité –, ici appliquée aux régions : à peu de choses près, on en supprime une sur deux ! (Sourires).

En réalité, la question la plus importante est celle des critères à retenir pour le redécoupage. Plusieurs ont été avancés à l’appui des amendements déposés. Si l’économie a son importance, elle conduit à regarder les choses au travers d’un prisme urbain privilégiant les métropoles – ce que j’ai un peu de mal à concevoir en tant qu’élu d’un territoire rural : il me semble que cette question mérite un débat. D’autres ont parlé de l’histoire, de la culture ou de la géographie : cela me rappelle le projet de M. Lionel Jospin de créer des régions européennes, discuté au Parlement en 1998, au cours de débats où le temps n’avait pas fait défaut. Lors de la création des départements, Napoléon avait pris en compte les transports et l’administration, mais il a été dit tout à l’heure que le schéma des transports n’avait pas vocation à se trouver au cœur de la réflexion. Bref, le ou les critères à considérer restent à déterminer.

Une autre question est celle du degré de précision que nous voulons retenir pour tracer la carte – région, département ou arrondissement –, et ce n’est pas une question anodine. Si l’on se réfère à l’arrondissement, on entérine de facto l’idée que le département est mort, puisque celui-ci perd toute cohérence en tant qu’échelon quand on lui arrache un arrondissement pour le rattacher à une macro-région. C’est là un débat riche et passionnant qui nécessiterait des heures de débat – qui nous sont malheureusement interdites, puisque nous devons nous décider à la va-vite, ce qui constitue une injure à l’histoire de France et à la dimension humaine de notre pays. Cela dit, l’amendement CD38 de M. Jean-Christophe Fromantin me paraît excellent en ce qu’il propose une méthode et une vision cohérente des choses.

M. François Michel Lambert. Je ne souhaitais pas vraiment entrer dans ce débat, mais puisqu’il est ouvert, je prends position pour la proposition de M. Jean-Christophe Fromantin, considérant comme lui que les régions sont des écosystèmes ouverts sur le monde, permettant de connecter des territoires et des fonctions industrielles, artisanales, touristiques, patrimoniales et culturelles à une métropole qui concentre prioritairement des fonctions tertiaires. La réforme territoriale doit partir des échelons de proximité où les gens vivent, donc des villes moyennes, qui s’agrègent autour d’une métropole pour former des régions : la logique part du bas vers le haut, et non l’inverse.

Nous sommes limités à dix propositions de cartes et, si nous pourrions en faire bien plus, une seule paraît tenir compte de ce que sont réellement les flux, les infrastructures et l’économie dans le contexte européen et mondial du XXIe siècle, et non dans une optique strictement hexagonale : c’est pourquoi je voterai pour l’amendement de M. Jean-Christophe Fromantin.

M. Patrice Carvalho. Je m’étonne de l’attitude de la majorité : alors que ses membres sont favorables à la réforme, ils proposent une multitude d’amendements qui sont autant de propositions alternatives. La réforme, c’est bien, mais pour les autres ! On avait déjà assisté au même spectacle avec l’écotaxe, les députés PS bretons n’ayant pas montré un courage exemplaire face aux mouvements de protestation ayant agité leur territoire, quand il s’est agi de faire payer les transporteurs faisant traverser la France à leurs camions.

Si l’on doit réformer la carte des territoires, ce n’est pas en procédant comme on le fait – pas en imposant, par exemple, une région Picardie-Champagne-Ardenne allant des côtes de la Somme à la Haute-Marne ! Quant à ceux qui pensent que la RN31 donne une continuité géographique à ce que serait cette nouvelle région, ils n’ont qu’à l’emprunter pour aller de Beauvais à Reims, ils verront le temps que cela leur prendra ! En décidant de faire adopter ce projet de loi envers et contre tous, on va aboutir à de grandes incohérences et disparités auxquelles il faudra ensuite remédier.

M. Gilles Savary. Si je trouve tout à fait légitime que le rapporteur ne parte pas de la feuille blanche qui nous revient du Sénat, mais de la carte proposée initialement par le Gouvernement, j’estime que le Parlement n’en doit pas moins jouer son rôle en faisant des propositions. L’opposition se repaît du fait qu’en raison de leur ancrage territorial, les députés de la majorité n’ont pas une conception unanime du découpage auquel il convient de procéder, mais ses membres sont tout autant intéressés par les modalités de détermination de la nouvelle carte. Personnellement, je voterai pour l’amendement de M. Olivier Falorni : il me paraît cohérent de créer une grande région atlantique associant le Poitou-Charentes et le Limousin à l’Aquitaine, cette dernière ne pouvant rester seule. En outre, la détermination de la métropole d’une telle région ne donnerait lieu à aucune contestation, alors que l’appariement de l’Aquitaine à d’autres régions du Sud donnerait lieu à des conflits sans doute inextricables.

