XVe législature
Session ordinaire de 2020-2021

Première séance du lundi 12 octobre 2020

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Première séance du lundi 12 octobre 2020

Présidence de M. Richard Ferrand

M. le président

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    La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à seize heures.)

    1. Projet de loi de finances pour 2021

    M. le président

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    L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances pour 2021 (nos  3360, 3399).

    Présentation

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la relance.

    M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la relance

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    Je suis heureux de vous présenter, pour la quatrième année consécutive, les grandes orientations du projet de loi de finances pour 2021. L’examen du texte se déroulera dans des circonstances économiques exceptionnelles : comme tous les autres États, la France est touchée par une crise dont la gravité ne peut être comparée qu’à celle de la grande récession de 1929. La France connaîtra en 2020 une récession de 10 %, soit le chiffre le plus élevé depuis la deuxième guerre mondiale.
    Cette crise économique, dont on oublie parfois la violence, a eu des conséquences directes sur des centaines de milliers de salariés et des dizaines de milliers d’entreprises. Elle a conduit au premier semestre à la suppression de plus de 715 000 emplois, en majorité des contrats intérimaires, à durée déterminée – CDD –, courts, ou peu qualifiés. Elle frappe inégalement les secteurs. Certains, je m’en félicite, se redressent rapidement, notamment grâce aux mesures de soutien adoptées l’été dernier par le Gouvernement : les industries agroalimentaire ou automobile – la France est le pays d’Europe qui a vendu le plus grand nombre de voitures cet été – ou encore les secteurs des services, du bâtiment, des travaux publics. Dans tous ces domaines, nous tenons le bon bout et devons poursuivre le redressement de l’activité.
    D’autres secteurs en revanche sont très durement touchés, comme l’hôtellerie, la restauration, l’hébergement, les bars, l’événementiel, la culture, le sport, le transport de voyageurs. Je pense aussi au secteur de l’aéronautique, atteint de plein fouet par la chute du transport aérien et l’effondrement des commandes de nouveaux aéronefs. L’activité des hôtels comme celle des agences de voyages est encore inférieure de 40 % à l’activité normale, celle du transport aérien de 30 %. En outre, leurs perspectives ne sont pas engageantes ; les mois à venir resteront difficiles. Notre accompagnement doit donc être maintenu.
    Notre responsabilité, que nous avons assumée depuis les premiers jours de la crise, au début du mois de mars, consiste à soutenir les secteurs et les territoires durablement affectés par la crise. Nous avons fait ce choix dès le départ et nous n’en changeons pas : tous ceux qui doivent être aidés par la puissance publique continueront à l’être tant que durera la crise économique.
    Nous avons accordé 120 milliards d’euros de prêts garantis par l’État à plus d’un demi-million d’entreprises, dont 95 % sont des très petites entreprises – TPE – et des petites et moyennes entreprises – PME –, je tiens à le préciser. Nous avons apporté plus de 6 milliards d’euros d’aides à 1,7 million de commerçants, d’indépendants et d’artisans grâce au fonds de solidarité, qui est maintenu pour certains secteurs. Nous avons accordé des reports d’échéances fiscales et sociales à hauteur de 42 milliards d’euros depuis mars, et des suppressions de cotisations sociales à l’hôtellerie, à la restauration, à la culture et à l’événementiel, à hauteur de 5 milliards.
    Nous avons accompagné des millions de Français et, je tiens à le dire, sauvé des centaines de milliers d’emplois grâce au chômage partiel, au financement duquel nous avons déjà consacré 22 milliards d’euros. Je me réjouis que 1 600 accords d’activité partielle de longue durée aient déjà été signés : c’est la preuve que les entreprises se saisissent de cette possibilité.
    Nous avons fait entrer ces dispositifs en vigueur dès le mois de mars, néanmoins nous n’avons cessé d’écouter les critiques, d’évaluer les mesures et de corriger ce qui devait l’être. Je n’ai absolument pas la prétention d’affirmer que nous avons d’emblée trouvé la meilleure solution, mais nous avons apporté une réponse forte et nous n’avons cessé de la faire évoluer. J’en prendrai pour exemple les prêts garantis par l’État. Beaucoup d’entreprises s’inquiètent de voir leur prêt à 0,25 % d’intérêt arriver à échéance et, craignant de ne pas pouvoir le rembourser, se demandent à quel taux elles pourraient en obtenir la prolongation. Celui-ci sera compris entre 1 et 2,5 %, garantie de l’État comprise. Je recevrai la Fédération bancaire française le 19 octobre pour m’assurer que toutes les agences bancaires respecteront ces chiffres pour les PME qui demanderaient la prolongation de leur prêt garanti par l’État.
    La semaine dernière, nous avons également renforcé le fonds de solidarité, pour les secteurs les plus touchés par la crise. Il était réservé aux entreprises employant jusqu’à vingt salariés, et sera étendu à celles employant jusqu’à cinquante salariés dans les secteurs les plus éprouvés. Les entreprises qui ont perdu 50 % de leur chiffre d’affaires pourront toujours prétendre à l’aide de 1 500 euros par mois ; l’aide versée aux entreprises qui ont perdu 70 % de leur chiffre d’affaires atteindra 10 000 euros par mois.
    À la demande de certains secteurs – et je remercie les parlementaires de s’être fait leurs porte-voix – nous avons considérablement élargi le champ des bénéficiaires de ce fonds. Une trentaine de secteurs liés au tourisme et à l’événementiel pourront désormais en recevoir un soutien, dont ils étaient jusque-là privés. Ainsi des arts de la table, des commerces non alimentaires situés dans des zones touristiques internationales, des blanchisseries, des graphistes qui travaillent dans l’événementiel, des photographes, des fleuristes – qui ont tiré la sonnette d’alarme il y a quelques jours quant à une véritable menace de disparition–  des bouchers traiteurs, des bouquinistes, des autocaristes, des fabricants de foie gras – victimes de l’arrêt des événements familiaux – des activités de sécurité privée : tous ces secteurs sont désormais éligibles au fonds de solidarité. Je le répète avec force, nous maintiendrons cette politique de soutien aux salariés et aux entreprises aussi longtemps que la crise durera. Je m’adresse à tous ceux que je viens de citer, comme aux commerçants, aux artisans, aux indépendants : nous étions là pendant la crise ; nous resterons à vos côtés.
    La réponse de l’État a fait la preuve de son efficacité. Le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances montre que les administrations publiques ont pris à leur charge les deux tiers du choc économique et que les destructions d’emplois ont été limitées au regard de la violence de la crise : au deuxième trimestre, l’activité partielle a absorbé près des trois quarts de la baisse des heures travaillées. Imaginez quelle aurait été dans vos territoires la situation sociale, la situation de vos entreprises et de vos commerces, sans cette politique de soutien au chômage partiel ! Les faillites liées à un manque de liquidité ont été évitées : les dispositifs de soutien ont permis de réduire de plus de 80 % le nombre d’entreprises confrontées à cette difficulté. Même le pouvoir d’achat de l’immense majorité des Français a été préservé ; il a certes diminué de 0,5 % par rapport à 2019, mais alors que la production, elle, chutait de 10 % ! L’État a donc joué le rôle qui doit être le sien en période de crise. L’État a protégé les salariés, il a protégé les entreprises, il a protégé les Français. Comme toujours dans son histoire, l’État a protégé la France.
    Naturellement, ces dépenses supplémentaires ont une conséquence. La dette atteindra 117,5 % du PIB en 2020, soit une augmentation d’environ vingt points par rapport à l’année dernière. Je le dis sans ambiguïté : cette dette, nous devrons la rembourser. Tous ceux qui font croire aux Français que nous pourrions nous en exonérer leur vendent des illusions. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.) Mais les Français sont plus lucides que cela. Ils savent qu’il faudra rembourser. Ils ne nous demandent pas de leur cacher la vérité, mais de leur expliquer quand et comment nous rembourserons.
    La dette publique atteindra 120 % du PIB d’ici à 2025, contre 117,5 % aujourd’hui. À partir de 2025 au plus tard, elle devra baisser. Tel est le calendrier que nous devons nous fixer. Elle sera cantonnée, pour que les Français puissent suivre sa réduction année après année. Comme nos voisins allemands, nous visons un remboursement complet de la dette covid-19 en 2042. Voilà pour le calendrier ; nous l’établissons en toute transparence, devant les Français.
    Quant aux moyens de remboursement, nous faisons d’abord le choix de la croissance, qui est l’instrument le plus efficace et le plus durable. En engageant maintenant la relance, nous soutenons la croissance qui servira demain au remboursement de la dette. Ensuite vient la maîtrise de nos finances publiques, à laquelle je sais M. le rapporteur général de la commission des finances particulièrement attaché. Le principe de responsabilité doit rester au cœur des finances publiques. Nous devons tenir les dépenses de fonctionnement et soutenir les dépenses d’investissement. Cette ligne de conduite doit nous guider dans la maîtrise de nos finances publiques pour les années à venir. Olivier Dussopt et moi avons donc fait le choix de ne pas augmenter le nombre d’emplois dans la fonction publique d’État en 2021.
    Troisième moyen de rembourser la dette, des réformes structurelles seront nécessaires, le moment venu, non seulement pour réduire notre dette, mais aussi pour dégager un meilleur équilibre entre recettes et dépenses. Vous connaissez ma conviction en la matière : la réforme des retraites est une priorité absolue. Nous ne pouvons pas défendre un modèle social parmi les plus généreux au monde sans nous donner les moyens de le financer. Nous ne pouvons pas créer une cinquième branche de la sécurité sociale pour la dépendance, ce qui représente un des plus grands enjeux humains et sociaux du XXIe siècle et doit constituer une fierté pour la majorité, sans nous poser la question du travail que nous aurons à fournir pour la financer. Nous aurons d’autres occasions d’en débattre pendant l’examen du projet de loi de finances – PLF –, et il s’agira d’un des sujets les plus importants de la vie politique nationale dans les années à venir.
    C’est précisément parce que nous faisons le choix de rembourser la dette par la croissance que nous devons engager sans délai la relance de notre économie. Je mesure parfaitement les contraintes que les règles sanitaires font peser sur les entreprises. J’entends les appels de tous, comme celui de la CGT ce matin, qui nous dit qu’il faut privilégier la santé sur l’économie, et donc ralentir la production. Je confirme que sur ce sujet, nous sommes en désaccord avec la CGT et Philippe Martinez. À notre sens, il faut conjuguer la protection des secteurs les plus fragiles avec la relance de l’activité économique sur le long terme. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.) Nous devons apprendre à vivre avec un virus qui est là pour longtemps sans abandonner le redressement de l’économie, sous peine de ravages sur le plan économique, social et aussi psychologique, en particulier parmi les plus fragiles. Ne renonçons pas à conjuguer la relance de l’économie et la lutte contre le virus ! Tel est le défi que nous aurons à relever en 2021.
    Et la relance, c’est maintenant. La relance est déjà engagée. De nombreux dispositifs majeurs sont déjà disponibles pour chacun. Les appels à projet pour la relocalisation industrielle sont ouverts : 1 milliard d’euros sont sur la table pour toutes les entreprises industrielles qui voudraient créer une nouvelle ligne de production en France plutôt qu’à l’étranger. Les 4 000 euros pour l’embauche d’un jeune, les 8 000 euros pour celle d’un apprenti âgé de plus de 18 ans, les 5 000 euros pour celle d’un apprenti de moins de 18 ans sont disponibles maintenant. Les travaux de rénovation énergétique peuvent également commencer maintenant. Les investissements dans la production d’hydrogène décarboné, dans les biotechs et dans le calcul quantique peuvent et doivent être réalisés maintenant si nous voulons en voir les bénéfices dans les prochaines années.
    Vous connaissez les priorités de cette relance : la transition écologique, la compétitivité des entreprises et la solidarité.
    L’accélération de la transition écologique est une attente très forte de nos compatriotes : le plan de relance nous donne les moyens concrets d’y répondre de manière crédible et efficace. Nous allons investir 4 milliards d’euros pour la rénovation énergétique des bâtiments publics. Dans cette enveloppe, 1, 3 milliard ira à la rénovation des bâtiments des collectivités territoriales, soit 300 millions pour les bâtiments des régions et 1 milliard d’euros à la main des préfets de région pour rénover les écoles, les crèches ou les centres culturels. La rénovation énergétique des bâtiments publics de l’État et de ceux de l’enseignement supérieur et de la recherche, notamment les universités, bénéficiera de 2,7 milliards d’euros.
    Les appels d’offre sont clos depuis le 9 octobre, et les dossiers sont en cours d’instruction en fonction de la taille des projets. Seules les décisions de financement des grands projets de rénovation seront prises à Paris, toutes celles concernant des opérations inférieures à 8 millions d’euros en Île-de-France et à 5 millions dans le reste du pays seront confiées aux préfets de région, en concertation avec les présidents des conseils régionaux. Les préfets tiendront, d’ici au 10 novembre, des conférences régionales de l’immobilier public destinées à sélectionner les projets retenus. Nous voulons que la rénovation énergétique des bâtiments publics soit décidée par les territoires, seuls les plus grands projets étant du ressort de l’État central : c’est aux territoires de décider quels bâtiments publics ils veulent rénover ! Les préfets transmettront ensuite, sous trois jours, les dossiers à la direction de l’immobilier de l’État, qui engagera les projets.
    Pour les plus grands projets de rénovation, je présiderai, autour du 20 novembre, la conférence nationale de l’immobilier public, qui sélectionnera les grands projets de rénovation. J’ai déjà demandé à la direction de l’immobilier de l’État d’engager sans délai toutes les simplifications nécessaires à l’accélération de la mise en place de ces projets.
    Fin novembre donc, tous les projets de rénovation des bâtiments publics de l’État, qu’ils aient été décidés à l’échelle locale ou nationale, auront été définis, retenus et sanctuarisés pour que les premiers travaux puissent démarrer d’ici à la fin de l’année 2020. En cas de retard dans le décaissement des sommes, nous nous réservons le droit, avec le Premier ministre, de réallouer les fonds aux projets qui iront le plus vite : nous voulons que la relance avance vite et que la rénovation énergétique des bâtiments ne prenne pas de retard. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Dem et Agir ens et quelques bancs du groupe LaREM.)
    Pour la rénovation des logements des particuliers, les travaux de rénovation énergétique sont éligibles à MaPrimeRénov’ depuis le 1er octobre. Vous pouvez aller sur le site internet du plan de relance, planderelance.gouv.fr, qui vient d’ouvrir dans une version simplifiée au maximum : vous y trouverez toutes les informations nécessaires sur les différents dispositifs du plan de relance. S’agissant de  MaPrimeRénov’, vous aurez accès sur le site à un simulateur qui permet à chacun, en cinq minutes, d’estimer le montant de l’aide qui lui sera apportée, en fonction de son niveau de revenu et des travaux prévus. Je ne saurais trop inciter nos compatriotes à se rendre sur le site planderelance.gouv.fr, onglet MaPrimeRénov’,  pour connaître le montant dont ils pourront disposer dans leur cas particulier. Si les travaux sont engagés après le 1er octobre, l’aide sera versée au 1er janvier 2021. Au total, chaque Français pourra bénéficier d’une aide allant jusqu’à 20 000 euros sur cinq ans.
    Enfin, les entreprises peuvent également réaliser des travaux de rénovation énergétique dès maintenant. Un crédit d’impôt pour les TPE et les PME est accessible pour toutes les dépenses engagées depuis le 1er octobre, avec une prise en charge de 30 % des travaux, dans la limite de 25 000 euros. Vous le voyez, personne n’a été laissé de côté : la rénovation énergétique des bâtiments est engagée tous azimuts en France pour l’État, les collectivités locales, les ménages et les entreprises.
    La deuxième priorité de ce plan, vous la connaissez, est d’améliorer la compétitivité des entreprises.

    M. Fabien Roussel

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    Ah !

    M. Bruno Le Maire, ministre

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    Les fonds de modernisation des secteurs aéronautique et automobile ont été lancés cet été. Trente-sept projets ont déjà été sélectionnés : dix-huit dans le secteur automobile, dix-neuf dans l’aéronautique. Très concrètement, cela signifie que des moyens financiers publics iront soutenir l’entreprise Comau, à Castres, leader mondial dans la fabrication des systèmes avancés d’automatisation automobile, l’entreprise E4V, qui conçoit et fabrique des solutions pour les batteries lithium-ion-phosphate de fer au Mans, ou l’entreprise Cimulec qui travaille sur une nouvelle technologie d’impression numérique. Vous le voyez, les PME françaises qui bénéficieront de ces aides sont de toutes sortes.

    M. Fabien Roussel

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    Et les pneus à Béthune ?

    M. Bruno Le Maire, ministre

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    Nous continuerons, dans les mois à venir, à lancer ce type d’appels à projet dans les domaines de la 5G ou de la chimie.
    Beaucoup nous ont dit que le dispositif restait trop compliqué. Nous avons entendu l’appel des PME, notamment de la Confédération des petites et moyennes entreprises : s’agissant de nos appels à projet aussi bien dans le domaine de la relocalisation industrielle que de la décarbonation de l’industrie ou encore de la numérisation des PME, ils nous ont dit que c’était encore trop compliqué. Ils  avaient raison ! Depuis quinze jours, nous avons donc massivement simplifié le dispositif. Là où il existait trois guichets pour l’accès à la numérisation des PME, il n’en reste plus qu’un ; là où il y avait trois guichets pour la décarbonation de l’industrie, il n’y en a plus qu’un. (Mme Cendra Motin applaudit.) C’est comme cela que nous avancerons, en simplifiant à l’extrême, avec un seul guichet pour chaque appel à projet. Chaque entreprise pourra se présenter à ce guichet unique pour  bénéficier d’une prise en charge allant jusqu’à 40 % de ses dépenses de décarbonation ou de digitalisation, sur simple présentation de sa facture – un logiciel, par exemple, s’agissant de la digitalisation. Il suffira à l’entreprise de se rendre sur le site planderelance.gouv.fr, de sélectionner le dispositif et de déposer sa facture pour bénéficier d’un remboursement à hauteur de 40 %.
    Les PME sont au cœur du plan de relance : ce sont elles qui doivent être les premières bénéficiaires de ce plan. Pour les soutenir, nous adopterons deux mesures supplémentaires, proposées par les parlementaires. La réduction d’impôt sur le revenu, à hauteur de 10 000 euros, pour un investissement dans une PME française sera prolongée d’un an, jusqu’au 31 décembre 2021. En outre, le taux réduit d’impôt sur les sociétés de 15 % bénéficiera à toutes les PME dont le chiffre d’affaires n’excède pas 10 millions d’euros, contre 7,6 millions actuellement.
    Nous voulons aussi que les chambres de commerce et d’industrie – CCI – poursuivent leur travail au service des entreprises. Depuis près de quatre ans, nous avons eu de nombreux débats sur les CCI. Nous ne voulons pas renoncer à la transformation de ces établissements publics, qui est indispensable. Néanmoins, j’avais toujours indiqué aux CCI et à la représentation nationale que si la situation économique devenait moins favorable, nous pourrions réviser la trajectoire d’économies demandées aux chambres de commerce et d’industrie. C’est ce que nous avons fait, à la demande des parlementaires : je me réjouis de vous annoncer que nous avons trouvé aujourd’hui un accord avec les représentants des CCI sur la révision de cette trajectoire. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.)
    Au lieu des 249 millions prévus pour l’année 2021, elles garderont 349 millions d’euros de taxes affectées, afin de faire face à la situation financière tendue dans laquelle elles évoluent. Nous limiterons à 50 millions d’euros la baisse du plafond de taxe affectée en 2022. Ces deux avancées permettront aux CCI de voir l’avenir avec confiance. En échange, elles se sont engagées à sensibiliser 200 000 entreprises aux enjeux des transitions écologique et numérique, et à poursuivre la modernisation et la réorganisation de leur réseau – nous y veillerons.
    Améliorer la compétitivité de nos entreprises, c’est aussi baisser les impôts de production. Nous allons les diminuer de 10 milliards d’euros à partir du 1er janvier 2021. Je le dis en toute transparence : nous ne conditionnerons pas cette baisse d’impôts, tout simplement parce que nous ne faisons que rétablir l’équité fiscale entre la France et les autres pays de l’Union européenne. Les impôts de production sont sept fois plus élevés en France qu’en Allemagne et deux fois plus élevés que la moyenne des pays de l’Union européenne : il faut savoir ce que nous voulons ! Si nous voulons réussir la relocalisation industrielle, ouvrir de nouvelles usines et créer de nouveaux postes pour les ouvriers, il faut engager, sans délai, la baisse des impôts de production en France. C’est ce que fait la majorité.
    La France demeure le pays de l’OCDE dans lequel les prélèvements obligatoires sont les plus élevés.

    Mme Véronique Louwagie

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    Tout à fait !

    M. Fabien Roussel

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    Cela finance la sécurité sociale !

    M. Bruno Le Maire, ministre

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    Ils continuent de peser lourdement sur notre compétitivité et sur les ménages. Nous nous en tiendrons donc à la ligne qu’a fixée le Président de la République et que je répète depuis près de quatre ans, car d’elle dépend le succès de la relance : aucune augmentation d’impôt, aucun nouvel impôt. Et encore moins sur la taxation de l’épargne, comme m’y invitent certains. Comme ministre des finances, je m’opposerai à toute taxation de l’épargne des Français : nous taxons déjà suffisamment le travail des Français pour ne pas taxer en plus le produit de celui-ci. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.) 

    M. Fabien Roussel

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    Et les plus riches ?

    M. Bruno Le Maire, ministre

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    Augmenter les impôts au moment où nous devons relever le défi de la relance économique, soutenir les entreprises, notamment les PME, et créer de nouveaux emplois, cela reviendrait à commettre la même erreur que nous avons systématiquement faite depuis des décennies, à savoir tuer la relance par l’impôt. Je crois, au contraire, qu’il faut alimenter la relance par le soutien des entreprises, la baisse des impôts de production, le soutien des salariés avec le chômage partiel. Ne nous écartons pas de la ligne simple et efficace de la reconstruction économique de la France.
    En revanche, je souhaite que les entreprises s’engagent dans trois directions sur lesquelles nous avons travaillé avec les parlementaires.
    La première concerne la baisse des émissions de CO2 dans les entreprises. Nous devons établir un bilan des émissions de gaz à effet de serre, simplifié mais obligatoire, pour toutes les entreprises de plus de 250 salariés : ce bilan devra être actualisé tous les trois ans pour garantir que ces entreprises s’engagent concrètement à réduire leurs émissions de CO2.
    La deuxième direction, à laquelle je suis profondément attaché, sur laquelle nous avions travaillé avec Muriel Pénicaud, alors ministre du travail, et qui figure dans la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi PACTE, est la parité entre les femmes et les hommes dans le monde du travail et des entreprises.

    M. Alexis Corbière

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    La parité, cela ne veut rien dire ! Et l’égalité des salaires ?

    M. Bruno Le Maire, ministre

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    C’est un combat de tous les instants, dans lequel nous ne devons jamais relâcher notre engagement. Aujourd’hui, le compte n’y est pas. Nous avons obtenu, grâce à la loi du 27 janvier 2011, dite Copé-Zimmermann, la parité dans les conseils d’administration. Je suis favorable à ce que toutes les entreprises qui bénéficient du plan de relance démontrent des avancées concrètes sur ce sujet. Je souhaite que le score qu’elles obtiennent à l’index sur l’égalité entre les femmes et les hommes augmente et soit rendu public. Je reste favorable à ce que nous obtenions, dans des délais et suivant des procédures à définir, la parité dans les comités exécutifs des grandes entreprises françaises. (M. Roland Lescure applaudit.)

    M. Alexis Corbière

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    Et pour les ouvriers et les salariés ?

    M. Bruno Le Maire, ministre

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    La troisième direction est la promotion du dialogue social dans l’exécution du plan de relance. Il est évident que les salariés devront être consultés sur l’utilisation des aides reçues dans le cadre du plan de relance et donneront leur avis aux instances de gouvernance de l’entreprise. C’est comme cela que nous garantirons la bonne et saine exécution de ce plan.
    La troisième priorité du plan de relance est la lutte contre la pauvreté. La crise a touché de plein fouet les plus fragiles. Je pense notamment aux jeunes qui s’apprêtent à entrer sur le marché du travail : ceux que j’ai rencontrés ce matin à Verdun m’ont fait part de leur inquiétude et m’ont demandé quels emplois ils allaient trouver, quelles places d’apprentissage ils allaient obtenir. Je pense aux intérimaires, touchés par un tiers des destructions d’emploi au premier semestre. Je pense aux salariés en CDD dont le contrat n’a pas été renouvelé.
    La montée de la pauvreté en France à cause de la crise est une réalité que nous voulons combattre avec la plus grande détermination. La meilleure façon de lutter contre la pauvreté, j’ai eu l’occasion de le dire à cette tribune, c’est de créer des emplois. Plus de 14 % des Français vivent sous le seuil de pauvreté ; ce sont des chômeurs à 37 %. Lutter contre le chômage, c’est donc aussi lutter contre la pauvreté ; créer des emplois, c’est la faire reculer.
    Lutter contre la pauvreté passe aussi par les aides sociales. Le Gouvernement a versé en avril une prime de 150 euros aux bénéficiaires du revenu de solidarité active – RSA – et de l’allocation de solidarité spécifique. Le Gouvernement et la majorité ont revalorisé l’allocation de rentrée scolaire pour un montant total d’un demi-milliard ; ils ont investi 200 millions pour augmenter l’offre d’hébergement d’urgence ; ils ont fixé le prix des repas universitaires pour tous les étudiants boursiers à 1 euro, contre plus de 3 euros précédemment. Mesdames et messieurs les députés de la majorité, vous n’avez pas à rougir de ce qui a été fait par le Gouvernement et par la majorité pour soutenir les plus pauvres. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ensemble.) Nous continuerons de lutter contre la montée de la pauvreté en complétant le plan pauvreté annoncé en 2018, comme l’a déclaré le Premier ministre.
    Je ne prétendrai jamais que nous avons tout fait parfaitement dans les circonstances exceptionnelles que nous traversons. Mais je crois que nous avons fait de notre mieux ; que nous avons fait tout ce qui était possible ; que nous avons soutenu les entreprises et les salariés qui en avaient besoin. Nous continuerons de le faire.
    Je crois surtout que nous offrons une perspective aux Français : celle d’un redressement de l’économie en deux ans, qui doit nous permettre de retrouver en 2022 le niveau de développement économique de 2019. Je ne voudrais pas que les Français oublient que grâce à votre politique, mesdames et messieurs les députés de la majorité, nous avions en début d’année 2020 l’une des croissances les plus élevées de la zone euro ; que nous étions passés sous la barre des 8 % de taux de chômage en métropole ; que nous étions le pays le plus attractif pour les investissements étrangers ; que nous étions sur la bonne voie, celle du redressement économique, celle d’une nation qui garde sa place parmi les plus développées du monde. Je vous en fais la promesse : nous retrouverons cette voie d’ici à deux ans. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.)

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.

