Fabrication de la liasse
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Le titre VIII de la Constitution est complété par un article 66‑2 ainsi rédigé :

« Art. 66‑2. – La négation des crimes de génocide et crimes contre l’humanité reconnus par la nation ou par une juridiction française ou internationale est réprimée dans les conditions définies par la loi au même titre que l’apologie des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. »

Exposé sommaire

Le 29 mai 1998, l’Assemblée nationale adoptait le principe suivant : « La France reconnaît publiquement le génocide arménien de 1915 ».

Ce principe devenait officiellement une loi de la République avec la loi n° 2001‑70 du 29 janvier 2001 relative à la reconnaissance du génocide des Arméniens de 1915.

En reconnaissant l’existence du premier génocide du XXe siècle, la République française redonnait symboliquement au génocide des Arméniens une place dans la mémoire collective de l’humanité.

Or, à l’heure actuelle, il y a une incohérence dans le dispositif juridique français : si la négation de la Shoah est pénalisée, il n’existe aucun moyen pour pénaliser la négation des autres génocides dont celui des Arméniens.

La jurisprudence actuelle du Conseil constitutionnel, par deux fois, a censuré un dispositif législatif pénalisant la négation du génocide arménien puis des génocides reconnus par la loi française :

1. Par une loi du 23 janvier 2012 réprimant la contestation de l’existence de tous les génocides reconnus par la loi, le législateur a prévu des sanctions pénales à l’encontre de ceux qui contesteraient ou minimiseraient de façon outrancière l’existence d’un crime de génocide défini par l’article 211‑1 du code pénal et reconnu comme tel par la loi française.

Or, le Conseil constitutionnel, par une décision du 28 janvier 2012 a censuré cette loi qui portait selon lui une atteinte inconstitutionnelle à l’exercice de la liberté d’expression et de communication.

2. Par une loi du 27 janvier 2017, Egalité et citoyenneté, le législateur a voulu élargir une nouvelle fois l’incrimination du négationnisme. Cette loi permettait d’incriminer la négation du génocide arménien à partir de deux hypothèses :

-d’une part lorsqu’elle a donné lieu à une condamnation prononcée par une juridiction française ou internationale ;

-d’autre part lorsqu’elle a constitué une incitation à la violence ou à la haine à l’égard d’un groupe de personnes ou d’un membre d’un tel groupe défini par référence à la prétendue race, la couleur, la religion, l’ascendance ou l’origine nationale.

Alors que le Conseil constitutionnel ne s’est pas prononcé sur la première hypothèse de négationnisme, il a censuré la seconde dans une décision du 26 janvier 2017.

Rappelons que la qualification de génocide concernant les crimes subis par la population arménienne en 1915 et 1916 dans l’Empire ottoman et qui conduisit près d’1,5 millions de femmes, d’hommes et d’enfants à la mort ne fait l’objet d’aucune discussion par la communauté scientifique. Et pour cause, Raphaël Lemkin, juriste à l’origine du concept juridique de génocide a, à plusieurs reprises, rappelé que la nécessité de créer une telle qualification juridique lui était apparu en constatant le caractère réitéré des crimes de génocides et les similitudes majeures entre les massacres des Arméniens de 1915‑1916 et la Shoah.

L’adoption d’une telle modification constitutionnelle permettra ainsi de respecter l’engagement pris par le Président de la République lors du dîner annuel du Conseil de Coordination des organisations Arméniennes de France du mardi 30 janvier 2018. Il affirmait à cette occasion qu’« il est essentiel que la représentation nationale se ressaisisse dans les prochains mois de ce sujet et à nouveau le porte jusqu’à son terme ».

Cette initiative de réforme constitutionnelle vise en effet à permettre à la représentation nationale d’adopter un nouveau dispositif législatif qui pénalisera la négation de tous les génocides comme ce fut déjà le cas à deux reprises avec l’assentiment de députés et sénateurs issus de toutes les forces politiques républicaines du pays et sans que le Conseil constitutionnel ne vienne à nouveau censurer le dispositif.

Le nouveau dispositif législatif s’appliquera ainsi au même titre que l’article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse réprimant l’apologie des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité.

Il ne peut pas enfin être opposé à cet amendement le risque que toute expression publique soit protégée automatiquement par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH).

En effet, l’arrêté Perinçek c. Suisse du 15 octobre 2015 stipule que la Suisse a été condamnée pour avoir restreint à tort la liberté d’expression du ressortissant turc, M. Dogu Perinçek : son propos considérait le génocide arménien comme « un mensonge international » de la part des « grandes puissances », mais ne visait pas explicitement la dignité des Arméniens.

Or, le même arrêté de la CEDH précise que tout Etat membre peut pénaliser la négation du génocide arménien dès lors que cette négation engendre une incitation à la haine et vise directement la dignité des victimes, ascendants et descendants du génocide arménien (principe du négationnisme qualifié).

Il n’est donc pas possible de préjuger d’un éventuel arrêt de la CEDH qui aurait à traiter d’une requête dont les paramètres seraient différents de l’affaire Perinçek c. Suisse.

Il appartient aujourd’hui à notre formation politique de tenir l’engagement du Président de la République et de prendre toute notre part à cette démarche de justice pour laquelle les partis politiques ont réussi jusqu’à présent à dépasser les clivages partisans, faisant ainsi l’honneur de notre République.