M. Alain Gest. Quand on se souvient de ce qui a motivé cette loi, on se dit que la panique politique est décidément bien mauvaise conseillère ! Si je veux croire en la sincérité de notre rapporteur, je me dis qu’il serait toutefois bien avisé de s’en remettre à la proposition de notre collègue Jean-Christophe Fromantin, élaborée selon une méthode cohérente de définition des régions et basée sur l’idée de la métropole, que la majorité a elle-même voulu mettre en avant dans le cadre d’une loi précédente. Si l’on veut faire preuve d’honnêteté, on peut déjà s’attacher à rendre plus juste et plus efficiente la carte actuelle, qui n’est pas parfaite, en partant de la métropole. Certes, le travail de notre collègue peut encore être affiné, mais le découpage qu’il propose rendrait crédible votre désir de faire adopter une réforme qui ne soit pas motivée uniquement par des considérations politiciennes.

M. Philippe Bies. Je soutiens l’amendement de notre rapporteur, estimant qu’il faut bien disposer d’une base de discussion, que rien ne nous empêche de faire évoluer ensuite. Si le conservatisme est assez partagé, l’immobilisme, lui, est bien l’apanage de nos collègues de l’opposition, n’en déplaise à M. Alain Gest.

M. Alain Gest. Nous avons fait une proposition !

M. Philippe Bies. Par ailleurs, les différents amendements proposés me convainquent qu’il n’existe pas une bonne méthode de procéder – aucune d’elles ne faisant consensus – et que, dès lors, nous avons tout intérêt à travailler à partir de la proposition du Gouvernement.

M. Jacques Krabal. Pour ce qui est de la méthode, la discussion ne peut s’engager que sur la carte du Gouvernement. Je ne doute pas de la compétence des collègues qui présentent ici, en quelques jours seulement, de nouvelles cartes, mais ce sont ceux-là mêmes qui reprochent à la proposition gouvernementale d’avoir été faite sur un coin de table !

Je m’étonne aussi des arguments avancés contre le rapprochement entre les régions Champagne-Ardenne et Picardie. Après tout, la Picardie telle qu’elle est dessinée aujourd'hui n’est pas un territoire cohérent : il n’y a aucun lien, par exemple, entre Château-Thierry et Abbeville. En revanche, la fusion des deux régions permettrait de constituer une des premières régions du point de vue du dynamisme agricole, en particulier pour les céréales et la betterave. Voyez, entre autres exemples, le pôle de compétitivité « Industries et agro-ressources ».

On ne peut affirmer non plus qu’il n’y a pas d’histoire ou d’identité commune : le sud de l’Aisne appartient géographiquement et historiquement à la Champagne. J’aimerais donc que l’on cesse de se réclamer d’une réflexion globale lorsque l’on ne fait que défendre des intérêts particuliers !

La carte proposée par le Gouvernement est certainement perfectible. En tant que parlementaire, je suis tout à la fois élu de la nation et représentant d’un territoire. Cette réforme, certains ont voulu la faire il y a longtemps et il est courageux de la mettre en œuvre aujourd'hui. Ne perdons pas de vue que sa finalité est de faire de la région le territoire stratégique en matière économique. Il s’agit aussi d’offrir plus de proximité par le biais des bassins de vie territoriaux, ce qui implique de revoir le dispositif des élections locales afin que les zones rurales soient mieux représentées.

Si notre discussion se tenait dans un autre cadre, je soutiendrais la proposition de M. Jean-Jacques Cottel, qui, entre autres, scinde le département de l’Aisne entre deux régions. Mais, comme il faudra attendre 2016 pour que les départements puissent exercer leur droit d’option, je me rallie par cohérence à l’amendement du rapporteur pour avis.

M. Philippe Plisson. Il en va des régions comme de la composition de l’équipe de France de football : chacun a son idée et la défend avec passion. Le territoire où je suis né et dont je suis l’élu est un territoire périphérique de langue d’oïl qui parlait charentais « à pleine goule » et qui s’est retrouvé noyé dans une Aquitaine occitane. Autant dire que je milite pour un rattachement avec la région Poitou-Charentes, ce qui reconstituera l’Aquitaine historique de la guerre de Cent Ans ! Cela dit, j’entends aussi les arguments de Mme Martine Lignières-Cassou et de M. David Habib.

Bref, ce n’est pas ici, et à quelques-uns, que nous allons dessiner les limites définitives des régions et décider du destin de leurs habitants. Je soutiens donc la solution de bon sens du rapporteur, qui rétablit la carte du Gouvernement comme base de départ pour des discussions et évolutions à venir. J’espère que nous parviendrons à un consensus sur le meilleur découpage possible. Mais nous ne pourrons le faire au détour d’une petite réunion de cette commission, qui, à mon avis, n’en a pas la compétence.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Ce dernier propos est un peu maladroit, mon cher collègue !

