Fabrication de la liasse
Adopté
(jeudi 15 novembre 2018)
Déposé par : Le Gouvernement

I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :

A. – Le II de l’article 150 UA est complété par un 3° ainsi rédigé :

« 3° Aux crypto‑actifs mentionnés à l’article 150 VH bis. ».

B. – Le VII ter de la 1ère sous-section de la section II du chapitre premier du titre premier de la première partie du livre premier, est complété par un 3 ainsi rédigé :

 « 3. Crypto-actifs

« Art. 150 VH bis. – I. – Par dérogation à l’article 150 UA et sous réserve des dispositions propres aux bénéfices professionnels, les plus-values réalisées par les personnes physiques domiciliées fiscalement en France au sens de l’article 4 B, directement ou par personne interposée, lors d’une cession à titre onéreux de crypto-actifs ou de droits s’y rapportant sont passibles de l’impôt sur le revenu dans les conditions prévues au présent article.

« II. – Les dispositions du I ne sont pas applicables aux opérations d’échange sans soulte entre crypto-actifs définis au même I.

« III. – La plus ou moins-value brute réalisée lors de la cession de biens ou droits mentionnés au I est égale à la différence entre, d’une part, le prix de cession et, d’autre part, le produit du prix total d’acquisition de l’ensemble du portefeuille de crypto-actifs par le quotient du prix de cession sur la valeur globale de ce portefeuille.

« A. – Le prix de cession à retenir est le prix réel perçu ou la valeur de la contrepartie obtenue par le cédant, le cas échéant comprenant la soulte qu’il a reçue ou minoré de la soulte qu’il a versée lors de cette cession.

« Le prix de cession est réduit, sur justificatifs, des frais supportés par le cédant à l’occasion de cette cession.

« B. – Le prix total d’acquisition du portefeuille de crypto-actifs est égal à la somme des prix effectivement acquittés en monnaie ayant cours légal à l’occasion de l’ensemble des acquisitions de crypto-actifs ou de droits y afférents réalisées avant la cession et de la valeur de chacun des biens, autres que des crypto-actifs remis lors d’échanges ayant bénéficié du sursis d’imposition prévu au II, comprenant le cas échéant les soultes versées, remis en contrepartie de crypto‑actifs ou de droits avant cette même cession.

« En cas d’acquisition à titre gratuit, le prix d’acquisition à retenir s’entend de la valeur retenue pour la détermination des droits de mutation à titre gratuit ou, à défaut, de la valeur réelle des crypto‑actifs déterminée au moment de leur entrée dans le patrimoine du cédant.

« Le prix total d’acquisition déterminé par application des deux premiers alinéas du présent B est réduit de la somme des fractions de capital initial contenues dans la valeur ou le prix de chacune des différentes cessions de crypto-actifs, à titre gratuit ou onéreux hors échanges ayant bénéficié du sursis d’imposition prévu au II, antérieurement réalisées. Lorsqu’un ou plusieurs échanges avec soulte reçue par le cédant ont été réalisés antérieurement à la cession imposable, le prix total d’acquisition est minoré du montant des soultes.

« C. – La valeur globale du portefeuille de crypto-actifs est égale à la somme des valeurs, évaluées au moment de la cession imposable, des différents crypto-actifs détenus par le cédant avant de procéder à la cession.

 « IV. – Les moins-values brutes subies au cours d’une année d’imposition au titre des cessions de biens ou droits mentionnés au I sont imputées exclusivement sur les plus‑values brutes de même nature, réalisées au titre de cette même année.

« V. – A. – L’impôt sur le revenu correspondant à la plus-value mentionnée au présent article est versé par la personne physique qui réalise, directement ou par personne interposée, la cession.

« Les redevables portent sur la déclaration annuelle prévue à l’article 170 le montant global de la plus ou moins‑value réalisée au titre des cessions imposables de l’année. Ils joignent à cette déclaration une annexe conforme à un modèle établi par l’administration, sur laquelle ils mentionnent et évaluent l’ensemble des plus ou moins‑values réalisées à l’occasion de chacune des cessions imposables effectuées au cours de l’année.

« B. – Un décret détermine les obligations déclaratives incombant aux redevables et aux personnes interposées mentionnées au I. ».

C. – La section V du chapitre premier du titre premier de la première partie du livre premier est complétée par un VI ainsi rédigé :

« VI. Imposition des plus-values réalisées à l’occasion de cessions de crypto-actifs

« Art. 200 C. – Les plus-values réalisées dans les conditions prévues à l’article 150 VH bis sont imposées au taux forfaitaire de 12,8 %. ».

D. – Le I quater du chapitre premier du titre premier de la troisième partie du livre premier est ainsi rétabli :

« I quater. Déclaration relative aux crypto-actifs

« Art. 1649 bis C. – Les personnes physiques, les associations, les sociétés n’ayant pas la forme commerciale, domiciliées ou établies en France, sont tenues de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus ou de résultats, les références des comptes de crypto-actifs ouverts, détenus, utilisés ou clos auprès d’entreprises, personnes morales, institutions ou organismes établis à l’étranger.

« Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret. ».

E. – L’article 1736 est complété par un X ainsi rédigé :

« X. – Les infractions à l’article 1649 bis C sont passibles d’une amende de 750 € par compte non déclaré ou 125 € par omission ou inexactitude, dans la limite de 10 000 € par déclaration.