    M. Olivier Dussopt, ministre délégué chargé des comptes publics

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    Je suis particulièrement heureux de vous exposer le budget 2021, même si, après trois années de redressement continu des finances publiques, nous présentons aujourd’hui des chiffres profondément marqués par la violence de la crise. Le déficit public devrait atteindre 10,2 % en 2020 – un record depuis plusieurs décennies – et 6,7 % en 2021. À eux seuls, ces chiffres traduisent l’ampleur et l’intensité des mesures prises pour protéger les Français et leurs conséquences sur le niveau des finances publiques.
    L’ensemble des mesures déployées face à la crise – 470 milliards de mesures d’urgence et un plan de relance de 100 milliards – atteint des niveaux jamais égalés et qui dépassent l’entendement. Pourtant, certains n’hésitent pas à prétendre que cela ne serait pas suffisant. À l’inverse, d’autres s’inquiètent de leur impact sur les finances publiques. Ces débats montrent que gouverner, c’est faire des choix entre des impératifs parfois contraires et concilier des objectifs parfois antagonistes, aussi légitimes soient-ils.
    Personne ne conteste la nécessité du plan de relance, qui est essentiel au redémarrage de l’économie et à la préservation des emplois. Pourtant, il est tout aussi essentiel de concilier cet objectif avec l’impératif de soutenabilité des finances publiques. Nous devons faire preuve de sérieux budgétaire, y compris dans la relance ; c’est le premier point que je vais développer.
    Nous ne souhaitons pas que la relance se transforme en une charge durable sur les comptes publics, mais au contraire qu’elle produise un effet rapide sur l’économie et pose les bases d’une nouvelle croissance, plus robuste et plus durable. C’est bien par la croissance que nous rembourserons la dette, sans augmenter les impôts. La soutenabilité du plan de relance implique que ses dépenses soient temporaires et réversibles. L’application de ce principe se traduit dans le PLF par la création d’une mission budgétaire exceptionnelle, dotée de 36,4 milliards en autorisations d’engagement et de 22 milliards en crédits de paiement dès 2021, répartis en trois programmes d’intervention. Le reste des 100 milliards du plan de relance est retracé sur d’autres budgets ministériels, au sein du programme des investissements d’avenir, dans les recettes de l’État pour ce qui concerne la baisse des impôts de production et même en dehors du PLF, puisqu’une partie des mesures de la relance repose sur la Sécurité sociale, l’UNEDIC, la Banque des territoires et Bpifrance.
    Au total, la contribution directe de l’État au plan de relance s’élève à 86 milliards d’euros, dont 20 milliards de baisses d’impôts de production et 66 milliards de crédits budgétaires. Le contenu même de ce plan de relance concilie des logiques qui sont trop souvent opposées, alors qu’elles sont complémentaires. C’est notamment le cas du débat sur l’équilibre entre offre et demande, second point sur lequel je souhaite m’arrêter.
    Certains reprochent au plan de relance d’en faire trop pour l’offre et pas assez pour la demande et le pouvoir d’achat. Or c’est un fait, le plan de relance et plus largement le PLF soutiennent massivement le pouvoir d’achat. D’abord, nous investissons pour préserver l’emploi, car le chômage est la première cause de précarité et de pauvreté. C’est le sens des 6,6 milliards que nous consacrons à l’activité partielle de longue durée ; c’est le sens des mesures générales d’aide à l’apprentissage, pour 2,7 milliards, et de la prime à l’embauche de jeunes, pour 1,1 milliard ; c’est aussi le sens de l’accompagnement renforcé et personnalisé des jeunes vers l’emploi, avec 1,3 milliard consacré à la création de 300 000 parcours d’accompagnement et d’insertion sur mesure ; enfin, c’est le sens des 100 millions destinés à l’emploi des travailleurs handicapés.
    Nous soutenons aussi les concitoyens les plus fragiles, avec la majoration de 100 euros de l’allocation de rentrée scolaire, versée en août dernier ; avec le renforcement de 100 millions des moyens de la politique d’accès au logement et à l’hébergement ; ou encore avec le plan de soutien aux associations de lutte contre la pauvreté, d’un montant de 100 millions.
    Cet équilibre entre offre et demande est le fil rouge de notre politique depuis le tout début du quinquennat.

    Mme Valérie Rabault

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    Cela n’a pas totalement été le cas !

    M. Olivier Dussopt, ministre délégué

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    J’entends souvent l’opposition évoquer les réformes de la fiscalité du capital et les baisses de la fiscalité des entreprises, plus rarement la suppression de la taxe d’habitation – devenue une réalité pour 80 % des Français dès cette année –, l’exonération sociale et fiscale des heures supplémentaires, l’augmentation massive de la prime d’activité, ou la baisse de 5 milliards de l’impôt sur le revenu, concentrée sur les premières tranches.
    La réalité de notre politique, c’est que depuis le début du quinquennat, un célibataire rémunéré au SMIC a vu son revenu disponible augmenter de près de 140 euros par mois, soit 1 677 euros par an, grâce à l’action de la majorité parlementaire.

    M. Fabien Roussel

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    Avec des allocations !

    M. Olivier Dussopt, ministre délégué

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    Au total, en incluant les mesures de 2021, dont la baisse de 10 milliards des impôts de production, les impôts auront diminué de 45 milliards entre 2018 et 2021. Cette baisse bénéficie pour moitié aux entreprises et pour moitié aux ménages.
    Nous concilions également la concrétisation des objectifs de renforcement des missions régaliennes de l’État, face à des choix politiques forts en matière de transformations promouvant des économies structurelles ; c’est le troisième point que je souhaite aborder. Hors plan de relance et hors appels en garantie, les crédits que je qualifierais d’ordinaires des ministères augmenteront de 7,8 milliards, soit une évolution en ligne avec les années précédentes. À l’intérieur de cette enveloppe, nous renforçons sensiblement le financement des missions régaliennes et stratégiques de l’État. La trajectoire de la loi de programmation militaire est à nouveau respectée strictement, avec une hausse de 1,7 milliard des crédits de la mission « Défense ». Les crédits du ministère de la justice progressent de 610 millions – soit 8 % – au profit notamment de la justice de proximité ; c’est une évolution historique. Le ministère de l’intérieur bénéficie d’une hausse de ses moyens de 433 millions. Nous poursuivons le renforcement de l’éducation nationale, en particulier pour le premier degré, avec une augmentation des crédits de la mission « Enseignement scolaire » de 1,4 milliard. Enfin, nous permettons la concrétisation  dès 2021 de la trajectoire prévue par la loi de programmation pour la recherche, avec la création de 700 emplois pour le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation ; les crédits alloués à la recherche augmentent de 400 millions dès 2021.
    Outre ces priorités et le financement des engagements pris, nous poursuivons les chantiers de transformation. Ainsi, les réformes dans le champ du logement continuent de se déployer. L’an prochain verra la première année d’application du calcul des aides au logement en temps réel. Nous prévoyons de mettre à contribution les réserves abondantes d’Action Logement au profit du financement de nos politiques. À ce propos, nous prolongeons les échanges en cours avec les partenaires sociaux pour améliorer l’organisation et la gouvernance de cet organisme : cela fera l’objet d’un amendement en seconde partie.
    Le réseau des chambres de commerce et d’industrie doit poursuivre sa modernisation. Le Parlement a exprimé des inquiétudes sur la trajectoire financière prévue, dans le contexte actuel ; le Gouvernement l’entend aujourd’hui comme il l’a entendu hier. Dès le PLF pour 2020, nous avions donné un avis favorable à une initiative parlementaire proposant d’atténuer de 30 millions la baisse des ressources, par la restitution du prélèvement France Télécom. Aujourd’hui, nous prenons acte des nombreux amendements adoptés par la commission des finances ; c’est au vu de ses débats que nous avons décidé de rechercher un nouvel équilibre avec le réseau des CCI. Comme l’a indiqué Bruno Le Maire, nous sommes parvenus à un accord, qui sera matérialisé par un amendement proposant une atténuation de la baisse des ressources affectées en 2021 et prolongeant la trajectoire jusqu’en 2022. En contrepartie, le réseau s’engagera dans un chantier de mutualisation de ses ressources et d’optimisation de son organisation, et contractualisera avec l’État s’agissant des objectifs chiffrés d’accompagnement des entreprises. Il en sera rendu compte au Parlement en temps voulu, par un rapport que lui remettra le Gouvernement. Cet accord, qui sera traduit dans un protocole avec les chambres de commerce, sera rendu public ; l’exposé sommaire de l’amendement le présentera.
    Plus généralement, notre sérieux budgétaire se reflète dans la sincérité du texte que nous présentons. Depuis 2017, nous faisons le choix de ne rien cacher, d’être honnêtes avec nous-mêmes et avec les Français. C’est une exigence démocratique ; c’est aussi une exigence de lisibilité et de crédibilité de notre politique en matière de tenue des comptes. Poursuivant l’œuvre déjà bien engagée, le PLF prévoit la rebudgétisation de deux comptes d’affectation spéciale et de fonds sans personnalité morale, notamment dans le domaine de l’écologie.
    Par ailleurs, nous maintenons un taux de mise en réserve de seulement 3 % en moyenne, hors masse salariale. Comme en 2020, un taux de 0,5 % sera appliqué aux dépenses concernant l’allocation aux adultes handicapés, la prime d’activité et les aides personnelles au logement, dont nous savons le caractère presque incompressible.
    L’assainissement de la gestion publique passe aussi par la mise en conformité de plusieurs dispositifs avec le droit communautaire. Tout le monde se souvient que le début du quinquennat a été marqué par le coûteux contentieux sur la taxe de 3 % sur les dividendes. Nous ne pouvons nous satisfaire de situations où l’application de notre droit mettrait des entreprises – mais aussi nos recettes et celles des collectivités – en risque juridique pour non-conformité avec le droit de l’Union européenne. C’est avec cet objectif à l’esprit que nous sécurisons, dans le PLF, le régime de TVA sur les offres composites et que nous créons dans notre droit le régime de groupe TVA.
    L’effort d’assainissement des risques de contentieux mené depuis 2017 porte ses fruits. Sur la période 2007-2017, le montant des provisions pour contentieux a constamment augmenté, passant de 3,7 à 25,8 milliards. Il a été ramené à 22,6 milliards à la fin de l’année 2019, soit une diminution de 12,4 % par rapport au début du quinquennat. Dans ce même esprit de simplification et de lisibilité, nous poursuivons la suppression de taxes à faible rendement et de dépenses fiscales inefficientes, identifiées avec votre soutien. Ces dispositifs encombrent le paysage fiscal et pèsent autant sur les Français que sur les administrations, pour des recettes parfois inférieures à leur coût de recouvrement. L’année 2021 permettra de réduire cette fiscalité inefficace de 307 millions d’euros, sans effet sur les affectataires puisque nous pratiquerons une compensation intégrale.
    J’en viens au quatrième point, sur lequel je voudrais insister : dans ce budget, nous concilions aussi la logique de solidarité nationale et la logique de responsabilité locale. L’État a été et demeure le pilier de la nation en cette période de crise : il a absorbé, et continuera de le faire, l’essentiel des coûts que celle-ci génère pour les citoyens, les entreprises et les entités publiques ; il se substitue aux employeurs pour maintenir la rémunération des salariés en activité partielle ; il reporte et exonère les impôts et cotisations des entreprises dont l’activité est perturbée ; il assure un minimum de revenu aux indépendants ; il compense les pertes de recettes des collectivités et établissements publics par des subventions et des avances.
    L’État, dont la centralité est parfois si promptement critiquée, s’est montré à la fois essentiel à tous et, fort heureusement, solide et réactif, même dans des conditions de fonctionnement dégradé des institutions et des organisations. (M. Jean-René Cazeneuve applaudit.) Alorsque l’État garant de la solidarité nationale s’est retrouvé au premier plan, jamais ses interventions n’ont été si soucieuses d’irriguer les territoires et de confier aux acteurs de terrain la latitude de décider au plus près des réalités locales.
    Le plan de relance est avant tout un plan de relance des territoires. Après 1 milliard d’euros de dotation d’investissement voté dans le troisième projet de loi de finances rectificatif pour 2020 – PLFR3 – pour financer des projets d’investissement locaux relatifs notamment à la transition écologique et à la résilience sanitaire, le PLF pour 2021 approfondit le sillon.
    La baisse des impôts de production permettra de redynamiser l’attractivité économique et industrielle des territoires. En effet, cette baisse est avant tout destinée à soutenir notre industrie manufacturière, qui, à elle seule, comptera pour 30 % dans le total, ainsi que le secteur du commerce, qui pèsera pour 15 %. Notons que ce sont les entreprises de taille intermédiaire – ETI – qui en seront les principales bénéficiaires, pour 42 % du total de la baisse, devant les PME et les TPE, pour 33 %, et enfin les grandes entreprises.
    Cette mesure est à la charge de l’État, qui la compensera intégralement et de manière dynamique pour les collectivités territoriales. Celles-ci seront affectataires de recettes et de compensations à l’euro près : les régions bénéficieront du transfert d’une part de TVA, tandis que le bloc communal sera verra octroyer un prélèvement sur les recettes de l’État dont les modalités seront identiques à celles d’un dégrèvement, ce qui permettra donc une compensation dynamique.
    De la même manière, le plan de relance sera conduit de façon très territorialisée et déconcentrée. D’abord, certains financements seront attribués par l’intermédiaire d’appels à projets déconcentrés au niveau régional et gérés par des opérateurs, comme l’ADEME – Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie. Nous faisons aussi le choix de confier aux préfets et à leurs services déconcentrés la responsabilité d’identifier les projets pertinents sur leur territoire, l’échelon national se contentant de définir les critères d’éligibilité de ces projets. Enfin, des enveloppes fongibles seront mises à la disposition des préfets de région. Parmi celles-ci figurent les 600 millions d’euros destinés aux régions, conformément à l’accord politique passé le 28 septembre dernier ; les 250 millions du programme d’investissements d’avenir régionalisés ; ou encore les 200 millions de contribution aux fonds d’investissement régionaux pour l’innovation. 
    Enfin, et ce sera le dernier point sur lequel je souhaite insister, c’est certainement dans le domaine écologique que la réconciliation d’objectifs légitimes mais parfois opposés est à la fois la plus nécessaire et la plus complexe. En matière d’écologie, nous le savons, rien n’est plus facile et rien n’est plus contreproductif qu’une approche manichéenne des choses.

    Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas

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    Exactement !

    M. Olivier Dussopt, ministre délégué

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    Nous voulons relancer l’économie, protéger les entreprises, l’emploi et le pouvoir d’achat, et agir pour la protection de notre planète et de notre environnement. Nous voulons cela tout à la fois, et je suis convaincu qu’il n’existe pas d’autre voie crédible que celle-là, fût-elle étroite.

    Mme Marie-Christine Dalloz

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    En même temps…

    Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas

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    Eh oui !

    M. Olivier Dussopt, ministre délégué

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    Effectivement, madame Dalloz, nous voulons cela tout en même temps.
    Les débats que vous avez eus en commission sur la hausse du malus CO2 ou la fiscalité des carburants – nous aurons sans doute les mêmes discussions dans l’hémicycle sur les amendements qui visent à transcrire les propositions de la convention citoyenne sur le climat – montrent qu’il est parfois difficile de trouver le bon point d’équilibre. Nous avons compris vos inquiétudes et nous voulons y répondre.
    Je constate d’ailleurs que ces inquiétudes sont parfois diamétralement opposées, avec d’un côté ceux qui souhaitent, dès demain matin, un changement de modèle radical, et de l’autre ceux qui rejettent l’impératif écologique au motif qu’il exige un changement de nos modes de vie. Là aussi, nous tâchons de construire un équilibre, lequel, par définition, ne pourra faire l’unanimité.
    Mais que nous atteignions l’unanimité ou non, c’est en toute transparence que nous voulons avancer. C’est la démarche du « budget vert », un document qui rend compte de la complexité des enjeux liés à l’environnement, qui dit ce qu’est une dépense favorable ou défavorable à l’environnement. Ce document montre qu’il nous faut concilier les objectifs environnementaux entre eux. Il permet de constater que certaines dépenses défavorables à l’environnement ont une justification autre, qu’il convient de concilier avec l’objectif environnemental. Et il permet de voir que beaucoup de dépenses peuvent avoir un caractère ambigu du point de vue de leurs effets sur l’environnement.
    Le budget vert est, en tout point, un exercice démocratique. Son but est d’améliorer l’information des citoyens et du Parlement, de manière à éclairer le vote que chacun fera en conscience. Il a été voulu par le Parlement, construit avec lui, et je souhaiterais saluer l’implication particulière de la députée Bénédicte Peyrol en la matière. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM et Agir ens.)
    Cette première édition du budget vert a demandé un travail d’analyse considérable. Au terme de ce travail, la méthodologie rigoureuse que nous avons suivie conduit à coter 38 milliards d’euros de dépenses du budget de l’État comme étant favorables à l’environnement – c’est-à-dire qu’elles sont favorables à au moins un des six critères retenus sans jamais être défavorables à aucun autre – et à identifier 10 milliards de dépenses défavorables à l’environnement – c’est-à-dire défavorables à au moins un des six critères sans jamais être favorables à aucun autre. Il nous revient à tous de nous saisir de ce bel outil, de l’améliorer au fil des ans, et surtout d’en tirer les conséquences.
    J’ajouterai enfin que cette classification ne préjuge pas de l’efficacité de la dépense. Une dépense peut être classée verte, mais atteindre ses objectifs à un coût supérieur à ce qui est nécessaire. Toujours plus de dépenses vertes n’est pas nécessairement synonyme de progression écologique. C’est le cas, par exemple, du soutien aux énergies renouvelables et plus précisément du soutien à l’énergie photovoltaïque, qui fera l’objet d’un amendement du Gouvernement dans la seconde partie du projet de loi de finances. L’établissement de tarifs trop élevés dans ce domaine peut en effet se traduire par des rentes excessives pour les acteurs privés, lesquelles n’ont rien à voir avec l’écologie. Nous proposerons des solutions à l’Assemblée pour remédier aux situations abusives qui, si elles sont certes minoritaires, appellent toutefois une régulation.
    En ce qui concerne la transition écologique, ce budget marque un effort considérable, étant donné que les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » augmentent de plus de 900 millions. De plus, soulignons à nouveau que 33 milliards d’euros du plan de relance sont destinés à l’écologie, avec notamment 18,4 des 36,4 milliards d’euros d’autorisations d’engagements de la mission « Plan de relance ».
    Ainsi, comme vous le voyez, et cela a été dit avant moi par Bruno Le Maire, la priorité est à la relance. La crise et les moyens que nous déployons pour soutenir et relancer notre économie ont toutefois un coût, qu’il convient de rappeler.
    Comme je l’ai dit au début de mon propos, notre déficit public dépassera les 10,2 % du PIB en 2020 et atteindra 6,7 % du PIB en 2021. Quant à la dette publique, elle s’élèvera à 117,5 % du PIB et encore à 116,2 % du PIB l’année prochaine. Il est donc nécessaire de nous projeter dans le temps, de retrouver une trajectoire de finances publiques qui prévoie une réduction à moyen terme de cet endettement et qui permette de revenir à des ratios acceptables s’agissant du poids de la dépense publique dans l’économie, et de maintenir notre trajectoire de baisse des prélèvements obligatoires et de leur poids dans le PIB. Il s’agit d’un exercice de taille, que nous devrons affronter ensemble dans les prochains mois.
    Nous allons examiner un budget véritablement historique, car la priorité est à la relance, et je suis très heureux d’aborder ces discussions dans un esprit constructif, qui, je le crois, nous a toujours animés.

    M. Sylvain Maillard

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    C’est vrai !

    M. Olivier Dussopt, ministre délégué

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    Nous avons travaillé intensément avec les parlementaires, dans un esprit de concorde et d’ouverture, pour élaborer le plan de relance et le budget qui le contient. Nous abordons l’examen de ce PLF pour 2021 par votre Assemblée de la même manière,…

    M. Pierre Dharréville

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    Nous voilà rassurés !

    M. Olivier Dussopt, ministre délégué

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    …en espérant que les débats seront tout autant passionnés, cordiaux, constructifs, mais surtout utiles pour les Français. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.)

    M. Sylvain Maillard

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    Excellent budget !

    M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général

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    On peut le voter !

    M. Bruno Le Maire, ministre

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    Excellent ministre délégué !

    M. le président

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    La parole est à M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

    M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

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    Tout a changé ! Depuis la dernière fois qu’un rapporteur général de la commission des finances a présenté devant vous le projet de budget annuel, tout a changé.
    Beaucoup de nos certitudes sur la croissance de l’économie mondiale, l’expansion des échanges commerciaux ou l’amélioration de nos finances publiques ont été ébranlées,…

    M. Pierre Dharréville

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    Pas assez !

    M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général

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    …quand nos sociétés ouvertes se sont trouvées vulnérables face à la pandémie. Beaucoup de nos références de politique budgétaire et monétaire se sont envolées, en même temps que les repères habituels qui guidaient notre examen budgétaire. Et beaucoup de nos concitoyens et de nos entreprises se sont retrouvés confrontés à une situation sanitaire et à des restrictions sans précédent, dont nous ne sommes pas encore sortis.

    M. Sylvain Maillard

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    C’est vrai.

    M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général

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    Nous voici donc tous confrontés à un budget historique, qui restera dans les mémoires du Gouvernement, du Parlement et au-delà. Je le dis avec une certaine gravité ainsi qu’avec la plus grande détermination, car nous nous devons, au-delà des clivages politiques que je respecte et souhaite faire vivre tout au long de nos débats, d’offrir à nos concitoyens la lucidité, la transparence, la protection et la capacité à définir les voies de notre avenir collectif dans cette période troublée.
    Si ce budget est historique, c’est d’abord en raison du contexte macroéconomique dans lequel nous nous trouvons. La chute de l’activité économique au cours de l’année 2020 est sans précédent depuis la création des comptes nationaux, même si la dégradation semble finalement moins forte que celle que nous prévoyions lors du PLFR3, et c’est heureux.
    En cette fin d’année, le rebond de l’économie est toutefois entravé par les incertitudes, qu’il s’agisse de l’évolution de la situation sanitaire ou de la reprise économique chez nos partenaires européens. Dans ce contexte, la prévision macroéconomique est complexe, mais le Haut Conseil des finances publiques a validé les principales hypothèses présentées par le Gouvernement.
    La priorité est donc à la relance de l’économie. À cet égard, et j’ai eu l’occasion de le répéter, je trouve que l’opposition entre offre et demande est quelque peu surannée.

    M. Sylvain Maillard

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    Eh oui…

    M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général

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    En effet, cette crise est inédite et lorsqu’on met sous cloche une économie et, partant, une consommation, on ne peut savoir si la priorité doit être donnée à l’offre ou à la demande ! Ce qui compte est de faire redémarrer le pays, et donc l’économie, la production, l’emploi et la consommation en même temps. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.)
    La relance consiste donc à soutenir les ménages, qui se sont constitué une épargne de précaution importante pendant le confinement. Elle consiste également à faire repartir les entreprises et donc à protéger l’emploi. En tant que rapporteur général du budget, je vous le dis, ma première boussole sera l’emploi – vous le vérifierez régulièrement lors des avis que je donnerai sur les amendements. Dans ce domaine, le Gouvernement anticipe un fort rebond l’année prochaine, même si la situation des entreprises demeure incertaine. Enfin, elle consiste à reprendre les investissements publics, ce qui rend le plan qu’il nous est proposé d’examiner sans précédent.
    Chacun doit s’approprier le plan de relance de notre pays. Et comme pédagogie est affaire de répétition, après Bruno Le Maire je cite à mon tour le site internet planderelance.gouv.fr : chaque Français, chaque entreprise doivent le visiter pour voir les mesures qui lui sont destinées.
    Car ce budget est historique par son ampleur : 100 milliards d’euros sur deux ans, soit quatre points de PIB ; cela n’a jamais été fait. Cette somme se décline en 78 milliards de financements directs par l’État, les organismes de sécurité sociale et les institutions financières publiques, 20 milliards de baisses d’impôts et 2 milliards d’euros de garanties.
    Le plan comprend trois piliers, que les Français connaissent désormais. Le premier est celui du verdissement de notre économie, avec la rénovation énergétique de l’immobilier, le soutien à la biodiversité et à l’économie circulaire, ou encore la transition agricole. Ce premier pilier sera d’ailleurs assorti du budget vert, que nous avons créé cette année. Il s’agit d’une méthodologie innovante – nous sommes le premier pays européen à la pratiquer – qui démontrera objectivement que notre budget est particulièrement favorable à la transition écologique, et a fortiori le plan de relance.
    Le deuxième pilier est celui du renforcement de la compétitivité des entreprises. En effet, plus qu’un soutien conjoncturel, ce plan doit susciter des mutations profondes de l’économie française. Il serait d’ailleurs totalement absurde d’opposer le verdissement à la compétitivité. Réaliser la transition écologique, ce n’est pas donner un coup de pinceau vert pour que les entreprises puissent s’affirmer écologiques. Non, investir dans la transition écologique, c’est créer les emplois de demain, comme nous le faisons dans certaines filières, à l’instar de l’hydrogène.
    Quant au troisième pilier, il s’agit de la cohésion sociale – et vous savez que j’y tiens. Il est incontournable pour soutenir les publics fragiles.
    Aussi ce plan de relance, dans sa globalité, porte-t-il une très grande ambition : celle d’un pays qui veut sortir de la crise et investir dans son avenir.
    Pour l’année 2021, nous commençons donc aujourd’hui l’examen d’une première traduction de ce plan de relance. Il s’agit de 57 milliards d’euros, avec 36 milliards d’euros d’engagements dans la mission « Plan de relance », pour laquelle M. le président de la commission et moi-même sommes rapporteurs spéciaux ; 11 milliards dédiés au quatrième programme d’investissements d’avenir ; et 10 milliards issus de la baisse des impôts de production.
    Ces sommes permettront de soutenir à la fois les entreprises, l’investissement et l’emploi, et de renforcer le pouvoir d’achat des ménages. Je m’arrête un instant sur ce dernier point : notre action en la matière s’inscrit dans la continuité des budgets précédents. Trouvez-moi un quinquennat récent au cours duquel autant aura été fait pour le pouvoir d’achat des ménages ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.) Cela ne commence pas avec ce plan de relance, c’est une pure continuité.
    Les engagements pris à la suite du Ségur de la santé, qui seront traduits dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale – PLFSS –, prévoient également une enveloppe de 8,8 milliards d’euros afin d’augmenter le salaire des personnels des établissements de santé et des EHPAD – établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes.
    En outre, je souhaite déterminer d’ici à la fin de l’année – plutôt dans le PLFR4 – quels sont les ménages qui se sont le plus précarisés et qui ont été le plus touchés par la crise sanitaire, particulièrement pendant la période du confinement. Nous aurons l’occasion d’en reparler.
    Ce plan de relance s’inscrit enfin dans une promesse européenne renouvelée. Je voudrais que l’on s’arrête aussi sur ce point. Le Conseil européen de juillet a abouti à un accord sur le financement des plans de relance nationaux par des émissions de dette commune. Cet accord constitue non seulement une avancée décisive pour la construction et la solidarité européennes, mais aussi un élément de crédibilité et de solidité pour les politiques budgétaires de la zone euro et de l’Union. La concrétisation de cet accord implique une ratification par l’Assemblée nationale ; nous aurons l’occasion de le faire d’ici la fin de l’année.
    Sur le plan budgétaire, ces crédits permettront de financer 40 % du plan de relance français. Afin que leur remboursement ne passe pas par l’augmentation des impôts, il nous faudra trouver de nouvelles ressources qui mettraient à contribution des bases actuellement très peu taxées. La Commission travaille déjà à la taxation des importations carbonées, des grandes entreprises du numérique bien entendu, ou encore des transactions financières. Nous y reviendrons.
    En dernier lieu, permettez-moi de regarder plus loin que la seule année 2021. Nous sortons d’une crise qui a terriblement dégradé nos comptes publics : le déficit s’approcherait de 7 % du PIB l’année prochaine ; la dette publique s’établirait à 117,5 % du PIB en 2020 et resterait pour longtemps à un niveau très élevé.
    Je tiens à le dire d’emblée : cet endettement supplémentaire est nécessaire. Oui, il y a de la bonne dette et il y a de la mauvaise dette : s’endetter pour répondre à l’urgence et pour soutenir un plan de relance, c’est utile et même nécessaire. La question que nous devons nous poser maintenant, c’est celle de la trajectoire de rétablissement des finances publiques que nous sommes capables de proposer non seulement à ceux qui nous prêtent, mais aussi à l’Union européenne et plus largement à l’ensemble de nos concitoyens qui suivent ces sujets avec beaucoup d’attention.
    Ce plan de relance ne me paraît possible que si nous pouvons démontrer par ailleurs le sérieux de nos comptes publics comme notre capacité à bien gérer notre solde structurel et à aller enfin vers un excédent primaire. Car le « quoi qu’il en coûte » n’est en aucun cas un robinet ouvert pour l’ensemble de la dépense publique. Nous devrons rester collectivement vigilants : autant l’endettement face à la crise et pour la relance est nécessaire, autant il serait coupable, voire irresponsable vis-à-vis des générations futures, de laisser filer toutes les dépenses de l’État.
    Je finirai en présentant quelques ajouts au texte du Gouvernement proposés par la commission des finances. D’abord, l’extension du nombre de PME bénéficiant du taux réduit d’impôt sur les sociétés : le plafond sera porté à 10 millions d’euros de chiffre d’affaires, M. le ministre en a parlé. Ensuite, l’augmentation du plafond d’exonération du forfait mobilités durables à 500 euros. Ou encore une  réforme de la fiscalité des non-résidents et, dans la continuité des précédentes lois de finances, la suppression de petites taxes et de dépenses fiscales inefficientes. Oui, le nettoyage fiscal reste important pour la bonne lisibilité de nos finances publiques par nos concitoyens.
    L’heure est désormais au débat. N’en ayons pas peur ; il sera nourri, il sera difficile, parce que l’heure est grave. Mais trouvons tous ensemble, quelles que soient nos opinions politiques, les clefs pour que la France retrouve son niveau de croissance et de prospérité d’avant la crise. Nous y avons tous intérêt. C’est essentiel pour les emplois de nos concitoyens et pour le quotidien des Français. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.)