M. Philippe Plisson. Je voulais parler de pertinence.

M. Guillaume Chevrollier. Favorable, comme beaucoup de Français, à la simplification du « millefeuille » administratif, je crains que l’improvisation dont fait preuve le Gouvernement ne transforme cette réforme en occasion manquée et n’accroisse encore la distance entre la sphère politique et les citoyens. Le débat est en train de partir dans tous les sens, alors qu’une telle réforme devrait mettre le pays en mouvement. Taxer l’UMP d’immobilisme en la matière n’est pas acceptable : notre réforme instituant les conseillers territoriaux visait précisément, en rapprochant les conseils généraux et les conseils régionaux, à permettre des avancées. C’est en s’appuyant sur les élus locaux et sur les territoires que l’on construira la France du XXIe siècle. Si chacun se met à constituer des regroupements à sa guise, nous allons droit dans le mur. Rappelons que ce sujet majeur ne figurait pas dans le programme présidentiel. Il est regrettable de présenter un tel projet en procédure accélérée pendant l’été, à un moment où une partie de la population ne suit plus forcément l’actualité. Vraiment, le débat est mal engagé !

M. Laurent Furst. L’analyse que fait la majorité est erronée : au plan européen, on voit bien que ce n’est pas la dimension qui fait la prospérité. On disposait pourtant d’un schéma initial qui avait une logique, avec la suppression du conseil général et le partage de ses compétences entre les intercommunalités et les régions. Le point de départ paraissait assez sain, mais le résultat auquel on aboutit est étonnant !

Mes chers collègues de la majorité, vous avez trouvé le pays dans une situation difficile il y a deux ans, certes, mais vous avez ajouté aux dysfonctionnements de l’économie. Le secteur du bâtiment s’effondre. Les constructions de logements sont passées de 400 000 à 300 000 par an.

M. le rapporteur pour avis. La première baisse remonte à 2008.

M. Laurent Furst. C’est exact, mais le mouvement s’amplifie depuis deux ans.

Alors que, globalement, les collectivités locales fonctionnent bien, vous allez les faire entrer dans une période d’incertitude, d’attentisme et de stagnation de l’investissement. Il en résultera des difficultés supplémentaires.

Le sujet ne relève pas de l’affrontement traditionnel entre la gauche et la droite. Les députés ont une culture, des traditions, une vision différente selon la région d’où ils viennent. Il est donc fondamental, lorsque l’on engage une réforme territoriale, de s’assurer qu’elle est suffisamment acceptable pour survivre à une alternance. Dans la mesure où vous ne vous posez même pas la question, je crains que ce ne soit pas le cas de celle-ci. C’est fort dommage pour nous tous et pour tous nos concitoyens !

L’amendement CD18 rectifié fait l’objet du sous-amendement CD40 de M. Philippe Noguès.

M. Philippe Noguès. La question ne relève pas, j’en suis d’accord, de l’affrontement gauche-droite. Je pense d’ailleurs que M. Yannick Favennec appréciera mon sous-amendement.

Quant à l’écotaxe, monsieur Patrice Carvalho, je suis un des rares députés bretons à avoir soutenu une participation, fût-elle minimale, de la Bretagne. On n’a malheureusement pas retenu ma candidature pour participer à la mission d’information que l’Assemblée a constituée sur ce sujet.

Cela dit, pour remédier aux inconvénients liés au caractère périphérique de la Bretagne, une des solutions pourrait être la fusion avec les Pays de la Loire. Trois possibilités sont en débat : le statu quo, la Bretagne restant à quatre départements et les Pays de la Loire à cinq ; la solution « bretonnante » à cinq départements, qui reconstitue la Bretagne historique mais qui pose le problème du détachement de la Loire-Atlantique ; enfin la fusion des deux régions, à laquelle, d’après un sondage publié la semaine dernière, 63 % des Bretons et 67 % des Ligériens sont favorables. Sachant que les régions Bretagne et Pays de la Loire travaillent déjà en coopération étroite sur bien des sujets, cette troisième solution me semble la plus pragmatique et la plus pertinente.

M. le rapporteur pour avis. Je le répète, c’est la situation créée par le Sénat qui m’a poussé à déposer mon amendement. Le texte que l’on nous a transmis ne comporte aucune carte.

Soit dit en passant, monsieur Martial Saddier, il n’y a pas concomitance entre son examen par notre commission et son passage en commission des lois : cette dernière a procédé aujourd’hui à l’audition du ministre de l’intérieur et n’abordera les amendements que demain après-midi. D’une certaine manière, le Sénat a refusé la première lecture. Je propose donc que nous transmettions à la commission des lois, comme base de discussion, la version du Gouvernement.

Contrairement à ce que vous dites, il nous a été indiqué qu’il y aurait une seconde lecture à l’automne, et la décision ne se prendra pas dans la précipitation. Le temps de la discussion est ouvert pour chacun. Je peux avoir une préférence pour telle ou telle piste esquissée aujourd'hui au plan local. Mais, en tant que rapporteur pour avis, je ne peux vous proposer de redessiner la carte dans sa globalité. Nous pourrions nous y essayer, mais le temps n’est pas encore venu.