« Les montants de 750 € et 125 € mentionnés au premier alinéa du présent X sont respectivement portés à 1 500 € et 250 € lorsque la valeur vénale des comptes de crypto-actifs ouverts, détenus, utilisés ou clos auprès d’entreprises, personnes morales, institutions ou organismes établis à l’étranger est supérieure à 50 000 € à un moment quelconque de l’année concernée par l’obligation déclarative prévue à l’article 1649 bis C. ».

II. – A. – Les A à C du I s’appliquent aux cessions réalisées à compter du 1er janvier 2019.

B. – Les D et E du I s’appliquent aux déclarations devant être déposées à compter du 1er janvier 2020.

Exposé sommaire

Les investissements dans les crypto-actifs connaissent depuis quelques années une croissance importante. C’est dans ce contexte que, par une décision du 26 avril 2018, le Conseil d’État a précisé les modalités d’imposition des gains résultant des cessions de « bitcoins » réalisées par les particuliers. Il juge que, lorsque les gains ne résultent pas d’une activité habituelle, l’imposition relève en principe du régime des plus-values sur biens meubles prévu à l’article 150 UA du code général des impôts (CGI).

Or, ce régime apparaît inadapté aux cessions de crypto-actifs en raison notamment du caractère particulièrement liquide et fongible de ces biens ainsi que de l’importance du nombre et de la complexité des opérations susceptibles d’intervenir dans un court laps de temps.

Partant, le présent amendement a pour objet d’apporter un cadre adapté à l’imposition, à l’impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux, des gains réalisés à titre occasionnel par les particuliers lors de la cession de crypto-actifs.

Tenant compte de la fréquence des échanges entre crypto-actifs susceptibles d’intervenir, il est d’abord proposé de neutraliser ces opérations d’échange en imposant la plus-value globale réalisée lors de la cession des crypto-actifs contre de la monnaie ayant cours légal ou contre l’obtention de tout service, bien ou avantage.

Par ailleurs, partant du constat que la reconstitution du prix d’acquisition des crypto-actifs cédés est rendue très complexe du fait notamment de leur caractère fongible, il est proposé, pour le calcul de la plus-value imposable, de retenir une méthode similaire à celle déjà employée notamment dans le cadre du plan d’épargne en actions. Il s’agit, lors de la cession imposable, de retenir pour assiette une part de la plus-value latente globale constatée par le contribuable sur l’ensemble de son portefeuille de crypto-actifs (i.e. l’ensemble des crypto-actifs qu’il détient et qui sont dans le champ du présent régime) – part correspondant à la valeur des crypto-actifs cédés par rapport à celle de l’ensemble de son portefeuille.

Ce nouveau régime est sans incidence sur les modalités d’imposition des cessions à caractère habituel de crypto-actifs, ainsi que des cessions de crypto-actifs qui sont la contrepartie de la participation du contribuable à la création ou au fonctionnement de ce système d’unité de compte virtuelle. Celles-ci demeurent en effet imposables respectivement dans les catégories des bénéfices industriels et commerciaux et des bénéfices non commerciaux, et il n’y a pas lieu de tenir compte de ces crypto-actifs pour l’application du présent régime.

Dans ce nouveau régime, les gains seront imposés à un taux global de 30 % (12,8 % au titre de l’impôt sur le revenu et 17,2 % au titre des prélèvements sociaux).

L’entrée en vigueur des présentes dispositions est prévue au 1er janvier 2019. Les plus-values de cession ou d’échange réalisées avant cette date, qui sont en principe imposables aux conditions prévues par l’article 150 UA du CGI et qui ont donc, le cas échéant, déjà dû donner lieu au versement d’un impôt, ne sont donc pas incluses dans le calcul des plus-values réalisées à compter de 2019.

En outre, afin de permettre à l’administration fiscale d’exercer son pouvoir de contrôle, il est essentiel qu’elle dispose de sources d’informations concernant les personnes qui possèdent des comptes de crypto-actifs.

En effet, ces crypto-actifs, qui garantissent l’anonymat de leurs détenteurs, peuvent être utilisées pour masquer et financer les activités criminelles. De plus, l’absence de traçabilité favorise le blanchiment et les dissimulations de revenus et restreint le pouvoir de contrôle de l’administration fiscale. Au surplus, les monnaies virtuelles sont généralement détenues par l’intermédiaire d’organismes établis à l’étranger à l’encontre desquelles l’administration fiscale n’est pas en mesure d’exercer son droit de communication prévu aux articles L. 81 et suivants du livre des procédures fiscales.

Il est donc important de renforcer les sources d’information de l’administration fiscale et de créer une obligation déclarative applicable aux détenteurs de comptes de crypto-actifs ouverts dans des établissements situés à l’étranger, par exemple des plateformes d’échange de crypto-actifs ou des organismes assimilés. Ce dispositif concernerait les personnes physiques, les associations et les sociétés n’ayant pas la forme commerciale. Il permettrait à l’administration fiscale de demander des justificatifs au contribuable afin d’apprécier, le cas échéant, le montant des plus-values de cessions de crypto-actifs réalisées.

Parallèlement, il convient de créer une sanction applicable aux contribuables qui ne respecteraient pas cette nouvelle obligation déclarative. Il est donc proposé de créer une amende dont le montant variera en fonction de la gravité des faits commis.

Les dispositions relatives à l’obligation déclarative et à la sanction s’appliquent aux déclarations devant être déposées à compter du 1er janvier 2020. Par ailleurs, un décret fixera ultérieurement les modalités de déclaration.