    (À dix-sept heures, M. Marc Le Fur remplace M. Richard Ferrand au fauteuil de la présidence.)

    Présidence de M. Marc Le Fur
    vice-président

    M. le président

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    La parole est à Mme Anne-France Brunet, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques.

    Mme Anne-France Brunet, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques

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    L’article 3 du projet de loi de finances pour 2021 prévoit une baisse de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises – CVAE – et une diminution du taux de plafonnement de la contribution économique territoriale – CET. Si l’on ajoute à cela les mesures de l’article 4 visant à réduire la taxe foncière sur les propriétés bâties – TFPB – et la cotisation foncière des entreprises – CFE –, on constate que les impôts de production diminueront de  près de 10 milliards d’euros chaque année, dès l’année prochaine.
    Nous pouvons nous réjouir de la dynamique engagée, car les impôts de production restent trop élevés dans notre pays. Ils représentent 3,2 % du PIB en France contre 1,6 % du PIB en moyenne au sein de l’Union européenne.

    M. Sylvain Maillard

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    Eh oui !

    Mme Anne-France Brunet, rapporteure pour avis

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    Nous le savons, ils ont évolué plus rapidement que le PIB entre 2007 et 2016.
    S’il faut les réduire les impôts de production, c’est tout simplement parce qu’ils constituent un frein à la productivité et à la compétitivité de nos entreprises, comme l’ont rappelé, à juste titre, Philippe Martin et Alain Trannoy dans une note du Conseil d’analyse économique en juin 2019. Pour faire simple, la fiscalité de production conduit les entreprises à prendre de mauvaises décisions dans l’utilisation de leurs ressources. Elle engendre des effets de taxation en cascade et une hausse du coût final des intrants, constituant dès lors une subvention à l’importation d’intrants étrangers. Ces impôts découragent donc l’investissement, pourtant nécessaire pour préparer l’avenir de notre pays.
    Venons-en maintenant au fond de l’article 3, sur lequel la commission des affaires économiques est saisie pour avis. La CVAE, je le rappelle, est une cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, acquittée selon un taux fixé au niveau national et variant entre zéro et 1,5 % de la valeur ajoutée fiscale. Les entreprises qui y sont soumises, dans les faits, sont celles qui ont un chiffre d’affaires supérieur à 500 000 euros. Le produit de la CVAE, qui était de 18,9 milliards d’euros en 2019, doit être distingué du montant total de CVAE payé par les entreprises, à savoir 14,5 milliards d’euros. La différence, de l’ordre de 4 milliards d’euros, correspond aux dégrèvements compensés par l’État. Les recettes de la CVAE sont destinées aux collectivités locales et réparties entre elles, à hauteur de 26,5 % pour le bloc communal, soit 5,7 milliards d’euros en 2019, 23,5 % pour les départements, soit 3,8 milliards en 2019, et enfin 50 % pour les régions soit 9,5 milliards en 2019.
    La réforme proposée dans l’article 3 me semble simple, claire et profitable à l’ensemble des parties. Nos entreprises tireront un grand bénéfice de la division par deux des taux de la CVAE et de la baisse du plafonnement de la CET. Les gagnants seront nombreux : dans le domaine de l’industrie manufacturière, le gain est de 1,5 milliard ; dans le domaine du commerce et de la réparation d’automobiles et de motocycles, il est de 1,3 milliard. Au total, 530 000 entreprises vont bénéficier d’un gain de CVAE de 7,2 milliards d’euros, dont près de 2,5 milliards pour les TPE-PME et 2,9 milliards pour les ETI.
    Dans le même temps, les collectivités verront leurs ressources intégralement compensées pour 2021. Cet engagement du Gouvernement a été formalisé dans un accord de partenariat avec les régions ; on le retrouve dans l’article 3 du présent projet de loi de finances. Les régions pourront ainsi soutenir la relance territoriale, qui est indispensable pour la reprise. En outre, le dynamisme de la ressource TVA apparaît favorable aux collectivités dans la durée.
    Enfin, cette mesure nous permet d’avancer vers une baisse des impôts pesant sur les entreprises, conformément à l’engagement pris par le Président de la République en 2017. Elle nous invite également à réfléchir aux évolutions souhaitables de la CVAE pour les échelons des collectivités locales autres que les régions. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

    M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général

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    Très bien !

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

    M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

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    À bien des égards, l’année 2020 restera gravée dans nos mémoires comme une année historique, du fait de la crise sanitaire et économique, mais aussi de l’exercice inédit de démocratie participative qu’a été la convention citoyenne pour le climat. Pour le législateur, et tout particulièrement pour la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire que j’ai l’honneur de représenter ici, ces deux événements doivent être analysés à travers le même prisme. L’épidémie de covid-19 n’a fait que renforcer les interrogations sur l’organisation de notre société. Le confinement a montré les conséquences des activités humaines sur l’environnement, et souligné les forces et les faiblesses de notre tissu économique, comme notre dépendance toujours plus forte vis-à-vis de flux toujours plus mondialisés. Il a surtout ébranlé les certitudes de nombreux secteurs et remis en cause nombre de choix que nous effectuons en tant que citoyens mais aussi en tant que consommateurs.
    Ces questions ont été posées de façon tout aussi aiguë par la convention citoyenne pour le climat. Née d’un engagement du Président de la République, elle nous propose aujourd’hui une trajectoire citoyenne pour répondre à la crise.
    Notre commission tire de cette période deux enseignements principaux. Tout d’abord, nous devons renforcer le droit environnemental pour la protection de la biodiversité et du climat : il nous faut accroître encore les mesures incitatives en faveur de la transition écologique, notamment en direction des acteurs économiques les plus polluants. Économie et écologie doivent se conjuguer au même temps, le temps de l’ambition, du pragmatisme, de l’optimisme. Ensuite, nous devons à tout prix viser l’acceptabilité sociale des mesures, en accompagnant davantage les citoyens et les entreprises par des aides ciblées, compréhensibles et stables dans le temps. C’est ce que propose cette majorité, et c’est ce que propose ce Gouvernement.
    En ce sens, notre commission se félicite de la présentation, cette année, d’un budget « vert ». La France est le premier pays à se doter d’un tel outil, qui permettra de mieux identifier les dépenses néfastes à l’environnement et de mieux flécher les ressources de l’État. Nous pouvons espérer que ce budget vert permettra à nos politiques environnementales d’être mieux acceptées.
    Le projet de loi de finances soumis à notre examen contient l’amorce du plan de relance sans précédent présenté par le Gouvernement en septembre. Il permettra à notre pays de tenir le choc en protégeant l’emploi et en soutenant l’investissement, aux côtés de nos collectivités comme de nos entreprises. Cette année encore, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a été force de proposition. Elle a notamment fait le choix de verser au débat les premières propositions opérationnelles de la convention citoyenne pour le climat.
    Je souhaite ici mettre en avant une mesure emblématique, que nous défendons depuis trois ans : l’augmentation de 100 euros du forfait mobilités durables, qui passerait ainsi de 400 à 500 euros. C’est une avancée importante, qu’il faut souligner.

    M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général

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    Très bien !

    M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur pour avis

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    L’heure est à présent au débat. Ce budget pour 2021 doit anticiper les mesures proposées dans le cadre du projet de loi issu des propositions de la convention citoyenne qui sera présenté ultérieurement. La commission du développement durable jouera pleinement son rôle pour accélérer la transition écologique de notre pays et accompagner les Français sur ce chemin. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.)

    M. le président

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    La parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

    M. Éric Woerth, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

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    Permettez-moi de faire entendre ici une voix légèrement différente de celles qui viennent de s’exprimer.

    Mme Marie-Christine Dalloz

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    Ça va faire du bien !

    M. Éric Woerth, président de la commission des finances

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    Lorsque la crise du covid a terrassé notre économie, nous étions déjà en fâcheuse posture, avec une dette proche des 100 % du PIB, un déficit public hors CICE – crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi – à 2,2 % et un taux de chômage à 8,1 % – donc un chômage de masse – en nette hausse, dès avant le confinement.
    Cette crise a mis en exergue nos faiblesses mais devrait surtout être un révélateur de conscience. Aviez-vous vraiment tout fait, avant la crise, pour restaurer nos finances publiques ? Aviez-vous remis la France sur les rails ? Je ne le pense pas. Nous sommes à la croisée des chemins, mais c’est l’impasse qui nous guette. Cette année, le déficit public devrait culminer à 10,2 %. Du côté des comptes sociaux, entre les pertes de recettes et les hausses de dépenses, le déficit sera multiplié par neuf, atteignant 44 milliards d’euros pour la seule année 2020.
    Si personne ne remet en cause l’impact de la crise sanitaire sur nos finances publiques, je m’interroge sur vos choix. Nous roulons dans un brouillard épais, sans phares ni GPS. Les prévisions budgétaires n’ont jamais été aussi volatiles : entre juillet et septembre 2020, le déficit de l’État a varié de 30 milliards d’euros, soit plus que le budget de la recherche et de l’enseignement supérieur !
    Ce budget présente une particularité : il intervient alors que la crise sanitaire est loin d’être terminée. Face à cette grande incertitude, le gouvernement britannique a pris la décision de repousser la présentation de son budget. Sans aller jusque-là, vous auriez pu tenir compte de la volatilité extrême de la situation, qui rend vite caduque toute prévision. Vous auriez dû chercher à baliser d’autres chemins que la voie que vous avez choisie, et accompagner le budget d’autres scénarios.
    À côté des indicateurs traditionnels que sont l’inflation, la consommation et la croissance, vous auriez pu retenir aussi, pour la construction de votre budget, l’« indicateur covid ». Cela vous aurait permis de dessiner plusieurs scénarios, l’un avec une crise sanitaire persistante, l’autre avec une crise sanitaire déclinante.

    Mme Véronique Louwagie

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    Tout à fait !

    Mme Marie-Christine Dalloz

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    Très juste !

    M. Éric Woerth, président de la commission des finances

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    Mais vous n’avez pas jugé utile de présenter les choses ainsi, pas plus que vous n’avez jugé bon d’adjoindre à ce budget un plan de financement pluriannuel – je ne parle même pas d’une loi de programmation. Vous en êtes restés à des généralités concernant le financement. Cela aurait pourtant été une innovation utile, susceptible d’inspirer davantage de confiance.
    Ce qui caractérise ce budget, c’est que vous ne financez rien. J’en veux pour preuve que notre niveau de dette publique devrait avoisiner les 117 % du PIB pendant la période de 2020 à 2025. Notre dette ne décroîtrait pas, alors même que celle des pays de l’Union européenne se situe en moyenne aux alentours de 80 % du PIB.
    Pour quoi nous endettons-nous ? Pour du fonctionnement ! Sur les 153 milliards du déficit de l’État prévu pour 2021, seul un sixième proviendra de dépenses d’investissement. Les dépenses de fonctionnement continuent à augmenter plus rapidement que les dépenses d’investissement, et ce, malgré le plan de relance. C’est d’autant plus inquiétant que, sur les deux années 2020 et 2021, la dette augmentera de 400 milliards, soit quatre fois le montant du plan de relance que vous proposez ! Il y a une dette nécessaire, celle qui permet l’investissement et le soutien aux secteurs économiques gravement touchés ; il y a une dette dangereuse, la dette de fonctionnement, qui est une véritable bombe à retardement.
    Au sein de cette dette publique, vous avez annoncé vouloir cantonner la « dette covid » en la séparant du stock de dette initiale. C’est un peu une manière pudique d’oublier tout le reste de la dette, et c’est une méthode très critiquable. À côté des intentions politiques, il y a la réalité budgétaire, et cela ne fonctionne pas. Ainsi, tel Sisyphe poussant son rocher, vous êtes régulièrement amenés à  prolonger la durée de vie de la Caisse d’amortissement de la dette sociale – CADES. La Cour des comptes estime elle-même qu’il faudrait ajouter une cinquantaine de milliards d’euros aux ressources supplémentaires que vous lui avez attribuées. Quant à votre affirmation selon laquelle la dette covid sera amortie en 2042, elle n’a guère de sens. Vous semblez préjuger que nous visons la dernière crise. Pourtant, les crises se multiplient et leur fréquence augmente : de centennales, elles deviennent décennales.
    Vous engagez des dépenses considérables en faisant reposer leur financement sur l’accroissement, tout aussi considérable, de l’endettement, sur l’augmentation hypothétique d’une croissance potentielle déjà forte et sur le versement de fonds européens dont l’horizon de décaissement demeure pourtant incertain. Or seule la réforme peut améliorer la croissance potentielle. Et un État qui ne finance plus, c’est un État qui ne se réforme plus ! Le risque de la relance, c’est celui de relancer nos faiblesses, notre incapacité à maîtriser la dépense publique.
    L’absence de financement est criante en matière de dépendance. Vous prévoyez la création d’un cinquième risque que vous ne financez pas, alors même que les quatre autres branches de la sécurité sociale sont en alerte rouge, avec un déficit de 44 milliards.

    Mme Véronique Louwagie

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    Rien n’est financé !

    M. Éric Woerth, président de la commission des finances

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    Autrement dit, vous ajoutez du risque au risque, à un moment pour le moins incongru.
    L’absence de financement est également criante en matière de fiscalité locale. Vous avez décidé de supprimer la taxe d’habitation, puis de supprimer en partie – et c’est une bonne chose – les impôts de production, la CVAE et les impôts fonciers qui pèsent sur les entreprises. Toutefois, vous n’avez pas mis sur la table de vraie réforme de la fiscalité locale. C’est faire les choses à moitié. Pour compenser les pertes de recettes des collectivités territoriales, vous procédez à un bricolage fiscal en leur affectant une part du produit de la taxe sur la valeur ajoutée – TVA –, comme si les recettes de l’État étaient en excédent !
    En réalité, on assiste à une recentralisation de la fiscalité locale qui ne s’assume pas,…

    Mme Marie-Christine Dalloz

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    Oui !

    M. Éric Woerth, président de la commission des finances

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    …on éloigne le contribuable du citoyen local. Et, comme chaque année, lorsqu’il s’agit de faire des économies, vous vous tournez vers Action Logement, vers les mutuelles et vers les chambres de commerce et d’industrie. Cela devient une fixation : toutes les économies de la République reposent sur ces trois catégories d’institutions !
    Permettez-moi de dire un mot sur la fiscalité. Vous affirmez ne pas vouloir augmenter les impôts dans les années qui viennent. Dont acte, vous avez raison. Néanmoins, comme souvent, le diable se cache dans les détails : dans ce budget, vous prévoyez un certain nombre d’augmentations des prélèvements, certes modestes, mais importantes aux yeux de ceux qui les subissent. Je pense à l’abaissement du plafond de certaines taxes affectées, à la hausse des taxes sur l’électricité ou encore à l’augmentation du malus automobile.

    Mme Marie-Christine Dalloz

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    Voilà !

    M. Éric Woerth, président de la commission des finances

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    Ce budget est l’illustration des questions que vous n’avez pas résolues ou auxquelles vous n’avez pas voulu répondre : économie ou santé ? Réforme ou absence de réforme ? Centralisation ou décentralisation ?
    Venons-en, plus concrètement, au plan France relance. Comme je l’ai indiqué, je voterai les crédits de la mission « Plan de relance », soit 36 milliards d’autorisations d’engagement, de même que nous avons voté les trois projets de loi de finances rectificative.
    La phase d’urgence est suivie d’une phase de relance, vous procédez dans le bon ordre. Mais vous confondez les choses, sciemment, en donnant au plan de relance un aspect assez foisonnant. Ce plan de relance est un peu un outil de communication : de manière habile, vous donnez l’impression que vous allez mettre sur la table, cet automne, 100 milliards d’argent frais pour relancer notre économie. Or cela relève de l’abus de langage !

    Mme Marie-Christine Dalloz

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    Eh oui !

    M. Éric Woerth, président de la commission des finances

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    Je me suis intéressé aux dépenses que vous avez effectuées dans le cadre des trois PLFR et à celles que vous envisagez dans le présent budget et le plan de relance. Je constate qu’il y a trois types de dépenses : les dépenses de soutien, indispensables, qui s’élèveront à 74 milliards d’ici à 2022 ; les dépenses visant à accélérer  les transformations numériques et écologiques, utiles elles aussi, qui seront de 35 milliards ; enfin, des dépenses opportunistes, dépourvues de lien avec la crise, qui représenteront une douzaine de milliards.
    On y trouve notamment d’importantes revalorisations salariales des agents publics, qui ne sont jamais conditionnées par une réforme de l’organisation de notre système de santé ou de notre système de sécurité. Ce sont aussi 620 millions d’euros supplémentaires qui seront accordés à la justice, et plus de 200 millions pour des mesures catégorielles en faveur des personnels de l’enseignement public du second degré. Vous ajoutez à cela 20 millions pour le pass Culture des jeunes et 14 millions pour la création de la Cité du théâtre. Vos raisons sont sans doute très bonnes, à ceci près que vous devez, dans le même temps, financer des dépenses de sauvetage, ou de survie, et des dépenses d’investissement pour relancer l’économie. Dans votre esprit, les crises sont non seulement des occasions de transformer, mais aussi des alibis pour dépenser !
    On se demande, au fond, quelles sont vos priorités. Tout est prioritaire ! Or la dépense n’est pas, en tant que telle, une réforme. Les chiffres sont éloquents : entre 2020 et 2021, si on neutralise les mesures de soutien et de relance liées à la crise du covid-19, on constate que les dépenses publiques bondiront de 2,9 % en volume, alors qu’elles n’avaient progressé que d’environ 1 % en moyenne au cours des dix dernières années. Autrement dit, vous multipliez par trois le rythme d’augmentation des dépenses publiques en volume hors crise.

    Mme Marie-Christine Dalloz

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    Très juste !

    M. Éric Woerth, président de la commission des finances

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    Vous profitez de la crise pour dépenser à tout-va : votre « quoi qu’il en coûte » s’apparente à une fuite en avant. Sachez néanmoins qu’il n’y a pas, hélas, d’immunité de nos finances publiques face aux conséquences des dépenses que vous engagez.
    D’ailleurs, les Français ne s’y trompent pas : ils sont littéralement stupéfaits de découvrir que l’État peut dépenser autant et qu’il est désormais possible de financer tout ce qu’il était impossible de financer il y a six mois ! Ce budget de dépense crée plus de défiance que de confiance, alors même que nous avions besoin de clarification. C’est une occasion manquée. De la croisée des chemins à l’impasse, il n’y a plus qu’un pas. Dans ce moment d’extrême incertitude, la parole du Gouvernement devrait rassurer. Je regrette que ce budget soit un échec de ce point de vue. En fin de compte, il soulève davantage de questions qu’il ne résout de problèmes. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    Motion de rejet préalable

    M. le président

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    J’ai reçu de M. Jean-Luc Mélenchon et des membres du groupe La France insoumise une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.
    La parole est à M. Éric Coquerel.

    M. Éric Coquerel

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    Collègues, je vous invite à rejeter le projet de loi de finances et le plan de relance qui y est associé. D’une part, ils ne sont pas de taille à relever notre économie, à limiter les dégâts sociaux, encore moins à engager une vraie bifurcation écologique. D’autre part, ils prétendent soigner le mal par le mal.
    Jamais le virus du covid-19 n’aurait atteint cette dangerosité sans le virus social qu’est le libéralisme. C’est cette idéologie qui a poussé hors de nos frontières la production des éléments indispensables à la préservation de la santé des Français, notamment les masques et les tests. Le covid-19 aurait été bien moins mortel si les politiques d’austérité n’avaient pas rongé nos services publics. L’an dernier, la suppression des lits d’hôpitaux se poursuivait. Ce bilan, honteux, est le vôtre.
    Dans la période qui a suivi le mois de mars, vous avez refusé de recruter sans attendre des médecins et des infirmiers, à la différence de ce qui s’est fait en Italie. Vous avez reporté au projet de loi de financement de la sécurité sociale la revalorisation salariale tant réclamée par les personnels, et celle-ci demeurera insuffisante. Dès lors, nous sommes exposés au risque d’une saturation de l’hôpital public. Mais cette fois-ci, nous le savons, les personnels ne pourront pas réaliser le même exploit que lors de la première vague, ils nous le disent eux-mêmes, d’autant que certains d’entre eux, épuisés, sont partis.
    Or, dans ce projet de loi de finances, vous nous proposez les mêmes recettes : politique de l’offre et de la compétitivité, baisse des impôts sur le capital, argent donné aux entreprises sans contrepartie ni fléchage.
    Vous ne pourrez pas dire que vous ne saviez pas. Le 12 mars dernier, souvenez-vous-en, Emmanuel Macron concluait ainsi son intervention télévisuelle : « Il nous faudra demain tirer les leçons du moment que nous traversons, interroger le modèle de développement dans lequel s’est engagé notre monde depuis des décennies et qui dévoile ses failles au grand jour […] Ce que révèle d’ores et déjà cette pandémie, c’est que la santé gratuite sans condition de revenu, de parcours ou de profession, notre État-providence ne sont pas des coûts ou des charges mais des biens précieux, des atouts indispensables quand le destin frappe. Ce que révèle cette pandémie, c’est qu’il est des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché. »
    Sept mois après, ces belles paroles semblent passées par pertes et profits. Pensez-vous que la situation est si bonne et moins urgente ? Pensez-vous que le système de santé public a ne serait-ce que commencé à panser les plaies que vous et vos prédécesseurs lui avez infligées ? Si l’on se réfère à ce projet de loi de finances, c’est manifestement ce que vous croyez, à moins que vos belles paroles d’alors – le ton d’Emmanuel Macron était presque celui d’un mea culpa – n’aient été que cynisme et hypocrisie, afin que la société, notamment le monde des soignants et de tous ceux qui étaient restés en première ligne, ne craque pas.
    Avant de disséquer ce que vous proposez, voyons le bilan sur lequel vous vous appuyez. À vous entendre, tous les feux étaient au vert au moment où le covid-19 a touché le pays. Je me demande d’ailleurs pourquoi, si tel était le cas, Emmanuel Macron a cru nécessaire alors de tirer quelques « leçons du moment que nous traversons ».
    Selon vous, donc, tout allait bien en février 2020 : la France créait de l’emploi grâce à votre politique – et qu’importe si, depuis quatorze mois, vous refusiez, au nom de la maîtrise des dépenses de santé, de donner suite aux revendications des soignants que vous alliez trouver légitimes un peu plus tard. Pour reprendre les termes d’Emmanuel Macron, le destin n’avait pas encore frappé.
    Tout allait-il bien ? Pour les plus riches, incontestablement ; pour les beaucoup plus riches, merveilleusement. À cet égard, les attendus du deuxième rapport, en date du 8 octobre, remis par le comité d’évaluation des réformes de la fiscalité du capital, organisme placé sous l’égide de France Stratégie, ne prêtent à aucune discussion : grâce à vos cadeaux fiscaux – instauration de la flat tax, suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune et autres mesures – les 0,1 % les plus riches ont gagné en moyenne 86 290 euros supplémentaires par an, et les cent Français les plus fortunés, 1,2 million de plus par an ! Et, au cas où l’on nourrirait encore des doutes quant à l’impact des politiques fiscales de l’ère Macron, le rapport précise que les 0,1 % les plus aisés de 2020 sont un quart de fois plus riches que les 0,1 % de 2017.
    Serait-ce dû à leur travail ? à leur productivité plus importante ? à leur talent plus grand ? Non, uniquement à l’allégement des impôts sur le capital, dont les dividendes.
    Les chiffres le prouvent : les dividendes distribués ont augmenté de plus de 60 % en 2018, et la hausse s’est poursuivie en 2019 ; cette augmentation est de plus en plus concentrée dans la population, puisque les 0,1 % des foyers fiscaux les plus aisés perçoivent plus des deux tiers des montants totaux des dividendes, contre la moitié à l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron, et les ultra-riches – 3 800 personnes – en perçoivent un tiers contre un cinquième en 2017.
    Les plus riches contribuables du pays se sont donc enrichis considérablement, grâce aux allégements de fiscalité, qui ont nourri une concentration toujours plus grande des richesses.
    Au fond, en trois ans, la France a épousé la tendance mondiale et largement comblé une partie de son petit retard en matière d’accroissement des inégalités. Rappelons en effet que, début 2020, les richesses du 1 % des plus riches de la planète étaient deux fois plus importantes que la richesse cumulée de 90 % de la population, et que 2 153 personnes possédaient plus de richesses que les 60 % les plus pauvres. En France, sept milliardaires possèdent plus que les 30 % les plus pauvres, et les 10 % les plus riches possèdent 50 % des richesses.
    Je sais que ces chiffres donnent le tournis, mais ils sont la conséquence de votre politique. Accrochez-vous parce que d’autres vont suivre.
    Ce dispositif d’allégement des dividendes n’est pas le seul cadeau aux entreprises, qui jouissent également d’exonérations de crédits d’impôt et d’une baisse de l’impôt sur les sociétés. À quoi sert donc cet appauvrissement de l’État et des comptes sociaux, puisque cet argent accordé a un coût pour la collectivité qui se calcule en dizaines de milliards d’euros ?
    Je connais votre réponse, monsieur le ministre, je l’ai entendue des centaines de fois en trois ans : il s’agit d’attirer ou de conserver des capitaux, eux-mêmes générateurs d’investissements et d’emplois. Sauf que, de tout cela, il n’y a trace nulle part. Là encore, je prends les données de vos propres officines : l’étude la plus optimiste en matière de CICE accorde par exemple à cette gigantesque gabegie – 20 milliards par an – à peine 100 000 emplois préservés depuis sa création, soit un coût de 1 million d’euros par emploi, alors que le patron du Medef promettait un million de créations d’emploi.
    En octobre 2019, le rapport de l’Institut des politiques publiques n’observait aucune retombée positive sur l’emploi de la suppression de l’ISF et de l’instauration de la flat tax. Un an après, en termes certes plus diplomatiques, le rapport du comité d’évaluation des réformes de la fiscalité du capital que j’ai déjà cité dit exactement la même chose.
    Sur le temps long, il n’y a aucune incidence non plus de ces cadeaux sur l’emploi, la richesse collective ou les investissements. En dix ans, le SMIC a augmenté de 12 %, le salaire moyen de 20 % ; l’investissement des entreprises du CAC 40 a baissé de 5 %, pendant que les revenus du capital explosaient de plus de 100 % !
    Vous avez appauvri les gens individuellement, vous avez fait de la redistribution à l’envers : ainsi le décile le plus pauvre de la population a-t-il vu ses revenus bruts augmenter depuis 2017, mais baisser après la redistribution fiscale !
    La fiscalité française, si on la prend globalement, est ainsi devenue régressive, comme l’a pointé Thomas Piketty, et l’argent donné aux plus riches ne ruisselle pas, ou alors du bas vers le haut…
    À cet appauvrissement individuel s’ajoute un appauvrissement collectif, qui résulte de la baisse des dépenses publiques et de la protection sociale. En effet, lorsque la règle des déficits était encore une règle d’airain, il a bien fallu prendre dans la poche des uns ce que vous donniez aux plus riches… Voilà notamment comment, en 2020, on en est arrivé à ce que l’État ne compense pas les 3 milliards d’exonérations de charges sociales dans le PLFSS : comment s’étonner ensuite que l’hôpital public ait été dans une si mauvaise situation pour gérer l’épidémie ?