La commission des lois, saisie au fond, a procédé à une trentaine d’heures d’auditions, ce que nous n’avons pas eu la possibilité de faire. Le signe que nous devons envoyer, c’est que nous souhaitons que la discussion de la carte régionale avance sur la seule base légitime de discussion : celle que propose le Gouvernement.

Si nous ne procédons pas ainsi, le texte sortira de son examen en commission du développement durable et de l’aménagement du territoire avec une carte au mieux incohérente, puisque nous ne l’aurons pas étudiée dans sa globalité – la proposition de M. Jean-Christophe Fromantin est intéressante, mais elle mérite une analyse plus détaillée –, au pire adoptée sans consensus, ce qui ne ferait qu’ajouter à la difficulté.

On ne peut tracer une telle carte dans la facilité. On doit forcément descendre dans des considérations d’intérêt local, dans la vision que chacun a de son propre territoire de vie. Il faut prendre le temps de la discussion. Le texte actuel est dépourvu d’article 1er. Le Sénat n’a pris aucune position sur quelque carte que ce soit : nous ne connaissons que les points d’accord qui semblaient se dégager des discussions de la commission spéciale. Réamorçons le débat, mais ce n’est pas notre commission qui doit le conclure aujourd'hui !

Quant au sous-amendement, j’émets un avis défavorable pour les raisons que j’ai exposées. Je n’ai pas à juger de son contenu à ce stade.

La Commission rejette le sous-amendement CD40.

Puis elle adopte l’amendement CD18 rectifié.

En conséquence, les amendements CD1, CD2, CD38 et CD39 tombent.

Par ce vote, elle exprime un avis favorable au rétablissement de l’article 1er ainsi rédigé.

Articles 2 [supprimé]
Fixation du chef-lieu des nouvelles régions

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CD19 du rapporteur pour avis, CD13 de M. Jean-Christophe Fromantin et CD5 de M. Jean-Jacques Cottel.

M. le rapporteur pour avis. Il s’agit de rétablir l’article 2 relatif à la fixation des chefs-lieux des futures régions. Le texte initial du Gouvernement comporte une faiblesse : il ne prévoit qu’une consultation réduite alors que le sujet fera certainement l’objet de discussions intenses. Je souhaite donc élargir la consultation. Dans la mesure où ces collectivités ont une compétence en matière de développement économique, il me semble intéressant d’associer les chambres consulaires, notamment les CESER (conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux), à un débat qui sera sans nul doute épineux.

L’amendement CD19 reprend donc la position gouvernementale et l’améliore sur ce point.

M. Jean-Jacques Cottel. L’amendement CD5 vise également à rétablir l’article 2, en y ajoutant une disposition sur les modalités de dénomination des nouvelles régions. Il dispose que les dénominations proposées « doivent être intelligibles au plus grand nombre » et que l’on évite en particulier des noms trop longs, peu identifiables ou qui pourraient poser des problèmes dans le cadre des échanges internationaux.

M. Jean-Christophe Fromantin. L’amendement CD13 répond à la même logique que mon amendement précédent. La démarche du texte est de regrouper des régions, puis de leur chercher un chef-lieu. Conformément à la récente loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, je propose, à l’inverse, de construire les territoires de croissance que seront les grandes régions à partir de huit métropoles pivots.

Dans cet article 2, vous créez des chefs-lieux administratifs là où l’on a besoin d’une vision dynamique des territoires, articulant nos futures régions à des métropoles qui auront une vocation d’animation, de développement et de connexion au monde.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement, monsieur Jean-Christophe Fromantin, se focalise sur la question de la métropole. Or toutes les régions n’ont pas de métropole.

M. Jean-Christophe Fromantin. Il est cependant cohérent avec mon précédent amendement.

M. le rapporteur pour avis. J’en conviens volontiers. Simplement, vous préjugez d’une solution sans savoir si nous suivrons cette direction. On ignore encore s’il y aura une métropole dans chacune des quatorze régions. J’entends votre raisonnement mais je ne suis pas favorable à l’amendement.

S’agissant de l’amendement CD5, monsieur Jean-Jacques Cottel, je doute qu’il soit du rôle du législateur de se porter garant en matière de dénominations, d’acronymes ou autres. Pour l’instant, le Gouvernement propose d’accoler les noms des régions regroupées, mais on ne peut fixer aujourd'hui de critères pour l’intitulé définitif. La discussion doit avoir lieu au niveau des régions. Avis défavorable.

M. Alain Gest. Parmi les chambres consulaires qu’il souhaite associer à la consultation, l’amendement du rapporteur ne mentionne que les chambres régionales de commerce et d’industrie. Soit on considère que les CESER, où ces dernières sont représentées, suffisent, soit on consulte tout le monde !

M. Martial Saddier. Je souhaite revenir sur le vote précédent. Il aura fallu la voix du président pour rétablir le texte du Gouvernement !