    M. Fabien Roussel

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    Tout à fait !

    M. Éric Coquerel

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    Vous continuez à reprendre le chiffre de 500 000 emplois créés en France, agité par Emmanuel Macron en janvier 2020 : notons que c’est 10 % de moins que ce que fit son prédécesseur, sachant en plus que la plupart de ces emplois sont en réalité des CDD ou des temps partiels, qui ont remplacé des CDI. Tout cela devrait donc vous inciter à un peu plus de modestie concernant votre bilan pré-covid.
    Venons-en à ce PLF. Vous mettez 30 milliards sur la table – et non les 100 milliards dont vous nous rebattez les oreilles. C’est largement insuffisant. Alors que nous avons perdu dix points de PIB, vous ne proposez d’injecter dans l’économie que l’équivalent d’un point, tandis que les Allemands, au même moment, injectent 90 milliards, qui plus est dans une politique de la demande.

    M. Erwan Balanant

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    Vous aimez l’Allemagne, maintenant ?

    M. Éric Coquerel

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    Je n’ai jamais détesté l’Allemagne, et lorsqu’elle fait des choses intéressantes je l’observe. En l’occurrence, elle fait des choses plus intéressantes que nous, ce qui fait que nous risquons fort de décrocher économiquement par rapport à nos partenaires européens.

    Mme Valérie Rabault

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    Il a raison !

    M. Éric Coquerel

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    En effet vous persistez dans votre politique de l’offre, qui se traduit notamment par une distribution d’argent aux entreprises sans contrepartie. Une grande part en effet de vos 30 milliards consiste en une baisse des impôts sur la production – vous vous en êtes vous-mêmes vantés tout à l’heure. Non seulement c’est de l’argent qui va manquer aux collectivités, puisque vous comptez compenser la baisse grâce à la TVA, qui, en dix ans, a connu une augmentation inférieure aux impôts sur la production…

    M. Alexandre Holroyd

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    C’est faux !

    M. Éric Coquerel

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    Non, cher collègue, j’ai vérifié les chiffres depuis la discussion en commission. Vous alourdissez ainsi vos pertes fiscales déjà massives, sachant que, sur les 250 milliards de déficit annoncé pour fin 2020, 135 milliards sont déjà liés aux pertes de recettes. Cet argent sera en outre réparti de manière totalement inégale entre les entreprises, un quart allant aux 250 plus grosses entreprises, quand les 285 000 plus petites se partageront royalement 125 euros chacune.
    Vous allez enfin continuer à distribuer de l’argent sans condition, comme vous l’avez fait lors du premier PLFR, servant ainsi toutes ces entreprises qui, aujourd’hui, annoncent des plans sociaux, non pas à cause de la covid mais en raison de restructurations boursières : Nokia, Bridgestone… la liste est malheureusement en train de s’allonger.
    J’en conclus que le CICE ne vous a pas servi de leçon, que vous continuez, pour reprendre la réponse que m’avait faite ici même Bruno Le Maire, à compter sur le bon sens des chefs d’entreprise, y compris ceux dont le seul critère de référence est le rendement de la rente capitaliste. Comment, au moins, n’avoir pas subordonné votre engagement à cette seule condition de bon sens : pas d’argent public pour les entreprises qui licencient tout en faisant des bénéfices !
    Emmanuel Macron comme Bruno Le Maire plaidaient, pendant le confinement, pour la relocalisation de nos entreprises. Fort bien, mais que faites-vous pour cela ? Aucune réforme structurelle n’est envisagée, alors que l’Union européenne organise un libre-échange interne qui permet à Bridgestone de toucher de l’argent pour ouvrir une autre entreprise en Pologne, comme l’a révélé Fabien Roussel.
    Plutôt qu’une taxation aux frontières, vous préférez miser sur la compétitivité pour attirer les entreprises, ce qui se traduit par des baisses d’impôts, un moins disant fiscal et social dont nous n’avons rien à tirer. La réponse de Bridgestone, ou celle de Sanofi, qui touche le CICE tout en supprimant des postes de chercheur en France, ne vous alerte-t-elle pas ? Bref, cette politique de l’offre nous a déjà beaucoup coûté.
    En matière de politique de la demande, le compte n’y est pas. Vous auriez au moins pu faire un geste en faveur des plus pauvres des Français, dont le nombre a explosé au point que le Secours populaire considère que la situation n’a jamais été aussi grave depuis la Seconde Guerre mondiale.

    M. Fabien Roussel

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    C’est vrai !

    M. Éric Coquerel

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    Mais là encore, seulement 1 % des milliards d’euros que vous vous apprêtez à dépenser contribueront un tant soit peu à améliorer la situation des plus pauvres.

    M. Fabien Roussel

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    Un pour cent !

    M. Éric Coquerel

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    Où est le RSA que vous deviez étendre aux plus jeunes ? Où est l’augmentation des minima sociaux ? Où est le recrutement de 300 000 emplois jeunes ? Autant de propositions que nous vous ferons dans le contre-budget que nous vous présenterons, car c’est la solidarité qui doit s’imposer par les temps qui courent.
    Ensuite, vous vous apprêtez à supprimer des emplois dans des ministères qui pourtant devraient être à la pointe avancée du combat sur la question écologique. Travail, finances, écologie… ces trois ministères subissent de nouvelles suppressions de poste : 947 au ministère de la transition écologique et solidaire, qui en a déjà perdu 3 706 ces trois dernières années ! Comment voulez-vous que ce ministère et ses opérateurs gèrent les 30 milliards que vous allez soi-disant affecter à l’écologie, si vous supprimez ceux qui sont chargés, théoriquement, de les contrôler et d’instruire les dossiers ?
    On peut parier que cette politique ne sera pas appliquée, à moins que vous ne comptiez sur les facultés de l’économie capitaliste à s’autoréguler – à choisir les moyens d’atteindre des objectifs écologiques dont de toute façon personne ne contrôlera la réalisation. Trente milliards, c’est d’ailleurs bien peu quand l’Institut de l’économie pour le climat estime qu’il faudrait 50 milliards par an sur les cinq prochaines années pour que la France puisse atteindre la neutralité carbone.
    Enfin, j’ai entendu, Bruno Le Maire dire qu’il faudrait payer la dette. Je m’en étonne, dans la mesure où, lors des débats sur les PLFR, vous étiez comme d’autres – Éric Woerth, notamment – moins affirmatif, monsieur le ministre : on évoquait plutôt l’idée de ne pas payer le stock de la dette, mais seulement les intérêts.

    M. Charles de Courson

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    Ce n’est pas moi qui l’ai dit !

    M. Éric Coquerel

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    Payer la dette, cela signifie un retour aux politiques d’austérité et aux baisses de dépenses publiques, voire à de la dérégulation. Cela signifie encore que, en échange des fameux 40 milliards que nous donnerait la Commission européenne – ne nous y trompons pas : notre dotation à l’Europe va en réalité augmenter de 20 milliards – vous mènerez les réformes structurelles promises, notamment la réforme des retraites. Inutile en effet de chercher d’autre motif de reprendre cette réforme : c’est la Commission européenne qui vous l’impose !
    Le retour à l’austérité pour la plupart et les cadeaux fiscaux plus riches ne nous conduiront qu’à retomber dans les mêmes ornières lors de la prochaine crise. Voilà pourquoi je vous invite à rejeter ce projet de loi de finances. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI et plusieurs bancs des groupes GDR et SOC.)

    M. le président

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    Sur la motion de rejet préalable, je suis saisi par le groupe FI d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à M. le ministre.

    M. Bruno Le Maire, ministre

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    Éric Coquerel emploie le mot d’austérité : une austérité à 100 milliards d’euros, ça fait cher l’austérité ! (Sourires et applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.) Ce n’est pas le terme le plus approprié pour un plan de relance aussi puissant que le nôtre et compte tenu de tout ce que nous avons déjà décaissé.
    Vous dites par ailleurs que nous n’en faisons pas assez et que les autres pays européens font mieux : mais nous faisons plus que tous les autres pays européens en matière de soutien à l’économie !

    M. Éric Coquerel

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    Ce n’est pas vrai !

    M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général

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    Mais si !

    M. Bruno Le Maire, ministre

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    Nous sommes le pays de la zone euro qui a la plus forte proportion de salariés couverts par le chômage partiel, avec la meilleure indemnisation de l’activité partielle ! Vouloir plus ne mène nulle part. Nous avons fait le maximum et nous continuerons de faire le maximum.
    Les chiffres que vous comparez sont ceux des annonces, et non les décaissements réels. Mais s’agissant d’un projet de loi de finances, il me semble préférable de se concentrer sur ce qui a réellement été décaissé par l’État. Oui, l’Allemagne a annoncé qu’elle doterait son fonds de solidarité pour les PME de 25 milliards d’euros : elle a dépensé 2,5 milliards cet été. Nous, nous avons annoncé 9 milliards, mais nous en avons effectivement dépensé 6. Pareil pour les prêts garantis par l’État : l’Allemagne a annoncé 500 milliards mais en a décaissé 34, là où nous en avons annoncé 300 mais déjà dépensé 120. La raison en est tout simplement que nous avons été plus touchés par la crise sanitaire que l’Allemagne. Comparaison n’est pas raison : regardons plutôt les chiffres réels que les chiffres annoncés. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.)

    M. le président

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    La parole est à M. Christophe Jerretie.

    M. Christophe Jerretie

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    À travers les PLFR que nous avons votés, nous avons instauré le prêt garanti aux entreprises – PGE –, le fonds de solidarité et le chômage partiel. Heureusement qu’à l’époque, ces PLFR ont été adoptés, sans quoi nous en serions encore à adopter des mesures d’urgence. Faisons de même aujourd’hui, car adopter cette motion de rejet reviendrait à remettre en cause toutes les mesures prévues. Mieux vaut préparer l’avenir en travaillant sur le plan de relance – mieux vaut, pour paraphraser Bruno Le Maire, faire le pari de retrouver en deux ans notre niveau de croissance plutôt que de l’attendre.
    Le second point porte sur un objectif jusqu’ici peu évoqué. On a beaucoup parlé d’emploi, de mesures économiques et de politiques publiques, mais un thème général transpire des mesures figurant dans le plan de relance et dans le PLF : celui de la jeunesse. Elle est en effet concernée par des mesures pragmatiques comme le RSA jeune, que nous proposons d’améliorer par la garantie jeune, laquelle constitue un dispositif particulièrement efficace ; ou encore par les aides à l’alternance, à la professionnalisation et à l’acquisition d’expérience. Ce sont là des aides directes et des mesures concrètes.
    Mais, surtout, je fais référence aux mesures transversales liées à la transition écologique, énergétique et industrielle, car c’est ce que réclame cette jeunesse-là. Il faut construire l’avenir de notre jeunesse ; cet avenir passe par le plan de relance. C’est pourquoi il est, avec le projet de loi de finances, la base de la réponse transversale que nous devons apporter à la jeunesse. C’est une écologie concrète et moderne que veulent les députés du groupe Mouvement démocrate et démocrates apparentés, c’est-à-dire une transition moderne de l’industrie.

    M. le président

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    Il faut conclure, monsieur le député.

    M. Christophe Jerretie

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    Après l’urgence et la relance, c’est maintenant le tour de la confiance. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.)

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Louis Bricout.

    M. Jean-Louis Bricout

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    Le groupe Socialistes et apparentés partage pleinement l’analyse du budget qui a été faite par M. Coquerel, et nous voterons la motion de rejet préalable.
    Nous considérons, nous aussi, que le budget pour 2021 et le plan de relance qui va avec sont complètement déséquilibrés du point de vue du rapport entre politique de l’offre et politique de la demande. La politique de l’offre est bien trop accentuée : elle est synonyme de dette et certainement, dans un avenir proche, d’austérité budgétaire, laquelle entraînera l’affaiblissement des services publics et le basculement de nombre de nos concitoyens dans la pauvreté.
    De plus, les effets de la politique de l’offre sont souvent décalés. Ils ne se feront sentir qu’en 2021 et en 2022, alors que nous avons besoin d’une politique d’urgence à effet immédiat. Une politique de la demande correspondrait mieux aux attentes sociales de la jeunesse et du million de personnes qui sont tombées dans la pauvreté, ainsi qu’à celles des petites et moyennes entreprises qui attendent un regain du pouvoir d’achat des consommateurs pour remplir leur carnet de commandes.
    Permettez-moi de revenir ici sur la question des contreparties à la politique de l’offre. Vous proposez une baisse des impôts de production ; celle-ci a sûrement ses vertus en termes de compétitivité-coût, mais elle concerne plutôt les grandes entreprises et les entreprises tournées vers l’exportation.

    M. Erwan Balanant

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    Non !

    Mme Valérie Rabault

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    Si !

    M. Jean-Louis Bricout

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    Nous nous inquiétons pour les petites entreprises, que cette politique ne sert pas assez.

    M. Erwan Balanant

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    Elles aussi, elles exportent !

    M. Jean-Louis Bricout

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    Par ailleurs, les grandes entreprises concernées par cette baisse d’impôt ont plusieurs choix pour l’utilisation de cet argent : soit elles remettent leur trésorerie à flot, ce qui est une bonne chose ; soit elles investissent dans leur outil de production, ce qui est également bon pour l’emploi à moyen terme ; soit elles investissent dans les salaires, car les ressources humaines comptent aussi. Seule une chose est à bannir : la distribution de dividendes. Or, dans le budget, rien n’est fait pour nous en protéger, ce qui pose un vrai risque de transformation de la dette publique en distribution de dividendes. C’est bien dommage, car nous avions proposé des solutions pour taxer les dividendes, notamment via la flat tax.

    M. le président

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    La parole est à Mme Lise Magnier.

    Mme Lise Magnier

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    Sans surprise, le groupe Agir ensemble ne votera pas la motion de rejet préalable. Comme l’ont dit les ministres et le rapporteur général, ce projet de loi de finances est bien trop important pour nous priver d’un débat. Députés de la majorité comme de l’opposition, nous avons l’obligation de faire de la relance un succès. Les attentes sont nombreuses et le temps presse. Au cours des prochaines semaines, nous allons débattre de la première puis de la seconde partie du PLF, et je ne doute pas que nos débats permettront d’enrichir, voire de corriger, les dispositions du texte qui nous a été transmis par le Gouvernement.
    En l’état, le PLF nous semble être un texte solide et équilibré. La baisse des impôts de production est une mesure majeure qui redonnera des marges de manœuvre aux entreprises. Tout le monde s’accorde à dire, depuis des années, que les impôts de production grèvent considérablement la compétitivité de notre industrie. Ce gouvernement est le premier à les baisser dans ces proportions, ce qui doit être souligné et salué.
    Outre la baisse des impôts de production, la première partie du PLF contient des mesures bienvenues. Je ne peux pas les citer toutes mais je pense, par exemple, aux dispositifs visant à soutenir la trésorerie des entreprises, ou à la rationalisation de la fiscalité par la poursuite de la suppression des petites taxes et des petites niches fiscales inefficientes. Je pense également au crédit d’impôt pour l’installation de systèmes de charge des véhicules électriques destinés aux ménages français.
    Bien sûr, le texte est perfectible, et c’est précisément pour cela que nous voterons contre la motion de rejet préalable. Nous devons travailler le texte en séance pour doter le pays des outils nécessaires à la crise que nous traversons. (Applaudissements sur les bancs du groupe Agir ens et quelques bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    La parole est à M. Christophe Naegelen.

    M. Christophe Naegelen

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    Historiquement, le groupe UDI et indépendants vote toujours contre les motions de rejet préalable, car il nous paraît plus opportun d’améliorer les textes en les discutant dans l’hémicycle. C’est d’autant plus le cas pour le projet de loi de finances.
    Nous parlons ici du budget de la France : si nous rejetons ce texte, nous aurons en janvier des fonctionnaires à payer, des collectivités à compenser et des entreprises qui attendent avec impatience leurs aides. Il serait complètement inconscient d’adopter une motion de rejet préalable sur un texte comme celui-là. Soyez un peu sérieux, chers collègues, soyez un peu responsables, et profitez des semaines d’examen du texte pour lui apporter des améliorations.  
    Le groupe UDI et indépendants votera contre la motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I. Mme Lise Magnier applaudit également.)

    M. le président

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    La parole est à M. Alexis Corbière.

    M. Alexis Corbière

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    J’appuie évidemment la motion de rejet présentée par mon collègue Éric Coquerel.

    Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas

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    Étonnant !

    M. Alexis Corbière

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    Nombre d’arguments ont étayé sa démonstration et la pertinence de cette motion de rejet. Aussi ne retiendrai-je qu’un angle, à savoir l’urgence de la situation.
    Monsieur le ministre, une mesure au moins – une tache symptomatique – me semble être la signature politique de ce budget : c’est le maintien de la suppression de l’ISF.
    Qu’est-ce qui justifie, dans le contexte actuel, le maintien de cette décision qui a été le point de départ de cette législature, alors que toutes les études démontrent que la suppression de l’ISF n’a eu aucun effet redistributif ; pire, qu’elle a fait augmenter de plus de 60 % le montant des dividendes reversés aux actionnaires ? Une augmentation qui a profité pour les deux tiers au 0,1 % des Français les plus riches, et même pour un tiers au 0,01 %, soit aux 3 800 foyers les plus riches ! Bref, vous avez continué à creuser les inégalités au profit des plus riches.
    Que ce soit, d’un point de vue idéologique, un engagement que vous tenez à respecter, je l’entends. Mais, en période de crise, les Français le voient. Et la réalité – je le dis en tant qu’élu de Seine-Saint-Denis –, c’est que la pauvreté augmente : un million de personnes supplémentaires est passé sous le seuil de pauvreté. Rien ne justifie le maintien de cette mesure, si ce n’est l’obstination.
    Enfin, je veux vous répondre, monsieur le ministre, comme à celui de nos collègues qui a fait remarquer que, d’ordinaire, nous critiquions l’Allemagne. Oui, nous sommes en désaccord avec la droite allemande et avec la politique de Mme Merkel. Mais même cette droite allemande, avec laquelle nous avons beaucoup de désaccords, a adopté un plan de réinjection de liquidités dans l’économie qui cible les catégories populaires par la baisse de la TVA et le versement de 300 euros par enfant pour chaque foyer, soit le triple de ce que vous injectez aujourd’hui.

    M. Bruno Le Maire, ministre

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    Parce qu’ils peuvent se le payer !

    M. Alexis Corbière

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    Que cesse cette légende selon laquelle nous serions les meilleurs d’Europe, voire les meilleurs du monde ! Faire comme l’Allemagne en matière de réinjection dans l’économie, ce ne serait déjà pas si mal. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)

    M. le président

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    La parole est à M. Charles de Courson.

    M. Charles de Courson

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    Franchement, accuser le Gouvernement de mener une politique d’austérité… (Rires et applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem, LT et UDI-I.) Je n’ai cessé, à l’inverse, de dire au Gouvernement que sa politique d’open bar était tout à fait excessive.

    M. Jean-Louis Bricout

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    C’est après que l’austérité arrivera !

    M. Charles de Courson

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    Vous soulevez un vrai problème, qui est la conditionnalité des aides. Mais, chers collègues, une partie des aides est déjà conditionnelle : le crédit d’impôt recherche, le chômage partiel ne sont pas accordés sans conditions.

    M. Éric Coquerel

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    Lesquelles ?

    M. Charles de Courson

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    En revanche, il existe certaines aides que l’on ne peut pas techniquement conditionner. Expliquez-nous comment vous envisagez la conditionnalité dans la suppression de la part régionale de la CVAE !

    M. Fabien Roussel

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    Il ne faut tout simplement pas la supprimer !

    M. Charles de Courson

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    Je donne ma langue au chat. Mais vous êtes peut-être un chat habile… Tout cela pour dire que le groupe Libertés et territoires ne votera pas la motion de rejet. (Applaudissements sur les bancs des groupes LT, UDI-I et Dem et quelques bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    La parole est à M. Fabien Roussel.

    M. Fabien Roussel

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    Oui, les députés communistes voteront cette excellente motion présenté par Éric Coquerel.  Ah ! » sur les bancs du groupe LR.)
    Le problème, monsieur le ministre, ce n’est pas que vous n’en faites pas assez, c’est que vous faites mal. Cinq cent soixante-dix milliards d’euros d’argent public dans le plan de soutien et dans le plan de relance, et ça licencie encore, et ça délocalise encore à tour de bras ! Les hôpitaux, les infirmières, les aides-soignants souffrent encore. La pauvreté croît, car les factures de gaz et d’électricité augmentent, mais pas les pensions, ni les salaires.

    M. Jacques Marilossian

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    Vous oubliez le chômage partiel !

    M. Fabien Roussel

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    Cinq cent soixante-dix milliards d’euros ! Où est-elle, la protection des Français ? Où est la protection des salariés de Bridgestone, de Verallia ? Comment vont s’en sortir les 800 000 salariés à qui vous dites qu’il y aura 800 000 suppressions d’emploi ? Imaginez-vous l’état d’esprit que ces paroles font régner dans le pays ? Chacun se demande sur qui ça va tomber : 800 000 suppressions d’emploi, c’est peut-être moi demain !  
    Votre prétendu plan de relance n’en est pas un. Car, en fin de compte, si l’argent public est destiné à financer le chômage partiel, c’est une bonne chose ; s’il est destiné à aider nos TPE et PME, c’est bien aussi, et il faudrait d’ailleurs en faire un peu plus de ce côté-là ; mais, pour l’essentiel, l’on va continuer de faire des cadeaux aux plus riches, aux multinationales, aux grandes boîtes, à ceux qui ont accumulé de la trésorerie, des dividendes, des richesses et qui ne participent pas, aujourd’hui, à l’effort de redressement des comptes de la nation.
    C’est la raison pour laquelle le groupe de la Gauche démocrate et républicaine ne peut pas adhérer au plan de relance et soutiendra la motion de rejet préalable. Votre plan de relance, c’est noir – « noir, c’est noir », comme disait Johnny Hallyday. C’est la déprime. Nous, nous voulons de l’espoir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Émilie Cariou.

    Mme Émilie Cariou

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    Nous aurons l’occasion de les développer plus tard au cours de la discussion générale, mais le groupe Écologie démocratie solidarité a, lui aussi, beaucoup de critiques à faire sur le projet de loi de finances, dont certaines rejoignent celles de la France insoumise.
    La principale d’entre elles est que la baisse des impôts de production ne constitue en rien une mesure d’urgence. Elle était, au contraire, demandée de longue date par le patronat français, notamment par l’AFEP – Association française des entreprises privées – et le MEDEF – Mouvement des entreprises de France. C’est une mesure de compétitivité à long terme, peut-être, mais en aucun cas une mesure d’urgence. Par ailleurs, elle manque en partie sa cible, puisqu’elle oublie très clairement les TPE et les PME. Pour cette raison, nous avons beaucoup de critiques à faire, mais aussi beaucoup de propositions pour affiner le dispositif.
    Le PLF manque également sa cible en matière de transition énergétique et écologique. Vous le savez, le groupe EDS a de fortes ambitions dans ce domaine, notamment au regard des conclusions de la convention citoyenne pour le climat, et le contenu du texte est une grande déception par rapport aux annonces qui avaient été faites par le Président de la République
    Enfin, une troisième déception touche au volet social. La crise sanitaire a donné lieu à une crise économique qui se traduit d’ores et déjà par une crise sociale, avec l’augmentation sans précédent du nombre d’allocataires du RSA et le basculement de nombreuses personnes en situation de précarité vers la pauvreté. Là aussi, nous considérons qu’il y a un manque. Vous avez ciblé votre action sur la politique de l’offre, et vous le dites clairement. Pour notre part, nous considérons qu’il fallait mieux équilibrer le projet de loi de finances, en incluant une politique de la demande plus importante, et pas uniquement à travers le chômage partiel. En effet, certaines personnes ne sont pas employées, ou ne le sont plus : il fallait prévoir d’autres prestations, notamment pour les plus précaires.
    Cela étant, nous préférons discuter de ce projet de loi de finances et l’amender. Nous ne voterons donc pas la motion de rejet préalable.

    M. le président

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    La parole est à M. Alexandre Holroyd.

    M. Alexandre Holroyd

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    Je serai succinct. Notre pays souffre ; il traverse une crise sanitaire gravissime, qui engendre une crise économique également très grave, laquelle débouchera probablement sur une crise sociale inquiétante.
    Chaque jour, les entreprises crient leur besoin de soutien. Nos concitoyens demandent plus de solidarité dans ce moment difficile et notre modèle économique a besoin d’être soutenu pour remplir les objectifs en matière de transition écologique.
    Avec cette motion de rejet préalable, mon cher collègue, vous faites un choix, celui de laisser les entreprises seules face à la crise,…

    M. Jean-Louis Bricout

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    Mais non !

    M. Alexandre Holroyd

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    …de suspendre la solidarité nationale et de ralentir la transition écologique.

    M. Éric Coquerel

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    Quelle blague !

    M. Alexandre Holroyd

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    Alors que nous nous trouvons aujourd’hui, et pour les semaines qui suivent, face à une immense responsabilité, vous choisissez, avec cette motion, de détourner le regard. Le groupe La République en marche, qui fait un choix différent, celui d’assumer sa responsabilité, votera contre cette motion de rejet. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.)

    M. le président

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    La parole est à M. Robin Reda.

    M. Robin Reda

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    Le groupe Les Républicains ne votera pas en faveur de la motion de rejet préalable présentée par La France insoumise, parce que le discours tenu par M. Coquerel n’est pas de nature à rétablir la confiance dont a besoin notre pays, sur les plans tant sanitaire qu’économique ou social.
    Ce projet de loi de finances lui-même est jonché d’obstacles au rétablissement de la confiance, dans une période de grande volatilité budgétaire.
    En effet, comme M. le président de la commission des finances l’a indiqué, nous manquons de visibilité et de transparence quant au montant des crédits réellement dédiés à l’avenir et à la relance. En outre, alors que la crise perdure, ce projet de budget donne le sentiment de finir de vider les rayons d’un supermarché déjà presque vide.
    Je ne mets pas en cause votre choix d’afficher l’investissement comme priorité ; ce qui me gêne plutôt est le sentiment que vous procédez à des décaissements en rafale, sans mener de réformes de fond. Tout d’abord, les prévisions macroéconomiques du Gouvernement pour 2021 nous semblent beaucoup trop optimistes. Ensuite, alors que le soutien à la demande, y compris celle des entreprises, est faible, vos prévisions d’une forte croissance des investissements nous semblent céder à une illusion volontariste.
    Enfin, comme je le disais, ce projet de budget constitue une nouvelle occasion manquée de réformer l’État en profondeur. Pourtant, la crise et la relance ne peuvent justifier le renoncement à ce travail de fond, que l’on constate dans le choix de ne pas diminuer le nombre d’agents publics, dans l’absence de révision, par manque de volonté, de l’architecture financière des relations avec les collectivités, et dans l’oubli d’investissements nécessaires, dans les prisons notamment, alors que notre pays traverse une crise sécuritaire sans précédent. Autant dire que l’efficacité de ce projet de loi de finances n’est pas garantie, comme nous le verrons lors des débats qui suivront, et que le coût de cette illusion d’efficacité, payée à crédit, sera supporté par les générations futures. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    Mme Marie-Christine Dalloz

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    Très bien !

    M. le président

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    Je mets aux voix la motion de rejet préalable.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        85
            Nombre de suffrages exprimés                85
            Majorité absolue                        43
                    Pour l’adoption                12
                    Contre                73

    (La motion de rejet préalable n’est pas adoptée.)

    Discussion générale

    M. le président

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    Avant d’aborder la discussion générale, je vous informe qu’à la demande du Gouvernement, en application de l’article 95 alinéa 4 du règlement, la discussion des articles 3 et 4, ainsi que des amendements portant article additionnel après ces articles, est réservée. Elle aura lieu jeudi 15 octobre à partir de neuf heures.  
    La parole est à M. Jean-Noël Barrot.

    M. Jean-Noël Barrot

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    Le contexte dans lequel s’inscrit ce plan de relance a de quoi donner le vertige : le décrochage du produit intérieur brut est estimé à 10 %, ce qui constitue la pire récession que le pays ait connu depuis la seconde guerre mondiale ; le déficit public est d’environ 10 %, lui aussi ; la dette publique doit atteindre 117 % de PIB à la fin de l’année.
    Je salue l’extraordinaire réactivité du Gouvernement et de l’administration, depuis le printemps, qui a permis d’amortir le choc. Des millions de salariés ont pu bénéficier de l’activité partielle et donc maintenir leur pouvoir d’achat. Plus de 500 000 entreprises, notamment les plus petites, ont bénéficié des prêts garantis par l’État. Plus d’un 1,5 million de travailleurs indépendants ont bénéficié du fonds de solidarité. C’est ainsi que le patrimoine entrepreneurial de la France a été préservé.
    Nous saluons les décisions prises ces derniers jours de prolonger et d’élargir l’accès aux dispositifs de soutien, qui témoignent une nouvelle fois de la volonté de la majorité et du Gouvernement de répondre à la détresse des secteurs de la première ligne, alors que l’épidémie repart.
    Après le sauvetage vient le temps de la relance. Le plan France relance est un bouclier anti-licenciement,…

    M. Fabien Roussel

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    Vous le direz aux salariés de Bridgestone !

    M. Jean-Noël Barrot

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    … anti-faillite, et anti-délocalisation. Une fois ce projet de loi de finances voté, les entreprises de France pourront s’appuyer sur la baisse des impôts de production, sur les dispositifs de renforcement des fonds propres et  sur la prime à l’embauche pour investir, recruter et relocaliser.
    France relance, c’est aussi un grand pas en avant, vers une économie plus verte et plus durable : des crédits massifs sont ouverts pour la rénovation énergétique, pour la décarbonation des transports et pour le développement d’une agriculture plus vertueuse et d’une alimentation plus saine.
    Le Président de la République et le Gouvernement ont su trouver le bon équilibre pour répondre à la fois aux nécessités de l’urgence, c’est-à-dire la sauvegarde de l’emploi, et aux impératifs de l’avenir, c’est-à-dire la transformation de notre modèle économique et social.
    Tous nos efforts seront vains, cependant, si la confiance ne revient pas. L’incertitude est un anesthésiant puissant qui paralyse l’initiative économique. Pour que la confiance progresse, il faut que le virus régresse. Ni les grands discours à la tribune de cet hémicycle, ni les articles de ce texte, ni nos amendements n’y suffiront. Tout repose sur la responsabilité de chacun : il faut respecter les gestes barrières, la distanciation sociale, les consignes sanitaires. Chaque citoyen français détient la clef de la réussite du plan France relance.
    Les députés du groupe Mouvement démocrate et démocrates apparentés soutiendront évidemment ce texte, tout en proposant quelques améliorations que je laisserai mes collègues Jean-Paul Mattei et Pascale Fontenel-Personne présenter en détail.
    Notre vigilance portera sur trois points. Nous veillerons tout d’abord à l’exécution. Comme l’a rappelé le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale, les lois, que nous votons, et les décrets que le Gouvernement promulgue « se perdent dans des méandres sinueux et opaques, au point de ne toucher que de manière lointaine, incertaine, et souvent incomprise, la vie quotidienne de nos concitoyens ». Nous ne pouvons pas nous payer un tel luxe dans le présent contexte. France relance doit être administré au plus près du terrain. Les parlementaires, pour en être les courroies de transmission, doivent être associés et informés dès l’ouverture des crédits. Nous souhaitons que le Gouvernement donne aux préfets l’instruction très claire d’y veiller.
    Nous veillerons ensuite à l’évaluation de ce plan de relance. L’augmentation de la dette et du déficit n’a de sens que si l’argent public ainsi mobilisé est bien utilisé. Nous saluons le premier projet de budget vert, qui nous permettra désormais de vérifier, année après année, que l’évolution de nos finances publiques est conforme à nos engagements environnementaux. Nous saluons aussi le développement de l’outil LexImpact, enrichi cette année de l’analyse des dotations de l’État. Nos travaux en commission des finances ont montré à quel point un tel outil aurait été précieux pour éclairer nos débats sur les impôts de production.
    Nous serons attentifs, enfin, à ce que France relance ne laisse personne sur le bord du chemin. Le Conseil d’analyse économique a publié ce matin un travail remarquable qui illustre ce que nous observons tous, dans nos circonscriptions : malgré la reprise de la consommation, malgré les milliards d’euros d’épargne accumulés, les Français les plus modestes décrochent. Ils ont non seulement réduit leur consommation, mais aussi pioché dans leurs réserves, pour faire face à la crise, et continuent de le faire. Pour les travailleurs indépendants qui pointent pour la première fois au RSA, pour les étudiants qui ne trouvent pas de petit boulot, pour les familles précaires, nous devons trouver des solutions.

    M. Jimmy Pahun

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    Très bien !

    M. Jean-Noël Barrot

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    Les députés de notre groupe veilleront enfin à ce que, au moment où la puissance publique assume toutes ses responsabilités, les entreprises prennent aussi les leurs, et avancent résolument vers un meilleur partage de la valeur, une gouvernance plus juste et plus paritaire, ainsi qu’une baisse durable de leurs émissions.
    Voilà ce en quoi nous croyons, et ce que nous défendrons, pour faire de France relance une réussite pour tous les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem ainsi que sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Agir ens.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Valérie Rabault.

    Mme Valérie Rabault

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    Si, comme chaque année, nous nous retrouvons en cet automne pour débattre des perspectives économiques, budgétaires et fiscales de la France, le présent débat a la particularité de s’inscrire au cœur d’une crise sanitaire qui est loin d’être terminée et dont les conséquences économiques et sociales sont loin d’être connues.
    C’est donc cela – et seulement cela – qui devrait être discuté et, surtout, qui devrait vous inspirer la recherche d’un consensus le plus large possible. Or, ce n’est pas le choix que vous avez fait, monsieur le ministre délégué.
    Sur les trente et un articles qui vont nous occuper jusqu’à la fin de la semaine, aucun n’a été construit en lien direct avec la crise, à l’exception de l’article liminaire, qui fixe la prévision de solde budgétaire, et de l’article 22, qui prévoit de compenser la baisse des recettes des collectivités locales. Ce n’est pas très sérieux. Le Gouvernement aurait eu tout intérêt à faire correspondre ce projet de loi à la présentation qu’en a donné le ministre de l’économie, des finances et de la relance dans son intervention, mais cela n’a pas été le cas. Nous savons pertinemment que seuls comptent les textes effectivement votés, et que les discours n’ont de réalité que s’ils se retrouvent dans la loi.
    Vous baissez les impôts de production, en réussissant à trouver plus d’entreprises gagnantes à cette mesure, dans vos calculs, qu’il n’en existe en France. J’en suis scotchée ! Ainsi, alors que, selon l’INSEE, la France compte 5 722 entreprises de taille intermédiaire, vous annoncez que 8 939 seront gagnantes. Monsieur le ministre délégué, j’attends que vous nous expliquiez ce tour de passe-passe ; cela ressemble à un miracle.
    Par ailleurs, contrairement à ce que vous dites, vous augmentez les taxes, dans ce projet de loi de finances pour 2021. En faisant la somme, dans un simple fichier Excel, des montants prévus dans vos évaluations, il apparaît que vous les augmentez de 200 millions d’euros pour 2021 et de plus de 800 millions d’euros pour 2022 – cela, je le répète, en additionnant simplement les évaluations du Gouvernement lui-même. Bien sûr, sur cette augmentation, vous ne dites pas grand-chose.
    Contrairement également à ce que vous affirmez, vous ponctionnez aussi le produit des taxes affectées, en abaissant leurs plafonds. Concrètement, si le rendement d’une taxe affectée est plus élevé que le plafond que vous voulez inscrire dans la loi, la différence entre les deux abondera le budget de l’État. Avec un tel système, quelque 180 millions d’euros du produit des taxes affectées passeront sous le nez de ceux qui auraient dû en bénéficier.
    Comme vous ne parlez que rarement de la crise dans les articles de ce projet de loi de finances, je souhaite vous en dire quelques mots. Concernant les perspectives globales, la publication de l’INSEE du 6 octobre fait apparaître deux évolutions majeures, que votre projet de loi de finances ne prend pas en considération – et pour cause, ces chiffres ont paru après sa présentation.
    Premièrement, l’évolution de la croissance serait de 0 % au quatrième trimestre de 2020, alors que vous avez tablé sur une relance.
    Deuxièmement, au quatrième trimestre de 2020, l’évolution des dépenses de consommation des ménages français serait négative, diminuant de 1 % par rapport au niveau du troisième trimestre de 2020, alors que vous avez tablé sur une reprise de la consommation.
    Outre-Rhin, l’Allemagne n’est concernée par aucune de ces deux évolutions : l’activité économique continue de repartir au quatrième trimestre et la consommation reste dopée par la baisse de trois points de la TVA, décidée dans le cadre de son plan de relance présenté dès juin 2020.
    L’Allemagne a agi rapidement. Elle a même agi à l’encontre de son ADN : elle consacre en effet rarement de l’argent public au soutien de la demande. Sur ce point, monsieur le ministre délégué, j’espère que vous aurez l’honnêteté intellectuelle de reconnaître que nous vous avons alertés à l’occasion de chaque débat budgétaire depuis mars. Je suis d’autant plus à l’aise pour le faire de nouveau que nous avons voté les deux premiers PLFR, alors que vous ne nous avez pas écoutés sur ce point. Je persiste à dire qu’un vrai plan de relance marche sur deux jambes : l’offre et la demande. Je sais que vous refusez ce débat mais il existe bel et bien.
    Ensuite, vous devriez prévoir des actions plus ciblées. Dans une interview au quotidien Les Échos, le rapporteur général a évoqué une reprise en « K ». Je partage son analyse : certains secteurs reprennent, tandis que d’autres s’enfoncent. Là encore, monsieur le ministre délégué, il aurait été plus pertinent que vous cibliez davantage l’argent public, par secteur, de façon quasi chirurgicale. Parmi les entreprises oubliées de votre PLF, il y a les TPE et les PME, notamment celles qui comptent plus de vingt salariés et ne sont donc pas éligibles au fonds de solidarité. Pour elles, c’est souvent une question de survie : pour certaines, nous vous demandons l’annulation de certaines dettes, notamment celles liées à l’épidémie de covid-19. Il serait nécessaire aussi que vous dopiez la commande publique. Dans le secteur des travaux publics, par exemple, le nombre d’appels d’offres est en chute de 40 %. Cela signifie que, dans deux mois, le carnet de commande des entreprises du secteur connaîtra la même évolution.
    Enfin, et c’est peut-être le plus grave, vous faites l’impasse sur la jeunesse.

    M. Erwan Balanant

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    Mais non !

    Mme Valérie Rabault

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    Mais si, mes chers collègues ! Que dites-vous à une étudiante qui a perdu le petit job qu’elle occupait dans un bar ou un restaurant pour payer sa scolarité, qui a fini ses études, qui n’est pas embauchée et qui n’est pas éligible au RSA ?

    Mme Christine Pires Beaune

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    Et qui n’est pas non plus éligible au chômage !

    Mme Valérie Rabault

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    Que lui dites-vous, alors qu’elle n’a pas le droit au chômage ? Qu’elle doit se débrouiller ? C’est irresponsable. Il serait temps d’ouvrir aux jeunes, au moins pour l’année 2021, le droit au RSA. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Lise Magnier.

    Mme Lise Magnier

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    Nous voici réunis, comme chaque année, pour examiner le projet de loi de finances présenté par le Gouvernement. C’est toujours un moment particulier, redouté ou attendu par les parlementaires, qui se lancent dans un marathon budgétaire de presque trois mois. Cette année toutefois, le PLF revêt une importance particulière, alors que la crise sanitaire a débouché sur une crise économique inédite. Le contexte macroéconomique dans lequel nous examinons ce PLF est à la fois très détérioré et particulièrement incertain. En 2020 et en 2021, les comptes publics seront plus dégradés que jamais, alors que le déficit public avait atteint en 2019 son plus bas niveau depuis 2001. Le ratio dette sur PIB, qui s’était stabilisé, atteindra 116,5 % en 2021, ce qui doit nous interroger sur la soutenabilité de notre dette publique.
    Nous sommes désormais pris en étau entre des dépenses qui augmentent fortement et des recettes qui diminuent dans le même temps. Dès lors, il est de notre responsabilité collective de nous interroger sur l’orientation que nous souhaitons donner à l’évolution de nos finances publiques pour maintenir un niveau d’endettement acceptable. Une réforme du fonctionnement de l’État sera, nous le pensons, indispensable.
    Dans ce contexte inédit, le budget 2021 doit être exceptionnel car il est le véhicule législatif qui intègre les mesures annoncées dans le plan de relance. Membres de la majorité, membres de l’opposition et Gouvernement, nous sommes tous tenus par le même impératif : la réussite du plan de relance, qui passera par la clarté : clarté des mesures de soutien proposées aux entreprises, clarté vis-à-vis des interlocuteurs auxquels ce plan peut s’adresser, clarté, enfin, de la stratégie déployée pour permettre à notre économie de se relancer tout en se préparant aux enjeux de demain.
    En ce sens, la baisse des impôts de production, principale mesure pérenne présentée par le Gouvernement dans ce projet de loi, est un signal clair et très positif envoyé aux entreprises et donc aux salariés français. Car, lorsque l’on soutient les entreprises, ce sont avant tout les salariés et leurs emplois que l’on soutient. Bien sûr, nous aurions préféré que le Premier ministre attende l’examen de ce texte par la représentation nationale avant de conclure un pacte avec les régions, mais la baisse de la fiscalité de production est un serpent de mer auquel ce gouvernement a eu le courage de s’attaquer. Cette baisse permettra de redonner de l’oxygène aux entreprises industrielles notamment, qui subissent depuis des années une fiscalité de production bien plus importante que partout ailleurs en Europe.
    Et ne tombons pas dans le piège de la conditionnalité, mes chers collègues ! À l’heure où les plans sociaux se multiplient dans nos bassins d’emploi, et alors que la liste devrait malheureusement encore s’allonger, la priorité est au sauvetage des emplois et donc des entreprises françaises.
    Cette mesure phare ne doit cependant pas faire oublier la situation très précaire des commerçants, artisans et agriculteurs. La création de 100 foncières de redynamisation des commerces et les mesures d’aides à la transition numérique et écologique vont dans le bon sens, bien sûr. Le groupe Agir ensemble défendra des amendements visant à compléter ces dispositifs et à réduire encore la pression fiscale sur ces activités, qui contribuent pleinement à la vie économique des territoires. Car la relance passera par les territoires. Dire cela, c’est faire le constat simple que les 100 milliards d’euros annoncés doivent devenir une réalité pour les acteurs économiques, les collectivités locales et les citoyens.
    Les effets d’annonce sont toujours dangereux car ils créent une attente à laquelle il est impératif de répondre. Ce budget doit donc être un instrument souple et intelligent pour convertir les annonces en actes. Pour ce faire, les entreprises doivent disposer d’informations claires sur les aides auxquelles elles peuvent prétendre ou sur les appels à projet sur lesquels elles peuvent se porter candidates. La mise en ligne du site internet planderelance.gouv.fr permet de fournir une information centralisée aux différents acteurs de la relance : particuliers, entreprises, administrations et collectivités territoriales. C’est une excellente initiative car la logique du guichet unique est pertinente. Elle doit donc également exister au cœur des territoires.
    Outre le triptyque réunissant élus locaux, préfets et parlementaires – auquel nous croyons beaucoup –, nous sommes convaincus que les chambres consulaires auront un rôle majeur à jouer. À mi-chemin entre les entreprises et l’administration, elles sont un interlocuteur privilégié pour les premières. Mais leur action ne pourra prospérer si leurs ressources affectées continuent de baisser. Monsieur le ministre délégué, monsieur le rapporteur général, vous connaissez nos divergences sur ce point. Nous nous réjouissons donc qu’un accord ait pu être trouvé avec les CCI. Celles-ci ont montré leur utilité et leur efficacité en étant aux côtés des entreprises depuis le début de la crise ; nous devons leur laisser les moyens de poursuivre cette mission.
    Enfin, le Gouvernement poursuit l’effort de simplification du système fiscal français. Nous saluons la suppression de plusieurs taxes à faible rendement, prévue à l’article 16 de ce projet de loi, complétée par les amendements proposés par notre rapporteur général et adoptés en commission des finances. De la même façon, la suppression de dépenses fiscales inefficientes répond à la nécessaire rationalisation des dispositifs fiscaux en vigueur.
    Monsieur le ministre délégué, vous assumez donc une relance par l’innovation et l’investissement et nous vous soutenons totalement dans cette voie. Cette relance par l’offre n’est toutefois pas exclusive d’une relance par la demande. Sur ce point je voudrais tout d’abord rappeler que le Gouvernement a fait beaucoup, au plus fort de la crise, pour préserver les ménages : système d’activité partielle le plus protecteur au monde, mécanismes efficaces de soutien aux indépendants et aux petites et moyennes entreprises, mesures en faveur des étudiants et des plus précaires. Permettez-moi d’ailleurs de saluer les nouvelles mesures de soutien annoncées jeudi dernier pour les entreprises du secteur du tourisme et de l’événementiel, qui en ont grandement besoin. Ces mesures de soutien sont prolongées et de nouvelles mesures à destination de nos concitoyens les plus précaires sont mises en place, comme nous aurons l’occasion d’en discuter lorsque nous examinerons la seconde partie du PLF.
    N’oublions pas que la relance passera aussi par les ménages. Plusieurs mesures de soutien à l’investissement des particuliers figurent dans ce projet de loi, mais je veux insister sur l’impérieuse nécessité d’ouvrir réellement l’accès au dispositif MaPrimeRénov’ aux contribuables des neuvième et dixième déciles. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Agir ens.) Sur ce point, je suis persuadée que nous devons aller plus loin, en travaillant en bonne intelligence. Nous défendrons des amendements en ce sens car nous devons, plus que jamais, accompagner fortement la rénovation des logements dans notre pays.
    Enfin, je terminerai mon intervention par un sujet qui tient particulièrement à cœur au groupe Agir ensemble. Vous avez annoncé, monsieur le ministre délégué, qu’il n’y aurait pas de hausse de la fiscalité, tant sur les entreprises que sur les ménages, dans le budget 2021. C’était une annonce forte et indispensable pour renouer avec la confiance des investisseurs et des consommateurs. Dans les faits, le budget que vous proposez est conforme à ces annonces, sauf sur un point : la fiscalité sur l’essence sans plomb 95-éthanol 10. Vous le savez : les membres de notre groupe se sont toujours promis d’avoir une approche constructive en apportant leur soutien au Gouvernement tout en l’alertant sur les points qui ne leur paraissent pas souhaitables. L’augmentation de la fiscalité sur ce carburant, prévue à l’article 15 du projet de loi de finances, est une erreur. Nous vous le disons en toute transparence, car le taire serait trahir notre ADN constructif. Alors que le contexte social est tendu, qu’une précarité grandissante guette nos concitoyens, vous ne pouvez pas augmenter la fiscalité sur l’essence préférée des Français. Cette mesure ne pourra pas être comprise parce qu’elle est en parfaite contradiction avec vos engagements. Nous espérons vraiment être entendus sur ce point.
    Le groupe Agir ensemble qui sera, bien sûr, une force de proposition durant toute cette semaine, salue la transposition dans ce projet de loi de finances pour 2021 des mesures annoncées dans le plan de relance et se tiendra, comme à son habitude, au côté du Gouvernement pour enrichir le texte et favoriser le succès de la relance. Il s’agit non pas d’un choix mais bien d’un impératif qui nous incombe à tous. (Applaudissements sur les bancs du groupe Agir ens, ainsi que sur quelques bancs des groupes LaREM  et Dem.)

    M. le président

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    La parole est à M. Christophe Naegelen.

    M. Christophe Naegelen

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    Le projet de loi de finances pour 2021 n’est pas un budget comme les autres : c’est un budget de crise. Nous traversons en effet une crise sanitaire, économique et sociale. Mais ce budget doit aussi être un budget de défi pour que, demain, nous puissions sortir de cette crise par le haut.
    La crise sanitaire du coronavirus a engendré une crise économique majeure, entraînant une baisse du PIB que nous estimons à quelque 10 % pour 2020. La consommation des ménages reculerait de près de 8 % et l’investissement des entreprises de près de 24 %. Cette crise conduit donc à une baisse des recettes de l’État, des entreprises, ainsi que des collectivités locales. Aucun acteur économique n’est épargné. Cette crise sanitaire persiste encore alors qu’aucun scénario de deuxième vague n’est mentionné dans ce budget. Le déficit public va s’envoler à 227 milliards d’euros, ce qui représente environ 10 % du PIB, et atteindra encore 161 milliards l’année prochaine, en dépit d’un rebond prévu de la croissance d’environ 8 %. Quant à la dette, elle bondira à 2 620 milliards en 2020 et 2 800 milliards en 2021. Néanmoins, l’État se finance beaucoup plus avantageusement que lors de la crise financière, grâce aux taux négatifs issus de la politique monétaire très accommodante de la Banque centrale européenne – mais jusque quand cela va-t-il durer ?
    Le PLF a pour objectif d’accompagner le plan France relance, afin de redresser l’économie à l’horizon de 2030. Il n’en reste pas moins que la dette publique s’élève aujourd’hui à un niveau alarmant, pour ne pas dire historique, à 117,5 % du PIB. Le Président de la République disait très justement, au début de son mandat, « la dette c’est l’impôt au carré ». Je m’inquiète aujourd’hui que cette maxime ne nous guide pas systématiquement dans nos prises de décision. Bercy persiste et nous l’assure : il n’y aura pas de hausse d’impôts – au moins, pendant ce quinquennat. Mais faire preuve de responsabilité et de volontarisme politique implique aussi de ne pas perdre de vue l’équilibre de nos finances publiques. Nous devons ainsi être capables de dépasser l’unique perspective d’une relance conjoncturelle. En d’autres termes, notre défi n’est pas d’apporter des réponses à nos problématiques d’aujourd’hui : il est d’ores et déjà de répondre à celles de demain.
    En effet, les dépenses de relance sont nécessaires, et nous y apportons tout notre soutien. Mais nous devons aussi, pour les Français, faire preuve de vigilance et de prudence, afin de ne pas sacrifier les générations futures. Un budget responsable est un budget réaliste et cohérent, qui s’inscrit dans le long terme et prévoit des réformes structurelles pérennes. Il doit, avant tout, être un budget sincère.
    Quelques remarques au sujet des impôts de production : pour stimuler la compétitivité des entreprises, vous en prévoyez une diminution d’environ 10 milliards d’euros, par la réduction de moitié de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, la réévaluation de la méthode comptable d’évaluation servant au calcul de la cotisation foncière des entreprises et l’abaissement du taux de plafonnement de la contribution économique territoriale de 3 % à 2 %.
    Nous saluons cette mesure car, dans un pays où la pression fiscale est toujours aussi forte, nos entreprises en ont besoin. Cependant, la question de la compensation financière se pose également en termes d’enjeux d’autonomie fiscale des collectivités territoriales. En effet, même si la compensation de l’État aux communes et intercommunalités tiendra compte de l’évolution des valeurs locatives, le taux d’imposition appliqué par l’État pour calculer la compensation restera, lui, fixe. Il doit encore être déterminé, au cours de nos débats. Les collectivités territoriales pourront toujours augmenter le taux sur l’impôt effectivement payé par l’entreprise, mais elles perdront la main sur l’impôt, fictif, reversé par l’État.
    Concrètement, nous devons veiller à ce que le dispositif de neutralisation garantisse une compensation financière dynamique et pérenne, qui tienne compte de l’évolution des bases et des taux votés par les élus. Autrement dit, la modulation du levier des recettes ne saurait constituer à elle seule une mesure de long terme.
    Lors du dernier PLFR, le troisième, nous nous inquiétions déjà de la situation des collectivités locales, sorties très affectées par la crise en raison de la baisse de leurs recettes fiscales couplée à la hausse de leurs dépenses sociales. Compenser les pertes subies doit donc rester notre préoccupation première.
    Par ailleurs, nous nous devons d’être attentifs et de soutenir chacune des communes, déjà si inquiètes pour leur avenir. En juin 2020, j’ai déjà alerté le Gouvernement sur le montant des dotations de compensation des pertes de recettes des communes, prévues par la troisième loi de finances rectificative, en particulier pour les communes dont les revenus sont liés aux casinos – notamment dans le territoire vosgiens, aussi bien à Bussang et à Gérardmer qu’à Plombières-les-Bains. À ce jour, mon courrier est resté sans réponse :…

    M. Fabien Roussel

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    Ce n’est pas normal !