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Vous ne pouvez pas dire cela : il y avait quinze voix pour et dix voix contre.

M. Martial Saddier. C’était un vote extrêmement serré.

Par ailleurs, monsieur le rapporteur pour avis, si notre commission se saisit d’un texte, c’est pour l’examiner à travers le prisme du développement durable et de l’aménagement du territoire. En refusant à notre commission le droit d’amender la carte, vous nous empêchez d’apporter notre marque en matière d’aménagement et de développement des territoires, en tenant compte notamment du travail remarquable qu’a effectué M. Jean-Christophe Fromantin.

Franchement, si notre commission ne saisit pas l’occasion d’apporter ce prisme, il y a lieu de se poser des questions !

M. le rapporteur pour avis. Je ne commenterai pas le résultat du scrutin. L’UMP est brouillée avec les chiffres en ce moment. (Murmures sur les bancs UMP).

M. Laurent Furst. Un peu de décence !

M. le président Jean-Paul Chanteguet. J’invite chacun au calme.

M. le rapporteur pour avis. Cela dit, la remarque d’Alain Gest sur mon amendement est juste. Mon intention était d’associer à la consultation les chambres consulaires en général et non les chambres régionales de commerce et d’industrie en particulier. Je propose donc, au deuxième paragraphe de l’amendement, de substituer aux mots : « des chambres régionales de commerce et d’industrie » les mots : « des chambres consulaires ».

La Commission adopte l’amendement CD19 rectifié.

En conséquence, les amendements CD13 et CD5 tombent.

Par ce vote, elle exprime un avis favorable au rétablissement de l’article 2 ainsi rédigé.

Article 3
(article L. 4111-1 et L. 4123-1, chapitre IV du titre II du livre Ier de la quatrième partie du code général des collectivités territoriales) :

Coordinations

La Commission est saisie de l’amendement CD20 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Le Gouvernement considérant que les regroupements seront acquis à l’issue de l’examen du projet de loi, il supprime par cet article la procédure existante de fusion des régions. Je crois, au contraire, que le code général des collectivités territoriales doit laisser cette possibilité ouverte et je vous invite à la maintenir. On ne peut exclure des ajustements dans les dix ou vingt ans à venir, si les conseils régionaux en expriment la volonté.

M. Laurent Furst. L’ajustement peut être une fusion, mais il peut aussi prendre la forme d’une scission. Ce cas de figure est-il couvert ?

M. le rapporteur pour avis. Je comprends votre question et ce qu’elle sous-entend. Mais le sujet n’est pas là. La procédure existante que le Gouvernement souhaite supprimer porte uniquement sur les fusions.

M. Martial Saddier. C’est un bon amendement. Il respecte les territoires et le pouvoir d’initiative des élus locaux. Je pense notamment à l’institution des CDCI (commissions départementales de coopération intercommunale) par notre loi de réforme territoriale, qui visait à laisser l’initiative aux territoires et aux élus locaux. Pour le coup, nous donnons de la force à l’action de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

M. Alain Gest. Les territoires que la Commission s’honore de défendre seraient renforcés si le rapporteur déposait un amendement laissant aux régions fusionnées la liberté de se séparer à l’amiable.

M. le rapporteur pour avis. En assouplissant le droit d’option pour les départements, l’amendement que je vais vous présenter permet de fait la scission des nouvelles régions.

Je suis très sensible à l’argument du respect des territoires. C’est la raison pour laquelle cet amendement donne aux régions la possibilité de modifier la carte proposée par le Parlement en fusionnant.

La Commission adopte l’amendement, exprimant ce faisant un avis favorable à l’adoption de l’article 3 ainsi rédigé.

Après l’article 3

La Commission est saisie de l’amendement CD21 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Le projet de loi propose un regroupement des régions par blocs et interdit tout ajustement infrarégional. Or nous sommes nombreux à être convaincus de la nécessité d’un droit d’option pour les départements. Cet amendement entend faciliter l’exercice de ce droit en supprimant l’obligation de consultation des électeurs. Dès lors que les trois parties y consentent, le département peut quitter sa région d’origine pour en rejoindre une autre. Cette faculté offerte aux départements permet de poursuivre le débat sur la carte des régions qui laisse un goût d’inachevé, j’en conviens.

Néanmoins, le droit d’option ne sera pas exercé immédiatement, afin de stabiliser les régions nouvellement créées. Il ne sera ouvert qu’à partir de 2016, après l’élection des nouveaux conseils régionaux. Cette faculté ne serait ouverte que pour une durée de quatre années correspondant à la durée de vie des départements, soit jusqu’à l’année 2020.

M. Laurent Furst. En enfermant le droit d’option dans un laps de temps très court, vous introduisez des contraintes supplémentaires dans un dispositif que vous prétendez assouplir. Pourquoi ne pas ouvrir cette possibilité immédiatement ?

M. Alain Calmette. Je suis favorable au droit d’option pour les départements qui permet, une fois les régions stabilisées, d’affiner la carte régionale.