    M. Christophe Naegelen

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    …monsieur le ministre délégué, je compte sur vous et vos services pour obtenir une réponse sérieuse et rapide sur ces points précis.
    S’agissant de nos entreprises, je suis convaincu que bâtir la France de 2030 ne peut se faire sans un positionnement clair sur des secteurs d’avenir, nécessaire pour recréer de la valeur en France et renforcer les relais de croissance de demain. Le groupe UDI et indépendants souhaite aller encore plus loin dans la relance. En effet, pour recréer les conditions d’une croissance durable à fort contenu en emplois français non délocalisables, seule la voie d’une baisse massive des cotisations sociales sur le travail peut être empruntée : elle enverrait un signal clair, compréhensible et positif pour redonner la confiance dont notre pays a besoin.
    Cette baisse de charges doit être financée par la création d’une TVA « rebond industriel» : c’est l’objet de l’un des amendements que nous avons déposés. Augmenter la TVA sur les biens importés depuis des pays situés hors de l’Union européenne tout en baissant massivement le coût du travail en France favorisera très largement les biens et services locaux : la Suède, le Danemark et l’Allemagne, trois pays avec lesquels le Gouvernement compare souvent la France, ont déjà expérimenté avec succès cette démarche.
    La mesure pourrait être financée par un relèvement progressif de la TVA, qui n’entraînera pas de conséquences sur le tarif à l’achat des biens et services nationaux. La TVA « rebond industriel » enverrait donc un signal économique très fort pour relancer les embauches, dont les premiers bénéficiaires seraient les jeunes générations d’actifs, et ceux qui entrent sur le marché du travail sans réelle possibilité d’intégrer les effectifs d’entreprises prudentes ayant fait le choix de geler les embauches. Ainsi, la nouvelle recette pourra être utilisée pour créer de l’emploi, ce qui est particulièrement nécessaire en cette période de crise.
    Certes, celle-ci est porteuse d’occasions ; vous l’avez d’ailleurs souligné, en indiquant que la relance provoque un élan dont chacun doit se saisir et que son appropriation doit être facilitée par un choc de simplification. Dans cette même logique, nous avons déposé un amendement visant à casser les chaînes de contamination économique en supprimant les privilèges des créanciers publics, comme le Trésor public et les organismes sociaux, dans l’ordre de paiement des créanciers, afin que ceux-ci ne soient pas payés avant les fournisseurs. Cela permettrait d’éviter les redressements et liquidations en cascade. Cet effort salutaire doit être consenti par le Gouvernement, car il permettra de sauver de nombreuses entreprises. En effet, les salaires des employés continueront d’être payés en priorité, mais la suppression des privilèges des créanciers publics améliorera le niveau de remboursement des fournisseurs.
    Une autre mesure nous paraît indispensable pour sauver les TPE et PME et éviter les destructions, tout en relançant l’investissement des entreprises aujourd’hui étranglées par une montagne de dettes : la transformation des prêts garantis par l’État consentis aux entreprises en obligations « relance covid », grâce à l’épargne populaire. En septembre dernier, j’ai déposé une proposition de loi en ce sens.
    En effet, les PGE que les entreprises doivent rembourser à partir de l’année prochaine peuvent représenter jusqu’à six fois leur résultat net annuel : tant que cet endettement colossal continuera de les menacer, elles n’investiront pas et craindront pour leur survie, grippant l’ensemble du système économique. Nous proposons donc de transformer les PGE en obligations de long terme dénommées « relance covid » : elles deviendraient alors des quasi-fonds propres, remboursables sur quinze ou vingt ans, et pourraient être rachetées par l’épargne populaire des Français avec des intérêts bien plus rémunérateurs que ceux du livret A.
    Mais des mesures de soutien bien plus offensives sont indispensables pour l’économie présentielle. Les secteurs de l’hôtellerie, de la culture, du tourisme et de la restauration ont été parmi les plus touchés durant la crise du covid-19, et malgré des mesures de soutien, les fermetures administratives qui leur ont été imposées ont anéanti leur trésorerie et leur chiffre d’affaires. Le groupe UDI et indépendants défend la proposition de Pascal Brindeau, député du Loir-et-Cher, d’instaurer un taux réduit de TVA à 5,5 % pour l’ensemble des activités commerciales des secteurs de l’hôtellerie, de la restauration, des cafés et des bars, jusqu’à la fin de l’année 2020. Facile à appliquer, cette mesure permettrait de doper la rentabilité de ces entreprises à court terme et de sauver des milliers d’emplois.
    Enfin, il est important d’intégrer des mesures de justice sociale, qui permettraient une meilleure répartition des richesses tout en répondant à un besoin urgent de financement, dans de nombreux domaines. Je pense à la taxe sur les transactions financières, dont l’assiette mériterait d’être repensée et élargie pour assurer un meilleur rendement.
    Notre groupe attend des clarifications s’agissant de la première partie du projet de loi de finances. Il espère que les mesures fortes auxquelles il a travaillé seront reprises. Le budget doit apporter visibilité et stabilité fiscales, raison pour laquelle nous défendons une relance passant par des mesures forte et lisibles, qui permettront d’avoir une vision à long terme du rééquilibrage de nos finances publiques. Monsieur le ministre délégué, même dans un monde incertain, même dans le monde dans lequel nous vivons, gouverner, c’est aussi prévoir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Sabine Rubin.

    Mme Sabine Rubin

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    En 1974, Helmut Schmidt déclarait : « Les profits d’aujourd’hui sont les investissements de demain, et les emplois d’après-demain. » Déjà anachronique il y a près de cinquante ans, ce dogme – c’est bien de cela qu’il s’agit – est devenu parfaitement suranné dans le cadre de la crise exceptionnelle que nous vivons. En effet, sur l’autoroute bien tracée par Schmidt,  comment ne pas voir que les grosses entreprises prennent toujours la sortie « profits » –  en ce moment plus que jamais ? Les chiffres, que mon collègue Éric Coquerel a évoqués, sont à l’appui : des dividendes en hausse de 62 % de 2017 à 2018, plus encore en 2019, pour un nombre toujours plus restreint de privilégiés.
    En revanche, à en croire le récent rapport de France Stratégie, les investissements restent sur le bas-côté. Le chômage de masse persiste ; la croissance reste atone ; la désindustrialisation continue, comme la précarisation du tertiaire ; les services publics se disloquent et notre environnement se dégrade. À cela s’ajoute un demi-million de pauvres supplémentaires depuis le début du quinquennat. Ce paysage, dévasté par votre politique et toutes les autres, menées depuis des décennies, est le terreau sur lequel, chers collègues, prospère l’actuelle crise du covid-19, qui accroît et met en lumière les failles béantes de votre modèle néolibéral.
    Nous aurions aimé croire que la pire récession de notre histoire récente vous aurait quelque peu dessillé les yeux – j’ai d’ailleurs souvenir des accents keynésiens de notre président affirmant qu’il « est des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché », et que « l’État paiera ».
    Certes, les finances publiques ont été fortement mobilisées pour atténuer les effets de la crise et favoriser la relance de l’activité : plus de 490 milliards d’euros, lois de finances rectificatives incluses. Nous nous félicitons d’ailleurs des mesures d’urgence salutaires, telles que la création d’un fonds de solidarité inter-entreprises – que vous augmentez heureusement en volume et en élargissant ses bénéficiaires, cela ne m’a pas échappé – ou le financement public du chômage partiel.
    Certes, face à l’incurie des acteurs privés, l’idée de planification progresse également dans les esprits. Cependant, il ne suffit pas de sauter comme un cabri en criant : « Relance, relance, relance ! » Car, sur les 100 milliards partout claironnés, seuls 50 milliards seront décaissés en 2021, dont tout juste 10 déboursés en 2020. Sur les 40 milliards restants, 10 milliards serviront d’étrennes aux entreprises : il restera donc à peine 30 milliards, soit 1 % du PIB, pour faire face à une récession de dix points !
    Germanophiles à géométrie variable, vous auriez pourtant pu vous inspirer de nos voisins qui, eux, dépensent près de trois fois plus. Mais après avoir entendu les propos de Bruno Le Maire, qui n’est d’ailleurs pas présent, c’est bien la nature des dépenses, plus encore que leur volume, qui confine à l’irrationnel. Alors que l’horizon économique reste incertain et que les mesures sanitaires varient de semaine en semaine, de pays en pays, de région en région, toute politique de l’offre est frappée de nullité.
    D’ailleurs, pourquoi les entreprises investiraient-elles aujourd’hui, alors même qu’elles ne l’ont pas fait hier ? Ainsi, la fameuse baisse de 10 milliards des impôts de production est nulle et non avenue, d’autant que l’on sait déjà qu’un quart de cette somme bénéficiera à 280 entreprises parmi les plus polluantes, et n’aidera les plus petites qu’à hauteur de 125 euros, sans parler du manque à gagner pour les régions.
    Quelle folle largesse, donc, alors qu’en même temps, on n’alloue qu’un maigre milliard pour la relocalisation de nos secteurs stratégiques – et je ne parle même pas du volet pseudo-écologique, auquel le plan de relance accorde 6,6 milliards, quand il en faudrait 50 par an pour atteindre la neutralité carbone. D’ailleurs, vous maintenez toutes les niches fiscales relatives aux énergies fossiles, en particulier s’agissant du carburant des cargos, poids lourds, avions et des véhicules SUV – sport utility vehicles.  Vous refusez également d’instaurer une taxe sur les engrais azotés, auquel nous devons pourtant déjà les tragédies d’AZF, de Lubrizol, et de Beyrouth. Enfin, vous supprimez 947 équivalents temps plein au ministère de la transition écologique, autant d’emplois qui manqueront à la mise en cohérence de votre saupoudrage.
    Bref ! Outre l’inefficacité prévisible de votre relance, verte ou non, et en attendant les emplois – incertains – d’après-demain comme on attend Godot, quid de l’urgence sociale ? Une obole de 800 millions pour les plus précaires de nos concitoyens ; 1 euro plutôt que 3 pour le repas des étudiants boursiers. Alors que le nombre de bénéficiaires d’aide alimentaire a bondi de 25 % avec le covid, on lâche 100 euros d’allocations scolaires pour les familles.
    C’est misérable, c’est grotesque, je dirais presque indécent et insultant, alors qu’il aurait suffi d’un plan de 7 milliards pour enrayer la grande pauvreté dans notre pays, de 30 milliards pour y résorber la pauvreté tout court. Vous auriez pu, au minimum, là encore, diriger vos regards outre-Rhin. Entre autres mesures, l’Allemagne soutient le pouvoir d’achat en diminuant la TVA sur les produits de première nécessité. Vous avez refusé en commission de suivre cet exemple, au nom de l’Europe. Vous m’avez de plus rétorqué, monsieur le rapporteur général, qu’une baisse de la TVA accroîtrait non pas le pouvoir d’achat des Français, mais les marges des entreprises. N’est-ce pas avouer que les acteurs privés, s’ils ne sont pas contraints, recherchent avant tout leur profit, et qu’il faut donc les contraindre ?
    Lorsque j’entends le Gouvernement se féliciter de la maîtrise de nos dépenses publiques, je songe à ces médecins de Molière qui voient dans la saignée l’unique remède à tous les maux : pour vous,  réduire les recettes publiques afin de relancer l’activité en allégeant la fameuse pression fiscale et en libérant les énergies, c’est-à-dire celles des seuls privilégiés. Or cette trajectoire de baisse répond non pas tant à la nécessité d’une relance qu’aux prescriptions de Bruxelles, auxquelles vous n’arriviez même pas à vous conformer l’an dernier. Cette trajectoire est, de plus, aussi fantasque que nocive. Vous la fondez sur des prévisions de reprise pour le moins optimistes, auxquelles vous ne croyez pas vous-mêmes. Même la présidente de la Banque centrale européenne, Christine Lagarde, ne croit plus à la fable d’un rebond prochain !
    Par conséquent, cette trajectoire est absurde. Elle prive nos concitoyens des services publics indispensables en matière de santé, d’éducation, de recherche, de sécurité et de justice, tout en conduisant nécessairement à un accroissement de la pauvreté, sans même sauver les PME que vous prétendez défendre. Quelles que soient vos jongleries sémantiques, vous ne couperez pas à des dépenses supplémentaires, sauf si vous décidez de laisser mourir le patient ou de l’asphyxier sous le poids de la dette, qui  devra impérativement être remboursée, comme vous le dites. L’austérité ne se bornera donc pas à la durée de ce plan : elle sera l’horizon, l’avenir. Bienvenue à la jeunesse ! (Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR.)

    M. Fabien Roussel

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    Bravo !

    M. le président

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    La parole est à M. Charles de Courson.

    M. Charles de Courson

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    Nous vivons dans des temps de grande incertitude. Cela s’est traduit par les trois projets de loi de finances rectificative que nous avons adoptés ces six derniers mois, avant d’en examiner un quatrième dans quelques semaines. C’est dans ce climat d’instabilité sanitaire, économique, budgétaire et géopolitique qu’il nous faut prendre les décisions permettant de protéger la santé publique, notre économie, nos emplois et notre modèle social, tout en accélérant les transitions porteuses de la croissance de demain.
    Hélas, nous abordons ce défi, dont je mesure l’ampleur, avec au moins deux handicaps. Le premier est la prévision de décroissance pour 2020. Le Gouvernement estime la récession à 10 % du PIB : un chiffre un peu moins mauvais que celui de 11 % que vous avanciez en juin, mais nous restons dans le brouillard. Pour 2021, vous anticipez un rebond de 8 %. Si le Haut Conseil des finances publiques juge ces projections convenables, je tiens, pour ma part, à souligner leur fragilité, d’autant plus que la reprise perd de la vigueur à mesure que le covid-19 recommence à se répandre. L’hypothèse d’une reprise en V est d’ores et déjà écartée ; certains économistes considèrent que l’amélioration espérée au quatrième trimestre n’aura pas lieu. Le Gouvernement prévoit donc un déficit absolument inédit depuis plus de soixante-dix ans : 10,2 % du PIB en 2020, puis 6,7 % en 2021.
    Le second handicap est la persistance d’un important déficit structurel. En la matière, nous avons quitté depuis bien longtemps le sentier tracé par la loi du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques. Selon les prévisions du Gouvernement, le déficit structurel s’établirait en 2021 à 3,6 % du PIB : ce sera plutôt 4,8 % si l’on tient compte du ralentissement économique et de la diminution du PIB potentiel. Pour le dire autrement, vous avez fait le choix de ne pas réduire ce déficit en période de beau temps économique, ce qui nous met dans une situation délicate pour affronter la tempête.
    Quant au chiffre de 1,2 point de PIB de déficit structurel pour 2020, il relève d’un artifice que l’avis du Haut Conseil explique fort bien : les recettes se sont effondrées plus vite que les dépenses, lesquelles ont été en partie répertoriées comme des mesures conjoncturelles. Il s’agit donc d’un simple effet mécanique, voire d’un jeu d’écritures comptables. En cette période d’open bar budgétaire, je sais que mes arguments ne seront guère entendus,…

    M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général

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    Oh, si !

    M. Charles de Courson

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    …mais cette politique a pour conséquence l’explosion de notre dette publique, qui, à la fin de l’année 2021, atteindrait 117,5 points de PIB, peut-être 120 : on n’en est plus à cela près.
    En tout état de cause, le scénario du Gouvernement place en 2021 la dette publique  22 points au-dessus des projections de la loi de programmation, soit près de 500 milliards d’euros d’écart. Si vous rapportez cette somme aux 30 millions de Français actifs, car la dette publique est remboursée par ceux qui créent de la richesse, cela revient à un accroissement de 17 000 euros de dette par actif – plus que le revenu annuel d’un salarié rémunéré au SMIC.
    Les Français le savent, M. Le Maire l’a lui-même répété : une dette doit être remboursée. Il paraît d’ailleurs qu’il s’agit là d’un propos révolutionnaire. (Sourires.) Je reste donc circonspect devant un gouvernement qui annonce vouloir financer la relance, et donc l’augmentation de la dette, par la croissance. Au regard des incertitudes qui pèsent sur nous, j’estime qu’il faut mener, de front, une politique de soutien, de relance, et des économies structurelles.
    Par ailleurs, l’autonomie fiscale des collectivités est mise à mal par ce projet de loi de finances. Le groupe Libertés et territoires considère qu’une reprise durable de la croissance implique avant tout le retour de la confiance, de la part de tous les acteurs économiques : ménages, entreprises et collectivités territoriales. Le plan de relance est-il susceptible de rétablir cette confiance ? La diminution de 10 milliards par an des impôts de production est votre mesure phare ; elle va dans le bon sens. Un bémol cependant : il s’agit non pas d’une mesure de relance, mais d’une mesure de compétitivité.
    En revanche, s’agissant de la compensation aux collectivités territoriales – question centrale pour notre groupe, qui défend leur autonomie fiscale –, nous revivons l’épisode de la suppression de la taxe d’habitation. Le Premier ministre a beau répéter à l’envi le mot « territoires », il s’inscrit dans la lignée de ses prédécesseurs en diminuant un peu plus l’autonomie fiscale de ces collectivités, qui sont pourtant un moteur du développement économique. Le girondin et surtout le tocquevillien que je suis condamne cet affaiblissement continu de la décentralisation. Aujourd’hui, vous financez de plus en plus les collectivités par les dotations d’un État hégélien en situation de faillite, afin de mieux les tenir et les contraindre.
    On ne peut dire aux collectivités d’assumer davantage de responsabilités et de compétences sans leur accorder des recettes fiscales réelles, qui leur garantissent une véritable capacité de décision et, surtout, assurent un lien direct entre le citoyen, électeur et contribuable, et ses élus locaux. Compte tenu de leur rôle d’investisseur public, elles doivent conserver leurs marges de manœuvre fiscales, afin d’adapter leurs mécanismes de soutien à l’économie et de répondre, au plus près, aux besoins de nos concitoyens confrontés à l’aggravation du chômage.
    Notre groupe s’est opposé, comme beaucoup d’autres, à une nouvelle ponction de 100 millions d’euros opérée sur le réseau des chambres de commerce et d’industrie. Je souhaite et j’attends avec impatience que la suppression de ce prélèvement, adoptée en commission à une écrasante majorité, soit confirmée en séance. Monsieur le ministre délégué, la France a besoin de ses corps intermédiaires : arrêtez de les affaiblir ! D’après mon deuxième bureau, d’ailleurs, vous devriez nous proposer un amendement en ce sens, ayant compris qu’il ne fallait pas trop insister. En effet, s’il est une leçon à tirer de la crise des gilets jaunes, puis de la crise sanitaire, c’est bien l’échec de la pratique verticale et monolithique du pouvoir.
    Revenons-en à la baisse des impôts de production, cette fois du point de vue des entreprises. Avec 72 milliards d’euros prélevés en 2018, les impôts et taxes de production pèsent en France le double de la moyenne des pays européens, sept fois plus qu’en Allemagne. Encore une fois, l’objectif de cette baisse est d’améliorer la compétitivité de nos entreprises ; mais en entrant dans les détails, on relève que vous la concentrez sur les grandes entreprises. Ce choix ne manque-t-il pas en partie sa cible, en ne soutenant pas nécessairement les bons secteurs ? Nous craignons en outre que la suppression de la moitié du produit de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et la baisse du plafonnement de la contribution économique territoriale profitent essentiellement aux grands groupes, et fort peu aux PME.
    Si une large part des moyens déployés est consacrée à soutenir les entreprises, notre groupe regrette l’absence d’un volet social plus construit dans le projet de loi de finances pour 2021. Nous saluons, après l’avoir soutenu, le dispositif de chômage partiel, qui a constitué un filet de sécurité nécessaire pour beaucoup de salariés. De même, nous accueillons favorablement les dispositifs visant à accompagner les jeunes vers l’emploi. Toutefois, force est de constater que les titulaires d’emplois précaires, intérim, CDD, dont les contrats n’ont pas été reconduits et qui se sont retrouvés au chômage, alors qu’ils n’avaient pas tous suffisamment cotisé pour bénéficier d’une allocation, sont totalement absents des mesures économiques et sociales prévues par ce texte.
    La crise sanitaire se poursuit et la crise sociale s’accentue. Par conséquent, les départements voient exploser le nombre de demandes visant à obtenir le revenu de solidarité active : à ce jour, l’augmentation est de l’ordre de 7 % pour 2020 et, au dernier pointage, 1,9 million de foyers le perçoivent. Notre groupe demande d’ailleurs que ce chiffre, qui date du mois de mars, soit actualisé rapidement, car l’augmentation prévisible du chômage dans les prochains mois conduira inexorablement à celle du nombre des bénéficiaires du RSA. Les dépenses associées devraient, au-delà d’un certain niveau, relever prioritairement de la solidarité nationale et être prises en charge par l’État.
    Par ailleurs, alors que la crise du covid-19 a paupérisé une partie de la population française, chaque jour plus dépendante des réseaux de solidarité, les associations et les structures d’accueil ne figurent dans ce plan de relance que pour 200 millions d’euros. Pourquoi un tel choix ?
    Les députés du groupe Libertés et territoires ont la conviction que le budget de 2021 doit concilier ambition économique et impératifs écologique et social. Sa dimension environnementale constitue certes un progrès par rapport aux années précédentes, mais je n’irais pas jusqu’à parler de « pas de géant ». L’élargissement du dispositif MaPrimeRénov’ aux propriétaires bailleurs et aux copropriétés, par exemple, répond à une demande de longue date de notre groupe. Toutefois, pour se mettre en mouvement, les acteurs de la rénovation énergétique ont besoin de stabilité et de visibilité, s’agissant de l’ensemble des dispositifs d’aide : ce n’est pas encore le cas, puisque les 2 milliards additionnels ne sont prévus que pour les deux années à venir.
    Quant au volet agricole, il est tout à fait insuffisant. Les situations varient fortement en fonction des terroirs et des filières, mais à l’heure où nos agriculteurs font face à des exigences croissantes en matière de qualité, de respect de la biodiversité et de réduction de leur impact environnemental, il est nécessaire de les soutenir et de les accompagner.
    C’est dans un esprit constructif que nous abordons l’examen de ce budget : l’état du pays le commande. Nous proposerons donc, tant en première qu’en seconde partie, une série d’améliorations visant à combler les nombreux trous dans la raquette. En revanche, vous comprendrez qu’en son état actuel, au regard des critiques que j’ai évoquées et de l’absence de réponse à nos multiples propositions, notre groupe ne pourra pas voter en faveur du projet de loi de finances pour 2021.

    M. le président

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    La parole est à M. Fabien Roussel.

    M. Fabien Roussel

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    J’ai fait un rêve.

    Mme Marie-Christine Dalloz

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    C’est Martin Luther King : « I have a dream » !

    M. Fabien Roussel

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    Pas un cauchemar, un rêve. La crise frappait le monde, notre pays – ça, c’était la réalité. Un gouvernement très libéral avait très mal géré la première vague ; un nouveau gouvernement venait d’être nommé. Et là, coup de tonnerre dans un ciel serein : le nouveau premier ministre prenait les affaires en main, réorientait complètement les centaines de milliards d’euros d’argent public mobilisés face à la crise, appelait à la mobilisation de toute la nation, y compris des plus riches, énonçant une priorité claire : « Ce n’est pas aux Français de payer cette double crise sanitaire et économique : nous serons à leurs côtés. »

    M. Sylvain Maillard

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    C’est ça !

    M. Fabien Roussel

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    Bref, un changement radical ! Dans mon rêve, une chaîne publique d’information rendait compte du discours du ministre de l’économie et des finances – qui n’était pas vous, monsieur Dussopt – sur son plan de relance. Pour la première fois depuis longtemps, je n’entendais à la radio que de bonnes nouvelles. Imaginez le changement : enfin des ondes positives, des raisons d’avoir confiance, de l’espoir ! Enfin, on se sentait protégé pour de bon ! Imaginez, écoutez ce changement de politique qui me réchauffe encore le cœur.
    À l’hôpital, tout d’abord, ce nouveau gouvernement allait enfin créer 10 000 lits, rouvrir les services des urgences fermés au cours des deux dernières années ; il décidait aussi de tripler le nombre de lits de réanimation.

    M. André Chassaigne

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    Quel miracle !

    M. Fabien Roussel

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    Tous les élèves infirmiers de troisième année étaient embauchés, affectés dans les hôpitaux et les EHPAD. Les salaires des personnels de santé augmentaient de 300 euros, comme ils le réclament depuis des années. À la suite de l’adoption, quelques semaines plus tôt, d’une proposition de loi des députés communistes, chaque pharmacie délivrait gratuitement des masques sur présentation de la carte Vitale.

    M. Sylvain Maillard

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    En effet, c’est un rêve !

    M. Fabien Roussel

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    Cerise sur le gâteau, les Parisiens apprenaient la réouverture de l’hôpital d’instruction des armées du Val-de-Grâce, fermé depuis 2016, ce qui permettrait de désengorger les services des urgences d’Île-de-France. Quel soulagement ! Quel changement !

    Mme Marie-Christine Dalloz

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    Il ne faut surtout pas se réveiller !

    M. Fabien Roussel

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    Dans ce rêve, le gouvernement du changement décidait de donner des moyens à l’école, face aux milliers d’élèves déscolarisés depuis mars dernier. Dans chaque département, des bataillons d’hommes et de femmes étaient mobilisés pour renforcer le soutien scolaire et faire respecter les règles sanitaires. Un gouvernement venait enfin de décider de ne laisser aucun enfant en marge du système scolaire.
    Cela allait même plus loin : voilà que les informations annonçaient un revirement total en matière industrielle et de souveraineté. On ne parlait plus de plan de relance, mais de conquête industrielle. Incroyable mais vrai, enfin un gouvernement décidait de mobiliser tous les moyens pour que le pays retrouve pleinement sa souveraineté économique, avec un plan de reconquête industrielle capable non seulement de répondre à nos besoins, mais aussi de préparer l’avenir en préservant la planète et les ressources naturelles ! Des milliers d’emplois allaient être créés. Des bureaux d’embauche et de formation allaient s’ouvrir dans les grandes villes pour répondre aux besoins des services publics, des associations et des entreprises. Chaque jeune, sorti de l’école, allait trouver un travail correctement rémunéré. Quelle rupture avec le monde d’avant !

    M. Alexis Corbière

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    Quelle nuit !

    M. Fabien Roussel

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    Alors que les Français et les salariés avaient peur, jusque-là, de perdre leur emploi, voilà que ce premier ministre de rêve annonçait que personne ne resterait sur le carreau et que la nation tout entière était solidaire, pour de vrai. Écoutez ça : ce gouvernement décidait d’instaurer un système tout à fait révolutionnaire, innovant, garantissant à chacun un emploi ou une formation sans perte de salaire. C’était une première dans toute l’Europe ! Sur la même base que la création de la sécurité sociale en 1945, l’État et les employeurs se mettaient autour de la table et se mobilisaient pour sécuriser les parcours professionnels, depuis l’école jusqu’à la retraite, avec un vrai salaire permettant à chacun de vivre dignement, avec un travail, des périodes de formation ouvrant droit à des qualifications nouvelles dans la même filière ou pas, ouvrant droit, aussi, à la mobilité, mais toujours dans la sécurité.

    M. Sylvain Maillard

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    Il va voter le budget !

    M. Fabien Roussel

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    Parallèlement, l’État revalorisait le SMIC, bien sûr, et réduisait le temps de travail, avec un objectif simple que tout le monde comprend : qu’on travaille moins, qu’on travaille tous, et qu’on travaille mieux. Vous imaginez le changement de société !
    Ce n’est pas fini : dans cette logique de reconquête, l’État décidait aussi de mobiliser les grands groupes dont il est actionnaire, et d’entrer au capital d’autres groupes pour élaborer de nouvelles stratégies visant à relocaliser les productions, à ouvrir des usines et à créer des emplois. Renault, Airbus, Sanofi, Alstom, Air France, Safran et Thales étaient mobilisés, mais aussi Nokia, General Electric et Vallourec. Chez Bridgestone Béthune, l’État empêchait les licenciements annoncés et la fermeture de l’usine. L’État stratège allait enfin mettre fin aux diktats des conseils d’administration qui s’amusent à placer les salariés français en concurrence avec ceux de l’Union européenne. Imaginez le soulagement pour les salariés ! Pour ceux de Béthune, le cauchemar prenait fin. Pour tous ces hommes et ces femmes, finies les angoisses du chômage, des prêts à rembourser, des études des enfants à payer.
    Dans la foulée de ces belles annonces, un pôle public du médicament était créé, avec Sanofi bien sûr, garantissant l’approvisionnement en médicaments et protégeant des sites menacés comme Famar Lyon, Luxfer ou encore le laboratoire LFB.
    Dans ce rêve, les bonnes nouvelles ne s’arrêtaient pas là. Écoutez celle-ci, monsieur le ministre délégué : j’apprends que ce nouveau gouvernement avait enfin décidé de s’attaquer vraiment aux paradis fiscaux, et qu’il venait de nommer Éric Bocquet, sénateur communiste incorruptible devant l’éternel et la finance, nouveau ministre pour la lutte contre l’évasion fiscale. Cette décision inédite dans l’histoire de la Ve République intervenait après un nouveau scandale : un fonds de pension américain, le groupe Apollo, propriétaire de nombreuses entreprises dont le groupe Verallia, producteur de verre, aurait transféré 0,5 milliard d’euros aux îles Caïmans via le Luxembourg fin décembre de l’année dernière. Je vous ai saisi de ce dossier, monsieur le ministre délégué ! Je rappelle que ce groupe a annoncé 198 licenciements, la fermeture d’un four à Cognac et, en même temps, le versement de 100 millions d’euros de dividendes aux actionnaires. Voyez-vous, dans mon rêve, les salariés étaient enfin respectés, et l’État aussi. Enfin, un gouvernement écoutait les salariés et interdisait les plans de sauvegarde de l’emploi ! Désormais, tout transfert de fonds vers les paradis fiscaux était interdit. Quelle rupture avec l’ancien monde !
    Concernant la transition écologique, ce gouvernement de rêve passait enfin aux actes, avec des objectifs clairs et ambitieux, et des dizaines de milliers d’emplois à la clé. Un plan de formation et de recrutement était lancé pour atteindre le bon rythme de rénovation thermique des logements, c’est-à-dire 700 000 logements par an jusqu’en 2040. C’est ça, l’objectif !
    Dans l’énergie, l’eau et le traitement des déchets, l’État reprenait la main, après le camouflet imposé par Engie. S’appuyant sur ses fleurons industriels, il décidait de créer un grand pôle public autour d’Engie, du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives – CEA –, d’EDF et de Suez, plutôt que de laisser ces entreprises passer sous capitaux privés.
    Il s’attaquait aux modes de production pour relocaliser le travail et pour arrêter d’exploiter les hommes et les ressources naturelles. L’agriculture et les modes de transport doux allaient enfin bénéficier d’un vrai soutien. Les transports allaient même devenir gratuits dans les agglomérations !