Je m’interroge néanmoins sur l’articulation entre votre amendement et l’article 3 voté par le Sénat qui prévoit un droit d’option pour les départements sans contrainte de temps et sans l’avis de la région d’origine.

M. Philippe Bies. Il n’y a probablement pas de bonne méthode pour dessiner la carte des régions. Grâce à cet amendement qui atténue la rigidité de la méthode choisie, nous aboutissons certainement à la meilleure solution pour éviter la pagaille.

M. François-Michel Lambert. Un département qui n’est pas limitrophe d’une région à laquelle il souhaite être rattaché peut-il l’être si le département qui l’en sépare choisit également de rejoindre ladite région ?

La réforme territoriale est débattue depuis longtemps dans toutes les collectivités territoriales. L’idée d’encadrer dans le temps le droit d’option me semble très pertinente car la nouvelle France des régions doit être stabilisée. Je soutiens pleinement votre amendement.

M. le rapporteur pour avis. Le Sénat propose d’ouvrir le droit d’option dès à présent. Il me semble présomptueux d’autoriser le transfert des départements alors que les différents textes auront à peine fini leur parcours législatif et que les échéances électorales seront proches. La version du Sénat est certes plus souple dans le temps mais ne dispense pas de la consultation référendaire.

Dans le cas évoqué par M. François-Michel Lambert, le département deviendrait à son tour limitrophe de la région ayant absorbé le département tampon et pourrait donc bénéficier du dispositif.

M. François-Michel Lambert. Les rattachements peuvent-ils être concomitants ?

M. le rapporteur pour avis. Non, il faudra procéder par étapes.

M. Alain Calmette. Ma question ne portait pas sur le fond, que j’approuve, mais sur la forme : cet amendement se substitue-t-il à l’article adopté par le Sénat ?

M. le rapporteur pour avis. Oui, puisque nous avons supprimé l’article auquel vous faites allusion avant d’introduire celui-ci.

M. Alain Gest. L’amendement CD15 à l’article 4 risque de tomber alors qu’il mérite notre attention puisqu’il conditionne les dotations de l’État à l’effort consenti pour la mise en place de la nouvelle carte.

La Commission adopte l’amendement CD21.

Article 4 [supprimé]
Date de mise en œuvre de la nouvelle carte régionale

La Commission adopte l’amendement de cohérence CD22 du rapporteur pour avis.

Par ce vote, elle exprime un avis favorable au rétablissement de l’article 4 ainsi rédigé.

Chapitre II
Dispositions relatives aux élections régionales

Article 5
(article L. 335 du code électoral)

Assimilation de la métropole de Lyon à une section départementale pour l’élection des conseillers régionaux

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 5 sans modification.

Article 6 [supprimé]
(tableau n° 7 annexé au code électoral)

Répartition des conseillers régionaux entre régions et des candidats entre sections départementales

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CD23 du rapporteur pour avis, CD8 deuxième rectification et CD9 rectifié, tous deux de M. Alain Calmette.

M. le rapporteur pour avis. L’amendement CD23 rétablit l'article 7 relatif au nombre de candidats par section départementale aux élections régionales à venir.

Si la réforme se traduisait par une inflation du nombre des conseillers régionaux, nous enverrions un mauvais signal à nos concitoyens. Nous devons garantir la bonne gouvernance des nouvelles entités sans doper les effectifs, d’autant que ces derniers posent également des questions immobilières sérieuses.

M. Alain Calmette. L’amendement CD8 poursuit deux objectifs difficiles à concilier : la bonne représentation des territoires ruraux, d’une part, et le respect de l’égalité du suffrage, d’autre part.

Actuellement, six départements sont représentés par moins de quatre conseillers régionaux par section. C’est insuffisant. L’amendement propose d’augmenter le nombre de candidats pour ces départements répartis dans les quatre régions Auvergne-Rhône-Alpes, Centre-Limousin-Poitou-Charentes, Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées, Provence-Alpes-Côte d'Azur, de telle sorte que le nombre minimum de candidats par département ne soit pas inférieur à sept – sauf pour la Lozère qui en compterait six – sans que les autres départements des régions concernées en soient pénalisés. L’égalité du suffrage est ainsi préservée tout en assurant une représentativité des départements les moins peuplés.

Cet amendement, en ajoutant soixante et un candidats, présente l’inconvénient d’augmenter le nombre d’élus mais celui-ci reste inférieur au nombre actuel.

Le Premier ministre, en visite à Clermont-Ferrand, s’est dit ouvert à la discussion après avoir reconnu l’anomalie que constituerait une région Auvergne-Rhône-Alpes comptant moins d’élus que la seule région Rhône-Alpes aujourd’hui.

L’amendement CD9 a une fonction de repli. Il s’inspire de la jurisprudence du Conseil constitutionnel pour la redistribution départementale tolérant une variation de plus ou moins 20 % par rapport à la moyenne d’élus par nombre d’électeurs.

Ainsi, la région Auvergne-Rhône-Alpes compte 150 conseillers régionaux pour 7,2 millions habitants, soit une moyenne de 48 000 habitants par conseiller. Pour une meilleure représentation des territoires, elle serait ramenée à 38 400 pour les départements les moins peuplés et élargie à 57 600 pour les départements les plus peuplés. Les modalités d’application de ce principe de répartition interdépartementale seraient fixées pour chaque région par le Conseil d’État.

M. Martial Saddier. Monsieur le rapporteur, j’entends votre discours sur le mauvais signal adressé à l’opinion publique ainsi que les risques au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur la représentation des territoires.

Toutefois, ce texte s’inscrit clairement dans la logique de la suppression des départements. Le nombre des conseillers régionaux a été fixé à 150 alors que ceux-ci ont vocation à se substituer à la fois aux conseillers régionaux et aux conseillers départementaux actuels. Dans ces conditions, comment assurer un minimum de représentativité pour les territoires sous-peuplés – périurbains, littoraux, de montagne, touristiques, ceux-ci étant caractérisés par la forte variation de leur population ?

En Auvergne-Rhône-Alpes, par exemple, qui comptera plus de 9 millions d’habitants, la représentation de ces territoires dans l’assemblée régionale sera symbolique. Je ne donne pas cher de leur peau lorsqu’il s’agira d’aller se faire entendre sur les budgets ou les politiques territoriales.

M. Alain Gest. Je salue le souci du rapporteur de ne pas augmenter le nombre de conseillers régionaux. C’est cette même préoccupation qui nous avait conduits à diminuer de 40 % le nombre d’élus régionaux et départementaux grâce à la création des conseillers territoriaux. Dans votre texte, ce nombre sera équivalent, voire supérieur. C’est une évolution que nous vous laissons assumer.

En outre, la réforme que nous proposions s’appuyait sur le territoire cantonal afin de préserver la proximité que vient d’évoquer M. Martial Saddier.

Enfin, vous ne modifiez pas le mode de scrutin régional. Dans de grandes régions, les élus à la proportionnelle seront inexistants. Le pouvoir sera entre les mains du président de région et de son cabinet ainsi que de l’administration. Le nombre d’élus n’a donc aucune importance.

M. Laurent Furst. Les Français auront du mal à comprendre cette réforme alors qu’ils réclament de la proximité avec leurs élus.

Ils ne comprendront pas plus que le ministre de la réforme territoriale annonce des milliards d’économies et, dans le même temps, jette aux orties une réforme qui diminuait le nombre d’élus. Si on ajoute la suppression des conseillers départementaux et le maintien de conseillers régionaux inconnus du grand public demain, les Français peineront à trouver une once de cohérence dans l’addition de mesures que vous avez fait voter à l’Assemblée depuis deux ans.

M. le rapporteur pour avis. S’agissant du mode de scrutin, je partage votre avis, et je suis favorable à une évolution vers un scrutin mixte pour une meilleure incarnation locale des politiques régionales. Nous subissons déjà les inconvénients du mode de scrutin instauré par M. Jean-Pierre Raffarin en 2003. Ils demeureront avec les nouvelles régions.

Si, en plus de la carte régionale et des compétences, la majorité avait décidé de modifier le mode de scrutin, vous auriez dénoncé une manœuvre politicienne, susceptible de nourrir le soupçon que vous vous plaisez à entretenir.

Je vous propose une autre méthode : conserver le mode de scrutin pour 2015 mais exiger du Gouvernement qu’il engage une réflexion sur un mode de scrutin mixte. On peut imaginer, sur le modèle italien, un système plurinominal de liste que nous connaissons déjà pour le scrutin municipal dans les communes de moins de 1 000 habitants.

Je vous redis mon accord sur le fond : il est nécessaire de trouver un mode de scrutin pour les régions qui assure une meilleure représentation de ces dernières et une meilleure intégration à l’échelle locale.

La Commission adopte l’amendement CD23.

En conséquence, les amendements CD8 deuxième rectification et CD9 rectifié tombent.

Par ce vote, elle exprime un avis favorable au rétablissement de l’article 6 ainsi rédigé.

Article 7
(article L. 338-1 du code électoral)

Attribution minimale d’un siège de conseiller régional, par section départementale

La Commission est saisie de l’amendement CD24 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Le projet de loi garantit, à l’issue du scrutin, un seul siège pour les départements à faible densité démographique. Le Sénat a porté ce chiffre à cinq, ce qui n’est pas compatible avec les exigences constitutionnelles.

L’amendement propose une voie médiane en fixant à deux par section départementale le nombre plancher de sièges attribués lors des élections régionales.

M. Martial Saddier. Le groupe UMP votera contre cet amendement.

La Commission adopte l’amendement, exprimant ce faisant un avis favorable à l’adoption de l’article 7 ainsi rédigé.