    M. Sylvain Maillard

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    Oh là là !

    M. Fabien Roussel

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    Pour finir – et c’est là un tournant par rapport à ces dernières années –, l’État allait supprimer toutes les exonérations d’impôts en faveur des plus riches, et mettre enfin ces derniers à contribution, tout simplement. Finis les cadeaux aux premiers de cordée, au 0,1 % des plus riches qui s’étaient enrichis ces derniers mois et ces dernières années. Les gros allaient enfin payer gros, et les petits allaient payer petit !
    Vous imaginez que je n’en croyais pas mes oreilles, au point que je me suis dit : « Ce n’est pas possible, je rêve, c’est le socialisme à la française ! »

    M. André Chassaigne

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    C’est un cauchemar pour certains !

    M. Sylvain Maillard

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    Ce n’est pas faux !

    M. Fabien Roussel

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    Effectivement, je rêvais, mais je tenais, à travers ce rêve, à vous faire part de ce que nous ferions, nous les communistes, dans la situation présente. Il y a urgence à rompre avec vos choix au service de la finance. Non seulement il n’y a ni rupture ni remise en cause dans votre budget, mais au contraire, on y retrouve tous les ingrédients d’une politique toujours davantage au service des plus riches. Pourquoi poursuivez-vous cette trajectoire néfaste de cadeaux faits aux plus riches, aux grandes entreprises, creusant chaque année un peu plus les déficits du budget de l’État ? Que les TPE et les PME soient aidées, que nous financions du chômage partiel, d’accord – et encore, il faudrait en faire plus pour les TPE et PME, les libérer des charges financières et compenser à 100 % leurs pertes de chiffre d’affaires.

    M. André Chassaigne

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    Très juste !

    M. Fabien Roussel

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    Mais pourquoi maintenir tous ces allégements d’impôts pour des multinationales qui ont accumulé tant de richesses ces dernières années ? En plus, vous ne leur demandez rien en retour – zéro ! Vous décidez, encore une fois, de maintenir le cadeau de la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune et le cadeau de la flat tax, et vous refusez de taxer leurs bénéfices à la source pour éviter l’évasion fiscale, comme nous le proposons.
    Cette année, vous poursuivez la baisse du taux d’imposition sur les bénéfices des multinationales et des grandes entreprises ; c’est toujours la même trajectoire ! Et là, vous ajoutez à votre tableau de chasse la baisse des impôts dits de production. Dites la vérité – votre gouvernement nous a envoyé les chiffres ce matin : sur les 10 milliards d’euros de cadeau fiscal supplémentaires par an, 6,6 milliards seront captés par les plus grandes boîtes.

    M. Sylvain Maillard

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    C’est faux !

    M. Fabien Roussel

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    Encore une fois, les petites boîtes, qui devraient être les plus aidées, n’auront que les miettes ! Sans parler des communes et des agglomérations qui perdent ces recettes, et que vous placez encore plus sous tutelle.

    M. Sylvain Maillard

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    Ce sera compensé !

    M. Fabien Roussel

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    Contrairement à vos discours sur l’importance des territoires, vous continuez à les priver d’autonomie. Cette année, en raison de la pandémie, les collectivités – dont les communes – devraient enregistrer des pertes financières de l’ordre de 7,2 milliards, compensées à hauteur de 4,2 milliards seulement. Vous prévoyez de baisser la dotation globale de fonctionnement, en refusant d’y intégrer les effets de l’inflation et de l’augmentation des populations. Notre pays a pourtant un impérieux besoin des communes, premier levier de l’investissement public, pour participer pleinement au plan de relance. Ce n’est pas le moment de leur couper les ailes !
    Enfin, selon de nombreuses associations humanitaires et caritatives, la pandémie a fait basculer 1 million de Françaises et de Français dans la pauvreté. Ces derniers mois, le nombre de bénéficiaires de l’aide alimentaire a augmenté d’environ 30 %, voire de 45 % dans certains départements. Monsieur le ministre délégué, la France est riche, très riche, mais la pauvreté explose, et votre plan de relance n’apporte pas de réponses. Pire, il risque d’aggraver encore les inégalités. Nos concitoyens vivent dans la peur d’un licenciement, ou dans la honte de ne plus pouvoir faire face aux dépenses courantes : 10 millions de Français sont en situation de pauvreté. Ils préfèrent remplir leur frigo plutôt que d’acheter des masques, et ils portent parfois le même masque chirurgical plusieurs jours. Ferons-nous reculer la pandémie ainsi ? Non. Pour cette raison, l’épidémie frappe davantage les quartiers pauvres que les quartiers riches – et ça, ce n’est pas une fatalité, c’est le résultat de choix politiques injustes !
    De plus, en annonçant une hausse de 800 000 chômeurs d’ici à la fin de l’année – comme si c’était signé ! –, vous donnez en quelque sorte un permis de licencier en masse. Je vous assure : c’est le message qui passe ! Comment voulez-vous que des groupes comme Bridgestone l’interprètent, monsieur le ministre ? Ils se lâchent ! Vous pouvez pousser des grands cris d’indignation, dénoncer les actionnaires, dire « c’est inacceptable » à Bridgestone, General Electric, Ford et Verallia, mais vous ne faites peur à personne avec vos mots ; ils se moquent de vous. Si vous n’êtes pas capable d’empêcher les délocalisations annoncées, avec la cohorte de camions qui importeront demain ces mêmes produits dans notre pays, à quoi servez-vous ? À quoi sert votre plan de relance ? J’aimerais tellement que vous annonciez ici, monsieur le ministre, que l’État empêchera la fermeture de Bridgestone Béthune ! C’est une saignée insupportable pour l’emploi, pour le climat, mais aussi pour l’État qui perd des recettes fiscales. Allez-vous prendre en compte ce coût pour la nation ? Cessez de leur donner des milliards d’euros d’argent public, sans exiger la moindre contrepartie ! Cet argent public, c’est l’argent des Français, c’est le nôtre, c’est notre argent ; à nous de dire à quoi il doit servir ! Dans chaque région, il devrait y avoir des comités spéciaux pour bien vérifier son utilisation et s’assurer qu’il sert l’emploi et les services publics, et qu’il répond aux urgences.

    M. Sylvain Maillard

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    Oh là là !

    M. Fabien Roussel

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    D’ailleurs, vous saurez nous dire que c’est notre argent, monsieur le ministre, quand il faudra le rembourser au titre de la dette ! En attendant, non seulement nous n’avons pas la main sur les 570 milliards d’euros d’argent public mis sur la table, mais en plus, nous devrions accepter de voir passer les trains de licenciements. Eh bien non !
    Les Français attendent autre chose de leur gouvernement. Ils veulent des actes, une stratégie, une fermeté de l’État pour reprendre la main sur l’économie. Et ça, ce n’est pas un rêve, c’est un espoir qui se lève !
    Dans sa dernière encyclique, le pape François rappelle avec justesse que « la politique ne doit pas se soumettre à l’économie », mais se fonder sur un amour préférentiel pour les plus faibles. Votre projet de budget suit une pente inverse. Les députés communistes feront tout – tout ! –, pendant ce débat, pour bâtir un budget au service de l’être humain, de nos concitoyens, de la lutte contre la pauvreté et de la transition écologique. Faute d’y parvenir, ils voteront contre votre projet de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, FI et SOC.)

    M. André Chassaigne

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    C’est un discours de classe !

    M. Jean-Paul Dufrègne

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    De classe populaire.

    M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général

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    Presque œcuménique !

    M. Fabien Roussel

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    « Œcommuniste » !

    M. Bruno Le Maire, ministre

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    Il a cité le pape !

    M. le président

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    La parole est à Mme Émilie Cariou.

    Mme Émilie Cariou

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    Nous débutons l’examen du projet de loi de finances pour 2021, projet de loi exceptionnel, conçu dans les circonstances d’urgence sanitaire que nous connaissons depuis maintenant huit mois. Le confinement, prononcé de mars à mai, a eu pour effet de geler notre économie pendant deux mois. Depuis le mois de mai, il semble cependant que le déconfinement n’en finisse pas. Les activités ont repris progressivement mais se sont parfois trouvées de nouveau à l’arrêt, comme les cafés et les restaurants dernièrement. Surtout, le commerce mondial n’a pas retrouvé son niveau d’avant le confinement. Le ralentissement des échanges a des effets très lourds sur les entreprises, lesquelles sont néanmoins affectées de façon différente selon les secteurs d’activité.
    L’État a été au rendez-vous du soutien de l’économie, avec, notamment, la prise en charge des salaires des employés du privé par le mécanisme du chômage partiel. Les reculs d’échéances fiscales, l’émission de prêts bénéficiant de garanties d’État, ainsi que l’accès au fonds de soutien pour les indépendants, ont été autant de mesures d’urgence venant soutenir l’économie et, partiellement, les salaires de nos concitoyens, dans cette période difficile tant sur le plan économique que sanitaire et humain. Nous saluons les mesures d’urgence qui ont été prises. Le groupe Écologie démocratie solidarité a d’ailleurs voté chacune des lois de finances rectificatives afin de permettre le déblocage de ces aides vitales.
    Le budget pour 2021 présente le solde déficitaire le plus important depuis soixante-dix ans : le déficit bondit de 98,1 % à 117, 5 % du PIB – nous en prenons acte.
    Vous prévoyez, monsieur le ministre, un recours massif à l’endettement. Si nous soutenons une mobilisation puissante des ressources publiques, il nous semble que les aides devraient être plus ciblées et que les grandes entreprises et gros patrimoines devraient être davantage mis à contribution.

    M. Fabien Roussel

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    Eh oui, c’est une évidence !

    Mme Émilie Cariou

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    Vous annoncez que le déficit cumulé baissera d’un point et demi dès 2021. Je vous avoue, monsieur le ministre, que je ne comprends pas par quelle magie budgétaire nous retrouverions cette trajectoire, d’autant que vous affaiblissez nos recettes fiscales à venir par une baisse structurelle des impôts de production. Je me pose la question : quelle ressource remplacera dans le budget de l’État la TVA qui viendra compenser les baisses de CVAE pour les collectivités locales ?
    Permettez-moi, en outre, d’exprimer une petite inquiétude sur le plan européen. Notre budget intègre des fonds européens qui ne sont pas encore actés et notre propre plan de relance devra être présenté à la Commission européenne. Pourriez-vous nous dire où en sont les échanges avec cette institution ?
    Sur le remboursement de la dette, il faudrait vous mettre d’accord avec le Premier ministre, monsieur Le Maire. Ce matin sur un grand média, il déclarait que les Français ne paieraient pas la dette, alors que vous affirmez que toute dette se rembourse un jour. Ce qui est certain, c’est que vous avez déjà commencé à mettre à contribution les ménages avec le prolongement de la contribution à la réduction de la dette sociale et les transferts de dette à la caisse d’amortissement de la dette sociale.
    Ce projet de loi de finances est surtout l’occasion d’inscrire des mesures présentées dans le plan de relance du Gouvernement, d’un montant de 100 milliards d’euros.
    Pour la part correspondant aux financements français, vous prévoyez une mesure phare : la baisse de la CVAE et de la CFE, pour un montant total de 10 milliards d’euros par an. C’est le gros effort financier supplémentaire inscrit dans cette loi de finances. Or cette baisse d’impôt de production ne nous semble pas adaptée au défi auquel nous devons faire face : non seulement ce cadeau fiscal manque sa cible mais il irrigue des secteurs qui n’ont pas besoin de ces apports.
    Cette baisse de fiscalité manque partiellement sa cible parce que la CVAE est essentiellement payée par les entreprises de taille intermédiaire et les grandes entreprises. En effet, en dessous de 500 000 euros de chiffre d’affaires, les entreprises n’acquittent pas cette cotisation. Pour la tranche allant de 500 000 euros à 50 millions d’euros, elles bénéficient de la compensation barémique et ne paient qu’un taux progressif de CVAE. Le taux de 1,5 % n’est acquitté que par les entreprises qui réalisent un chiffre d’affaires de plus de 50 millions d’euros : or c’est seulement sur le long terme que celles-ci bénéficieront des effets de ces baisses de fiscalité.
    Les TPE, et les PME sont, quant à elles, les oubliées de ce  plan de relance. Elles n’ont toujours accès qu’à des prêts garantis. Il est pourtant très difficile pour les PME d’envisager de s’endetter davantage alors qu’elles souffrent d’un manque de trésorerie et surtout de perspectives commerciales.
    Détaillons la situation des entreprises face à la CVAE : plus de la moitié des 557 000 entreprises redevables ne contribuent qu’à la cotisation minimum, soit 250 euros. Pour près de 290 000 entreprises, cette mesure ne rapportera donc que 125 euros. C’est bien trop peu pour qu’elle ait l’effet escompté sur la création ou le maintien d’emplois.
    En commission, un amendement du rapporteur général a permis d’augmenter le seuil du taux réduit de l’impôt sur les sociétés, mais cette proposition, qui n’est pas nocive bien évidemment, manque elle aussi sa cible. Elle ne prend pas en compte les TPE et les indépendants et bénéficie aux entreprises qui dégagent des bénéfices, autrement dit celles qui, par définition, s’en sortent mieux ! La seule bonne nouvelle pour ce segment de l’activité économique est le renforcement du fonds de solidarité, qu’il faudra bien évidemment voir inscrit dans ce budget.
    Par ailleurs, ces baisses de fiscalité irriguent des secteurs qui n’en avaient pas besoin, telles les entreprises du secteur financier qui dégagent beaucoup de valeur ajoutée. Or, en cette période de sécheresse budgétaire, il n’est pas nécessaire d’arroser la mer, vous en conviendrez.
    Nous sommes en présence d’un plan de compétitivité de moyen et long terme, demandé de longue date par les organisations patronales, alors que certains segments de notre économie ont besoin d’aides d’urgence, d’autres l’ont souligné avant moi à cette tribune.
    L’autre critique que nous adressons à cette baisse de la CVAE, c’est qu’elle est déployée sans ciblage et sans contreparties pour les entreprises. Pour notre part, nous proposons de l’assortir de plusieurs conditions.
    Il s’agirait, tout d’abord, d’exclure les grandes entreprises réalisant un chiffre d’affaires excédant 1,5 milliard d’euros, à moins qu’elles ne justifient de contreparties environnementales et sociales : publier un rapport intégrant le bilan des émissions de gaz à effet de serre, se doter d’un plan de vigilance, maintenir les emplois sur le territoire français ou publier des indicateurs de performances sociales. Nous détaillerons ces mesures par voie d’amendement.
    Il s’agirait ensuite de taxer une fraction du chiffre d’affaires des plus grandes entreprises, qui serait assujettie à la CVAE, afin de mobiliser les économies ainsi dégagées au profit des PME.
    Nous proposerons également une mesure d’incitation à la relocalisation assise sur le crédit d’impôt recherche. Comme nous l’avons dit en commission, nous ne pouvons plus distribuer des milliards d’argent public à des entreprises qui délocalisent la production industrielle en dehors de France et de l’Europe.

    M. Jean-Paul Dufrègne

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    Eh oui !

    Mme Émilie Cariou

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    Au-delà d’un certain niveau de CIR, il faut conditionner son versement à une stratégie industrielle solide de relocalisation.
    En outre, le groupe EDS souhaite que les aides publiques directes soient conditionnées à des engagements en matière de protection de l’environnement, de protection sociale et de lutte contre l’optimisation fiscale.
    Ce qui nous semble aussi manquer dans ce projet de loi de finances, c’est l’inscription de certaines propositions de la convention citoyenne pour le climat. Le Gouvernement s’était engagé à les reprendre dans leur quasi-totalité : or, à ce jour, aucune d’entre elles n’a été inscrite dans la loi. Nombreuses sont pourtant celles qui pourraient être intégrées dans le PLF. Le groupe EDS entend les reprendre par voie d’amendements : TVA réduite sur les transports de voyageurs, augmentation de la taxation des dividendes distribués par les entreprises, généralisation du forfait mobilité durable, mise en place d’une taxe spéciale sur les assurances automobiles ou taxation de l’essence des avions de loisirs.
    Il nous semble en outre que, dans cette période de crise, nous avons encore plus besoin d’activer la solidarité nationale et de mettre en œuvre des mesures de justice fiscale. C’est pourquoi nous proposons d’accroître l’effort fiscal des plus hauts revenus en augmentant de trois points la flat tax sur les produits financiers.

    M. Jean-Paul Dufrègne

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    Un gros mot.

    Mme Émilie Cariou

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    Par ailleurs, nous souhaitons revoir la fiscalité du patrimoine en intégrant les comptes bancaires dans l’impôt sur la fortune immobilière, l’IFI. Cette mesure permettra de revenir aux origines de la proposition de la campagne présidentielle – souvenez-vous, monsieur le ministre de l’économie, nous avions eu cette discussion dès le début du quinquennat. Soustraire les biens productifs de l’assiette de l’impôt de solidarité sur la fortune ne devait pas conduire à soustraire les liquidités non investies dans des titres et actions de l’impôt sur le patrimoine. Des heures de débat ont été consacrées à cet enjeu et je crois que nous aurons l’occasion d’y revenir, en cette période de crise.
    Nous voulons également faciliter la construction de logements sociaux par une baisse de TVA.
    Face à l’explosion de la pauvreté et du nombre des allocataires du revenu de solidarité active, il convient d’augmenter les dotations aux collectivités chargées de cette prestation.
    Je vous rappelle, mais vous le savez très bien, que les ressources des départements ne sont pas dynamiques. Elles ont dû faire face à toutes les répercussions de la crise sanitaire, qu’il s’agisse des dépenses sociales ou paramédicales ou de celles liées à l’aide sociale à l’enfance, qui ont augmenté, comme me le disait le président du conseil départemental de la Meuse que vous avez rencontré ce matin, monsieur Le Maire. Mais nous reviendrons certainement sur le budget de ces collectivités.
    Enfin, nous proposons d’augmenter le taux de la taxe sur les transactions financières de 0,3 % à 0,5 % et d’augmenter la part de ses recettes affectées à l’aide au développement.
    Vous le voyez, notre groupe est force de proposition. La deuxième partie du PLF sera également l’occasion de déployer des aides – aides aux ménages précaires, aides au logement – car la pauvreté qui se développe dans notre pays appelle une réponse urgente, si on ne veut pas creuser davantage le fossé des inégalités.
    La lutte contre les inégalités doit rester notre objectif premier afin de défendre la démocratie elle-même. (Applaudissements sur les bancs du groupe EDS et sur quelques bancs des groupes GDR, LFI et SOC.)

    M. le président

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    La parole est à M. Alexandre Holroyd.

    M. Alexandre Holroyd

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    Notre pays traverse une crise sans commune mesure dans notre histoire récente : crise sanitaire ayant muté en crise économique, crise économique qui se transforme progressivement en crise sociale. Cette épreuve inédite nous impose une réaction exceptionnelle, une relance puissante. Ce budget dont nous commençons l’examen aujourd’hui en est l’armature.
    Dès les premières heures de la crise sanitaire liée au covid-19, le Gouvernement et le Parlement se sont mobilisés pour aider et accompagner les ménages les plus modestes et les entreprises en difficulté. Nous avons mis en œuvre des moyens importants pour protéger notre économie : 5,8 milliards pour le fonds de solidarité dédié aux TPE et PME, aux indépendants et aux professions libérales ; 6,9 milliards de report de charges sociales et fiscales pour les entreprises ; chômage partiel dont plus de 10 millions de salariés ont pu bénéficier. Au total, ce sont 470 milliards d’euros qui ont été déployés entre mars et juillet pour sauver notre économie et protéger les plus fragiles.
    Il nous faut désormais aller encore plus loin et préparer la France aux défis de demain, qui sont multiples. La reprise de l’épidémie que nous constatons sur l’ensemble du territoire confirme la nécessité de mettre en œuvre une relance forte pour soutenir nos entreprises, préserver nos emplois et investir dans notre avenir. C’est l’objectif de ce budget 2021, inédit par son ampleur puisqu’il représente 100 milliards d’euros, soit un tiers environ du budget annuel de l’État. C’est quatre fois plus que le budget qui a suivi la crise de 2008.
    Ce budget 2021 est un budget de relance organisé autour de trois objectifs stratégiques : accélérer la transition écologique, développer la compétitivité de nos entreprises et renforcer la cohésion sociale et territoriale de notre pays.
    Pour préparer notre pays aux défis climatiques de demain, nous avons besoin de connaître notre point de départ. C’est pourquoi cette année, l’État a présenté son premier budget vert qui recense les dépenses favorables et défavorables à l’environnement. C’est une première mondiale et je suis fier d’appartenir à la majorité présidentielle, qui a œuvré sans relâche pour créer cet outil indispensable.
    Avec ce budget, nous faisons le choix d’investir plus de 30 milliards d’euros qui permettront de décarboner en profondeur notre économie et notre vie quotidienne : ils seront investis pour rénover les bâtiments publics et privés, pour verdir notre industrie, pour réussir la transition de la filière agro-écologique, pour développer la filière de l’hydrogène vert.
    Le deuxième axe structurant de ce budget est le développement de la compétitivité de nos entreprises et l’indépendance de l’appareil productif. Depuis le début de la crise, l’État a fait un choix : protéger les salariés comme les entreprises. Sur les 100 milliards d’euros que représente le plan de relance sur deux ans, 20 milliards seront spécifiquement dédiés à l’allégement des impôts de production payés par les entreprises. L’objectif est clair : relocaliser, dynamiser notre industrie et soutenir les entreprises présentes sur nos territoires.
    Dernier axe structurant de ce budget et non des moindres : protéger nos citoyens qui en ont besoin partout sur le territoire. Le Gouvernement et la majorité sont mobilisés, depuis le début du quinquennat, en faveur du pouvoir d’achat et du soutien aux publics fragiles. Le Gouvernement a donc fait le choix courageux de ne pas financer ce plan de relance par l’impôt, par toujours plus d’impôt. La préservation de l’emploi, notamment l’accompagnement des jeunes, est au cœur de ce plan de relance.
    Ces chiffres, pour les Français qui nous écoutent, ont de quoi donner le vertige. C’est pourquoi je voudrais prendre un instant pour remettre les choses en perspective. Ce budget, c’est avant tout le budget de tous les Français sur l’ensemble du territoire.
    C’est le budget d’Alain et de sa famille qui ont pu bénéficier de la majoration de l’allocation de rentrée scolaire. C’est le budget de Camille à Chemilly qui n’aura plus à payer sa taxe d’habitation chaque année. C’est le budget de Mehdi, patron de PME dans la Loire, qui, grâce à la baisse des impôts de production, pourra conserver ses salariés et embaucher pour continuer de développer son activité. C’est le budget d’Adrien, 24 ans, qui pourra trouver un emploi grâce à la prime de 4 000 euros par an pour les entreprises qui embauchent des jeunes. C’est encore le budget d’Amel, qui pourra engager des travaux de rénovation de son logement grâce à l’élargissement de MaPrimeRénov’.
    Je pourrais continuer encore longtemps comme ça, mais je crois que vous l’aurez compris, mes chers collègues, ce budget 2021 est historique. Nos entreprises, nos concitoyens en ont besoin. J’enjoins donc tous mes collègues ici présents, quels que soient les bancs sur lesquels ils siègent, à le soutenir. Nous avons une responsabilité énorme pour les années à venir et les générations futures : honorons-la. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Véronique Louwagie.

    Mme Véronique Louwagie

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    Nous examinons ce projet de loi de finances pour 2021 dans des circonstances bien particulières. L’épidémie de covid-19 et la crise économique qui en a découlé ont durement éprouvé les Français et font peser une grave menace sur l’avenir de nos entreprises et de leurs salariés.
    La crise bouleverse aussi complètement nos finances publiques, comme les orientations budgétaires du Gouvernement. Après trois lois de finances rectificatives en l’espace de quatre mois, nous attendions ce PLF qui revêt un caractère exceptionnel, puisqu’il intègre enfin un plan de relance absolument indispensable à la reprise et au sauvetage de notre économie.
    Cette crise est d’une ampleur inédite. Elle explique donc le dérapage très violent de nos comptes publics, qui met notre pays dans une situation de surendettement particulièrement inquiétante. Cependant, cette crise n’a fait qu’aggraver une tendance déjà bien présente, qui trouve sa source dans les renoncements permanents de ce gouvernement depuis 2017 et dans son manque chronique de courage politique en période de conjoncture favorable – et les prévisions pour la relance n’ont rien de rassurant.

    M. Sylvain Maillard

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    Oh !

    Mme Véronique Louwagie

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    Ce PLF pour 2021 était tout particulièrement attendu, puisqu’il détaille enfin le plan de relance – un plan de relance que les députés Les Républicains réclamaient depuis juin et qui n’a que trop tardé. Que de temps perdu alors que les plans sociaux se sont multipliés à la sortie de l’été ! Que de temps perdu alors que les députés Les Républicains vous avaient proposé dès le mois de mai d’annuler massivement les charges des TPE et PME et, dès le mois de juin, de voter des incitations à l’embauche des jeunes.
    Chaque semaine, chaque mois qui s’écoulait, c’était du retard pris sur la reprise. Cette relance trop tardive présente des perspectives plus inquiétantes que rassurantes. Cela dit, elle est indispensable et nous ne contestons pas son ampleur.

    M. Sylvain Maillard

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    Ah !

    Mme Véronique Louwagie

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    Dès le début de la crise, nous vous avions d’ailleurs alertés sur l’impératif d’éteindre l’incendie avec une citerne et non pas avec un arrosoir. Si nous avons obtenu un élargissement des aides du fonds de solidarité et un début, trop timide hélas, d’annulations de charges, nous avons aussi toujours réclamé un vrai plan de financement de ces dépenses, au moins à moyen terme.
    Il est très facile de dépenser à tout-va et de faire pleuvoir les milliards quand ils sont financés totalement à crédit : vous donnez ainsi l’illusion que c’est de l’argent magique ! Notre dette, déjà très élevée, s’envole pour atteindre plus de 116 % du PIB en 2021 ! Ce surendettement menace notre souveraineté budgétaire et l’avenir de notre modèle social.
    Cela nous oblige à emprunter encore 260 milliards d’euros sur les marchés cette année. Les chiffres, vertigineux, ont déjà des conséquences et en auront d’autres sur l’avenir. À la fin de l’année 2020, nous aurons 2 800 milliards d’euros de dettes, et chaque enfant qui naîtra trouvera dans son berceau, en guise de cadeau, une dette de 41 800 euros.  Eh oui ! » sur les bancs du groupe LR.)

    M. Charles de Courson

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    C’est malheureusement la vérité !

    Mme Véronique Louwagie

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    Pas un mot sur le financement de ces milliards ! Vous n’en parlez jamais ! Sans plan de financement, vous êtes en train de créer un mur de dettes qui, tôt ou tard, deviendra un mur d’impôts nouveaux. Or nous le répétons mois après mois, année après année, la France croule déjà sous les taxes et les impôts, avec un taux de prélèvements obligatoires de 44,5 % en 2020, ce qui est le niveau le plus élevé d’Europe ! Or une relance financée par la seule dette ne fera qu’aggraver ce phénomène : avec la prolongation de la contribution au remboursement de la dette sociale jusqu’en 2033, les impôts des Français ont déjà commencé à augmenter !
    La reprise de l’économie est pourtant la priorité des priorités. Ce plan de relance est vital, mais il ne doit pas vous décharger de toute responsabilité vis-à-vis des générations présentes et futures.

    M. Dino Cinieri

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    C’est vrai !

    Mme Véronique Louwagie

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    Ce plan de relance et ces dépenses de crise auraient dû s’accompagner de réformes structurelles d’ampleur, dont vous vous exonérez complètement. C’est un manque de responsabilité coupable de votre part.
    J’en viens aux faiblesses de ce PLF pour 2021. Pour sauver notre économie, il faut regarder la réalité en face et faire preuve de lucidité. Or ce texte budgétaire se fonde sur des prévisions pour le moins aléatoires. Vous pariez notamment que la crise sanitaire sera terminée en 2021 : c’est au mieux optimiste, au pire imprudent, lorsque l’on voit l’évolution actuelle de l’épidémie dans notre pays et ceux qui nous entourent.
    Les chiffres donnés par le Gouvernement sont plus optimistes en matière de reprise et de croissance que ceux prévus par l’OCDE ou la Banque de France. Si la crise sanitaire devait perdurer, nous n’aurions plus la moindre marge de manœuvre pour accorder des annulations de charges massives ou pour venir en aide aux entreprises menacées par la crise.
    Ce texte manque également de clarté et de lisibilité : entre les mesures de soutien sectoriel, d’investissement, de fonctionnement, de court et de long terme, il est bien difficile d’y trouver une cohérence d’ensemble ! Tout se mélange pour finir par nous perdre un peu plus. C’est la preuve que le PLF pour 2021 souffre d’une absence de cap et d’objectif clairement défini. Le Gouvernement profite de ce brouillard pour engager des dépenses qui n’ont rien à voir avec la crise actuelle, comme la revalorisation de la prime de rentrée scolaire.
    Nous attendions beaucoup plus du Gouvernement, notamment des réformes de fond. En effet, si la France est frappée si durement, si violemment, par la crise, c’est parce qu’elle était mal préparée, nous ne cessons de le dire.
    Jamais, au cours des deux dernières années, vous n’avez eu le courage de mener des réformes d’avenir.

    M. Sylvain Maillard

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    C’est faux, nous l’avons fait et vous avez voté contre à chaque fois !

    M. Jean-René Cazeneuve

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    La réforme des retraites, par exemple !

    Mme Véronique Louwagie

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    Jamais vous n’avez voulu profiter de la conjoncture favorable pour amorcer un assainissement de nos finances publiques et restaurer nos marges de manœuvres budgétaires. (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.)
    Avant la crise, la France était déjà championne d’Europe des dépenses publiques, à 54 % du PIB. Avant la crise, nous avions déjà un déficit trois fois plus élevé que la moyenne de la zone euro, à 3 % du PIB. Avant la crise, notre dette atteignait déjà les 100 % du PIB.
    Faute d’assainissement des finances publiques et de réformes de fond, il n’est pas étonnant que nous subissions si fortement la crise, et ce texte n’apporte malheureusement aucune des réponses attendues en la matière. La réforme des retraites semble être oubliée, les promesses de campagne se sont envolées, notamment celles relatives à la maîtrise des effectifs de la fonction publique. L’objectif de réduction de 50 000 postes, déjà réduit à 10 500, ne sera même pas tenu. Le Gouvernement ne prévoit que 157 suppressions de postes pour l’année 2021 – nous pourrions presque indiquer lesquels dans le cadre de ce PLF ! Où est le courage ? Ou sont passées vos promesses ?
    Le chiffre de 100 milliards d’euros matraqué à tout-va par le Gouvernement ressemble plus à un argumentaire de communication qu’à un projet d’avenir. En décortiquant ce chiffre, on s’aperçoit que 15 milliards d’euros ont déjà été votés dans le troisième projet de loi de finances rectificative ; que sur les 100 milliards d’euros invoqués par le Gouvernement, seuls 36 milliards d’euros figurent effectivement dans le texte budgétaire, au sein d’une mission spécifique ; enfin, que seuls 42 milliards d’euros seront effectivement dépensés d’ici à la fin de l’année 2021.
    Tout cela ne vaut d’ailleurs que si cet argent est effectivement dépensé, et rien n’est moins sûr compte tenu de la complexité de ce plan de relance – sans parler du centralisme qui le caractérise, avec même la mise en place de sous-préfets à la relance, alors que vous promettiez de faire confiance aux territoires.  Eh oui ! sur les bancs du groupe LR.) Rien ne nous assure donc du caractère réellement opérationnel des mesures annoncées.
    Pour ce qui est des 37 milliards d’euros financés par l’Europe, une fois encore, il ne s’agit pas d’argent magique. Cela se traduit déjà par une augmentation de 5 milliards d’euros du prélèvement européen pour 2021, et ce n’est qu’un début.
    Enfin, certaines mesures de ce PLF sont particulièrement déconnectées de la crise économique que traversent de très nombreux secteurs. Une fois de plus, le Gouvernement semble vouloir sacrifier le secteur automobile, pourtant essentiel, par des mesures d’écologie punitive, notamment par le renforcement du malus automobile combattu par les députés Les Républicains.
    L’abaissement des seuils de déclenchement de CO2 par kilomètre a plusieurs conséquences. La première est une augmentation d’impôt très importante, alors que le Gouvernement nous expliquait hier encore qu’il n’y en aurait pas. En réalité, l’application du malus va se traduire par 1 milliard d’euros de prélèvements supplémentaires entre 2019 et 2022 : ils vont ainsi passer de 490 millions d’euros à 1,58 milliard d’euros.
    La seconde conséquence, c’est que les territoires ruraux seront les premiers touchés par cette nouvelle fiscalité, car il n’y a pas de transports en commun dans nos territoires et la voiture est souvent le seul moyen de locomotion possible.
    La troisième conséquence est que vous allez priver certaines personnes de la possibilité d’acheter une voiture neuve, ce qui est profondément injuste. Le malus automobile s’applique à plusieurs modèles parmi les dix voitures les plus vendues en France, et des voitures familiales seront touchées par ces augmentations : ainsi, le malus passera de 1 504 à 2 544 euros pour l’achat d’une Peugeot 3008 PureTech, et de 260 à 540 euros pour une Dacia Sandero TCe 90 – une véritable fiscalité punitive.
    J’en viens maintenant à un autre sujet, celui de la coupe dans le budget des chambres de commerce et d’industrie. Les députés Les Républicains se félicitent de l’adoption de leur amendement, et des amendements défendus par d’autres groupes, visant à stabiliser les ressources des CCI pour 2021 : c’est probablement cet amendement qui a conduit le Gouvernement à renoncer à trouver un accord avec elles.
    En conclusion, ce PLF pour 2021 n’est pas convaincant. C’est regrettable, car il reprend plusieurs des propositions des députés du groupe Les Républicains, notamment la baisse des impôts de production que nous réclamons chaque année depuis septembre 2017. Cependant, nous ne pouvons pas voter un budget aussi confus et irresponsable. À dix-huit mois des élections présidentielles, vous cédez à la démagogie et à la facilité en promettant des milliards, sans jamais nous dire quand et comment ils seront financés. Vous renoncez à toute réforme structurelle. Vous nous exposez à une très grande vulnérabilité, si la crise devait durer, et vous persistez dans des choix dogmatiques et une fiscalité punitive.

    M. Sylvain Maillard

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    C’est le pompier qui compte ses seaux d’eau !

    Mme Véronique Louwagie

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    Non, le compte n’y est pas et les députés Les Républicains ne pourront pas voter un budget de cette nature ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Paul Mattei.

    M. Jean-Paul Mattei

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    Dans le cadre de ce projet de loi de finances pour 2021, nous allons examiner le plan de relance visant à préserver et renforcer le tissu entrepreneurial français. La situation des entreprises s’est fortement détériorée, avec une perte de revenus estimée à 54 milliards d’euros entre mi-mars et mi-juillet. Beaucoup d’entre elles ont été mises entre parenthèses avec le confinement, et le sont restées.
    Le Gouvernement a réagi en proposant des aides indispensables au sauvetage de l’activité et de l’emploi, étendues lors des trois lois de finances rectificatives de 2020 : chômage partiel, report voire annulation des échéances fiscales et sociales, PGE et fonds de solidarité.
    Ces mesures, qui seront ajustées en fonction de l’évolution sanitaire, notamment dans le cadre de la quatrième loi de finances rectificative à venir, ont permis de maintenir globalement le pouvoir d’achat de nos concitoyens, ce qu’il convient de saluer. Cependant, les entreprises ont subi un double choc : l’un porté à leur bilan, avec un endettement accru – lié pour certaines à la souscription du PGE, quand d’autres dégradaient leurs fonds propres pour amortir la crise –, l’autre lié à une perte de chiffre total, sans visibilité de rebond à court et moyen terme.
    Si le risque premier de crise des liquidités est écarté, subsiste le risque de solvabilité, qui tient notamment aux dettes accumulées depuis le début de la crise, à la dégradation des comptes d’exploitation et à la reprise moins dynamique, voire nulle, dans certains secteurs. Ce risque de solvabilité est un des premiers freins à la reprise de l’économie française.
    Afin d’y remédier, le plan de relance propose de nombreuses mesures de renforcement de la compétitivité de nos entreprises, en les aidant à passer le cap de la crise actuelle et en les accompagnant pour préparer l’avenir. Je citerai la baisse de 10 milliards d’euros des impôts de production, dont certains secteurs ont un besoin vital pour rester compétitifs face à leurs concurrents européens, mais aussi les plans de soutien à l’export et les investissements en matière de souveraineté technologique.
    Le renforcement des fonds propres des TPE, PME et ETI françaises est également prévu. Une enveloppe de 3 milliards d’euros de fonds publics, susceptibles d’entraîner une mobilisation de 15 à 20 milliards d’euros de fonds propres, sera déployée au travers de deux grandes mesures : d’une part, la création d’un label « France Relance » pour mieux valoriser les véhicules d’investissement favorisant le capital d’entreprises implantées en France – je serai très attentif sur les outils qui seront mis en place à ce titre ; d’autre part, l’octroi de prêts participatifs par le réseau bancaire aux entreprises viables à moyen terme, mais fragilisées par la crise.
    Ces mesures pourraient être utilement complétées par des dispositions que le groupe Mouvement démocrate et démocrates apparentés vous proposera d’adopter en vue d’accompagner la transformation de l’économie.
    Premièrement, il nous semble indispensable, pour renforcer le bilan des entreprises, d’élargir encore le dispositif exceptionnel d’abandon de créances que nous avons fait adopter au printemps dernier. Plusieurs amendements de mon collègue Jean-Noël Barrot vont en ce sens.
    La possibilité de transformer une entreprise individuelle, quelle qu’en soit la forme, en société, afin de permettre l’apport de capitaux externes, apparaît plus importante encore aujourd’hui qu’hier : je souhaite que nous engagions une réflexion à ce sujet. Il nous paraît aussi capital de soutenir la transition des entreprises qui, pour s’adapter à la nouvelle conjoncture, changent en partie ou complètement d’activité. En l’état du droit fiscal, ces opérations ne sont pas totalement sécurisées : il faudrait les améliorer tout en les encadrant. Nous voulons vraiment débattre avec le Gouvernement et avec vous, mes chers collègues, d’une adaptation, même temporaire, de ce cadre fiscal. Il en va de même de la solidarité intergénérationnelle ou de la nécessaire transformation du bâti pour améliorer l’offre de logements de qualité accessibles à toutes et à tous, ce qui suppose un meilleur traitement fiscal de l’immobilier.
    Je sais, monsieur le ministre, que, si le moment n’est pas venu de parler d’augmentation d’impôts, nous pouvons d’ores et déjà envisager pour l’avenir une remise à plat de notre fiscalité visant à ce que les revenus du travail soient mieux traités – certains de nos amendements, de mes amendements, ont pour objet de poser la question d’une vraie réforme fiscale, plus juste sans être confiscatoire.
    Nous soutiendrons donc toute mesure qui permettra aux entreprises, aux salariés et aux familles de sortir de cette crise renforcés.
    Nous nous engageons avec responsabilité dans ce débat budgétaire : nous voterons ce PLF pour 2021, car nous sommes dans la majorité, mais nous comptons bien assumer notre rôle de parlementaires en faisant bouger quelques lignes. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Christine Pires Beaune.

    Mme Christine Pires Beaune

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    Le projet de loi de finances pour 2021 revêt une portée toute particulière : il est celui qui rendra effectives les promesses de crédits contenues dans le plan de relance du Gouvernement, dans le contexte d’une crise sanitaire qui malheureusement s’éternise. Nous devons tout faire pour qu’à la crise sanitaire et économique due au covid-19 ne vienne pas se greffer une crise sociale. Les attentes sont fortes et votre responsabilité est grande.
    Pourtant, derrière l’affichage et le montant record de ce plan de relance, se cache une réalité bien plus inquiétante. D’abord, les 100 milliards d’euros de crédits seront non pas injectés en 2021 mais déployés sur deux ans. Le projet de loi de finances prévoit ainsi à ce titre la mise en œuvre de seulement 35 milliards d’euros en 2021. Il en va de même de la mesure phare du plan, à savoir la diminution des impôts de production. Cette réalité atténue quelque peu, convenez-en, la portée et la vigueur de la relance.
    Ensuite, ce choix relève moins de la recherche de la pertinence et de l’efficacité économiques que d’un aveuglement dogmatique. En effet, l’indice de compétitivité du Forum de Davos, auquel M. Le Maire est très sensible, démontre qu’il n’existe pas de corrélation claire entre le niveau des impôts de production et la compétitivité. À titre d’exemple, ces pays voisins que sont les Pays-Bas et le Danemark, où le niveau des taxes est plus élevé que dans le nôtre, demeurent bien plus compétitifs.
    Oui, cette réforme des impôts de production relève bien d’un aveuglement dogmatique parce qu’elle est le cheval de Troie néolibéral du plan de relance. Elle constitue moins une mesure conjoncturelle visant à redynamiser rapidement l’économie qu’une vieille lubie du Gouvernement, évoquée dès 2018. Le 8 janvier dernier, avant même le début de la crise sanitaire, le ministre de l’économie annonçait déjà cette baisse pour le début de l’année 2021.

    Mme Émilie Cariou

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    C’est vrai.

    Mme Christine Pires Beaune

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    Si le président du MEDEF s’inquiétait alors de l’emploi du conditionnel, il est désormais rassuré : « C’est ce qu’on avait demandé », s’exclamait-il après la présentation du plan de relance. Profitant de la crise, ce projet de loi de finances est donc un cadeau fait au patronat avec un peu de retard.
    C’est le même dogmatisme qui préside à votre refus d’assortir les aides de conditions sociales et écologiques. Cela paraît pourtant nécessaire à l’heure où il convient d’accentuer la transition écologique, d’autant que les secteurs qui bénéficieront les premiers de la diminution des impôts de production sont parmi les plus polluants. Réaliste, le groupe Socialistes et apparentés proposera d’introduire de telles conditions par voie d’amendements.
    C’est encore le même dogmatisme qui vous conduit à ne pas cibler les baisses d’impôts sur les TPE et les PME alors qu’elles emploient une grande partie des salariés de notre pays ; c’est toujours le même dogmatisme qui préside au caractère totalement déséquilibré de ce projet de loi de finances, quasi exclusivement tourné vers le soutien à l’offre. La faiblesse des crédits alloués aux ménages et aux plus fragiles risque fortement de compromettre la reprise. Vous avez choisi de tourner le dos aux préconisations de l’INSEE et de la Banque de France en présentant ce qui s’apparente davantage à un plan d’investissement qu’à un plan de relance. En effet, les mesures mises en œuvre ne porteront leurs fruits qu’à moyen terme, alors que l’urgence de la situation appelle un soutien immédiat et vigoureux.
    C’est enfin le même dogmatisme qui vous pousse à financer ces baisses d’impôts par la suppression de recettes fiscales qui abondent les caisses des collectivités territoriales. Certes, ces pertes seront compensées mais les collectivités perdent une fois de plus de leur pouvoir fiscal, ce qui les éloignera des citoyens et érodera un peu plus le consentement à l’impôt. Les finances locales ne sauraient constituer la variable d’ajustement du budget de l’État. Ce projet de loi de finances opère un mouvement de recentralisation sans précédent, dans la droite ligne des orientations prises depuis 2017.
    Comment ne pas s’étonner pour finir, de l’absence de financement de ces crédits par des recettes nouvelles ? Vous faites le pari du financement par la dette, alors que vous ignorez totalement ce que seront les conditions de marché dans les mois et les années à venir : vous naviguez à vue. Pourtant, la crise sanitaire constituait l’occasion rêvée de revenir sur vos errements passés. L’INSEE a confirmé le mois dernier que la suppression de l’ISF et le bouclier fiscal protégeant les revenus du capital avaient fortement aggravé les inégalités dans notre pays. Les voilà les sources de financement ! Les besoins exceptionnels appellent plus que jamais des contributions exceptionnelles, comme une réforme de l’impôt sur les successions ou l’instauration d’une taxe sur les plus hauts revenus.
    Le 4 octobre dernier, dans sa dernière encyclique, le pape François appelait à mettre fin « à ce dogme de la foi néolibérale […] recourant à la notion magique de ruissellement […] comme seul moyen de résoudre les problèmes sociaux. » Puissiez-vous l’entendre et mettre fin à cette politique en faveur de la minorité qui capte la très grande majorité des richesses produites. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Patricia Lemoine.

    Mme Patricia Lemoine

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    Plusieurs des dispositions de cette première partie du projet de loi de finances, que nous examinerons cette semaine, auront un impact certain sur les finances des collectivités territoriales. La mesure phare est évidemment la baisse de 10 milliards d’euros des impôts de production. Nous nous réjouissons de cette mesure qui redonnera de la compétitivité à nos entreprises, la baisse de la CVAE représentant pour elles un allégement fiscal de plus de 7 milliards d’euros. Elle est complétée par la modification de la méthode d’évaluation des locaux industriels, qui permettra de réduire de 1,75 milliard d’euros le poids de la TFPB sur les établissements industriels et de 1,54 milliard d’euros celui de la CFE.
    Si cette baisse massive des impôts de production est une très bonne nouvelle pour les entreprises, elle pose nécessairement la question de sa compensation aux collectivités territoriales. Sur ce point, le projet de loi de finances pour 2021 nous rassure en prévoyant une compensation dynamique, ce qui était une demande des régions et du bloc communal. Sur la méthode, je rejoins toutefois ma collègue Lise Magnier : la conclusion d’un pacte avec les régions, avant même que nous n’ayons examiné et adopté l’article 3 en séance, n’est pas un bon signal envoyé aux parlementaires. En tout état de cause, notre groupe constituera une force de proposition pour apporter quelques améliorations au dispositif déjà satisfaisant qui nous est proposé.
    La proposition de baisse des impôts de production comme la réforme de la taxation de l’électricité proposée à l’article 12 doivent nous interroger sur la pertinence de notre modèle de finances publiques locales. Ces réformes nécessaires précipitent la fin du dispositif de financement des collectivités territoriales échafaudé depuis de longues années. La rationalisation des taxes locales ou leur baisse compensée par un prélèvement sur les recettes de l’État font perdre aux collectivités leur pouvoir de moduler les taux. Il est donc nécessaire de réfléchir au plus vite à un modèle qui combine autonomie financière des collectivités territoriales et efficacité fiscale. C’est toute la question du lien entre le citoyen et l’élu local qui doit être examinée sous un jour nouveau. À ce titre, le rapport de Jean-René Cazeneuve sur l’« évaluation de l’impact du Covid 19 sur les finances locales » explore quelques pistes de réflexion qui méritent d’être approfondies.
    Nous le savons en effet, le rôle des collectivités locales sera plus que jamais central, en premier lieu pour  soutenir les plus fragiles et les plus démunis, fortement fragilisés par la crise sanitaire et économique. À n’en pas douter, les CCAS – centres communaux d’action sociale – de nos communes seront fortement sollicités en cette année 2021. En second lieu, la réussite de la relance passera nécessairement par les collectivités. Si le groupe Agir ensemble s’inscrit totalement dans la politique conduite par le Premier ministre au plus près des territoires, les collectivités auront besoin de moyens pour la mener à bien. Nous leur avons envoyé un excellent signal en votant plus de 5 milliards d’euros de soutien dans le cadre de la troisième loi de finances rectificative.
    Par ailleurs, les dispositifs existants peuvent tout à fait être adaptés à leurs attentes. Nous soutiendrons notamment un amendement tendant à permettre à toutes les collectivités de bénéficier du remboursement de TVA via le FCTVA en année n+l, ce qui n’est pas le cas actuellement. Ces adaptations de mécanismes qui ont fait leur preuve sont des outils simples et efficaces, d’autant plus que, contrairement à ce qui s’est passé lors de la crise de 2009, elles n’ont aucune difficulté pour recourir à l’emprunt.
    Toutefois, il nous paraît important d’appeler votre attention sur les grandes difficultés que rencontreront immanquablement un certain nombre de collectivités, en particulier celles dont les recettes de fonctionnement sont issues principalement de l’activité touristique. Elles devront pouvoir bénéficier de dispositifs d’accompagnement pour équilibrer leur budget de fonctionnement : nous aurons l’occasion d’y revenir au cours de nos prochaines discussions.
    De la même façon, les agences de l’eau jouent un rôle majeur dans les territoires. À l’heure où l’actualité nous rappelle les drames humains que provoquent des catastrophes naturelles de plus en plus récurrentes, nous devons accompagner ces acteurs indispensables de nos territoires. Il nous faudra par ailleurs nous armer d’une véritable politique de prévention des catastrophes naturelles, qui passera par la pérennisation d’un fonds dédié.
    Voilà autant d’enjeux pour lesquels nous serons à vos côtés, monsieur le ministre délégué, tout au long de l’examen de ce texte pour apporter une contribution positive à la coconstruction de ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I et sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Mathilde Panot.

    Mme Mathilde Panot

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    C’est avec tristesse que nous sommes aujourd’hui réunis en ta mémoire. Nous sommes tous ici pour te rendre un dernier hommage. Tu es partie bien trop tôt, bien trop vite, chère convention citoyenne pour le climat.
    Je me rappelle les moments heureux, quand tu provoquais un élan d’enthousiasme, quand le Président de la République parlait de toi comme d’une « expérience humaine unique au monde ». Je me souviens qu’en juin il t’avait dit : « Je veux que toutes vos propositions soient mises en œuvre au plus vite. » Tu en étais si fière, et nous en étions heureux avec toi.
    Mais très vite nous avons compris que si, pour beaucoup, tu étais la promesse d’un espoir, pour d’autres tu n’étais qu’un faire-valoir. Je veux d’abord parler à ceux qui t’appréciaient et saluer tes auteurs, les 150 citoyens tirés au sort  qui ont accepté de jouer le jeu et qui ont cru de bonne foi à la promesse du Président de la République de reprendre tes 149 propositions « sans filtre ». Pourtant, à peine celles-ci formulées, le Président de la République t’en avait retiré trois. C’est à ce moment-là que tu as commencé à décliner.
    Le Président de la République refusait ta proposition de taxer les dividendes à hauteur de 4 %. Selon lui, cette mesure pouvait « décourager l’investissement ». Tu étais lucide. Tu savais bien, toi, que les actionnaires de Total, qui ont reçu 1,8 milliard de dividendes, ou ceux des banques n’ont qu’une seule obsession : se gaver. Mais, hélas, ton idée aurait ruiné tous les efforts du Président de la République. La distribution de dividendes a bondi de 62 % de 2017 à 2018. Les ultra-riches de notre pays ont perçu le quart de cette montagne d’argent et, pendant ce temps, 1 million de personnes basculent dans la pauvreté. Ce budget n’a que faire de cette crise sociale terrible, inédite depuis la seconde guerre mondiale. Les uns crèvent, pendant que les autres croulent sous les billets verts. Le Président est parvenu à ses fins.
    Je garde aussi en mémoire ta proposition de moratoire sur la 5G. Tu t’interrogeais sur les enjeux sanitaires, démocratiques et écologiques de cette technologie. Tu posais cette question cruciale : « Avons-nous besoin de la 5G ? ». Mais le Gouvernement ne t’a pas écoutée. Il t’a traitée d’Amish qui s’éclaire à la lampe à huile, avant de lancer les enchères.
    Tu laisseras derrière toi un grand vide. J’ai une pensée émue pour la baisse de la TVA sur les transports en commun, le moratoire sur les zones commerciales, les conditionnalités écologiques des aides aux grandes entreprises ou le malus sur les véhicules les plus polluants. Tu te disais qu’avec les multinationales et les grandes entreprises polluantes, il n’était plus possible de se limiter à l’incitation. Tu voulais un investissement massif dans le ferroviaire, une taxe sur les engrais chimiques qui nous empoisonnent et une régulation de la publicité, mais la majorité en a fait le deuil.
    Le comble, c’est que c’est la ministre de la transition écologique qui t’a donné le coup de grâce. Tes mesures écologiques, c’était « Ciao, bye bye ! ». On s’en doutait déjà avec le vote pour l’empoisonnement généralisé causé par les néonicotinoïdes. Tu disais dans ta dernière lettre que tu avais pris conscience de l’urgence écologique, que la terre peut vivre sans nous, mais que nous ne pouvons pas vivre sans elle. Pour la ministre, il faut remettre l’urgence climatique à plus tard, même si « plus tard », c’est déjà trop tard.
    Les effectifs du ministère de la transition écologique parlent d’eux-mêmes, avec 8 200 postes supprimés depuis 2017 et encore 1 000 postes en moins pour l’année à venir dans ce budget. C’est logique : une fois qu’ils t’ont enterrée, ils n’ont plus besoin de fonctionnaires pour mettre en œuvre tes mesures.
    La vérité, convention citoyenne pour le climat, c’est qu’ils n’aiment pas la démocratie : même après t’avoir encensée, ils n’ont pas voulu t’écouter. Ce budget est une cérémonie d’enterrement – une de plus. Ils veulent garder intact le monde d’avant, conserver le train de vie des riches qui détruisent la planète et relancer la machine à produire du malheur en masse.
    Collègues, épargnez-nous une bonne fois pour toutes vos jérémiades quand on parle d’Emmanuel Macron comme du président des riches ! Vous ne dupez plus personne. Il vous reste à comprendre une chose : une politique écologique sans justice sociale n’existe pas. Voilà ce qu’un projet de loi de finances digne de ce nom aurait exigé : organiser collectivement la planification écologique, bâtir des causes communes fédérant le peuple, comme l’eau, l’air, la terre ou la santé et, une bonne fois pour toutes, partager les richesses.
    Je voulais terminer ton oraison funèbre par cette phrase d’Almeida Garret : « Je demande aux économistes politiques, aux moralistes : avez-vous déjà calculé le nombre d’individus qu’il est nécessaire de condamner à la misère, à un travail disproportionné, à la pénurie absolue, pour produire un riche ? »
    Repose en paix, chère convention citoyenne pour le climat. Nous ne t’oublierons pas ! L’histoire, quant à elle, monsieur le ministre délégué, retiendra votre insulte à la démocratie. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)

    M. le président

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    La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

    2. Ordre du jour de la prochaine séance

    M. le président

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    Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
    Suite de la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 2021.
    La séance est levée.

    (La séance est levée à vingt heures cinq.)

    Le Directeur du service du compte rendu de la séance
    de l’Assemblée nationale
    Serge Ezdra