Article 8
Entrée en vigueur des dispositions relatives à l’élection des conseillers régionaux

La Commission adopte l’amendement de rétablissement CD25 du rapporteur, exprimant ce faisant un avis favorable à l’adoption de l’article 8 ainsi rédigé.

Chapitre III
Dispositions relatives au remplacement des conseillers départementaux

Article 9
(article L. 221 du code électoral)

Élections départementales partielles

La Commission émet un avis favorable à l’adoption sans modification de l’article 9.

Article 10
(article L. 223 du code électoral)

Adaptation des règles de contentieux électoral

La Commission émet un avis favorable à l’adoption sans modification de l’article 10.

Article 11 [supprimé]
Entrée en vigueur des règles nouvelles de remplacement des conseillers départementaux

La Commission émet un avis favorable au maintien de la suppression de l’article 11.

Chapitre IV
Dispositions relatives au calendrier électoral

Article 12 [supprimé]
(article 21 de la loi n° 2011-884 du 27 juillet 2011 relative aux collectivités territoriales de Guyane et de Martinique, article 3 de la loi organique n° 2010-1486 du 7 décembre 2010 relative au Département de Mayotte et article 47 de la loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 relative à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral)

Modification de la durée des mandats des élus régionaux et départementaux

La Commission examine l’amendement CD26 du rapporteur pour avis

M. le rapporteur pour avis. La tenue des élections régionales en décembre 2015 coïncide inopportunément avec l’organisation de la conférence climatique. L’amendement propose d’avancer l’échéance électorale au mois de novembre afin de ne pas parasiter le rôle de premier plan que la France souhaite jouer dans ces discussions.

La Commission adopte l’amendement, exprimant ce faisant un avis favorable au rétablissement de l’article 12 ainsi rédigé.

Après l’article 12

La Commission est saisie de l’amendement CD6 de M. Jean-Jacques Cottel.

M. Jean-Jacques Cottel. Cet amendement pose, pour les élections régionales de 2020, le principe du scrutin nominal et territorial. Il laisse néanmoins la possibilité d'organiser un scrutin de liste à la proportionnelle pour les métropoles et les collectivités territoriales à statut particulier.

M. le rapporteur pour avis. L’amendement CD29 à venir répond en partie à votre préoccupation en demandant au Gouvernement la remise d’un rapport sur l’évolution du mode de scrutin régional.

M. Jean-Jacques Cottel. J’espère que le rapport que vous suggérez ira dans le bon sens. Je retire donc mon amendement.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement CD27 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Aujourd’hui, le président de région n’a aucune obligation d’assurer la représentation proportionnelle des groupes politiques au sein des commissions. L’amendement remédie à cette anomalie.

M. Laurent Furst. Je vous donne raison sur les amendements qui s’intéressent à l’organisation et au fonctionnement des collectivités. Sur ce même sujet, le statut du président de région, qui assume des responsabilités immenses et gère un budget qui ne l’est pas moins, mérite d’être revu.

La Commission adopte l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CD28 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Dans une logique de contre-pouvoir utile, l’amendement confie à l’opposition la présidence de la commission régionale en charge des finances et du contrôle budgétaire, à l’instar de la règle en vigueur dans les assemblées parlementaires.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement CD29 du même auteur.

Elle examine ensuite l’amendement CD30, également du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Je regrette de ne pas avoir le temps de présenter comme il se doit cet amendement fondamental qui dissocie les fonctions exécutives de la présidence de l’assemblée délibérante, à l’instar de la collectivité territoriale de Corse.

Il ne s’agit pas d’un fantasme de juriste mais bien de conforter les contre-pouvoirs dans des régions qui seront dotées de compétences très fortes. Aujourd’hui, ceux-ci sont quasi inexistants, M. Gilles Savary l’a souligné en prenant l’exemple de la presse quotidienne régionale.

Avec les trois amendements que je viens d’évoquer, je vous propose un système complet pour garantir les droits de l’opposition dans de puissantes régions.

M. Laurent Furst. La dichotomie du pouvoir instaurée par cet amendement existe en Corse et ailleurs. Mais cet amendement n’a rien à voir avec les droits de l’opposition. Je ne suis pas persuadé qu’il soit porteur d’une grande avancée pour la démocratie.

La Commission adopte l’amendement.

*

* *

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’ensemble du projet de loi ainsi modifié, les groupes UDI et UMP votant contre.

LISTE DES AMENDEMENTS EXAMINÉS EN COMMISSION

Les amendements déposés en Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire sont consultables sur le site internet de l’Assemblée nationale. (1)

© Assemblée nationale

1 ()http://www2.assemblee-nationale.fr/recherche/amendements#listeResultats=tru&idDossierLegislatif=33251&idExamen=3996&numAmend=&idAuteur=&idArticle=&idAlinea=&sort=&dateDebut=&dateFin=&periodeParlementaire=&texteRecherche=&zoneRecherche=tout&nbres=10&format=html&regleTri=ordre_texte&ordreTri=croissant&start=1